Pie XII 1954 - CONSTITUTION APOSTOLIQUE CRÉANT LA MISSION DE FRANCE


I

Nous soustrayons à la juridiction de l'Ordinaire de Sens le territoire qui se trouve situé dans l'archidiocèse de Sens et qui constitue la paroisse appelée Pontigny, dans ses limites présentes telles qu'elles sont tracées sur le plan ci-annexé 5, avec son église et les bâtiments adjacents — jadis abbaye de Pontigny, joyau de l'Ordre sacré de Cîteaux, qui fut illustré par la renommée de ses oeuvres et aussi par les exemples de ses saints — et Nous le soumettons à la juridiction du prélat de ¦< La Mission de France » ad nutwn Sanctae Sedis ; en conséquence, se trouve suspendu tout pouvoir dudit Ordinaire de Sens sur ce territoire, de telle manière que, dorénavant, « La Mission de France » puisse être considérée comme un diocèse de prélature nullius.

II

« La Mission de France », ainsi érigée et constituée, conformément au canon 319, § 2 C. I. C, est régie par les lois du droit général, sans préjudice des statuts de sa propre loi.


III


§ 1. — Le territoire de la Mission, dans ses dimensions modestes et ses limites bien définies, contiendra la maison principale de la Mission, avec l'église et les bâtiments adjacents.

§ 2. — Dans ce territoire, « La Mission de France » pourra avoir aussi selon les prescriptions des saints canons, son Séminaire ou collège régi selon les règles édictées par la Sacrée Congrégation préposée aux Séminaires et Universités, dans lequel seront formés à l'état clérical un certain nombre de jeunes gens.

IV

§ 1. — Le prélat de la Mission est nommé et institué par le Pontife romain, selon le canon 320, § 1. C. I. C.

§ 2. — Le prélat est choisi parmi les évêques membres de la Commission épiscopale de « la Mission de France », qui a été établie de façon stable par l'Assemblée des cardinaux et archevêques de France.

§ 3. — Le prélat de la Mission sera président de cette Commission épiscopale.

V

§ 1. — Au prélat de la Mission appartient le droit d'incar-diner ses clercs, conformément aux canons III, § 2, et 112 C. I. C, et en observant les autres prescriptions du droit.

§ 2. — A ce même prélat appartient aussi le droit de promouvoir ses clercs aux Ordres sacrés, au titre de « La Mission de France ».

§ 3. — Le prélat de la Mission doit pourvoir à l'honnête subsistance de chacun des prêtres qu'il aura ordonnés au titre de « La Mission de France ».


VI

§ 1. — Tout prêtre agrégé à la Mission, pour pouvoir être envoyé par le prélat de la Mission dans un diocèse, ou pour être transféré d'un diocèse à un autre, que ce soit pour toujours ou pour une période renouvelable, a besoin, selon le droit, du consentement de l'évêque du diocèse où il va.

§ 2. — Tout prêtre de la Mission peut être écarté de la fonction propre dont il est chargé dans un diocèse, conformément au canon 454 § 3 C. I. C.














VII


Tout prêtre de la Mission, dans l'exercice du ministère pastoral en dehors du territoire de la Mission ou dans l'exercice de toute autre fonction à lui confiée par l'Ordinaire du lieu, est soumis entièrement à l'autorité de celui-ci et ne jouit d'aucune exemption à l'égard de l'Ordinaire du lieu.


VIII


§ ï. — Le prélat Ordinaire doit instituer un Vicaire Général, mais il ne peut le faire sans l'autorité et la permission du Saint-Siège.

§ 2. — Comme Vicaire Général, il faut choisir un prêtre dégagé de toute autre fonction.

§ 3. — Au Vicaire Général ainsi institué appartiennent tous les pouvoirs propres à cette charge, selon les règles du droit commun, ainsi que les autres pouvoirs que lui accorde la loi particulière de la Mission.

§ 4. — Le Vicaire Général doit avoir sa résidence habituelle dans le territoire de la Mission et s'appliquer sans cesse avec soin, en union avec le prélat, à gouverner le mieux possible la Mission, non seulement dans les limites de son territoire, mais aussi dans le respect fidèle des lois du droit commun, en dehors du territoire propre de la Mission, en dirigeant avec un soin vigilant les membres de la Mission qui exercent le ministère pastoral ou d'autres charges dans les différents diocèses, sous la juridiction des Ordinaires des lieux.


