Pie XII 1954

LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU LXVIP CONGRÈS DE L'UNION DES OEUVRES

(15 avril 1.954) 1






Par le décret du 11 janvier 1952 2 la S. Congrégation des Rites a prorogé pour trois ans la faculté de célébrer la Vigile Pascale restaurée le 9 février 19513, et elle a ajouté quelques « Prescriptions » sur le jeûne eucharistique. Quelques Ordinaires ont alors demandé si ces « Prescriptions » gardaient leur valeur après la promulgation de la Constitution Apostolique « Christus Do-minus » du 6 janvier 1953 et de l'Instruction du Saint-Office en date du même jour sur la discipline du jeûne eucharistique 4.

Après consultation de la S. Congrégation des Rites, les Emi-nentissimes et Révérendissimes Cardinaux, membres de cet Office dans la réunion plénière du mercredi 7 avril 1954, ont décrété ce qui suit :

1. Les prêtres qui doivent célébrer la messe de cette Vigile Pascale à minuit et les fidèles qui doivent y communier sont tenus de garder le jeûne de la façon que prescrivent les canons 808 et 858 § I.

2. Si, pour une raison particulière, suivant le ? II, 4 des « Prescriptions » de la Sacrée Congrégation des Rites, la Messe de la Vigile est célébrée avant minuit, les règles de la Constitution « Christus Dominus » sont à observer.

D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVI 1054, p. 142.

Cf. Documents Pontificaux 1952, p. 17.

Cf. Documents Pontificaux 1951, p. 52.

Cf. Documents Pontificaux 1953, pp. 15 et 26.

Le LXVUe Congrès National de l'Union des Oeuvres Catholiques de France se tenant à Montpellier en avril 1954, et ayant pour thème d'études : La Prédication, la Secrétairerie d'Etat fit parvenir le message suivant à S. Exc. Mgr Duperray, Evêque de Montpellier2 :

Le Souverain Pontife a été heureux d'apprendre que votre ville épiscopale qui, il y a trois ans, se faisait si accueillante aux maîtres et auditeurs de la Semaine Sociale, s'apprête à recevoir le LXVII6 Congrès des Oeuvres catholiques de France. A Votre Excellence qui en présidera les assises avec l'assistance de Son Excellence Mgr Courbe, Secrétaire Général de l'Action Catholique française, à tous les prêtres et laïcs qui prendront part à ces Journées, Sa Sainteté adresse de grand coeur Ses voeux les meilleurs.

1 D'après le texte français de VOsservatore Romano du 28 avril 1954.

2 On lira le compte rendu de ce Congrès, Le Prêtre, ministre de la Parole, Ed. Fleura», Paris 1955.

3 Marc, 16, 15.

4 Rom., 10, 17. s I Cor., 1, 17.




Les débats du Congrès porteront, cette année, non sur un point particulier de la pastorale paroissiale, mais sur une fonction primordiale de tout apostolat : le ministère de la parole de Dieu. « Allez, a dit Jésus, et prêchez l'Evangile à toute créature ; celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé 3. » Et saint Paul qui nous avertit que la foi naît de la prédication 4 ne se considérait-il pas lui-même comme envoyé par le Seigneur avant tout « pour prêcher l'Evangile » 5.

Or, notre génération n'a pas moins besoin que les précédentes d'entendre cette Parole de Dieu, en laquelle réside son salut. « La première et grande tâche de votre prédication, rappelait le Saint-Père à des prêtres de Rome, est de reconduire les hommes à la connaissance du vrai Dieu personnel, en sorte qu'ils se remettent à marcher en sa présence dans la crainte et dans l'amour » '. Et déjà, dans Son Encyclique sur la prédication, Benoît XV n'avait pas hésité à marquer la responsabilité des prédicateurs dans l'affaiblissement de la foi en ces derniers temps : « Si, écrivait-il, ce glaive (de la Parole de Dieu) ne manifeste point partout sa puissance, la faute en est certainement à ceux qui ne l'emploient pas comme il convient7 ».

Aussi, le premier voeu du Souverain Pontife, Votre Excellence le comprendra, est-il que le Congrès de Montpellier enracine au coeur des prêtres la conviction qu'aujourd'hui, comme aux premiers âges de l'Eglise, il n'est pas de tâche plus essentielle que d'annoncer au inonde la Parole de Dieu, pas de labeur plus apostolique que d'exercer, sous toutes ses formes, la mission de prédicateur de l'Evangile.

