Pie XII 1953 - ALLOCUTION AU COLLÈGE DE L'EUROPE DE BRUGES


DÉCRET DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE CONDAMNANT LE LIVRE « LES ÉVÉNEMENTS ET LA FOI »

(16 mars 1953) 1





Dans la réunion plénière du mercredi 7 janvier 1953 de la Suprême Congrégation du Saint-Office, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux préposés à la défense de la foi et des moeurs, sur l'avis des Révérendissimes Consulteurs, ont condamné et prescrit de placer à l'Index des livres défendus :

Les événements et la foi 1940-1932 (Jeunesse de l'Eglise), Editions du Seuil, Paris.

Et le samedi 14 mars, au lieu du jeudi, Notre Très Saint-Père le Pape Pie XII, dans l'audience accordée à Son Eminence Reverendissime le Cardinal Pro-Secrétaire du Saint-Office a approuvé la décision des Eminentissimes Pères, qui lui avait été soumise, l'a confirmée et a ordonné sa publication 2.

A l'occasion du soixantième anniversaire de la fondation des Secrétariats Sociaux, Monsieur Charles Blondel, leur Président, a reçu la lettre suivante :

Il y a soixante ans, le premier Secrétariat Social était fondé à Lyon sous l'impulsion de Marius Gonin, et cet anniversaire, spécialement cher aux militants de l'action sociale chrétienne, méritait d'être célébré avec quelque solennité devant l'opinion catholique et française. Aussi avez-vous demandé au cardinal-archevêque de Paris de rehausser de l'autorité de sa présence le prochain congrès de l'Union nationale des Secrétariats Sociaux, et le Souverain Pontife lui-même répondant volontiers à votre requête filiale, se plaît, en cette circonstance, à vous exprimer par mon entremise sa paternelle satisfaction.

1 D'après le texte français paru dans la Documentation Catholique, t. L, c. 400.


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU PRÉSIDENT DES SECRÉTARIATS SOCIAUX

(16 mars 1953) 1




Dans l'immense champ aujourd'hui offert à l'activité des catholiques, l'action sociale chrétienne garde une place de choix. Elle est comme un ferment de justice et de charité évangéliques en perpétuel travail dans les institutions de la cité. Et, s'il est vrai que le progrès social n'est acquis de façon effective efy durable que lorsqu'il est inscrit dans les structures professionnelles, politiques et économiques, il est de grande importance que des catholiques, pénétrés de la doctrine sociale de l'Eglise, se penchent avec une compétence technique indiscutée sur les problèmes institutionnels toujours plus amples et plus complexe»

que pose à nos contemporains l'organisation de la société moderne.

Les Secrétariats Sociaux de France ont compris cette nécessité de l'heure. A leur plan, qui est celui de l'étude et de l'information objective, de la liaison et du soutien, de l'orientation et de l'impulsion parfois décisive, ils veulent servir tous ceux qui ont pris conscience de leurs responsabilités d'hommes et de chrétiens vis-à-vis du monde nouveau qui s'instaure si laborieusement sous nos yeux. Tandis que des doctrines erronées séduisent les esprits, que des propagandes tendancieuses abusent l'opinion et que s'affrontent des intérêts divergents, la seule analyse des faits et la rectitude du jugement, en matière économique et sociale, sont souvent rendues fort difficiles. Ce n'est pas, dès lors, l'un des moindres mérites des Secrétariats, aux yeux du Saint-Père, que de susciter des recherches qualifiées, de rassembler, dans leurs cercles, des catholiques de divers milieux, riches d'expériences humaines ou professionnelles complémentaires, et d'assurer ainsi, sur des questions précises, la convergence des efforts et l'influence déterminante des principes chrétiens.

Le Souverain Pontife, qui sait l'estime des membres de l'épis-copat français pour le travail des Secrétariats Sociaux, saisit donc très volontiers l'occasion de ce soixantième anniversaire pour adresser ses meilleurs encouragements à ceux de ses fils, prêtres et laïcs, qui, dans un esprit de fidélité à l'Eglise et à ses directives, se consacrent à cette tâche souvent austère, toujours discrète, mais incontestablement utile. Il souhaite que leurs efforts soient de mieux en mieux compris et soutenus par l'ensemble des catholiques français, afin que puisse se poursuivre dans des conditions favorables le développement amorcé par votre Union nationale depuis quelques années. C'est avec ce voeu qu'en gage de sa paternelle bienveillance Sa Sainteté accorde à tous les membres des Secrétariats Sociaux, à leurs aumôniers et à vous-même la Bénédiction apostolique implorée.





