Pie XII 1952 - AU CONGRÈS INTERNATIONAL D'ASTRONOMIE


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accessible et aimable sans la minimiser ; le coeur du saint, surtout, qui se donne sans réserve au peuple que Dieu lui a confié ? Quel exemple pour tous, — du pasteur d'âmes au militant laïque de l'Action Catholique, — à l'heure où les exigences de l'apostolat posent à notre génération bien des problèmes, nouveaux dans leurs modes, mais si semblables, en leur fond, à ceux qu'affrontèrent au cours de l'histoire tous les vrais missionnaires de l'Evangile.

A l'école de l'Evêque de Genève, on recueille en particulier la leçon d'un rare équilibre dans l'exercice des vertus apostoliques, et il plaît à Sa Sainteté de la proposer à nouveau à notre attention. Ainsi chez S. François de Sales, une activité inlassable au service du prochain se conciliait avec la persévérance dans l'étude des sciences sacrées et même profanes ; sa patience miséricordieuse avec les faibles et les pécheurs savait s'allier à une rare autoiité dans l'affirmation et la décision ; l'humilité de sa vie et de son maintien le faisait proche des petits et des pauvres sans qu'il manquât en rien aux devoirs de sa charge vis-à-vis des grands de la terre ; il fut l'un des plus hardis de son temps pour proposer à tous les chrétiens vivant dans le monde les voies d'une authentique sainteté, mais, fondateur lui-même, il sauvegarda toujours la prééminence de l'état religieux. Et le secret de cette harmonie supérieure, dont on pourrait multiplier les exemples, il ne faut pas le chercher ailleurs que dans la sérénité d'une âme qui vivait dans la contemplation et l'amour de la seule volonté divine.

Que Dieu, qui illumina le coeur du jeune et saint évêque durant la cérémonie de son sacre, en l'église Saint-Maurice de Thorens, daigne aujourd'hui encore éclairer et fortifier tous ceux qui, en ces mêmes lieux, commémorant ce glorieux anniversaire, veulent être, à son exemple, animés du véritable esprit des apôtres de Jésus-Christ ! C'est en gage de cette grâce divine que le Saint-Père envoie de grand coeur à Votre Excellence, à ses diocésains et à tous ceux qui assisteront à ces prochaines fêtes, une très paternelle Bénédiction Apostolique.


RADIOMESSAGE AUX FIDÈLES DU VENEZUELA

(12 septembre 1952) 1


En la Fête du Saint Nom de Marie, la statue de Notre-Dame de Coromoto, patronne du Venezuela, fut couronnée : c'est en cette circonstance que Pie XII envoya par les ondes, le message suivant :

Vénérables Frères et chers fils, catholiques vénézuéliens, qui dans la belle Guanare assistez avec émotion au solennel couronnement de votre Sublime Patronne Notre-Dame de Coromoto.

Si ce fut toujours un spectacle hautement attirant et émouvant de voir une mère entourée de l'amour et de la dévotion de ses fils, combien cela ne le sera-t-il pas davantage lorsque, comme dans les circonstances présentes, il s'agit de tout un grand peuple qui, non content de s'être mis, voici dix ans, sous le puissant patronage de sa Mère du ciel, aspire maintenant à lui manifester sa sincère piété et son authentique soumission, en plaçant sur son front une précieuse couronne et en l'acclamant comme sa Dame et sa Reine naturelle ?

C'est que ce peuple a compris ce que représente la Sainte Vierge dans l'histoire des nations !

En écartant son Nom si doux, il serait pour le moins impossible d'exposer l'histoire de votre immense continent dont la route fut trouvée, en un acte audacieux, par la rude proue d'un navire qui s'appelait précisément « Sainte Marie » et en un jour consacré à la Vierge du Pilar ; dont le nom dans la langue pieuse et ingénue de ces découvreurs fut « Archipel de la Mer de Notre-Dame » ; et dont les rivages furent foulés pour la première fois, par ces courageux champions qui, sous leurs armures de fer, cachaient un coeur des plus tendres, plein d'amour pour leur Mère céleste, comme le fut votre Alonso de Hojeda,

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FIDELES DU VENEZUELA



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l'homme qui portait toujours sur lui une image de la Reine des Anges et qui passait en laissant son souvenir, pour le fixer dans le monde, dans les appellations des villages et des villes, des sommets des montagnes et des ports de votre nation, une nation éminemment mariale.