Pour la bien remplir, cette mission, plusieurs conditions sont d'ailleurs requises ; et les rapporteurs du Congrès ne manqueront pas d'en faire l'analyse. Le Saint-Père désire seulement attirer l'attention de Ses Fils sur quelques points particuliers.

La prédication est activité d'Eglise.

Dans l'Eglise, on le sait, la charge de la prédication appartient en propre à l'Evêque, et aucun prêtre ne peut lui-même s'adjuger cette fonction ; il doit en avoir reçu la mission légitime et seul l'Evêque peut la lui donner. Cette vérité traditionnelle, qu'il n'est sans doute pas inutile de rappeler au clergé, tant séculier que régulier, n'a pas seulement une portée disciplinaire. Car c'est par cette référence essentielle à l'évêque que la prédication devient vraiment un acte d'Eglise, l'acte par lequel l'Epouse du Christ continue de dispenser par la voix de ses prêtres, les inépuisables richesses de la doctrine évangélique.

8 Allocution du 25 février 1941, A. A. S., 33, 1941, p. 129.

? Encyclique Humani Generis du 15 juin 1917, A. A. S., 9, 1917, p. 306.




Aussi avec quel esprit de détachement et de respect, le prédicateur témoin et messager de la vérité, doit-il se mettre tout entier au service de celle-ci, pour la faire resplendir aux yeux des hommes ; et, en même temps, avec quelle surnaturelle -assurance ne doit-il pas annoncer une doctrine qui échappe à la fragilité et à la mouvance des opinions humaines, parce qu'elle repose sur le roc de la révélation divine dont l'Eglise est l'infaillible interprète !

La Prédication doit enseigner

Cette prédication, en second lieu, pourra, selon les circonstances, présenter un caractère plus particulièrement liturgique, biblique ou didactique ; mais elle ne devra jamais cesser d'être un enseignement pour l'esprit. « L'anémie de la vie religieuse, avertissait le Saint-Père, il faut l'imputer à l'ignorance presque absolue des choses religieuses ; une telle ignorance doit être combattue, extirpée, vaincue ; et cette tâche incombe d'abord au clergé. » 8

Sur ce point les avertissements des Souverains Pontifes sont constants. « Prêchez les mystères de la foi, répétait encore Sa Sainteté, prêchez la vérité dans toute sa pureté et son intégrité, jusque dans ses dernières conséquences morales et sociales : le peuple a faim de cela. » 9 Et n'est-il pas vrai, en effet, qu'un grand nombre de fidèles, et parmi les plus pauvres surtout, n'ont pratiquement, après le catéchisme, d'autre aliment à leur vie chrétienne que la prédication dominicale ? Que celle-ci réponde donc fidèlement à l'ordre du Seigneur d'enseigner les nations et de leur apprendre à garder tout ce qu'il nous a commandé 10.

La Prédication suppose la prière

8 Allocution du 7 septembre 1947, A. A. S., XXXIX, 1947, p. 4*7-

8 Allocution du 6 février 1940 dans Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, 1, p. 523

10 Matth., 28, 19-20.

11 Encyclique citée, ibid., p. 314.




Un tel enseignement de la vérité, enfin, s'il exige du prêtre une vraie science, entretenue par un labeur continu, exige plus encore d'être fécondé par la prière et le sacrifice. « La grâce de Dieu — écrivait Benoît XV — s'obtient non par l'art et le zèle mais par les prières. Celui donc qui s'adonne peu ou point à l'oraison dépense en vain et son travail et sa peine » Au con-



traire, le prêtre qui, tel un Curé d'Ars, est rempli de Jésus-Christ, ne manquera pas de trouver le chemin des coeurs les plus endurcis.

Le Souverain Pontife recommande aux prêtres appliqués au ministère de la Parole cette séculaire leçon de sainteté transmise par tous les grands hérauts de Dieu. Que les prédicateurs se mettent en particulier à l'école de saint Paul qui, délaissant le langage de la sagesse humaine, dédaignant la faveur des hommes, ne voulut connaître que Jésus-Christ crucifié n. « Hésiterez-vous vous-mêmes, interrogeait Sa Sainteté, à prêcher cette folie et cette faiblesse d'un Dieu auquel il plut de sauver les croyants par la folie de la prédication ? 13 »

Tels sont les voeux et les paternelles exhortations que le Saint-Père me charge de transmettre aux Congressistes de Montpellier. Sa Sainteté se plaît, en cette Année Mariale, à les recommander spécialement à la Vierge immaculée. N'est-ce pas Elle en effet qui nous donne le Verbe de Dieu, et comment ne pas rapprocher, en quelque façon, de sa sublime mission celle même du prédicateur chargé lui aussi de donner aux âmes la Parole qui éclaire et vivifie ? C'est donc en appelant sur les participants du Congrès cette maternelle et puissante protection que Sa Sainteté leur envoie ainsi qu'à Monsieur l'Abbé Courtois, Aumônier Général de l'Union des Oeuvres, et à Votre Excellence une large Bénédiction apostolique.