ALLOCUTION AUX ÉLÈVES DES COURS D'ÉDUCATION POPULAIRE

(19 mars 1953) 1






Le Pape avait été souffrant à la suite d'un refroidissement, pour la première fois depuis deux mois il prenait la parole devant un vaste auditoire, au milieu duquel il y avait les participants à des Journées d'études pour les professeurs et élèves des cours catholiques d'Education populaire.

En ce jour consacré au glorieux Patriarche saint Joseph, époux très chaste de la Sainte Vierge, père putatif et gardien de Jésus, Patron de l'Eglise universelle, Nous sommes très heureux, chers fils et chères filles, de recevoir une aussi nombreuse assemblée d'éducateurs et d'élèves adultes, groupés dans la méritante Association Italienne des Maîtres catholiques, et Nous saisissons volontiers cette occasion pour vous témoigner le vif intérêt que prend l'Eglise à votre activité.

Le Pape se réjouit de la création récente de nombreuses institutions visant à l'éducation des adultes.

Diverses initiatives ont suscité en notre siècle le mouvement de l'éducation des adultes et, à la suite spécialement du dernier conflit mondial, on a vu se multiplier les cours destinés à ceux qui ont dépassé l'âge de l'obligation scolaire ou qui, pour divers motifs, ne peuvent fréquenter les écoles ordinaires. L'Italie en particulier possède déjà un magnifique réseau de cours populaires suivis actuellement par près d'un demi-million d'élèves. De nombreuses institutions privées et publiques, de caractère national et local, s'appliquent à apporter leur contribution à cet effort, assumant la charge soit de cours de formation générale, soit aussi d'un enseignement complémentaire dans les secteurs particuliers de la formation professionnelle.
Les catholiques ont aussi leur rôle à jouer dans cette éducation.


L'Association des Maîtres catholiques n'a pas voulu rester en arrière, ni faillir à son idéal. Nous Nous félicitons vivement de son active collaboration à une entreprise, dont l'importance sociale ne saurait être trop appréciée. Il vous appartient, en vérité, de conserver une place de choix dans cette branche de l'apostolat, car l'Eglise a toujours considéré l'oeuvre de l'éducation non seulement comme fort importante, mais comme l'une de ses charges essentielles. Elle a été la grande éducatrice des peuples, soit qu'elle exerçât cette mission par le moyen de ses prêtres et de ses religieux, soit qu'elle dirigeât et inspirât les institutions tenues par des laïcs. Elle a conservé la culture antique durant les siècles barbares ; elle a rempli au moyen âge le ministère de l'enseignement à tous ses degrés ; à l'époque moderne, elle a fondé les premières écoles publiques, et, dans les terres de mission, elle apporte la culture profane en même temps que l'Evangile. N'a-t-elle pas en effet la charge de conduire l'homme au développement complet de son être, à la plénitude de sa destinée terrestre et céleste ?



Aussi l'Eglise se penche sur les adultes qui ont eu une éducation déficiente durant leur jeunesse.

Si donc l'Eglise, en vertu de sa mission propre, se consacre de façon particulière à l'éducation, on comprend avec quel soin elle se penche sur les besoins que manifeste de nos jours la foule de ceux qui, durant leur enfance ou leur adolescence, n'ont pu avoir une éducation correspondant à leurs nécessités ou à leurs désirs. Ces besoins se font sentir aujourd'hui d'autant plus vivement que l'évolution rapide de la société moderne exerce une profonde influence sur la vie familiale, sociale et professionnelle. Or, face aux multiples et difficiles devoirs du temps présent, beaucoup se trouvent désarmés : d'une part, en effet, ils ont conscience de leur responsabilité, mais, de l'autre, ils manquent de moyens pour l'assumer ; par suite de leur négligence ou de celle de leurs familles, ou encore du fait de circonstances extérieures indépendantes de leur volonté, ils ne possèdent pas même l'instruction élémentaire ; souvent ils désireraient rafraîchir et renforcer des connaissances oubliées, les compléter, les mettre à jour, apprendre aussi de ceux qui sont mieux informés, de quelles ressources ils disposent eux-mêmes et comment utiliser celles-ci avec plus de profit. Tels sont les besoins auxquels l'éducation populaire cherche à pourvoir et Nous-même, pour vous guider dans vos efforts, Nous voudrions vous suggérer quelques règles qui vous aident à donner une plus grande efficacité apostolique à votre action.



