Pie XII 1954 - LETTRE A S.E. MOGR MOSCATO ARCHEVÊQUE DE SALERNE POUR LES FÊTES DU Xe CENTENAIRE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES DE SAINT MATTHIEU - 1er mai 1954

ALLOCUTION AUX ÉCOLIERS D'ITALIE

(2 mai 2954) 1


Pie XII accordait pour la première fois après sa maladie, une audience à 20.000 enfants réunis dans la Basilique Saint-Pierre :

Quand — voici quelques instants — Nous avons passé au milieu de vous, en écoutant vos cris d'enthousiasme, votre gazouillis comme celui d'oiseaux voletants et mélodieux, en observant la joyeuse agitation de vos mains et l'éclat de vos yeux limpides et lumineux, Notre esprit a été inondé d'une joie émue. Vous étiez si heureux, si souriants ! Nous avions pour ainsi dire l'impression d'être arrivé dans un merveilleux jardin, riche en fleurs, en parfums, en harmonie, en lumière.

Merci, chers enfants, pour la joie que vous Nous avez procurée en participant, ici à Rome, aux célébrations de l'Année Mariale. Vous êtes, avec vos chers et méritants instituteurs, les bienvenus en ce lieu, qui rarement peut aussi bien s'appeler la « Maison du Père », que lorsqu'elle est envahie par les plus petits de Nos fils.

Et vous ne devez pas craindre que le Pape soit dérangé par votre visite ni que d'autres aient pensé à y opposer des obstacles quelconques. Tous savent que le Vicaire de Jésus aime les enfants et les veut auprès de Lui ; et si c'était possible, le Pape descendrait volontiers au milieu de vous pour parler avec chacun, pour poser sa main bénissante sur votre front, avec une immense et affectueuse tendresse.

Mais Nous tenons au moins à vous dire quelques simples paroles, que vous écouterez, Nous en sommes sûr, comme si elles sortaient en quelque sorte des lèvres de Jésus. C'est Lui, en effet, qui vous parle par Notre intermédiaire.

Il y a des dangers sur la route.

Nous désirons avant tout vous manifester l'anxiété paternelle qui naît dans Notre coeur, quand Nous voyons reflétée dans vos yeux l'innocence qui enchante les hommes, ravit les anges et émeut le Coeur même de Dieu. Qui sait, en effet, ce que deviendra peut-être un jour votre facile et joyeuse allégresse ? Il pourrait même se faire — et Notre âme devient triste rien qu'à y penser — que le soleil de votre enfance soit dans l'avenir couvert de nuages menaçants.

Vous rappelez-vous ? Quand Jésus cheminait sur les chemins de la Judée, les enfants accouraient pour lui faire fête et les mères les Lui présentaient, triomphant des oppositions de ceux qui craignaient de les voir ennuyer Jésus. Aujourd'hui, malheureusement, il y a un grand danger qu'il n'en soit plus ainsi ; que certains enfants ne soient plus — comme avant — les petits amis de Jésus.

Il y avait une fois un enfant brave et bon, qui faisait la consolation et la joie de ses parents. Un jour, il fut envoyé par eux faire une commission hors du village, et il s'en alla, marchant tranquillement vers le but, sur un chemin de campagne. Il regardait les arbres en fleurs, il écoutait le chant des oiseaux ; tout l'invitait à la paix, à l'allégresse. De temps en temps, il se baissait pour cueillir de petites fleurs des champs, car il voulait les apporter en cadeau à sa maman, quand, à l'improviste, il vit un serpent sortir de l'herbe où il était caché ; et avant qu'il pût se défendre, il se sentit mordu, et la blessure entraîna bientôt tous les symptômes de l'empoisonnement. Quelques heures plus tard, l'enfant mourait entre les bras de sa mère, qui l'appelait vainement au milieu de ses larmes.

Satan rôde autour des enfants.

Combien de pauvres petits courent aujourd'hui le danger d'être empoisonné par un serpent encore plus insidieux, le serpent infernal ! Qui pourrait alors les reconnaître ? Pour eux la Sainte Eglise pleurerait, et il ne serait pas facile, dans un cas pareil, de la réconforter et d'essuyer ses larmes de mère triste et douloureuse. Ce serpent venimeux circule dans le monde, déguisé de tant de manières, et maintenant il semble qu'il veuille attaquer spécialement les enfants pour les arracher à Jésus, pour les éloigner du prêtre et de l'église. Aujourd'hui il est fort à craindre que les enfants soient assaillis, blessés et tués dans l'âme.

