PieXII 1955 - II. MAXIMES CONCILIATRICES DE L'EGLISE POUR LA PREVENTION DES CONFLITS


LETTRE A MONSEIGNEUR DE SANCTIS A L'OCCASION DU TREIZIÈME CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT MARTIN PAPE ET MARTYR

(20 octobre 1955) 1

DISCOURS

AUX DÉLÉGUÉS DE L'UNION EUROPÉENNE DE RADIODIFFUSION

(21 octobre 1955) 1

Vendredi 21 octobre, le Saint-Père a reçu, à Castel-Gandolfo, les membres de l'Assemblée générale de l'Union européenne de radiodiffusion qui venait de se tenir à Rome. Etaient également présents des observateurs des nations d'autres continents. Il leur adressa la parole en ces termes :

En vous souhaitant une cordiale bienvenue, Messieurs, Nous avons hâte de vous confier le sentiment particulier d'admiration qui Nous envahit lorsque Nous avons considéré ce que vous représentez. L'homme rêvait de voir ses propres frères et de leur parler à distance, même à des centaines de kilomètres ; ce rêve est désormais une réalité.

Pour communiquer sa propre pensée, chaque créature humaine possède le don de la parole qui, une fois mise par écrit, peut atteindre les lieux les plus éloignés et se conserver dans le temps. Naturellement, ce moyen de transmission de la pensée n'eut jamais le degré d'intégrité qu'on obtint, il y a environ un siècle, lorsque la parole put être reçue directement à distance, grâce à la découverte des phénomènes de l'électricité et du magnétisme. Après être restée durant un certain temps asservie aux conducteurs métalliques, elle a pu ensuite se répandre librement dans tous les endroits de la terre, à la vitesse de 300 000 kilomètres à la seconde, portée par les ondes électromagnétiques. L'espace et le temps étaient ainsi vaincus ; mais la parole manquait encore de sa vraie perfection, parce que le visage de l'interlocuteur restait invisible. Et voici la merveille ! Confiée


UNION EUROPEENNE DE RADIODIFFUSION

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elle aussi aux ondes électromagnétiques, l'image parvient, avec la parole, à des centaines de kilomètres de distance, et la communication de la pensée devient ainsi directe et immédiate avec sa pleine efficacité.

Merveille de la création et du génie de l'homme.

Qui ne voit combien est admirable cette soumission constante et progressive de la nature à l'esprit et aux mains de l'homme : celui-ci créature et donc serviteur de Dieu, son Maître absolu, devient lui-même maître des créatures dont le cantique se fait toujours plus puissant et plus compréhensible. Et cependant, au coeur des succès récents, qui forment l'objet de votre Congrès, se trouve une créature infime, la plus petite particule connue jusqu'aujourd'hui : l'électron.

Regardons-le d'abord dans l'appareil récepteur.

L'électron sort d'un filament porté à haute température et, accéléré par un champ électrique, acquiert une vitesse de quelques milliers de kilomètres à la seconde. A l'intérieur du tube de télévision la particule accomplit sa trajectoire dans le vide et va heurter l'écran fluorescent, qu'elle excite au point d'impact, rendant ainsi ce point directement visible. Le pinceau électronique, sous l'action de deux champs électriques orthogonaux, décrit en une fraction de seconde des centaines de lignes horizontales, dont le nombre varie selon le système adopté : par exemple, dans le système italien, on a 625 lignes et 25 images complètes à la seconde, tandis que le système américain utilise 525 lignes et donne 30 images. L'image elle-même est constituée par une succession de points d'intensité variable, que l'oeil aperçoit dans une impression d'ensemble à cause du phénomène biologique de la persistance de la sensation rétinienne. Le même phénomène permet à l'oeil de suivre dans sa continuité dynamique la succession discontinue des images qui ne restent chacune sur l'écran qu'un 25e de seconde. Nous sommes aussi émerveillés, en voyant comment votre science et votre technique ont résolu les problèmes complexes et nombreux que présente la propagation des émissions : choix de la gamme des radiations, installation des stations répétitrices, recherche des endroits les plus adaptés, afin que la portée utile de la transmission soit la plus vaste possible, régularité et continuité du service, etc.

Si Nous regardons ensuite la source de la transmission, voici qu'apparaît de nouveau l'électron comme élément principal de ce spectacle merveilleux. L'image de l'objet à transmettre tombe sur la surface sensible de l'orthicon et, en chacun de ses points, produit un effet photoélectrique, proportionnel à l'intensité lumineuse, tandis que le faisceau électronique modulé avec la même fréquence et les mêmes caractéristiques que les faisceaux électroniques des appareils récepteurs, explore la surface elle-même. Par l'effet de la charge spatiale, présente aux différents points avec des densités diverses à cause de l'effet photoélectrique décrit ci-dessus, on obtient un courant électronique, qui est une fonction, point par point, de l'intensité de l'image primitive. Cette modulation de l'intensité du courant, après avoir été opportunément amplifiée, est confiée à l'onde électromagnétique qui se propage dans l'espace et qui, à son tour, est captée par les antennes des appareils récepteurs. Mais déjà vous réalisez de nouveaux progrès : de l'image en blanc et noir, on passe à la télévision en couleurs, qui ajoute encore à la perfection et à l'efficacité des communications à distance entre les êtres humains.

La portée et la valeur de ces moyens doivent vous amener, Messieurs, à considérer aussi les graves responsabilités qui pèsent sur quiconque, d'une manière ou d'une autre, en détermine l'usage, responsabilités dont Nous avons déjà traité à plusieurs reprises dans le passé 2. Permettez, toutefois, que Nous vous entretenions encore quelques instants de cet important sujet. La télévision entre déjà partout et y entrera toujours davantage : dans les locaux publics, comme dans l'intimité de la maison, si bien qu'il est possible à tous d'en jouir avec tranquillité et recueillement. Le bien et le mal, qui peuvent résulter actuellement ou plus tard des transmissions de télévision, sont donc incalculables et imprévisibles. Evitez absolument, par conséquent, qu'elle serve à répandre l'erreur et le mal, et faites-en, au contraire, un instrument d'information, de formation, de transformation.

La télévision élément complémentaire de la formation scolaire.

La télévision peut avant tout fournir un appoint aux écoles et rendre plus efficace l'enseignement, en devenant un élément complémentaire de la formation des élèves. Il ne s'agit pas, naturellement, de remplacer la parole directe du maître, auquel revient non seulement le devoir d'enseigner, mais aussi celui de recueillir les impressions de l'élève, d'en sentir les difficultés, de suivre ses progrès, d'éviter ou de corriger ses erreurs.

Mais souvent il n'a pas à sa disposition les moyens qui contribuent à rendre l'école plus efficace et aussi plus attirante. Le professeur d'histoire, par exemple, sera grandement aidé par la projection de documentaires intéressant les lieux qui furent le théâtre d'importants événements ; l'enseignement de l'histoire de l'art aura profit à mettre sous les yeux des élèves les chefs-d'oeuvre de la peinture, de l'architecture, les beautés d'une pinacothèque et, en général, les merveilles d'une ville, avec une vivacité de la représentation qu'aucun livre ne pourrait obtenir. De même dans le domaine scientifique, il est très difficile pour un professeur de pouvoir disposer d'appareils complexes et coûteux ; c'est aussi pour lui un lourd travail que de suivre adéquatement tous les progrès de la recherche scientifique. Et voici que la télévision, à l'aide de programmes bien ordonnés, conformes à l'orientation scolaire générale, peut offrir des transmissions de nature scientifique dans le domaine de la biologie, de la chimie, de la physique, de la géographie : ses démonstrations et ses expériences rendent plus claire l'idée que le professeur expose et plus compréhensible le fonctionnement de la machine qu'il doit expliquer.

