Pie XII 1954 - ENCYCLIQUE ECCLESIAE FASTOS A L'OCCASION DU XIIS CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT BONIFACE


MESSAGE TÉLÉVISÉ

(6 juin 1954) 1


Un certain nombre de postes de télévision ont inauguré le 6 juin 1934 — jour de la Pentecôte — une transmission « Européenne » dont la première était consacrée à montrer des vues du Vatican et de la Basilique de Saint-Pierre. Pie XII voulut bien en différentes langues envoyer les messages suivants, par la voix des ondes.

Parlant d'abord en italien, le Pape dit :

N'est-ce donc pas une heureuse coïncidence qu'en ce jour, où l'Eglise commémore solennellement la descente du Saint-Esprit dans le Cénacle et la première prédication de l'Apôtre Pierre aux multitudes avides de vérité et de paix, il Nous soit donné de Nous adresser personnellement à vous, spectateurs européens de la Télévision, et de vous déclarer combien grande est Notre joie de venir en quelque sorte vous rencontrer jusque dans l'intimité de vos foyers ?

Voici qu'arrivent aujourd'hui à un heureux résultat les efforts quotidiens, les recherches ardues, les expériences innombrables accomplis individuellement par des savants, comme par des groupes de spécialistes et par des nations pour établir entre les peuples européens, et peut-être dans quelque temps avec d'autres continents, un nouveau moyen d'échanges intellectuels et artistiques. Sans doute était-il déjà possible au moyen de la radio d'apporter jusque dans vos demeures des paroles d'enseignement, d'encouragement et de réconfort. Mais qui n'a pas le vif désir d'un contact immédiat ? Si fervent et efficace que puisse apparaître un discours, il devient encore plus vivant et émouvant, quand la proximité de l'orateur permet de saisir sur son visage les plus légères nuances des sentiments les plus suaves et d'imprimer ses traits dans la mémoire.


Aussi sommes-Nous heureux de saluer la haute entreprise de l'Union Européenne de Radiodiffusion, grâce à laquelle, avec la collaboration des organismes responsables de la Télévision et le travail tenace des techniciens chargés du bon fonctionnement des stations d'émission et de réception, a pu surgir ce réseau européen de transmission des images. Les expériences effectuées avec un succès favorable les années passées à travers la Manche ont rendu possible l'élaboration du programme qui débute aujourd'hui et est « le premier que la Télévision italienne envoie aux neuf Télévisions européennes dans le cadre des premiers échanges internationaux de Télévision ».

Le Saint-Père poursuivit en français :

Le fonctionnement d'un réseau européen de Télévision répond d'ailleurs à la fois au désir des techniciens et à celui des spectateurs. Comme toute invention recepte, la Télévision est avide de prospecter ses propres possibilités. Elle a découvert que son point d'application préféré était de saisir les manifestations les plus intéressantes de la vie humaine au moment même où elles se produisent. Qu'il s'agisse d'activités scientifiques, artistiques ou sportives, des aspects innombrables de la technique moderne ou des réalisations sociales, chacun aspire à l'heure actuelle non seulement à en être informé dans le plus bref délai, mais à s'y associer immédiatement, à en être témoin, si possible.

De plus, la difficulté de réaliser un programme de haute qualité invitait à une collaboration qui divisât les charges, tout en élargissant le champ d'investigation directe. Il importe de remarquer en effet que, si la camera de Télévision capte le réel de façon synthétique, elle le soumet cependant à une analyse plus minutieuse que l'objectif cinématographique : à cause des dimensions réduites de l'écran récepteur, elle préférera les images en gros plans, aux personnages peu nombreux, dont elle saisit les expressions les plus fugitives. Aucune hésitation des interprètes ne lui échappe, et l'attention concentrée du spectateur, que n'influence pas l'ambiance d'une assistance compacte, ne pardonne ni les faiblesses éventuelles du sujet ni les négligences de présentation.

La Télévision peut donc jeter partout un regard curieux et s'introduire au coeur des événements. Elle est par là un instrument privilégié d'exploration humaine, un moyen efficace de mettre les hommes en contact les uns avec les autres, de leur révéler plus vite, plus sûrement et avec une puissance insoupçonnée de pénétration, les formes innombrables de la vie contemporaine.