Attention, chers enfants. Alors que vous cheminez dans les rues ou que vous participez aux jeux enfantins ; quand vous avez en mains certains journaux et même certains livres ; quand il vous arrive d'assister à des spectacles que le progrès vous a apportés jusqu'à l'intérieur des murs de vos maisons ; faites attention ! Souvent il y a le serpent caché, qui veut vous mordre, qui veut vous arracher à Jésus. Ne vous arrêtez pas à le regarder : il pourrait vous fasciner et, alors, vous seriez perdus ! Dès que vous vous apercevrez que vous êtes menacés, appelez aussitôt, courez vers votre maman et, surtout, adressez-vous à la Mère céleste, à Marie, qui possède la force de Dieu et qui est toujours près de vous. Invoquez votre ange gardien, afin qu'il vous éclaire et qu'il vous soutienne.

Pour ne pas devenir les victimes du serpent, pour vous conserver bons, vous devrez faire tout ce que Jésus vous enseignera par l'intermédiaire de vos parents, de vos maîtres, de vos prêtres. Apprenez à connaître le petit Jésus, aimez-Le et suivez-Le sur le sentier qu'il parcourt et qu'il vous montre. Il marche devant vous et il vous avertit : « Tu ne dois pas faire cela parce que c'est mal ! ». D'autres fois : « Cela tu peux le faire, tu dois même le faire pour me ressembler et pour me prouver que tu m'aimes ». Quelle joie pour le Pape de savoir qu'il y a beaucoup d'enfants résolus à imiter le divin Jésus ! Voulez-vous être, vous aussi, chers fils, bons comme Jésus ?

— braves comme Jésus ?

— obéissants comme Jésus ?

Oh ! peu importe que vous soyez petits ou faibles ; peu importe que le mal vous attire ou que le démon vous tente : Jésus ne vous laissera jamais seuls, il demeurera à côté de vous, il vous soutiendra quand vous serez sur le point de tomber. Et quand vous serez las, la Sainte Vierge sera avec vous et vous prendra dans ses bras avec une tendresse maternelle.

Dites : aimez-vous vraiment la Sainte Vierge ? Alors vous devez apprendre à dire un beau « oui » chaque fois qu'elle vous demandera quelque chose. Elle vous exhortera à prier, elle vous suggérera d'être studieux ; et vous lui répondrez toujours avec un beau « oui ». Vous la contenterez en tout et elle vous fera devenir sur la terre comme de petits anges, les préférés de Jésus. Dites-lui que souvent, même chaque jour lorsque cela sera possible, vous voudriez vous nourrir de Lui. Et elle vous ouvrira les tabernacles et elle déposera de ses mains pour ainsi dire la Sainte Hostie dans vos coeurs. Vous serez ainsi autant de petits saints, qui rendront sans cesse plus belle et plus resplendissante la couronne qui orne l'Eglise.

Eglise compte sur les prières des enfants.

Et maintenant, chers fils, Nous voulons vous bénir de tout Notre coeur. Mais, avant tout, Nous voulons de nouveau Nous recommander à vous. Vous êtes les amis de Jésus, et Nous avons confiance qu'il ne refusera rien à votre innocente prière. Oh ! combien est ému Notre coeur chaque fois que Nous méditons dans l'Evangile les rencontres des enfants avec Lui ! Quand Hérode le cherchait pour le tuer, les enfants de Bethléem lui s au-vèrent la vie par leur propre mort ; quand il fallut rassasier les foules au moyen d'un miracle, Jésus accepta d'un enfant les pains d'orge et les poissons pour les multiplier et les distribuer à tous 2 ; et quand Jésus entra triomphalement dans Jérusalem et que toute la cité en fut transportée, on peut bien penser que les enfants furent parmi les premiers à aller au-devant de lui pour lui faire fête avec les branches de palmiers 3 et l'acclamèrent dans le temple au cri de « Hosanna au Fils de David !4 ». Pendant ce temps, les ennemis du Rédempteur frémissaient d'indignation et tentaient de faire taire les disciples et la foule 5.