Car, très chers vénézuéliens, c'est effectivement là une de vos plus éclatantes gloires. Les uns chantent la beauté de vos cimes géantes, d'où descendent d'abondants et larges fleuves qui, traversant tantôt les étendues interminables de calmes et gras pâturages, tantôt les forêts denses, riches de toutes sortes de bois précieux, vont aboutir dans les fécondes terres du littoral prospère ou vont mêler leurs eaux à celles de l'imposant Oréno-que ; d'autres célèbrent la douceur éternelle de votre ciel, votre climat tempéré et la bonne et aimable condition de votre peuple ; ils exaltent justement la richesse que le Seigneur a cachée dans votre sol ou le haut génie de vos fils, qui ont donné tant de noms illustres, — un Mariano de Talavera, un Andrés Bello, — à l'Eglise et à la culture de toute l'Amérique espagnole ; pour Nous, surtout en ce moment, le Venezuela sera toujours la terre de la Vierge et, en le parcourant en imagination, ce qui se présentera à Notre mémoire ce sera la Maracaibo de Notre-Dame de Chiquinquira, plus au sud la Tariba de Notre-Dame de la Consolation, vers le centre la Valence de la Vierge du Secours, puis encore la Nouvelle Barcelone avec sa Vierge du Tucumo et, comme capitale, Caracas avec ses sanctuaires de la Merced, d'Altagracia et de la Soledad, pour ne citer que les premiers qui Nous viennent à l'esprit. Et encore, si du continent Nous voulions passer aux îles, Nous trouverions à l'Ile Marguerite les tours de l'église de Notre-Dame de la Vallée.

Mais il y a un coin choisi, au bord des Llanos et à l'ombre de l'imposante montagne de Mérida, que la Mère de Dieu préféra entre tous. Nous nous trouvons aux premiers chapitres de la colonisation, en la seconde moitié du XVIe siècle. Juan Fernandez de Léon, — une forte personnalité en laquelle une fois de plus fraternisent les aspirations d'expansion et d'apostolat de l'Espagne et du Portugal, — fonda la « Ville du Saint-Esprit de la vallée de S. Juan de Guaguanare ». 11 semble que l'Evangile pénètre sous de bons auspices en ces nouveaux et immenses territoires, mais il s'y trouve une âme rebelle et c'est précisément celle-là qui est la plus intéressante à conquérir. C'est maintenant le milieu du XVIIe, quand, pour achever de vaincre tous les obstacles, s'épanouit le prodige. Sur les eaux tranquilles qui courent vers le fond du terrain coupé et inégal, — selon le récit de la tradition, — une belle Señora invite avec insistance à la soumission et au baptême. Et quand au milieu de la rébellion éclate la violence, dans les mains tourmentées de celui qui ne voulait pas se rendre à la grâce, demeure l'image, — victorieuse à la fin, — de Celle qui sait toujours triompher pour sa gloire et pour notre bien.

Le reste de l'histoire, jusqu'à l'arrivée au grand Sanctuaire national du début du siècle dernier et jusqu'à ce précieux reliquaire d'aujourd'hui, vous le savez bien pour l'avoir appris naturellement au sein de qui vous donna la vie et conservé parmi les plus aimables souvenirs d'une enfance lointaine, alors que vous étiez à peine capables de retenir un peu plus que l'idée centrale, la même que symbolise ce précieux joyau : un Venezuela idolâtre transformé en un pays chrétien par l'intervention maternelle de la Sainte Vierge ; chose qui, ainsi que l'a fort bien dit votre Episcopat, est « une gloire qui élève et anime votre piété et un gage d'amour maternel qui commande la gratitude nationale ».

Acclamez-la, oui, acclamez-la, très chers Vénézuéliens, comme principal moyen dont se servit la Providence divine pour vous apporter le bienfait inestimable de la foi ! Mais vous qui la possédez déjà, vous qui vous dites fils d'une nation catholique, accourez devant son trône d'amour et de grâce en lui demandant qu'elle vous la conserve et vous la fortifie, libre des influences malsaines qui cherchent à la mettre en péril. Demandez-lui que l'Eglise, fondée par son Divin Fils pour le salut de vos âmes, puisse faire parvenir partout le bienfait inestimable de l'éducation chrétienne, sans aucune difficulté ; que la famille, cellule fondamentale de toute société, soit sauvée du chancre qui la ronge, en conservant intactes sa sainteté et son unité ; que la charité du Christ triomphe dans les relations sociales en faisant parvenir à tous les bienfaits du juste progrès et du bien-être raisonnable ; que ne prennent jamais racine dans la fertile terre vénézuélienne des doctrines étrangères, avant tout celles qui L'offensent à la fois, Elle et son précieux Fils en leur niant leurs plus hautes prérogatives ; et que, reconnaissant tous sa véritable maternité, tous se sentent frères en Jésus-Christ, fils d'un même Père qui est aux cieux ; qu'ils puissent et désirent vivre en paix pour donner au monde tourmenté par la haine et par la violence, l'exemple d'une nation qui sait jouir des bienfaits de la fraternité chrétienne.

