Pie XII 1953 - LETTRE AUX CONGRÉGATIONS MARIALES


LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX SEMAINES LITURGIQUES

(17 juillet 1953) 1






La lettre suivante fut adressée à Son Exc. Mgr Charles Rossi, évêque de Biela et vice-président du Centre d'Action Liturgique, à l'occasion de la Semaine liturgique italienne et du Congrès International de Liturgie.

Le travail que le méritoire Centre d'Action Liturgique s'apprête à accomplir, ces prochains mois d'été, avec les deux Semaines que Vous avez annoncées au Saint-Père, est une forme d'apostolat dont le Vicaire de Jésus-Christ est très heureux de reconnaître la valeur particulière.

En effet, rien n'est aussi urgent en cette heure, si grave et cependant riche d'espérance, que de rappeler le peuple de Dieu, la grande famille de Jésus-Christ, à la nourriture substantielle de la piété liturgique, réchauffée par le souffle du Saint-Esprit, qui est l'âme de l'Eglise et de chacun de ses fils.

Ramenés à cette prière ardente qui est comme la voix de l'Esprit pour venir en aide à notre faiblesse « avec des gémissements inénarrables », les fidèles reprendront contact avec les valeurs de la vie chrétienne, si souvent oubliées. De la sorte se réveillera plus facilement chez eux la conscience de ce qui est pour le chrétien l'essence de la religion et de la piété, c'est-à-dire la justice de l'Evangile, dont nous devons tous vivre, changés en nouvelles créatures, sur le modèle de Jésus-Christ.

Mais c'est surtout dans le sacrifice de la messe, centre de cette prière, que les âmes retrouveront, non pas une dévotion, si auguste qu'elle soit, comme les autres de la piété chrétienne.

mais la source inépuisable de la vie spirituelle qui nous vient de Jésus, perpétuellement immolé dans le Sacrifice de l'Autel, et fait aliment des siens pour les nourrir de sa justice et de son amour.

Aussi Sa Sainteté accompagne-t-Elle de ses voeux fervents la célébration des deux Semaines liturgiques de juillet et de septembre, et souhaite-t-Elle que ne soit pas moins fécond en bons fruits le prochain Congrès International d'Etudes liturgiques. Et tout en appelant sur l'heureux mouvement de la vie liturgique la plus large abondance des grâces divines, le Saint-Père envoie de tout coeur à Votre Excellence, aux membres du Centre d'Action Liturgique, à tous les participants aux Congrès la Bénédiction apostolique.










LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI AUX SEMAINES SOCIALES DU CANADA

(18 juillet 1953)




Pour la première fois cette année la Semaine Sociale du Canada se dédoublait ; elle tenait une session d'expression française à Edmundston et une autre d'expression anglaise à Antigonish. Toutes deux avaient pour sujet : « La paroisse, cellule sociale ». Une lettre commune rédigée en anglais 1 et en français 2 fut envoyée à Son Em. le Cardinal Léger, archevêque de Montréal.

Cette année marquera une étape décisive dans l'histoire des Semaines Sociales du Canada, qui doivent à la province de Québec, et spécialement au zèle éclairé du Rév. Père Archam-bault, leur origine et leur premier développement. Sur l'initiative de l'épiscopat, en effet, les catholiques de langue anglaise tiendront, au mois d'août, à Antigonish, leur première session, présidée par Son Exc. Mgr MacDonald, tandis que, quelques semaines plus tard, leurs frères de langue française se réuniront à Edmundston, dans le Nouveau Brunswick. Le thème d'étude sera d'ailleurs le même de part et d'autre, et ainsi l'unité des recherches se conjuguera heureusement à la dualité des sessions pour assurer aux conclusions un plus large retentissement. Aussi m'est-il agréable de transmettre à Votre Eminence les paternelles félicitations du Souverain Pontife, qui souhaite de tout coeur que cette extension nouvelle soit pour le plus grand bien du pays tout entier.



« La paroisse, cellule sociale. »

1 D'après le texte anglais de VOsscrvatore Komano des 3 et 4 août 1953.

2 D'après le texte français de VOsservatore Romano du 5 août 1953.




Le sujet de cette double Semaine se situe du reste au coeur de la vie catholique canadienne, où la paroisse est si en honneur.



Au regard de tant de problèmes sociaux qui se posent aujourd'hui à la conscience des fidèles, l'enquête proposée sur « la paroisse, cellule sociale » entend manifester le rôle de l'institution paroissiale dans la société contemporaine, urbaine et rurale. Rôle providentiel, à vrai dire, dont il plaît au Saint-Père de souligner ici quelques aspects majeurs, à la lumière des principes supérieurs qui régissent toute la vie paroissiale.