Aujourd'hui encore, chers enfants, on veut combattre Jésus, parce qu'on voudrait détruire son Eglise. Certes — et vous le savez bien — les portes de l'enfer ne pourront pas prévaloir contre elle et les ennemis de Dieu seront vaincus encore cette fois. Mais l'Eglise a besoin de tant de force pour soutenir les luttes qui sont dirigées contre elle de divers côtés. Pour ces luttes, pour les transformer en autant de victoires, le Pape compte également sur vous et sur tous les enfants d'Italie ; Il compte spécialement sur votre prière et sur vos petits sacrifices.

Jean, 6, 9-11. Jean, 12, 13. Matth. XXI, 15. ibid., 16.




Demandez donc à Jésus qu'il protège l'Eglise, qu'il brise l'assaut de ses ennemis, qu'il sauve tous les hommes, surtout ceux qui ont le plus besoin de sa miséricorde. Faites une douce violence à son Coeur divin et hâtez l'avènement de jours meilleurs aux aurores plus sereines, aux couchants plus resplendissants.

Et puissiez-vous être — comme à l'entrée dans Jérusalem — parmi les promoteurs d'un nouveau triomphe pour le grand Ami des enfants : pour Jésus-Christ, Sauveur du monde.


TÉLÉGRAMME AU MARÉCHAL PAPAGOS A L'OCCASION DES TREMBLEMENTS DE TERRE QUI ONT FAIT DES VICTIMES EN GRÈCE

(7 mai 1954) 1




En 1953 déjà des tremblements de terre dans les Iles Ioniennes avaient fait près de 400 morts et 1000 blessés, cette année encore un nouveau sinistre affecta la Grèce ; c'est pourquoi le Pape envoya le télégramme suivant au Premier Ministre : le Maréchal Papagos.

1 D'après le texte français de VOsservatore Romano du 9 mai 1954.




Douloureusement affecté par les nouvelles qui Nous parviennent de l'épreuve dont la Grèce est encore une fois le théâtre, Nous tenons à vous dire la part que Nous prenons aux souffrances de votre Patrie, invoquant de grand coeur sur les familles des malheureuses victimes l'abondance des divins réconforts, et vous assurant de Notre constante bienveillance envers le peuple hellénique.



RADIOMESSAGE AU X\2e \0CONGRÈS DES CATHOLIQUES SUISSES

(16 mai 1954) 1


Le dimanche 16 mai avait lieu à Fribourg le dixième Congrès des Catholiques Suisses. Pie XII envoya à l'assemblée le message suivant :

Chers fils et chères filles, guidés par vos pasteurs, Nos Vénérables et très dignes Frères, vous vous êtes réunis cette année à Fribourg pour tenir les assises solennelles de la Suisse catholique. Parmi les villes qui s'enchâssent comme des pierres précieuses dans les merveilles naturelles de votre pays, Fribourg est l'une des plus belles, riche aussi en trésors de culture et, depuis toujours, citadelle de la foi et de la vie catholique dans votre patrie.

Mais la beauté de la ville que baigne la Sarine est aujourd'hui largement dépassée par la magnificence de Celle à qui votre Congrès est consacré, Marie, la Vierge conçue sans tache et la Mère de Dieu. Sa splendeur éclatante est lumière et force ; lumière qui éclaire la richesse et la profondeur des vérités de la foi chrétienne, force qui déborde dans la volonté et le coeur et rend capable de traduire cette foi en actes jusque dans le moindre détail.

Quand Nous avons proclamé l'Année Mariale, pour le centenaire de la définition de l'Immaculée Conception, Nous l'avons fait précisément dans l'intention et l'espoir de voir, par la puissante intercession de Marie, la foi vivante croître et se fortifier dans l'Eglise catholique elle-même, dans ses fils et ses filles, pour endiguer le matérialisme qui monte comme une marée.

L'Eglise approuve le progrès matériel, à condition qu'il y ait en même temps progrès spirituel.

Le progrès matériel par la recherche et l'exploitation des forces naturelles poursuit sans arrêt son chemin et l'Eglise approuve cette évolution, même dans ses principes, mais elle y joint un avertissement pressant : quand le progrès matériel n'est pas contrebalancé par des forces religieuses et morales puissantes, il risque de devenir le chancre de la société humaine. Où devrait-on trouver ces forces sinon dans l'Eglise catholique et chez ses croyants ?

Or aujourd'hui il y a un mouvement général de « dé-spiritualisalion ».