Faites qu'il en soit ainsi, Mère bien-aimée de Coromoto, Reine du peuple vénézuélien, que vous avez daigné honorer de votre présence, sauvegarde invincible de sa foi ! Et écoutez-les quand ils vous chantent : « Ne permettez pas que succombe -notre patrie dans la tourmente ; - renouvelez dans leur ambiance - la foi de nos aînés... ».

Dans ces sentiments et ces désirs, en vous recommandant à votre Mère et Reine, Nous vous bénissons, chers fils : Notre digne Légat, Nos Frères en l'Episcopat, tout le peuple vénézuélien et tous ceux qui d'une manière ou d'une autre écoutent Notre voix, qui entend toujours exprimer Notre amour de Père et attester Notre dévotion filiale envers l'auguste Reine des deux.


ALLOCUTION AUX COOPÉRATEURS SALÉSIENS

(12 septembre 1952) 1


Un Congrès international des Coopérateurs Salésiens s'est réuni à Rome. Au cours de celui-ci une audience fut accordée par le Saint-Père qui déclara :

La visite que Nous recevons aujourd'hui de si nombreux représentants de la grande Famille salésienne — les Coopérateurs et Coopératrices de la vaillante milice de saint Jean Bosco — est un de ces faits délicats disposés par la Providence divine pour Nous placer une fois de plus devant l'un de ces devoirs les plus graves et les plus chers à Notre coeur, c'est-à-dire ceux qui sont les tâches de chaque jour, instantia quotidiana 2, de Notre ministère apostolique.

Ce devoir, auquel Notre esprit est appliqué avec assiduité, mais auquel Nous appelle aujourd'hui encore plus vivement votre présence, concerne la bienfaisante Action Catholique, dont les Coopérateurs salésiens sont de très efficaces auxiliaires.

En effet, vous n'ignorez pas, chers fils, que votre pieuse Union, greffée sur le tronc fécond de la Famille religieuse de saint Jean Bosco, et qui participe à son activité multiforme et à ses biens spirituels, n'a point toutefois comme fin immédiate de venir en aide à la Congrégation dont elle prend le nom, mais plutôt, selon la déclaration de votre Saint Fondateur, de « prêter assistance à l'Eglise, aux évêques, aux curés, sous la haute direction des Salésiens, et cela dans les oeuvres de bienfaisance, telles que les catéchismes, l'éducation des enfants pauvres, et d'autres semblables. »

Apôtre né et suscitant les apôtres, Don Bosco devina, voici un siècle, avec l'intuition du génie et de la sainteté, ce qui












devait être plus tard dans le monde catholique la mobilisation du laïcat contre l'action du monde ennemi de l'Eglise. C'est ainsi qu'un jour lointain de 1876, l'homme de Dieu, parlant de ses Coopérateurs, put avancer ces audacieuses pensées : « Jusqu'à présent cela semble peu ; mais j'espère que grâce à ce moyen une bonne partie de la population italienne deviendra salésienne et nous ouvrira la voie pour de très nombreuses choses. »

Son zèle prévoyant préconisait, sous le signe de l'institution salésienne, un nouveau mouvement providentiel du laïcat catholique, qui, devant la poussée subversive des forces du mal et sous la conduite éclairée de l'Esprit, se préparât à descendre en lice, ordonné dans ses cadres et formé à l'action, à la prière et au sacrifice, en s'unissant aux forces de première ligne, auxquelles revenaient par mandat divin la direction et la part principale dans la sainte bataille.

