Pie XII 1952 - CHAPITRE V


CHAPITRE VI

Collège Pontifical des prêtres au service des émigrants italiens

51. — Nous reconnaissons et approuvons Notre Collège de prêtres, établi pour les Italiens émigrant à l'étranger162.

52. — § 1. Nous voulons que ce même Collège demeure sous la dépendance de la Sacrée Congrégation Consistoriale, la juridiction du cardinal Vicaire de Rome étant toutefois maintenue.

§ 2. Il appartiendra à la Sacrée Congrégation Consistoriale elle-même :

i° De diriger le collège, de veiller sur lui, soit pour ce qui regarde l'observance de la discipline, soit pour ce qui concerne le patrimoine et l'administration des biens temporels ;

20 De lui donner des lois et règlements ;

30 De choisir le recteur et les titulaires des autres charges.



101 Lettre, 22 février 1915, de la Sacrée Congrégation Consistoriale aux Ordinaires de l'Amérique.

102 Bx Pie X, Motu proprio, tarn Pridem, 19 mars 1914, A. A, S., 6, 1914, p. 173, s"* les Italiens émigrant à l'étranger ; Sacrée Congrégation Consistoriale, De Pontifias Collegio Sacerdotum pro Italis ad externa emigrantibus. Notificarlo, Sacerdotum Collegium, 26 mai 1921, A. A. S., 13, 1921, p. 309.

«exsul familia »



401



53. — Comme le but spécial du Collège, à savoir la préparation de jeunes prêtres italiens du clergé séculier en vue de l'instruction et de l'aide morale et religieuse à donner aux émi-grants italiens en pays étrangers 163, cadre en tous points avec celui de la Pieuse Société des Missionnaires de Saint-Charles, pour les émigrants italiens, Nous permettons que le recteur et les autres directeurs, ainsi que les professeurs, soient choisis parmi les prêtres de cette pieuse Société, à laquelle, selon Notre bon plaisir, Nous confions volontiers le Collège lui-même, sous réserve de ce qui a été établi dans le numéro précédent et qui demeure en vigueur.

34. — Nous ordonnons, en outre, qu'à l'avenir on ne devra confier la charge spirituelle des Italiens émigrants à aucun prêtre qui, pendant le temps régulier, n'aura pas été convenablement formé dans ce Collège et n'aura pas été reconnu être à la hauteur d'une telle charge par ses qualités de coeur et d'esprit, par sa doctrine, par son don oratoire, par un bon état de santé et par d'autres qualités.

53. — Que les évêques, en particulier ceux des diocèses d'où proviennent le plus d'émigrants, se souviennent qu'ils accompliront une chose très profitable à la religion et qui Nous sera très agréable si volontiers ils envoient au Collège pontifical de jeunes prêtres remarquables par leur vertu et par leur zèle des âmes, et qui désirent se consacrer tout entiers aux oeuvres pour les émigrants.

56. — Enfin, dans les autres lieux ou pays d'émigration hors de l'Italie, dans lesquels peut-être l'assistance spirituelle suffisante aux émigrants catholiques du pays fait défaut, les Ordinaires pourront sans nul doute pourvoir utilement à cette assistance si, tenant compte, bien entendu, des circonstances particulières de lieu et de situation, ils suivent soigneusement la façon d'agir indiquée pour les émigrants italiens, comme elle a été clairement publiée dans les Actes des Pontifes romains et présentement approuvée par Nous-même.

Après avoir sérieusement examiné la question, poussé par les exemples de Nos Prédécesseurs et ayant entendu l'avis de Notre Vénérable Frère Adéodat, cardinal Fiazza, de la Sainte Eglise

Romaine, évêque de Sabine et de Poggio Mirteto, secrétaire de la Sacrée Congrégation Consistoriale, Nous établissons et prescrivons toutes les choses ci-dessus indiquées. Nous décidons qu'on ne pourra attaquer la présente Lettre ni ce qu'elle contient, soit parce que ceux ayant quelque droit ou intérêt, ou prétendant en avoir, n'ont pas donné d'une façon ou d'une autre leur accord, n'ayant pas été cités ou entendus, soit pour n'importe quel autre motif. Nous décrétons que la présente Lettre ait et conserve toujours sa force, sa valeur et son efficacité ; qu'elle produise et obtienne pleinement et entièrement ses effets ; que ceux qu'elle concerne, ou pourra concerner, en bénéficient maintenant et l'observent scrupuleusement pour ce qui les regarde. Nous déclarons nulle et sans effet toute mesure contraire, quel que soit celui qui oserait la prendre, soit sciemment soit par ignorance, et quelle que soit son autorité.