IX

Le prélat Ordinaire, tout en restant soumis aux prescriptions du canon 340 C. I. C, qui l'oblige à présenter tous les cinq ans au Souverain Pontife un rapport sur l'état de la Mission qui lui est confiée, conformément à la formule donnée par le Saint-Siège, devra, chaque année, rédiger et présenter à la Sacrée Congrégation Consistoriale un rapport sur l'état matériel et spirituel de la Mission et sur l'observation de la discipline ecclésiastique.

X

§ 1. — Pour qu'une maison de la Mission puisse être érigée en dehors du territoire de la Mission, le consentement écrit de l'Ordinaire du lieu est requis.

§ 2. — Une fois érigée, une maison de la Mission ne jouit d'aucune exemption à l'égard de l'Ordinaire du lieu.


XI

En cas de vacance de la prélature, c'est l'évêque le plus ancien parmi les membres de la Commission épiscopale qui gouverne et administre la Mission, investi de tous les pouvoirs qui appartiennent au prélat de la Mission.

Après avoir établi ces règles, en ayant toujours en vue le plus grand bien et le plus grand honneur de l'Eglise, Nous implorons d'une instante prière le secours du Dieu Tout-Puissant, afin que chaque soldat de cette milice du Christ, répondant aux voeux de Notre attente, excellent artisan de la religion et de la piété, soit « comme le feu qui brille et qui brûle » 6 ; et aussi pour que, grâce à son zèle et à son effort, cherchant non ses propres intérêts mais ceux du Christ, resplendisse à nouveau la paix ; que là où sévit la haine, fleurisse la charité sociale ; que là où le doute meurtrit, la foi réconforte, et qu'enfin là où tout est sans espoir, renaisse la sainte espérance.

Il ne sera permis à aucun homme, en aucun temps et pour quelque raison que ce soit, d'enfreindre, de contredire ni de s'opposer d'aucune manière aux décisions qu'en vertu de l'autorité apostolique Nous avons décrétées dans cette Lettre. Si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, osait y porter atteinte, qu'il se sache sous le coup des peines édictées par les saints canons contre ceux qui s'opposent à l'exercice de la juridiction ecclésiastique. Quant à tout ce qui a été ci-dessus confirmé et établi, Nous déléguons Notre Vénérable Frère Paul Marella, archevêque de Doclée, Nonce apostolique en France, pour en assurer l'exécution. Nous lui accordons les pouvoirs opportuns nécessaires, y compris celui de subdéléguer aux fins dont il s'agit un autre ecclésiastique constitué en dignité et de trancher en dernier res-

Eccli., 50, g.

sort toute difficulté ou opposition qui surgirait, de quelque façon que ce soit, dans l'exécution de cet acte, à charge pour lui de transmettre dans les six mois à la Sacrée Congrégation Consisto-riale le compte rendu authentique de l'accomplissement de cette fonction.

Nous voulons, de plus, que les exemplaires de cette Lettre, tirés à part, même imprimés, pourvu qu'ils soient signés de la main d'un secrétaire et munis du sceau d'un homme d'Eglise constitué en dignité, jouissent du crédit même, soit en justice, soit ailleurs, dont jouirait Notre présente Lettre si elle était produite et montrée en texte original.

Enfin, Nous décidons que la présente Lettre gardera toute sa valeur, sans que puisse y faire obstacle quelque opposition que ce soit, même si celle-ci méritait une particulière et expresse attention.


MESSAGE AU KATHOLIKENTAG DE FULDA

(30 août 1954) 1


Le 76e Katholikentag se tenant à Fulda cette année, le Saint-Père y envoya le message suivant :

La profession de foi sincère de Nos fils et filles réunis à Fulda avec l'ensemble de leurs Pasteurs, Nous a rempli de joie et de réconfort. Nous leur adressons Nos saluts les plus paternels spécialement à ceux venus de l'Est : là où ils vivent, le thème général de votre Katholikentag : « Vous devez être mes témoins », trouve une réalisation très courageuse souvent même héroïque.

Que la crypte de la célèbre cathédrale de la ville de saint Boniface, qui conserve les restes précieux de votre grand témoin de la foi et martyr, vous soit un symbole et un rappel encourageants qui vous aident à rendre témoignage de votre foi au Dieu personnel, à l'Homme-Dieu Jésus-Christ, à son Eglise, la seule véritable qu'il a établie sur le rocher de Pierre 2.

Témoignage du caractère absolu de cette foi et de ses exigences morales : elles ne varient pas comme si elles étaient liées aux transformations sociales et culturelles, elles sont au contraire les mêmes pour tous, partout et toujours.

Témoignage de l'appréciation réelle de cette foi : Dieu, l'âme immortelle, la vérité et la grâce du Christ ont seuls valeur absolue et inconditionnée, tout le reste, parce que relatif au temps, demeure, si précieux soit-il, au second rang.