Le matérialisme, le processus de laïcisation de toute l'existence se déploie dans le domaine spirituel et religieux : la pensée de Dieu, le respect et la crainte de Dieu sont bannis de plus en plus de la vie publique, de la famille et par là aussi, presque fatalement, de la vie de l'individu. Ce processus est déjà fort avancé.

Aussi les catholiques doivent-ils réagir.

A qui incombe-t-il de faire front sinon à vous, enfants de l'Eglise catholique ? Par vos prières, votre amour du Christ, votre lutte contre le péché et pour la pureté de l'âme dans tous les sens, par toutes ces valeurs suprêmes de la vie religieuse et ce qui en est le fruit : votre engagement public pour la cause de Dieu, du Christ et de son Eglise.

Et d'abord sur le plan familial.

Les difficultés du mariage et de la famille s'accroissent, de même que s'accentue leur éloignement des préceptes essentiels et des commandements de Dieu. Vous en avez d'autant plus, chers fils et chères filles, le devoir d'observer parfaitement la loi de la nature et celle du Christ, avec l'aide de la grâce qui est offerte à tous. Ce n'est pas l'heure de la pusillanimité ni des concessions qui répugnent à la conscience, mais de la ténacité courageuse et de la persévérance.



D'après le texte français, allemand et italien des A. A. S. XXXXVI, 1954, p. 524.



II faut pratiquer le renoncement.

La soif de jouissances grandit de façon inquiétante. Ce fait ne doit-il pas vous inciter à la simplicité dans le train de vie, à la pénitence volontaire et au renoncement ? Aux époques dangereuses, aux époques décisives pour la religion, l'Eglise a toujours compté sur le sacrifice personnel de ses croyants. C'est vrai aujourd'hui encore. Agissez donc en conséquence !

Pour résoudre les problèmes sociaux il faut d'abord revenir à la foi chrétienne.

Les différents peuples et l'humanité dans son ensemble se trouvent devant des questions de droit, d'économie et d'ordre social difficiles à résoudre. L'Eglise et les catholiques des divers pays sont conscients du devoir qu'ils ont de contribuer de leur mieux à la solution de ces questions. Leurs convictions religieuses en doivent être d'autant plus assurées. Car indépendamment du fait que toutes les obligations morales sont aussi des devoirs religieux, ils n'accompliront rien de grand et de décisif, même pour le bien temporel, que soutenus par une foi inébranlable dans les vérités éternelles ; oui, cette foi est en elle-même la contribution la plus précieuse qu'ils peuvent apporter au bien général de ce monde.

Dans le combat contre le matérialisme, il faut lancer le mot d'ordre : « Revenons au christianisme des origines ! ». Il s'applique bien ici. Les chrétiens de ces premiers temps faisaient face à une culture païenne et matérialiste qui régnait en maîtresse. Ils ont osé l'attaquer et, finalement, ils se sont imposés, grâce d'ailleurs à leur ténacité opiniâtre et moyennant de lourds sacrifices. Imitez-les ! Daigne Marie, la Vierge puissante, la Mère de la divine grâce vous guider et vous bénir !
Pie XII énumère en allemand les titres de gloire de Fribourg.


Fribourg, où vous avez ces jours-ci, très chers fils et filles, sous le manteau protecteur de la Sainte Vierge, délibéré sur des problèmes de la vie catholique, est, depuis le temps où saint Pierre Canisius y déploya son activité réputée, la patrie des écoles. Vous avez vous-mêmes, au cours des dernières générations, couronné la vie scolaire de la Ville et du Canton, en fondant et en construisant l'Université catholique ; en outre, Fribourg abrite également dans ses murs le siège de Pax Romana

— cette grande organisation internationale de la jeunesse étudiante catholique.

Nous sommes heureux de cette occasion qui Nous est donnée de vous féliciter paternellement de ces créations. Nous accompagnons leur développement de Nos voeux les plus cordiaux. En les mentionnant, Nous ne pouvons pas ne pas évoquer la noble figure de l'homme auquel votre Université doit tant : Georges Python ; il a été défini par un de vos meilleurs hommes d'Etat, par Joseph Motta, « l'homme providentiel qui réunissait en lui la foi du charbonnier, le coup d'ceil du génie et l'ardeur de l'apôtre tout entier tourné vers l'action ».

Pape insiste sur la mission des intellectuels.

Et puisque Nous évoquons, pour l'honorer, le souvenir de ces hommes et femmes catholiques et de tous ceux qui leur sont apparentés spirituellement, laissez-Nous adresser un mot aux catholiques de l'Université et des classes dirigeantes.