éducation populaire doit être d'abord familiale.

L'importance de la politique et l'extension de l'économie dans le monde présent poussent naturellement les éducateurs d'adultes à traiter de préférence ces matières. Mais n'a-t-on pas trop souvent oublié que la base de la société, le centre premier de toute éducation et de toute culture, est la famille ? N'est-ce pas de cette méconnaissance que provient en particulier cette « dépersonnalisation » des relations sociales, que Nous avons récemment déplorée dans Notre Message de Noël2. Le travailleur n'est pas en premier lieu un producteur ou un électeur, mais un être humain, assoiffé d'affection et de dévouement, qui aspire à transmettre à d'autres les trésors les plus intimes de son coeur et pas seulement le travail de ses bras. Or l'art suprême du gouvernement de la société familiale, où l'homme exerce dans la plus large mesure toutes ses facultés affectives et intellectuelles, toutes ses qualités et ses ressources, croit-on qu'il ne soit pas nécessaire de l'apprendre ? La fâcheuse issue de bien des unions conjugales, le dévoiement de malheureux jeunes gens, délaissés par leur famille, prouvent le contraire. Il est donc essentiel que l'éducation populaire ne perde pas de vue l'importance de la préparation de la jeunesse au mariage et aux graves obligations des pères et mères de famille. Avant toute installation dans la vie, il faut que les jeunes subordonnent le choix de leur métier, de leur résidence, aux indications de la sagesse humaine et chrétienne, qu'ils prévoient et calculent leurs possibilités physiques, économiques, spirituelles, et qu'ils ne se lancent pas à l'aventure en une aussi grave démarche. L'éduca-



Cf. Documents Pontificaux 1952, p. 561.

tion populaire doit les aider et les éclairer sur les exigences et les écueils de la vie conjugale et de la fondation d'un foyer.

Si le travailleur est conscient de la grandeur de sa charge paternelle, si la mère se donne à sa mission éducatrice, guidée par un enseignement adapté, la cellule vitale de la société sera saine et forte. Il faut que les mères acquièrent les connaissances élémentaires nécessaires pour le gouvernement de la famille, l'art de tenir en ordre une maison, d'équilibrer un budget, les notions utiles de puériculture, et surtout une connaissance suffisante des règles de pédagogie ; qu'elles profitent de l'expérience d'autrui et ne se fient pas trop à leur instinct maternel qui, à lui seul, ne les préservera pas toujours, ni sûrement d'erreurs nuisibles.

Quant au père de famille, une de ses fonctions principales consiste sans doute à procurer à sa femme et à ses enfants les moyens financiers indispensables à la vie. Mais n'est-il pas surtout le guide éclairé et sage, fort de son expérience personnelle, connaisseur des grandes lois de la vie, mais aussi des intimes aspirations et des difficultés des siens auxquels il donne un appui spirituel plus précieux et plus nécessaire qu'une protection matérielle ? Si les écoles d'éducation populaire parviennent à initier sérieusement leurs élèves à l'art de l'éducation, quel précieux service elles rendront à la famille, à la société et à l'Eglise !



L'éducation populaire doit apprendre aux hommes à jouer leur rôle dans la communauté internationale.