Nonobstant, pour autant que cette clause est nécessaire, toutes Constitutions et Ordonnances apostoliques contraires, édictées par les Pontifes romains Nos Prédécesseurs, comme ci-dessus ; nonobstant aussi tous les Actes contraires, même ceux dignes d'une mention et dérogation propres et très spéciales.

Qu'il ne soit donc permis à nulle personne au monde d'enfreindre ce texte exprimant ce que Nous établissons, organisons, abrogeons, ordonnons, réunissons, conseillons, interdisons, commandons et voulons, ou d'oser témérairement y contredire. Si quelqu'un avait la témérité d'oser le faire, qu'il sache qu'il encourra l'indignation du Dieu tout-puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul.









ALLOCUTION AUX ÉLÈVES DE L'ÉCOLE DES POMPIERS DE ROME

(3 août 1952) 1


A l'audience du dimanche 3 août 1952, se trouvaient sept cents élevés de l'Ecole Centrale contre l'incendie, de Rome, avec leur commandant et leur aumônier. Le Saint-Père leur adressa quelques paroles d'exhortation :

C'est de grand coeur que Nous vous saluons, chers fils, élèves de l'Ecole Centrale des Pompiers.

Vous savez que votre profession exige une profonde et large préparation pour pouvoir prévenir et éteindre le feu, pour connaître les méthodes de sauvetage et de soins. Elle présuppose aussi des qualités personnelles toutes spéciales : on a besoin d'hommes forts, aux nerfs solides ; de bons gymnastes, qui maintiennent leur corps dans une sévère discipline ; d'hommes tels que, même dans des exercices physiques et militaires hardis, l'on puisse avoir confiance en eux ; d'hommes doués d'un regard lucide, de présence d'esprit, de promptitude d'action ; d'hommes pleins de courage et prêts aux actes les plus audacieux.

Tout cela, Nous vous le souhaitons, et Nous espérons en l'issue heureuse de vos futures épreuves.

Mais, si Nous devons aussi vous donner un enseignement pour votre vie, Nous voudrions vous recommander spécialement deux points :

— Donnez à votre service un sens social. Il le comporte par lui-même comme peu d'autres professions. Il vous oblige à secourir les personnes en danger, à sauver de la destruction violente du feu les personnes, leurs maisons, leurs biens. Il importe donc que vous vous laissiez guider dans votre travail par ce sens et par cet idéal : aide du prochain, surtout par

amour du Christ.

2o — Ces derniers mots expriment déjà Notre seconde recommandation : Soyez des hommes religieux ! Votre profession est de celles dont l'exercice comporte, sinon toujours, fréquemment du moins, de graves périls. Croyez donc en Dieu et confiez-vous en Lui. Marchez en sa divine présence et n'oubliez pas de prier chaque jour.

La Providence et la grâce divine fassent de vous de vrais chrétiens en même temps que des pompiers capables, sur qui l'Etat, la cité et le peuple puissent compter !

ALLOCUTION AUX MISSIONNAIRES DE L'ÉMIGRATION

(6 août 1952) 1


Recevant en audience à Castel-Gandolfo un groupe de prêtres missionnaires de l'Emigration et aussi des aumôniers de bord qui avaient fait une retraite à Notre-Dame de Pompéi, Pie XII leur dit :

Nous vous souhaitons de grand coeur la bienvenue, chers fils, et Nous sommes heureux de vous adresser des paroles d'éloge et de gratitude pour votre oeuvre pastorale, en vous encourageant à persévérer dans celle-ci avec la patience et la générosité que réclame tout apostolat, mais spécialement le vôtre.

Votre oeuvre s'occupe des émigrants italiens en Europe, dont l'assistance spirituelle est peut-être souvent plus ardue que celle des émigrants d'outre-mer. Nous n'entendons d'aucune manière nier ou diminuer les difficultés de cette dernière. Toutefois il arrive souvent que les émigrants d'outre-mer s'établissent dans leur nouvelle résidence en groupes unis. Le prêtre a alors la charge intéressante de remettre en valeur et parfois aussi de consolider plus sûrement la forme et les usages de vie chrétienne, les devoirs du mariage, l'éducation chrétienne des enfants, la prière en famille, le respect de la loi de Dieu, la sanctification des jours de fête, c'est-à-dire en un mot tout ce qu'ils observaient dans l'ancien pays natal. Quel bien a été fait dans ce sens au cours des cinquante dernières années, surtout dans les colonies d'Afrique et du nord au sud du continent américain !