Qu'est-ce donc qu'une paroisse ? C'est la plus petite portion de l'unique et universel troupeau confié à Pierre par le Seigneur. Sous l'autorité d'un prêtre responsable, qui a reçu de son évêque la charge des âmes, elle est, dans l'Eglise de Jésus-Christ, la première communauté de la vie chrétienne, communauté à la taille humaine, telle que le berger puisse connaître ses brebis et les brebis leur berger. Un territoire délimité en trace normalement les contours au sein du diocèse, et ainsi la paroisse est-elle fixée à un sol, insérée dans des traditions locales et des horizons définis. Au coeur de ce territoire, voici enfin, surmontée de son clocher, l'église paroissiale, avec son baptistère, son confessionnal, son autel et son tabernacle, l'église, symbole de l'unité, centre de la vie commune.



La paroisse est un foyer de vie religieuse.

Car, il importe de s'en souvenir, la paroisse est avant tout un foyer de vie religieuse et de rayonnement missionnaire ; ses vrais fidèles se comptent au pied de l'autel quand le prêtre distribue le pain de vie. Le curé n'est pas chef de sa communauté, au sens profane du terme 3, il est bien plutôt ministre du peuple de Dieu, n'ayant reçu autorité spirituelle sur ses ouailles que pour être parmi elles le dispensateur des mystères de Dieu « afin qu'elles aient la vie et l'aient en abondance » 4. Jésus connu, aimé et servi de tous : telle est, selon les propres termes du Saint-Père, la fin de toute vie paroissiale. Et Sa Sainteté ne craint pas d'insister :

» Matth., 20, 25-28. 4 lean, 10, 10.




« Le reste est estimé en tant qu'il sert et dans la mesure où il sert la réalisation du but que l'Eglise veut obtenir. Le terrain de sport, le théâtre, le cinéma paroissial, l'école même, s'il y en a une — institutions toutes des plus utiles et souvent nécessaires

— ne sont pas le centre de la paroisse. Le centre, c'est l'église... Le centre s'appelle „ vie des âmes ", s'appelle Jésus 5. »

Or, c'est précisément une telle paroisse, cellule vraiment vivante et active du Corps du Christ, qui est appelée, par sa fidélité même à sa propre mission religieuse, à jouer dans la régénération de la société moderne un rôle de premier plan.

La paroisse et les conditions nouvelles de l'action sociale.

Pour mieux souligner cette vérité, les maîtres des Semaines Sociales ne manqueront pas d'attirer l'attention de leurs auditeurs sur certains traits de la situation sociale des villes et des campagnes qui préoccupent aujourd'hui, à juste titre, l'épiscopat canadien. Si la paroisse, en effet, est principalement ordonnée au Royaume de Dieu, elle ne saurait pour autant se désintéresser des institutions et réalités quotidiennes qui conditionnent le développement de la personne et la vie de la cité ; la nécessité et les bienfaits de l'action sociale chrétienne ne sont plus à dire, et la paroisse doit évidemment y collaborer. Mais prenons garde toutefois que la plupart des grands problèmes sociaux auxquels les catholiques doivent désormais faire face débordent largement, dans leurs données comme dans leurs solutions, le cadre restreint de la paroisse ; tels, parmi tant d'autres, les problèmes soulevés par la création d'une grande industrie ou les migrations de populations. L'esprit de clocher nuirait ici à toute réalisation efficace ; l'impulsion et la coordination doivent normalement venir de plus haut. Et la paroisse doit respecter ces conditions nouvelles de l'action sociale.



La fonction sociale de la paroisse.

La fonction propre de la paroisse est à la fois plus profonde et plus essentielle. Ecoutons plutôt le Saint-Père :

5 Discours à une paroisse de Rome, du 11 j'anv. 1953 ; cf. p. 32.

e Allocution Consistoriale du 20 févr. 1946, A. A. S., 38, pp. 143-144.




« L'Eglise, déclarait-il en une mémorable circonstance, s'efforce de former l'homme, de modeler et de perfectionner en lui la ressemblance divine... Et, dans ces hommes ainsi formés, l'Eglise prépare à la société humaine une base sur laquelle elle peut reposer avec sécurité » ; grâce à eux, « elle contribue à la cohésion et à l'équilibre de tous les éléments multiples et complexes de l'édifice social » '.