Restez toujours conscients, dans votre activité scientifique du fait que toute pensée doit finalement aboutir à la connaissance d'une vérité absolue et inconditionnellement valable. Le relativisme de toute connaissance, y compris les lois suprêmes de la pensée et de l'Etre, est aussi contraire à l'ordre naturel qu'à l'ordre chrétien. Ces lois suprêmes conduisent inéluctablement à Dieu, et vice-versa la confession d'un Dieu personnel inclut celle de la vérité absolue. Loin d'être un obstacle à la recherche, la vérité absolue constitue bien plutôt son fondement nécessaire et sa meilleure garantie contre l'erreur.

Nous vous rappelons aussi une mission pleine de responsabilité qui vous incombe : donnez au peuple l'exemple d'une foi simple et humble. Vous vous êtes choisi comme patron, Nicolas de Flùe. Sa foi était aussi spontanée que profonde. Et même si vous prenez des géants de l'esprit, comme saint Augustin, qui est bien jusqu'ici le plus grand parmi eux, il était en même temps d'une authentique humilité et d'une foi très humble. Il reste à travers tous les siècles le modèle des intellectuels et des classes dirigeantes.

Donnez aussi à vos frères et soeurs l'exemple d'un amour intact envers l'Eglise. Là où se manifeste l'amour pour Marie, là se trouve aussi l'amour envers l'Eglise ; qui se dévoue à l'Eglise, se dévoue également à Marie. L'un appelle et conditionne l'autre.

Notre paternel intérêt s'adresse particulièrement à ceux d'entre vous qui sont dans la vie publique. Vous pouvez être fiers des forces populaires et des personnalités que vous avez mises au service de votre Patrie. C'est pourquoi Nous osons exprimer l'espoir de voir finalement, devant la juste sensibilité des meilleurs éléments de votre Nation, s'effacer jusqu'aux dernières traces du désastreux « Kulturkampf », qui date d'une époque dépassée.

Puissent l'intercession et l'aide puissante de saint Pierre Canisius, ce Maître de l'éducation et de l'école, ce Conseiller des puissants de son temps, que Fribourg compte, avec fierté parmi les siens, et dont il conserve pieusement la vénérable dépouille, veiller sur vous et sur votre travail en commun dans le domaine social et civique et lui faire porter d'abondants fruits.

Et continuant en italien, le Pape souligne les dangers que court le monde en poursuivant un progrès matériel auquel ne correspond pas un progrès spirituel.

Chers fils et filles !

Tandis que l'aube radieuse de progrès matériels toujours nouveaux et toujours plus grands semblerait promettre au monde un siècle de tranquillité et de bien-être, un sombre ruage sur le vaste horizon plonge au contraire l'humanité dans les ténèbres de l'angoisse et de la crainte, car les brillantes conquêtes de la science et de la technique, — si utiles de par leur nature à l'avancement des oeuvres de paix — se présentent elles-mêmes comme apportant la désolation et la ruine.

Notre dernier Message pascal2, effusion d'un coeur paternel, a voulu être l'écho de Notre douleur devant un spectacle si lamentable et un avertissement dans la terrible page de l'histoire présente sur la gravité des dangers qui menacent.

Ces dangers sont réels, mais ils ne troublent pas cependant le vrai chrétien, comme ils pourraient au contraire émouvoir le voyageur ignorant le but et qui serait assailli à l'improviste par la tourmente. Le vrai chrétien croit, lui, en la Providence divine qui dirige ses pas, le soutient et le réconforte, dans les moments faciles, comme dans les conjonctures difficiles.

faut avoir confiance en la Sainte Vierge.

Mus par cet optimisme chrétien qui ne peut jamais faire défaut parce qu'il est fondé non point sur le sable mouvant des calculs terrestres, mais sur le roc solide de la foi, nous tournons tous, chers fils et filles, avec une confiance filiale, le regard vers Marie, Mère de miséricorde, sous la puissante et universelle protection de laquelle nous mettons tout notre avenir. Et, par conséquent, nous recommandons :

à Elle, tout d'abord les prêtres, ministres de son divin Fils, afin que par la sainteté de leur vie, la pureté des moeurs, l'intégrité de la doctrine, le don total d'eux-mêmes à leur si haute vocation et leur inlassable activité au service de l'Eglise, ils soient les guides sûrs, dont le peuple de Dieu a besoin aujourd'hui peut-être plus que jamais ;