Quoique la famille constitue la première base de toute culture humaine celle-ci doit se développer dans la collectivité, en entendant par là toutes les relations sociales et juridiques qui unissent l'homme à ses semblables et à l'autorité civile. De nos jours ces relations s'étendent largement au-delà des frontières politiques. Une communauté internationale s'organise, dans laquelle il importe que chacun connaisse la place qu'il occupe et le rôle qu'il doit jouer. On définit d'habitude ce rôle en proclamant d'une part les devoirs du citoyen, de l'autre les droits et les libertés qu'il peut exiger, mais qui bien souvent restent plus ou moins au stade théorique. L'ignorance des masses, leur incapacité, les livrent sans défense à la merci d'agitateurs habiles ou de politiciens sans scrupules. Une intense propagande, même si elle est entièrement mensongère, réussit toujours à persuader un bon nombre de personnes, dénuées de tout sens critique, même le plus élémentaire, incapables par conséquent d'une réaction personnelle pour juger des conditions réelles et discerner les affirmations justes des promesses irréalisables.



27 faut prévoir également l'éducation civique et sociale.

Le droit de vote en particulier, qui confère à tous une égale possibilité d'influence sur la vie publique, exige de celui qui l'exerce une notion au moins élémentaire des principes politiques et de leurs applications dans le champ national et international. On peut en dire autant des questions sociales. Les groupes et les associations chargés de défendre les intérêts des travailleurs, d'assurer une amélioration de leur niveau de vie, de les secourir en cas de maladie ou d'accident, se sont multipliés, et non sans utilité. Mais leur activité correcte suppose, chez ceux qui en sont membres, qu'ils conservent leur part d'initiative et de responsabilité. Récemment encore Nous avons désapprouvé l'influence excessive sur la vie sociale d'organismes anonymes et mécanisés. Il s'agit donc d'initier les hommes non seulement à la marche théorique de ces institutions, mais aussi à la défense de leurs vrais intérêts et surtout de leur conscience.



D'ailleurs l'enseignement de l'Eglise fournira les principes de cette éducation.

L'éducateur populaire saura donc exposer d'une manière claire et adaptée aux circonstances l'enseignement de l'Eglise en cette matière. Profitant des multiples faits de l'activité quotidienne, il en analysera les motifs de succès ou insuccès, il s'exercera à distinguer l'importance et la fonction des divers facteurs, montrera comment le principe théorique a trouvé son application. L'essentiel est d'inculquer l'art de discerner le vrai du faux, d'éveiller le sens des réalités politiques et économiques en conformité avec la conception chrétienne de la vie ; celle-ci rejette également le matérialisme et l'individualisme égoïste, pour considérer l'homme dans sa réalité totale : à la fois corps et âme, personne individuelle et membre de la société, citoyen de la terre et élu du Ciel. Seule cette vue d'ensemble peut fournir la juste interprétation des problèmes particuliers. Puisse l'éducation populaire contribuer à assurer le difficile équilibre entre l'activité constructive des individus au service du bien-être social et le rôle nécessaire des organismes de protection et de défense destinés à soutenir et non à supplanter l'action individuelle !



L'éducation professionnelle devra elle aussi bénéficier de l'éducation populaire.

Nous estimons superflu de Nous étendre sur les avantages de l'éducation populaire pour la formation professionnelle. L'homme n'exerce pas son métier seulement dans un but de gain, mais aussi pour employer ses facultés physiques, morales, intellectuelles au profit de la communauté. Donner satisfaction à tous ceux qui désirent suppléer au manque total ou partiel de leur apprentissage ; rendre possible le choix d'un métier plus conforme à leurs aptitudes ou à leurs goûts ; leur fournir un appui pour le jour où le chômage frapperait leur activité principale : ce sont là de sérieux avantages dont jouissent déjà de nombreux élèves. Ils seraient cependant encore insuffisants, si l'on n'aidait chaque travailleur à accomplir son oeuvre, non point comme un ustensile aveugle ou comme le simple rouage d'un mécanisme savant, mais comme un être humain, qui trouve dans son travail même la joie de maîtriser la matière inerte, de la traiter avec intelligence et habileté, de la faire servir à des fins utiles pour la société humaine.



Et surtout l'éducation populaire doit s'attacher à former l'homme spirituellement.

