Pie XII 1954 - RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL DU BRÉSIL


ALLOCUTION AUX CONGRÉGATIONS MARIALES

(8 septembre 1954) 1


En ce jour, quinze mille Congréganistes furent reçus en audience dans la Basilique de Saint-Pierre et Pie XII leur dit :

C'est une grande joie pour Nous d'accueillir ce soir, dès leur arrivée, les milliers de Congréganistes de la Très Sainte Vierge réunis à Rome pour la première session de leur Fédération Mondiale. Que Marie Immaculée, dont l'Eglise fête aujourd'hui la Nativité bienheureuse, vous soit propice, chers fils et filles du monde entier venus à ce Congrès ; qu'elle bénisse votre union et augmente votre ferveur !

Nous voulons tout d'abord vous dire combien Notre coeur est sensible à l'hommage de vos prières et des dons qu'elles accompagnent, car Nous savons la foi et l'affection profonde qu'elles signifient. Vous avez voulu également, par une délicate attention, faire mémoire du 60e anniversaire de Notre propre consécration de Congréganiste, et de cela aussi Nous vous remercions.

En cette Année Mariale, vous voici au lieu même où le 8 décembre 1854, Notre prédécesseur de sainte mémoire, Pie IX, proclamait, au milieu de la joie universelle des chrétiens, la foi infaillible de l'Eglise catholique en la Conception Immaculée de la Vierge Marie, Mère de Dieu. Comment n'auriez-vous pas célébré de façon spéciale cet heureux centenaire, chers Congréganistes, qui vous êtes consacrés à la Très Sainte Vierge ? Votre pèlerinage n'est pas simplement un acte de piété filiale, il manifeste encore votre volonté de progresser toujours davantage dans la ligne de la perfection chrétienne à laquelle vous aspirez ; aussi














attendez-vous de Notre part encouragements et directives pour mieux réaliser votre idéal de piété et d'apostolat.

Le Congrès qui s'ouvre aujourd'hui doit être en effet le point de départ d'une rénovation spirituelle de toutes les Congrégations du monde. Il a pour thème : « La plus grande gloire de Dieu par une plus grande sélection, une plus grande union avec la Hiérarchie, une plus grande collaboration avec les autres associations apostoliques ». Nous avons eu déjà l'occasion d'écrire au Directeur de votre Secrétariat central que ce programme Nous paraît excellent, car il renferme en peu de mots les principales indications que Nous avons formulées dans Notre Constitution Apostolique Bis saeculari2. Ce document, auquel Nous avons donné une forme solennelle pour en souligner l'importance, expose les obligations et les prérogatives des Congrégations îvlariales affiliées à la Prima Primaria du Collège Romain. Nous voulons qu'il demeure la charte des Congrégations, qu'il fixe à la fois leur régime intérieur et leur situation dans l'Eglise.

Le choix des Membres

Aujourd'hui, Nous insisterons seulement sur les trois points du programme que Nous rappelions à l'instant : sélection, union à la Hiérarchie, coopération apostolique. Le premier d'entre eux est essentiel pour assurer la rénovation désirée. Les Congrégations ne sont pas de simples associations de piété, mais des écoles de perfection et d'apostolat. Elles s'adressent aux chrétiens qui, non contents de faire un peu plus que le nécessaire, sont décidés à répondre généreusement aux attraits de la grâce, à chercher et pratiquer selon leur état de vie toute la volonté divine. C'est pourquoi nul ne pourrait y être admis en vertu de quelque tradition, pour honorer la Congrégation ou recevoir d'elle estime et dignité. Seul entre en ligne de compte le désir d'une plus grande perfection, d'une vie chrétienne rayonnante de ferveur personnelle et apostolique. Que les conseillers appelés à donner leur avis et surtout le directeur, qui seul prend la responsabilité de l'admission, considèrent sérieusement ces points essentiels. L'aptitude du candidat se manifestera par sa fidélité aux réunions, par le goût de la prière, la pratique des sacrements de pénitence et d'Eucharistie, en un mot par l'application à

2 Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 336.

croître sans cesse dans l'amour de Dieu, fondement du zèle des âmes. Celui-ci en effet pour se maintenir et porter des fruits requiert une vertu surnaturelle. Or ni la foi, ni l'espérance, ni la charité ne procèdent d'un heureux caractère ou d'une activité spontanée : elles constituent des dons divins, qu'il faut demander humblement, constamment, et cultiver avec soin. Celui qui aspire à être un Congréganiste digne de ce nom engage nettement la lutte contre les tendances moins bonnes ; résolu à se dégager entièrement de l'empire du péché, il vise à l'imitation toujours plus fidèle de Jésus, le Fils de l'Homme doux et humble de coeur ; il brûle comme lui d'accomplir les moindres désirs de son Père, de lui plaire en tout et malgré tout. Que cet idéal séduisant et austère soit en chacun de vous, chers fils et filles, le principe des plus éclatantes rénovations spirituelles, le soutien d'un effort silencieux et lent comme la vie, mais incoercible comme l'action de Dieu.