Nous croyons, chers fils, que vous avez plus rarement la joie de fonder des collectivités catholiques compactes dans les missions qui vous sont confiées. D'ordinaire vous devez assister des fidèles qui, seuls ou par petits groupes, ont été arrachés aux conditions de vie et de moeurs dans lesquelles ils avaient grandi pour une dispersion en terre étrangère ; à la douce langue maternelle pour un idiome étranger ; aux campagnes, pour les grandes villes ou des districts industriels avec un mode de vie entièrement différent et bien souvent corrupteur ; à un pays catholique, pour un autre où peut-être les catholiques ne sont qu'une minorité et où la civilisation dominante ne laisse pas facilement manifester en public le sentiment catholique intime.

Or l'expérience enseigne que l'homme, arraché de sa terre et transplanté sur un sol étranger, perd beaucoup de sa propre assurance et, dirait-on presque, de sa dignité d'homme. Ce changement atteint et affaiblit, tout au moins au point de vue affectif, jusqu'aux sentiments spirituels les plus profonds et à la vie religieuse elle-même. Il faut du temps et un effort persévérant afin que l'homme puisse fixer et pour ainsi dire enraciner sa foi catholique dans les conditions nouvelles si différentes et l'amener à une vie normale. Ce stade intermédiaire devient pour beaucoup une occasion de crises dangereuses. Sous les formes les plus variées ce n'est pas tellement l'histoire de l'enfant perdu qui se répète, que celle de la brebis égarée qui ne sait plus retrouver le bon chemin. Et alors elle n'a que davantage besoin du soutien, de l'aide, de la parole qui éclaire et qui avertit, de l'assistance spirituelle du prêtre.

Tout cela vous le savez fort bien par expérience personnelle. Ces jours-ci également vous avez échangé vos connaissances sur les moyens les plus efficaces pour devenir sans cesse davantage des pères et des soutiens pour les âmes qui vous sont confiées. Nous Nous bornerons donc à rappeler votre attention sur trois simples points :

1) Ne soyez pas ennuyés, mais acceptez-le plutôt avec une patience enjouée, de voir une importante partie de votre activité prise par des oeuvres de miséricorde matérielle, dans des interventions, dans des recommandations et peut-être même dans une assistance juridique. Pensez au zèle, au tact et à la délicatesse avec lesquels saint Paul dans la Lettre à Philémon traita le cas de l'esclave Onésime. C'est tout un travail de charité, toujours précieux aux yeux de Dieu et des hommes. Chacune de ces assistances conduit doucement plus près de Dieu ceux à qui elles sont destinées et les affermit dans la foi. De cette manière ils deviennent mieux disposés et plus ouverts pour accueillir en eux votre action spirituelle proprement dite.

2) Faites comprendre aux immigrés italiens que votre assistance est une assistance spirituelle extraordinaire, qui doit leur offrir entre autres l'opportunité de se confesser dans leur langue maternelle, quand cela n'est pas possible auprès des prêtres indigènes, mais qu'en même temps ils doivent s'appliquer, les jours de fête, à fréquenter les offices divins avec les fidèles du pays. Encouragez-J.es à s'accoutumer à la vie religieuse du lieu et surtout à prendre contact avec les organisations catholiques, spécialement celles des travailleurs et de la jeunesse.

3) Vous vous êtes consacrés également, ces jours-ci, à l'étude des problèmes sociaux. Dites à vos fidèles que l'Eglise a toujours eu et aura toujours un coeur maternel pour les travailleurs. La question ouvrière, tout au moins dans les nations où s'exerce votre ministère, a depuis longtemps déjà dépassé les premiers stades. Ce qui, voici soixante ou soixante-dix ans, n'était encore pour l'ouvrier qu'un but à atteindre, est devenu, entre temps, un droit naturel et une acquisition sûre — non sans la plus efficace coopération de l'Eglise.

Le but de la question ouvrière ne peut toutefois être pour l'Eglise la lutte des classes mais le dépassement et le règlement des différends sociaux. Son action s'étend à toutes les catégories et à toutes les conditions du peuple.