Témoignage de l'efficience de cette foi : que la voie soit libre à ses bienfaits dans l'existence de chacun comme dans la vie de la communauté, aussi et surtout là où les lois sont élaborées, —












quand il s'agit des droits sacrés du mariage et de la famille, de la formation et de l'éducation de la jeunesse, de l'ordre social — là où encore l'esprit, l'âme et les coutumes du peuple et de l'Etat sont façonnés.

Témoignage de l'universalité de cette foi : elle agit non seulement dans la mission de l'Eglise auprès de vous-mêmes d'abord et dans votre lointaine Diaspora, mais encore dans sa mission à travers le monde entier : continents, empires et peuples ; que l'Eglise se trouve devant de lourdes tâches et de grandes espérances, ou au contraire au sein de difficultés angoissantes ou de combats implacables.

Que le Dieu Tout-Puissant, par l'intercession de la Sainte Vierge Marie Mère de Dieu, de vos apôtres Boniface et Pierre Canisius, et de sainte Elisabeth, vous accorde la grâce de porter témoignage pour le Christ, avec une persévérance puisée dans la force d'une fervente prière quotidienne, d'une vie chrétienne simple, éloignée de tout luxe, de toutes dépenses excessives et de tout amour déréglé des biens matériels. En gage de quoi, Nous accordons, de tout coeur à vos Pasteurs qui ont toute Notre estime, aux représentants des autorités municipales et gouvernementales, à vos prêtres et à leurs collaborateurs qui se dépensent à leurs côtés pour le salut des âmes, à vous tous chers fils et chères filles, à votre peuple et votre patrie, la Bénédiction apostolique.


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI AU TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DES PHARMACIENS CATHOLIQUES

(3 septembre 1954)1


Le IIIe Congrès International des Pharmaciens Catholiques s'est tenu en septembre à Saragosse. A cette occasion, la lettre suivante fut envoyée par le Saint-Siège :

Le Souverain Pontife m'a chargé de transmettre à Votre Seigneurie l'expression de la paternelle satisfaction avec laquelle il a accueilli les sentiments qu'au nom des pharmaciens catholiques vous avez manifestés à la veille de votre pèlerinage au sanctuaire du Pilar à Saragosse, et de votre IIIe Congrès International. Sa Sainteté formule les meilleurs voeux pour l'heureux succès de ces manifestations.

De l'atmosphère de spiritualité si en harmonie avec l'Année Mariale dans laquelle vous voulez que se tienne cette assemblée, comme aussi du nombre et de la qualité des représentants qui ont promis leur participation, on ne peut espérer que de féconds résultats. En choisissant comme thème de ce Congrès votre profession, vue à la lumière de l'humanisme chrétien, vous vous êtes proposé d'étudier, non seulement les problèmes qui se réfèrent à l'élévation de son niveau technique sous ses aspects administratif et social, mais encore l'accroissement de la perfection morale dans l'exercice de cette profession.

La dignité d'une profession se mesure à la hauteur, l'extension et à l'importance des intérêts qui lui sont confiés. Or, parmi les biens d'ordre matériel que l'homme possède, le premier est indubitablement la santé. C'est d'elle que dépend l'utilisation

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DOCUMENTS PONTIFICAUX



PHARMACIENS CATHOLIQUES



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des autres énergies reçues de la nature. Ainsi le pharmacien, en concourant avec le médecin aux soins que réclame la vie, contribue à la conservation de l'un des biens les plus précieux de l'homme. Sa foi catholique lui dira, en outre, que le corps qu'il soigne avec ses médicaments doit ressusciter, a une éternelle destinée. Voilà ce qui constitue le fondement solide de la dignité de cette profession. Dignité non exempte de redoutables responsabilités dans la recherche de nouvelles formules comme dans l'élaboration et l'application de remèdes dont certains sont particulièrement délicats ; et cette dignité est l'apanage, à des degrés différents, aussi bien des grands laboratoires de spécialités que du modeste établissement rural. Outre la santé, des intérêts très sacrés sont parfois en jeu : l'honneur du malade ou de sa famille ; le bien le plus précieux du médecin lui-même, c'est-à-dire sa réputation, dépendent dans de nombreux cas de la science, de l'habileté et de la discrétion du pharmacien.

Votre responsabilité — disait à ce propos le Saint-Père dans son discours aux participants du Congrès antérieur de 1950 —* s'étend plus loin que son aspect technique, l'effet heureux ou funeste des remèdes : elle revêt aussi un aspect moral auquel la déviation et le désarroi actuel des consciences donnent aujourd'hui une gravité plus grande que jamais.