Moyen efficace de favoriser l'unité de la famille.

Outre cette influence sur l'enseignement des écoles, il faut considérer que la télévision peut devenir un moyen efficace de favoriser l'unité de la famille autour du foyer domestique. Non qu'elle soit capable, là non plus, de remplacer d'autres moyens indispensables, de caractère spirituel et moral, susceptibles de créer et de fortifier les liens d'amour et de fidélité entre les membres de la société domestique. Mais, personne ne l'ignore, le divertissement — tel qu'on l'entend aujourd'hui — entraîne des conséquences souvent nuisibles à la solidité du noyau familial ; bien méritant, certes, sera celui qui réussira à retenir davantage à la maison grands et petits, sans prétendre qu'ils renoncent à la détente convenable et nécessaire après des journées de travail et d'étude.

Or, le spectacle offert par la télévision peut contribuer à cet effet en réunissant toute la famille autour d'un appareil : mais pour que ce regroupement inespéré agisse dans un sens cons-tructif, il est nécessaire que les rédacteurs des programmes se préoccupent toujours plus de leur niveau artistique, dans le respect, cela va de soi, qui est dû aux justes critères de la morale humaine et chrétienne. On ne doit pas omettre de considérer les possibilités de cette diffusion, qui devait être sans cesse facilitée afin d'atteindre un nombre croissant de spectateurs. Efforcez-vous donc de supprimer les obstacles de nature économique et juridique, qui empêchent l'extension d'un moyen aussi bienfaisant. Etudiez attentivement toutes les dispositions administratives, légales et techniques, qui en accroissent la pénétration : considérez cependant, avant tout, les buts moraux du vrai bien des hommes et des familles.

Instrument de meilleure compréhension entre les peuples.

Il existe une autre grande famille, la communauté des peuples, dont la réalité se dessine chaque jour plus nettement dans le droit, même si, en fait, elle est encore compromise sérieusement par des oppositions d'idéologies et d'intérêts particuliers. Elle est destinée à l'homme, et donc naturellement portée à considérer comme toujours moins nécessaires et moins utiles certaines barrières de séparation, contraires aux principes supérieurs de la solidarité humaine et que l'intérêt même et la commodité de chaque peuple rendent aujourd'hui indésirables. En effet, quand les activités économiques et politiques sont trop circonscrites à l'intérieur des communautés nationales, elles ne tardent pas à devenir insuffisantes et parfois tout à fait impossibles.

Il ne s'agit pas ici — comme Nous l'avons proclamé d'autres fois — d'accepter ou de promouvoir des coexistences impossibles à cause de l'intransigeance qui s'impose à l'égard de l'erreur et du mal. Toutefois, il est clair que chaque effort en vue de faire régner dans les esprits la lumière de la vérité, dans les coeurs l'adhésion au bien, et dans les oeuvres l'action cohérente, contribue à écarter les obstacles qui s'opposent encore à la coexistence pacifique souhaitée entre les divers groupes de la communauté des peuples.

Dans celle-ci, comme dans la plus petite communauté familiale, les problèmes ne sont pas faciles à poser et l'on ne doit pas espérer des solutions rapides et simples. Mais qui pourrait nier que la télévision puisse encore une fois se présenter aux hommes comme un instrument efficace de connaissance réciproque et de mutuelle compréhension ? Aux yeux, souvent émerveillés, de tous elle propose la vie réelle des peuples et les aspects des diverses régions, en saisit sur le vif les moments les plus intéressants, en présente les manifestations les plus spontanées.

Il n'est pas difficile de prévoir à quel point cette connaissance approfondie incitera les hommes à se considérer toujours moins étrangers et moins indifférents les uns aux autres. Ils apprendront à se réjouir avec ceux qui se réjouissent, à souffrir avec ceux qui souffrent. Il sera plus aisé pour eux de se sentir les membres d'une seule grande famille : celle de Dieu.

Instrument d'une plus large participation aux manifestations de la vie religieuse.

A ce propos, permettez-Nous d'indiquer simplement une dernière idée. La télévision peut devenir aussi un instrument providentiel d'une plus large participation aux manifestations de la vie religieuse pour tous ceux qui seraient empêchés d'y être présents. La transmission des cérémonies liturgiques, l'illustration des vérités de la foi, la présentation des chefs-d'oeuvre de l'art sacré, et bien d'autres entreprises, porteront la parole de Dieu dans les maisons, dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les endroits les plus éloignés des grands centres habités. Dieu veuille que vienne bientôt le jour où les masses païennes elles-mêmes recevront plus facilement l'Evangile grâce à cet admirable instrument.


ALLOCUTION A L'ASSOCIATION ITALIENNE DE L'ÉDUCATION

(24 octobre 1955) 1

Le 24 octobre, à Castel-Gandolfo, le Saint-Père a reçu en audience spéciale les participants à un cours de perfectionnement d'histoire ancienne et d'archéologie, ainsi qu'à d'autres cours de dessin et d'art, organisés par l'Association Italienne d'Education.

Après avoir reçu le pieux hommage des présents, le Souverain Pontife a prononcé un discours de félicitation, d'encouragement et de précieuse orientation :

De tout coeur, Nous vous souhaitons la bienvenue, chers fils et filles, dirigeants et professeurs de l'Association italienne d'Education, venus à Rome puiser aux sources séculaires de la culture classique et chrétienne une plus vigoureuse inspiration pour l'activité que vous exercez en faveur de la tendre enfance, si chère au divin Maître.

Nous connaissons fort bien les multiples mérites religieux et civils de votre bienfaisante Association, née il y a trente ans, pour ainsi dire comme un rejeton de l'insigne Institut des Frères des Ecoles Chrétiennes et devenue à présent, grâce à l'active et silencieuse collaboration d'excellents éducateurs et éducatrices, un arbre vigoureux et fécond, qui étend sur à peu près toutes les régions d'Italie ses branches où trouvent un nid accueillant des milliers d'enfants qui se présentent dans la vie en souriant.

En effet, vos écoles normales, qui forment les éducatrices de l'enfance sont au nombre de vingt-sept, c'est-à-dire la majorité de celles qui existent en Italie ; et elles fournissent de parfaites institutrices non seulement aux trente écoles maternelles dirigées


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directement par l'Association, mais aussi aux 600 autres gérées par divers organismes.

Outre cette activité principale, l'Association veille à la formation d'enseignantes de travail féminin dans trois « Ecoles normales pratiques pour la femme » ; organise des cours d'éducation et instruction des enfants dans les hôpitaux ; des cours de culture, comme le cours actuel pour ses propres enseignantes ; et, enfin, a récemment créé une Association particulière qui assure l'éducation des enfants d'italiens émigrés en France, afin qu'ils soient préparés avec sollicitude à leurs nouvelles conditions de vie, sans cependant rompre les liens des traditions de la patrie.

Ces bienfaisantes activités, qui ont mérité à votre Association la reconnaissance juridique de la part des autorités civiles, ainsi que louanges et aides, sont le fruit du dévouement généreux et personnel d'hommes et de femmes conscients de trois principes fondamentaux, qu'il convient de rappeler brièvement en cette occasion.

Trois principes fondamentaux : a) l'éducation de l'enfant doit commencer de très bonne heure.