Aussi, tout en recommandant votre activité sacerdotale à l'intercession et à la protection de la Bienheureuse Mère de Dieu, Nous vous donnons de tout coeur, chers fils, ainsi qu'à tous les fidèles confiés à votre zèle, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX COMPAGNONS DE SAINT FRANÇOIS

(6 août 1952) 1


Le Saint-Père a reçu en audience un groupe de 400 « Compagnons de Saint-François » fondé par M. Joseph Folliet :

Cette année qui marque le 25e anniversaire de la fondation de votre groupe, vous avez voulu, très chers fils, lui donner un éclat tout spécial par le pèlerinage le plus cher à votre coeur : celui d'Assise et des sanctuaires franciscains. Mais vous venez d'abord offrir votre hommage filial au Vicaire du Christ et vénérer la mémoire des grands Apôtres fondateurs de la Chrétienté. Aussi est-ce avec la plus grande joie que Nous vous accueillons aujourd'hui et que Nous vous félicitons pour l'oeuvre accomplie par votre mouvement et pour la magnifique leçon d'idéal qu'il donne à la jeunesse de notre temps.

Ressusciter l'esprit du Poverello dans un monde avide de confort, de technique, de progrès matériel, quelle entreprise splendide et vraiment nécessaire ! Réapprendre au siècle de l'auto, du chemin de fer, de l'avion, la haute signification spirituelle du pèlerinage, de la route accomplie tenacement vers les hauts lieux consacrés par l'héroïsme des Saints, voilà certes une entreprise digne des grands siècles de foi !

Nos contemporains ont trop souvent perdu, avec le sens du surnaturel, celui des belles oeuvres de la création, surtout des lieux et des choses sanctifiés par les âmes d'élite, par ceux que Dieu marque de son signe et charge de transmettre à leurs frères les dons du ciel. A l'exemple de François d'Assise, vous essayez de retrouver ce jaillissement premier de la bonté et de la grandeur de Dieu par la contemplation de son oeuvre. Vous allez fidè-












408




DOCUMENTS PONTIFICAUX



COMPAGNONS DE SAINT FRANÇOIS



409





lement réapprendre cette grande leçon dans les sites animés jadis par sa présence, devant ces paysages qui l'ont aidé à monter vers le Seigneur.

Vous y allez surtout en pèlerins, anxieux de renouveler là-bas vos énergies profondes et de rajeunir votre âme à cette source toujours fraîche que S. François fit jaillir sur la terre d'Ombrie.

Un tel but ne peut s'atteindre sans une préparation spirituelle intense. Pour votre part, vous avez choisi celle du pèlerinage, si traditionnelle et en même temps si efficace. Le pèlerinage est un long cheminement qui commence par une séparation. On quitte son pays, sa vie de tous les jours, on oublie tous les soucis banals ou mesquins qui entravent et freinent les meilleurs élans. Et l'on prend la route courageusement. On renonce aux assurances faciles du repas, du logement ; on dompte la fatigue. La prière se fraye alors plus facilement son chemin vers Dieu. Quand la halte rassemble les compagnons, une ferveur intime enrichit les âmes et fuse bientôt à l'unisson d'une prière, d'un chant, d'un échange de pensées et de sentiments. Elle s'exalte surtout dans une tension toute recueillie autour de l'autel, quand le corps du Christ offert en sacrifice vient nourrir le chrétien en marche vers le Seigneur.

Le pèlerinage rééduque en vous l'esprit de pénitence, le sens de la Providence et de la confiance en Dieu. Il vous réapprend même, peut-on dire, le sens de la vie : un détachement du présent, des joies et des tristesses dont se tissent vos journées, pour avancer vers un terme dont l'attrait vous fascine. Mais impossible d'y arriver sans un renoncement à la facilité, à ses aises, et surtout sans garder vive au fond du coeur l'espérance qui soutient votre effort. Les jeunes chrétiens ont compris aujourd'hui quelle école de formation spirituelle ils trouveraient sur la route. Non point une route profane, où on ne cherche que l'union avec la nature, mais une route sanctifiée par la prière et par la charité.

Face au même effort, les hommes se retrouvent devant les véritables valeurs. Les préjugés de classe s'effacent par une volonté identique de conquête qui unit des coeurs fervents à la poursuite d'un idéal. Il faut aborder ensemble les mêmes difficultés, connaître les mêmes faiblesses, pour se rendre compte qu'aucun obstacle ne résiste au faisceau d'énergies que noue une collaboration désintéressée. Une fois établie cette conviction, on a posé les bases solides d'une compréhension mutuelle et de cette paix indéfectible que votre mouvement se propose à juste titre de réaliser. Paix intime de l'être qui renonce à ses égoïsmes ; paix sociale de ceux qui s'établissent dans une fraternité sincère ; paix internationale dans la collaboration des hommes de bonne volonté, qui, au-dessus de tous les principes de division, ont découvert le vrai motif digne de les rapprocher : une consécration commune au service d'un même Seigneur.

