Pie XII 1953 - A L'OCCASION DE LA JOURNÉE MISSIONNAIRE


ALLOCUTION AUX PÈLERINS DANOIS

(22 octobre 1953) 1






Un pèlerinage venu du Danemark sous la direction de Son Excellence Monseigneur Théodore Suhr, évêque de Copenhague, fut reçu en audience à Castelgandolfo et Pie XII prononça l'allocution que voici :

Nous vous souhaitons la bienvenue, chers Messieurs, qui Nous avez fait la joie de venir ici à l'occasion des solennités qui doivent honorer la dépouille mortelle de Nicolas Sténo, savant naturaliste et évêque catholique 2.

Niels Stensen, car il s'appelait ainsi dans sa patrie danoise, est considéré par ses compatriotes comme une des célébrités de son pays. Et la haute considération dont a joui cet homme éminent et ce prêtre — aussi bien dans sa patrie que dans le monde entier — et cela tout autant dans le temple de la science que dans le sanctuaire de la religion et de l'Eglise — augmenta sans cesse depuis la fin du XVIIe siècle pour aboutir au sommet où elle se trouve aujourd'hui.

Tout le monde reconnaît que Niels Stensen était un vrai savant. Et même un esprit universel, tour à tour mathématicien, anatomiste, géologue, et paléontologiste ; il savait se servir de façon parfaite de la véritable méthode de la recherche scientifique qu'il appliqua avec rigueur. Les plus grands savants du XIXe et du XXe siècles, n'hésitèrent pas à lui donner le titre d'esprit inventif, de grand génie, de père de la géologie, d'homme qui a su devancer de loin son époque.

On comprend facilement le regret, si souvent exprimé, que Niels Stensen soit mort si tôt, alors qu'il n'avait pas encore 48 ans, et qu'il ait interrompu son travail scientifique dès l'âge








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PELERINS DANOIS



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de 37 ans. Il a consacré la dernière partie de sa vie au service exclusif de la religion et de l'Eglise. Ce ne fut évidemment pas en raison d'une nécessité intrinsèque, car nous imaginons aisément avec quelle facilité il aurait concilié l'ardeur même de sa foi qui le poussa vers l'Eglise catholique avec la poursuite de la recherche scientifique. Il n'aurait d'ailleurs pas été le seul à unir la plus pure pensée et le plus efficace travail scientifique à une inébranlable foi dans le Christ et en son Eglise ; toute sa vie témoigne, en effet, de façon éloquente, combien peu la science et la foi s'excluent et combien puissamment, par contre, elles s'appuient mutuellement.

Tout le monde rend hommage à la personnalité marquante de Niels Stensen. Ayant beaucoup voyagé, il avait des connaissances et des amitiés dans toute l'Europe, depuis le Danemark, par la Hollande et l'Allemagne jusqu'en Italie : des Médias, Ferdinand II et Cosimo III, jusqu'à Christian Louis de Mecklem-bourg-Schwerin ; de François Redi à Leibnitz. La postérité s'est occupée de ses recherches et — on l'a déjà relevé — avec toujours plus d'intérêt. Tous, même ceux qui, sur le plan religieux, restent éloignés, très éloignés de lui, lui rendent un hommage unanime pour la droiture de son caractère, pour la pureté de ses intentions, pour sa conduite irréprochable. Et même si sa carrière scientifique s'est achevée prématurément, nous devons reconnaître que cela a permis à Niels Stensen, comme homme et comme chrétien, d'atteindre, par son influence profonde et moralement édifiante, à un niveau supérieur d'action.

La recherche de la vérité métaphysique et de Dieu, à travers la recherche dans le domaine des sciences naturelles que Stensen considérait comme une simple étape sur le chemin qui mène au but définitif, l'a conduit vers l'Eglise catholique et lui a permis de devenir prêtre.

Niels Stensen a ainsi vécu la parabole du trésor et de la perle précieuse — pour laquelle l'homme donne tout ce qu'il possède — d'une façon qu'il n'est pas donné à tous de comprendre, mais dont tous doivent reconnaître l'authentique héroïcité. Nous Nous inclinons humblement devant les mystérieux desseins de la Providence divine, à laquelle il a plu de conduire Niels Stensen si rapidement au terme de sa vie, remplie de souffrances acceptées au nom de la volonté du Christ et pour le service de son Eglise.

Nous vous accompagnons en esprit à Florence où sera exhumée solennellement, en votre présence, la dépouille mortelle de cet homme si noble et de ce saint prêtre, pour être placée a la basilique Saint-Laurent, dans un précieux sarcophage romain, offert à cette occasion par le Gouvernement italien.

Nous vous souhaitons, Messieurs, cet esprit profond de recherche scientifique qui caractérisait Niels Stensen, cette volonté loyale dans l'accomplissement généreux du devoir d'état et aussi quelque chose de la flamme religieuse qui le consumait, afin que ce feu donne un sens vrai et décisif à votre vie et a toute votre activité. Et que Dieu daigne y ajouter sa bénédiction .

























































Cf. p. 227.










ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE DE MALADES AMÉRICAINS

(25 octobre 1953) [1]






Un pèlerinage de malades américains organisé par Miss Mary Ellen Kelly [2] fut reçu en audience par le Pape qui déclara :

Nous sommes heureux de souhaiter une bienvenue particulière au Premier Pèlerinage National de Malades aux sanctuaires d'Europe, organisé par la Confrérie des Pèlerins des Etats-Unis d'Amérique. En particulier, c'est avec une grande joie que Nous saluons ceux d'entre vous qui ont supporté un grand sacrifice et même une grande fatigue pour venir de leurs résidences à des milliers de milles en un long et difficile voyage afin de faire une visite au Vicaire du Christ.