nion à la Hiérarchie

L'union à la Hiérarchie, signe visible de l'attachement sincère au Christ, sera aussi la pierre de touche de la pureté du zèle. Si Nous avons tenu à ranger les Congrégations Mariales, telles que les définit la Constitution Bis saeculari, parmi les formes les plus authentiques de l'Action catholique, c'est qu'elles travaillent expressément à faire entrer leurs membres dans l'esprit de l'Eglise, sentire cum Ecclesia. Or, cette disposition est la seule qui convienne, lorsqu'on prétend collaborer à l'apostolat de la Hiérarchie. Responsable de la gloire de Dieu sur la terre, dépositaire des pouvoirs divins, la Hiérarchie assigne leur tâche à chacun des volontaires qui s'offrent pour continuer l'oeuvre du Christ. Afin de lui prêter une aide efficace, il ne suffit pas de soumettre à son approbation toute institution existante ou toute initiative nouvelle ; mais il importe d'entrer dans son esprit, de comprendre ses intentions, de prévenir ses désirs : cela suppose humilité et obéissance, dévouement et abnégation, solides vertus que ne manque pas de développer la formation sérieuse des Congrégations. Animés d'une volonté de servir à tout prix, les Congréganistes ne cherchent jamais à faire bande à part ou à revendiquer eux seuls certains secteurs, mais ils sont prêts au contraire à travailler là où la Hiérarchie les envoie. Ils servent l'Eglise non comme une puissance étrangère ni même comme une famille humaine, mais comme l'Epouse du Christ inspirée et guidée par l'Esprit Saint lui-même, et dont les intérêts sont ceux de Jésus. L'Apôtre Saint Paul souffrait déjà de constater que certains — tous, disait-il dans son amertume — « tous recherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ » 3. Qu'un tel avertissement vous tienne en éveil ! Oublieux de vous-mêmes, prompts à répudier toute étroitesse de vue, acceptez les consignes de l'Eglise, comme venant de votre divin Chef. Ainsi pourrez-vous dire avec l'Apôtre : « au jour du Christ... ma course et ma peine n'auront pas été vaines » 4.

Coopération avec les autres oeuvres catholiques

Le thème de votre Congrès envisage aussi une plus grande coopération avec les autres associations apostoliques. Outre son aspect pratique, cette union des efforts fournit un signe non équivoque de la présence du Christ parmi ceux qui, dans l'action comme dans la prière, obéissent à une même inspiration. « Qu'ils soient un, demandait avec instance Jésus à son Père dans sa prière sacerdotale, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé » 5. L'apostolat participe en quelque sorte à la mission divine de Jésus ; il manifeste aux hommes l'amour du Père et du Fils dans le don de leur unique Esprit. Vous vous rappelez sans aucun doute comment les Actes des Apôtres soulignent ce fruit merveilleux de l'Esprit Saint au lendemain de la Pentecôte : « La multitude des croyants n'avait qu'un coeur et qu'une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun. Avec beaucoup de puissance les Apôtres rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus, et ils jouissaient tous d'une grande faveur » 6. Ce rayonnement apostolique si extraordinaire dans la première communauté chrétienne s'est renouvelé de diverses manières dans l'histoire de l'Eglise, en particulier aux heures critiques où seule la poussée vigoureuse de forces jeunes, aux convictions intactes, fondues dans un seul et même élan, pouvait renverser des obstacles apparemment insurmontables. N'est-ce pas un témoignage de ce genre que l'époque actuelle attend tout particulièrement de vous ? Tant d'initiatives généreuses, s'éparpillent sur des voies divergentes, s'ignorent et parfois hélas, en viennent à s'opposer. Et pendant ce temps, le mal poursuit sans trêve sa conquête et pénètre partout, faute de bonne entente et de coordination parmi les bons.

Tout comme aux débuts de l'Eglise, où la puissante intercession de Marie méritait à la communauté de Jérusalem la concorde parfaite dans la charité, Nous souhaitons vivement que la Reine des Apôtres vous anime tous, chers fils et filles ici réunis, et tous vos compagnons des Congrégations du monde entier que vous représentez auprès de Nous, d'un esprit de sincère collaboration. Que l'on puisse dire de vous, en retournant le mot de saint Paul cité tantôt : « aucun ne rechercherait ses propres intérêts, mais uniquement ceux de Jésus-Christ ».

Tel est le voeu que Nous formulons pour finir. Daigne Marie le garder et le faire fructifier dans tous les lieux où vous allez retourner, emportant de Rome et de ce Congrès le souvenir d'un souffle de Pentecôte et la volonté de répondre avec libéralité à tant de grâces obtenues sous le patronage de Marie Immaculée. En gage de la bienveillance divine qu'appellent Nos prières les plus ferventes, Nous vous accordons à vous-mêmes, chers fils et filles, à chacune de vos Congrégations, à chacune de vos Fédérations nationales et à votre Fédération mondiale, la plus paternelle et la plus cordiale Bénédiction apostolique.