Souverain Pontife continua en allemand :

Mais à peine l'importance de cette nouvelle invention pour la diffusion des connaissances et de la science est-elle apparue qu'aussitôt se pose un problème ardu : qu'en est-il de la valeur morale de ce monde en partie nouveau que la Télévision ouvre aux regards, d'une façon beaucoup plus étendue encore et plus attirante que la Radio et le film ? N'est-il pas possible qu'à côté de choses excellentes, il s'en trouve aussi d'autres, qui blessent la sensibilité morale ? N'est-ce donc pas, de ce fait, le devoir primordial et naturel des entreprises de télévision comme des spectateurs, de procéder à un choix prudent et convenable ?

Le corps de la société d'aujourd'hui montre déjà trop de blessures ouvertes que lui a portées l'activité corruptrice d'une certaine sorte de presse, de cinéma et de radio. Ce nouveau moyen, encore plus puissant, ne fera-t-il qu'aggraver encore le mal, ou se trouvera-t-on dès le début prêt à construire quelque chose de vraiment édifiant et d'authentiquement sain ?

Le souci de trouver les débouchés nécessaires conduit souvent les entreprises à diffuser des scénarios et des pièces qui s'accordent avec les instincts les moins nobles de l'homme et les flattent. Il ne suffit pas de déplorer les conséquences d'un tel mal, en particulier cette égoïste soif de plaisir toute concentrée sur les jouissances d'ici-bas, et la dureté de coeurs fermés à la misère et aux aspirations du prochain. Il faut d'une manière appropriée, y remédier. Si la télévision veut tenir ses brillantes promesses, il faut qu'elle s'abstienne d'utiliser les arts à bon marché, qui ne s'opposent pas moins au bon goût qu'à la sensibilité morale ; qu'elle se garde d'admettre les productions dénaturées d'un malsain esprit du temps ; qu'elle s'applique bien plutôt à faire reconnaître la vraie beauté et tout ce que la culture de l'humanité et en particulier la religion chrétienne ont produit et produisent de sain, de beau et de bon.

Puis Pie XII reprit en anglais :

Peut-être peut-on attirer ici l'attention sur le désir d'un auditoire de télévision de voir se refléter sur l'écran certaines de ses plus profondes aspirations, quelque chose de son idéal de fraternité humaine, de justice et de paix, son amour de la famille et du pays, et aussi sur le fait qu'il y a une partie de la société dont le dessein transcende les limites de ce monde matériel ou appartient à un groupe religieux. Nous songeons particulièrement à ceux d'entre vous, que la maladie ou l'infirmité confine dans vos maisons et qui désireraient trouver la consolation et le réconfort, dont ils ont plus besoin que d'autres, en étant présents par l'esprit à des cérémonies religieuses et en unissant leurs prières à celle de l'Eglise. Désormais la télévision, mieux que la radio, les transportera dans le sanctuaire. Evidemment cela ne remplacera pas la présence effective et en personne aux rites religieux ; mais, au moins, cela aidera à créer l'atmosphère de respect et de recueillement qui entoure les célébrations liturgiques et amène l'auditoire à prendre part à la fervente prière de foi et d'adoration qui, d'un rassemblement de fidèles s'élève vers le ciel.

Puisse ce premier programme international, qui réunit huit nations de l'Europe occidentale, être à la fois un symbole et une promesse ! C'est un symbole d'union entre les nations et, à un certain point de vue et dans une certaine mesure, il commence cette union. Car la connaissance ne doit-elle pas précéder l'appréciation et l'estime ? Faites donc que les nations européennes se connaissent mieux réciproquement ; permettez-leur d'être heureuses et fières d'exposer les beautés nationales de leurs contrées et leurs richesses culturelles ; laissez-les ouvrir aux autres les sentiments plus profonds de leur esprit et leur sincère désir de compréhension et de coopération. Combien de préjugés, combien de barrières tomberont alors ! Le manque de confiance mutuelle, l'égoïsme disparaîtront et, surtout, se développera une nouvelle ambition d'apporter en contribution quelque chose à la communauté mondiale pour le bien commun. Tel est Notre espoir.

En ce jour de Pentecôte, puisse l'Esprit divin, envoyé pour éclairer les pensées des hommes sur la terre et enflammer leurs coeurs de l'amour du Dieu Suprême, trouver dans ce produit du travail humain un instrument pour développer le règne de la compréhension mutuelle et de la concorde parmi tous les peuples. Avec une ardente prière pour ce don plus précieux que d'autres et d'un coeur plein d'amour pour tous, Nous donnons la Bénédiction apostolique.

