Pie XII 1954 - LETTRE A SON ÉM. LE CARDINAL INNITZER A L'OCCASION DU IIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE MUSIQUE SACRÉE


LETTRE AU PROFESSEUR PIERSANTI POUR SES XX ANS DE PRÉSIDENCE DU LYCÉE VISCONTI

(3 octobre 1954) 1


Parce que Nous portons une bienveillance particulière au Lycée Visconti où pendant Notre adolescence Nous avons étudié les belles lettres, Nous avons eu pour agréable la lettre, remarquable par les sentiments exprimés et par la grâce du style, dans laquelle vous demandiez Nos voeux pour votre personne à l'occasion de la célébration du vingtième anniversaire du début de votre Présidence, ainsi que pour tout le collège des professeurs et pour leurs élèves. Et vous Nous avez aussi exposé les nombreuses réalisations pour que se cultivent avec plus d'harmonie dans cette demeure de culture les moyens de porter les âmes à atteindre la cime des vertus.

Nous vous informons que ces nouvelles Nous ont été agréables à apprendre, dignes de louanges et d'une totale approbation. Puisqu'à notre époque les maximes matérialistes, même en cette Ville, vénérable et sainte à tant de titres éminents, s'efforcent de courber les âmes vers les choses terrestres et de corrompre les moeurs, il est juste que là où a pris racine un si grand espoir humain, brille davantage comme une lueur le culte et l'amour de la noblesse spirituelle.

C'est pourquoi Nous vous invitons à parfaire au moyen d'un effort assidu ce que vous avez commencé, et Nous souhaitons aussi ardemment pour vous dans la réalisation de vos projets l'amicale collaboration des autres.

Que tous soient donc résolus et dévoués religieusement à atteindre l'idéal de vie que se proposaient les plus éminents des anciens Romains : être des hommes de bien, totalement attachés à la justice, entièrement adonnés et enchaînés à la grandeur croissante, à la force et à l'honneur de la patrie. Or, ce qui fut le propre de leurs principes et de leur sagesse était : « une force d'âme invincible, instruite de toutes choses, calme dans l'action avec le sens d'une bonne éducation et le souci d'autrui » 2. Qu'a la vertu naturelle des Romains, qu'il faut faire refleurir le plus possible, l'Evangile du Christ ajoute la force de la lumière et de la grâce céleste, moyens divins qui élèvent les hommes au plus haut, comme en témoignent l'expérience de chaque jour et les documents de l'histoire. Par une profonde fidélité à bien cultiver la sainte religion, par l'étude des vérités révélées du ciel, par l'innocence des moeurs, que tous à l'envi recherchent Dieu, qui est, comme l'écrit saint Augustin3, «plus intime que mon intime, plus haut que ce qu'il y a de suprême en moi » ; qu'ils composent leurs âmes selon les vraies proportions et rapports de l'ordre, source de paix intérieure, ordre qui résulte de la soumission de l'âme à la conduite de Dieu et du règne de l'âme sur le corps.

Après ces heureux présages faits dans un sentiment de paternelle affection, Nous souhaitons beaucoup que ce lycée qui Nous est cher ne rende jamais vaine la confiance placée en lui et que, protégé par le soutien de Dieu et de la Vierge, Mère de Dieu, il fleurisse dans toutes les vertus unies entre elles par un indissoluble lien.

Nous confirmons enfin ces voeux par la Bénédiction apostolique, que Nous accordons très affectueusement à vous et à tous les professeurs et étudiants.



D'après le texte latin de l'Osservatore. Romano des 18 et 10 octobre 1954.




ALLOCUTION A LA CONFÉDÉRATION INTERNATIONALE DU LIN ET DU CHANVRE

(4 octobre 1954) 1


Le Pape reçut à Castelgandolfo les membres du Ve Congrès de cette Confédération et il leur dit :

La Ve Session de la Confédération Internationale du Lin et du Chanvre, qui s'ouvre aujourd'hui à Rome, réunit en Notre présence les membres de nombreuses Associations professionnelles appartenant à douze nations européennes et Nous sommes heureux d'accueillir et de saluer ici cette délégation distinguée d'une industrie très ancienne et toujours vivante.