S Phil., 2, 21.

4 Ibid., 2, 16.

5 Jean, 17, 21.
• Act., 4, 32-34.











ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS MONDIAL DE LA POPULATION

(8 septembre 1954)1

Accordant une audience générale en la Basilique Saint-Pierre, le 8 septembre 1.954, le Pape s'adressa tout particulièrement aux membres du Congrès mondial de la Population en disant :

Et maintenant Nous sommes heureux de saluer les participants du Congrès Mondial de la Population qui ont désiré Nous rendre visite.

La science de la population est jeune mais elle est primordiale parce qu'elle touche immédiatement à la vie humaine et peut éclairer certains de ses plus graves problèmes individuels et sociaux.

Ces problèmes, l'Eglise ne les ignore pas ; elle n'est pas indifférente à leurs aspects angoissants, ainsi qu'en font foi bien des documents émanés récemment du Saint-Siège et concernant la vie familiale, l'économie nationale, les relations entre les peuples, dont les uns se trouvent abondamment pourvus de richesses, tandis que d'autres restent dans des conditions tragiques.

Mais l'Eglise a toujours entendu situer les problèmes de la population dans leur véritable perspective : celle d'une destinée morale, personnelle, qui à travers l'action courageuse, audacieuse même, dans le temps, doit trouver son accomplissement dans la possession éternelle de Dieu.

C'est pourquoi Nous ne pouvons que Nous réjouir de la lumière que vos travaux, ceux de tous les démographes sincères, apportent à la connaissance des lois et des valeurs qui conditionnent l'évolution des populations. C'est pourquoi aussi Nous engageons les catholiques à prendre une part active aux re-

ALLOCUTION AU VIe CONGRÈS DES MAITRES-TAILLEURS

(10 septembre 1954)1

Pie XII reçut à Castelgandolfo les membres de ce Congrès et leur adressa la parole :

Lorsque, durant votre Congrès de 1952, vous eûtes à délibérer sur le choix de votre prochain lieu de rencontre, c'est avec enthousiasme, Messieurs, que vous avez décidé de venir à Rome, et vous formiez dès lors le souhait de pouvoir Nous rendre visite. Voici que ce souhait se réalise aujourd'hui ! A la fin de votre VIe Congrès international des Maîtres Tailleurs, Nous avons donc le plaisir de vous recevoir et de vous assurer de Notre estime et de Notre sympathie. Soucieux des problèmes moraux et spirituels que la vie actuelle pose aux différents groupes sociaux et surtout aux associations professionnelles, Nous voudrions par ces quelques mots tâcher de répondre à votre attente et envisager brièvement quelques aspects de votre activité.

Depuis le siècle dernier, la société moderne voit apparaître toute une efflorescence de professions nouvelles. Les applications toujours plus étonnantes et variées de la mécanique et de l'électricité ont entraîné la modification complète des méthodes anciennes de travail ; elles ont transformé et rénové bien des secteurs de l'économie. Mais cette évolution a respecté, en partie du moins, un petit nombre d'activités, en particulier celles qui répondent aux besoins les plus fondamentaux de l'homme, la nourriture et le vêtement. Vous êtes parmi ces privilégiés ; car ils méritent à bien des titres l'appellation de privilégiés ceux dont le métier échappe encore aux servitudes de la production de masse, à la standardisation du travail, tellement nuisible à sa valeur spirituelle.

On a souvent remarqué que, parmi tous les êtres vivants, l'homme est l'un des plus faibles, l'un des plus dépouillés de protection naturelle. Mais Dieu lui a donné l'intelligence qui le met en mesure de suppléer à cette déficience par l'exercice de son industrie. Il vous appartient donc de compléter, pour ainsi dire, l'oeuvre du Créateur, en fournissant à vos semblables le vêtement dont ils ont besoin. Le Christ, faisant un jour admirer à ses disciples la délicate parure d'une simple fleur des champs, leur dit : « Salomon dans toute sa gloire n'était pas vêtu comme l'une d'entre elles »2. Si donc les plantes et les animaux se revêtent de merveilleuses couleurs, qui attirent le regard et forcent l'admiration, l'homme ne peut-il en cela imiter l'artiste divin ? Sans doute cherche-t-il surtout à se défendre des intempéries ; mais, dès qu'il lui est possible d'échapper à la routine de la vie quotidienne, il s'efforce de se distinguer dans la manière de s'habiller, par quelque trait personnel et caractéristique. Le vêtement, d'ailleurs, traduit sensiblement et de façon permanente la condition de la personne ; il varie selon le sexe, l'âge, la fonction sociale ; il manifeste à la fois ce qui rattache l'individu à certaines classes sociales et ce qui, à l'intérieur de ces groupes eux-mêmes, lui confère un rang spécial. Les vêtements d'apparat tout spécialement veulent rendre sensible, par la richesse des étoffes et leur confection irréprochable, l'excellence de celui qui les porte. Aussi, à côté de son aspect utilitaire évident, votre profession comporte-t-elle un caractère vraiment esthétique, qui garantit son originalité et exige, outre l'habileté manuelle, la mise en oeuvre des dons de l'esprit. C'est pourquoi l'art du tailleur échappe pour sa partie essentielle, à la mécanisation. Sans doute il est indispensable d'assurer là aussi une production intensive, qui réponde aux nécessités quotidiennes du grand nombre ; mais la place d'honneur restera toujours à l'oeuvre singulière, celle où l'artisan exploite au maximum les qualités de l'étoffe utilisée et déploie toutes ses ressources pour réaliser le modèle qu'il a conçu.