1. Pour assurer à l'Eglise et à la société un avenir plus serein, rien ne peut être plus décisif et efficace que de se pencher sur les tendres pousses des nouvelles générations, dès leur première enfance, pour orienter leur développement vers le vrai et le bien. Dans les années où s'éveille leur conscience psychologique et morale, où commence à s'esquisser pour eux l'éternelle réalité, tandis que les notions du bien et du mal se superposent aux sensations de douceur et d'amertume, de beauté et de laideur, il faut commencer à fixer dans les esprits la véritable vision des choses et la conduite droite des actions. Bien éduquer, c'est surtout prévenir, même dans le sens d'« arriver avant les autres », c'est-à-dire avant l'erreur et la faute ; et prévenir est certainement plus facile que s'appliquer ensuite à corriger et remédier.

b) . . . elle doit être pénétrée d'esprit chrétien.

2. Aucune méthode éducative, qu'elle soit transmise par une tradition particulière ou élaborée par les sciences pédagogiques modernes, ne donnera de résultats complets et durables, si elle est en désaccord avec les postulats chrétiens, ou si elle méprise ses valeurs ou si elle n'a pas recours à ses moyens, également surnaturels, d'élévation. Non seulement le christianisme est apte à compléter toute autre méthode pédagogique, mais il possède la sienne propre, sûrement efficace pour conduire les esprits à la plus haute perfection, comme cela est largement démontré chez ses Saints.

c) ... elle suppose des éducateurs bien préparés.

3. Quiconque, par vocation religieuse ou par libre choix professionnel, aspire à devenir éducateur, doit se persuader qu'il ne peut s'improviser tel ; il doit au contraire se préparer à sa tâche ardue par une formation appropriée. Comme il s'agit de la première enfance, il convient que l'éducation soit confiée principalement à la femme, qui doit par conséquent s'appliquer à enrichir ses dons innés d'intuition et de sentiment par un important bagage de connaissances et d'expériences tirées des sciences pédagogiques. C'est donc là la raison d'être de vos écoles normales. Former une enseignante de l'enfance, c'est comme former spirituellement une mère, avec la différence que celle-ci devient éducatrice en vertu de la prévoyante nature — ce qui, toutefois, ne l'exempte pas, lorsque c'est possible, d'une préparation, également méthodique —, tandis que l'éducatrice de profession doit développer chez elle, par son effort et sa bonne volonté, l'âme maternelle. Former en soi une âme maternelle ; quel but sublime et bienfaisant pour une femme ! Peut-être le monde n'a jamais eu autant besoin qu'aujourd'hui de mères et d'âmes maternelles, qui détournent les hommes du trouble courant des violences, des abus, des grossièretés, où ils se débattent. La loi providentielle de la nature a bien disposé que toute génération passe par la douce école de la mère dans le but de ramener la sérénité et la bonté sur toute vie qui éclôt, et de briser de la sorte le triomphe du mal ; mais en réalité toutes les mères ne sont pas toujours en mesure de remplir convenablement leur mission réparatrice. Or votre Association vise à la formation, autant que possible parfaite et adaptée, des éducatrices auxquelles elle ne laisse donc point manquer les larges conceptions de la vie et des sciences. Avec satisfaction, Nous avons noté les sujets fixés cette année pour vos réunions d'études, tels que l'histoire ancienne, l'archéologie, l'art et le dessin, dont l'exposé a été confié à d'éminents spécialistes. Nous considérons fort opportune la connaissance historique des civilisations classique et chrétienne, dont vous avez la possibilité de rechercher et admirer les éloquents vestiges dans la Ville Eternelle. Par leur contemplation, l'esprit d'un éducateur est amené à estimer de plus en plus sa propre oeuvre et à l'orienter dans une continuité de perfection idéale, dont les modèles, disséminés le long des siècles, en hommes et en oeuvres, et dignes d'une gloire impérissable, stimuleront d'eux-mêmes les générations futures à les imiter. Mais, s'il n'est pas accordé à tout peuple de retrouver dans ses propres annales des modèles d'une si haute dignité, il lui est cependant toujours possible de recourir au patrimoine commun de tous les peuples, c'est-à-dire de l'histoire et de la gloire de l'Eglise universelle, sur le long chemin de laquelle l'éducateur chrétien trouvera, à chaque tournant, la lumière et la force pour égaler, si ce n'est dépasser les temps écoulés.

Tout en nourrissant la confiance que votre Association, experte dans l'art d'éduquer l'enfance, multipliera ses efforts pour en étendre les fruits à tous les milieux sociaux — particulièrement à ceux qui sont les plus éprouvés par la misère où, de toute façon, empêchés de veiller, comme il convient, à l'éducation de la première enfance - Nous invoquons pour vous tous, comme encouragement et aide, l'abondance des grâces célestes, en gage desquelles Nous vous donnons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DE LA FÉDÉRATION ITALIENNE DES SERVICES PUBLICS

(25 octobre 1955)1

Vous avez désiré, chers fils, à l'occasion du Congrès de la Fédération italienne des services publics, Nous offrir votre hommage et Nous faire connaître les résultats obtenus par elle durant les dix premières années de son existence. Votre présence Nous atteste la vitalité de votre institution et de toutes les associations nationales, provinciales et cantonales qui y sont représentées. Après avoir parcouru un important bout de chemin dans la période toujours quelque peu difficile des débuts, vous avez aujourd'hui l'honneur de former un groupe de caractère bien déterminé dans les divers champs de la vie sociale et politique, capable de protéger efficacement et de défendre vos droits et vos intérêts. Le labeur intelligent accompli par vos dirigeants assistés de leurs collaborateurs a contribué dans une large mesure à édifier cette organisation dont aujourd'hui vous attendez des services étendus et précieux.

L'évolution de la vie dans la société moderne confère aux services publics une importance toujours plus considérable. Beaucoup d'entre vous ont le devoir de fournir aux voyageurs, à ceux qui abandonnent leur demeure pour des motifs professionnels ou afin de se satisfaire, des services de première nécessité, comme la nourriture et le logement ; d'autres administrent des entreprises destinées à offrir des possibilités de repos et d'assistance ou à satisfaire divers désirs analogues.

Par leur caractère même, de tels services sont soumis à de


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minutieux règlements légaux et se trouvent, plus que d'autres, contraints de subir les effets de la concurrence et des fluctuations des conditions économiques. Ils exposent souvent le fonctionnaire à des risques, à des incertitudes, réclament des administrateurs la prévoyance, l'habileté, un soin constant d'améliorer la qualité des prestations qu'ils fournissent à leurs clients. Tout ceci laisse facilement deviner que les services publics ont besoin de se sentir soutenus réciproquement, de savoir qu'ils peuvent compter sur la loyauté et l'esprit de collaboration de leurs collègues, sur la compétence et l'attention de leurs dirigeants, pour être défendus contre les menées déloyales, appuyés dans leur effort de développement économique, éclairés sur l'opportunité des aménagements à réaliser. Nous avons pris connaissance avec un vif intérêt du travail que votre Fédération a accompli dans ces dernières années. S'il est des problèmes qui ont pu être résolus, d'autres sont encore objet d'une étude attentive, propre à mettre en lumière les éléments qui permettront leur solution. Nous notons l'importance particulière qu'a eue, pour votre corporation, la constitution en 1953 d'un groupe de parlementaires spécialement compétents dans les questions d'hospitalité, de tourisme et aptes à vous représenter efficacement dans les organismes législatifs. Par l'intermédiaire de votre Comité directeur, vous avez maintenu un contact incessant, un esprit de cordiale collaboration, avec les autorités gouvernementales, avec les organismes politiques et syndicaux de la capitale, avec la direction centrale des diverses sociétés et établissements et avec la presse. Mais vous devez encore chercher à traiter d'importants sujets et, vous-mêmes, à ester d'autres réformes législatives, examiner celle d'une loi syndicale dont l'efficacité sera considérable pour la structure même de vos organisations.