C'est ici que le rôle des paroisses est irremplaçable. La cellule d'Eglise, qui est la plus proche de l'homme, la plus apte à former sa vie personnelle, familiale, communautaire, n'est-elle pas à ce titre même la plus indispensable à la société ? En vérité cette fonction sociale de la paroisse s'impose sous plusieurs aspects à la gratitude de la cité. Que Votre Eminence me permette d'en évoquer quelques-uns.



Elément de stabilité.

Soutien de l'édifice social, la paroisse l'est déjà par sa stabilité.

« L'homme, tel que Dieu le veut et que l'Eglise l'embrasse, ne se sentira jamais fermement fixé dans l'espace et le temps sans un territoire stable et sans traditions 1. »

Or la paroisse, c'est l'Eglise implantée sur tous les sols avec ses institutions permanentes et les richesses de son expérience : autour du clocher, les générations se succèdent sans brisure, les foyers qui ont scellé leur union devant l'autel ne cessent d'y trouver le principe de leur cohésion et de leur force, tandis qu'à l'école catholique leurs enfants reçoivent l'éducation qui perpétue, avec la foi surnaturelle, les vertus ancestrales de la famille canadienne. Par le ministère du prêtre résidant au milieu de son peuple, l'Eglise pénètre aux intimes profondeurs de l'être humain ; elle l'atteint chez lui, parmi les siens, dans sa réalité concrète et historique qu'on ne saurait perdre de vue sans compromettre l'économie normale de la communauté humaine. Quand on sait les périls de l'exode rural, quand on a vu les désastres psychologiques et moraux des déplacements de populations, comment ne pas apprécier l'inestimable bienfait pour la société d'une paroisse forte et stable !



Educatrice de la vie sociale.

7 Ibid., p. 147.




Plus encore, la paroisse est educatrice de la vie sociale par ses dimensions humaines, qui permettent à la vie de communauté d'atteindre sa fin, l'union des hommes entre eux par les liens de l'amitié. Dans cette grande famille dont le prêtre est le père, où nul n'est étranger aux autres, où, autant que possible, la joie et la douleur de chacun sont la joie et la douleur de tous, le chrétien découvre les exigences quotidiennes de la charité ; il mesure toute la portée de l'avertissement de saint Jean : « Celui qui n'aime pas son frère qu'il voit ne saurait aimer Dieu qu'il ne voit pas » 8. La paroisse unie et fervente devient alors le terrain d'élection des précieuses vertus qui doivent animer les relations humaines ; elle est par excellence le champ d'action des initiatives charitables et sociales qui suppléent aux inévitables limites des organismes officiels9. Et, avec le Saint-Siège :

« Nous voyons par la pensée les pauvres qui n'ont pas de pain, les malades qui n'ont pas de remèdes ou qui manquent du réconfort d'une bonne parole chrétienne, les découragés de l'existence... Nous pensons aux enfants orphelins, aux vieillards déclinants, aux veuves affligées. Nous pensons enfin à ceux à qui rien ne manque de ce qui concerne la vie terrestre, mais dont l'âme est morte et qui ont ainsi, dans leurs maisons, la plus terrible des misères 10. »



Ecole de paix et de justice sociale.

Dans notre société tragiquement divisée, la paroisse, au surplus, n'est-elle pas une école de paix et de justice sociale, elle qui invite tous ses fidèles, sans distinction, à s'unir autour de son autel ? Intellectuels et illettrés, pauvres et riches, employeurs et salariés, s'y rassemblent sur un pied d'égalité chrétienne ; « il n'est plus question de grec ou de juif... d'esclave, d'homme libre ; il n'y a que le Christ qui est tout et en tous » 11. Au regard de cette commune et éminente dignité, les légitimes différences sociales sont d'importance secondaire ; sans les méconnaître, les respectant même jusque dans la diversité de ses groupements de culture et d'apostolat, la paroisse les surmonte en demeurant ouverte à tous, mieux même accessible et accueillante pour tous. Son esprit est celui de la paix du Christ, à laquelle nous avons été appelés pour ne former qu'un seul corps Mais c'est aussi un esprit de justice, qui ne tolère ni l'impudent contraste du luxe et de la misère parmi les membres de la communauté paroissiale, ni l'hypocrisie d'une fraternité à l'église qui ne serait pas, dans le travail, génératrice de relations sociales plus fraternelles. L'autel, autour duquel se nouent les liens les plus serrés, n'invite-t-il pas du reste quiconque s'y présente à s'examiner sur ses devoirs de justice vis-à-vis de ses frères 13 ?



Centre de la prière publique.