C'est le propre d'un art de chercher constamment à se renouveler, d'inventer sans cesse d'autres formes, de souligner d'autres nuances. Il faut sans doute satisfaire les désirs de l'ache-





Matth., 6, 29.



teur, mais le fabricant tentera d'attirer son attention, de solliciter son intérêt, par la beauté et le fini de son travail. Cet effort se justifie entièrement ; mais, par ailleurs, l'esprit matérialiste, qui inspire une si grande part de la civilisation d'aujourd'hui, n'a pas épargné le secteur de la mode. On y voit s'étaler trop souvent un luxe provocant, ignorant de toute pudeur, soucieux uniquement de flatter la vanité et l'orgueil. Au lieu d'élever et d'ennoblir la personne humaine, le vêtement parfois tend à la dégrader et l'avilir. Même si vous n'êtes pas responsables de ces manifestations regrettables, vous ne pouvez y demeurer indifférents. Bien loin d'entretenir le penchant déjà trop vif à l'immodestie, soyez toujours soucieux de respecter les normes de la décence et du bon goût, d'une élégance sainement entendue et parfaitement honnête. Bref, au lieu de suivre le courant matérialiste qui entraîne tant de contemporains, mettez-vous délibérément au service de fins spirituelles. Il n'est pas possible de cloisonner la vie humaine, d'y fixer certains domaines où la morale n'aurait point son mot à dire. Le vêtement exprime de façon trop immédiate les tendances et les goûts de la personne pour échapper à certaines règles bien nettes, qui dépassent et commandent le simple point de vue esthétique.

S'il faut condamner l'ostentation vaine, il est entièrement, normal que l'homme se préoccupe de rehausser, par l'éclat extérieur des habits, les circonstances extraordinaires de la vie, et de témoigner par là ses sentiments de joie, de fierté ou même de tristesse. La robe blanche d'une enfant au matin de sa première Communion, celle de la jeune femme au jour de son mariage, ne symbolisent-elles pas l'éclat tout immatériel d'une âme qui offre le meilleur d'elle-même ? Et ailleurs, selon la parabole de l'Evangile, l'entrée dans le Royaume des deux n'est-elle pas réservée à ceux-là seuls, qui porteront le mystérieux vêtement de noces que Dieu exige de ses invités, c'est-à-dire une conscience droite et pure, dont les fautes ont été effacées par la grâce divine, qui la transforme et la rend digne de paraître devant Dieu ? N'est-ce pas là pour votre profession un idéal moral magnifique ? Vous travaillez immédiatement au service de la personne humaine, élevée par Dieu à une dignité incomparable, lorsque par son Incarnation II est devenu membre de l'humanité. Dans le plus humble de vos semblables resplendit l'image du Fils de Dieu. Comme les mains maternelles de la Vierge se sont employées à confectionner les habits du Christ, et peut-être cette robe qui fut tirée au sort sur le Calvaire par des soldats inconscients de la portée de leur geste, c'est Dieu que vous continuez à vêtir dans les hommes d'aujourd'hui. Il ne s'agit pas là d'un pur symbolisme. Dans un des passages les plus solennels de l'Evangile, l'annonce du jugement dernier, le Christ fait expressément allusion à cette oeuvre de charité : « Venez prendre possession du Royaume qui vous est préparé, dit-il à ses élus, car j'étais nu et vous m'avez vêtu. » Et II ajoute : « Chaque fois en effet que vous l'avez fait au plus petit de mes frères, c'est à moi-même que vous l'avez fait3. »

Ce passage de l'Evangile renferme pour vous, Messieurs, une magnifique promesse et une grande consolation. Malgré les difficultés qui entravent l'exercice de votre activité professionnelle, n'abaissez pas vos préoccupations au seul souci du gain temporel. Sachez rester toujours conscients de la signification profonde de votre travail et de sa finalité humaine. Loin d'en entraver l'exercice, cet idéal vous aidera à en sauvegarder la dignité et vous rendra justement fiers de la noblesse de votre tâche.

En gage des bénédictions divines que Nous implorons sur vous-mêmes, vos familles, vos collaborateurs, Nous vous accordons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.

Matth., 25, 54- 3°. 38, 40, 43.