Ef Pie XII ajouta en hollandais :

Enfin Nous saluons tous les spectateurs parlant le néerlandais ainsi que tout le peuple néerlandais, dont Nous avons tellement à coeur le bien-être et dont Nous suivons avec un intérêt chaleureux les vicissitudes.

Chers Fils et Filles, avec tout Notre coeur, Nous implorons sur vous la Bénédiction abondante de Dieu.


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU R. P. VENTURINI

(7 juin 1954) 1


A l'occasion d'une journée de sanctification sacerdotale, la lettre suivante fut envoyée :

Cette année encore, ne peut manquer le fraternel encouragement du Souverain Pontife à la VIIIe journée de sanctification sacerdotale qui sera célébrée en la fête du Sacré-Coeur de Jésus, le 25 juin.

Aux mobiles qui dictèrent la parole exhortatrice de Sa Sainteté, il s'en ajoute un tout particulier en cette année consacrée à Marie, Mère des prêtres, leur Protectrice et leur Reine.

Dans la dévotion tendrement filiale à Celle qui est la Mère du Prêtre Eternel et qui participe ainsi de près au sacrifice du Calvaire, les prêtres trouveront un aliment à leurs initiatives et un soutien dans les sacrifices exigés par le travail apostolique et la santé de l'âme.

Les conditions de vie de la société contemporaine sont si graves et si dangereuses qu'à chaque ministre du Seigneur on demande aujourd'hui le plus grand effort, le plus généreux dévouement, et une sainte hardiesse dans les oeuvres pour faire face aux menaces qui sourdent de tous côtés.

Consolatrice et Protectrice d'un ordre si élevé, la Sainte Vierge invoquée avec ferveur ne manquera pas de prodiguer à ses chers prêtres les grâces d'une maternelle protection et de mener à bonne fin les entreprises commencées pour la gloire de son divin Fils et pour la défense du patrimoine chrétien.

C'est avec de tels voeux et sous de tels auspices que l'Auguste Pontife envoie à votre Révérende Paternité et aux ecclésiastiques qui participeront à la VIIIe journée de sanctification sacerdotale, une spéciale Bénédiction apostolique.

' D'après le texte italien de l'Osservatore Romano du 12 juin 1954.


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A M. L'ABBÉ BERNARD PRÉSIDENT DE L'OFFICE CATHOLIQUE INTERNATIONAL DU CINEMA

(10 juin 1954) 1


Du 20 au 24 juin 1954 se tenaient à Cologne les Journées Internationales du Cinéma, où on discutait : « La classification morale des films ». Au Président de ce Congrès la lettre suivante fut envoyée :

En confiant à Monseigneur Albin Galletto, qu'accompagnera M. l'Abbé Deskur, le soin de représenter la Commission Pontificale pour le Cinéma aux prochaines Journées Internationales de Cologne, le Saint-Siège désire vous donner une nouvelle preuve de l'intérêt qu'il prend aux activités de l'Office Catholique International du Cinéma.

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano des 21 et 22 juin 1954.




Cette année d'ailleurs, l'objet même des débats conférera à votre assemblée annuelle une importance particulière. On y traitera, en effet, de la classification morale des films, c'est-à-dire, en définitive, de l'attitude ferme et prudente que doit avoir, vis-à-vis de la production cinématographique contemporaine, tout catholique conscient de ses devoirs et de ses responsabilités. En raison même de la profonde influence du film sur l'âme des foules, le Saint-Père, informé du programme des Journées de Cologne, souhaite que les délégués de divers pays qui y participeront se penchent avec la plus grande attention sur le grave problème proposé à leur examen.

Certes, je ne doute pas que, pour guider les débats, vous ne vous reportiez une fois de plus aux enseignements si clairs et toujours actuels de l'Encyclique Vigilanti cura, que de récents documents du Saint-Siège viennent de confirmer et de préciser. En ce qui concerne en particulier la constitution par l'épiscopat, en chaque pays, d'un Office catholique national du Cinéma, l'expérience a prouvé le bienfait et même la nécessité d'un tel organisme. Sa Sainteté forme donc le voeu que là où il n'existerait pas encore, il soit fondé sans retard, et que partout les moyens lui soient donnés d'une action efficace.