RADIOMESSAGE DE PÂQUES


(18 avril 1954) 1


II est d'usage récent que le Saint-Père donne le jour de Pâques, la bénédiction Urbi et Orbi du haut de la Loggia surplombant l'entrée de la Basilique vaticane. Cette Bénédiction s'adresse à la foule massée sur le parvis de Saint-Pierre et, par les ondes, à la catholicité tout entière. A cette occasion, le Saint-Père prononça le discours que voici :

Tout comme les disciples de Jésus exultèrent de joie le soir de la première Pâques, quand ils virent le Maître ressuscité revenir au milieu d'eux, vainqueur de la mort, ainsi vous-mêmes, chers fils et filles, vous ouvrez vos coeurs à la joie de ce jour solennel et recevez avec confiance le salut de paix que Nous, Vicaire sur la terre du divin Rédempteur, Nous renouvelons en son nom à l'Eglise et à la famille humaine : Gavisi sunt disci-puli viso Domino. Dixit ergo iterum : Pax Vobis 2. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Et Jésus leur dit à nouveau : Paix à vous !

Pie XII remercie pour la santé retrouvée :

Rendant d'humbles actions de grâces à la bonté divine pour Nous avoir accordé l'inestimable faveur de célébrer avec vous ces saintes fêtes, Nous ne saurions manquer de vous manifester Notre paternelle gratitude pour l'affection filiale et les prières empressées dont vous avez réconforté Notre coeur durant Nos récentes épreuves.





Gal., 1, io ; I Cor., 2, 1-2.

Allocution du 25 février 1041, A. A. S., 33, 1941, p i34.

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 212.

2 Jean, 20, 20-21.

A la gloire de la Résurrection s'oppose la malice des hommes qui forgent des armes meurtrières :

Oh ! combien Nous voudrions que sur tous les hommes se répande la joie de la Pâques chrétienne, en sorte que l'Eglise puisse chanter dans toute son extension : In resurrectione tua, Christe, cceli et terra loetentur3. En ta résurrection, ô Christ, se réjouissent le ciel et la terre ! Mais si dans les cieux tout est paix et bonheur, combien différente est la réalité sur la terre. Ici, au lieu de la joie sereine, dont le Christ révéla le secret, l'anxiété et presque l'épouvante des peuples augmente d'année en année, dans l'appréhension d'un troisième conflit mondial et d'un terrible lendemain, livré à la merci de nouvelles armes destructives d'une violence inouïe.

Armes capables — comme Nous eûmes déjà l'occasion d'en exprimer la crainte dès février 1943 — de produire « sur l'entière étendue de notre planète une dangereuse catastrophe » *, de semer l'extermination totale de toute vie animale et végétale et de toute oeuvre humaine sur des régions toujours plus vastes ; armes capables désormais, grâce aux isotopes artificiels radioactifs de longue vie moyenne, d'infecter de façon durable l'atmosphère, le terrain et les océans mêmes, à de très grandes distances des zones directement frappées et contaminées par les explosions nucléaires. Ainsi devant les yeux du monde atterré se dresse la prévision de destructions gigantesques, de territoires entiers rendus inhabitables et inutilisables pour l'homme, sans parler des conséquences biologiques qui peuvent se produire, tant à cause des mutations provoquées dans les germes et les micro-organismes, que du fait des résultats incertains que peut avoir une action radioactive prolongée sur les plus grands organismes, y compris l'homme, et sur leur descendance. A ce sujet Nous ne voudrions pas omettre de faire allusion au péril que pourrait représenter pour les futures générations l'intervention mutagène susceptible d'être obtenue, et peut-être déjà obtenue, par de nouveaux moyens, en vue de détourner de leur développement naturel le patrimoine des facteurs héréditaires de l'homme ; pour cette raison aussi que parmi ces déviations ne manquent pas, et ne manqueraient peut-être pas ces mutations pathogènes qui sont la cause des maladies héréditaires et des monstruosités.