PRIÈRE CONTRE LE BLASPHÈME

(11 septembre 1954) 1


Du 8 au 11 septembre 1954 eurent lieu des journées de réparation contre les blasphèmes ; à cette occasion, Pie XII récita à la Radio la prière que voici :

O Très Auguste Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, qui, bien qu'infiniment heureuse de toute éternité en vous-même et par vous-même, daignez accepter avec bienveillance l'hommage qui s'élève de la création universelle jusqu'à votre trône sublime, détournez, nous vous en prions, vos yeux et vos oreilles de ces malheureux qui, ou aveuglés par la passion, ou poussés par des influences diaboliques, blasphèment abominablement votre nom, celui de la très pure Vierge Marie et ceux des saints.

Retenez, ô Seigneur, le bras de votre justice qui pourrait réduire à néant ceux qui osent se rendre coupables de tant d'impiété.

Acceptez l'hymne de gloire qui sans arrêt s'élève de toute la nature : depuis l'eau de la source qui coule limpide et silencieuse jusqu'aux astres qui resplendissent et décrivent une orbite immense mus par l'Amour, là-haut, dans les deux. Acceptez en réparation le choeur de louanges montant, tel l'encens devant les autels, de tant d'âmes saintes qui marchent sans jamais dévier dans les sentiers de votre loi et s'efforcent d'apaiser votre justice offensée, par des oeuvres assidues de charité et de pénitence ; écoutez le chant de tant d'âmes d'élite qui consacrent leur vie à célébrer votre gloire, la louange intarissable que l'Eglise vous adresse à toute heure et sous tous les cieux. Et faites qu'un jour les coeurs blasphémateurs soient convertis et que toutes les langues et toutes les lèvres s'unissent pour chanter, ici-bas, ce cantique qui résonne sans fin dans les choeurs des anges : Saint, Saint, Saint, est le Seigneur Dieu des armées ; les cieux et la terre sont pleins de votre gloire. Ainsi soit-il.

ALLOCUTION A LA IIIe CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LA POLIOMYÉLITE
(11 septembre 1954) 1


Recevant les membres de cette Conférence en audience à Castelgan-dolfo, le Saint-Père dit :

Pour apprécier la signification de votre présence à Rome, Messieurs, ainsi que la véritable portée de la « IIIe Conférence Internationale de la Poliomyélite », il n'est que de porter un instant le regard sur le bilan actuel de la lutte contre cette terrible maladie. Jadis limitée aux zones tempérées, peu fréquente et dangereuse seulement pour les enfants, elle a envahi à présent toutes les latitudes, multiplie ses apparitions et se montre nocive même pour l'âge adulte. La médecine, démunie de remèdes décisifs, assiste angoissée à cette invasion d'année en année plus menaçante. Si l'on évoque en outre les charges croissantes qu'imposent à la société l'équipement thérapeutique et le secours social aux infirmes, on comprend toute l'utilité de ces réunions internationales d'illustres savants, où l'échange des expériences réalisées et des résultats acquis, contribue tellement à rendre plus proche le moment désiré par tous, où la poliomyélite pourra enfin être vaincue.

1 D'après le texte français des A. A. S., 1954, p. 533.




C'est pourquoi, Messieurs, Nous vous disons toute Notre estime, ainsi qu'à tous ceux qui, avec un dévouement admirable, se préoccupent d'entourer les malades de la plus délicate vigilance et de faciliter leurs tentatives pour reprendre, avec des moyens physiques diminués, une vie aussi semblable que possible à celle de l'homme normal. Quelle somme de patience et d'ingéniosité n'a-t-on pas dépensée et ne dépense-t-on pas encore pour effacer, autant qu'il se peut, les conséquences désolantes

de cette maladie ! Mais si l'attention se porte volontiers sur les progrès de la thérapeutique et de la rééducation, nul doute que la recherche scientifique, pour être moins spectaculaire et moins accessible au profane, ne soit digne elle aussi d'admiration et de reconnaissance. Qu'il s'agisse d'enquêtes épidémiologiques, de la mise au point de nouvelles méthodes de culture du virus, de tentatives d'immunisation, les résultats obtenus témoignent d'un labeur infatigable, renouvelant sans cesse les essais en dépit d'échecs et de complications, qui surgissent parfois et renversent les théories déjà établies.

Si le programme de votre conférence couvre les principaux aspects du sujet, l'étude de l'épidémiologie et de l'immunité revêt un intérêt tout particulier et présente les difficultés les plus ardues. Pour réaliser une prophylaxie efficace de la poliomyélite, il serait indispensable de connaître assez exactement les sources du virus, ses conditions d'existence, son comportement dans le milieu extérieur ; il faudrait pouvoir l'identifier assez rapidement pour déterminer comment il se répartit au sein de la population. Mais les travaux des chercheurs se heurtent ici à des faits apparemment contradictoires et parfois fort déroutants. Ainsi doit-on constater que la mise en oeuvre systématique des règles de la prophylaxie classique reste inefficace ou même semble favoriser le développement de la maladie.