Afin d'agir avec certitude et de se défendre contre de possibles sollicitations au mal — qui, maintes fois, proviennent du client lui-même — le titulaire d'une pharmacie doit être secondé et par une législation professionnelle en harmonie avec la morale catholique, laquelle confirmera et rehaussera la loi naturelle par une déontologie qui l'éclairera dans l'application de ces lois et de ces principes ; et surtout par l'honorabilité de sa conscience chrétienne, juge immédiat et guide de ses actions.

D'autre part, le pharmacien est plus que personne en contact direct avec la vie réelle du peuple, particulièrement aux moments de ses plus grandes angoisses, quand les affections deviennent plus vives et les relations plus cordiales. Par là même, il peut être un facteur de premier ordre pour la saine orientation dans le public, de la majorité des problèmes actuels. Aussi, l'honnêteté de ses actes, sa charité envers ses semblables, sa formation personnelle culturelle, religieuse et sociale procurent-elles à l'action de la Providence un artisan dont l'influence sera indiscutable.

Que l'élévation et la noblesse de leur mission animent les congressistes de Saragosse ; que l'amour du prochain, s'inspi-rant de l'amour du Christ, soit le stimulant de leurs études et de leur activité professionnelle ! Sa Sainteté implore du Très-Haut une ample effusion de dons sur tous les membres de cette illustre assemblée afin qu'il en résulte des fruits aussi abondants que précieux ; en même temps, elle leur accorde paternellement la Bénédiction apostolique.










EMPLOYES DE BUENOS-AIRES



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LETTRE


A L'OEUVRE DES EMPLOYÉES DE BUENOS-AIRES

(4 septembre 1954) 1 couragement pour que vous continuiez avec un zèle redoublé ce magnifique et charitable effort, de telle sorte que puissent être atteints, avec l'aide divine, de nouveaux résultats en ce domaine si important.


Que la Très Sainte Vierge, en l'honneur de qui s'ouvre ce centre comme un filial hommage en cette Année Mariale, étende sa protection maternelle sur cette oeuvre et y fasse régner un fervent esprit chrétien, source abondante des plus grands biens.

En gage des grâces célestes, Nous sommes heureux de vous donner de tout coeur à vous, Vénérable Frère, à vos collaborateurs, aux généreux bienfaiteurs de la Maison de l'Employée et à toutes ses adhérentes, Notre Bénédiction apostolique.



On inaugurait en août 1954 à Buenos-Aires le nouveau siège du « Foyer de la Fédération des Associations Catholiques des Employées ». Aussi le fondateur de cette oeuvre, Son Excellence Mgr Miguel Andréa, reçut la lettre que voici :

Nous avons retiré une satisfaction intime à la nouvelle que dans quelques jours va être inauguré le Foyer que la Fédération des Associations Catholiques des Employées a construit dans votre ville dans le but de développer son oeuvre méritante.

Les périls moraux et sociaux qui, dans votre Capitale, guettent la femme qui a besoin d'un emploi pour vivre trouvèrent bien souvent un remède efficace dans la Maison de l'Employée. Née sous le regard et la protection de l'Eglise, cette institution a offert à ses adhérentes de nombreux avantages et elle doit maintenant procurer à plus d'une d'entre elles une habitation qui apporte à leurs âmes, en plus du juste repos, la sérénité d'un milieu fraternel et familial.

Toujours préoccupé du sort de ceux qui souffrent de privations et de difficultés, Nous n'avons pas manqué d'éprouver une grande consolation à voir le développement croissant de cette oeuvre bienfaisante que vous avez fondée et que vous dirigez avec intelligence et un zèle reconnu, Vénérable Frère, et que Nous pouvons contempler aujourd'hui comme un arbre vigoureux chargé de fruits abondants et excellents. Aussi, Nous réjouissant avec vous et avec vos collaborateurs des fruits déjà obtenus, Nous désirons que vous parviennent Nos paroles d'en-


CONGRES MARIAL DE BELGIQUE



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RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL DE BELGIQUE

(5 septembre 1954)1

La Belgique à son tour réunit la foule de ses fidèles autour de la Basilique de Koekelberg à Bruxelles, pour honorer la Sainte Vierge. Pie XII y fit parvenir par les ondes le message suivant :

Depuis le 8 décembre dernier, où Nous avons solennellement proclamé l'ouverture de l'année mariale, vous avez répondu avec enthousiasme à Notre invitation et multiplié les preuves de votre amour filial envers Marie. Aussi sommes-Nous profondément heureux de Nous rendre présent parmi vous aujourd'hui, en cette grandiose manifestation d'attachement à la Mère de Dieu.