Intimement pénétrés de l'esprit salésien, vous comprenez bien, chers fils, les rapports étroits que vous devez avoir avec l'ensemble des oeuvres qui sont soutenues par le laïcat catholique pour aider la Hiérarchie selon les temps, les lieux, les circonstances, et combien nous pouvons compter sur votre coopération. L'Action Catholique est en droit d'attendre beaucoup de vous dans le domaine de la charité, de la bienfaisance, de la bonne presse, des vocations, des catéchismes, des patronages, des Missions, de l'éducation de la jeunesse pauvre et en danger. C'est là le principal but que l'âme ardente de Don Bosco désignait à votre activité ; et le fait de se signaler dans ce domaine doit être, comme cela le fut toujours jusqu'ici, votre gloire.

Aujourd'hui ce devoir et cet honneur sont comme vous le voyez, d'une urgence qui dépasse ce qu'attendait votre Fondateur même. Le monde catholique est, plus que jamais, la cible de toutes les forces du mal, et la jeunesse, c'est-à-dire l'avenir du monde, est pour ces forces coalisées l'enjeu envié qui donne la garantie de la victoire.

Si dans les angoisses présentes c'est pour Nous un impérieux devoir de renouveler sans répit un cri d'alarme, d'appeler au rassemblement, d'éveiller les dormeurs et les inconscients, d'encourager les volontaires, « de prêcher la parole, d'insister à temps et contre-temps, de répéter, de supplier, d'exhorter3», c'est autant le strict devoir de tous Nos fils de ne pas déserter l'arène, mais de faire honneur par des faits à l'engagement chrétien solennellement promis.

Par un nouvel enrôlement explicite, les inscrits de l'Action Catholique s'engagent à l'action ; et vous qui dans votre nom porter l'enseigne « cooperare », vous êtes, à l'ombre de la Famille Salésienne, la milice légère, les « militants » de la cause du bien, qui, disséminés dans toutes les classes et exposés aux circonstances les plus diverses, travaillez, par votre vie, par la parole, par l'action, à réparer les ruines, à prévenir le mal, à jeter dans les esprits les germes de la vérité, de la vertu, de la foi, de la religion et de la piété.

Avec la vie avant tout, — dirons-nous, — vous devez, chers fils, mener le bon combat spirituel, unis à l'Institut dont vous êtes l'heureux rejeton. Car dans ce domaine l'action, l'excès de zèle, le fait de se démener dans tous les sens ne comptent point autant que l'éclat de la conduite chrétienne qui, au sein de votre famille et de la société, dont vous faites partie, rend à votre apostolat multiforme le témoignage des faits.

Le message confié par le Maître divin à cet apostolat est tellement en opposition dans toutes ses parties avec les opinions, la logique, les moeurs du monde, que les chrétiens ne peuvent penser exercer efficacement cet apostolat par le simple fait de leur action extérieure. La société païenne ou paganisante qui le reçoit, soit collectivement soit individuellement, même si elle est convaincue et si elle l'admire, ne peut pas ne pas rester perplexe quand l'apôtre parle et n'agit point ; et même lorsque l'effet de cet apostolat n'est pas plus destructeur qu'édifiant, le monde continuera à considérer comme utopie et réservée à quelques rares élus l'organisation effective de la vie conformément à la foi et à la morale chrétienne.

Donc, chers fils, votre vie doit être exemplaire dans tous les sens pour que la coopération à laquelle vous vous consacrez ne soit pas une fiction, mais produise des fruits de bien, quel que soit le domaine dans lequel elle est appelée à s'appliquer. La force irrésistible de tout genre d'apostolat chrétien est la piété, dont saint Paul a dit qu'« elle est utile à tous et qu'elle a la promesse de la vie présente et de la future » 4.





















La piété est elle-même le premier, le grand apostolat dans l'Eglise de Jésus-Christ. Celui qui en faveur de l'activité extérieure prétendrait réduire le culte de la piété ou la tenir en moindre considération, révélerait une intelligence faible ou même nulle de l'essence du Christianisme, de ce qui est son noyau substantiel : l'union de l'âme avec Dieu dans l'amour agissant et obéissant.

Nous insistons sur cette grave question, chers Coopérateurs et Coopératrices, afin que loin de vous échapper elle soit continuellement présente à votre esprit, elle qui est la clef de l'heureux succès dans votre activité d'efficaces auxiliaires dans l'organisation de la Hiérarchie catholique. On vous a appelés — et vous l'êtes en réalité — Tiers-Ordre salésien, de la même manière qu'ont leurs Tertiaires les autres Instituts et Ordres religieux, avec la différence que chez ceux-ci l'élément piété est mis en plus grande évidence et, chez vous, le facteur charité. Or, de même que le danger pour les premiers est qu'à côté de l'élément principal, la prière, ils ne laissent suffisamment de champ à l'action, votre danger est au contraire que l'action éteigne la flamme de l'oraison, et celle-ci faisant défaut, que l'action sans âme soit exposée aux caprices des passions et au processus de la dissolution.