Seul un regard clarifié percevra ce signe de la fraternité humaine. C'est la mission de S. François de rappeler les vertus de la pure simplicité évangélique. On sacrifie maintenant aux idoles de la richesse et de l'orgueil humain. On s'installe souvent dans une vie aisée, insensible au spectacle de la misère ou du malheur. On détourne de leur signification originelle les merveilles de la création, instruments de plaisir ou de domination. Ainsi les fibres les plus sensibles et les plus délicates de l'âme se durcissent peu à peu. A l'école de François d'Assise vous échapperez à cette paralysie qui tue les plus humains et les plus précieux sentiments. Acceptez l'ascèse que cette école impose. Pour sauver la sincérité, la spontanéité, la simplicité du regard et par-dessus tout la paix et la joie, refaites vaillamment le chemin qui a conduit François vers Dieu. Dociles aux appels de la grâce, au langage du Seigneur dans ses créatures, sensibles aux élans de la pitié humaine, parce qu'ils répondent aux cris de Jésus souffrant, vous apprendrez à vaincre l'amour immodéré de la richesse matérielle. Vous goûterez surtout cette irradiation de l'âme, qui, après s'être détachée des biens fugaces de cette terre, découvre la splendeur véritable des biens qui ne passent pas.

Que vos pèlerinages franciscains, très chers fils, allument pour jamais en votre âme la flamme insatiable de l'amour divin et fassent resplendir en vous dès maintenant l'amabilité conquérante de Notre Sauveur et sa consécration au salut du monde ! En gage de ces grâces et des faveurs que le Seigneur vous accordera par l'intercession de S. François, Nous vous donnons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.




KATHOLIKENTAG DE BERLIN



411










MESSAGE AU LXXVe KATHOLIKENTAG DE BERLIN

(10 août 1952) 1


Avec audace, les catholiques allemands décidèrent de tenir leurs grandes assises à Berlin, conviant les fidèles des zones orientale et occidentale à se réunir. Ce fut un grand triomphe et plus de 200.000 Allemands participèrent à ces journées d'août.

Le jeudi 21 août, l'évêque de Berlin, Son Exc. Mgr Weskamm donnait lecture du message suivant :

Chers fils et filles de l'Allemagne catholique, c'est avec un sentiment d'intérêt paternel que Nous répondons aujourd'hui à la demande de Notre vénérable Frère, l'évêque de Berlin, en envoyant Notre salut et Notre Bénédiction au Congrès qui réunit cette année les catholiques allemands.

Vous avez choisi Berlin comme lieu du Congrès, Berlin que Nous ne pouvons oublier, car cette ville fut Notre résidence pendant des années d'heureux et fécond travail au service de l'Eglise et de votre peuple ; Berlin qui lors de sa plus florissante époque eut un prestige mondial en raison de son énorme développement industriel ainsi que de son oeuvre spirituelle et qui est aujourd'hui pour tous un objet d'admiration à cause de son terrible sort — conséquence de la guerre et de l'après-guerre — surmonté par ses fils et filles avec un courage inlassable.

Vous avez choisi Berlin, comme lieu de votre Congrès et vous y êtes venus de l'Est et de l'Ouest pour proclamer hautement : nous sommes tous unis, et les années d'épreuves, au lieu de nous séparer et de nous diviser, ont confirmé en nous la conscience d'être frères et soeurs, en rendant encore plus ferme notre volonté de demeurer tels. De même que l'Association de

Saint-Boniface depuis cent ans s'adresse aux catholiques d'Allemagne pour les inviter à s'unir et à apporter leur aide partout où leurs frères dans la foi se trouvent dans le besoin2, pareillement, la force vitale de cette union sacrée et surtout l'idée même qui l'inspire doivent pénétrer aujourd'hui plus que jamais chacun de nous ; que chacun aide son prochain, et que personne ne se sente abandonné ni oublié ; chacun également doit savoir ceci : les autres pensent à moi, prient pour moi et me viennent en aide.