Nous savons que vous appartenez à la Ligue des Malades hospitalisés, qui fut fondée en grande partie grâce aux efforts persévérants de l'une des vôtres, Notre chère fille Marie-Hélène Kelly. Nous sommes sûr que votre visite aux sanctuaires sacrés et à la Ville Eternelle vous a donné un nouveau courage et une nouvelle force pour supporter les souffrances qu'il a plu à Dieu de vous demander.

Vous êtes spécialement chers au coeur de Notre divin Maître, à sa Mère bénie, et aussi à Nous, car Nous pouvons vous dire avec saint Paul : « Vous avez reçu la grâce non seulement de croire au Christ, mais encore de souffrir pour lui » [3]. Chérissez cette souffrance qui vous vient de la volonté de Dieu ; supportez-la toujours en union avec Notre-Seigneur souffrant, en la lui offrant pour l'augmentation et la sanctification des membres de Son Corps. Ainsi vous contribuez à « achever les souffrances du Christ... pour Son Corps qui est l'Eglise »[4]. Avec les paroles de saint Pierre, le premier Vicaire du Christ, Nous vous exhortons : « Ne soyez pas surpris, bien-aimés, d'avoir à subir cette épreuve du feu pour vérifier votre qualité ; il n'y a rien d'étrange dans ce qui vous arrive. Réjouissez-vous plutôt d'être associés aux souffrances du Christ ; car ainsi vous exulterez de joie lors de sa révélation glorieuse » [5].

Rapportez ce message à tous les autres membres de votre Confrérie et de votre Ligue des Malades Hospitalisés, qui n'ont pas pu faire ce pèlerinage avec vous. Et maintenant, tout particulièrement, et de tout Notre coeur, Nous vous bénissons, vous et eux et tous ceux qui vous sont chers, ainsi que tous ceux qui vous ont aidés à rendre ce pèlerinage possible et tous ceux qui sont venus avec vous.















INDUSTRIE DU FEUTRE



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ALLOCUTION AUX REPRÉSENTANTS DE L'INDUSTRIE DU FEUTRE

(28 octobre 1953)1






Pie XII recevant les représentants de l'Organisation de l'Industrie du Feutre d'Europe, prononça l'allocution suivante :

A l'occasion de la Conférence Centrale Européenne des Fabricants de Feutres, vous avez exprimé, Messieurs, le désir de vous réunir autour de Nous. Nous sommes heureux de saluer, dans votre groupe choisi, les représentants de dix nations différentes, tous intéressés aux problèmes d'une industrie très spécialisée et fort importante, en particulier pour l'équipement des machines à papier, mais aussi pour la production des composés de ciment et de fibres que l'on connaît généralement sous le nom d'« eternit ».

Contrairement à ce que l'on serait tenté de croire, l'industrie du papier, à laquelle vous collaborez, est bien antérieure à l'invention de l'imprimerie. Un ministre chinois du second siècle avant Jésus-Christ en aurait donné les premières formules, et l'historien peut suivre les étapes qui, à travers le Turkestan et l'Afrique du Nord, l'ont rapprochée de l'Europe où elle pénétra grâce aux Arabes vers la fin du XIIe siècle. Or, détail notable, dès cette époque, on employait des feutres pour recevoir la feuille de papier au sortir de la forme. Ces feutres-là, à vrai dire, différaient grandement de ceux que réclame aujourd'hui l'industrie du papier, car ils ne constituaient pas un véritable tissu, mais un simple amalgame de fibres tel qu'on en use encore pour de nombreux travaux commerciaux ou techniques. Du jour où l'on voulut réaliser la production continue du papier par des procédés entièrement mécaniques, on eut besoin d'un support capable de résister à la traction et d'accompagner la feuille dans les évolutions et les opérations variées qu'on lui faisait subir. C'est alors que se transforma l'industrie du feutre et que l'on expérimenta divers procédés capables de lui donner une armature semblable à celle des étoffes les plus solides, tout en lui conservant ses qualités spécifiques.

Le rôle du feutre qui recueille la pâte molle destinée à devenir la feuille définitive est en effet des plus délicats, car il doit absorber une grande partie de l'eau que cette pâte contient en excès, tout en assurant par sa souplesse et la régularité de sa surface la formation d'une feuille homogène et ininterrompue. On conçoit que ce feutre doit être différent selon que la pâte véhiculée doit devenir papier de journal ou papier pelure, papier de luxe ou papier commun, carton d'emballage ou papier à dessin. Sa matière première doit être excellente et sa confection très soignée pour qu'il conserve en tous ses points la même épaisseur, le même pouvoir absorbant, la même élasticité, malgré les tractions et les pressions qu'il subit constamment, malgré les effets de l'eau chaude qu'il élimine et des produits chimiques que celle-ci renferme.

Aussi la fabrication des feutres destinés à équiper les énormes machines des papeteries modernes requiert-elle des métiers spéciaux et beaucoup plus compliqués que les métiers ordinaires. De plus la composition d'un feutre parfaitement adapté à l'usage particulier, auquel on le destine, demande une étude précise des fibres à employer et à combiner, qu'elles soient d'origine minérale, végétale, animale ou synthétique, afin que leurs qualités complémentaires confèrent au produit manufacturé toutes les caractéristiques voulues par l'employeur. Désormais une telle industrie requiert des cabinets de physique et de chimie, dotés d'instruments d'observation et d'expérimentation les plus variés. Elle emploie un personnel qualifié, des installations considérables et met en jeu des intérêts matériels et humains, au service desquels votre organisation internationale se propose de pourvoir.