à Elle, les législateurs et les dirigeants de votre nation, pour que conscients de leur responsabilité, ils défendent toujours son vrai bien, spécialement en conformant ses lois aux préceptes divins ;

à Elle, tout son peuple, afin que, après avoir donné au monde d'admirables exemples de travail, d'ordre et d'harmonie, il puisse pratiquer consciencieusement aussi toutes ces autres vertus chrétiennes qui — dans une paix durable et dans la juste prospérité — rendent heureuses les nations ;

à Elle, également tous ceux qui ont abandonné la Maison du Père, de sorte qu'ils retrouvent la foi en Dieu et reconquièrent son amour paternel ;

à Elle, enfin, nous confions le monde entier, afin que Marie lui tende sa main secourable et le conduise à son Fils Jésus-Christ, Roi et Seigneur de l'Univers, vrai Dieu, lumière de l'humanité, Père et Rédempteur des âmes, auquel soit rendue toute gloire dans les siècles.

Sur vos très dignes Pasteurs, sur vos prêtres zélés, sur ceux qui parmi vous représentent avec tant d'honneur les autorités de l'Etat, sur vous tous, chers fils et filles, ici présents, ainsi que sur tous ceux qui écoutent Notre voix, sur votre patrie bien-aimée, que descende maintenant, en gage des plus abondantes grâces célestes, Notre paternelle Bénédiction apostolique.






LETTRE A L'OCCASION DU CINQUANTENAIRE DE LA SCUOLA DE BRESCIA

(16 mai 1954) 1


La Scuola de Brescia est un groupe d'intellectuels catholiques qui publie des revues et des ouvrages de portée apostolique.

Le travail difficile par lequel depuis cinquante ans la société d'édition « La Scuola » sert la cause de l'éducation de la jeunesse avec une conscience claire des besoins et une exemplaire persévérance dans ses résolutions, Nous invite à être présent à cette heureuse date, avec toute Notre reconnaissance à Dieu, Nos félicitations aux dirigeants et Notre vive satisfaction pour la riche semence jetée et l'abondante moisson récoltée.

Le splendide hommage des publications de tous genres qui Nous vient en ce moment de cette forge jamais rassasiée de progrès et de rendement et qui ne veut d'autre récompense que les conquêtes spirituelles dans le vaste champ de l'école italienne, est une nouvelle preuve de son travail et de son mérite.

Nous sommes heureux de pareilles victoires dues aux multiples et courageuses activités d'un foyer si actif tant en pensées qu'en actions. Rien ne Nous est plus agréable au cours de la célébration de ce cinquantenaire que de revoir avec Nos chers fils le chemin parcouru, pour renouveler des souhaits confiants de nouveaux accroissements dans ce qu'on peut appeler le noyau central, le point capital du renouveau chrétien espéré.

Si dans cette période assez longue de vicissitudes diverses, l'école italienne, privée et publique, a certainement amplifié et perfectionné son organisation, acquérant une conscience plus nette de sa haute mission spirituelle et sociale grâce au concours sage et assidu qu'a donné surtout à l'enseignement élémentaire et à la formation du corps professoral le centre de formation et de direction de la meilleure expérience pédagogique et didactique, personne cependant n'ignore les nécessités neuves et persistantes que demande l'activité persévérante d'une institution comme celle-là.

Tout autant qu'hier est urgente la nécessité d'affermir les principes catholiques dans l'école italienne pour la défense fidèle de ses nobles traditions, pour sa sauvegarde contre le msnque de fondements philosophiques et religieux auquel certains courants contraires d'idées et d'actions voudraient aujourd'hui la réduire, et pour que l'art d'enseigner, que le Christ dans son Eglise reconnaît comme principal, soit la source du témoignage vivant et éloquent de cette puissance de pensée sûre, de vigueur morale, de progrès social, d'interprétation féconde et sereine de la vie.

C'est dans cet espoir que Nous vous remercions de votre hommage, et plus encore de l'engagement que Nous sentons raffermi dans vos coeurs fidèles et dans tous ceux qui constituent la tête de cette méritante société d'édition.

Nous demandons pour vous au Seigneur les forces adaptées aux nécessités. Nous envoyons de tout Notre coeur, à vous cher fils et à vos collaborateurs dans une si noble tâche, Notre Bénédiction apostolique.