Nous ne doutons pas que le futur développement de votre association ne montre encore davantage sa nécessité et sa puissance. Nous voudrions toutefois mettre ici en évidence un aspect, certes, bien différent des considérations purement techniques, objet immédiat de vos soucis, qui ne leur est point étranger et en forme pour ainsi dire la base. Au mois de mai dernier, l'association provinciale des services publics de Padoue, célébrant le dixième amiiversaire de sa fondation, a voulu vénérer dans le saint martyre Théodote un protecteur et un grand exemple des plus héroïques vertus. Noble inspiration qui aura certainement sa récompense dans l'abondance des faveurs individuelles et sociales qui viendront de la puissante intercession du saint.

Entraînés étroitement dans le flux et le reflux de la civilisation moderne, au contact de gens de toutes conditions et de toutes opinions, les services publics ont besoin, plus que jamais, de fermes convictions morales, d'un sens profond de l'équité et d'une vive délicatesse envers les exigences du bien.

Ils doivent montrer dans leur attitude, par un mot dit au moment opportun, ou tout simplement dans leur conduite, qu'ils n'acceptent pas dans leurs établissements ce qui pourrait offenser l'honnêteté, le respect qu'on doit aux autres et à soi-même. Soucieux de garder en toute circonstance une parfaite courtoisie et distinction, qu'ils s'efforcent de mériter ainsi l'estime et la confiance de leur clientèle.

Mais il faut aller encore plus loin et Nous voudrions vous rappeler l'exhortation que l'apôtre saint Paul adressait aux Colossiens : « Quoi que vous fassiez ou quoi que vous disiez, faites tout au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, rendant par Lui grâce à Dieu et Père » (Col. III, 17). Telle est la vraie portée de votre travail. Celui-ci n'est pas seulement une activité économique pour vous procurer des avantages matériels, pas davantage uniquement une fonction sociale, louablement destinée au service de vos semblables ; mais par les plus modestes de vos actions quotidiennes, dans les fatigues, les contrariétés, les difficultés de toutes sortes, il est la manière dont vous pouvez manifester votre appartenance à Jésus-Christ. Tel est le fondement de votre dignité d'hommes et encore plus de chrétiens. Conservez toujours le souci de servir Dieu par toute votre vie. Qu'il inspire et fasse croître les qualités profondes de vos âmes et vous donne le courage de vous élever au-dessus des désillusions inévitables et de toutes les faiblesses humaines. Avec Lui, vous n'aurez plus aucun motif de vous attrister à l'heure de l'épreuve, ni de vous décourager. Vous saurez que, au lieu de poursuivre vos propres intérêts, vous défendez ceux d'un Père infiniment bon, qui vous protège avec sa sollicitude et se prépare à récompenser surabondamment votre fidélité.

Si vous nourrissez ces sentiments, vous exercerez sur tous ceux au milieu de qui vous vivez ou qui entreront en relations avec vous, l'influence la plus bienfaisante et la plus efficace. Vous donnerez ainsi la preuve de la vérité de votre foi et de la certitude des promesses divines que Jésus-Christ a confiées à son Eglise afin que celle-ci Le fasse connaître au monde et lui montre de cette manière la seule voie du salut.

Avec un tel voeu Nous implorons pour vous, pour vos familles et pour toutes les personnes qui vous sont chères, l'aide divine en gage de laquelle nous vous accordons, de tout coeur, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

l'activité cinématographique, Nous désirons confirmer Notre estime pour vos personnes et votre profession, et ensuite manifester la sollicitude attentive de l'Eglise à l'égard du si puissant moyen de diffusion des idées et des moeurs qu'est le cinéma, dans le but de contribuer à l'élever à la dignité d'instrument de la gloire de Dieu et du perfectionnement de l'homme.

En revenant sur ce sujet en cette nouvelle rencontre avec les représentants du « monde cinématographique », Nous Nous proposons de compléter les considérations exposées une première fois, car leur importance, dont Nous vous avons déjà fait ressortir les motifs, Nous en fait un devoir.

En face des graves problèmes qui sont le tourment de notre époque et qui, certainement, Nous préoccupent le plus, celui du cinéma pourrait paraître à certains comme secondaire, et ne point mériter la particulière importance que Nous lui consacrons. Sans doute, le cinéma étant de sa nature matière d'art et de distraction devrait demeurer, semble-t-il, confiné comme en marge de la vie et régi, comme il convient, par les lois communes qui règlent les activités ordinaires des hommes. Mais comme, de fait, il est devenu pour les générations actuelles un problème spirituel et moral d'une immense portée, il ne peut pas être négligé par ceux qui ont à coeur le sort de ce qu'il y a de meilleur dans l'homme et celui de son avenir. Surtout, enfin, il ne peut être négligé par l'Eglise et ses pasteurs, dont la vigilance doit s'exercer sur toutes les questions morales, spécialement sur celles dont les conséquences incalculables se répercutant sur une foule d'âmes. Il doit aussi préoccuper tous les honnêtes gens qui pensent au bien commun, car ils savent parfaitement que tout problème humain, grand ou petit, plonge ses racines dans l'intelligence plus ou moins obscurcie, et qu'il trouve sa juste solution dans l'intelligence dès qu'elle est éclairée.

On regardera peut-être comme une honte pour notre époque le fait que beaucoup d'hommes, surtout ceux dont l'esprit est médiocrement éduqué, se sont entraînés à régler leur conduite privée ou publique d'après des fictions artistiques ou les vaines silhouettes de l'écran. Cependant, ce fait ne cesse pas d'être important et digne d'être considéré avec une attention proportionnée à ses effets. Si, demain, la licence effrénée des films était rendue responsable d'une décadence spirituelle et civique, quel blâme adresserait-on à la sagesse des hommes d'aujourd'hui qui n'auraient point su diriger un instrument si propre à l'édu


EXHORTATION AU MONDE CINÉMATOGRAPHIQUE

(28 octobre 1955) 1

Le 28 octobre, le Pape a reçu, en la salle des Bénédictions, au palais du Vatican, les membres du Congrès de l'Union internationale des Centres cinématographiques des principaux pays, représentant un ensemble de 40,000 salles, et ceux de l'Assemblée internationale des distributeurs de films. Les deux réunions se sont tenues à Rome. Le 21 juin dernier, le Souverain Pontife avait adressé, à des représentants de l'industrie cinématographique une instruction sur ces deux points :

1° L'importance du film2.

2° Le film idéal.

Dans cette deuxième partie, le film idéal était considéré sous trois aspects :

1. En relation avec le sujet, c'est-à-dire par rapport aux spectateurs, auxquels le film est destiné ;

2. En relation avec l'objet, c'est-à-dire avec le contenu du film ;

3. En relation avec la communauté sur laquelle le film exerce une influence spéciale.

En considération de l'ampleur du sujet, le Saint-Père exposa longuement le premier de ces trois points, en se réservant de développer le deuxième et le troisième point en une autre occasion. Celle-ci s'est offerte en cette importante audience du 28 octobre :

Le film idéal, efficace instrument d'élévation, d'éducation et d'amélioration.