A cause donc de la place importante que tient votre spécialité dans la vaste industrie du papier, elle-même plus considérable de jour en jour, ce n'est pas sans émotion que Notre imagination évoque les véritables fleuves de pâte qu'entraînent incessamment les feutres que vous fabriquez. Des forêts entières, Nous disent les statistiques, sont englouties par les larges cuves, où s'élabore quotidiennement la pâte de bois destinée à fournir le papier commun des journaux et des imprimés à bon marché. Recueilli en gros rouleaux à l'issue des feutres, il sera sans tarder expédié vers les rotatives de la grande presse, dont certaines en consomment plusieurs tonnes par jour.

De là sort la nourriture intellectuelle des foules, qui ne lisent que les journaux, et souvent même un seul journal. Assurément, vous n'êtes pour rien, Messieurs, dans la qualité de ce qu'impriment les clients de vos clients. Vous constatez comme Nous l'immense puissance conférée par l'imprimerie à des feuilles innombrables que dévorent des yeux, matin et soir, des centaines de millions d'hommes sur toute la surface de la terre. Ils y trouvent trop souvent des excitants pour leurs passions, car c'est en les flattant que beaucoup d'écrivains assurent leur succès ; mais ils peuvent y trouver aussi, grâce à Dieu, la défense de la justice, l'apologie de la vertu, l'invitation à la compréhension et à la collaboration mutuelles, à l'amour réciproque, sur lesquels seuls les hommes peuvent bâtir solidement la cité de l'avenir.

C'est ainsi que Nous voyons l'évolution normale de la civilisation moderne inviter les hommes à se rapprocher, à se connaître, à s'estimer et à s'aider par-dessus les frontières matérielles et morales, qui pourraient par ailleurs les séparer. Et Nous saluons avec joie toutes les réalisations du genre de la vôtre, Messieurs, persuadé que cette évolution est voulue de Dieu qui a créé tous les hommes frères de race et sociaux par nature, qu'elle contribue à multiplier les liens d'amitié, gages d'une meilleure entente entre les nations et d'une meilleure intelligence des intérêts communs.

Puisse votre association, basée sur un accord spontané, porter les divers fruits que Nous en augurons, de sorte que vous emportiez de Rome le souvenir d'un heureux séjour et d'un enrichissement spirituel.










ALLOCUTION A DES ORGANISATIONS TOURISTIQUES

(29 octobre 1953)1






Une réunion de la « Société Américaine des Agents de Voyages » s'étant tenue à Rome, le Pape reçut ces délégués à Castelgandolfo et les exhorta dans les termes suivants :

Le Pape précise le rôle des Agences de Voyages.

La mission professionnelle qui vous a conduits à Rome, Messieurs, — même en dehors de cette très agréable visite — ne pouvait que retenir Notre attention sympathique et Notre intérêt.

Bien que Nos contacts directs avec vos estimés confrères durant ces récentes années aient été réellement peu nombreux, Nous conservons encore précieusement le souvenir de nombreux et courtois services rendus précédemment. Et ces flots sans cesse plus larges et réguliers de pèlerins, d'hommes d'affaires et de touristes de toute catégorie, convergeant vers Notre chère Italie et vers son coeur, la Ville Eternelle, Nous rappellent constamment les bons services que vous êtes en mesure d'assurer à la satisfaction et à l'avantage de tant de Nos chers fils proches et lointains.

Il est évident pour tous que la profession d'agent de^ voyages a sa propre place d'honneur parmi les prodigieux développements sociaux de notre époque. En un siècle seulement depuis que Thomas Cook pour la première fois annonçait publiquement son original « train d'excursion », — et plus particulièrement durant le dernier demi-siècle de constants mouvements, agitations et échanges mondiaux, — vous avez réussi à porter la technique du voyage à travers les océans et les conti-

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nents à une rare perfection et précision. Quelle lutte inexorable contre une immensité de difficultés, provoquées par les hommes ou d'autres causes, cela a représenté ! Quelle sollicitude pour les besoins humains — d'individus, de groupes familiaux et même de masses en déplacements ! Le transport, le logement, l'accompagnement, le divertissement et le repos de millions, littéralement, de voyageurs dans leur pays et à l'étranger n'auraient jamais pu devenir le service social efficace et relativement facile que nous admirons de nos jours, sans votre ténacité vigilante, votre effort laborieux de coordination et de contrôle.

Un apostolat est à exercer par les Agences de Voyages.

Mais, laissant de côté les services de tickets, de passeports, d'horaires, ne pouvons-Nous pas oser vous parler de votre travail également en des termes de dévouement, de vocation et d'apostolat ? Le temps n'est-il pas venu de lui donner le nom plus noble de profession ? Pourquoi pas, en vérité ? Le drame mouvementé dans lequel vous jouez votre rôle modeste, encore que tout à fait indispensable, comporte beaucoup plus que des séries complexes de transactions commerciales. Il ne commence ni ne finit avec l'achat et la vente de marchandises et de services organisés cependant avec compétence. Vos talents et vos conseils, tout aussi complètement que ceux, dirons-Nous, du docteur ou de l'avocat, sont mobilisés et placés au service d'êtres humains, enfants de Dieu et héritiers du ciel, comme vous-mêmes, pour lesquels le voyage a assumé l'importance d'une recherche d'enrichissement personnel.