D'après le texte italien de VOssenatore Romano du 16 juillet 1954.

DISCOURS LORS DE LA CANONISATION DE SAINT PIE X

(29 mai 1934) 1


Le samedi soir, 29 mai 1954, sur la place Saint-Pierre, Pie XII procéda à la canonisation de Pie X *.

Cette heure d'éclatant triomphe que Dieu, qui élève les humbles, a préparée et comme hâtée, pour sceller l'ascension merveilleuse de son fidèle serviteur Pie X à la gloire suprême des autels, comble Notre âme d'une joie à laquelle, Vénérables Frères et chers fils, vous participez largement par votre présence. Nous rendons donc de ferventes actions de grâces à la divine bonté pour Nous avoir permis de vivre cet événement extraordinaire, d'autant plus que, pour la première fois peut-être dans l'histoire de l'Eglise, la canonisation formelle d'un Pape est proclamée par Celui qui eut jadis le privilège d'être à son service dans la Curie Romaine.

Date heureuse et mémorable, non seulement pour Nous qui la comptons parmi les jours fastes de Notre Pontificat, auquel la Providence avait cependant réservé tant de douleurs et de sollicitudes, mais aussi pour l'Eglise entière qui, groupée spirituellement autour de Nous, exulte à l'unisson d'une vive émotion religieuse.

Le nom si cher de Pie X traverse en ce soir radieux toute la terre, d'un pôle à l'autre, scandé par les voix les plus diverses ; il suscite partout des pensées de céleste bonté, des élans puissants de foi, de pureté, de piété eucharistique, et résonne comme un témoignage éternel de la présence féconde du Christ dans son Eglise. Par un retour généreux, en exaltant son serviteur, Dieu atteste la sainteté éminente, par laquelle plus encore que par son office suprême, Pie X fut pendant sa vie le champion illustre de l'Eglise et se trouve par là aujourd'hui le Saint que la Providence présente à notre époque.

Or, Nous désirons que vous contempliez précisément dans cette lumière la figure gigantesque et douce du Saint Pontife, pour que, une fois l'ombre descendue sur cette journée mémorable et rentrées dans le silence les voix de l'immense Hosan-na, le rite solennel de sa canonisation reste une bénédiction pour vos âmes et pour le monde un gage de salut.

Pie X fut d'abord préoccupé de rendre l'Eglise plus accessible, notamment en formulant le Droit Canon.

8 E supremi, du 4 octobre 1903. 4 Eph., 1, 10




1. Le programme de son Pontificat fut annoncé solennellement par lui dès la première Encyclique3 où il déclarait que son but unique était à'instaurare omnia in Christo *, c'est-à-dire de récapituler, de ramener tout à l'unité dans le Christ. Mais quelle est la voie qui nous ouvre l'accès à Jésus-Christ ? se demandait-il, en regardant avec amour les âmes perdues et hésitantes de son temps. La réponse, valable hier comme aujourd'hui et dans les siècles à venir, est : l'Eglise ! Ce fut donc son premier souci, poursuivi incessamment jusqu'à sa mort, de rendre l'Eglise toujours plus concrètement apte et ouverte au cheminement des hommes vers Jésus-Christ. A cette fin, il conçut l'entreprise hardie de renouveler le corps des lois ecclésiastiques de manière à donner à l'organisme entier de l'Eglise un fonctionnement plus régulier, une sûreté et une promptitude de mouvements plus grandes, comme le demandait un monde extérieur imprégné d'un dynamisme et d'une complexité croissants. Il est bien vrai que cette entreprise, définie par lui-même, « une oeuvre assurément difficile » était digne de son sens pratique éminent et de la vigueur de son caractère ; cependant il ne semble pas que la seule considération de son tempérament donne le dernier motif de la dif

ficile entreprise. La source profonde de l'oeuvre législative de Pie X est à chercher surtout dans sa sainteté personnelle, dans sa persuasion intime que la réalité de Dieu perçue par lui dans une incessante communion de vie, est l'origine et le fondement de tout ordre, de toute justice, de tout droit dans le monde. Là où est Dieu, régnent l'ordre, la justice et le droit ; et, vice versa, tout ordre juste protégé par le droit, manifeste la présence de Dieu. Mais quelle institution sur la terre devait manifester plus éminemment que l'Eglise, corps mystique du Christ même, cette relation féconde entre Dieu et le droit ? Dieu bénit largement l'oeuvre du Bienheureux Pontife, si bien que le Code de droit canon restera à jamais le grand monument de son Pontificat et qu'on pourra le considérer lui-même comme le Saint providentiel du temps présent.