L'école populaire doit donc donner non seulement l'instruction, mais aussi une éducation, une culture. Non contente d'enseigner des normes positives, des connaissances techniques et méthodologiques, elle doit s'appliquer à traiter aussi les problèmes proprement humains, d'ordre spirituel. Beaucoup de travailleurs peuvent à présent mener une vie déjà plus digne de leur condition d'hommes : la diminution des heures de travail, les meilleurs salaires, le temps libre assuré, leur permettent, une fois leurs devoirs professionnels accomplis, de s'appliquer à un développement plus complet de leurs qualités humaines. Les heures les plus précieuses ne sont-elles pas, en effet, celles où, sans se détacher de leur foyer ni manquer à leurs obligations familiales, ils se consacrent à leurs arts préférés, se réunissent pour exercer diverses activités culturelles et bienfaisantes, destinées à satisfaire leurs aspirations vers la bonté et la beauté, à leur révéler, avec les grandeurs de la création et du génie humain, celles surtout de leur vocation surnaturelle ?

Car pour accomplir convenablement son devoir d'homme, il faut posséder le sens de son destin individuel et social, naturel et surnaturel. Toutes les grandes questions que Nous avons évoquées, la préparation à une carrière, le problème du mariage et de l'éducation des enfants, le discernement en politique, la contribution aux activités de caractère social supposent comme résolus le problème fondamental de la destinée humaine, la signification de ses joies et de ses peines, de ses difficultés, de ses bons ou mauvais résultats. Au temps jadis, l'homme trouvait l'explication de ces faits profonds de la vie dans la tradition familiale et chrétienne, fondée sur l'expérience de ses ancêtres. Aujourd'hui les conditions de la civilisation industrielle entraînent avec elles le déracinement des individus et des familles, qui se replient alors sur de prétendus nouveaux systèmes tout faits, inspirés en réalité de vues courtes, matérialistes, sur l'homme et son être. Aussi l'éducation populaire, si elle ne veut pas manquer à son but, devra s'efforcer de remettre ces égarés en contact avec une tradition vivante, — surtout celle de l'Eglise — avec les leçons si simples et si profondes du catéchisme, de l'Ecriture Sainte, des fêtes chrétiennes. Le maître d'éducation populaire n'ignorera pas non plus les richesses du patrimoine national et local, souvent si pittoresque et savoureux, plein de sagesse séculaire. Reliant de la sorte l'homme à son passé humain et religieux, on lui donnera l'assurance nécessaire pour se guider lui-même et éclairer les autres. Il portera plus facilement le poids de ses responsabilités quand il saura que son action dépasse les limites de sa vie individuelle et prépare pour l'avenir un monde rasséréné par l'espérance chrétienne.



Quelles doivent être les qualités de l'éducateur 1

Pour accomplir une telle mission, digne de vos généreux efforts, vous supposez la nécessité d'une préparation méthodique et prolongée. Aussi voudrions-Nous maintenant rappeler à votre esprit quelques indications sur les conditions de l'éducation des adultes et sur les qualités qu'elle réclame chez les maîtres.

L'expression « éducation des adultes » comprend — comme vous le savez — divers degrés d'enseignement et de formation. Si nous considérons l'ensemble de l'humanité, nous constatons qu'une partie notable de celle-ci est encore analphabète. Il s'agit donc avant tout d'apprendre à des millions d'hommes à lire et à écrire. Le second grade de l'éducation populaire est le complément des études élémentaires inachevées ou mal faites. La plupart des personnes, qui profitent actuellement de l'éducation populaire en Italie, appartiennent à cette catégorie ; mais Nous sommes heureux de savoir qu'un troisième degré accueille déjà de nombreux élèves, désireux d'acquérir les connaissances supplémentaires les plus utiles, afin de se perfectionner dans leur métier et de se rendre plus aptes à servir la société humaine.



L'éducateur doit prouver que l'adulte peut encore se perfectionner.