Le besoin, inspiré par Dieu, de partager ses joies et ses tristesses avec ses semblables de différents climats et cultures, le désir d'apprécier ensemble la grandeur et la beauté d'un héritage commun, qu'il soit de la nature ou de l'art, de la science ou de la religion, c'est là sûrement une profonde raison pour traiter comme clients, plutôt que comme de simples acheteurs ceux qui ont recours aux « facilités » de l'agent de voyages. Il y a tant de choses que la vue à elle seule ne suffit pas à faire découvrir, même dans le plus court de leurs voyages de tourisme ! Et combien rassurant est-il de constater que si nombreux sont ceux qui ont pris l'habitude de donner à leurs vacances un but plus humain qu'une simple détente ou distraction apportée au souci quotidien de gagner sa vie !

Non, il ne faut pas que vous placiez trop bas votre point de mire. Dans chacun des voyageurs, confiés de façon si passagère à vos soins et à votre protection, habite 1' « esprit humain sans repos » de l'immortelle phrase de saint Augustin, l'âme du pèlerin et du voyageur d'ici-bas, cherchant consciemment ou non, parce qu'elle en a besoin, le réconfort et la force de la communion dans la foi, l'espérance et l'amour avec ses frères d'exil dans cette vallée de larmes. De chacune de ces personnes qui vous sont confiées, et pas seulement du fameux héros d'Homère, le « poète national » de l'Angleterre chante : « Je suis devenu un nom ; — Car errant sans cesse avec un coeur affamé ; — J'en ai vu et connu beaucoup ; des villes d'hommes ; — Et des coutumes, des climats, des assemblées des gouvernements, — Moi-même n'étant pas le moindre, mais honoré d'eux tous ; — ...Je suis une partie de tout ce que j'ai rencontré ; — Cependant toute l'expérience est une arche, où — Resplendit ce monde inexploré, dont la lisière s'évanouit — Pour toujours et pour toujours, lorsque je suis en marche [6]. »

17 faut aussi tenir compte de l'aspect moral.

C'est à cette rencontre de coeurs et d'esprits d'hommes, Messieurs, à cette digne fin du voyage, que sont consacrés vos vies et travaux professionnels. Nous n'avons donc pas besoin de vous rappeler, espérons-Nous, que cette précieuse charge humaine, dont vous servez les intérêts, représente une sérieuse responsabilité à l'égard de cette loi morale, à la fois divine et humaine, qui doit guider et de même limiter la conduite du voyageur ainsi que de l'agent.

Le confort et l'aisance du voyage seront naturellement une de vos principales préoccupations — à moins que le voyageur n'y ait renoncé dans l'esprit du pèlerin ou du pénitent. Mais assurez-les dans une mesure discrète et raisonnable. N'ayez point de complaisance pour ceux — heureusement une minorité exceptionnelle — qui se permettent à l'étranger ce que leur conscience leur reprocherait chez eux, l'étalage licencieux d'une existence luxurieuse et dissipée. La compréhension et l'amitié internationale n'ont rien à gagner à de telles excursions « de vacances », qui ne peuvent manquer de scandaliser leurs frères



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travailleurs, moins favorisés que ces touristes, dans le pays dont on abuse ainsi de l'hospitalité.

De même la satisfaction et le divertissement légitimes de vos clients de voyage doivent représenter un de vos principaux soucis. Mais pourrions-Nous appeler cela moins qu'une trahison de votre vocation, si vous accordiez le moindre encouragement à ceux qui voudraient exploiter l'étranger qui est chez eux, sous prétexte de le divertir ? Evidemment le désir du profit a, bien que subordonné, sa propre dignité et fonction dans le domaine des facilités de voyage. A chaque moment du voyage le travailleur ou le serviteur méritent leur salaire3. Personne ne serait insensé au point de suggérer un frein à ce courant « d'exportations invisibles » qui représente une si grande somme dans le revenu, qu'elle accroît considérablement le commerce et le trésor national. Mais quel but social avouable pourrait être servi en spéculant sur l'ignorance du voyageur au sujet des usages et des prix locaux, en satisfaisant ses goûts et instincts les plus bas, en profitant de son éloignement de chez lui et de ceux qui lui sont chers comme d'une excuse pour l'exposer volontairement à des occasions de péché ?

Là naturellement, comme dans une grande partie du programme de son voyage, votre responsabilité personnelle est partagée avec le pays ou l'organisation qui donne l'hospitalité. Mais le poids de votre nombre et de votre expérience, et surtout la contagion de votre scrupuleuse adhésion à un idéal élevé de fraternité humaine, peuvent faire beaucoup pour élever et maintenir les règles morales de votre service à un niveau qui est authentiquement chrétien.

Pour cette noble fin, comme plus d'une triste expérience le démontre, la pression du nombre à elle seule, sans unité de conviction morale et d'intention, se révélerait de peu d'utilité. Comme votre organisation atteint les dimensions d'une grande force sociale — et Nous sommes heureux de noter que le voyage international est devenu une sérieuse entreprise commune pour les soixante-dix nations représentées ici devant Nous —, Nous sentons que vous aurez déjà perçu la nécessité, avec d'autres groupes de services analogues au vôtre, d'un accord sous une forme ou une autre pour un Code de Bons Usages, dans lequel non seulement vos droits et prérogatives professionnels, mais aussi et spécialement votre attachement aux exigences des règles de morale chrétienne seraient résolument exposés, confirmés et sanctionnés. Ce serait là certes un progrès heureux et riche en promesses pour la cause de l'unité spirituelle dans un monde où les voyageurs, les agents et leurs hôtes étaient destinés à vivre dans une paix fraternelle.