Le Pape voudrait qu'on proscrive les armes atomiques, biologiques et chimiques :

Pour Notre part, tandis que Nous ne Nous lasserons pas de Nous employer afin que, au moyen d'ententes internationales — restant sauf toutefois le principe de la légitime défense 5 — puisse être efficacement proscrite et écartée la guerre atomique, biologique et chimique 6. Nous demandons : jusqu'à quand les hommes voudront-ils se soustraire à la lumière salutaire de la Résurrection, attendant en revanche la sécurité des lueurs meurtrières des nouveaux engins de guerre ?

Il faut fonder la politique internationale sur l'esprit du Christ.

Jusqu'à quand opposeront-ils leurs desseins de haine et de mort aux préceptes de l'amour et aux promesses de vie apportés par le divin Sauveur ? Quand donc les dirigeants des nations s'apercevront-ils que la paix ne peut consister en un exaspérant et dispendieux rapport de terreur mutuelle, mais dans la maxime chrétienne de la charité universelle, et en particulier dans la justice volontairement réalisée plutôt qu'extorquée et dans la confiance qu'on inspire plutôt que dans celle qu'on exige ?

Les inventions scientifiques doivent être utilisées pour construire le bien-être des hommes :

Quand verra-t-on les sages du monde tourner uniquement à des fins de paix les admirables découvertes des forces profondes de la matière en vue de donner à l'activité humaine une énergie à peu de frais — qui suppléerait à la déficience des sources de richesses et de travail, ou en corrigerait l'inégale distribution géographique — comme aussi pour offrir à la médecine et à l'agriculture de nouvelles armes et ouvrir aux peuples de nouvelles sources de prospérité et de bien-être ?


























En ces moments difficiles que les chrétiens se mettent sous la protection de la Sainte Vierge :

Mais en attendant, si l'angoisse semble se faire plus poignante, voici que s'irradie dans la douce clarté de Pâques, éclo-se cette année sous le soleil virginal de Marie, le doux sourire de la Mère de Jésus, Notre Mère, glorieuse elle aussi aux côtés de son Fils. Ainsi, sur ceux en particulier qui vivent dans l'obscurité et dans la douleur, cette Mère très aimante étend aujourd'hui le manteau de son ineffable tendresse.

O Marie, qui resplendissez en ce jour d'une plus vive lumière, soyez le symbole et la source de la réconciliation des hommes entre eux et avec leur Seigneur et Rédempteur Jésus. Augmentez la foi de ceux qui vous invoquent. Faites briller à leurs yeux l'espérance des biens incorruptibles, la rédemption des corps et des âmes, objet de leurs ardents désirs, dont ils contemplent les prémices en Jésus et en vous-même. Aidez-les à porter le poids de l'humble et souvent dure fatigue quotidienne et réconfortez-les par l'attente confiante de l'éternelle et parfaite Pâques de la grande famille humaine dans la maison du Père, parmi les splendeurs du ciel. Ainsi soit-il.

LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A L'OCCASION DU IVe CONGRÈS DE L'UNION INTERNATIONALE DE LA PRESSE CATHOLIQUE

(29 avril 1954) 1


Le IVe Congrès international de la Presse Catholique s'est tenu à Paris le 3 mai 1954, sous la présidence du Comte Dalla Torre.

L'Union Internationale de la Presse Catholique, qui s'apprête à tenir à Paris son IVe Congrès, sert, dans la vie catholique contemporaine, une cause trop importante pour que le Souverain Pontife ne saisisse pas volontiers l'occasion qui Lui est offerte d'adresser de nouveau à tous les membres de l'Union Ses encouragements et Ses directives. Les enseignements si pénétrants que Sa Sainteté donnait, il y a trois ans, aux Congressistes de Rome sont sans nul doute encore dans toutes les mémoires, et ils éclaireront utilement les présents débatsz. Cette année, le Saint-Père, s'inspirant du thème de votre Congrès, voudrait par mon entremise, vous dire paternellement ce que l'Eglise attend aujourd'hui de la presse catholique dans le monde.

Les journaux catholiques doivent avoir une grande valeur technique.

En raison même de la haute mission qui lui incombe, il faut tout d'abord que la presse catholique soit, au service de i'Egli-

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano du 5 mai 1954.