Que la Belgique soit une terre mariale, les statues miraculeuses qui, en cette journée, ont passé sur le plateau de Koekelberg en un défilé triomphal en témoignent éloquemment. La plupart d'entre elles reçoivent vos hommages depuis plusieurs siècles. D'autres, au contraire, sont apparues récemment comme un signe renouvelé de la présence vivante de Marie parmi vous. Mais, anciennes ou récentes, vous leur portez sans hésiter toutes vos confidences, vous leur exposez vos difficultés, vos souffrances, vos espoirs. Unies intimement à la vie de votre peuple, elles ont traversé avec lui tant de vicissitudes et vécu tant d'angoisses ; elles ont assisté aussi à l'expansion magnifique et aux réalisations étonnantes du catholicisme dans votre pays. Chaque jour, elles écoutent vos prières, vous donnent le courage de mener une lutte patiente contre toutes les formes du mal, vous dispensent les biens du corps et de l'âme et ces mille prévenances dont une Mère ne cesse de combler ses fils.

Aussi avez-vous bien raison de venir en pèlerinage, de tous les coins de la Belgique, vers un site que vous considérez comme un haut lieu de votre foi et d'y réunir, pour un hommage national, les plus célèbres de vos Vierges miraculeuses, ambassadrices d'autres images innombrables disséminées partout dans vos églises, vos chapelles, le long des routes, au coeur des foyers. Les différents vocables par lesquels vous invoquez Marie détaillent l'infinie richesse et la bonté sans limites de la Créature sans tache, l'Immaculée Mère de Dieu et Vierge, dont jamais le monde n'épuisera les louanges, dont jamais il ne lassera la bonté.

Comme preuve de votre reconnaissance, vous voulez à cette glorieuse Souveraine adresser un acte de consécration. Pesez bien, chers fils et chères filles, toute l'importance de cet acte et des engagements qu'il comporte. En mettant sous l'égide de Marie vos activités personnelles, familiales, nationales, vous invoquez sa protection et son aide sur toutes vos démarches, mais vous lui promettez aussi de ne rien entreprendre qui puisse lui déplaire et de conformer toute votre vie à sa direction et à ses désirs. L'amour d'une Mère sait poser à ses fils les plus sévères exigences, quand leur bien est en jeu. Non seulement elle ne tolère pas qu'ils blessent par leur conduite l'honneur de la famille, mais elle ambitionne de leur voir accomplir des actions d'éclat pour se réjouir avec eux de leurs succès et de leurs mérites. Marie attend de vous, héritiers d'une longue tradition de fidélité au service du Christ, que vous poursuiviez dans le temps présent la lutte séculaire qui divise le bien et le mal.

Elle vous demande d'abord de rester fermes dans la foi. Même si vous n'avez pas à souffrir de persécution ouverte comme c'est le sort, hélas, de tant d'autres pays, vous devez vous défendre contre un matérialisme qui envahit peu à peu la société, ses institutions et ses activités. Chez beaucoup, il se trahira par la recherche d'une existence confortable, pleinement assurée du lendemain, mais fermée aux réalités surnaturelles, à tout appel au dévouement, et incapable de comprendre les besoins parfois criants d'autres classes sociales ou d'autres peuples. Il est si facile d'oublier que le bien-être temporel n'est pas le but principal de la vie humaine et qu'il existe d'autres richesses, infiniment plus précieuses et plus durables, celles de la charité divine qui rend l'homme oublieux de lui-même pour l'attacher à Dieu et à son oeuvre. C'est le rôle de la Vierge de






laisser entrevoir aux hommes un reflet du ciel parmi tous les soucis qui les enchaînent à cette terre et de leur rappeler inlassablement que les peines de ce monde ne comptent pas au regard de la gloire que Dieu prépare à ses enfants 2.

La consécration à Marie sanctifiera vos foyers. Qui réussit mieux que la Vierge à conserver l'intimité et la ferveur des affections familiales, à les élever en leur communiquant la pureté de cet amour intégralement fidèle dont Dieu l'a faite dépositaire ? Qui inspire aux mères le courage et la patience nécessaires pour veiller aux multiples besoins de leur famille, pour éduquer leurs enfants à la piété, pour les défendre des embûches qu'un monde paganisé dresse sans cesse sous leurs pas ? C'est au sein du foyer, par les échanges quotidiens et incessants qui impriment dans l'âme des fils l'image des parents, que se transmet l'expérience de la vie chrétienne. C'est là qu'il faut une présence tendre et vigilante ; c'est là, peut-on dire, le lieu d'élection où la Mère de Jésus continue l'oeuvre qui fut la sienne par excellence, le soin maternel du Fils de Dieu, qui se prolonge maintenant dans les membres de son Eglise. Que Marie règne dans vos demeures, non seulement parce que vous y aurez placé son image ou sa statue, mais parce que souvent vous la priez ensemble, vous recourez à ses conseils et vous pratiquez ses vertus.