Maintenant que votre Conférence a pris fin, de la Rome Eternelle vous vient un appel à regarder vers ce lumineux horizon humain. Puisse la bénédiction du Dieu Tout-Puissant que Nous implorons de tout coeur pour votre Association, vos familles et vos amis, rendre heureux votre voyage de retour chez vous et rendre plus fécond votre travail pour la légion de Ses voyageurs que vous êtes appelés à servir comme II voudrait qu'ils soient servis.





s Luc x, 7.


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ALLOCUTION AUX LAURÉATS DU CONCOURS DE CULTURE RELIGIEUSE

(4 novembre 1953) 1






Tous les ans l'Action Catholique Italienne organise des concours d'instruction religieuse, parmi les jeunes. Cette année, le Pape reçut en audience les vainqueurs du Concours et leur adressa la parole :

Le Pape fait l'éloge de cette institution :

La grande multitude de Nos fils, qui viennent de toutes les parties d'Italie et du monde rendre visite au Père commun pour Lui manifester leur affection et recevoir le réconfort de Sa bénédiction, Nous contraint — comme vous le savez — à les recevoir le plus souvent ensemble dans des audiences générales ; et cet après-midi encore Nous les accueillerons avec empressement pour les bénir avec toute l'effusion de Notre coeur 2.

Cependant Nous avons tenu à vous recevoir en audience particulière, chers jeunes gens, parce que Nous désirions faire votre connaissance personnelle et vous exprimer toute Notre joie et toute Notre satisfaction.

Nous savons avec quel sérieux se préparent et se déroulent les concours de culture religieuse entre les membres des associations paroissiales ou d'étudiants, de ruraux, d'artisans et d'autres travailleurs. Mais vous avez eu l'habileté de subir et de passer avec succès également les épreuves des diverses « éliminatoires » diocésaines et régionales ; vous êtes les vainqueurs absolus, et Nous pouvons donc saluer en vous les meilleurs parmi les cinq cent cinquante mille jeunes qui ont participé à ces compétitions pacifiques.

Il est indispensable que les militants d'Action Catholique soient solidement formés sur le plan doctrinal :

Chers fils ! Nous n'entendons pas répéter ici combien Nous avons à coeur la culture religieuse de tous les fidèles et spécialement des militants catholiques ; Nous avons eu l'occasion de le confirmer encore dernièrement en recevant vos aumôniers, les prêtres spécialisés dans les activités catéchistiques, et les étudiants vainqueurs du Concours « Veritas » 3.

Aujourd'hui, Nous voudrions profiter de cette brève rencontre pour vous dire combien Nous désirerions que vous et tous les jeunes gens d'Action catholique, en possession de la vérité, vous sentiez le besoin d'en être les propagateurs assidus. Nous voudrions qu'au moment de recevoir de Nos mains le « fanion », vous preniez l'engagement de multiplier vos efforts pour ramener la certitude et la lumière dans toutes les âmes qui sont prises dans les tourbillons du doute et vacillent dans les ténèbres.
L'ignorance religieuse est une plaie très répandue aujourd'hui.


Regardez autour de vous, chers fils ; vous trouverez partout des âmes désorientées parce que peu éclairées ; vous les trouverez à l'école, à l'usine, à la campagne. Et l'ignorance religieuse n'est pas seulement la plaie des absents et des lointains ; en effet, même ceux qui fréquentent les églises et reçoivent de temps en temps les sacrements ont souvent des connaissances déficientes et imparfaites au point de faire craindre que les occupations et les soucis quotidiens suffisent à les étouffer ; si même ne surviennent pas — comme cela se produit fréquemment — le vent glacé du doute et la tempête des passions pour faire crouler l'édifice déjà peu solide de leur culture religieuse. Considérez par exemple votre quartier ou votre hameau ; calculez le nombre de ceux qui sont, ou à peu près, complètement à jeun de tout aliment de la parole de Dieu ou trop faiblement nourris. Cette ignorance explique — autrement elles seraient inexplicables — certaines imprudences, certaines déviations et malheureusement certaines apostasies réelles, bien qu'elles ne soient pas tout à fait conscientes ni avouées. En effet, quand le Souverain Pontife et l'Eglise donnent des instructions précises dans



1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 790

2 On trouvera p. 562 le texte du Discours que Pie XII adressa le même jour à des groupes de jeunesse catholique.


LAUREATS DU CONCOURS DE CULTURE RELIGIEUSE 561



des questions qu'ils ont le droit de traiter, seule l'ignorance peut conduire à certaines attitudes de résistance, passive et active, même si l'on veut exclure pour certains l'obstination et la mauvaise foi.



17 faut suivre l'exemple de saint Charles Borromée qui organisa très sérieusement l'instruction religieuse des fidèles.

Chers Fils ! L'Eglise célèbre aujourd'hui la fête de saint Charles Borromée, éminent pasteur d'âmes, dont l'activité pastorale est généralement citée comme une des plus intenses, laborieuses et fécondes. Après quatre siècles, les traces de son passage dans les paroisses de son vaste archidiocèse sont encore visibles, et l'héritage spirituel qu'il a laissé à l'Eglise ambrosienne fait encore l'admiration de tous ceux qui le connaissent. Eh ! bien, quand il voulut procéder au renouvellement du peuple, en réformant les moeurs et en s'employant à remettre dans la grâce de Dieu les âmes des fidèles, il veilla avant tout à ce que celles-ci possédassent une connaissance complète et profonde des vérités chrétiennes et, dans ce but, il créa une véritable « organisation » de l'enseignement religieux pour les enfants et les adultes.

