Pie XII 1952 - CONGRES DE PAX ROMANA


DOCUMENTS PONTIFICAUX



CONGRES DE PAX ROMANA



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développe sur le plan international, au service de la science et de la culture.

Mais, cette mission de l'Université, qui rapproche les hommes et les peuples dans une pacifique collaboration des intelligences, serait décevante si elle ne s'achevait en une progressive coordination des connaissances entre elles. La communion des esprits pourrait-elle se faire utilement hors de l'unité de la vérité ?

« Université, observions-Nous naguère, ne dit pas seulement juxtaposition de facultés étrangères les unes aux autres, mais synthèse de tous les objets du savoir... Et les progrès modernes, les spécialisations toujours plus poussées, rendent cette synthèse plus nécessaire que jamais.4 » A vrai dire, ils la rendent aussi plus difficile et plus fragile, et l'Université se doit de la préserver de deux écueils contraires. Le premier serait l'ingérence indue de l'Etat qui, outrepassant ses pouvoirs, prétendrait imposer à l'enseignement, pour des fins politiques, ou idéologiques, l'unité factice d'une philosophie arbitraire. Mais, à l'inverse, l'Université servirait mal sa mission en s'abandonnant au pluralisme ou à un syncrétisme superficiel ; au seul plan de la connaissance naturelle, il lui appartient de dépasser la diversité des disciplines, de promouvoir une sagesse, et de former la personnalité intellectuelle de l'étudiant : qu'elle se garde donc de faillir à sa plus haute mission qui est de donner à de jeunes esprits le respect de la vérité, de les guider vers les libres démarches indispensables à leur formation intellectuelle.

Mission délicate, toute de fermeté et de discrétion, à laquelle Nous convions spécialement Nos Universités catholiques, illuminées dans leur tâche par les splendeurs de la foi ; elles seules peuvent poursuivre l'effort de synthèse jusqu'à la clé de voûte de l'édifice, car « cette unité ne tendra vers sa perfection que dans la mesure où elle se cherchera en Dieu, dans la charité éclairée par la science, selon la vérité unique de l'Evangile, sous la conduite de l'Eglise une et sainte » 5. Au service de la jeunesse étudiante, de telles Universités, couronnées par l'enseignement de la philosophie chrétienne et de la théologie, seront des écoles de vérité ; elles seront aussi des maîtresses de vie, chrétienne, morale, civique et sociale.

Que ce Congrès mondial soit donc, pour les membres de Fax Romana, l'occasion d'une prise de conscience plus vive des responsabilités communes à une heure grave de l'histoire ; qu'il soit pour tous les milieux universitaires, le point de départ d'une collaboration plus fraternelle, d'échanges plus enrichissants, permettant à l'Université de mieux remplir dans le monde sa mission éminemment humaine et pacificatrice, à laquelle l'Eglise attache tant de prix. Nous en formons le voeu de grand coeur et, en gage de ces sentiments, Nous vous accordons, ainsi qu'à tous les étudiants et intellectuels de vos deux mouvements, Notre très paternelle Bénédiction apostolique.




MINISTRES GENERAUX DES ORDRES FRANCISCAINS 421



LETTRE AUX MINISTRES GÉNÉRAUX DES ORDRES FRANCISCAINS

(15 août 1952) 1


Le Saint-Père, étant membre depuis 50 ans du Tiers-Ordre Franciscain, saisit cette occasion pour adresser la Lettre autographe suivante :

La lettre d'hornrnage que vous Nous avez envoyée ensemble rappelle un événement qui Nous est vraiment des plus chers : il y a exactement cinquante ans, encore tout jeune prêtre, Nous avons donné avec empressement Notre adhésion à la Troisième Milice du Patriarche d'Assise et ce n'est pas sans une profonde joie que Nous sommes entré dans la grande Famille Franciscaine.

En effet, dès Notre jeunesse, Nous avons compris combien était utile cette Institution de votre Père Fondateur et toute son opportunité, non seulement pour les conditions des hommes du moyen âge, mais également pour notre époque, qui est agitée par des désordres intellectuels, des discordes civiles, des luttes et des abus non moins grands.