Il convient aussi de noter que les adultes sont des élèves volontaires. Il faut, bien souvent, commencer par les persuader de la véritable utilité d'un complément d'instruction ; il faut ensuite tenir éveillée leur attention, susciter l'intérêt pour assurer l'assiduité, sans laquelle un travail profitable n'est pas possible. La première objection à vaincre est la croyance que l'adulte n'est plus capable de tirer un sérieux profit de l'école. Or, en revanche, de nombreuses expériences ont démontré que l'adulte de 25 à 45 ans est en pleine possession de ses facultés d'apprendre ; qu'il est capable d'une plus grande application volontaire ; qu'il apprécie mieux ce qu'il apprend ; qu'il ordonne mieux ses connaissances et sait plus sagement les utiliser. Le désir de connaître existe à tout âge ; et celui qui a expérimenté les inconvénients de l'ignorance est toujours heureux que l'on vienne en aide à son indigence. Il est bien vrai que chez beaucoup d'adultes le désir d'apprendre est étouffé par les occupations ou endormi par l'inertie ; alors les facultés intellectuelles s'engourdissent et de là vient la supposition erronée qu'elles ne sont plus capables d'apprendre et de retenir. D'autre part les faits démontrent que de nombreuses écoles d'adultes réussissent à maintenir un groupe appréciable d'auditeurs. Il appartient au maître de rechercher les motifs pour lesquels chacun aspire à compléter son éducation et comment ce désir peut servir de base à un développement de la personnalité et à une vision plus profonde des choses.

Il faut rendre l'éducation populaire particulièrement vivante.

En réalité, rares sont les adultes qui ont le courage de compléter par eux seuls leur culture, et cette méthode conduit souvent à de dangereuses déformations. La présence et le contact du maître sont, généralement parlant, irremplaçables, aussi bien pour l'adulte que pour l'enfant, car l'adulte s'adapte plus lentement et a besoin de discuter et de raisonner ses connaissances. Le maître doit vivifier l'enseignement, faire réfléchir, révéler à chacun de ses élèves les talents dont il dispose. Il le mettra en contact plus intime avec lui-même, avec la nature, avec la famille, avec ses concitoyens, avec l'Eglise, cité des enfants de Dieu, avec Dieu, origine et fin de toute vie. Pour obtenir cela, le maître n'a pas besoin d'être une intelligence supérieure ou un grand érudit, mais un caractère digne d'estime, généreux et désintéressé. La manière de parler, de se conduire, de se comporter avec les élèves, de répondre à leurs demandes, de les interroger, de les louer, de rappeler leur attention, est une leçon qu'ils n'oublieront jamais. Par bonheur, l'éducateur ne doit pas compter uniquement sur lui-même. Il existe des méthodes et des techniques d'enseignement des adultes qui ont déjà fait leurs preuves. Les moyens auditifs et visuels y tiennent une grande part. Des livres d'initiation ont été composés, adaptés au degré de culture de ceux qui fréquentent les écoles d'adultes ; ils aident le maître, lequel doit cependant toujours être le conseiller des lectures de ses élèves.



Educateurs et élèves doivent collaborer à une oeuvre commune : former des personnes.

Mais il doit viser plus haut et faire participer l'adulte à la conquête de la connaissance, au moyen d'exercices de réflexion et d'expression, exécutés en petits groupes sur des sujets concrets, afin de les amener à transformer en culture vivante la contribution inépuisable de l'expérience quotidienne. L'adulte doit être mis en mesure, dans les limites du possible, de conserver sa liberté ; ce qui cependant ne veut pas dire s'isoler et refuser son concours aux activités qui le sollicitent. Il faut le rendre conscient des influences auxquelles il est soumis chaque jour et de tant de côtés : publicité, presse, radio, cinéma, et le mettre en garde contre tous les facteurs, qui, sciemment ou inconsciemment, s'efforcent de le faire agir malgré lui, de surprendre sa bonne foi, d'extorquer son approbation ou son argent ; en un mot contre les responsables de cette « dépersonnalisation » que Nous avons déjà dénoncée.



Toute la vie sociale doit apporter sa collaboration à l'éducation populaire.

De tout ce que Nous avons exposé, il est facile de conclure qu'une éducation populaire efficace et généralisée ne peut être l'oeuvre d'une seule institution, mais doit être le résultat d'un ensemble d'actions exercées par tous ceux qui ont quelque autorité sur le peuple. Quiconque s'adresse au public à n'importe quel titre a une part de responsabilité dans l'éducation populaire : directeurs de journaux, de radio, de cinéma, de théâtre, d'entreprises de publicité, éditeurs et libraires. Mais également les employés, les représentants de l'Etat, les officiers publics : il existe une manière éducatrice d'organiser le travail, les fêtes populaires, d'établir et de faire observer les règlements, de servir le public. On peut dire, en un certain sens, que la culture populaire d'un pays en résume le caractère : les siècles y ont concouru ; les institutions, la langue, les moeurs en sont en même temps le fruit et l'instrument, car elles reflètent l'esprit de l'époque où elles ont fait leur apparition et elles contribuent à le maintenir. Il suffit de passer d'un pays à un autre pour se rendre compte des différences parfois considérables, qui séparent des peuples même voisins. Derrière la variété des individus, se retrouve un fonds commun de culture, patrimoine artistique, littéraire, folklorique, auquel tous participent plus ou moins. En Nous adressant à vous, Nous n'avons pas besoin de vous dire combien est riche ce trésor dans votre belle Patrie et quelle reconnaissance méritent ceux qui vous l'ont transmis.