Pensez donc, chers fils, combien l'urgence même de votre travail multiple, réclamé aujourd'hui par l'Eglise avec angoisse, dirons-Nous, vous commande l'avoir le souci le plus jaloux de votre vie intérieure c'est-à-dire de cette vie à laquelle a fort bien pourvu la sagesse du Saint de l'action, en vous dictant, de même qu'à sa double famille des Prêtres salésiens et des Filles de Marie Auxiliatrice, une Règle de vie spirituelle, ordonnée à vous former, même sans la vie de communauté, à la religiosité intérieure et extérieure de celui qui, dans son monde familial et social, entreprend sérieusement l'oeuvre, la plus sublime de toutes, la perfection chrétienne.

Ici, chers fils, permettez à Notre esprit paternel, conscient de sa terrible mission de Vicaire, de s'élever, avec l'espérance qui ne trompe pas, à la contemplation d'une société — disséminée dans toutes les classes, professions, dans tous les emplois et métiers — d'hommes et de femmes réalisant pleinement l'idéal salésien, avec foi, constance, amour, au milieu du monde des distraits, des superficiels, des faibles, des scandaleux de toute sorte. « Sel de la terre » pénétrant avec l'ardeur de la foi vécue dans tous les replis de la famille et de la société : cet idéal, proclamé avec la force de la douceur évangélique, qui ne cherche rien ni ne craint rien des hommes ni des choses, de quelle magnifique, bien que lente, transformation des coeurs ne sera-t-il pas capable, à la longue !

Et vous, Coopérateurs et Coopératrices de la grande et complexe oeuvre salésienne, qui, en cette date jubilaire de votre fondation, évoquez les origines et l'histoire d'un mouvement si fécond, vous plus que les autres, tout en bénissant le Seigneur du grand bien accompli par votre intermédiaire, vous devez aujourd'hui vous rappeler surtout vos responsabilités et le devoir auquel vous êtes liés devant Dieu et les hommes pour collaborer à l'établissement et à l'expansion du Royaume de Dieu sur la terre.

Reconnaissant et heureux Nous-même du bien que vous semez et des fruits que vous recueillez, tous Nos voeux en cette heureuse circonstance sont pour le plus grand développement de votre Pieuse Union en nombre et en ferveur. Dans ce but, Nous implorons pour elle la plus large abondance de la Grâce divine. Et tout en demandant au Seigneur que le zèle actif des Coopérateurs et des Coopératrices ne perde jamais rien de sa vigueur, et que votre institution sous les auspices de Marie Auxiliatrice et de saint Jean Bosco soit florissante toujours dans ses oeuvres et son esprit, Nous donnons de tout coeur à ses dirigeants, à ses membres et à toutes ses saintes entreprises la Bénédiction apostolique.

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ALLOCUTION AUX PÈLERINS DE TULLE (13 septembre 1952)


1 350 pèlerins de Tulle s'étant présentés à Rome pour commémorer le VIe centenaire de la mort du Pape Clément VI et de l'élection d'Innocent VI, tous deux originaires de la Corrèze, ont pu entendre le Pape leur dire :

Un mot aussi de salut paternel à Nos fils et filles du diocèse de Tulle. Sous la conduite de votre Pasteur, Notre vénérable Frère, vous êtes venus à Nous pour Nous assurer de votre attachement et de votre fidélité en cette année 1952, qui rappelle la date de 1352, où les deux Papes de votre diocèse, Clément VI et Innocent VI se sont succédé sur le Siège de Pierre.

Le second de ces deux Pontifes, Innocent VI, est appelé par bon nombre d'historiens « le plus remarquable et le meilleur des Papes d'Avignon ». Ce fut un vrai réformateur dans sa propre maison et dans l'Eglise entière. Nous avons la confiance qu'il est parmi nous en esprit et que ses prières accompagnent les efforts de rapprochement entre les peuples au coeur de l'Europe.

A vous tous Nous accordons, dans toute l'effusion de Notre Coeur paternel, la Bénédiction du Vicaire du Christ.




ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS INTERNATIONAL DE « PAX CHRISTI » (13 septembre 1952)


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Le Congrès international de « Pax Christi » avait lieu à Assise. A l'issue de celui-ci, les Congressistes vinrent à Rome, et le Pape les recevant à Castel-Gandolfo leur dit :

Nous vous souhaitons la bienvenue, Vénérables Frères, très chers fils et filles, qui représentez le mouvement de Pax Christi. Vous venez d'affirmer à Assise votre attachement à l'esprit de S. François, aux sources duquel vous vous efforcez de puiser, et maintenant vous voici devant Nous, pour implorer sur votre mouvement, ses buts, son travail, ses succès, la Bénédiction du Vicaire du Christ.

Pax Christi, très chers fils et filles, est surnaturel et à la fois bien présent à la réalité naturelle. Les forces de paix accumulées dans l'Eglise et le monde catholique grâce à l'unité surnaturelle des catholiques dans le Christ, dans la foi, dans l'accord fondamental de la pensée et des idées sociales, Pax Christi veut les utiliser pour procurer l'atmosphère nécessaire aux tendances, qui visent à l'unification économique et politique de l'Europe d'abord, et plus tard peut-être des territoires qui la débordent.

Le Pape dénonce l'erreur du surnaturalisme.

Nous apprécions vivement ce caractère surnaturel et naturel à la fois de Pax Christi. Un surnaturalisme, qui s'écarte, et surtout écarte la religion, des nécessités et des devoirs économiques et politiques, comme s'ils ne concernaient pas le chrétien et le catholique, est chose malsaine, étrangère à la pensée de l'Eglise. Fax Christi n'adopte pas cette attitude unilatérale. Au contraire. Nous croyons pouvoir Nous exprimer ainsi, il a pris son départ au coeur des nécessités sociales et politiques.

L'Eglise est toujours prête à soutenir tous les efforts loyaux en faveur de la paix.

Depuis des années, les peuples, les Etats et des continents entiers cherchent à obtenir la paix. Qu'est-ce que l'Eglise ne donnerait pour leur procurer la paix ! Seule, elle ne le peut cependant pas, pour ce simple motif déjà que la puissance lui manque à cet effet. L'Eglise pouvait agir plus efficacement au temps où l'homme et la culture d'Occident étaient exclusivement catholiques, où l'on s'entendait généralement à reconnaître le Pape comme conciliateur et médiateur des différends entre les peuples. Cependant, même alors, l'Eglise ne réussissait pas toujours. Aujourd'hui par contre, les convictions religieuses sont trop souvent confuses et divisées,, et la laïcisation de la vie publique poussée fort loin. Ce que, dans ces circonstances, l'Eglise ne peut pas apporter à la cause de la paix, ce qu'elle peut y apporter, en quoi consiste principalement sa tâche, Nous l'avons expliqué amplement dans Notre dernier Message de Noël2.

En tout cas, si aujourd'hui des personnalités politiques conscientes de leurs responsabilités, si des hommes d'Etat travaillent pour l'unification de l'Europe, pour sa paix et la paix du monde, l'Eglise ne reste vraiment pas indifférente à leurs efforts. Elle les soutient plutôt de toute la force de ses sacrifices et de ses prières. Vous avez donc bien raison de voir en ce point votre premier objectif : prier pour la compréhension mutuelle des peuples et pour la paix.

Cependant le Souverain Pontife constate que les efforts d'unification de l'Europe n'ont pas à leur base : l'unité spirituelle.

Quand Nous suivons les efforts de ces hommes d'Etat, Nous ne pouvons Nous défendre d'un sentiment d'angoisse : sous la pression de la nécessité qui exige l'unification de l'Europe, ils poursuivent et commencent à réaliser des buts politiques, qui présupposent une nouvelle manière d'envisager les relations de peuple à peuple. Cette présupposition, hélas, ne se vérifie pas ou, en tout cas, pas assez. L'atmosphère n'existe pas encore, sans laquelle ces nouvelles institutions politiques ne peuvent à la longue se maintenir. Et s'il paraît audacieux de vouloir sauvegarder la réorganisation de l'Europe au milieu des difficultés du stade de transition entre la conception ancienne, trop unilatéralement nationale, et la nouvelle conception, au moins doit se dresser devant les yeux de tous, comme un impératif de l'heure, l'obligation de susciter le plus vite possible cette atmosphère.

Collaborer à cette oeuvre en mettant en jeu précisément les forces de l'unité catholique, voilà, tel qu'il Nous apparaît, le but essentiel de votre mouvement Fax Christi.