Cellule sociale, la paroisse l'est enfin parce qu'elle est le centre de la prière publique. Au milieu de l'agitation des foules et de la dissipation des esprits, dans une atmosphère desséchée par les soucis temporels, l'église paroissiale, où le peuple s'assemble pour rendre gloire à Dieu et implorer sa grâce par Jésus-Christ, est pour la société entière une arche de salut. C'est au pied de l'autel du sacrifice, autour de la chaire de vérité, que le repos dominical prend sa signification plénière : halte dans le travail, détente du corps et de l'esprit, oui sans doute — et l'on ne saurait trop louer les initiatives paroissiales destinées à offrir aux jeunes surtout la satisfaction de leurs justes désirs de culture ou de loisir — mais avant tout journée consacrée au culte de Dieu, sous la forme communautaire et sociale qui lui est due.

Pour Léon XIII, disait récemment le Saint-Père évoquant Rerum Novarum, la sanctification des dimanches et jours de fête est

« un signe qui révèle si et jusqu'à quel point l'homme sain et la véritable harmonie du progrès dans la société humaine subsistent encore... La technique, l'économie et la société manifestent leur degré de santé morale par la manière dont elles favorisent ou contrarient la sanctification du dimanche »



Le Saint-Père et la paroisse canadienne.

Au terme de ces quelques réflexions, comment ne pas saluer spécialement la paroisse canadienne, objet et bénéficiaire des travaux de ces deux prochaines Semaines. Le Saint-Père connaît les mérites qu'elle s'est acquis depuis plus de trois siècles au service du pays et il apprécie son action bienfaisante qui se répercute en de multiples secteurs de la vie sociale. Cette action elle la doit sans nul doute à la valeur de ses prêtres, artisans de la vie religieuse et morale des populations, qui, dans l'humble accomplissement de leur ministère sacerdotal, sont les premiers combattants.

« Sur le front du renouveau général de la vie chrétienne, sur la ligne de défense des valeurs morales, pour la réalisation de la justice sociale, pour la reconstruction de l'ordre chrétien »

Elle la doit au rayonnement de ses laïcs militants de l'Action Catholique « par qui l'Eglise est le principe vital de la société humaine » 18 ; ils sont l'Eglise répandue dans le monde du travail ou de la culture, sur les chantiers et dans les foyers, et leur présence y est un ferment de régénération chrétienne. Elle la doit enfin au témoignage de sa communauté rassemblée dans la foi, la prière et la charité, témoignage dont l'étonnante puissance soulevait déjà la société aux temps apostoliques ; puisse chaque paroisse, par sa ferveur et son unité, être encore dans le monde d'aujourd'hui la révélation d'un idéal social trop méconnu en même temps qu'un pôle d'attraction pour tous les hommes de bonne volonté.

A toutes les chères paroisses canadiennes, auxquelles il adresse ses paternels encouragements, à tous les maîtres de la double Semaine Sociale, dont les études serviront une cause si digne d'estime, au méritant Père Archambault et à ses collaborateurs, le Souverain Pontife accorde de grand coeur, ainsi qu'à Votre Eminence Révérendissime, la Bénédiction apostolique.







1« Exhortation du 10 févr. 1952, A. A. S., XLIV ; Documents Pontificaux 1953, p. 43. M Allocution Consistoriale citée, ibid., p. 149.

76



77








ALLOCUTION A DES ÉTUDIANTS AUTRICHIENS

(19 juillet 1953) 1




Recevant ce jour environ 500 pèlerins autrichiens, parmi lesquels un grand nombre de professeurs et d'étudiants, le Pape prononça Y allocution suivante :

Soyez les bienvenus, chers fils et filles. Nous félicitons ceux d'entre vous, prêtres ou laïcs, qui pratiquent cette magnifique profession : introduire la jeunesse étudiante dans la richesse et dans la vérité de la religion chrétienne. Les mots manquent pour exprimer le bien que vous faites par votre profession digne d'envie, si vous vous y livrez de tout votre coeur et de toute votre âme.

Pour vous, étudiants, nous vous souhaitons de recevoir dans toute sa clarté et dans toute sa pureté la foi catholique, la pensée catholique, la conception du monde catholique. Mais ne l'oubliez jamais : la foi doit être vécue, elle doit donc être une foi vivante. Plus vous mettrez de cohérence à vivre votre foi, plus vous vous y sentirez forts et constants.