Les problèmes qui concernent l'immunité offrent également de curieuses données : ne remarque-t-on pas que le virus s'attaque de préférence aux individus sains et bien constitués, qu'il ne se diffuse pas dans l'entourage du malade au stade aigu de l'infection, mais que le convalescent et même le bien portant seront des agents de contagion plus dangereux ? Quels sont donc les facteurs qui déterminent la résistance de l'homme au virus ? Pourquoi la maladie évolue-t-elle la plupart du temps sous la forme abortive, en épargnant complètement le système nerveux central ? A ces demandes, on n'a pu jusqu'ici répondre que par des conjectures. D'un intérêt plus immédiat encore sont les tentatives nombreuses réalisées jusqu'à présent pour provoquer l'immunité à l'aide de vaccins, de sérums ou par la chimiothérapie. Aucun procédé n'a réussi encore à atteindre le but de façon satisfaisante. Cependant l'espoir de toucher bientôt au terme est plus vif et plus justifié que jamais, et l'on a vu récemment l'enthousiasme avec lequel les enfants des Etats-Unis se sont prêtés à un nouvel essai. Nous souhaitons de tout coeur qu'une réussite indiscutable couronne sans retard la ténacité des savants et que la médecine puisse ajouter à ses titres de gloire celui d'avoir triomphé d'une énigme aussi redoutable.

Si des objectifs essentiels restent encore à conquérir dans la lutte contre l'agent responsable de la poliomyélite, l'assistance aux malades a accumulé patiemment de nombreuses expériences, corrigeant et perfectionnant sans cesse ses méthodes pour remédier aux différents troubles neurovégétatifs, éviter l'apparition des déformations et rendre autant que possible aux muscles l'intégrité de leur fonctionnement. Bien que le tissu nerveux détruit le soit irrémédiablement, une pratique avertie et diligente des exercices de rééducation obtient habituellement des résultats fort appréciables, et l'on admire ici encore la souplesse et la faculté merveilleuse d'adaptation du corps humain et ses possibilités de suppléer aux fonctions disparues.

Il reste malheureusement des cas où les destructions opérées par le virus sont trop étendues pour autoriser une récupération sensible des forces. Chez le grand infirme, celui dont la santé et avec elle, la profession et la condition économique et sociale, sont définitivement compromises, le problème médical cède vite le pas au problème psychologique, tant pour l'intéressé que pour son entourage. Il est impossible de voir tout à coup s'écrouler des perspectives d'avenir et la plupart des attraits naturels qui soutiennent l'homme dans son dur effort de chaque jour, sans en éprouver un bouleversement total, sans s'interroger avec angoisse sur le sens de l'existence, sa valeur, son but. Et parce qu'elles engagent les dispositions profondes de l'homme, ces questions l'emportent sur les difficultés purement physiques. Peut-être n'a-t-on pas toujours assez remarqué leur incidence même sur les attitudes quotidiennes et en apparence les plus banales. Ainsi elles conditionnent la conduite du malade vis-à-vis de son milieu : il arrive qu'il se transforme peu à peu et presque inconsciemment en égoïste, avide de se faire servir, s'épargnant la moindre peine, se complaisant en lui-même pour compenser par là son infériorité. Or il serait erroné de croire qu'on restaure plus aisément l'équilibre moral et psychologique que le jeu des forces musculaires : en dehors de cas exceptionnels, l'homme, surpris par la brutalité de la catastrophe, attend une aide pour réagir positivement et sainement, reprendre en mains sa vie et la refaire sur un nouveau plan. Aussi étendus que soient les dégâts, l'infirme reste un homme chargé d'une responsabilité morale devant sa propre conscience et devant la société, capable d'affection et appelé au don de soi, à la générosité, au désintéressement. Même s'il se voit obligé d'exercer une profession beaucoup plus humble que celle de ses rêves, même s'il est réduit à la quasi immobilité, rien ne l'empêche de conquérir les plus hautes vertus ; dans un corps abîmé, une âme éprise de grandeur peut affiner en elle les qualités les plus exquises. L'épreuve elle-même lui sera un tremplin : en lui fermant la voie commune du progrès moral, elle l'obligera à s'élever plus vite et plus haut et à atteindre une valeur humaine, à laquelle peut-être il n'aurait jamais prétendu en des circonstances normales. Mais bien souvent l'accès à ce niveau supérieur n'est pas facile : il exige la collaboration de ceux que des liens de parenté ou leur rôle médical mettent en contact avec les paralytiques. Il importe à ce sujet de ne pas oublier que le sentiment religieux est l'un des ressorts les plus énergiques de l'action morale, et qu'il comporte, comme facteurs spécialement efficaces, non seulement la foi en une vie meilleure dans l'au-delà, mais aussi et surtout la conviction du mérite et de l'utilité de la souffrance, dans les perspectives surnaturelles de la Rédemption.