2 Cf. Discours aux journalistes catholiques, du 18 février 1950, dans Documents Pontificaux 1950, p. 46.



se un instrument de qualité, une presse techniquement valable. De nos jours, en effet, les exigences professionnelles qui s'imposent au directeur du journal ou d'agence, et au journaliste lui-même, sont devenues à la fois plus rigoureuses et plus pressantes. Et l'on ne peut qu'apprécier à cet égard le désir qu'ont manifesté les membres du Congrès de se pencher de près sur les conditions d'exercice de leur métier, pour mettre en commun les expériences réalisées, confronter les méthodes, stimuler les recherches.

Le propre du journalisme, ce qui en particulier le distingue des autres moyens d'agir sur l'opinion publique, c'est d'être lié à l'événement du jour et de s'adresser à un lecteur principalement soucieux de l'information. C'est donc à l'occasion des faits quotidiens, de leur contrôle, de leur présentation, de leur commentaire, que le publiciste doit le plus souvent faire oeuvre de vérité et d'éducation des esprits. Mais pour être lu, pour exercer une influence, encore faut-il être maître dans l'art de parler à l'opinion le langage qu'elle entend. On ne s'improvise pas journaliste. Dans cette rude bataille de la presse, le zèle le plus généreux ne peut aujourd'hui suppléer à ce savoir-faire indispensable, et l'on ne saurait trop attirer l'attention des responsables de la presse catholique sur l'effort qui s'impose à tous en ce domaine.

Il appartient d'ailleurs à l'Union Internationale que vous présidez et aux trois Organisations professionnelles qu'elle rassemble, de favoriser par des moyens adaptés les initiatives propres à confirmer et à accroître toujours davantage cette qualité technique de la presse. Mais déjà il faut remercier ici le Secrétariat Permanent de l'Union du bon travail qu'il accomplit depuis sa fondation sur ce plan professionnel.

Si l'Eglise demande à la presse catholique ce premier témoignage d'une authentique valeur, c'est en raison de l'irremplaçable service qu'elle attend de ceux de ses fils qui ont mission de servir et d'éclairer l'opinion publique.

Le journaliste catholique doit être authentique fils de l'Eglise.

Le monde est, en effet, engagé dans un combat spirituel dont nul n'ignore l'enjeu. Une immense vague d'athéisme déferle sur le monde et rarement l'action contre la religion du Christ se fit plus pénétrante, et plus systématique. Jusque dans les rangs catholiques, on rencontre des fidèles ébranlés dans leur confiance en la mission de l'Eglise ; on entend même parfois de leur part d'amères critiques à l'adresse de cette Eglise qu'ils rendraient volontiers responsable, par ses propres défaillances, des progrès de ses adversaires, tandis que ceux-ci seraient dignes de toutes les indulgences. En présence d'un tel ébranlement de l'opinion publique, devant l'impatience des uns, le découragement des autres, quel sera aujourd'hui le premier devoir du journaliste catholique ? Avant tout, 0 sera un fils de l'Eglise, empressé à servir sa Mère ; il aura plus que tout autre le sens et l'amour de l'Eglise.

Commentant un jour devant des prêtres de Rome, le Credo sanctam Ecclesiam catholicam de notre profession de foi, le Saint-Père s'écriait : « Montrez-la, chers fils, cette Eglise, Mère des âmes, visible sur la montagne, lumière des peuples ; visible dans sa vie, dans son histoire, dans ses luttes et dans ses triomphes, dans son culte, ses sacrements, ses ministres, sa hiérarchie ; visible en cette Rome où le Vicaire du Christ est le centre de son unité et la source de l'autorité... Faites aimer et vénérer une si sainte Mère ! » Et Sa Sainteté ajoutait cette exhortation toujours opportune : « Réveillez et ravivez chez tous les fidèles, en particulier chez les jeunes, cette force spirituelle aujourd'hui si nécessaire, mais qui trop souvent leur fait défaut : le sens de l'honneur catholique. C'est la louange et l'admiration du fils pour sa Mère. C'est le sentire cum Eccle-sia. C'est la conscience que, pour les fidèles, la religion, le Christ et l'Eglise sont tout un » 3.