En vous adressant une nouvelle fois, d'un coeur paternel, Notre bienvenue, à vous, Messieurs, qui vous consacrez à

Le film idéal par rapport au sujet, cf. pp. 195 et suiv.

ploie, au moyen de l'art ou de la culture, à porter l'homme à participer à ce règne, se rend compte, à la fin, d'avoir bien peu satisfait sa soif insatiable. Cependant, il lui reste le mérite d'avoir su détourner à son profit un ruisseau quelconque de la plénitude originelle du vrai, du bien, du beau, dans la mesure du possible, en le préservant des souillures : il a concilié, en d'autres termes, la relativité de l'idéal avec son concept absolu. Or, le film peut-il être le canal apte à transporter cette triade dans l'âme du spectateur ? Peut-il être un intermédiaire excellent et, dans les limites de ses méthodes, atteindre la perfection ? La réponse doit être affirmative, bien qu'elle ne se vérifie pas toujours, pas même dans le cas d'un film digne d'être classifié bon, mais qui, par manque de quelqu'un des éléments nécessaires, ou de l'harmonie entre eux, reste en dehors des régions idéales.

Il est clair que le contenu, c'est-à-dire le choix du sujet, capable de refléter le plus fidèlement possible la réalité bonne et belle, est d'une importance fondamentale dans la création du film idéal ; mais, pareillement, les spécialistes reconnaissent que tous les choix ne sont pas possibles, parce que, souvent, des obstacles d'ordre tout pratique se présentent qui arrêtent les réalisateurs au seuil de l'idéal, comme, par exemple, l'impossibilité intrinsèque de représenter visuellement la vérité, la bonté, la beauté. Le film ne peut prétendre et ne doit pas se hasarder à aborder des sujets qui sortent du domaine de l'objectivité, qui ne peuvent se traduire en images, parce qu'ils sont impropres à toute représentation scénique, pour des motifs techniques ou artistiques, ou à cause de certaines raisons de tact social et naturel, de respect et de piété, ou encore de prudence et de sécurité pour la vie humaine. Malgré ces restrictions, les unes de principes, les autres pratiques, le domaine des sujets reste vaste et riche, avantageux et attrayant, quel que puisse être l'élément de la triade prédominée dans chaque film.

Films d'enseignement.

En descendant dans le détail, nous citerons en premier lieu le film qui se propose l'enseignement. Sa principale attraction est constituée par la vérité, dans la mesure où elle accroît les connaissances du spectateur. Il y a, sans aucun doute, dans ce genre, un idéal possible à atteindre, et dont les normes peuvent

cation et au progrès des esprits, et l'auraient laissé, au contraire, se transformer en instrument du mal !

Cette confiance, que Nous nourrissons pour le cinéma comme instrument efficace et positif de progrès, d'éducation et de perfectionnement, Nous porte à exhorter ses spécialistes et ses producteurs à faire tous leurs efforts pour l'arracher non seulement à la décadence artistique, mais surtout à la complicité de la dépravation, et à présenter à leur place les pures régions du film idéal.

Nous en avons déjà montré les caractères spéciaux, mais seulement dans le premier des trois aspects qu'il offre à l'examen. C'est-à-dire par rapport avec le sujet, qui est l'homme auquel le film idéal est présenté.

Passons maintenant à l'explication du deuxième point, à savoir :

Le film idéal, considéré dans son objet, c'est-à-dire dans son contenu 3.

2. Le film considéré objectivement, c'est-à-dire, en ce qu'il contient.

En traitant le film idéal dans son contenu, gardons-Nous de nous étendre en des exigences inutiles, mais prenons, au contraire, les éléments essentiels, et, pour cela, souvenons-Nous de l'idée déjà exprimée sur le noyau d'absolu renfermé dans la relativité de l'idéal, c'est-à-dire : la nature propre du film, sa bonté spécifique, son excellence particulière. Il est donc opportun de Nous rappeler le concept de l'idéal, à savoir : ce à quoi rien ne manque de ce qu'il doit avoir, et qui, au contraire le possède au plus haut degré. Le film étant fait pour l'homme, celui-là sera donc idéal dans son contenu qui s'adaptera, dans des proportions parfaites et harmonieuses, aux exigences primordiales et essentielles de l'homme. Ces exigences fondamentales sont au nombre de trois : la vérité, la bonté, la beauté, qui sont comme des diffractions, à travers le prisme de la connaissance, du règne lumineux de l'être, qui s'étend au-delà de l'homme, en réalisant en lui une participation toujours plus vaste à l'être même. Il est vrai que, dans les cas particuliers, celui qui s'em-

être ainsi résumées : ce qu'il offre en connaissances, en exposition, en approfondissement doit être exact, clairement intelligible, conduit avec une parfaite méthode d'enseignement et des formes artistiques supérieures.

Les films de pur enseignement sont relativement rares ; le plus souvent, peut-être en considération des différences de préparation du public, au lieu d'approfondir le sujet, on l'effleure, en se bornant à donner les idées principales.

Et cependant, si l'on tient compte de la soif de culture que manifeste le public, et du regret qu'il a souvent d'en être privé, cette sorte de film, s'il est réalisé selon une perfection idéale, serait bien accueillie partout, sans compter que, parfaitement développée et propagée, elle serait utile au progrès de la civilisation.

La preuve en est dans l'abondante production et l'heureux succès des films basés sur les sciences naturelles. Certains d'entre eux méritent le titre de film idéal.

La nature, en effet, telle qu'elle s'offre au regard de l'observateur attentif, présente des richesses inépuisables de bien et de beau qui reflètent avec une transparente sincérité la surabondance infinie de la perfection et de la beauté de leur Créateur.

Le film peut moissonner à pleines mains dans son triple règne et parcourir, grâce aux moyens techniques dont il dispose, les voies harmonieuses de la création, ouvertes par les sciences physiques et biologiques, autant dans les immensités célestes que dans les retraites intimes du microcosme.

On n'assiste pas sans frémir d'admiration aux films qui nous transportent dans des mondes inconnus et parfois insoupçonnés, que nul autre moyen ne saurait, mieux que le cinéma, représenter d'une façon aussi vivante. Parfois, il charme et enchaîne la majesté des montagnes colossales ; d'autres fois, l'irrésistible fureur des tempêtes de l'océan, la solitude des glaces polaires, l'immensité des forêts vierges, la tristesse des sables du désert, la beauté des fleurs, la transparence des eaux, l'impétuosité des cascades, la grâce des aurores boréales, toutes visions qui, reproduites avec fidélité et accompagnées de sobres commentaires, de paroles et de musique, s'impriment dans l'âme comme les images d'un voyage. C'est encore une plus grande admiration et une plus grande richesse de connaissances qu'offre l'évolution de la vie, dans les films — ceux-ci non plus ne sont point rares — qui révèlent les secrets du règne animal et sont, par des auteurs expérimentés et des producteurs, après des jours et des mois exténuants de guet et d'observations, pris dans des conditions incommodes dans les forêts et dans les déserts inhospitaliers, sur les fleuves et dans la profondeur des mers. Quel témoignage de la richesse et de l'abondance de la nature on peut tirer de tels films et de tant d'autres capables de reposer, de récréer, de raffermir l'esprit !

On aura également joie et profit aux films qui scrutent l'homme, dont la structure organique, les opérations fonctionnelles, les procédés thérapeutiques et chirurgicaux pour le rendre à la santé présentent des objets de grand intérêt.

Si l'on pense ensuite à l'activité humaine, ici non plus il ne manque pas de sujets propres à être traités artistiquement et à répandre la culture sur une large échelle. On appelle précisément films de culture ceux qui décrivent les différentes races, les coutumes, le folklore, les civilisations et, plus en détail, les façons de travailler, les systèmes agricoles, les voies de transport par terre, mer et ciel, les moyens de communications, les types d'habitation et de résidence dans les diverses époques, pris par l'objectif aux multiples stades de leur développement qui part de la cabane primitive de feuillage pour aboutir aux nobles demeures, aux monuments d'architecture, aux hardis gratte-ciel des cités modernes.