Votre ville, la belle Vienne, fut pendant de longs siècles un haut-lieu de la foi et de la civilisation chrétienne. Contribuez pour votre part à lui conserver ce caractère. Peut-être Vienne a-t-elle précisément dans les temps actuels après des années de grande misère et d'angoissante insécurité, de nouveau la noble mission d'être le témoin de la vérité et de la foi du Christ et de son Eglise.

Nous souhaitons la protection toute-puissante de la divine Providence et la plénitude de la grâce divine à votre chère ville de Vienne et à votre patrie. En gage de ces grâces Nous donnons de tout coeur la Bénédiction apostolique, à vous et à tous ceux qui vous sont chers.


ALLOCUTION AUX ÉTATS GÉNÉRAUX DU FOLKLORE

(19 juillet 1953) 1






Un Festival international du Folklore ayant eu lieu à Nice, les parti-pants venus à Rome, entendirent le Saint-Père leur dire :

C'est avec un intérêt tout particulier que Nous saluons aujourd'hui les groupes qui, après avoir participé au Festival international du Folklore à Nice, sont venus jusqu'ici pour Nous témoigner leur déférent hommage.

S'il n'est pas rare de voir se dérouler en cette ville de Rome des congrès internationaux de caractère religieux, social ou scientifique, si l'on y rencontre par ailleurs des pèlerins de toutes les parties du monde qui évoquent, au gré des rencontres, tel ou tel aspect de leur pays d'origine, il est moins fréquent d'y assister à des manifestations comme celle à laquelle vous êtes conviés. Un festival de ce genre, surtout lorsqu'il est organisé par les « Etats Généraux du Folklore », ne donne-t-il pas l'idée d'une rencontre vraiment sympathique entre les peuples et groupes ethniques les plus divers, fiers de leurs traditions nationales ou régionales, riches de tout un passé d'histoire et de culture ? On peut alors admirer ce que l'art populaire a produit de plus original et parfois de plus profond, des chefs-d'oeuvre de finesse et de grâce, pour la joie et le profit de ceux qui y assistent ou, mieux encore, y prêtent leur active collaboration.

Voici donc que vous apportez à Rome quelques-unes des meilleures traditions du patrimoine culturel de l'Angleterre, des Antilles, d'Espagne, de France, de l'Union Française et d'Italie. Nous vous félicitons parce que vous représentez à Nos yeux tant de peuples qui Nous sont chers et parce que vous n'avez pas épargné votre peine pour faire honneur à votre patrie.

312




DOCUMENTS PONTIFICAUX



ETATS GENERAUX DU FOLKLORE



313







Lorsqu'ils entendent parler de folklore, beaucoup pensent à quelque survivance des temps anciens, digne sans doute d'être mise en valeur dans des occasions exceptionnelles, mais sans grand intérêt pour la vie d'aujourd'hui. Qu'une telle idée soit assez répandue, dénonce une des conséquences plutôt regrettables de la civilisation de ce siècle. Trop souvent la société moderne arrache l'homme à son milieu naturel pour le transplanter dans la ville ou l'expatrier. Elle le met au service de vastes complexes industriels ou d'immenses administrations ; elle le groupe dans des agglomérations inorganiques selon la localisation des moyens de production. Même quand elle ne démembre pas la famille, elle l'enlève au sol, où les générations précédentes l'avaient fixée. Sans doute, il s'agit là d'une réalité dont la société, provisoirement du moins, doit s'accommoder. Mais, Nous l'avons souligné au début de cette année en parlant aux élèves des écoles populaires 2, la profession et ses exigences ne constituent pas exclusivement l'essentiel de l'activité de l'homme. Au-dessus de la profession, il est d'autres tâches qui mettent en oeuvre les ressources personnelles d'esprit et de coeur, qui exaltent les sentiments profonds, ceux qui se rattachent aux événements majeurs de l'existence et aussi ces joies et ces tristesses qui rythment de leurs alternances les épisodes de notre labeur quotidien. Ces sentiments aspirent à s'extérioriser, à se traduire sur le plan social. Mais la civilisation qui impose à l'être humain les lois de la machine, menace aussi de violenter le cours normal de ses loisirs ; elle créera trop facilement le plaisir tout fait qui ne demande aucun effort, aucune initiative, qui replie l'individu sur lui-même au lieu de l'épanouir dans la société.