Et le Saint-Père conclut.

Vous avez compris, chers fils et filles, qui vous consacrez à l'éducation des adultes, l'importance de votre activité, mais également sa complexité et les qualités multiples qu'elle réclame. Puissiez-vous persévérer avec courage et trouver de nombreux imitateurs. Il ne s'agit pas tellement d'exercer un métier lucratif, mais un véritable apostolat, à la fois humain et chrétien, source pour vous de joie intime, dans la conscience de rendre un service de haute valeur. L'admiration et l'affection de vos élèves ne vous manqueront point, car ils sont heureux d'avoir reçu de vous le don non seulement de votre savoir, mais surtout de votre âme et de votre coeur.

Et vous, qui êtes inscrits comme élèves aux cours d'éducation populaire, Nous vous félicitons de votre désir de progrès intellectuel, de votre aspiration à vous qualifier davantage pour les devoirs et les responsabilités que notre époque vous impose. Votre persévérance trouvera sa récompense non seulement dans votre perfectionnement individuel, mais aussi dans les avantages qui en découleront pour votre famille et tout votre entourage social.

C'est en formant un tel souhait et comme gage des plus abondantes faveurs célestes, que Nous vous donnons, avec une paternelle affection, à vous, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.




LETTRE A SON ÉM. LE CARDINAL DE JONG POUR LE PREMIER CENTENAIRE DE LA RESTAURATION DE LA HIÉRARCHIE EN HOLLANDE



(19 mars 1953) 1



Les lettres pleines de déférence par lesquelles vous Nous appreniez qu'au cours du mois de mai de cette année, durant plusieurs jours, auraient lieu les solennités du premier centenaire du rétablissement, par Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie IX, de la hiérarchie catholique dans le royaume de Hollande, Nous ont causé beaucoup de joie. Ces fêtes, vous voulez les célébrer dans l'unanimité et avec de grandes réunions ; aucun doute qu'au zèle et à l'intelligence des pasteurs ne corresponde la fervente volonté du peuple.

Il est juste de rendre grâces à Dieu pour un événement si heureux qui a été la source de nombreux et grands bienfaits pour votre patrie, événement comparable à celui digne de mémoire éternelle, où le Pape Sergius Ier conféra de ses mains, à Rome, l'épiscopat à saint Willibrod et, après lui avoir imposé le pallium et donné le nom de Clément, le préposa à l'Eglise d'Utrecht. Au cours de cent années, les évêques de Hollande et vous-même, ses émules en zèle pour la religion, ainsi que le clergé régulier et séculier, et tous ceux qui dans ce pays se glorifient du nom de catholiques, par la grâce de Dieu, sans laquelle nous ne pouvons rien et avec laquelle nous pouvons tout, vous avez uni vos admirables efforts pour que la foi catholique manifeste et développe sa force non seulement en illuminant les esprits de la vérité céleste, mais en réglant les moeurs et les actes de la vie privée et de la vie publique. Car il est reconnu par tous que cette même foi élève et augmente au plus haut point les remarquables qualités naturelles de votre peuple, qui sait joindre harmonieusement et fermement l'audace dans les affaires à la constance, à la gravité de l'humanité. Vous parlez peu, mais vous agissez. En cela, la communauté nationale elle-même a trouvé aide et protection, ce que les gens de bien apprécient justement. Pourquoi ? Parce que maintenir les mouvements de l'âme dans la ligne du devoir, ne faire tort à personne, donner à chacun son dû, cultiver la bienveillance mutuelle, pardonner facilement les offenses, obéir aux lois du pays, respecter les autorités — toutes choses prescrites par notre sainte religion — ne sont-ce pas là des forces plus efficaces qu'aucunes autres pour écarter de la cité les dangers, promouvoir son rayonnement et lui donner la prospérité ?