Ces exemples suffisent à démontrer que le film instructif, s'il est traité avec une juste appréciation des données scientifiques, présenté sous des aspects nouveaux et animé par un sincère souffle artistique suffisant pour écarter l'idée d'un enseignement sévèrement didactique, peut, en ce qui regarde son contenu, offrir facilement au spectateur tout ce qu'il attend dans cet ordre d'idées d'un film idéal.

Films d'action.

Bien moins aisée, au contraire, se présente l'entreprise dans le film d'action, c'est-à-dire celui qui prétend représenter et interpréter la vie et la conduite des hommes, leurs passions, aspirations et luttes.

Dans cette sorte de sujets, le film idéal n'est pas une affaire de tous les jours ; et cependant, ces films sont, par rapport au nombre, de beaucoup les plus répandus. Cela nous montre que ce genre est beaucoup plus réclamé et apprécié du public, et en même temps les sérieuses difficultés que sa réalisation offre à la réalisation d'un film idéal.

Nous avons déjà exposé, en parlant de l'importance du cinéma, et en étudiant la chose du côté du spectateur, en quoi consiste l'attrait du film d'action, quelle influence il exerce sur l'esprit et à quelles réactions psychologiques il donne lieu. Les mêmes réflexions reviennent aujourd'hui à l'étude, en les considérant dans leurs causes, dont la première est certainement le contenu, c'est-à-dire le sujet qu'on choisit de traiter.

Or, c'est proprement dans le choix du sujet que commencent les difficultés pour l'auteur ou le producteur consciencieux qui se propose le film d'action idéal ; d'autres s'y ajoutent ensuite, venant de sa configuration et de sa limitation de la matière, spécialement dans les moments les plus importants ; d'autres encore, et quelquefois insurmontables, de la disponibilité d'acteurs qui soient capables de donner une expression humainement et esthétiquement parfaite au sujet choisi.

Est-ce que tout sujet projetable peut être accueilli par celui qui se propose de faire un film idéal ? Nous avons déjà indiqué certains motifs d'exclusion, fondés sur des rapports moraux, sociaux, humains qui restreignent nécessairement la liberté du choix.

Deux questions particulières méritent d'être considérées de plus près.

Films de sujets religieux.

Voici la première : dans les films d'action, est-il permis de prendre, comme matière, des sujets religieux ?

La réponse est qu'on ne voit pas pourquoi de tels sujets devraient être généralement, et en principe, interdits, d'autant plus que l'expérience tentée dans ce genre a déjà donné de bons résultats en des films de sujet strictement religieux.

Mais même quand le thème n'est pas expressément tel, le film idéal d'action ne devrait pas ignorer l'élément religieux. On a noté, en effet, que même les films moralement irréprochables peuvent cependant être spirituellement nocifs s'ils découvrent au spectateur un monde dans lequel on ne fait aucune allusion à Dieu et aux hommes qui croient en lui et le vénèrent, un monde où les personnes vivent et meurent comme si Dieu n'existait pas. Il suffit parfois dans un film, d'un instant, d'une parole sur Dieu, d'une pensée tournée vers lui, d'un soupir de confiance vers lui, d'un appel du secours divin. La grande majorité du peuple croit en Dieu, et, dans sa vie, le sentiment religieux occupe une place considérable. Rien donc de plus naturel et de plus opportun qu'on en tienne justement compte dans le film.

D'autre part, il faut reconnaître que tout fait ou phénomène religieux n'est pas apte à passer sur l'écran, ou à cause de l'impossibilité intrinsèque de le représenter sur la scène, ou parce que la piété et le respect s'y opposent. En outre, le sujet religieux présente souvent, pour les auteurs et les acteurs, des difficultés spéciales, dont la principale est peut-être dans le moyen d'éviter toute trace d'artifice ou d'affectation, toute impression de chose apprise machinalement, car la vraie piété est, par nature, contraire à l'exhibition extérieure et ne se laisse pas facilement « jouer ».

L'interprétation religieuse, même quand elle est dirigée avec une bonne intention, donne rarement l'impression d'une chose véritablement vécue et, par suite, communicable au spectateur.

Une autre question à laquelle il est difficile de donner une réponse décisive est la suivante : si dans un film d'action la description comparée des diverses confessions religieuses peut être un sujet bon et convenable. Il y a des exemples de ces films, effectués dans le but de représenter les différentes formes de culte, soit en le tirant de faits historiques, soit de scènes représentées à cet effet.

Dans tous les cas, soit qu'il s'agisse de films, soit qu'on veuille offrir au spectateur une opposition dramatique entre deux vies dirigées religieusement d'une façon différente, il faut une très grande finesse et profondeur de sentiment religieux et de tact humain, pour ne pas offenser et profaner ce qui, chez les hommes (même quand ils sont conduits par des pensées et des sentiments objectivement erronés), est sacré.

Les mêmes précautions et restrictions nécessaires s'imposent pour les films historiques qui traitent de personnages et d'événements qui furent au centre de luttes religieuses qui ne sont pas complètement calmées. Ici, la première condition est la vérité. Cependant, elle doit savoir se concilier avec la charité, afin que l'une n'aille pas à la perte de l'autre.

Le film dans la représentation du mal.

La deuxième question, par rapport au sujet du film idéal d'action, regarde la représentation du mal : est-il permis de choisir, et avec quelles précautions doit-on traiter le mal et le scandale qui ont sans nul doute une part si importante dans la vie de l'homme ? Certainement, celle-ci ne pourrait se comprendre, au moins dans les grands et graves conflits, si on fermait les yeux sur les fautes qui en sont souvent la cause. L'orgueil, l'ambition démesurée, l'avidité du pouvoir, la passion des richesses, l'infidélité, les injustices, la débauche dessinent, hélas ! les traits de la figure et des actions d'un grand nombre, et l'histoire en est tristement tissue. Mais une chose est de connaître les maux, en en demandant à la philosophie et à la religion l'explication et les remèdes ; autre chose d'en faire l'objet de spectacle et de divertissement. Or, donner une forme artistique au mal, décrire son pouvoir et ses progrès, ses voies connues ou cachées, les conflits qu'il engendre ou à travers lesquels il progresse, opère sur beaucoup d'hommes un attrait quasi irrésistible. On dirait que, lorsqu'il s'agit de récit ou de représentation, beaucoup ne savent trouver ailleurs l'inspiration artistique ni l'intérêt dramatique, sinon dans le royaume du mal, même si c'est uniquement pour servir de fond pour le bien, et d'ombre pour faire resplendir davantage la lumière. A cette attitude psychique de beaucoup d'artistes répond une attitude semblable chez les spectateurs, Nous en avons déjà parlé. Or, un film idéal peut-il prendre comme matière un tel sujet ? Les plus grands poètes et écrivains de tous les temps et de tous les peuples se sont occupés de ce problème difficile et ardu, et ils continueront à le faire dans l'avenir.

Une réponse négative à cette demande est naturelle, chaque fois que la perversité et le mal sont offerts à cause d'eux-mêmes ; si le mal finit, au moins en fait, par être approuvé ; s'il est décrit dans des formes excitantes, insidieuses, corruptrices ; s'il est montré à ceux qui ne sont pas en mesure de le dominer et de lui résister. Mais lorsqu'on ne donne aucun de ces motifs d'exclusion ; quand le conflit avec le mal, et même sa victoire passagère, vis-à-vis de tout l'ensemble, sert à la compréhension plus profonde de la vie, de sa droite direction, du contrôle de sa propre conduite, de l'éclaircissement et de la consolidation du jugement et de l'action, alors ce sujet peut être choisi et mêlé, comme un sujet secondaire, à l'action complète du film. On lui applique le même critère qui doit présider à tout genre artistique semblable : la nouvelle, le drame, la tragédie et toute oeuvre littéraire.