Trop de chrétiens, en effet, se pressent de nos jours dans les salles de cinéma sans s'être suffisamment informés de la qualité religieuse et morale du spectacle ; certains même ne semblent pas avoir pris conscience de leur devoir à cet égard ; les jeunes surtout ne sont généralement pas assez protégés contre la séduction du film. Il y a là un état de choses qui préoccupe à juste titre les Pasteurs responsables, et normalement l'Office national est l'organe technique grâce auquel les évêques pourront exercer leur nécessaire vigilance en un secteur particulièrement délicat de leur charge pastorale. C'est pourquoi, dans la mesure où ces Offices nationaux ont reçu un explicite mandat de la hiérarchie, il n'y a pas à douter du caractère normatif des jugements moraux qu'ils portent sur les films. Les fidèles ont de ce fait le devoir de s'informer de ces jugements et d'y conformer leur conduite.

C'est dire avec quelle prudence, avec quel souci de rectitude doivent procéder les Commissions chargées, pour l'ensemble d'un pays, de la cotation morale des films. C'est dire aussi avec quel soin doivent être choisis les membres de ces Commissions, qui travailleront toujours sous la direction et la responsabilité d'un prêtre, spécialement désigné par l'épiscopat. Toutes ces questions, je le sais, feront l'objet de vos débats et l'on ne peut qu'attendre les meilleurs fruits de la confrontation d'expériences multiples en ce domaine. Il serait entre autres souhaitable que, dans le respect des légitimes diversités des situations nationales, l'Assemblée de Cologne puisse obtenir une certaine coordination dans le système de cotation des films.

Mais la question la plus délicate que vous aurez à traiter, reste certainement celle des critères mêmes de cette classification morale.

OEuvre à la fois de préservation et d'éducation des fidèles, cette cotation a d'abord pour objet de porter un jugement objectif sur la valeur morale du film lui-même. Autant il est souhaitable qu'une oeuvre moralement recommandable soit d'une réelle qualité technique, autant en revanche il faut se garder de toute faiblesse envers un film que recommanderaient sa valeur artistique ou l'intérêt du problème posé, mais qui serait sujet à de graves réserves au point de vue moral ou religieux : peut-être les Commissions d'appréciation ont-elles parfois à être prémunies contre cette tentation.

Pour apporter à cette qualification essentielle les nuances requises, il convient certainement de tenir compte aussi des diverses catégories de spectateurs. Mais, là encore, qu'on ait grand soin de se souvenir qu'il ne s'agit pas de porter un jugement pour un groupe restreint de fidèles avertis ; les salles sont ouvertes à tous, et ce qui peut être profitable à un chrétien formé, ou, d'une façon générale, à un esprit habitué à la saine critique, risque au contraire d'être dommageable à l'ensemble du public qui emplit chaque soir les salles de spectacle. Le point de vue du bien commun l'emporte donc ici sur toute perspective particulière, et ceci est encore plus vrai si l'on considère l'action persévérante qui doit être menée sur l'opinion publique et sur la production elle-même.

Enfin que l'on ne perde pas de vue que cette cotation morale des films doit normalement contribuer à l'éducation du jugement des chrétiens. Or celle-ci, comme toute éducation, implique un affinement progressif du sens moral, une recherche positive des plus hautes valeurs et une délicatesse d'appréciation croissante ; il existe en ce domaine une pudeur du regard et de la sensibilité, qui se refuse à toute concession et qui est l'apanage d'une réelle noblesse d'âme. N'est-ce pas en fonction de cet idéal qu'un catholique doit s'accoutumer à porter son jugement, sans se laisser influencer par la crainte pusillanime des critiques ? Les fils de l'Eglise ont à cet égard une tâche privilégiée à remplir pour la sauvegarde, et éventuellement la promotion, des vraies valeurs chrétiennes et humaines dans l'art cinématographique.