Vous avez choisi pour votre Congrès la devise « Dieu est vivant ». Oui, Dieu est vivant, et sa puissance s'étend d'une extrémité à l'autre de l'univers qui lui appartient entièrement3. Même les grandes villes qui portent à peine encore sur le front le signe de la foi en Dieu, même les catégories de personnes qui ont relégué Dieu à l'extrême limite de leur existence et l'ont oublié, même tous ceux qui nient son existence et font de la propagande pour l'athéisme, même eux — comme toutes autres choses — vivent en Lui, se meuvent en Lui et sont en Lui4. Et lorsque les puissants de la terre se réunissent pour se consulter et pour prendre des décisions, Dieu est au milieu d'eux, Dieu dont la Providence ne se trompe jamais dans ses décrets b. « Toute la terre est pleine de sa magnificence.6 » Si un fils de votre peuple a conçu la terrible phrase : « Dieu est mort », que votre Congrès en soit un ardent démenti ; que retentisse donc bien haut dans toute l'Allemagne le cri : Dieu est vivant ! Nous nous agenouillons devant Lui, prêts à accomplir toute sa volonté !

Votre réunion de Berlin, chers fils et filles — Berlin qui est le point névralgique où se rencontrent des intérêts et des mondes opposés — est le symbole évident de votre vie chrétienne qui




KATHOLIKENTAG DE BERLIN



413








doit s'accomplir au milieu de tensions jamais vues jusqu'ici, qui dominent toute la vie spirituelle et publique d'aujourd'hui. Dans une telle situation, Nous voudrions en cette heure, attirer votre attention sur deux enseignements.

Que votre vie corresponde à la vérité sans réserve et absolue de votre foi ! Vous êtes fiers de cette foi, parce qu'elle est la foi de vos ancêtres, créatrice des plus hautes valeurs spirituelles, source de vénérables coutumes religieuses qui ont enveloppé d'un halo sacré les dures fatigues du travail quotidien, conférant au coeur humain, au foyer domestique, à la famille, la sérénité du dimanche célébré chrétiennement, ainsi que la joie des fêtes catholiques, sérénité et joie que ne peut jamais remplacer aucune ivresse du plaisir.

Tout cela est vrai. Cependant, du fait que ces valeurs créées par la foi demeurent toujours des valeurs de cette terre, elles ne représentent point une chose décisive. Elles peuvent manquer ; elles peuvent être étouffées et supprimées par la violence. Et vous devez comprendre plus que d'autres la vérité de ce que Nous vous disons, vous qui avez vu dans les dix dernières années s'écrouler des puissances qui semblaient indestructibles, vous qui avez assisté au déclin de grandeurs historiques transmises depuis des temps lointains et auxquelles l'homme, dans son champ limité, aurait peut-être accordé encore des siècles d'existence. Non, les valeurs terrestres ne sont point une chose définitive ni décisive. L'ère de la foi chrétienne elle-même n'entend pas être telle. Seules sont définitives et décisives sa vérité et la vertu de sa grâce.

La foi est un don de Dieu que vous devez, chaque jour, recevoir de ses mains avec des sentiments d'humilité et de gratitude ; c'est une félicité surnaturelle dont vous ne devez absolument pas vous laisser priver en ces temps où fait tant défaut la joie ; c'est avant tout une vérité absolue, une vérité transcen-dantale, que vous pouvez connaître dans ses fondements et que vous devez imprimer au fond de votre conscience. Alors la foi sera pour vous une source de bénédictions divines et de grâce, de félicité et de force, même dans les ténèbres de la prison, même dans la servitude du travail quotidien pesant et pour ainsi dire ininterrompu.

Avec cela nous arriverons à la seconde exhortation que Nous voulons vous adresser : soyez conscients de la richesse inépuisable que la foi apporte en don !

Vous vivez, chers fils et filles, en contact quotidien avec le matérialisme ; chaque jour, vous devez lutter corps-à-corps avec lui. La matière, pour ses partisans, est l'unique chose définitive et décisive qui existe. La foi oppose l'esprit à la matière, l'esprit qui, par son essence même, s'élève au-dessus de la matière et la domine.

L'industrialisation sans cesse croissante et la tendance technique de la vie menacent d'étouffer l'individu, son autonomie, sa liberté. Et le matérialisme ensuite complète cet état de choses, si contraire à la nature, en le proclamant « ordre » et en ne faisant de l'individu rien de plus qu'un numéro dans la collectivité. En revanche cet état de choses répugne à la foi. Jusqu'au bout, la foi défendra la personnalité de l'homme. Mais la personnalité signifie fierté et volonté, auto-décision et responsabilité, âme spirituelle et immortalité. Tant qu'il existera des croyants, même dans les chaînes, le matérialisme ne pourra parler dé victoire.

Le matérialisme ne peut reconnaître comme valeurs suprêmes que la force et la violence. La foi oppose à la force le droit, avant tout les droits de l'homme, droits certains de l'individu et de la famille. Ils sont naturels et inaliénables ; indépendants de toute puissance terrestre, même de l'Etat. L'Etat a le devoir de les reconnaître et de les défendre. Pour aucun motif, ils ne peuvent être sacrifiés au bien commun, et cela parce qu'ils font partie intégrale du bien commun même. C'est là la doctrine catholique.