Nous Nous réjouissons vivement qu'existent en ce pays des organisations exemplaires de charité par lesquelles, tant dans le cadre national que dans le cadre international, les misères des hommes sont soulagées et des secours sont apportés aux malheureux. Ce qui fut particulièrement le cas lorsque la mer, sous l'effet de la tempête, rompit beaucoup de digues qui s'opposaient à son avance, submergea les villes et les champs, y semant des ruines considérables et le deuil 2. Alors chez vous a été entrepris un combat inoubliable pour soulager ceux qui avaient été frappés par cette immense calamité, et les autres nations rivalisèrent de zèle pour leur porter également secours : il apparaissait ainsi manifestement que le nom de la Hollande attirait la bienveillance de tous. Font aussi honneur aux vertus chrétiennes, qui sont l'ornement de vos familles les nombreux religieux qui désirent se donner tout entiers à Dieu et à l'Eglise par le lien des voeux, les nombreuses vierges consacrées auxquelles peut s'appliquer cette louange de saint Ambroise : « Bienheureuses vierges qui exigez la grâce immortelle comme le jardin exige les fleurs ; le temple, la religion et l'autel, le prêtre 3 ». Tandis que de nombreux pays souffrent du manque de prêtres, le vôtre en est si abondamment pourvu que vous pouvez envoyer de nombreux hérauts du Christ dans des régions éloignées, pour que les païens soient illuminés de la lumière du Christ et en même temps s'adaptent à la civilisation sur le plan humain et civil.


Nous avons le ferme espoir que tous ces facteurs favorables, loin de diminuer, ne feront que se renforcer, puisque, avec la commémoration du rétablissement de la hiérarchie dans votre pays, vous voulez avec sagesse développer la charité dans tous les états et conditions de vie, resserrer les liens de la famille pour que de plus en plus elle resplendisse de la grâce et de la dignité chrétienne, subvenir vaillamment aux nécessités des écoles catholiques, favoriser le zèle pour les missions apostoliques en y joignant le développement des Beaux-Arts, et Nous vous adressons Nos vives félicitations pour le soin que vous mettez à leur préparation.

Que, dans les difficiles conditions de vie qui sont les nôtres à cette époque en raison des haines dirigées contre le nom chrétien, la chère Hollande sorte de ces fêtes avec un courage de plus en plus ferme et généreux pour qu'elle mérite toujours d'une façon plus éclatante de la civilisation chrétienne et de l'humanité ! Vous, ainsi que le clergé confié à vos soins, veillez avec la plus grande attention à ce que les vérités et les préceptes de la foi catholique soient défendus contre les impies et à ce que les forces et les organisations catholiques s'unissent fermement pour promouvoir le bien social. Que votre courage éprouvé, qui entretient et fait avancer magnifiquement, dans la patience et dans l'action le règne de Notre Sauveur, continue à rendre votre communauté toujours plus semblable à celle de la cité suprême « dont le roi est la vérité ; la loi, la charité et la mesure, l'éternité 4 » et que, dans votre vie, soient toujours présents devant vos yeux ces avertissements et ces préceptes de l'apôtre saint Paul « que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est de bonne renommée... soit l'objet de nos pensées » 5.

Tandis que Nous vous assurons, cher Fils et vénérables Frères, de notre ferme espérance dans les fruits qui résulteront de la célébration de ces saintes solennités, il ne Nous reste plus qu'à vous donner Notre Bénédiction apostolique à vous et aux troupeaux dont vous êtes les pasteurs vigilants et aimants ; et, en invoquant l'aide de Dieu, Nous demandons très affectueusement qu'une abondante moisson de salut naisse de la célébration du centenaire de la restauration de la hiérarchie, dont maintenant vous assurez saintement les fonctions.



S. Augustin, P. L., XXXLLL, col. 533. Philip. IV, 8.










Pie XII 1953 - ALLOCUTION AU COLLÈGE DE L'EUROPE DE BRUGES