Et Nous savons qu'à de tels maux, qui troublent les moeurs privées et publiques et menacent de renverser les fondements mêmes de la société humaine, il ne peut exister qu'un seule remède, à savoir le retour au Christ, dont votre Père Séraphique représenta, d'une manière merveilleuse, l'image dans les actes de sa vie de chaque jour et dans son corps.

Aspirant fortement à tout renouveler, conformément à la loi chrétienne, il fonda le double Ordre de religieux et de femmes, qui, en émettant les voeux solennels, assumaient l'obligation de se modeler sur la vie évangélique. Animé de l'ardent désir d'amener également tous les autres chrétiens à la Patrie céleste, sans pouvoir les accueillir tous au cloître, il songea à faire en sorte que pour ceux qui vivent au milieu de l'agitation du monde s'ouvrît aussi une voie appropriée, grâce à laquelle chacun, selon les exigences de son propre état, pût arriver à la perfection chrétienne. C'est ainsi qu'il fonda l'Ordre des Tertiaires auquel il assigna comme caractéristique la pratique de la pénitence pour ses propres fautes et celles d'autrui, la ferveur de la charité fraternelle, de la concorde familiale et sociale et, avant tout, un amour des plus ardents envers Dieu, amour capable d'arracher les hommes non seulement aux tentations des vices, mais aussi aux satisfactions des jouissances terrestres et de la convoitise des richesses.

En effet, il savait fort bien qu'un désir effréné de posséder et une soif inextinguible de plaisir enflamment l'esprit de beaucoup et que de cela naissent les différends, surgissent les discordes, s'entretiennent les luttes et les haines qui ne cessent de bouleverser et de ravager la société humaine, selon l'enseignement : « D'où viennent les guerres et les combats parmi vous ? N'est-ce pas de ceci, de vos passions ? 2 »

Donc, comme à l'époque du saint d'Assise, en ces temps-ci, la Règle du Tiers-Ordre peut sans aucun doute être d'une grande utilité à cette fin. Comme il s'agit principalement des mêmes maux, bien que d'aspects différents, il convient d'utiliser, selon l'occasion, les mêmes remèdes. Que les Tertiaires cherchent donc à comprendre pleinement et à mettre en application l'esprit de l'Institution, selon la pensée et les aspirations du Père Fondateur. Et avec l'intégrité de la foi, avec la pureté de la vie, avec la recherche la plus zélée de toutes les vertus, qu'ils s'efforcent de répandre la bonne odeur du Christ.

Nous désirons vivement, chers Fils, que cette heureuse commémoration d'un de Nos anniversaires personnels se révèle d'un avantage commun pour les âmes et serve grandement au réveil de l'esprit séraphique et à la diffusion des solides vertus dans lesquelles se distingua tant le riche et pauvre François.

Et Nous éprouvons une entière satisfaction quand vous écrivez que de nombreux tertiaires sont inscrits dans les rangs de l'Action Catholique, et bien souvent y occupent des postes de responsabilité. Votre Institution accomplira donc une chose excellente et des plus opportunes si elle accorde sa fraternelle



ac. IV, 1.



collaboration aux associations de l'Action Catholique, car les forces unies deviennent plus vigoureuses et efficaces, et les ennemis du nom chrétien sont tels que pour les repousser les efforts de tous les bons sont nécessaires.

Aussi, tout en vous étant cordialement reconnaissant pour les prochaines célébrations en Notre honneur, Nous souhaitons et demandons à Dieu que le Tiers-Ordre Franciscain, si méritant à l'égard de l'Eglise catholique, reçoive chaque jour un plus grand développement et produise chaque jour davantage de fruits.

Qu'elle soit un gage de ces fruits salutaires et un témoignage de Notre paternelle bienveillance la Bénédiction apostolique que Nous vous donnons, avec l'effusion de la charité, à chacun de Vous, chers Fils, et à tous les frères du Tiers-Ordre Franciscain.