Nous avons Nous-même, récemment, dit un mot de cette ambiance à créer. Nous voudrions en cette occasion solennelle en parler un peu plus au long.

Pour avoir des chances de créer l'Europe :

1. Il faut avoir le respect des autres.

Pour contribuer à cette atmosphère, il faut lorsqu'on regarde le passé, porter un jugement serein sur l'histoire nationale, celle de sa patrie, celle aussi de l'autre ou des autres pays. Les résultats d'une recherche historique précise, reconnus par les spécialistes des deux parties, doivent être la règle de ce jugement. Victoires ou défaites, oppression, violences et cruautés — comme probablement il s'en est trouvé de part et d'autre au cours des siècles — sont des faits historiques et le restent. Qu'une nation soit fière de ses victoires, qui s'en aigrira ? Qu'elle déplore ses défaites comme un malheur, c'est un sentiment naturel, fruit d'un sain patriotisme. Qu'on ne se demande pas mutuellement l'impossible, pas de dispositions irréelles ou fausses ; mais que chacun témoigne compréhension et respect pour les sentiments de l'autre nation.

2. S'il faut condamner l'injustice, il ne faut pas rendre responsables
de celle-ci, des peuples entiers.

On peut aussi condamner sans réserve l'injustice, la violence et la cruauté, même quand elles sont imputables à des compa-

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triotes. Mais tout d'abord, chacun doit s'en persuader : qu'il s'agisse de sa propre nation, ou d'une autre, il ne faut pas tenir rigueur aux générations actuelles des fautes du passé. Et pour ce qui concerne le déroulement de l'histoire et même la conjoncture redoutable du temps présent, vous avez vu et vous expérimentez chaque jour que les peuples, comme tels, ne peuvent s'en voir imputer la responsabilité. Ils doivent certainement supporter leur sort collectif, mais pour ce qui regarde la responsabilité, la structure de la machine moderne de l'Etat, l'enchaînement presque inextricable des relations économiques et politiques ne permet pas au simple particulier d'intervenir efficacement dans les décisions politiques. Tout au plus, peut-il, par son vote libre, en influencer la direction générale, et encore, dans une mesure limitée.

Nous y avons plusieurs fois insisté : autant que possible, que l'on rejette la responsabilité sur les coupables, mais qu'on les distingue, avec justice et netteté, du peuple dans son ensemble. Des psychoses de masse se sont produites des deux côtés : il faut le concéder. Il est bien difficile à l'individu d'y échapper et de ne point y laisser aliéner sa liberté. Ceux sur qui la psychose de masse d'un autre peuple s'est abattue comme une fatalité terrible, qu'ils se demandent toujours si ce peuple, au plus profond de lui-même, n'a pas été excité jusqu'à la fureur par des malfaiteurs de leur propre nation. La haine des peuples en tout cas est toujours d'une injustice cruelle, absurde et indigne de l'homme. Nous lui opposons la parole de bénédiction de s. Paul : Dominus... dirigat corda vestra in cantate Dei et patien-tia Christi 3.

Voilà, semble-t-il, pour l'essentiel, quand le regard embrasse le passé jusqu'au présent le plus immédiat, les composants de l'atmosphère, dans laquelle peut croître l'oeuvre d'unification des nations. C'est, pour le dire en bref, l'atmosphère de la vérité, de la justice et de l'amour dans le Christ.

3. Pour l'avenir il faut traiter tous les peuples, d'une même manière juste.

3 2Th 2,5.




Ainsi a-t-on déjà préparé, sinon anticipé, les assurances requises pour l'avenir. Pour l'indiquer brièvement, la garantie de l'avenir exige :

La justice, qui de part et d'autre applique une mesure égale. Ce qu'une nation, un Etat revendique pour soi par un sentiment élémentaire du droit, ce à quoi il ne renoncerait jamais, il doit aussi le concéder sans condition à l'autre nation, à l'autre Etat. N'est-ce pas une évidence ? Oui, mais l'amour-propre national incline trop, et cela presque inconsciemment, à utiliser deux mesures. Il faut mettre en oeuvre intelligence et volonté pour rester objectif sur le terrain scabreux où se discutent les intérêts nationaux.

4. Il faut favoriser l'estime réciproque.

L'estime réciproque, en un double sens : pas de mépris d'une nation, parce que, par exemple, elle apparaît moins douée que la nation propre. Un mépris ainsi motivé dénoterait étroitesse d'esprit. La comparaison des aptitudes nationales doit prendre en considération des domaines les plus divers, et il faut une connaissance approfondie et une longue expérience pour pouvoir tenter cette comparaison. Ensuite, respect du droit de chaque peuple à exercer son activité. Ce droit ne peut être artificiellement limité ni jugulé par des mesures de contrainte.