Telles sont, en bref, quelques-unes des remarques que suggère le thème de vos Journées. Le Saint-Père, qui connaît et apprécie le bon travail réalisé dans le champ catholique international par rO.C.I.C, recommande à Dieu la prochaine rencontre et encourage de tout coeur ceux qui y participeront à se retrouver unanimes, dans la volonté de toujours mieux servir l'Episcopat et le public catholique par leur fermeté et leur rectitude dans l'appréciation morale des films. C'est en appelant sur ces résolutions les grâces d'En-Haut que Sa Sainteté envoie à tous les membres de l'Assemblée de Cologne, et en premier lieu à vous-même, une paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU CONGRÈS HISPANO-PORTUGAIS DES PATRONS CATHOLIQUES

(11 juin 1954) 1




Je me suis acquitté volontiers de mon devoir d'informer le Souverain Pontife de la réunion prochaine du IIe Congrès hispano-portugais des patrons catholiques qui, dans leurs sessions d'études, se proposent d'examiner le thème des relations humaines dans l'entreprise.

Sa Sainteté a examiné avec une paternelle bienveillance le noble propos des patrons catholiques des deux nations péninsulaires, désireux de réaliser les principes catholiques dans une question aussi importante que l'entreprise, et pour cela, les encourage de tout coeur à persévérer dans cette tâche qui peut produire des fruits abondants dans le monde du travail.

1 D'après le texte espagnol d'Ecclesia du 26 juin 1954, traduction française de la Documentation Catholique, t. LI, c. 921.

2 Cf. Documents Pontificaux 1949, p. 155.




Au centre de vos discussions, vous mettez opportunément le discours de Sa Sainteté au Congrès de l'Union Internationale des Associations patronales catholiques du 7 mai 19492- Pour la question des relations humaines dans l'entreprise, il ne faut pas oublier qu'elles doivent être fondées sur une solidarité efficiente. Cela suppose, nécessairement que tant les techniciens et les dirigeants que les ouvriers soient considérés comme des sujets de droits : c'est-à-dire des personnes capables de travailler librement et avec leur responsabilité, laquelle, en respectant la hiérarchie des objectifs et des divers emplois, peut s'affirmer et

se développer, y compris en ce qui concerne les ouvriers. Ainsi pourra se créer une ferme solidarité entre ceux qui appartiennent à la même entreprise, de sorte que les uns et les autres s'ap-puyant sur des critères moraux et chrétiens, veillent à la meilleure marche de la production, mais aussi à la paix sociale non seulement entre ceux qui composent l'entreprise.

Le Saint-Père demande au Seigneur qu'il envoie ses lumières divines sur les travaux du Congrès et de tout coeur, Il accorde, à vous, aux dirigeants du Congrès et à ses membres, la Bénédiction apostolique.

ALLOCUTION LORS DE LA CANONISATION DES SAINTS PIERRE CHANEL, GASPARD DEL BÚFALO JOSEPH PIGNATELLI, DOMINIQUE SAVIO MARIE CRUCIFIÉE DI ROSA

(12 juin 1954) 1


Le samedi soir 12 juin, le Pape canonisa les cinq Bienheureux cités plus haut et à cette occasion déclara :

Si les forces du mal ne cessent, au cours des siècles, leurs attaques contre l'oeuvre du Divin Rédempteur, Dieu ne manque pas de répondre aux prières angoissées de ses fils en danger, suscitant des âmes riches en dons de la nature et de la grâce, qui sont pour leurs frères un réconfort et une aide. Lorsque dans la conscience des âmes s'affaiblit la connaissance des vérités salutaires, obscurcies par les attraits des biens terrestres, quand l'esprit de révolte et d'orgueil suscite contre l'Eglise des persécutions sournoises ou violentes au milieu des misères, toujours présentes, des âmes et des corps, la Divine Providence appelle sous l'emblème de la Croix du Christ des héros de sainteté, irradiant des splendeurs de pureté virginale et de charité fraternelle, pour subvenir à tous les besoins des âmes et pour maintenir dans son intégrité la ferveur de la vie chrétienne.