LETTRE POUR LE CENTENAIRE DE L'UNIVERSITÉ LAVAL

(28 août 1952) 1


La province de Québec a fêté le centenaire de sa première Université : le Saint-Père a envoyé à cette occasion la lettre suivante à Son Excellence Mgr Maurice Roy, archevêque de Québec :

Le centenaire de l'Université Laval est, dans la province de Québec, une date trop riche de souvenirs pour n'être pas célébré avec un éclat particulier. De nombreuses personnalités, canadiennes et étrangères, rehausseront de leur présence, les prochaines fêtes commémoratives, et Nous-même avons tenu à envoyer à ces cérémonies, en la personne de Notre cher Fils Pierre Parente, protonotaire apostolique ad instar, un représentant du Saint-Siège choisi parmi les maîtres de Notre Athénée du Latran. Notre affection paternelle Nous incite au surplus à vous exprimer par cette lettre Notre satisfaction et Nos voeux.

Voici cent ans, en la fête de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie, dont elle invoque le patronage, l'Université de Québec était instituée par une charte royale accordée au Séminaire de cette ville. Mais, pour comprendre l'attachement que lui portent les populations, il faut remonter jusqu'aux origines de la « Nouvelle France ». L'Université centenaire ne bénéfide-t-elle pas, en effet, de l'oeuvre éducative des fils de saint Ignace qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, jetèrent les semences de la culture française dans la jeune terre des rives du Saint-Laurent ? Ne se rattache-t-elle pas surtout à la fondation du Séminaire de Québec par le grand serviteur de Dieu que fut François de Laval de Montmorency, premier évêque du Canada ? En sa personne — entourée aujourd'hui encore d'une fidèle vénération — Nous

aimons à saluer la longue lignée de ces apôtres qui furent, sur votre sol, des éducateurs non moins que des évangélisateurs et qui préparèrent de loin la naissance de votre Université.

Dès ses débuts, et sous l'impulsion d'un prêtre de grand mérite, Louis-Jacques Casault, la fondation nouvelle cristallisa autour d'elle les généreux efforts d'une élite, ecclésiastique et laïque, soucieuse d'affermir sur les bases de la foi l'essor de la pensée canadienne. Grâce à ces dévouements, l'héritage culturel de l'antiquité classique et des siècles de chrétienté était assumé par Nos Fils du Canada et marquait, une fois de plus, de son empreinte l'âme d'un peuple jeune et plein d'avenir. Après un siècle de labeur, on peut apprécier l'opportunité providentielle de cette action coordonnée et persévérante qui permet, de nos jours, d'assurer la solide préparation des nouvelles générations aux responsabilités qui leur incombent dans la vie économique, sociale et politique du pays. N'est-ce pas là un exemple remarquable de ce rôle de l'Université dont Nous entretenions récemment le Congrès mondial de Pax Romana 2 ?

Sans prétendre évoquer ici toute l'histoire, déjà riche, de l'Université, Nous n'en retiendrons que deux dates : 1876 qui voit la reconnaissance par le Saint-Siège de l'heureuse initiative de l'épiscopat canadien, 1929, année de fondation de l'Université de Montréal, filiale de la vôtre, mais aussi étape décisive pour l'essor de votre propre Université. Quelques décades suffisent alors à la création de six facultés nouvelles, à l'ouverture de diverses Ecoles ou Instituts annexes, à la publication de nombreuses revues littéraires ou scientifiques ; et, cette année même, la construction d'une vaste cité universitaire ouvre sur l'avenir les perspectives les plus encourageantes.

Au service de la nation entière, poursuivez donc avec confiance la tâche entreprise. Maintenez fidèlement l'enseignement supérieur dans le rayonnement de la foi et, en retour, honorez celle-ci par la qualité intellectuelle et technique de vos travaux. Que les jeunes d'aujourd'hui conservent le fécond enthousiasme des premières générations d'étudiants, joignant au zèle des labeurs de l'esprit la piété et la charité d'une âme vivifiée par la grâce ! Ainsi, selon sa propre devise, l'Université Laval accomplira sa noble mission parmi Nos fils canadiens de langue française et dans tout le pays : Deo favente haud pîuribus impar.

En gage de cette faveur divine, que Nous appelons en abondance sur l'Université, sur Notre cher Fils Ferdinand Vandry, son digne recteur, sur ses maîtres, étudiants et bienfaiteurs, Nous vous accordons, ainsi qu'à tous ceux qui participeront aux prochaines fêtes anniversaires, Notre paternelle Bénédiction apostolique.