Vous entrevoyez, Messieurs, combien votre influence peut gagner à se prolonger du terrain de la thérapeutique sur celui des problèmes humains. Là comme dans le domaine scientifique votre tâche est grande. Que de malades doublement frappés, dans leur corps d'abord, puis dans leur coeur, privés d'espoir, de courage et de raison de vivre ! Ce qu'ils attendent de vous, c'est non seulement une compétence professionnelle sans failles, mais plus encore peut-être une compréhension entière de l'homme et des conditions spirituelles de sa vie ; c'est, même si leur désir n'arrive pas à s'exprimer clairement, une orientation discrète et compréhensive, une invitation à ne pas regretter vainement les biens qui leur échappent, mais à s'appuyer sur d'autres réalités plus durables, plus fermes, auxquelles jusqu'alors ils attachaient une moindre importance, et qu'ils découvrent soudain, sans consentir encore à s'y abandonner comme à la véritable planche de salut.

Que Dieu vous aide dans vos entreprises ! Qu'il les couronne de succès ! Qu'il vous accorde à vous-mêmes, à vos collaborateurs dévoués, à vos familles, sa protection toute-puissante et les dons les plus précieux de l'esprit et du coeur. Avec toute Notre sollicitude paternelle, Nous vous en donnons pour gage Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU CONGRÈS D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

(11 septembre 1954) 1


Des délégués de quatorze nations prirent part à ce Congrès ; et les participants, reçus en audience à Castelgandolfo, entendirent Y allocution que voici :

Voici donc le cinq cent vingt-cinquième anniversaire de l'institution par Martin V du vénérable collège des pharmaciens de Rome. Il a paru opportun de célébrer la mémoire de cet événement par la réunion d'un Congrès International de Pharmaciens qui exposât et rappelât l'histoire de la pharmacopée. Vous-mêmes, chers Fils, membres de ce Congrès, avez sollicité la faveur d'une audience, désireux de Nous entendre vous porter la parole de consolation et de lumière. Que les voeux que Nous formons répondent à votre attente : c'est hautement et publiquement que Nous tenons à vous confirmer la grande estime en laquelle Nos Prédécesseurs, depuis Martin V jusqu'à Pie IX, ont toujours tenu les pharmaciens.

L'origine des apothicaires, experts dans le soin des maladies, remonte aux temps les plus lointains de l'antiquité romaine. Cet art, fondé sur des bases solides et sans cesse enrichi d'expériences, rendit célèbres les noms d'Aulus Cornélius, Lergus Scribonius, Diosconde, Pline, Galien. C'est donc par une heureuse inspiration de Martin V, Notre Prédécesseur, que votre siège fut fixé en l'église Saint-Laurent in Miranda, jadis temple d'Antonin et Faustine, le long du forum romain. Ce site merveilleux par la silencieuse majesté de ses ruines symbolise parfaitement l'étroite continuité qui unit le grand édifice aux institutions du passé.



Qu'il Nous soit permis maintenant de rappeler à votre mémoire ces vers de Virgile : ils magnifient Japyx, fils de Jason, en train de soigner les blessures d'Enée — et par là votre art salutaire —. Japyx, tenté par la prophétie, la lyre, les flèches rapides, « pour prolonger le destin de son père mourant, préféra connaître la puissance des plantes, la science de guérir et, méprisant la gloire, exercer un art silencieux » 2.

Comme cette expression virgilienne « art silencieux » exprime bien ce qu'est votre profession ! Vous êtes assurément de cette catégorie de citoyens qui consacrent temps, esprit et forces au soulagement des souffrances humaines ; vos remèdes chassent les maladies en cours, tandis qu'une prophylaxie scientifique et prudente s'emploie à les prévenir. La charge que vous avez acceptée est bien lourde et exige une attention vigilante et inlassable ; redoutable est votre responsabilité. Et pourtant, votre activité diligente se revêt de silence, loin de toute agitation publique et voilée aux regards, dans une officine discrète, témoin muet et fidèle de votre labeur assidu. Même, les consolations vous manquent, qui adoucissent d'ordinaire la rude tâche des médecins ou infirmiers, à la vue d'un soulagement chez leurs malades ou leurs infirmes.

Cependant, malgré Virgile, Nous ne pensons pas qu'aujourd'hui, alors que la loi de la charité chrétienne resplendit comme le soleil, vous n'ayez aucun titre de gloire en comparaison des hommes de guerre ou des artistes. Le Christ Rédempteur, médecin de toute l'humanité, qui a prêché l'Evangile du Royaume et guéri toute infirmité 3, qui a donné ce commandement : « Soignez les malades » 4 — a voulu étendre la sollicitude assidue de la charité fraternelle à l'innombrable foule des malades du corps ou de l'esprit. Si celui qui nous a rendu le salut a confié aux prêtres le pouvoir de guérir les âmes corrompues par le péché, au moyen des divins sacrements et de la prédication des vérités révélées et des paroles de vie — plus parfumées et efficaces que les herbes aromatiques — c'est aux médecins et à vous, pharmaciens, qu'il a réservé l'étude et la méditation des soins corporels. C'est du même précepte de charité que procède donc le devoir, pour les ministres de l'autel, de vous tenir en grande considération, de vous manifester leur respect, mais aussi de vous conseiller, guider et aider d'autant plus qu'à l'heure actuelle, vous êtes moins considérés que par le passé. La plupart vous traitent en commerçants, en raison du nombre sans cesse croissant des médicaments spécialisés, produits par des sociétés et que vous revendez sans qu'ils aient passé par vos mains comme jadis les prescriptions magistrales exécutées sur ordonnance médicale. Mais il importe de savoir qu'un bon nombre d'entre vous ont contribué à la découverte ou à l'étude des formules de ces médicaments aujourd'hui fameux. De plus, vous bénéficiez encore d'une large marge où peut s'exercer votre compétence personnelle ; ainsi, du dosage des anesthésiques dans les grandes interventions chirurgicales, de l'application aux blessés de préparations antiseptiques, antibiotiques ou analgésiques.