Il ne faut pas s'étonner si, dans les coeurs qui lui sont spécialement dévoués, la Reine des Vierges éveille le désir d'imiter la perfection de son amour pour le Christ et les hommes. Suivant les conseils du Maître divin, des jeunes gens et des jeunes filles quittent leur famille et s'efforcent, par une vie de prière, de renoncement, de charité, d'appeler sur les âmes les grâces du salut et de leur en montrer le chemin par la parole et par l'exemple. Nous songeons surtout, non sans émotion, au magnifique effort missionnaire de la Belgique, à toutes les Congrégations religieuses qui, au prix de lourds sacrifices, annoncent le message du Christ en Afrique et sur bien d'autres points du globe. Maintenez cette glorieuse tradition qui témoigne de la vitalité de votre catholicisme et fait honneur à l'Eglise et à son divin Chef.

La Vierge inspire aussi les formes si diverses de l'apostolat laïc, en particulier celles des associations mariales et des groupes d'Action Catholique. Aux âmes désireuses de vivre plus sin-

* Rom., 8, i8.

cèrement et plus complètement la doctrine de Jésus, à celles qui brûlent de la faire connaître à d'autres, en particulier à leurs compagnons de travail, à qui veut restaurer l'ordre de la justice et de la charité dans les institutions sociales et faire deviner dans l'ordre temporel de la société un reflet de l'harmonie parfaite qui unit les enfants de Dieu, la Vierge Marie obtient la grâce de l'apostolat, elle met sur leurs lèvres les paroles qui convainquent sans heurter, elle les anime d'un zèle ingénieux et d'une affection humble, patiente et dévouée, sans laquelle l'apôtre risque bien vite de se lasser. Nourries d'une connaissance plus profonde et d'une affection plus vive pour leur Souveraine et leur Patronne, les associations mariales redoubleront d'ardeur surnaturelle dans la prière, la mortification et l'audace conquérante, comme il convient à ceux qui, peu soucieux de leurs avantages personnels, n'ont en vue qu'une fidélité toujours plus haute à s'acquitter de leurs obligations envers Marie.

Cette journée mariale, vous avez voulu la conclure en assistant à la Sainte Messe, en recevant la Sainte Communion. Vous ne pouviez confirmer plus efficacement les promesses faites à la Vierge. Marie n'a d'autre désir que de conduire les hommes au Christ, de les introduire au coeur du mystère central du christianisme, celui de la Rédemption. Ce fils qu'elle a jadis mis au monde dans la terre de Palestine, elle continue maintenant à le donner à l'Eglise. Si elle aime à voir ses enfants rassemblés pour une vibrante manifestation de foi et d'amour, c'est pour les conduire ensemble vers le Pain mystique, symbole de l'unité, de la paix et de la joie éternelle du ciel.

Que Jésus, par Marie, continue à régner sur votre nation, vos foyers, au plus profond de vos âmes. Qu'il suscite parmi vous une foule toujours plus nombreuse et ardente d'apôtres, prêtres, religieux et laïcs. Qu'il entretienne en votre pays l'esprit chrétien dans toute sa générosité et une dévotion toujours plus empressée envers la Sainte Vierge. Qu'à Celle-ci vous puissiez, en toute vérité, répéter dans l'enthousiasme les paroles du beau cantique : « Chez Nous, soyez Reine ! ».

En gage de la protection maternelle de la Vierge dont Nous implorons sur vous les faveurs les plus abondantes, Nous vous accordons, avec toute l'effusion de Notre coeur, Notre Bénédiction apostolique 3.





















RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL DU BRÉSIL

(7 septembre 1954) 1


Les catholiques du Brésil clôturaient ce jour à Sao-Paulo leur Congrès mariai, aussi reçurent-ils le message que voici :

Bien que déjà présent parmi vous, dans la personne de Notre très digne Cardinal Légat2, Nous répondons volontiers au désir que vous avez manifesté et, avec toute l'affection du Père qui parle à des fils d'autant plus présents à son esprit et à son coeur, qu'ils sont plus éloignés dans l'espace, Nous vous adressons la parole, pour louer, remercier et rendre hommage avec vous — à l'occasion des Fêtes du Centenaire de Sao-Paulo —, à la Sainte Vierge « Aparecida », vénérable patronne de tout le Brésil et gloire toute spéciale de cet industrieux Etat.