DISCOURS



AU CONGRÈS INTERNATIONAL D'ASTRONOMIE

(y septembre 1952) 1


Le Congrès international d'astronomie s'étant tenu à Rome en 1952, le Souverain Pontife reçut en audience les participants et leur adressa les paroles suivantes :

La présence d'une si nombreuse assemblée d'insignes astronomes de tous pays évoque devant Notre esprit, Messieurs, l'image du panorama du cosmos auquel l'astronomie moderne est parvenue et que vous avez amené à sa perfection actuelle grâce à vos incessantes observations et à vos géniales études. Nous vous savons gré des unes et des autres pour bien des motifs, mais surtout parce que l'exploration scientifique du cosmos et son exaltante contemplation suscitent, dans Notre esprit comme dans le vôtre, des considérations philosophiques d'une valeur plus universelle et l'élèvent toujours davantage vers la connaissance, dans sa suprême vérité, de ce Terme qui dépasse tout savoir et met son sceau à tout être : « L'amour qui fait mouvoir le soleil et les autres étoiles.2 »

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXIV, 1052, p. 732. s Dante, Paradis, XXXIII, 145.




Quoique Nous ayons conscience de parler devant une élite de représentants de la science, bien plus versés que Nous en la matière, Nous ne pouvons toutefois Nous abstenir de rappeler, au moins à grands traits, les progrès admirables de l'astronomie et de l'astrophysique au cours des cinquante dernières années, et d'en indiquer les pierres milliaires, qui serviront en même temps de fondement à des considérations plus hautes.

Pape rappelle l'histoire de la conquête de l'espace cosmique :

Ce qui pour les astronomes du passé fut une énigme et un rêve et qui, pour nos contemporains, est devenu, au contraire, une réalité évidente, supérieure à toute prévision, peut s'exprimer peut-être avec justesse par ces mots : la conquête de l'espace cosmique. L'observation, l'intelligence, les nouveaux moyens techniques ont, pour ainsi dire, mis aux mains de la science astronomique un gigantesque compas, qu'elle a chaque jour ouvert davantage sur l'univers jusqu'à pouvoir embrasser présentement des dimensions dépassant toute attente. Que de barrières, élevées surtout par les énormes distances, sont tombées au cours de ces dernières décades, sous la poussée incoercible de l'esprit investigateur et jamais satisfait qu'est celui du savant !

Le siècle passé fut témoin des premières et laborieuses tentatives d'exploration dans les profondeurs de l'espace, quand Bessel, Struve et Henderson mesurèrent les premières parallaxes trigonométriques ; si bien qu'on pouvait, avec une satisfaction légitime, au déclin du siècle, enregistrer avec certitude les distances d'environ 58 étoiles fixes, éloignées de notre soleil par des espaces allant jusqu'à trente et quarante années-lumière.

Mais dès 1912, une nouvelle méthode autrement efficace pour la mesure des distances cosmiques allait porter le regard de l'homme bien plus loin encore. Dans un type déterminé d'étoiles variables, les Céphéides, Miss Lavitt découvrit une relation entre la période de leur variation lumineuse et leur éclat ou magnitude. Ainsi, partout dans le ciel où l'on découvrait une Céphéide, on pouvait, de la période de sa variation lumineuse, déduire son éclat absolu et, en comparant celui-ci à l'éclat apparent, calculer facilement sa distance. En même temps, les observations étaient favorisées par l'accroissement de la sensibilité des émulsions photographiques et par les progrès dans la construction de télescopes toujours plus puissants, qui permirent d'augmenter le rayon de pénétration de l'oeil humain plusieurs millions de fois, jusqu'à atteindre dans l'espace des profondeurs insoupçonnées.