Recevez donc Nos louanges et Notre encouragement à poursuivre la recherche assidue de nouveaux remèdes et de méthodes encore plus efficaces, même contre ces affections qui jusqu'ici ont toujours résisté obstinément à la thérapeutique ; c'est le voeu de Notre coeur. Quoi de plus désirable pour l'homme qu'atteindre un âge avancé dans l'intégrité de son corps et de son esprit, pourvu qu'avec le nombre de ses cheveux blancs croisse aussi l'étendue de sa sagesse de vieillard ? Pour parvenir à ce résultat, utile à tous, il faudra qu'imitent votre vigilance assidue à écarter les maladies législateurs, magistrats, éducateurs et bien d'autres dont c'est la charge de former les moeurs ; de peur qu'on en vienne, par coupable négligence ou damnable séduction — en appelant liberté une perversité impunie — à infecter de vice un caractère qui se forme et une volonté encore tendre.

C'est donc tout à la fois le devoir et la gloire du pharmacien de s'enrichir d'une vaste science et de ne pas dévier d'un trait des exigences d'une conscience droite. Car il pourrait arriver à l'inattentif ou à l'ignorant — cas d'exception, mais combien funeste ! — de se tromper, si peu que ce soit, dans la composition, le dosage ou la date limite d'efficacité d'un médicament. Mais personne n'oserait assumer une telle responsabilité, qu'il n'ait acquis au préalable une expérience consommée de l'étude de l'herboristerie et de la physique, de la chimie et la biologie !






Puis, à notre époque où s'étalent volontiers la luxure et le mépris des lois, vous êtes tenus par le sens de votre dignité humaine et par la loi chrétienne à ne pas faillir à vos devoirs. Il peut même se présenter des clients qui vous supplient d'être complices de leurs méfaits — alors que vous savez pertinemment que tel ou tel produit, par sa nature même ou par l'usage mauvais qu'on en fera, nuira à la santé, à l'intégrité, à la vie, ou provoquera l'expulsion foetale du sein maternel ; gardez-vous alors de faire bon marché du précepte ou du conseil de la loi éternelle, au profit de l'esprit de lucre, ou par charité et générosité mal entendues.

Que personne ne songe à envier le fameux thérapeute qui offrit à Fabricius de le débarrasser — contre récompense — du roi Pyrrhus ; mais, bien plutôt, que chacun cherche à mériter la louange que Pyrrhus décerna à Fabricius pour l'exalter, parce qu'il lui avait révélé l'infâme tractation. « Ah, ce Fabricius ! on verrait le soleil dévier de sa route plutôt que lui-même se départir de sa droiture ! »

Nous voudrions encore, chers Fils, ajouter un mot, comme par parenthèse ; de grâce, et dans le souci de votre propre dignité, veuillez ne pas exiger un prix supérieur au juste prix. Non que Nous ignorions quelle pénétration d'esprit requiert des savants la préparation des remèdes, non plus que les longs travaux nécessités par l'établissement des formules ou la rareté des éléments qui entrent dans leur composition. Pourtant, dans la balance où vous pesez goutte à goutte vos médicaments, placez aussi les gouttes de sueur de ceux qui doivent gagner leur vie dans les mines, les usines, au prix d'un écrasant labeur ; ajoutez-y les larmes des parents prêts à tous les sacrifices pour arracher leurs chers petits à la mort, et faites que le prix exigé ne l'emporte pas sur le juste prix. Qu'il y ait une marge humanitaire sur les prix imposés : d'homme à homme, la pitié est un devoir sacré. Vous Nous pardonnerez, Nous en sommes assuré, si Notre parole a été trop sévère. Mais Nous Nous devions, en raison même de Notre charge apostolique, de plaider la cause des pauvres et de les protéger de tout Notre pouvoir.

Il ne Nous reste plus qu'à vous bénir, vous et votre activité, de toute Notre paternelle affection, en invoquant l'aide du Dieu tout-puissant et le patronage de la Sainte Vierge, sa Mère, à laquelle est consacrée cette année ; le nom de Notre-Dame est efficace aux oreilles, aux lèvres et aux coeurs de tous ses enfants, tout comme la cannelle et le baume, tout comme une myrrhe de choix exhalant un subtil parfum5, car c'est dans le coeur très pur de Notre-Dame que réside toute espérance de vie et de vérité6.



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Pie XII 1954 - RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL DU BRÉSIL