C'est ici que le folklore prend sa véritable signification. Dans une société qui ignore les traditions les plus saines et les plus fécondes, il s'efforce de garder une continuité vivante, non point imposée du dehors, mais issue de l'âme profonde des générations, qui y reconnaissent l'expression de leurs aspirations propres, de leurs croyances, de leurs désirs et de leurs regrets, les souvenirs glorieux du passé et les espérances d'avenir. Les ressources intimes d'un peuple se traduisent tout naturellement par l'ensemble de ses usages, par des récits, légendes, jeux et cortèges, où se déploient la splendeur des costumes et l'originalité des groupes et des figures. Les âmes restées en contact permanent avec les dures exigences de la vie possèdent souvent d'instinct un sens artistique qui, d'une matière simple, parvient à tirer de magnifiques réussites. En ces fêtes populaires, où le folklore de bon aloi a la place qui lui revient, chacun jouit du patrimoine commun et s'y enrichit plus encore s'il consent à y apporter sa part.

Mais il ne faut pas perdre de vue que, dans les pays chrétiens ou qui le furent jadis, la foi religieuse et la vie populaire formaient une unité comparable à l'unité de l'âme et du corps. Là où cette unité s'est aujourd'hui dissoute, là où la foi s'est alanguie, les traditions populaires, privées de leur principe vital, se maintiendront-elles et se renouvelleront-elles, fût-ce artificiellement ? Dans les régions où cette unité se conserve encore, le folklore n'est donc pas une survivance curieuse d'une époque révolue, mais une manifestation de la vie actuelle qui reconnaît ce qu'elle doit au passé, tente de le continuer et de l'adapter intelligemment aux situations nouvelles. Grâce à l'activité des groupes folkloriques, de précieuses coutumes se maintiennent ou revivent. Aussi ne pouvons-Nous que louer ceux qui, avec compétence et dévouement, s'appliquent à les aider, à diriger leurs efforts, à stimuler leurs initiatives et tous ceux qui leur apportent une collaboration directe. Puissiez-vous pénétrer toute la portée de votre rôle social : rendre aux hommes saturés de divertissements bien souvent falsifiés et mécanisés le goût d'un délassement riche des valeurs humaines les plus authentiques. Sans doute cela demande un effort réel et persévérant, mais n'est-ce pas le moyen de pénétrer la densité et les ressources de vos traditions locales ou nationales ? Vous contribuez ainsi à accroître et à diffuser, pour le plus grand profit de vos contemporains, le trésor rassemblé par le travail patient de ceux qui vous ont précédés. Vous gardez alerte l'âme de votre peuple en la préservant de la paresse culturelle, signe de dégénérescence d'un organisme social. En même temps, vous nous rendez plus aptes à apprécier les formes propres d'autres cultures, à en deviner le sens profond, à en percevoir les qualités originales. L'estime réciproque, qui naîtra d'une telle attitude, ne manquera pas de seconder puissamment les efforts de ceux qui tentent d'assurer l'unité des peuples par les traités et conventions économiques, sociales et politiques.



2 Cf. p. 85.


CONGREGATION MARIALE DE RENNES



315











ALLOCUTION AUX MEMBRES DE LA CONGRÉGATION MARIALE DE RENNES

(20 juillet 1953) 1






Les congreganistes de Saint-Vincent de Rennes, reçus en audience, entendirent le Saint-Père dire :

Soyez les bienvenus dans la maison du Père ! Vous savez déjà combien Nous aimons les Congrégations Mariales, combien Nous estimons la sérieuse formation spirituelle qu'elles donnent à leurs membres, et une telle certitude vous a donné le désir d'entendre personnellement, à Rome même, et de Nos lèvres, l'approbation de vos efforts vers la perfection de la vie chrétienne, dans la Congrégation Mariale qui vous est si chère à juste titre.

Vous avez lu, Nous en sommes sûr, et vous avez entendu commenter la Constitution « Bis saeculari » du 27 septembre 1048 2, dans laquelle Nous confirmons les éloges et les privilèges accordés si souvent par Nos prédécesseurs aux Congrégations Mariales. Nous savons que cette Constitution a redonné à plus d'un groupe une vie nouvelle, et nous aimons à constater une fois de plus, en vous voyant devant Nous si désireux d'encouragements et de conseils, que les Congrégations Mariales sont toujours actuelles. Oui, elles sont bien faites pour attirer les coeurs généreux, parce qu'elles demandent beaucoup, parce qu'elles sont inspirées du plus pur et du plus profond esprit évangélique, parce qu'elles ont une organisation et des règles excellentes, à la fois précises et souples, basées sur une connaissance exacte de la nature humaine et de la vie spirituelle. En vous montrant fidèles à leurs traditions et à leurs méthodes, vous êtes sûrs de répondre au désir de l'Eglise et d'y puiser un esprit véritablement catholique. Dans la Congrégation Mariale, en effet, l'ordre des valeurs chrétiennes est parfaitement respecté. Ce qui compte le plus, ce qui est méthodiquement cultivé, sauvegardé, développé, c'est avant tout la vie intérieure, vie de prière et de combat spirituel sous le regard de l'Immaculée, vie d'obéissance et d'humilité, à l'exemple de la Servante du Seigneur, vie d'allégresse et de charité, dans l'esprit du Magnificat et de la Visitation.