Le premier pas au-delà des plus proches étoiles fut accompli par l'astronome Shapley avec ses recherches devenues classiques sur la distribution des amas globulaires dans l'espace, recherches qui entraînaient une transformation complète dans la conception de la structure du système galactique. Entre temps, d'autres investigations, celles, par exemple qui avaient trait aux mouvements stellaires ou à la diminution de la lumière quand elle traverse la matière obscure dans l'espace interstellaire, per fectionnèrent cette nouvelle conception. On acquit ainsi la'certitude que la Voie lactée des anciens, inspirée par tant de mythes naïfs, est une immense accumulation d'environ 100 milliards d'étoiles - les unes plus grandes, d'autres plus petites que notre Soleil — à travers laquelle s'étendent de vastes nuages de gaz et de poussière cosmique. Le système entier soumis, lui aussi, à la loi générale de la gravitation, se maintient en rotation sur de gigantesques orbites, autour d'un centre situé dans les grands nuages stellaires du Sagittaire. Ressemblant, dans son ensemble, à une immense lentille biconvexe qui se mouvrait elle-même, ce système présente un diamètre d'environ 100.000 années-lumière et une épaisseur, au centre, d'environ 10.000. Quant à nous avec notre système solaire, nous ne sommes pas, comme on le croyait autrefois, au centre de cet incommensurable amoncellement d'astres : nous en sommes en réalité éloignés d'environ 30.000 années-lumière. Et encore que nous tournions autour de lui à la vitesse vertigineuse d'environ 250 kilomètres à la seconde, il faut, pour accomplir un seul tour complet, 223 millions de nos années solaires !

C'est avec un légitime orgueil que la science astronomique de notre siècle s'est adjugé le mérite de la conquête du système galactique. A ce premier et heureux bond en avant devait bientôt en succéder un autre, qui allait porter la connaissance humaine au-delà de la Voie lactée, dans l'immensité de l'espace. C'est surtout grâce aux gigantesques télescopes de Lick, de Yerkes et du mont Wilson que cette étape décisive put être franchie.

Quand Ritchey, dans les années 1917-1919, découvrit quelques Novae dans la nébuleuse d'Andromède, l'hypothèse qu'il s'agissait là d'étoiles placées dans une nébuleuse extragalactique, à la distance de centaines de milliers d'années-lumière, rencontra au début peu de crédit parmi les savants. C'est seulement quand Huble, en se servant du grand miroir de 2 m. 30 de diamètre du mont Wilson, réussit à résoudre en étoiles isolées et en amas globulaires les parties extérieures de la nébuleuse d'Andromède et à identifier quelques Céphéides, que la résistance des opposants céda. On eut alors la certitude que ces nébuleuses à spirale sont en réalité de grands systèmes stellaires, semblables, par leur composition et leur grandeur, à notre système galactique, mais si éloignés qu'ils ne donnent à l'oeil que l'impression d'une petite tache de brume lumineuse. La distance de la nébuleuse la plus rapprochée de nous, celle d'Andromède, se révéla de 750.000 années-lumière et celle du triangle d'environ 780.000. Infatigables à sonder les cieux, les astronomes en vinrent ensuite à considérer aussi des nébuleuses apparemment beaucoup plus petites que ces galaxies et à calculer leurs distances respectives, en mesurant les diamètres apparents et leur luminosité et en comparant ces données avec les caractéristiques connues des nébuleuses les plus proches. Enfin, les recherches spectroscopi-ques de Humason conduisirent à la découverte d'une loi insoupçonnée : le déplacement des raies spectrales vers le rouge augmente proportionnellement à la distance de la nébuleuse, de sorte que la mesure de ce déplacement permet d'évaluer la distance elle-même, en dépit de la faiblesse de la lumière qui arrive jusqu'à nous, pourvu toutefois qu'elle soit suffisante pour produire un spectre mesurable.

Au cours de ces recherches, on a observé que — à considérer de vastes et profondes zones du ciel — ces nébuleuses extragalactiques apparaissent comme à peu près également disséminées dans l'espace cosmique et on n'a pas pu jusqu'ici observer la moindre diminution de leur densité. Dans l'espace atteint par le télescope du mont Wilson, on évalue à environ 100 millions le nombre de ces galaxies, distribuées dans une sphère d'un diamètre approximatif d'un milliard d'années-lumière, chacune d'elles comprenant environ 100 milliards d'étoiles semblables a notre Soleil.