5. Il faut créer un climat de confiance.

La confiance : on accorde sa confiance à ceux qui appartiennent à son propre peuple aussi longtemps qu'ils ne s'en sont pas rendus positivement indignes. On les traite comme frères et soeurs. C'est exactement la même attitude qu'il faut avoir envers ses frères des autres nations. Ici non plus, il n'y a pas deux poids et deux mesures.

L'amour de la patrie ne signifie jamais mépris des autres nations, défiance ou inimitié envers elles.

6. Il faut créer l'union.

Enfin, se sentir unis : c'est ici, Nous l'avons déjà dit, que les forces catholiques acquièrent leur maximum d'efficacité. Voilà pourquoi précisément vous avez fondé Fax Christi. Voilà la source de sa puissance, de ses possibilités étendues et toujours en croissance.

Quand un pays est injustement attaqué, les citoyens ont le devoir de le défendre.

Comme objet d'étude pour votre Congrès, vous avez choisi la « guerre froide ». Le jugement moral qu'elle mérite sera le même analogiquement, que celui de la guerre au sens du droit naturel et international. L'offensive, quand il s'agit de la guerre froide, doit être condamnée sans condition par la morale. Si elle se produit, l'attaqué ou les attaqués pacifiques ont non pas seulement le droit, mais aussi le devoir de se défendre. Aucun Etat ou aucun groupe d'Etats ne peut accepter tranquillement la servitude politique et la ruine économique. Au bien commun de leurs peuples ils doivent d'assurer sa défense. Celle-ci tend à enrayer l'attaque et à obtenir que les mesures politiques et économiques s'adaptent honnêtement et complètement à l'état de paix qui règne au sens purement juridique entre l'attaquant et l'attaqué.

L'Eglise condamne la « guerre froide » et les « propagandes pacifistes » trompeuses.

Dans la question de la guerre froide aussi, la pensée du catholique et de l'Eglise est réaliste. L'Eglise croit à la paix et ne se fatiguera pas de rappeler aux hommes d'Etat responsables et aux politiciens que même les complications politiques et économiques actuelles peuvent se résoudre à l'amiable moyennant la bonne volonté de toutes les parties intéressées. D'autre part l'Eglise doit tenir compte des puissances obscures, qui ont toujours été à l'oeuvre dans l'histoire. C'est aussi le motif pour lequel elle se défie de toute propagande pacifiste, dans laquelle on abuse du mot de paix pour déguiser des buts inavoués.

Pie XII conclut, en disant :

En proclamant et en vivant son idéal, le saint d'Assise a suscité au XIIIa siècle un mouvement religieux et social qui, pour parler de l'Italie, enseignait la simplicité chrétienne dans le train de vie et la paix entre les partis qui déchiraient la vie publique. De la Sicile jusqu'aux Alpes, il comptait des partisans, et même un Frédéric II n'aurait pas osé ignorer son existence.

Comparés à cette époque, les événements actuels ont pris de vastes proportions et se sont étendus à l'échelle du monde. Et cependant le mouvement franciscain du XIIIo siècle peut vous être un exemple et un stimulant. Votre étendard vous désigne un objectif profondément chrétien et catholique, auquel déjà les générations passées auraient dû s'attaquer : l'union des catholiques d'Europe d'abord, et ensuite des autres continents, pour travailler ensemble aux tâches de la vie publique, union basée sur la conscience de ce fait que la foi les réunit tous. Certes les difficultés sont nombreuses et elles pèsent lourd. Mais regardez plutôt vers les hommes qui partout pensent comme vous et qui sont prêts également aux sacrifices, que la réussite de l'oeuvre impose de toutes parts. Aucun doute, leur nombre est grand, très chers fils et filles ; mais ils préfèrent le silence aux bruyantes déclarations.

Nous vous plaçons, vous et votre mouvement, sous la tutelle de la Vierge, la « Reine de la Paix » ; Nous implorons la grâce, l'amour et la force de Jésus, le « Roi Pacifique », et vous accordons du fond du coeur, comme gage du succès et de la victoire, Notre Bénédiction apostolique.




Pie XII 1952 - AU CONGRÈS INTERNATIONAL D'ASTRONOMIE