L'évolution générale de la civilisation et les nécessités économiques vous ont incités, Messieurs, à fonder vous aussi une Confédération Internationale, dont vous percevez déjà les avantages, et Nous Nous réjouissons à la fois de ce résultat et du rapprochement provoqué par la mise en commun de vos intérêts : il en résulte une compréhension et une estime réciproques à travers les frontières et ce qui jusqu'ici divisait les peuples, ne fait plus, grâce à Dieu, que les distinguer sans les opposer.

Le choix de Rome comme siège du présent Congrès souligne l'importance que tient en Europe le chanvre italien, réputé depuis des siècles pour sa qualité, patrimoine entretenu et développé par le patient effort de générations de cultivateurs et d'industriels. Mais le temps n'est plus, où les fils pouvaient tranquillement continuer le travail de leurs pères sans s'inquiéter des vicissitudes du marché international. La concurrence d'autrès fibres textiles naturelles ou artificielles, le développement de l'industrie mécanique, la législation interne de chaque pays et celle des autres nations constituent autant de facteurs qui influent de façon considérable sur les intérêts de votre Confédération.

Les difficultés techniques ont retenu d'abord votre attention. Le caractère assez irrégulier des fibres végétales provenant des tiges du lin et surtout du chanvre, rend leur préparation longue et délicate. Jusqu'à ces derniers temps, les machines pour le chanvre étaient encore lourdes et coûteuses, comparées à celles qu'on utilise pour les autres textiles. C'est pourquoi vous vous êtes efforcés de réaliser sans cesse de nouveaux progrès, en rendant ces machines plus rapides, en leur faisant accomplir automatiquement plusieurs manoeuvres qui requéraient précédemment l'intervention de l'ouvrier.

Il faut bien reconnaître en effet que la seule qualité du produit obtenu ne suffit pas à le faire vendre abondamment : son prix modéré doit encore le rendre intéressant pour l'acheteur. Un tel résultat suppose le concours de tous aux différents échelons de la production : si le cultivateur fournit à l'industriel une matière première peu coûteuse, c'est toute la corporation qui en bénéficie ; mais le cultivateur lui-même aura souvent besoin pour améliorer sa production de l'information scientifique du naturaliste et du chimiste ; il lui faudra choisir les espèces les plus adaptées à son terrain, les renouveler pour .éviter qu'elles dégénèrent, tenir compte des besoins de l'industrie et savoir exactement les caractères que l'on attend de son produit ; cela n'est possible que par une étroite collaboration surveillée et dirigée de haut non seulement pour chaque pays, mais aujourd'hui pour chaque continent, en attendant que de nouvelles associations étendent au monde entier le bienfait d'une entente universelle.

S'il y a beaucoup de points communs entre les industries du chanvre et du lin, au point qu'on les unit habituellement dans les dénominations officielles, on Nous permettra toutefois de mentionner le rôle particulier, qu'en de nombreuses circonstances les étoffes délicates en fil de lin ont joué ou jouent encore de nos jours dans la liturgie. L'Ancien Testament, au livre du Lévitique, imposait aux prêtres dans le service du Temple des habits de lin, alors que les Orientaux sont ordinairement vêtus de laine2. Comparé aux autres étoffes de cette époque, ie lin était en effet beaucoup plus fin et susceptible d'acquérir une blancheur remarquable. C'est la raison pour laquelle on le réserva aux usages sacrés. Dans le Nouveau Testament, l'apôtre saint Jean verra les anges de son Apocalypse vêtus de fin lin blanc 3, pur et éclatant. L'Eglise conservera l'antique usage des Hébreux et fera du lin la matière habituelle des vêtements liturgiques, que le prêtre porte sous la chasuble durant la sainte messe. Il est probable que le corps sacré de Notre-Seigneur au saint Sépulcre reposa dans un linceul de lin, et c'est aussi sur un corporal de lin que repose directement l'hostie consacrée durant le Saint Sacrifice. Vous avez voulu, Messieurs, vous souvenir de ces nobles traditions, en faisant hommage au Père commun d'un précieux lot de toiles fines pour le service de l'autel. Il Nous plaît de souligner une fois de plus à cette occasion combien l'Eglise est heureuse d'offrir à Dieu les prémices de l'industrie humaine, tout comme dans l'Ancien Testament elle demandait aux fidèles de venir présenter chaque année les prémices de la moisson. Il est juste en vérité que toute activité de l'homme aboutisse finalement à Dieu et que rien de ce qui est bon, rien de ce qui est beau, ne demeure entièrement profane. Non seulement les formes supérieures de l'activité industrielle et artistique, mais aussi le travail de l'artisan et celui de l'industriel ont leur part à prendre dans le concert de louanges, qui de toute la terre doit s'élever vers le Seigneur : Bénissez le Seigneur ateliers et fabriques, bénissez-Le ouvriers et patrons !