Dans cette année mariale, quand tout le monde catholique, avec une admirable ferveur et une profonde jubilation, célèbre les ineffables prérogatives de l'Immaculée Vierge Mère de Dieu, et qu'il s'unit sous sa protection maternelle dans une Croisade pour la restauration d'un monde meilleur, le Brésil catholique, comme la ville et le noble Etat de Sao-Paulo, a le double et même le triple devoir de se signaler.

Si le Brésil est né à l'ombre de la croix, il a été organisé, il a crû et il a prospéré toujours sous la protection de la Mère très sainte, qui est tendrement vénérée et invoquée sous plusieurs titres plus beaux et plus expressifs les uns que les autres.

Des trois caravelles de la flotte qui ont apporté à la Terre de Santa Cruz sa première structure politique, deux se sont comme cristallisées dans les deux grandes églises de la première capitaie : Notre-Dame « da Ajuda » et Notre-Dame « da Conceiçao da Praia ». A l'ombre de ces églises, on a lutté et l'on a remporté les grandes victoires qui ont conservé l'intégrité de la Patrie et l'unité de la foi.

Ces deux églises, au cours de quatre siècles d'histoire, se sont multipliées en cent cathédrales et en plus de mille églises, sans parler d'une quantité innombrable d'humbles chapelles et de petits oratoires dédiés à la Mère de Dieu sous l'un ou l'autre de ses mystères et qui constellent le territoire brésilien, de l'Amazone à la Prata, de l'Atlantique aux Andes.

Toutes ces églises, monuments dignes de vénération, sont en outre le témoignage vif et éloquent de l'amour et de la dévotion du catholique peuple brésilien à son Auguste Souveraine et de la tendre protection de la Vierge Marie dans les circonstances favorables et adverses de son existence.

Parmi les titres de Marie, prévaut celui de l'Immaculée qui, joint à d'autres titres secondaires, se rencontre en plus de 350 temples principaux.

Et c'est tout à fait naturel.

La dévotion à l'Immaculée Conception de Marie, en effet, apportée dans la Terre de Santa-Cruz par ceux qui l'ont découverte, n'a jamais cessé d'y fleurir.

De plus, le culte de Marie a été intensifié, à partir de 1646, quand, sur l'ordre du Monarque Restaurateur, qui reçut confirmation apostolique de Notre Prédécesseur Clément X, Notre-Dame de la Conception a été acclamée aux Cortès « particulière, unique et singulière Patronne et Protectrice de la Métropole et de toutes ses Possessions ». Il y avait même le serment de défendre au prix du sang et de la vie son privilège très singulier, « dans la certitude qu'elle nous défendrait contre nos ennemis, pour la gloire du Christ notre Dieu, pour l'exaltation de notre Sainte Foi Catholique Romaine et pour la conversion des infidèles et la soumission des hérétiques ». La mémoire de cette solennelle consécration et de ce serment devait ne pas être oubliée. Pour cela, en 1654, il y a exactement 300 ans, un nouveau décret souverain ordonnait de placer des pierres commémo-ratives à l'entrée et dans les portes de toutes les villes et villages et dans les palais municipaux. Le Brésil conserve encore aujourd'hui de précieuses reliques de ces pierres *.

Dans ce développement de dévotion mariale la ville de Sao-Paulo ne pouvait manquer de se signaler, elle qui a été fondée par l'apôtre que fut Manuel da Nobrega, le premier panégyriste de la Vierge Médiatrice dont l'histoire garde le souvenir4, et qui vénère parmi les collaborateurs immédiats de sa fondation, Anchieta, le chantre inspiré de la « Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu ».

En effet parmi les moyens les plus efficaces, les plus expressifs de la dévotion à la Mère de Dieu, les Congrégations Mariales tiennent une place spéciale, — véritables jardins de piété sanctifiante et apostolique, — qui aujourd'hui comme dans les siècles passés et même encore davantage, fleurissent dans le Brésil. Or, au début du XVIIIe siècle, la Congrégation de l'Immaculée du Collège de Sao-Paulo, aux dires des documents historiques, était considérée comme le modèle et comme la meilleure, non seulement de l'Etat, mais aussi de tout le Brésil5.

C'est précisément en ce temps-là qu'apparut l'image de Notre-Dame da Conceiçao dans les eaux du fleuve Paraiba. Qui pouvait alors prévoir les torrents de piété envers la Vierge Immaculée et les cascades de grâces correspondantes auxquels l'Image vénérée donnerait naissance ?