Puisse cet esprit de justice, dont Pie X fut un exemple et un modèle pour le monde contemporain pénétrer les salles de Conférences des Etats où l'on discute de très graves problèmes, concernant la famille humaine, en particulier la manière de bannir pour toujours la crainte de cataclysmes terribles et d'assurer aux peuples une ère durable de tranquillité et de paix.

Pie X fut aussi un intrépide défenseur de la foi.

2. Pie X se révèle aussi champion convaincu de l'Eglise et Saint providentiel de nos temps dans la seconde entreprise qui distingue son oeuvre et ressembla, par ses épisodes parfois dramatiques, à la lutte engagée par un géant pour la défense d'un trésor inestimable : l'unité intérieure de l'Eglise dans son fondement intime : la foi. Déjà depuis son enfance, la Providence divine avait préparé son élu dans son humble famille, édifiée sur l'autorité, les bonnes moeurs et sur la foi elle-même vécue scrupuleusement. Sans doute tout autre Pontife, en vertu de la grâce d'état, aurait combattu et rejeté les assauts destinés à frapper l'Eglise à la base. Il faut cependant reconnaître que la lucidité et la fermeté avec lesquelles Pie X conduisit la lutte victorieuse contre les erreurs du modernisme, attestent à quel degré héroïque la vertu de foi brûlait dans son coeur de saint. Uniquement soucieux de garder intact l'héritage de Dieu au troupeau qui lui était confié, le grand Pontife ne connut de faiblesse en face de quiconque, quelle que fût sa dignité ou son autorité, pas d'hésitations devant des doctrines séduisantes mais fausses, dans l'Eglise et au dehors, ni aucune crainte de s'attirer des offenses personnelles et de voir méconnaître injustement la pureté de ses intentions. Il eut la conscience claire de lutter pour la cause la plus sainte de Dieu et des âmes. A la lettre, se vérifièrent en lui les paroles du Seigneur à l'Apôtre Pierre : « J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point, et toi... confirme tes frères » 5. La promesse et l'ordre du Christ suscitèrent encore une fois, dans la fermeté indéfectible d'un de ses Vicaires, la trempe indomptable d'un athlète. Il est juste que l'Eglise, en lui décernant à cette heure la gloire suprême à l'endroit même où depuis des siècles brille sans se ternir celle de Pierre et en confondant ainsi l'un et l'autre dans une seule apothéose, chante à Pie X sa reconnaissance et invoque en même temps son intercession pour se voir épargner de nouvelles luttes du même genre. Mais ce dont il s'agissait précisément alors, c'est-à-dire la conservation de l'union intime de la foi et de la science, est un bien si grand pour toute l'humanité que cette seconde grande oeuvre du Pontife est, elle aussi, d'une importance telle qu'elle dépasse largement les frontières du monde catholique.

Lorsque, comme le modernisme, on sépare, en les opposant, la foi et la science dans leur source et leur objet, on provoque entres ces deux domaines vitaux, une scission tellement funeste que « la mort l'est à peine plus ». On l'a vu en pratique : au tournant du siècle, on a vu l'homme divisé au fond de lui-même, et gardant cependant encore l'illusion de conserver son unité dans une apparence fragile d'harmonie et de bonheur basés sur un progrès purement humain, se briser pour ainsi dire sous le poids d'une réalité bien différente.

Le regard vigilant de Pie X vit s'approcher cette catastrophe spirituelle du monde moderne, cette déception spécialement amère dans les milieux cultivés. Il comprit qu'une foi apparente de ce genre, c'est-à-dire une foi qui au lieu de se fonder sur Dieu révélateur s'enracine dans un terrain purement humain, se dissoudrait pour beaucoup dans l'athéisme ; il perçut également le destin fatal d'une science qui, à l'encontre de la nature et par une limitation volontaire, s'interdisait de marcher vers le Vrai et le Bien absolus et ne laissait ainsi à l'homme sans Dieu, de-

Lc 22,32-


Pie XII 1954 - LETTRE A S.E. MOGR MOSCATO ARCHEVÊQUE DE SALERNE POUR LES FÊTES DU Xe CENTENAIRE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES DE SAINT MATTHIEU - 1er mai 1954