Puisse le Dieu Tout-Puissant vous accorder à tous, ici présents, le bienfait de sa grâce et l'étendre au loin à ceux qui vous sont chers. Puissiez-vous retourner dans vos pays et dans vos foyers, dans vos propriétés et dans vos usines, plus intimement persuadés que la loi du travail imposée à l'homme pour son salut est aussi pour lui le moyen de rendre à son Créateur le témoignage le plus éloquent de sa reconnaissance et de son amour. C'est le voeu que Nous formons du fond du coeur, et en signe duquel Nous vous donnons Notre paternelle Bénédiction apostolique.

ALLOCUTION AU IVe CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA CÉRAMIQUE

(5 octobre 1954)1


Ce Congrès terminant ses travaux a été reçu en audience par le Pape.

Au terme des réunions scientifiques et culturelles qui ont marqué votre IVe Congrès International de la Céramique, vous avez désiré, Messieurs, venir jusqu'à Rome pour Nous rendre visite. Nous Nous faisons un plaisir de répondre à votre attente et vous souhaitons de tout coeur la bienvenue.

Il suffit de parcourir le programme des activités de votre Congrès pour en apercevoir la variété et l'intérêt. Non seulement vous avez étudié des questions théoriques et pratiques liées au développement actuel de la céramique, mais vous avez visité, dans le Nord de l'Italie, les centres de production les plus importants. Nous espérons que, de ces visites et des échanges de vue dont elles furent l'occasion, vous avez retiré d'utiles indications. Vous pourrez ainsi promouvoir, dans vos pays respectifs, le perfectionnement des entreprises, auxquelles vous collaborez, et les mettre à même de répondre plus adéquatement aux besoins de l'économie actuelle.

L'art de façonner et de cuire la terre plastique pour en faire des briques, des tuiles, des récipients de toutes formes et des pièces d'ornementation est l'un de ceux que l'homme exerce depuis les temps les plus reculés. Il est merveilleux de voir, dans les civilisations anciennes, quelle diversité d'emploi l'homme a su trouver pour ces produits d'une technique qui, suivant la matière utilisée et les ressources de l'artisan, peut être extrêmement simple, mais aussi d'un raffinement extraordinaire. Car,



Lev., 12, 47 ss. Apoc, 15, 6.



tandis qu'en modelant l'argile, l'homme obtient à peu de frais les ustensiles les plus indispensables à son existence, il éprouve aussi le désir de leur conférer plus de solidité, plus de finesse, d'en varier la forme et l'ornementation, de leur imprimer un caractère propre, qui reflète l'originalité de l'artisan. Il choisit donc la matière avec plus de soin, pour l'avantage de sa couleur, de sa plasticité ou d'une meilleure cuisson. Il la purifie de toute substance étrangère, et la pétrit à plusieurs reprises. Après l'avoir façonnée à l'aide du tour, cet instrument indispensable du potier, et dont la représentation apparaît déjà sur les monuments de l'Ancien Empire égyptien, on doit encore lui faire subir l'opération la plus délicate, celle de la cuisson. L'on devine quelles difficultés elle offrait, puisqu'il fallait obtenir, par des moyens assez rudimentaires, une chaleur uniforme, bien réglée et sans fumée. Les échecs sans doute étaient fréquents, mais on possède encore assez de merveilleux exemplaires pour admirer sans réserve les réussites des céramistes de l'âge classique.