Après cette rapide course en esprit à travers l'immensité du cosmos, revenons sur notre petite planète, qui, avec la masse de ses chaînes de montagnes, avec les étendues sans limite de ses océans et de ses déserts, avec la violence de ses ouragans, de ses éruptions volcaniques et de ses mouvements sismiques, nous apparaît si vaste et si puissante. Et pourtant, un rayon de lumière ferait en l'espace d'une seconde le tour de notre équateur plus de sept fois ; en un peu plus d'une seconde — un clin d'oeil en vérité, — il atteindrait notre voisine, la Lune ; en un peu plus de huit minutes, le Soleil ; et en cinq heures et demie il toucherait la plus lointaine planète de notre système, Pluton. Quant aux étoiles fixes les plus proches, qui, dans les nuits sereines, nous semblent presque à portée de la main sur les sommets des monts, un message lumineux mettrait plus de quatre années-lumière à les atteindre, et il lui en faudrait 30.000 pour parvenir au centre de notre Voie lactée. La lumière qui nous arrive de la nébuleuse d'Andromède est partie de sa source il y a 750.000 ans environ, tandis que certaines nébuleuses très lointaines, que seuls les plus puissants instruments de l'optique moderne enregistrent à grand-peine sur la plaque photographique, après une très longue pose, comme de minuscules étoiles, sont éloignées de 500 à 1000 millions d'années-lumière.

Quels chiffres, quelles dimensions, quelles distances dans l'espace et dans le temps ! Et pourtant, il est à croire que la science astronomique est loin de pouvoir être considérée comme parvenue au terme de sa merveilleuse aventure. Qui peut dire quels dépassements ultérieurs sauront nous donner dans un proche avenir le miroir de 5 mètres du mont Palomar et le développement rapide de la radio-astronomie ? Comme l'homme apparaît petit dans ce cadre prodigieusement agrandi de l'espace et du temps : minuscule parcelle de poussière dans l'immensité de l'univers. Et pourtant !

Pie XII célèbre la valeur de l'esprit humain et en tire argument pour affermir la supériorité essentielle de celui-ci sur la matière :

Ce qui, par ailleurs, frappe le plus, quand on se place devant le tableau du cosmos, à peine esquissé ci-dessus — et qui est le fruit de longues et laborieuses investigations non d'un homme, mais de générations entières de chercheurs appartenant aux nations les plus diverses — ce n'est pas seulement la masse gigantesque du tout et de ses parties ou l'harmonie de leurs mouvements, c'est le comportement de l'esprit investigateur de l'homme dans la découverte d'un si vaste panorama. Lié par nature à des conditions corporelles de dimensions minimes, l'esprit humain a réussi à s'emparer de l'immense univers, dépassant toutes les perspectives que le faible pouvoir des sens était, à première vue, en mesure de lui promettre.

Travail vraiment énorme, si l'on considère le point de départ de son admirable escalade des cieux, puisque les sens, dont il est nécessairement parti, disposent d'un pouvoir de connaissance fort restreint, généralement limité à la sphère d'espace et de temps qui les entoure immédiatement. Le premier mérite de l'esprit fut donc d'abattre l'étroite enceinte imposée aux sens par les conditions de leur propre nature, en inventant des moyens et en construisant d'ingénieux instruments pour accroître au-delà de toute limite l'ampleur et la précision de leurs perceptions : le télescope, qui annule presque les énormes distances entre l'oeil et les astres lointains, les rendant présents et comme tangibles ; la plaque photographique, qui recueille et fixe les plus faibles lumières des plus lointaines nébuleuses. Au fur et à mesure que l'esprit a ainsi renforcé le pouvoir des sens, il s'est servi de ce pouvoir accru pour approfondir ses investigations dans le domaine de la nature, inventant mille méthodes ingénieuses pour dévoiler les phénomènes les plus subtils et les plus cachés. C'est ainsi, par exemple, qu'il additionne les plus petits effets, dont la répétition est continuelle, pour obtenir un effet intégral perceptible, et que, d'autre part, il invente des instruments, comme la photo-cellule et la chambre de Wilson, pour explorer les processus atomiques les plus ténus de la matière radioactive et des rayons cosmiques. Scrutant toujours davantage, il découvre les lois qui président aux processus énergétiques et parvient ainsi à changer des formes d'énergie, qui sont hors de la sphère de la perception sensible — tels que les ondes électriques et les rayons infrarouges et ultraviolets — en d'autres qui rentrent dans le champ de l'observation directe et très précise des sens.