Or il n'est pas douteux que la même voie doit être suivie par tout Pasteur d'âmes qui veut sérieusement résoudre le problème de la renaissance spirituelle de sa population, comme le réclame avec urgence l'époque. Beaucoup le font déjà ; d'autres se préparent à l'accomplir. Il est nécessaire qu'ils trouvent chez les militants d'Action catholique toute l'aide possible.



Il y a là une tâche importante à remplir :

Sans doute votre tâche ordinaire ne sera pas toujours d'être choisis et utilisés pour enseigner le catéchisme aux plus petits ; pour eux, le curé cherchera souvent des collaboratrices dans les rangs féminins de l'Action Catholique. Après une préparation convenable, vous pourrez être plutôt employés — sous la direction et avec le conseil et l'assistance des prêtres — à l'instruction religieuse des adolescents qui ne fréquentent pas votre association mais entrent également dans le cadre de votre activité, à l'occasion par exemple du sport et des divertissements en général. En attendant, pour le catéchisme des enfants, pour l'instruction religieuse des diverses classes et catégories, il y a toujours une oeuvre de préparation, de conquête, d'organisation en général pour laquelle vous serez prêts à apporter la contribution de votre temps libre et de vos multiples capacités.

Il y a aussi un travail dont aucun de vous ne devrait s'estimer dispensé : le travail d'approche individuelle, d'âme à âme, en tous lieux et en toutes circonstances. Nous voudrions que personne ne parlât avec vous, ne traitât avec vous, ne travaillât avec vous, sans en recevoir un rayon de lumière chrétienne dans l'esprit.

Aussi insistons-nous sur la nécessité, l'urgence et l'efficacité de l'action « capillaire » à accomplir sur la « Base Missionnaire », en collaboration avec les diverses branches d'Action Catholique et avec les militants de toutes les autres Oeuvres. Faites en sorte, chers fils, que, grâce à vous, Jésus pénètre en Maître et Sauveur partout où il y a des âmes qui, même sans s'en rendre compte, attendent et désirent Le rencontrer.










ALLOCUTION AUX JEUNES DACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

(4 novembre 1953)1






Après avoir reçu le matin les lauréats du Concours de Culture Religieuse [7] le Pape reçut en audience un grand nombre de jeunes qui avaient participé à ce même concours.
Le Saint-Père se réjouit en voyant cette jeunesse assemblée :


Notre premier et cordial salut est pour vous, très chers fils, jeunes d'Action Catholique, vainqueurs du Concours national de culture religieuse. L'affluence de multitudes de fidèles sans cesse plus nombreuses Nous a contraint à réserver l'audience spéciale de ce matin à quatre-vingts de vos compagnons vainqueurs des « éliminatoires » diocésaines et régionales. Toutefois, vous ne devez pas penser pour cela que vous êtes moins chers à Notre coeur paternel : Nous aimons avec la plus tendre affection tous les jeunes d'Action Catholique parce qu'ils sont Notre joie et Notre couronne.

Il n'y a pas si longtemps, Nous avons confié à vos aumôniers Nos espérances à votre sujet, Nos soucis et Nos désirs. Nous Nous bornerons à insister sur la nécessité absolue pour vous de serrer les rangs et d'être, comme vous en avez le devoir et le désir, une pacifique et vaillante armée, prête à obéir à tout signe de l'Eglise, à tout signe du Pape [8].

Cet empressement et ce zèle à exécuter les moindres désirs du Vicaire du Christ ont toujours été une des pierres précieuses de la couronne d'or de la jeunesse italienne d'Action Catholique : généreusement prête à n'importe quel sacrifice afin que cet éclat ne soit pas terni, que cette glorieuse tradition ne soit pas interrompue.

Il y eut des périodes difficiles au cours de l'Histoire de l'Eglise.

Si jamais la jeunesse catholique en venait à douter ou à discuter quand l'Eglise et le Pape donnent des enseignements et des directives, elle ne serait pas digne de son histoire ni de ses gloires.

Dans l'histoire de l'Eglise — vous le savez — il y a toujours eu des périodes difficiles et particulièrement troublées. Presque toujours il s'agissait de certains problèmes qui exigeaient avec urgence une solution appropriée. Rappelez-vous les invasions des barbares qui menaçaient de bouleverser la civilisation chrétienne naissante ; pensez aux luttes pour la libre élection du Pontife Romain contre les ingérences abusives de Souverains impérieux et de puissantes familles ; représentez-vous en pensée le schisme d'Occident, le philosophisme et toute l'apostasie tendant à la déchristianisation complète de la société humaine.



L'Eglise a cependant triomphé.

Lors de ces périodes, ceux qui s'en seraient tenus aux apparences, auraient cru à de réels périls pour l'existence ou tout au moins pour l'oeuvre de l'Eglise parmi les hommes, mais en réalité, avec l'aide de son Fondateur divin et Chef invisible, elle y a trouvé et pendant toute la durée des siècles, elle y trouvera jusqu'à des occasions de progresser : une précision accrue de sa doctrine, une reprise admirable de sainteté à l'intérieur et l'extension de son apostolat à d'autres terres, grâce à ses missions. A côté des prévaricateurs, Dieu suscite les Saints ; aux hérétiques, Il oppose les Docteurs ; la violence des empereurs autocrates est contenue par la vaillance des Papes ; tandis que la fameuse réforme protestante est combattue par l'oeuvre grandiose de la restauration catholique.