Le progrès des procédés de fabrication allait de pair avec celui d'un autre élément important de la céramique, sa décoration. Dès les origines, divers artifices furent mis en oeuvre pour conférer quelque lustre aux teintes de la pâte et en agrémenter la surface de dessins. Ceux-ci furent d'abord de simples lignes géométriques, puis des entrelacs plus ou moins compliqués. Mais le problème de la décoration ne trouva de solution vraie que par l'invention du vernis et des émaux. Grâce au vernis noir des Grecs, à l'éclat somptueux des émaux chinois, le décorateur put donner libre cours à son inspiration : scènes de la vie quotidienne, récits d'imagination, croyances religieuses, c'est toute l'existence humaine qui s'exprime sur les poteries artistiques, toute la sensibilité et l'âme profonde des peuples qui s'y reflète, s'y fixe pour ainsi dire et, avec elles, traverse les siècles d'une manière beaucoup plus sûre que par bien d'autres voies. La céramique livre ainsi à l'historien une collection de documents clairs, précis et d'une valeur inestimable.

A présent la science vient apporter largement sa contribution à l'industrie de la céramique, qu'il s'agisse de régler la température des fours, d'analyser leur atmosphère, d'étudier la composition et les propriétés des pâtes et des oxydes métalliques. Les modernes instruments de recherche, le microscope électronique par exemple, fournissent ici des renseignements nouveaux et combien précieux.

Mais pour Nous être arrêté sur l'emploi de la terre cuite dans la céramique fine, Nous n'oublions pas l'importance qu'elle garde toujours dans la fabrication des matériaux de construction. Les problèmes de la préparation de l'argile et de sa cuisson sont résolus en fonction des propriétés particulières que l'on vise : solidité, aptitude à résister aux sollicitations mécaniques ou aux attaques des agents atmosphériques. Bien que subissant la concurrence d'autres produits, ce type de matériel, que l'on s'efforce d'adapter toujours mieux aux divers modes d'utilisation, reste encore d'un usage universel. Aux matériaux réfractaires, qui répondent surtout aux nécessités industrielles, on demande de résister à des températures très élevées, de posséder un faible coefficient de dilatation et de supporter sans défaillance l'action mécanique ou chimique des substances avec lesquelles ils entrent en contact. Nous pensons tout spécialement aux services qu'ils rendent comme revêtement des hauts-fourneaux.

Quelle évolution parcourue depuis les temps lointains, où l'homme, pour construire sa demeure, employait des briques d'argile séchée ! Le spectacle du potier qui prend en main un peu de terre plastique, la dépose sur le tour et, en quelques instants, par le jeu de ses doigts, en tire un vase aux formes élégantes, n'est plus familier aux hommes d'aujourd'hui. Mais pour les peuples de l'antiquité qui le contemplaient si souvent, cette docilité totale de la matière dans les mains de l'ouvrier, la dextérité et le coup d'oeil de celui-ci, offraient une éloquente comparaison et un symbole suggestif du souverain domaine de Dieu sur son oeuvre. Plusieurs fois les textes sacrés de la Bible expriment de la sorte la soumission de l'homme à l'égard de son auteur ; il est comme une poignée d'argile dans la main du potier : image saisissante de la fragilité de la nature humaine et de sa dépendance absolue envers son Créateur. Mais tandis que le vase inerte est livré à autrui et abandonné de celui qui l'a fait, l'homme n'échappe pas un instant à la puissance créatrice. Jamais Dieu ne lui laisse courir seul les hasards de l'existence. Bien loin aussi de le traiter comme le ferait un maître insensible, il se plaît à l'entourer d'une inlassable Providence et à lui témoigner en outre la splendeur d'une affection toute paternelle.