Pie XII parle d'abord de saint Pierre Chanel2

1. — La vie de ceux que l'Eglise glorifie aujourd'hui est entièrement résumée dans les paroles du Psalmiste : Angustia et tribulatio venerunt super me, mandata tua deîiciae mae sunt3. A Pierre-Louis-Marie Chanel revint l'honneur d'être le premier à verser son sang pour la foi en Océanie. A peine avait-il accompli le sacrifice de sa vie dans l'île de Futuna, jusqu'alors réfractaire à la grâce, que sur-le-champ se leva une moisson d'une richesse au-delà de toute prévision. Il effectua son voyage terrestre dans l'humilité, la douceur, la patience, la charité, puisant le meilleur de ses énergies spirituelles dans l'amour ardent et délicat pour la Vierge Marie. « Aimer Marie et la faire aimer » fut le voeu le plus fervent et le programme des années de sa préparation au sacerdoce. Ordonné prêtre, il commença par prodiguer sans réserve les forces physiques dont la nature ne l'avait doté que très parcimonieusement, pour ramener aux pratiques religieuses le petit troupeau confié à ses soins. Mais son âme aspirait à la perfection totale et aux fatigues des missions auprès des infidèles. C'est ainsi qu'il résolut de s'unir au groupe récemment constitué de la Société de Marie, qui, reconnaissant dans la Reine du ciel sa Mère et supérieure perpétuelle, s'employait de son mieux à réaliser l'idéal de la perfection sacerdotale et apostolique. Pendant quatre années, il se consacra avec un dévouement remarquable, avec une grande patience, avec une vigilance humble et empressée, à l'éducation de la jeunesse.

Mais son rêve devint bientôt une réalité. Triomphant héroïquement des plus chères affections de son coeur, il s'embarqua pour les îles d'Océanie, où n'avait pas encore pénétré l'Evangile. Qui dira les dures épreuves spirituelles et physiques, qui l'attendaient dans ce domaine de ses travaux apostoliques ? Ses efforts d'adaptation à la langue, aux moeurs de ce peuple, la stérilité apparente de ses fatigues, l'incompréhension et l'hostilité, sourde ou ouverte, n'ébranlèrent pas son admirable constance. Fort de la protection vigilante de la Mère de Dieu, Pierre Chanel révèle aux indigènes stupéfaits l'inépuisable charité et la douceur de son esprit. L'exemple de sa vie pure et mortifiée, sa prière incessante, ses ferventes exhortations préparent le chemin à la grâce divine. Après que le martyr eut rendu son esprit à Dieu, les forces du mal, qui s'étaient opposées à son oeuvre, cédèrent promptement et l'Eglise put compter avec joie jusque dans cette lointaine région des fils nombreux et fervents.

Ensuite le Pape glorifie saint Gaspard Del Bufalo 4.

2. — Cependant, s'il est nécessaire d'annoncer aux infidèles le message du Christ, il n'est pas moins essentiel de maintenir vive l'ardeur de la foi dans le peuple chrétien. Dans la glorieuse phalange des Saints que cette terre romaine a donnés à l'Eglise, Gaspard Del Bufalo resplendit d'une lumière spéciale. Dès ses plus jeunes années, la protection de saint François-Xavier sembla lui obtenir de Dieu une extraordinaire profusion de dons surnaturels. Encore étudiant, il se livrait assidûment aux oeuvres de charité et d'assistance, surtout dans l'enseignement de la doctrine chrétienne aux enfants et aux pauvres. Sur les traces de saint Jean-Baptiste de Rossi, il rendit de la vigueur à la pieuse OEuvre de S. Galla et fonda, peu après, l'Oratoire de Sainte-Marie « in Vincis ». Mais son apostolat à Rome fut interrompu par l'invasion des troupes napoléoniennes : ayant refusé de prêter le serment de fidélité à un pouvoir hostile aux droits de l'Eglise, il subit lui-même l'exil et la prison. Finalement libéré, et à la joie de tous ceux qui le connaissaient et le vénéraient encore plus après son retour à Rome, il reçut du Souverain Pontife Pie VII la charge de se consacrer aux saintes missions destinées à renouveler la ferveur des fidèles dans ses Etats après les désordres et les ravages causés par les bouleversements publics. Il reprit alors l'idée de l'institution d'une Congrégation de Missionnaires sous le titre du Précieux Sang de Jésus, et malgré les oppositions et les obstacles, il inaugura le 15 août 1815 la première Maison de l'OEuvre, qu'il confia avec ferveur à la protection de la Très Sainte Vierge. De la sorte commence pour lui une vie de travaux incessants : il parcourt à peu près toutes les régions de l'Italie centrale, apportant partout avec










ristes, dont il fut un des premiers missionnaires ; il s'embarqua en 1836 pour les îles de la Mélanésie. En 1841, il fut martyrisé. Cinq mois après sa mort, l'île entièrE se convertissait au christianasme.
Ps 118,143.