Ces paroles du Pontife ne tracent-elles pas leur tâche aux journalistes catholiques eux-mêmes ? Tandis que certains s'abandonnent au doute et à la critique, le journaliste catholique, digne de ce nom, mettra sa plume au service « de la vérité catholique sans la diminuer, ni la cacher sous prétexte de ne pas offenser les adversaires de la foi »4. Il démasquera l'erreur, de quelque nom qu'elle se couvre. Il servira avec coeur les grandes causes de l'Eglise selon son esprit et ses directives, dans le champ en particulier de la justice sociale et de la paix internationale. Il se fera un devoir d'éclairer l'opinion sur la lutte impitoyable menée en certains pays contre l'Epouse du Christ,

Discours du 17 février 1942, A. A. S., 34, 1942, p. 141. Pie XI, Encyclique Rerum Omnium, A. A. S., 15, 1923, p. 61.

et celle-ci apparaîtra de ce fait plus grande aux yeux des fidèles, et même des hommes de bonne foi, par le martyre de ses évêques, de ses prêtres et de tant de ses fils.

Le journaliste catholique sera toujours respectueux de la morale catholique.

Tâche magnifique, en ces heures troublées où des chrétiens ont besoin d'être affermis peut-être dans leur attachement à l'Eglise, éclairés du moins sur la vraie portée de ses décisions, sur le sens de son action à travers tant de vicissitudes et d'obstacles. Homme de caractère, selon la définition du Saint-Père, le journaliste catholique possédera « l'amour profond et l'inaltérable respect de l'ordre divin, qui anime et embrasse tous les domaines de la vie ; amour et respect qu'il ne doit pas se contenter de sentir et de nourrir dans le secret de son propre coeur, mais qu'il doit cultiver dans ceux de ses lecteurs » 5. Et cette attitude de loyauté filiale, de docilité confiante, l'Eglise la lui demande à l'heure surtout où les chrétiens doivent donner dans l'obéissance la mesure de leur fidélité. C'est alors que l'objectivité de son information, la fermeté de son jugement, l'humilité de sa propre déférence à l'autorité religieuse pourront être pour beaucoup un exemple salutaire et l'appui indispensable au milieu des remous d'une opinion qui s'égare. Véritable apostolat par la plume, dont nous ont laissé l'exemple « tant d'hommes véritablement grands, honneur et gloire du journalisme et de la presse catholique des temps modernes !6 ».

Le journaliste catholique doit être animé par la foi.

En leur recommandant ces vertus professionnelles, le Saint-Père aime enfin à rappeler aux Congressistes que l'accomplissement de ce service d'Eglise doit être constamment animé par une foi vive. L'attitude du publiciste chrétien à l'égard de l'Eglise qu'il sert ne saurait en effet être assimilée à celle du journaliste vis-à-vis d'un Gouvernement dont il juge les actes. A travers les Evêques et le Pasteur Suprême, c'est Jésus-Christ lui-même qui conduit son Eglise. Et c'est pourquoi, « si elle parle et porte un jugement sur les problèmes du jour, c'est avec la conscience claire d'anticiper, par la vertu du Saint-Esprit, la sentence qu'à la fin des temps, Son Seigneur et Chef, Juge de l'Univers, confirmera et sanctionnera »7. Aussi en fils aimant, et en homme de foi, conscient de sa responsabilité, le publiciste catholique se gardera avec soin d'attribuer les décisions ou les enseignements de la hiérarchie à des motifs humains, à un défaut d'information ou à l'ignorance des besoins de notre temps. Heureux au contraire de donner aux documents du Magistère l'importance et la place qui leur reviennent, il consacrera volontiers sa plume à propager les enseignements de l'Eglise et à seconder ses directives, sûr de travailler ainsi au bien spirituel et temporel de ses frères.

C'est avec la confiance que les membres du Congrès International de Paris travailleront utilement à développer la valeur de la presse catholique dans leurs différents pays, et à multiplier entre eux les contacts fraternels, avec la confiance aussi qu'ils aimeront se mettre tous d'un coeur unanime au service de l'Eglise leur Mère, que le Souverain Pontife appelle sur leurs travaux une grande abondance de grâces et leur envoie bien volontiers, ainsi qu'à vous-même et au méritant Père Ga-bel, organisateur du Congrès, la faveur d'une large et très paternelle Bénédiction apostolique.






LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI PRO-SECRÉTAIRE D'ÉTAT A L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

(29 avril 1954) 1


L'Action Catholique Italienne tenait son assemblée générale à Assise les 1er et 2 mai 1954. C'est en cette occasion que Son Em. le Cardinal Piazza, Président de la Commission episcopale pour l'Action Catholique reçut la lettre suivante :

L'Assemblée Générale de l'Action Catholique Italienne se réunit cette année à Assise, alors que l'Eglise et spécialement le monde franciscain s'apprêtent à célébrer le VIIe centenaire de la consécration de la Basilique, qui, dans une merveilleuse synthèse d'art, sur la colline qui fut un jour celle de l'Enfer et est appelée aujourd'hui Colline du Faradis, chante la gloire de la foi et conserve les restes vénérés du « Poverello » d'Assise, protecteur de l'Action Catholique Italienne.

La localité choisie s'y prête d'ailleurs fort bien : dans la lumière resplendissante de saint François s'insérera harmonieusement le programme assigné à l'assemblée de cette année, à savoir l'étude de certains problèmes sociaux d'aujourd'hui.

1 D'après le texte italien de i'Osseroaf0re Romano des 3 et 4 mai I9Î4.




En effet, en plus d'un examen sur les développements de l'organisation, l'assemblée s'occupera des répercussions, de caractère principalement moral, qui résultent des problèmes de l'habitation, du travail et de l'assistance, et qui doivent appeler l'attention des dirigeants les plus qualifiés de l'Action Catholique. Il est évident que celle-ci ne peut ni ne veut s'immiscer dans le domaine des responsabilités et des compétences propres aux autorités publiques, mais elle peut et doit étudier ces problèmes sous l'aspect qui la concerne et l'intéresse directement, en fournissant des conclusions et des indications auxquelles ces mêmes autorités ne peuvent que donner toute leur attention. S'il est vrai, en fait, que l'Action Catholique, selon sa nature, se propose précisément de reconquérir au Christ la société moderne par l'apostolat religieux, il n'est pas moins vrai qu'elle suit de façon concrète les problèmes de ce genre, là où ils surgissent et se posent, pour chercher à les affronter et à les résoudre de la meilleure manière.

En vue même de cette noble tâche, le Souverain Pontife espère avec confiance que Sa très chère Action Catholique Italienne, avec ce haut sens de responsabilité démontré en tant d'occasions au cours de sa glorieuse histoire, ouvrira une nouvelle page de son apostolat répondant particulièrement aux besoins de l'Eglise à l'heure actuelle.

Au-dessus de toute insinuation tendancieuse propagée par ceux qui cherchent à troubler la vie de l'Action Catholique Italienne, cette assemblée envisagée et préparée depuis plusieurs mois, servira à démontrer que ce ne sont pas des résolutions privées de sensibilité sociale, mais une compétence experte, une sollicitude inlassable et un fraternel amour envers le peuple, qui, au sein de la grande et méritante association, inspirent les intentions et les actes des dirigeants, aussi bien nationaux que diocésains ou locaux.

Avec l'étude de ces questions, l'Action Catholique Italienne trouve une occasion toute particulière et propice pour manifester sa fidélité au magistère social de l'Eglise qui de tout temps a su tirer du trésor de la Révélation ces principes impérieux et immortels, parce que divins, qui dirigent l'individu et toute la société humaine et qui, à toute époque, réclament des applications sages et appropriées.

Avec un esprit exemplaire de filiale dévotion, l'Action Catholique Italienne, à tout moment de sa vie, s'est toujours tenue à cette fidélité à l'égard des règles d'orientation du Saint-Siège : sans aucun doute ce même esprit guidera les travaux de ses séances actuelles.

La figure séraphique du « Poverello » d'Assise, qui sur son sol parle aux pèlerins avec un charme spirituel inépuisable, doit servir à démontrer que la semence de la vie chrétienne dans la société est féconde, — là où l'esprit surnaturel est la lumière qui guide le chrétien sur son chemin, — et que l'unité des fidè-



les dans la docile et joyeuse obéissance au Pasteur Suprême est une condition et un gage de véritable succès.

En attendant, Sa Sainteté se plaît à invoquer sur cette assemblée, en la douce occasion de l'Année Mariale et au début du mois consacré à la très Sainte Vierge, les bénédictions de la Reine du Ciel, et en présage de ses faveurs maternelles, envoie de tout coeur à tous les assistants Sa Bénédiction apostolique.