Les livres saints eux-mêmes de l'Ancien et du Nouveau Testament, qui sont le fidèle miroir de la vie réelle, accueillent dans leurs pages le récit du mal, de son action et de son influence dans la vie des individus comme dans celle des familles et des peuples.

Eux aussi laissent pénétrer le regard dans le monde intime, souvent tumultueux des hommes ; ils racontent leurs fautes, leur relèvement et leur fin. Tout en étant rigoureusement historique, la narration a souvent l'allure des plus grands drames, les couleurs sombres de la tragédie. Le lecteur reste frappé de l'art singulier et de la vivacité de leurs descriptions qui, même sous l'aspect psychologique, sont d'incomparables chefs-d'oeuvre. Il suffit de rappeler des noms : Judas, Caïphe, Pilate, Pierre, Saul. Ou encore de l'époque des patriarches : l'histoire de Jacob, les aventures de Joseph en Egypte dans la maison de Putiphar ; du Livre des rois : l'élection, la réprobation, la fin du roi Saùl ; ou encore, la chute de David et son repentir, la rébellion et la mort d'Absalon, et d'innombrables autres événements.

Là, le mal et la faute ne sont pas dissimulés sous des voiles trompeurs, mais racontés comme ils se passèrent en réalité. Et cependant, même cette partie du monde contaminé par la faute est environnée d'une atmosphère d'honnêteté et de pureté, répandue par ceux qui, tout en étant fidèles à l'histoire, n'exaltent pas ni ne justifient la perversité, mais clairement poussent à la condamner, et ainsi la vérité pure ne suscite pas d'impulsions ou de passions désordonnées, du moins dans les personnes d'âge mûr.

Au contraire, le lecteur sérieux devient plus réfléchi, plus clairvoyant ; son esprit se repliant sur lui-même, est porté à se dire : « Veille à ce que toi aussi tu ne sois pas induit en tentation. » (Gai. VI, 1.) « Si tu es debout, veille à ne pas tomber. » (Cor., 10, 12.)

Ces conclusions ne sont pas seulement suggérées par la Sainte Ecriture, mais sont encore le patrimoine de l'antique sagesse et de l'expérience amère.

Admettons donc que même le film idéal puisse représenter le mal : faute et chute ; mais qu'il le fasse avec des intentions sérieuses et avec des formes convenables, de façon que sa vue aide à approfondir la connaissance de la vie et des hommes, et à rendre meilleur et à élever l'esprit.

Que le film idéal ait donc horreur de toute forme de justification du mal, et encore plus de son apothéose, et manifeste sa réprobation tout le cours de la représentation, et non seulement à la conclusion, qui arriverait souvent trop tard, après que le spectateur a déjà été séduit et bouleversé par de mauvaises excitations.

Telles sont les considérations que Nous désirions vous exposer sur le film idéal, par rapport au sujet, c'est-à-dire à son contenu. Il ne Nous reste maintenant qu'à ajouter un mot au sujet du film idéal, en rapport avec la communauté.

3. Le film considéré en rapport avec la communauté.

Lorsqu'au commencement de cet exposé, Nous disions que le cinéma, en quelques années, a quasi donné son empreinte à notre siècle, Nous affirmions implicitement l'existence de rapports entre lui et la communauté. De cette vaste influence sur elle et sur le bien commun, Nous tirions de bons arguments pour affirmer l'importance du film et le devoir qui incombe à la collectivité d'exercer une légitime vigilance sur ses qualités morales.

Il est temps maintenant de considérer ses rapports avec cette communauté, en ce qu'il a et peut avoir de positif ou, comme on dit ordinairement, de constructif, conformément à Notre affirmation qui est de ne pas soulever de stériles accusations, mais d'amener le cinéma à se rendre un instrument toujours plus utile au bien commun. Quelle chose précieuse et très précieuse le film idéal peut-il offrir à la famille, à l'Etat, à l'Eglise ?

à la famille.

Dans la division du sujet, Nous donnons le pas à la famille, par cela même qu'elle est fréquemment appelée à prendre part aux représentations des films, d'où sa haute et sainte dignité ne sort pas toujours indemne de certaines humiliations.

La famille fut, est et restera la source et le nid du genre humain et de l'homme. Chef-d'oeuvre de la souveraine sagesse et bonté du Créateur, elle a reçu de lui sa constitution, les prérogatives, les devoirs qui lui aplanissent la voie pour parvenir à sa fin propre. Fondée sur l'amour et pour l'amour, la famille peut et doit être pour ses membres, époux, parents, enfants, leur petit monde, le refuge, l'oasis, le paradis terrestre, dans la mesure possible ici-bas. Il en sera ainsi réellement, si on la laisse être telle que le Créateur l'a voulue et que le Sauveur l'a confirmée et sanctifiée.

Aussi, beaucoup plus que dans le passé, la désorientation actuelle des esprits, et aussi de nombreux scandales ont amené des foules de gens à mépriser les immenses trésors de bien que la famille peut dispenser, au point que les éloges qu'on en fait sont facilement accueillis avec un sourire mêlé de scepticisme et d'ironie.

Il serait utile de rechercher en quelle mesure certains films ont concouru à répandre cette mentalité, ou si simplement ils s'y rangent servilement pour en satisfaire les désirs, au moins par des fictions. Il est bien déplorable que certains films s'accordent pour traiter avec ironie et scepticisme l'institution traditionnelle de la famille, pour glorifier ses trahisons, et surtout pour lancer de légères et frivoles insultes à la dignité des époux et des parents.

Mais quel autre bonheur humain restera-t-il à l'homme sur la terre si la famille telle qu'elle a été ordonnée par le Créateur venait à disparaître ? Il y a donc un grand et délicat devoir à rendre aux nommes l'estime et la confiance en elle.

Le film, qui montre chaque jour un si grand et si puissant intérêt à l'égard de ce sujet, devrait s'adjuger son devoir propre de montrer, de répandre le concept, naturellement droit et humainement noble de la famille, de décrire le bonheur des époux, des parents et des enfants, les mérites d'être unis par le lien des affections dans le repos et dans la lutte, dans la joie et le sacrifice.

On peut obtenir tout cela sans beaucoup de paroles, mais avec des images appropriées, et en déroulant des exemples qui plaisent, tantôt le spectacle d'un homme, doué d'un caractère ferme, qui fait son devoir, ose lutter, qui sait aussi supporter et attendre, agir avec virilité et fermeté, et en même temps témoigner une fidélité inébranlable, un sincère amour conjugal, un constant souci paternel ; — ou encore celui d'une femme, dans le plus noble et le plus digne sens du mot, épouse et mère d'une conduite irréprochable, d'un esprit ouvert, adroite dans sa famille et au dehors, et cependant, en même temps, consacrée à son foyer et à son intimité, parce qu'elle sait qu'elle y trouve tout son bonheur ; — ou encore d'enfants, respectueux envers leurs parents, ardents pour leur idéal, sérieux dans la poursuite du meilleur, toujours prêts et joyeux, mais en même temps ser-viables, généreux, intrépides.

Un film d'action, qui traduirait tout ceci dans des trames intéressantes et vivantes, dans des formes artistiques parfaites, que les experts n'auraient pas de difficultés à réaliser, serait à l'égard du bien de la communauté un film idéal dans le sens plein et réel du mot.

à l'Etat.