Le matérialisme tel qu'il s'exprime aujourd'hui, aboutit — et il le reconnaît lui-même — à la lutte ; la foi en revanche s'épanouit dans l'amour. Dieu est amour 7 et l'amour est aussi pour l'homme une chose suprême8. Celui qui parle ainsi considère l'amour de Dieu et l'amour de l'homme comme une seule chose ; là où existe le véritable amour de Dieu, il y a également l'amour du prochain ; là où existe l'authentique amour du prochain, il y a aussi l'amour de Dieu.

La foi représente donc également le salut de la vie sociale. La vie sociale et communautaire est obligatoirement réduite par le matérialisme à la vie d'un collectivisme dominé par la force. La véritable vie sociale ne peut prospérer que sur la base du respect pour la personnalité humaine. Ce respect n'est cependant possible que là où règne la foi en Dieu, en l'âme, en l'immortalité.



414




DOCUMENTS PONTIFICAUX



KATHOLIKENTAG DE BERLIN



415





Le matérialisme ne connaît uniquement que le temps qui trouve son achèvement dans la mort. La foi nous garantit la résurrection et l'éternité.

Enfin le matérialisme fait de l'homme un sans-patrie spirituelle. Des millions d'entre vous ont éprouvé l'amertume provoquée par la perte de la patrie terrestre, c'est-à-dire par la perte de ce lambeau de terre où les ancêtres ont vécu et travaillé, sereins et libres. Le matérialisme élève la condition de sans-patrie au rang de norme, et à la perte de la patrie terrestre, il ajoute la perte de la patrie spirituelle. Pour lui, en effet, l'homme n'est que matière ! Mais la matière peut être, à volonté, déplacée et échangée contre une autre matière. Combien d'entre vous ont fait à leur propre détriment l'expérience de la triste application de cette norme !

La foi est comme une patrie. Dans la foi et comme fils de la même Eglise, vous n'êtes pas étrangers à vous-mêmes et vous n'êtes pas non plus étrangers aux autres. Ils sont en effet nos frères et nos soeurs, tous unis dans les convictions les plus intimes et les plus résolues, unis dans le respect mutuel et dans l'amour par la volonté de Dieu et de Jésus-Christ, qui dans l'Eucharistie a établi sa demeure parmi nous. Là où la porte de l'Eglise a été fermée, votre âme retrouve sa patrie dans votre foi personnelle, et cela même en terre étrangère et dans l'exil ; chacun retrouve sa patrie en soi-même et au contact de tous ceux qui doivent supporter le même sort et qui sont, en même temps, ses frères dans la foi, ou sont, tout au moins, convaincus que Dieu existe et que leur âme est immortelle. Car dans la foi vit la pensée du ciel, notre véritable patrie, où chacun de nous dès à présent possède le droit de citoyenneté *. Et c'est de là que vient la nostalgie que tout coeur éprouve pour la patrie, la paix et l'amour.

Voilà ce que Nous avons voulu vous dire pour votre soixante-quinzième Katholikentag.

Dans son programme, vous avez inclus une heure de prière qui, dans vos intentions, doit être célébrée par tous les catholiques d'Allemagne. Nous avons la ferme espérance que vos intentions, si appropriées aux graves responsabilités du moment présent, demeureront décisives également pour l'avenir. Soyez un peuple qui prie sous la direction de ses prêtres. Ainsi vous n'aurez pas à vous tourmenter des choses de l'avenir, si sombres et obscures qu'elles puissent paraître actuellement. Suppliez et conjurez le Dieu tout-puissant et miséricordieux, pour que dans sa sagesse et sa bonté, Il étende sur le monde entier le règne de sa providence et de sa grâce. Puis commencez votre journée avec une bonne volonté renouvelée, fermement décidés à accomplir la noble tâche qui vous est proposée : vivre selon la foi. Soyez unis dans vos intentions, c'est-à-dire les intentions que vous suggère le Saint-Esprit par l'intermédiaire de tous ceux qu'il a destinés à gouverner l'Eglise de Dieu 10 sous la direction du Successeur de Pierre. Comportez-vous de manière que vos paroles et vos actes soient comme la voix de Dieu, pour tous ceux qui sont loin de Lui. C'est là le plus bel apostolat auquel vous soyez appelés.