Nous souhaitons, Messieurs, que les communications scientifiques et les visites, auxquelles votre Congrès a donné lieu, contribuent non seulement à l'avancement de l'industrie céra

mique, mais vous aident à apprécier plus exactement la signification culturelle d'une activité à ce point inséparable de l'histoire de l'humanité. Puissiez-vous en tirer de hautes leçons spirituelles et de puissants stimulants pour l'accomplissement de votre tâche quotidienne.

En appelant sur vous, vos familles et vos collaborateurs les faveurs de la divine Bonté, de tout coeur Nous vous en donnons pour gage Notre Bénédiction apostolique.


LETTRE ENCYCLIQUE A L'ÉPISCOPAT AU CLERGÉ ET AUX FIDÈLES DE CHINE

(y octobre 1954)1


L'Eglise de Chine connaît une violente persécution de la part de son gouvernement, d'inspiration communiste.

C'est au peuple chinois qui Nous est si cher et tout spécialement à vous, Vénérables Frères et chers fils qui professez la religion catholique, que Nous adressions, il y a trois ans environ, Notre Lettre apostolique Cupimus im-primis 2. Nous voulions non seulement vous exprimer la part que Nous prenions à vos angoisses, mais encore vous exhorter paternellement à remplir tous les devoirs de la religion chrétienne avec cette fidélité résolue qui réclame parfois une force héroïque. Nous unissant à vos prières Nous faisons monter une nouvelle fois les Nôtres vers le Dieu Tout-Puissant, Père des miséricordes, afin que « comme le soleil brille à nouveau après la tempête et l'orage, ainsi resplendissent enfin sur votre Eglise, après tant d'angoisses, de troubles et de souffrances, la paix, la tranquillité et la liberté » '.

Ces dernières années malheureusement, les conditions faites à l'Eglise catholique chez vous ne se sont en aucune façon améliorées. Bien au contraire les accusations et les





























calomnies n'ont fait qu'augmenter contre le Siège Apostolique, et contre ceux qui lui gardent leur fidélité ; le Nonce Apostolique, Notre représentant auprès de vous, a été expulsé ; et l'on a vu se multiplier les pièges destinés à tromper les esprits moins avertis de la vérité.

Malgré tout, comme Nous vous l'écrivions alors, « à de telles embûches, même habiles, même dissimulées, même déguisées sous une apparence de vérité, vous opposez fermement votre volonté » . Nos paroles n'ont pu parvenir jusqu'à vous, Nous le savons ; c'est pourquoi Nous tenons à vous les répéter grâce à cette Encyclique ; Nous savons aussi pour Notre plus grande consolation que vous avez persévéré fermement dans votre décision, et qu'aucun effort n'a pu réussir à vous détacher de l'unité de l'Eglise ; aussi voulons-Nous vous féliciter encore pour votre fidélité et lui rendre l'hommage qui lui est dû.

Et cependant, puisque Nous devons Nous préoccuper du salut éternel de chacun, Nous ne pouvons cacher quelle est Notre tristesse et Notre inquiétude quand Nous apprenons que parmi vous, alors que vous demeurez pour la plupart fermes dans la Foi, il ne s'en est pas moins trouvé quelques-uns, trompés dans leur bonne foi, pressés par la peur ou séduits par des doctrines neuves et mensongères, pour adhérer, récemment encore, à des principes faux et dangereux répandus par les adversaires de toute religion et tout spécialement de celle qui nous a été divinement révélée par Jésus-Christ.

C'est pourquoi conscient de Notre charge, Nous devons une fois encore, vous adresser Notre Parole par cette Encyclique en espérant qu'elle puisse arriver à votre connaissance ; qu'elle soit un réconfort et un encouragement pour tous ceux qui, fidèles à eux-mêmes persévèrent avec force dans la vérité et dans la vertu ; qu'elle porte aux autres la lumière et Notre paternelle monition 5.

L'amour et la fidélité des catholiques chinois envers leur patrie.