L'action sans laquelle il n'y a pas de véritable Congrégation Mariale, doit être le débordement d'une vie intérieure intense, elle doit traduire de manière concrète une charité d'origine surnaturelle, dévouée, patiente, allant jusqu'à l'âme du prochain. S'il en est ainsi, parmi vous, Dieu soit loué, car vous êtes d'authentiques Congréganistes de la Très Sainte Vierge.

Soyez heureux d'appartenir à une famille spirituelle qui compte dans ses rangs tant de héros et de saints. Considérez comme une grâce de choix d'y trouver, au moment où votre personnalité se forme, et s'affirme, un idéal élevé, chevaleresque et en même temps un cadre solide et sûr pour y accéder. Quand le départ est bon, toute la course en profite, et l'ascension se poursuit à travers les difficultés ; rien ne l'arrête.

Vous venez d'une ville et d'un diocèse où la Très Sainte Vierge a compté et compte encore de fervents serviteurs. Que Saint Louis Gr. de Montfort et le Bienheureux Julien Maunoir demeurent vos modèles et vos protecteurs. Quels que soient la place et le rôle que Dieu vous réserve dans la société et dans l'Eglise, ayez toujours à coeur d'y employer généreusement les talents qu'il vous a donnés, selon l'esprit et les méthodes de la Congrégation Mariale. C'est le souhait que Nous formons pour vous et que Nous confions à la Très Sainte Vierge au moment de vous accorder, à vous-mêmes et à ceux qui dirigent votre Congrégation, à vos parents et maîtres, à tous ceux enfin qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.















HIERARCHIE CATHOLIQUE EN NORVEGE



317











LETTRE A L'OCCASION DU VIIIe CENTENAIRE

DE LA FONDATION DE LA HIÉRARCHIE CATHOLIQUE EN NORVÈGE

(22 juillet 1953) 1


Siège, des sièges suffragants de Nidaros, en Islande, au Groenland et dans les Iles de l'Ouest.

L'inspiration résultant de l'évocation de ce grand événement historique doit remplir Nos chers fils de Norvège d'un sentiment de légitime orgueil en leur rappelant qu'ils sont les héritiers actuels de cette tradition immuable de la foi universelle que leurs ancêtres, en cette époque glorieuse, apportèrent, avec la Croix du Christ, aux terres païennes loin des rivages de leur chère Patrie. Nous demandons dans une prière fervente qu'ils puissent toujours conserver précieusement ce plus grand don de Dieu et donner sans cesse un bon exemple à leurs concitoyens par leur fidélité à ses enseignements 2.





Des festivités ont marqué en Norvège le VIIIe centenaire de l'établissement de la hiérarchie. Les cérémonies étaient présidées par Son Em. le Cardinal Griffin, archevêque de Westminster, qui avait reçu de Pie XII la lettre que voici :

Nous avons jugé opportun, en étant informé de votre participation à la solennelle commémoration du huitième centenaire de l'érection de la Hiérarchie catholique et du Siège episcopal de Nidaros (Trondheim), en Norvège, d'adresser, par votre intermédiaire, une parole de salut et d'encouragement à Nos chers fils de ce pays.

Votre présence est certainement une heureuse coïncidence, rappelant celle du grand cardinal anglais Nicolas Breakspear (plus tard le Pape Adrien IV) qui, en cette mémorable circonstance, en l'an 1153, présida comme Légat Pontifical l'Assemblée Nationale en présence des trois rois de Norvège, des évé-ques et des représentants du clergé et des laïques. La consolidation par le cardinal de l'oeuvre de sa mission pendant les mois qui suivirent marqua une époque saillante dans la glorieuse histoire de la Norvège. De la réforme des moeurs qui en résulta et de l'impulsion décisive donnée à la vie du pays alors qu'il sortait de son isolement précédent, les effets furent bientôt évidents dans le domaine religieux, politique, social et culturel, et, avec les audacieux voyages d'intrépides explorateurs, suivit l'établissement, sous l'autorité et avec l'encouragement du Saint-






























LETTRE A SON EXC. MGR MAC DONALD POUR LE PREMIER CENTENAIRE

DE LA FONDATION DE L'UNIVERSITÉ D'ANTIGONISH

(25 juillet 1953)






Cette Université est située en Nouvelle Ecosse (Canada).