   

l'exemple de sa piété, de son humilité, de sa charité  la réconciliathon et la paix, le soulagement des -isères corpordlles et surtout spirituellas. Il donnait, e. même temps, de sages Règles à son Institut, et en s'exclamant : « e paradis, le paradis ! » il se soustrayait à toute nffre de dignités ecclésiastiques, désiPant demeurer jusqu'à la m/rt dans la « chaire », c'est-à-dire dafs le domaine de la prédication sacrée ; il avait la confiance  ef effet( de recevoir de la sorte plus fabilement et sans retard la récompense éternelle. Et le Seigneur !ccueillit sa prière d'être atteint par la mort au milieu des fatigues de l'apostolat ; si bien qu'il laissa à ses fils l'admirable modèle d'un zèle héroïque s'immolant généreusement pour le plus grand bien des âmes.

Puis le Souverain Pontife cite saint Joseph Pignatelli5.

3. — Mais si Dieu demande souvent à ses élus d'entreprendre de grandes oeuvres pour sa gloire, il veut aussi qu'ils sachent souffrir dans l'obéissance et dans le silence. Et, en réalité, il ne faut pas moins de générosité pour résister solidement au milieu du naufrage et préparer avec ténacité l'heure où la paix reviendra régner. Quand la Compagnie de Jésus fut expulsée du Royaume d'Espagne, Joseph Pignatelli s'était déjà acquis l'estime de ses Supérieurs par l'élévation de son esprit, par l'ingéniosité de sa charité envers les pauvres et les condamnés à mort, par l'autorité de sa personne qui lui permettait de calmer les soulèvements populaires. La noblesse de son sang aurait pu lui inspirer l'amour des grandeurs humaines ; mais Dieu avait mis en lui les germes d'une gloire plus noble et plus sainte. Lui qui était chargé du soin spirituel et temporel des proscrits, il supporta lui-même, à son tour, avec une sérénité et une patience admirables, en aidant ses malheureux compagnons à l'accepter, les pires gênes, les privations, les amertumes indicibles de l'exil ; il erra d'un côté et de l'autre à la recherche d'un refuge sans trouver un abri tranquille et un soulagement, mais en s'efforçant de maintenir partout la ferveur de l'esprit religieux chez lds infortunés confrères qui lui étaaent confiés. Lorsque finalement fut obtenu un séjour plus stable, il se consacra à une vie de prière, de trav+il et de charité, et dès que pointa l'aube de la résurrection de la Compagnie de Jésus, il s'employa à en rassembler les membres dispersés, à former de nouvelles recrues, à rétablir dans heur intégrité le genre de vie et l'esprit traditionnel de l'Ordre. De la sorte, Joseph Pignatelli préparaiT le renouvellement de l'illustre Société, à laquelle il demeuratoujoUrs indáfectiblement uni : lui le restaurateur en Italie et, en esprit, le secoNd père de la Compagnie de Jésus ; lui, le plus insigne lien qui, au-delà de la suppression, la relie à ses origines.8/span>

Le Saint-Père honore Dominique Savio 8.

4. — Alors que lestrois héros que no5s venons de commémorer avaient prodigué toutes leurs forces viriles dans le dur combat contre les forces du mal, voici qu'apparaît à no4re regard l'imAge de Dominique Savio, fragile adolescent, au corps faible, mais à l'âme tendue dans une pure oblation de soi à l'amour surhumainement délicat et exigeant du Christ. A un âge si tendre, on s'attendrait plutôt à trouver de bonnes et aimables dispositions d'esprit ; en revanche, on découvre en lui avec stupeur les merveilleuses voies des inspirations de la grâce, une adhésion constante et sans réserve aux choses du ciel que sa foi percevait avec une rare intensité. A l'école de son Maître spirituel, le grand saint Don Bosco, il apprit que la joie de servir Dieu et de le faire aimer par les autres peut devenir un puissant moyen d'apostolat. Le 8 décembre 1854 le vit élevé en une extase d'amour envers la Vierge Marie, et, peu après, il réunissait quelques-uns de ses amis dans la « Compagnie de l'Immaculée Conception », afin d'avancer à grands pas sur le chemin de la sainteté et d'éviter jusqu'au plus petit péché. Il incitait ses compagnons à la piété, à la bonne conduite, à la fréquentation des sacrements, à la récitation du chapelet, à l'éloignement du mal et des tentations. Sans se laisser intimider par de mauvais accueils et par des réponses insolentes, il intervenait avec fermeté, mais charitablement, pour rappeler au devoir les écervelés et les pervers. Comblé déjà en cette vie de la familiarité et des dons du doux Hôte



6 S. Dominique Savio est né en 1842 dans un village du Piémont ; à douze ans, entrait à l'Oratoire de Turin fondé par S. Jean Bosco. Il mourut chez ses parents 1857 après une vie de grande sainteté.