Et d'abord, puisqu'aujourd'hui comme autrefois les persécuteurs des chrétiens les accusent faussement de ne pas aimer leur patrie et de ne pas être de bons citoyens, Nous voulons proclamer une fois encore 6 que les catholiques chinois ne le cèdent à personne pour l'amour ardent et la fidélité vivante à leur si noble patrie. Et cela nul ne peut l'ignorer, s'il est guidé par un jugement droit. La nation chinoise, — Nous Nous plaisons à répéter ce que déjà Nous écrivions à sa louange dans Notre Lettre apostolique —, « s'est distinguée, dès les temps les plus reculés, entre les autres peuples de l'Asie par ses hauts faits, par les monuments de sa littérature, par l'éclat de sa civilisation ; et lorsqu'elle fut illuminée par la lumière de l'Evangile qui dépasse immensément la sagesse de ce monde, elle en tira de plus grandes richesses spirituelles, à savoir les vertus chrétiennes qui perfectionnent et affermissent les vertus naturelles » \

De plus, il Nous semble que votre conduite mérite réellement la louange, car dans l'épreuve quotidiennne et déjà longue qui vous est imposée vous avancez dans la bonne voie en accordant, ainsi qu'il convient à des chrétiens, votre soumission et votre zèle à l'autorité publique dans les domaines de sa compétence, et en prenant grand soin, dans l'amour que vous portez à votre patrie, d'accomplir fidèlement tous vos devoirs de citoyens. Mais ce Nous est aussi une grande consolation d'apprendre qu'à l'occasion vous avez affirmé et affirmez encore ouvertement qu'en aucune façon il ne vous est possible de vous écarter des préceptes de la religion catholique, qu'en aucune façon vous ne pouvez renier votre foi en votre Créateur et Rédempteur, ni manquer à Celui pour l'amour de qui plusieurs d'entre vous ont enduré les supplices et la prison.

A propos de l'« autonomie de Gouvernement ».

Comme déjà Nous l'avons écrit dans Notre précédente lettre, le Siège Apostolique, ces derniers temps tout spécialement, a travaillé avec la plus grande sollicitude à établir et à former le plus grand nombre possible de prêtres et d'Evêques, issus de votre noble pays. C'est ainsi que Notre vénéré prédécesseur Pie XI, a consacré Lui-même en pleine basilique Saint-Pierre les six premiers évêques choisis dans votre peuple ; et Nous-même, n'ayant rien plus à coeur que de voir s'affermir et augmenter chaque jour davantage les progrès de votre Eglise, Nous avons constitué la Hiérarchie Catholique en Chine et élevé un de vos concitoyens, pour la première fois dans l'histoire, aux honneurs de la pourpre cardinalice

Puisse-t-il resplendir bientôt ce jour où, chez vous, des évêques et des prêtres tous issus de votre peuple et à même de répondre à tous ses besoins pourront diriger et gouverner l'Eglise catholique dans votre immense pays, et qu' ainsi vous n'ayez plus besoin dans votre apostolat de l'aide des missionnaires venus de l'étranger. C'est Notre voeu le plus ardent et, à cet effet, Nous faisons monter vers Dieu d'instantes prières. Mais la vérité elle-même et la conscience de Notre charge Nous obligent à proposer à

« A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 155 ; cf. Documents Pontificaux 19J2, p. 28.