L'Université appelée aujourd'hui d'Antigonish, dédiée à saint François-Xavier, a été fondée, comme Nous l'apprenons, il y a vingt lustres, c'est-à-dire peu d'années après la constitution régulière de ce Diocèse ; et on peut dire en vérité qu'en l'espace de ce siècle presque tout votre clergé et nombre de laïcs y ont puisé la lumière pour leurs âmes, pour conformer leur vie aux commandements chrétiens et pour maintenir fermement et ardemment la religion catholique. Au début cette institution servit en effet particulièrement et avec grand bonheur à l'instruction et à l'éducation des clercs ; et il en sortit un grand nombre de prêtres qui, devenus les modèles du troupeau2, travaillèrent avec des fruits abondants de salut dans la vigne du Seigneur. Au cours des années, des chaires de disciplines humanistes et de belles lettres s'y ajoutèrent, avec un notable profit pour les élèves en nombre croissant ; dans ce centre d'études d'Antigonish, ils ont pu acquérir une saine et complète culture de l'esprit, dégagée des erreurs qui surtout à notre époque se glissent si largement et s'insinuent si facilement, par des pièges captieux et d'innombrables tromperies, dans les âmes des jeunes.

Un nouvel institut qui s'ajouta, il y a vingt-cinq ans, à votre Université, pour l'approfondissement des sciences sociales et la constitution d'associations coopératives, afin surtout d'améliorer le sort fréquemment misérable des travailleurs, a obtenu, comme Nous l'avons appris, d'heureux et très importants résultats ; car ceux qui le conduisent conformèrent et s'efforcent toujours de conformer leur très ardente activité aux règles qui leur ont été données en cette matière par Nos prédécesseurs et par Nous-même. D'une manière spéciale Nous voulons particulièrement honorer d'un juste hommage ceux qui parmi vous prennent un soin si suivi et si généreux des cultivateurs, pêcheurs et salariés des mines, que sans mettre en danger l'ordre social, ils aiment comme des frères, travaillent généreusement à améliorer toujours leurs conditions de vie, et par ces moyens opportuns les attirent plus facilement à l'obéissance aux préceptes du Christ.

En vous remémorant ce qui a été réalisé jusqu'ici non sans une grande utilité, vous avez tous de quoi vous féliciter grandement, et à rendre de justes actions de grâces au Père des lumières, de qui descend tout don excellent et toute grâce parfaite 3 ; mais vous y trouvez aussi les motifs d'en tirer, Dieu aidant, les meilleurs espoirs. Continuez certes à poursuivre très soigneusement les oeuvres entreprises et à les faire progresser ; que les esprits et les coeurs des jeunes gens soient ornés si abondamment chez vous des sciences divines et humaines, de l'étude des lettres et des arts libéraux, qu'ils ne le cèdent absolument à personne, mais qu'ils brillent plutôt en modèles par-dessus tous les autres. Qu'ils attirent tout le monde à eux, non seulement par l'éclat de leur science, mais aussi par l'attrait de la vertu ; car la vertu a une voix pour attirer très profondément les âmes. Mais rappelez-vous ce texte du docteur angé-lique : « Il est plus grand d'éclairer, que de briller pour soi seul ; ... il est plus grand de livrer aux autres l'objet de sa contemplation, que de contempler seulement » 4. Acquittez-vous donc de votre fonction avec très grande diligence et application, mais de manière que la formation que vous donnez déborde le plus possible sur l'activité de la vie, pour l'accroissement du profit privé et public.

De la diligente activité que vous apportez au relèvement de la condition des travailleurs, à la défense de leurs droits légitimes et à la conduite de leurs âmes vers la doctrine et les























moeurs chrétiennes, Nous vous louons de tout coeur ; à vos travaux et à vos efforts Nous désirons concilier par nos' prières et nos voeux le secours de la grâce de Dieu, par l'intercession et la protection de saint François-Xavier, Patron de votre Université. Que soit le présage de cette grâce la Bénédiction apostolique, témoignage de Notre bienveillance, qu'à vous surtout Vénérable Frère, et à tous les dirigeants, professeurs, élèves dé l'Université d'Antigonish, et de même aux ouvriers dont votre institution a assumé le soin, et à ses aumôniers, Nous accordons avec une tendre charité.












Pie XII 1953 - LETTRE AUX CONGRÉGATIONS MARIALES