Aujourd'hui encore l'Eglise est gravement menacée :

Chers fils ! Aujourd'hui encore, le monde traverse une de ces périodes les plus graves, et ce n'est pas la première fois que Nous signalons le fait aux hommes surpris devant le contraste entre les lumières d'un gigantesque progrès technique et les ténèbres d'une funeste décadence morale, non seulement du fait d'une immodestie sans cesse plus hardie dans la mode, la tenue, les spectacles, mais également en raison de la négation progrès-

sive des vérités fondamentales sur lesquelles reposent le divin Décalogue et la conduite chrétienne de la vie. Il semble que les structures humaines rendent chaque jour plus difficile aux esprits le chemin vers la connaissance, l'amour et le service de Dieu et vers la fin ultime qui est la possession de Dieu dans Sa gloire et Sa félicité.



Ici encore les jeunes d'Action Catholique sont la grande espérance de demain.

Devant une telle désorientation, devant une telle haine et de telles ténèbres, l'Eglise se tient éternellement vigilante avec sa lumière et son amour. Et dans l'Eglise — Nous le savons — d'innombrables phalanges d'âmes d'élite sont prêtes à n'importe quelle entreprise, à n'importe quel holocauste pour l'aider à sauver encore une fois le monde.

Voulez-vous, très chers jeunes gens — avec vos cinq cent cinquante mille compagnons disséminés dans l'Italie — être l'avant-garde d'une jeune armée constructrice ?

Etes-vous prêts à démontrer votre amour pour l'Eglise, pour le Pape ?

Certains leur livrent une terrible guerre avec une stratégie perfide et une tactique sournoise ; voulez-vous combattre pour eux et avec eux ?

Les hommes meurent, même ceux qui semblaient immortels ; les institutions humaines s'écroulent, les chutes les plus inattendues se succèdent les unes après les autres. Et l'Eglise assiste avec sérénité à toute aube nouvelle et est caressée par les rayons naissants de tout nouveau soleil.









LETTRE POUR LE XVIe CENTENAIRE DE SAINT PAULIN DE NOLE
(5 novembre 1953)1




La Lettre suivante fut adressée à S. Exc. Mgr Paul Richaud, archevêque de Bordeaux :

L'envoi de votre récente lettre pleine de sentiments d'affection et de dévouement pour laquelle Nous vous remercions vivement, Nous a bien informé des solennités qui se préparent au mieux chez vous pour commémorer l'heureux XVIme centenaire de la naissance de Saint Paulin de Noie 2. Nous vous félicitons vivement pour votre projet, car Nous escomptons qu'il contribuera beaucoup à affermir et à favoriser le zèle pour la religion d'autant plus que vous Nous annoncez, pour Notre plus grande joie, la présence à ces solennités de Notre cher Fils, le Cardinal Maurice Feltin, Archevêque de Paris.

Bordeaux, cette ville qu'illustrent la fécondité de son terroir, l'élégance de ses lettres, les fastes de son Eglise, a revendiqué à bon droit, comme un titre particulier de gloire, la venue à la lumière de la vie terrestre et le séjour assez prolongé en ses murs de Pontius Meropius Paulin.

En lui, les dons de la grâce divine ajoutés à ceux de la nature, se sont alliés si harmonieusement qu'il est parvenu à un degré merveilleux d'intelligence et à une éminente vertu ; il est ainsi devenu pour l'Eglise un modèle et une source de joie et a provo-

que l'admiration de ses contemporains. Qu'il Nous plaise donc de rappeler ses jours glorieux et d'évoquer dignement son oeuvre.

Issu d'une très illustre famille, — par son père et par sa mère, il descendait en effet de Sénateurs romains —, Paulin jouissait d'un patrimoine si considérable et de propriétés si étendues qu'on les désignait sous le nom de royaume de Paulin. Il fut initié aux belles-lettres et formé à l'éloquence par le poète Auso-nius, devenu par la suite son ami et son protecteur. Il brilla par ses talents de poète et d'orateur et fut élevé aux honneurs du consulat. Mais le cours des événements l'amena à se démettre de ses fonctions ; il se retira en Aquitaine et fut baptisé par saint Delphin. De là, il passa les gorges des Pyrénées et se rendit en Espagne où il prit pour épouse Thérèse, femme très pieuse et très riche. Mais il perdit son fils bien-aimé, Celse. Frappé par ce deuil et par d'autres événements, il comprit profondément le caractère vil et méprisable de tous les biens que les hommes estiment d'habitude à si haut prix ; aussi vendit-il tous ses biens familiaux, les distribua aux pauvres, et avec une résolution inébranlable, embrassa la vie monastique. Thérèse de son côté entra pleinement dans ses vues. Promu aux ordres sacrés à Barcelone, il gagna l'Italie, établit définitivement sa résidence aux portes de Noie où reposaient les reliques du prêtre martyr saint Félix, et fut nommé évêque de Noie. Fervent disciple de l'Evangile, il mena la vie ascétique la plus austère. Animé des sentiments d'une piété toujours plus ardente pour Félix, son très bienveillant patron céleste, il lui offrit chaque année l'hommage d'un poème. Il fit élever des églises et des hospices destinés à accueillir les pèlerins qu'il s'efforçait d'attirer et désirait voir affluer en grand nombre.