L'esprit interroge la nature dans les expériences du laboratoire et en déduit des lois provisoirement valables pour les conditions restreintes de ses tentatives. Non encore satisfait, il expérimente, puis étend le rayon de leur application au moyen d'observations astrophysiques. La connaissance pratique et théorique des spectres moléculaires le rend capable de s'aventurer dans les denses atmosphères des planètes supérieures et de vérifier la composition, la température, la densité de ces gaz. Se servant des faits et des théories de la science spectroscopique, il élève son regard scrutateur vers les étoiles fixes, recueillant la connaissance de la composition, de la densité et de l'ionisation de leurs mystérieuses atmosphères. A l'aide de la théorie moderne des quanta, l'esprit investigateur lit dans les raies spectrales, avant même qu'il soit possible de les obtenir en laboratoire et il en explique l'appartenance et l'origine. Les profondeurs du globe solaire lui-même n'échappent pas à la pénétration de son regard, armé des théories astrophysiques ; il y suit la dissociation de la matière et assiste, pourrait-on dire, aux processus nucléaires qui s'accomplissent au centre du Soleil et qui servent à compenser les pertes dues à son rayonnement au cours de milliards d'années. Dans sa hardiesse et son intrépidité, l'esprit humain ne s'arrête pas devant les plus formidables cataclysmes d'une Nova ou Supernova, il mesure les énormes vitesses des gaz dégagés et cherche à en découvrir les causes. Il s'élance sur la trace des galaxies en fuite dans l'espace, refaisant à l'envers le parcours qu'elles ont suivi pendant les milliards d'années du temps passé, et devient ainsi comme le spectateur des processus cosmiques qui se sont déroulés au premier matin de la création.

Qu'est-il donc, l'esprit de cet être minuscule qu'est l'homme, perdu dans l'océan de l'univers matériel, pour avoir osé demander à ses sens, d'une petitesse infinitésimale, de découvrir le visage et l'histoire de l'immense cosmos, et pour les avoir dévoilés l'un et l'autre ? Une seule réponse est possible, d'une évidence fulgurante : l'esprit de l'homme appartient à une catégorie de l'être essentiellement différente de la matière et supérieure à elle, fût-elle de dimensions illimitées.

Le Pape monte de la considération des énigmes de l'univers physique à l'existence de Dieu, créateur, conservateur et Providence, et à Sa science infinie :

Une demande enfin se présente spontanément à l'esprit ; la voie où s'est engagé ainsi l'esprit de l'homme — d'une façon qui, jusqu'ici, est incontestablement à son honneur — sera-t-elle indéfiniment ouverte devant lui ? La parcourra-t-il sans interruption jusqu'à dévoiler la dernière des énigmes que l'univers tient en réserve ? Ou, au contraire, le mystère de la nature est-il si ample et si caché que l'esprit humain, à cause de sa petitesse et de sa disproportion intrinsèques, ne réussira jamais à les sonder entièrement ? La réponse des esprits vigoureux, qui ont pénétré le plus profondément dans les secrets du cosmos, est bien modeste et bien réservée : nous sommes, pensent-ils, au début ; beaucoup de chemin reste à parcourir et sera parcouru sans relâche ; il n'y a toutefois aucune probabilité que même le plus génial chercheur puisse jamais arriver à connaître et encore moins à résoudre toutes les énigmes renfermées dans l'univers physique. Celles-ci postulent donc et indiquent l'existence d'un Esprit infiniment supérieur, de l'Esprit divin, qui crée, conserve, gouverne et par conséquent connaît et scrute dans une suprême intuition, aujourd'hui comme à l'aube du premier jour de la création, tout ce qui existe : Spiritus Dei ferebatur super aquas 3. Heureuse et sublime rencontre, à travers la contemplation du cosmos, que celle de l'esprit humain avec l'esprit créateur ! Esprit véritablement divin, et non pas une sorte d'âme du monde, confondue avec lui, comme le rêva le panthéisme. L'univers de notre expérience lui-même s'insurge contre cette erreur : il avoue être un tout composé, en dépit de son unité dynamique, et il montre, à côté de ses beautés et de ses harmonies indéniables, d'évidentes imperfections, inconciliables avec la divine plénitude de l'Etre, Esprit divin, distinct et différent du monde ; non pas hors du monde, comme retiré dans une solitude dédaigneuse et qui abandonnerait son oeuvre à son destin, comme l'affirment les théories déistes, mais, au contraire, présent au monde, comme créateur, conservateur et ordonnateur tout-puissant, auquel le monde est lié, par une dépendance essentielle, dans l'intime de son être et de son action. Esprit divin, qui, au savant soucieux de trouver un sens à l'ensemble de la réalité existante, se révèle bien différent du froid cosmos. Esprit animé par un souffle de bonté et d'amour qui pénètre et explique tout, qui se concentre et se révèle de façon particulière dans la créature humaine, faite à son image et à sa ressemblance, qu'il ne dédaigne pas, à cause de cela, d'entourer de continuelles et ineffables opérations d'amour, telle la Rédemption opérée par le moyen de sa mystérieuse Incarnation. De la sorte, l'ampleur prise par la conception cosmique, qui a légitimement détrôné l'antique idée géocentrique et anthropocentrique, rapetissé, peut-on dire, notre planète jusqu'aux dimensions d'un grain de poussière astrale et réduit l'homme à celles d'un atome sur cette poussière, reléguant l'un et l'autre dans un coin de l'univers, ne constitue pas un obstacle — comme certains l'ont affirmé en traitant du mystère de l'Incarnation — pour l'amour ni pour la toute-puissance de Celui qui, étant pur esprit, possède une supériorité infinie sur la matière, quelles que puissent être les dimensions cosmiques de celle-ci en espace, temps, masse et énergie.