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de l'âme, il quitta bientôt la terre pour recevoir, avec l'intercession de la Reine céleste, la récompense de son amour filial.

Enfin Pie XII honore Marie Crucifiée Ai Rosa 7.

5. — Associée à la gloire de si illustres Confesseurs, une Vierge, remarquable par son amour pour la Croix, Marie Crucifiée di Rosa, d'une famille patricienne de Brescia, chante elle aussi les splendeurs de l'Epoux divin. Sa mère terrestre avait à peine pieusement expiré, qu'elle se réfugia, à l'imitation de sainte Thérèse de Jésus, dans les bras de sa Mère céleste. A l'école des Religieuses de la Visitation, elle approfondit de plus en plus sa solide piété, animée d'un intense désir de souffrir pour Jésus-Christ et de s'exercer à une pratique incessante de la mortification et de la charité. Elle renonce à toute vanité, à toute exigence de la mode, à tout spectacle mondain, à toute indulgence envers la nature, à toute offre de noces terrestres ; elle s'occupe des filles et des femmes du peuple, elle supporte patiemment les critiques, spécialement des libertins déçus, et se complaît à distribuer aux nécessiteux les biens dont elle dispose. Quand, en 1836, le choléra sévit sur Brescia, elle donne libre cours à son héroïque abnégation au service des cholériques et elle entraîne également d'autres jeunes filles de son âge dans ce service ardu et dangereux. Le fléau ayant cessé, notre sainte, soutenue par la sollicitude de son directeur spirituel, continua à l'hôpital féminin de Brescia à se consacrer à l'assistance des malades et des abandonnées, et bientôt la pieuse collaboration de ces âmes généreuses se transforma en une oeuvre stable : les « Servantes de la Charité » prendront désormais entièrement à leur charge le service sanitaire de l'Hôpital de Brescia et, très rapidement, aussi d'autres activités bienfaisantes. Les obstacles qu'avait traversés l'oeuvre naissante ayant été surmontés, la suave et inlassable apôtre vit dans les dispositions de la Providence la confirmation donnée par le ciel à ses efforts ; mais elle suppliait que les croix ne lui fissent pas défaut et que les épreuves ne lui fussent pas épargnées. Et, en effet, tout en manifestant dans son action de fondatrice ses plus belles qualités d'intelligence et de volonté, elle souffrira avec un grand courage les douleurs physiques et, surtout, les angoisses de l'âme, les ténèbres indicibles que l'esprit du mal déchaîné s'efforce, mais en vain, de faire peser sur elle. Une prière ardente s'échappait alors de ses lèvres : « Mon Jésus ! Vous seul me suffisez. Que ma vie soit crucifiée avec Vous. » Ainsi de la profondeur d'une vie spirituelle entièrement conforme à la Croix jaillit une oeuvre originale et complète, qui embrasse toutes les formes d'hospitalité et d'assistance et prospère avec d'éminents fruits de charité et de vertu.

Telles sont, Vénérables Frères et chers fils, à peine esquissées, les héroïques actions de ces apôtres et de ces fondateurs, que le Saint-Esprit a modelés pour la continuation de l'oeuvre du Christ. Ils tressent ensemble une merveilleuse couronne à la Vierge Marie, qui les a ornés de ses hautes faveurs et a bien voulu accueillir leurs fidèles services. Que ces nouveaux princes du ciel veuillent bien obtenir pour tous ceux qui se réjouissent aujourd'hui de leur gloire, la grâce de suivre leurs traces et de brûler, comme eux, d'amour pour Jésus qui les a rachetés avec son propre sang, et pour sa très pure et très sainte Mère.




Pie XII 1954 - ENCYCLIQUE ECCLESIAE FASTOS A L'OCCASION DU XIIS CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT BONIFACE