Ce même zèle pour la religion qui lui inspirait le culte des héros du christianisme ornés de la palme du martyre, le pressait chaque année de se rendre à Rome auprès des tombeaux des Princes des Apôtres, et de visiter ses amis parmi lesquels il faut mentionner Pammaque, Pauline et Mélanie l'Ancienne.

L'âme de Paulin digne des plus grands éloges et le puissant encouragement que constituent ses vertus naturelles sont bien capables de stimuler notre époque peu soucieuse de connaître Dieu, négligeant la charité, recherchant des occupations et des amusements frivoles ou des plaisirs honteux, et de l'inciter à se montrer plus pure et plus joyeuse. Fort de cette assurance, Nous voulons que les habitants de Bordeaux et de Noie, qui tirent tant d'honneur de Paulin, méditent tout particulièrement ses paroles et les exemples de sa vie, afin qu'après avoir suivi ses traces, ils participent à la splendeur de sa noblesse et de sa grâce.

Qu'il Nous soit permis maintenant de citer quelques textes fameux qui expriment merveilleusement ses traits et son caractère. Paulin « passa volontairement de la plus opulente richesse à l'extrême pauvreté et à la plus féconde sainteté » 3 ; l'amour de la pauvreté et le mépris des richesses ne se démentirent jamais durant toute sa vie ; il ne voulut pas que de son coeur consacré au Christ, le culte de la poésie et de l'amitié fussent absents ; sa charité pour autrui mettait une note de douceur dans la règle de vie austère qu'il suivait : « Que je sois modeste dans mon vivre et mon vêtir ; que je sois aimable pour mes amis » 4.

Il a composé de nombreux poèmes avec finesse, talent, agrément et selon les règles de l'art. De ces vers, fruits d'une généreuse inspiration, comme des nombreuses lettres adressées à tant de correspondants, tels Augustin, Jérôme, Alypius, Sévère, Delphin, Amand, Victrix, s'exhale le parfum de la charité qui lui attachait les coeurs par de chastes liens en le comblant de joie. Cette bienveillance, en union étroite avec le Christ, enflammée par le Saint-Esprit, fut en effet le don principal qu'il reçut du ciel. Vraiment Paulin est la gloire de l'amitié chrétienne, témoin saint Augustin qui puisait dans ses lettres tant de consolations : « Vos lettres offrent à qui les lit les plus doux et les plus saints exemples. Ces magnifiques lettres, lettres de foi sincère, de douce espérance, de charité sans mélange ! Comme nous y percevons la soif et le désir de votre âme qui défaille à la pensée des tabernacles du Seigneur ! Comme elles respirent l'amour le plus saint ! Comme elles sont enflammées des riches sentiments de votre coeur sincère ! Que d'actions de grâces elles rendent à Dieu et que de faveurs elles obtiennent ! Leur attrait le cède-t-il à leur ardeur, et leur clarté à leur fécondité ? Comment peuvent-elles ainsi nous toucher, nous enflammer, se répandre comme une rosée et une source de paix ! » 5.

Paulin cependant ne limite pas sa charité à ceux qu'il aima tout particulièrement, mais l'étendit à tous ; d'incontestables



S. Augustin, Cité de Dieu, Liv. V, chap. X, nO z ; Migne, P. L., 41, 24.

Poème V, v. 66. - Migne, P. L., 61, 441.

S. Augustin, Ep., 27, n» 3. - Migne, P. t., 33, 109.

documents nous le rapportent. Et ces paroles du prêtre Uranius qui jouit longtemps de son intimité en rendent un témoignage évident : « Promu aux plus hauts degrés du sacerdoce, il ne voulut pas se poser en évêque que l'on craint, mais en prêtre que chacun aime. Jamais il ne s'irrita au point d'oublier les droits de la miséricorde. Cet homme ne pouvait se mettre en colère, lui qui faisait fi des injures et fuyait toute inimitié. Jamais il ne rendit un jugement sans miséricorde, car il savait que la miséricorde vaut mieux que le sacrifice » 6.

Devant les magnifiques exemples de Paulin, puissent ceux-là surtout qui professent la vie religieuse ou qui sont revêtus du sacerdoce, apprendre à être riches de foi, à se contenter de peu, et à montrer par leurs actions et leurs paroles combien suave est Dieu, l'hôte de leur coeur ; puissent-ils apprendre à ne pas détourner ni rebuter leurs auditeurs lorsqu'ils exposeront la foi chrétienne et la loi divine, mais à les attirer par le sel de la savoureuse doctrine apostolique, la noblesse des sentiments et leur souci d'une élocution soignée ; ainsi les amèneront-ils à corriger leurs moeurs et désirer les choses d'en-haut. Si prêcher sans les qualités requises est absolument inconvenant, parler en un style correct, concis et coulant de la lumière et du royaume de Dieu et du salut éternel à gagner est une qualité qu'ils doivent estimer digne d'être acquise par la prière, l'exercice, le travail et l'application la plus sérieuse.

Après ces exhortations que Nous ont dictées Notre charge et Notre devoir, Nous implorons pour vous, vénérable Frère, pour les prêtres et les fidèles, qui assisteront aux cérémonies prévues, les dons abondants de Dieu ; puissiez-vous, par l'imitation de S. Paulin, par le mépris des avantages terrestres, par une charité active et une riche prédication évangélique, être de plus en plus des hommes de paix, des hommes de devoir, des hommes inébranlablement dévoués à la grâce et à la cause du Christ.










Pie XII 1953 - A L'OCCASION DE LA JOURNÉE MISSIONNAIRE