Ainsi, Messieurs, outre la profonde estime que Nous nourrissons pour toutes les sciences et pour la vôtre en particulier, un motif de plus, fondé sur des horizons plus élevés et plus univer-

8 Gen. I, 2.



sels, Nous pousse à formuler ce souhait. Puisse la conception moderne de la science astronomique, qui a été l'idéal de tant de grands hommes dans le passé, d'un Copernic, d'un Galilée, d'un Kepler, d'un Newton, être encore féconde de merveilleux progrès pour l'astrophysique moderne et faire que, grâce à la collaboration cordiale, dont 1'« Union astronomique internationale » est une promotrice exemplaire, l'image astronomique de l'univers acquière un perfectionnement toujours plus profond.

Et afin que la lumière éternelle de Dieu vous guide et vous éclaire dans vos travaux, dont le but est de dévoiler les traces de ses perfections et de recueillir les échos de ses harmonies Nous invoquons sur tous ceux qui sont présents ici les célestes faveurs, en gage desquelles Nous faisons descendre sur vous Notre Bénédiction apostolique.

LETTRE DE MONSEIGNEUR GRANO, DE LA SECRÉTAIRERIE D'ETAT A L'OCCASION DU 350e ANNIVERSAIRE DE LA CONSÉCRATION EPISCOPALE DE SAINT FRANÇOIS DE SALES

(12 septembre 1952) 1




Mgr Charles Grano, chef du Protocole à la Secrétairerie d'Etat, en l'absence de Mgr J.-B. Montini, substitut, a écrit la lettre suivante à Son Exc. Mgr Cesbron, évêque d'Annecy :

Le diocèse d'Annecy a toujours entouré d'une vénération, pleine de gratitude, le Saint Evêque de Genève, qui, vingt années durant, exerça la charge pastorale dans la ville episcopale de Votre Excellence et il s'apprête à en donner à nouveau une magnifique preuve lors des fêtes du 350e anniversaire de la Consécration episcopale de S. François de Sales, que présidera Son Exc. Mgr le Nonce Apostolique. Le Saint-Père, informé de ces prochaines cérémonies commémoratives, souhaite de tout coeur qu'elles soient pour les chrétiennes populations de Savoie une source abondante de grâces spirituelles.

1 D'après le texte français de l'Osseroalore Romano, du 12 septembre 1952.




Comment, en effet, chacun ne tirerait-il pas profit à évoquer une fois de plus la figure douce et forte de François de Sales ? Successeur des Apôtres par la grâce de son épiscopat, il fut lui-même un apôtre au plein sens du terme : n'a-t-il pas la hardiesse du missionnaire qui affronte fatigues et périls ; la science du Docteur qui approfondit le message à transmettre et ne transige pas avec la sauvegarde du dépôt révélé ; l'art de l'écrivain mis au service de la vérité pour la rendre


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