Qu'on examine maintenant le film idéal dans ses rapports avec l'Etat. Il est bon de s'entendre sur le sens de cette expression et de déterminer qu'il s'agit ici d'établir de quelle façon un film qui s'occupe plus ou moins de matières concernant la communauté politique peut contribuer à procurer le bien de l'Etat.

Nous faisons donc abstraction, dans Nos considérations des films appelés politiques, de parti, de classe ou d'autres noms semblables qui, avec un but de propagande ou même de lutte servent une politique déterminée ou un parti, ou une classe, ou un système. Au fond de toutes ces choses, il existe l'institution naturelle de l'Etat, dont le concept se distingue des diverses formes qui l'expriment dans son développement concret, formes qui vont et qui viennent, qui se transforment, qui, souvent, sont aux abois dans le cours de l'histoire, se répètent avec des modifications et des adaptations introduites par les nouvelles circonstances. L'Etat, au contraire, est quelque chose de stable et nécessaire dans son noyau essentiel et naturel qui persiste, malgré les vicissitudes de ses formes concrètes et changeantes. A ce noyau central, qui est un bien en soi et en même temps source de biens pour toute la communauté, Nous apportons maintenant Notre attention.

L'Etat est d'origine naturelle, non moins que la famille : cela veut dire que dans son noyau, il est une institution voulue et donnée par le Créateur. La même chose s'applique à ses éléments essentiels, comme le pouvoir et l'autorité qui proviennent de la nature et de Dieu. Par la nature, en effet, et ensuite par son Créateur, l'homme est poussé à s'unir en société, à collaborer, à se compléter mutuellement par l'échange réciproque de services et de biens, à se disposer organiquement en un corps, d'après la diversité des dispositions et de l'activité des individus, à tendre à un but commun qui consiste dans la création et la conservation du vrai bien général avec le concours des activités particulières.

Les hommes doivent donc reconnaître, accepter, respecter l'Etat, l'autorité de l'Etat, le droit de l'Etat à présider au bien temporel commun, comme sa fin spécifique. Or, puisque même dans ce domaine le trouble des esprits engendre souvent des alliances et des répugnances affectives, il sera toujours utile de ramener les esprits à raffermir les vraies bases de la vie commune.

Le cinématographe peut rendre encore ici un grand service, bien que ce ne soit pas sa première et plus importante fonction. Cependant, avec l'influence qui lui est propre, il peut intervenir opportunément pour arrêter par son action les courants destructeurs, appeler l'attention sur les bonnes traditions tombées en désuétude et redresser les jugements erronés. Ce résultat pourra être obtenu lorsque dans un film d'action on doit toucher des institutions ou des activités de l'Etat, telles que des dispositions législatives, ou administratives, ou judiciaires, en les représentant positivement, comme la nature les a tracées et selon leurs raisons d'être.

En employant les ressources artistiques qui ne font pas défaut aux auteurs et producteurs qualifiés, et en évitant de se perdre dans des considérations théoriques, ils pourront facilement montrer et rappeler à la connaissance des spectateurs ce qui dans la communauté de l'Etat est un soutien pour tous et une aide efficace et expliquer pourquoi les autorités agissent ou n'agissent pas. N'indiquons-Nous pas suffisamment combien le cinéma bien dirigé pénètre profondément et tourne les esprits à ce qu'il veut ? Eh bien ! une action, comme Nous venons de la décrire, apaiserait et éclairerait les esprits, réduirait les sentiments égoïstes et nuisibles à la communauté, répandrait une conviction plus fondée de collaboration et des idées plus larges pour dominer, dans l'intérêt du bien public, d'inévitables erreurs jusqu'ici malheureusement irréductibles.

Ainsi, le cinéma, sans abdiquer son caractère propre et sans subir de désavantage, peut jouer son rôle au profit de la communauté, raffermir le sens de la fidélité à l'Etat et favoriser le progrès. Un film de ce genre serait bien différent des films de parti et de classe, ou même d'un pays déterminé ; il serait simplement le film de tous puisqu'il servirait l'esprit essentiel de tout Etat.

Notre instruction sur le film idéal par rapport avec la communauté ne serait pas complète si Nous n'ajoutions un mot sur ses relations avec l'Eglise.

c) à l'Eglise.

L'Eglise du Christ, à la différence de la famille et de l'Etat, ne vient pas de la nature ; mais elle se base sur la fondation positive du Rédempteur, qui a déposé en elle sa vérité et sa grâce, afin qu'elle soit, pour les hommes, lumière et force dans le chemin qui va de la terre à la Patrie céleste.

Une si haute réalité, qui inclut tout un monde spirituel et surnaturel, échappe totalement à la représentation artistique, puisqu'elle dépasse les possibilités mêmes des moyens d'expression de l'homme. Il sera toutefois suffisant de la connaître substantiellement pour lui assurer le respect et la vénération dont elle est digne. Que si le film doit — et cela arrive souvent — s'occuper d'événements dans lesquels le sujet de l'Eglise entre en ligne de compte de manière plus ou moins importante et étendue, il devra le faire avec vérité et en connaissance de cause, avec tact religieux, simplicité et dignité. Du reste, Nous avons déjà exposé Notre pensée lorsque Nous avons traité en général du choix des sujets religieux. Nous ajoutons maintenant une seule suggestion : si un film, spécialement un film d'action, veut être fidèle à l'idéal en ce qui regarde l'Eglise du Christ, il doit, en plus de la forme artistique parfaite, être conçu et exécuté de manière à inspirer au spectateur compréhension, respect et dévotion envers l'Eglise, et à ses fils joie, amour et comme un saint orgueil de lui appartenir.

Il n'est pas exclu que des raisons historiques, des exigences de composition ou simplement un sobre réalisme rendent nécessaire de présenter des déficiences et des défauts de personnes ecclésiastiques, dans leur caractère et peut-être même dans l'exercice de leur office ; en ce cas toutefois, qu'il soit bien clair pour le spectateur qu'il y a une distinction entre institution et personne, entre personne et office. En particulier, pour le catholique, le film qui réalisera l'idéal du film religieux sera celui dans lequel l'Eglise apparaîtra rayonnante de l'auréole de « Sancta Mater Ecclesia » : Sainte et Mère, dans laquelle il a confiance, à laquelle il adhère, dans laquelle il vit, de laquelle son âme et son être intime tirent l'humaine perfection et les richesses éternelles.

Voici, Messieurs, ce que Nous voulions dire au sujet du cinéma, auquel vous consacrez votre activité, vos talents, votre travail quotidien. Nous voudrions maintenant conclure les réflexions que Nous venons de faire sur l'importance du cinéma et sur son idéal en vous confiant Notre sentiment intime. Tandis que Nous vous parlions, au regard de Notre esprit étaient présentes les immenses foules d'hommes, de femmes, de jeunes gens, d'enfants, auxquels le film s'adresse chaque jour avec son langage puissant, et Nous recueillions avec tendresse et anxiété paternelle leurs désirs et leurs attentes. La majorité d'entre eux, qui sont au fond de leur esprit sains et bons, ne demandent pas d'autre chose au film qu'un reflet du vrai, du bien, du beau ; en un mot un rayon de Dieu. Ecoutez leur voix vous aussi, et répondez à leur attente profonde, afin que l'image de Dieu, imprimée dans leurs âmes, brille toujours nette dans les pensées, les sentiments et les oeuvres inspirés par votre art.

C'est par ce souhait, qui veut être aussi une nouvelle assurance de l'estime et de l'intérêt que Nous portons à votre oeuvre, que Nous invoquons sur vous les faveurs célestes, en gage desquelles Nous vous accordons de grand coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.


PieXII 1955 - II. MAXIMES CONCILIATRICES DE L'EGLISE POUR LA PREVENTION DES CONFLITS