LETTRE A S.E. MOGR MOSCATO ARCHEVÊQUE DE SALERNE POUR LES FÊTES DU Xe CENTENAIRE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES DE SAINT MATTHIEU - 1er mai 1954

1

Selon l'obligeante lettre que vous Nous avez envoyée, il y a dix siècles que le tombeau de saint Matthieu, Apôtre et Evangéliste est, selon une pieuse tradition, conservé et vénéré à Salerne : cet événement est certes digne de mémoire, mais aussi de nature à ranimer au plus haut point la piété populaire et à la transformer en pratique de la vertu chrétienne. Toujours en effet, au cours des âges, les citoyens de cette ville et de cette région ont considéré comme une sauvegarde2 cet admirable temple où repose le tombeau, consacré des propres mains de Notre Prédécesseur Grégoire VII exilé pour sa force d'âme inébranlable dans la défense des droits de l'Eglise : tant dans les événements heureux que dans les malheurs et les troubles, ils y allèrent prier, soit pour rendre grâces à leur céleste Patron pour les bienfaits reçus, soit pour écarter par son efficace intercession les maux, les dangers, les périls imminents qui fondaient sur eux.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 210.

2 Le Pape écrit : « le Palladium ».




S'il en fut toujours ainsi, Nous souhaitons que cela soit d'une manière toute particulière pendant la célébration des fêtes commémoratives qui mettront devant tous les yeux vos nombreux et glorieux souvenirs. Dans un projet digne de louange, vous avez donc décidé, comme Nous l'apprend votre lettre, de réunir à Salerne un nombre imposant d'assemblées et de congrès et de promouvoir à cette occasion des entreprises variées et salutaires. Parmi ceux-ci, il Nous plaît surtout de rappeler le Concile Plénier de cette région : Nous avons le ferme espoir que les Prélats qui y participeront et y confronteront leurs avis, y prendront dans leur prudence et leur ardeur apostolique les décisions que postulent les besoins de leurs troupeaux respectifs et les circonstances actuelles. Et Nous n'attendons pas moins de profit, tant des assemblées particulières qui auront lieu dans chaque paroisse que du Congrès de toute l'Italie, dans le but de promouvoir la lecture attentive de l'Evangile, son étude sérieuse et sa méditation assidue, pour que ses préceptes se traduisent dans la vie avec ardeur et efficacité. Aussi longtemps en effet que la divine doctrine de Jésus Christ ne parle pas, n'agit pas dans le foyer domestique et dans la société civile, ou — ce qui est encore plus nuisible — est méprisée et combattue, les hommes ne peuvent absolument d'aucune manière efficace être rappelés à une vie qui soit la vraie vie, ne peuvent être amenés d'aucune manière solide et sûre à la vertu, à la concorde fraternelle et à cette paix sincère et ferme qui doit être nourrie de justice et de charité chrétienne. Puissent donc y contribuer puissamment les congrès que vous allez tenir ; et qu'en une affaire si importante vous soyez aidés par les prières et le patronage de l'Apôtre Matthieu, qui le premier, selon la tradition, écrivit les actions, les préceptes et la doctrine de Jésus-Christ.

Mais parce que s'écoule l'Année Mariale, vous avez très judicieusement décidé qu'à travers la lecture, l'explication et la méditation de l'Evangile, il fallait viser à exciter une ardente piété envers la Mère de Dieu et notre très douce Mère, utilisant aussi dans ce but des moyens particuliers qui, comme le Pèlerinage Mariai à organiser dans chaque paroisse, peuvent grandement entretenir et nourrir cette piété.

Il ne faut pas non plus passer sous silence les autres initiatives dont parlait votre lettre, comme les expositions missionnaires et d'art sacré et le Congrès des médecins catholiques, lequel étant tenu dans cette ville qui fut déjà maîtresse très célèbre en cet art, trouvera chez vous un siège bien adapté.

Nous souhaitons et demandons instamment à Dieu pour vos solennités ce qui doit être le principal, c'est-à-dire que la doctrine la plus intègre de l'Evangile, dont saint Matthieu fut l'adepte invincible, l'Apôtre très zélé et enfin le martyr, pénètre les âmes et les esprits, et de là envahisse les veines delà société elle-même, comme la nourricière très puissante de toutes les vertus religieuses et civiques.

Confiant en cette douce espérance, Nous vous accordons très volontiers dans le Seigneur, tant à vous, Vénérable Frère, et à tout le troupeau confié à vos soins, qu'à tous ceux— Evêques, clergé et peuple - qui participeront à vos solennités jubilaires, la Bénédiction apostolique, augure des faveurs célestes et témoin de Notre bienveillance.


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Pie XII 1954