Nous trouvons le symbole et la preuve de cette croissance continue, dans le remplacement très rapide du petit oratoire par une vaste église qui s'épanouit en splendide basilique. Cette basilique elle-même, avec son très riche trésor d'innombrables ex-voto est déjà trop petite pour la piété toujours plus grandes des fils et des fidèles de 1'« Aparecida », aussi veulent-ils travailler à en bâtir une autre, plus grande et plus magnifique, digne habitation de la Reine et Patronne du Brésil.

Preuve en est encore le précieux diadème qui couronna il y a exactement cinquante ans, par décret du Chapitre de la Sainte et Patriarcale Basilique Vaticane, l'Image miraculeuse au cours d'une solennité sans précédent dans l'histoire catholique du Brésil.

Preuve en est surtout, et puissamment éloquente tant en faits qu'en paroles, la déclaration de Notre Prédécesseur d'immortelle mémoire quand, il y a vingt-cinq ans, il constitua Notre-Dame « Aparecida » patronne principale du Brésil, celle qui est priée en son « Image vénérée et miraculeuse », affirmant qu'il agissait ainsi pour accéder au voeu unanime de l'épiscopat et du peuple brésilien, « qui avec une ferveur et une piété constantes, depuis les années de la découverte des terres brésiliennes jusqu'à nous, a vénéré et vénère la Vierge Immaculée Mère de Dieu » °.

Vénérés frères et fils bien-aimés ! la simple évocation de ces événements parmi tant d'autres, qui comme une trame d'or tissent l'histoire religieuse du Brésil, réconforte d'une part l'âme, et l'emplit d'une suave allégresse, et d'autre part oblige l'âme à louer le Seigneur, source intarissable de tout bien, la Vierge Immaculée très tendre médiatrice et dispensatrice de ses grâces. Oui, fêter le bienfait du ciel et le reconnaître comme reçu de Dieu, et remercier Dieu pour tout cela, c'est la première obligation de la foi et la première expression de l'action de grâces, c'est aussi le premier mouvement de la joie chrétienne bien réglée.

Et cela, vous l'avez fait durant toute cette année centenaire de l'Immaculée, et vous le faites maintenant de façon plus solennelle et plus exemplaire dans ce premier Congrès National de la Patronne céleste et dans les démonstrations triomphales de piété mariale qui l'accompagnent.

Vous avez fort heureusement choisi pour votre étude les incomparables grandeurs de Marie, synthétisées dans le Dogme de l'Immaculée Conception, de la Maternité divine et de la glorieuse Assomption au ciel.

Ainsi le Congrès contribuera à rendre toujours plus lumineuse et consciente votre piété, et par là, plus pur votre amour, plus profonde votre gratitude, et plus ferme la confiance en votre Auguste Reine, Patronne et Mère, qui toujours vous a entourés de tant de preuves de sa tendresse comme des privilégiés. Il vous aidera aussi à mieux saisir le devoir imposé par la noblesse de votre vocation de fils soumis ; et alors avec les derniers échos des solennités votre enthousiasme ne peut mourir, et les fruits n'en peuvent périr.

Fie XI, Litt. Apost., 16 julii 1930, A. A. S., XXIII, p. 7.

Vous tous qui à genoux aux pieds de l'Immaculée Reine et Patronne du Brésil lui avez juré fidélité et amour, vous devez vous élever, champions résolus de sa maternelle souveraineté, décidés à tout faire pour la voir régner souverainement en tout et en tous : d'abord en vous-mêmes en votre propre vie et activité, comme fils et membres qui se glorifient d'imiter les vertus maternelles ; ensuite autour de vous, dans les familles, dans les classes et groupes sociaux, et en toutes les activités particulières et publiques, de façon que votre grande patrie se montre digne d'une telle Reine et Patronne, en se signalant dans cette grande Croisade pour un monde meilleur qui doit être le fruit de l'Année mariale, et avec une valeur et un zèle tels qu'elle puisse avoir une influence en tous les continents et dans l'assemblée des nations.

Avec ce voeu et en implorant du ciel sur vous, sur cette ville et sur le noble état de Sao-Paulo et sur tout le Brésil catholique, par l'intercession de Notre-Dame de Conceiçao Aparecida, toutes les prospérités temporelles et spirituelles, Nous vous donnons, fils bien-aimés, comme preuve de Notre affection et de Notre bienveillance paternelle, la Bénédiction apostolique.


Pie XII 1954 - CONSTITUTION APOSTOLIQUE CRÉANT LA MISSION DE FRANCE