Afin que votre volonté et votre action puissent accomplir tout ce que se propose votre esprit, Nous vous recommandons tous : vos pasteurs, Nos vénérables Frères, les prêtres, le peuple fidèle, à l'amour maternel et à la puissante intercession de Marie la Vierge Immaculée, et Mère de Dieu, en vous donnant de tout coeur la Bénédiction apostolique.



10 Cf. Act. XX, 28.




CONGRES DE PAX ROMANA



417





LETTRE AU XXIIe CONGRÈS DE PAX ROMANA

(12 août 1952) 1


Du 26 août au ier septembre se tint à Montréal (Canada) le XXII" Congrès de Pax Romana qui avait pour thème : « La Mission de l'Université ». Les présidents Roger Millot et Rosaire Beaulé reçurent de Pie XII la lettre suivante :

Quel motif de joie et d'espérance pour Notre coeur paternel que votre assemblée mondiale d'étudiants et d'intellectuels catholiques sur la terre canadienne qui Nous est si chère, en cette province de Québec notamment qui s'apprête à célébrer le centenaire de sa première Université2. Comment n'y pas voir le gage d'un nouvel essor de la culture chrétienne en Amérique du Nord et d'un plus large rayonnement de votre double Mouvement international ? Il Nous plaît d'ailleurs que plusieurs villes situées dans les deux régions linguistiques du pays, aient été associées à vos travaux, et Nous ne saurions douter de l'accueil empressé des autorités religieuses, civiles et universitaires. Aussi voulons-Nous qu'à l'heure où s'ouvrira sous la présidence de Notre vénérable Frère, l'Archevêque de Montréal, le 22e Congrès de Pax Romana, vous Nous sachiez Nous-même présent de coeur au milieu de vous, appelant sur vos assises une large effusion de grâces divines.

Du Congrès d'Amsterdam3 à celui de Montréal, le même idéal apostolique anime vos travaux ; et c'est pourquoi Nous tenons d'abord à confirmer, comme toujours actuelles, les directives que Nous vous adressions naguère sur le rôle des intellectuels dans l'Eglise. Le thème du présent Congrès « la Mission de l'Université », Nous incite d'ailleurs à les préciser aujourd'hui sur un point qui Nous est particulièrement cher, en souvenir de l'action décisive des Pontifes Romains aux origines des premières universités et au cours de leur brillante histoire. Si les vicissitudes des temps ont parfois relâché ces liens séculaires entre l'Eglise et l'Université, le désarroi actuel d'une humanité avide de concorde et d'unité, l'angoisse de tant d'esprits de bonne volonté, tout vous invite à les resserrer de nouveau. C'est dans cette pensée qu'étudiants et intellectuels catholiques, vous vous appliquerez à étudier la mission, — traditionnelle et pourtant toujours nouvelle — de l'Université : votre devoir est de la bien connaître pour la bien servir.

Et tout d'abord, il n'est pas contestable, pour qui considère une Université comme une communauté de maîtres et d'étudiants, adonnés aux labeurs de l'esprit, que sa mission est d'être un foyer rayonnant de vie intellectuelle au bénéfice de la communauté nationale, dans cette atmosphère de saine liberté propre à toute culture. Tâche permanente à laquelle Nos fils n'ont cessé de collaborer. Toutefois, si l'Université veut faire fructifier pour les générations nouvelles le trésor séculaire reçu par elle en dépôt, elle devra être attentive aux conditions particulières de la vie contemporaine. N'est-ce pas l'heure, en effet, où dans maintes contrées, de larges couches de la population aspirent à une authentique culture ? où les difficultés économiques et sociales de la vie étudiante et de la profession posent de graves problèmes aux responsables de la cité ? l'heure enfin où les moyens modernes d'information accroissent sans cesse leur influence au détriment parfois d'une véritable éducation de la pensée personnelle ?

Si Nous élargissons les perspectives, voici qu'une tâche analogue s'offre à la grande famille des Universités, héritière du patrimoine culturel de l'humanité. Pour s'affranchir des funestes particularismes, il faut multiplier les contacts entre maîtres et étudiants des différents pays, développer par l'étude des langues, et par d'utiles collaborations, l'estime des richesses propres à chacun : c'est ainsi que les peuples, loin de se faire concurrence, et de s'opposer les uns aux autres, prendront goût à se compléter mutuellement. Nous ne pouvons ici que féliciter les Mouvements de Pax Romana de leurs patients efforts en ce sens et Nous apprécions également qu'une action méthodique se

27



418




Pie XII 1952 - CHAPITRE V