votre attention vigilante, et à celle de tous, les points suivants : en premier lieu, ces hérauts de l'Evangile qui ont quitté leur patrie bien-aimée et sont venus chez vous cultiver le champ du Seigneur, au prix de leurs travaux et de leurs sueurs, ne sont poussés par aucun motif terrestre ; ils ne cherchent en effet rien d'autre, et n'ont rien de plus à coeur que d'éclairer votre peuple de la lumière de la doctrine catholique, de le former aux moeurs chrétiennes et de l'aider par un amour surnaturel. Ensuite, même le jour où le clergé chinois suffisamment nombreux n'aura plus besoin de l'aide des Missionnaires étrangers, « l'autonomie de gouvernement », comme l'on dit, ne pourra pas plus régir l'Eglise catholique dans votre pays que dans les autres. En fait, même alors, comme vous le savez parfaitement, il sera absolument nécessaire que la communauté chrétienne, si elle veut faire partie de la société divinement fondée par notre Rédempteur, soit en tout soumise au Souverain Pontife, Vicaire de Jésus-Christ sur la terre, et lui soit étroitement unie pour tout ce qui concerne la foi et les moeurs. Par ces mots, —¦ il importe de le noter — Nous entendons toute la vie et l'oeuvre de l'Eglise ainsi que sa constitution, son gouvernement et sa discipline. Tout cela correspond sans aucun doute à la volonté de Notre-Sei-gneur Jésus-Christ, instaurateur de l'Eglise. Suivant Sa divine volonté, les fidèles se divisent en deux classes : celle des clercs et celle des laïcs. De par cette même volonté, il a été établi un double pouvoir sacré : le pouvoir d'ordre et celui de juridiction. Par le pouvoir d'ordre, la Hiérarchie Ecclésiastique se compose d'évêques, de prêtres, de ministres, et ceci est de constitution divine ; on y accède en recevant le sacrement de l'Ordre. Le pouvoir de juridiction est directement conféré, de droit divin, mais seulement par l'intermédiaire du successeur de Pierre. C'est pourquoi, non seulement les simples fidèles, mais aussi

tous les évêques se doivent de lui rester soumis dans l'obéissance et l'unité.

De par cette même volonté divine, il est interdit au peuple ou au pouvoir civil de s'ingérer dans les droits et la Constitution de la Hiérarchie Ecclésiastique. 9

A propos de l'« autonomie économique ».

Nous désirons ardemment — ceci doit vous apparaître évident, Vénérables Frères et chers Fils — voir enfin le temps où les dons des fidèles de Chine suffiront à satisfaire les besoins de votre Eglise Catholique. Pour ce motif, comme vous le savez bien, les ressources demandées aux autres nations proviennent de cette charité chrétienne selon laquelle tous ceux qui sont rachetés par le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ doivent être unis par des liens fraternels et poussés par l'amour divin à propager le Règne de notre Rédempteur jusqu'à épuisement de leurs forces. Ceci, ils le font, non pour des raisons politiques ou pour des motifs profanes, mais seulement parce qu'ils cherchent à mettre en pratique le Précepte de la Charité que Notre-Seigneur nous a donné à tous et par lequel tous reconnaissent ses véritables disciples 10. Ceci, les chrétiens l'ont toujours fait volontiers et librement comme en témoigne l'Apôtre des Gentils lorsqu'il nous parle des fidèles de la Macédoine et de l'Achaïe qui envoyaient spontanément leurs offrandes « au profit des saints de Jérusalem qui sont dans le besoin » L'Apôtre les exhortait à agir de même pour ses fils dans le Christ qui vivaient à Corinthe ou en Galatie 12.

L'« autonomie dans la prédication ».

Il s'en trouve quelques-uns parmi vous qui — comme Nous l'avons dit — non contents de réclamer l'indépendance de leur Eglise pour son gouvernement et ses ressources, entendent promouvoir une certaine autonomie dans l'enseignement de la doctrine chrétienne et dans la prédication. Nous ne nions pas que la façon de prêcher ou d'enseigner doive, si possible, se différencier selon les lieux, ni qu'elle doive se conformer à la nature particulière du peuple chinois, à son caractère, à ses traditions et aussi à ses coutumes antiques; Nous souhaitons donc que l'on agisse ainsi et il convient de le faire si vous en retirez plus de profit.

Cependant, de quel droit les hommes interpréteraient-ils selon leur propre gré et différemment suivant les nations cet Evangile que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a divinement révélé ? Ceci ne peut pas se concevoir sans quelque absurdité. Aux Evêques qui sont les successeurs des Apôtres, et aux prêtres qui remplissent avec zèle leur rôle de coopérateurs des Evêques, il est confié la charge d'annoncer et d'enseigner cet Evangile que Notre-Seigneur lui-même et ses Apôtres les tout premiers ont annoncé et enseigné. Ce Siège Apostolique, avec tous les Evêques qui lui sont unis, l'ont conservé en entier et transmis, au cours des siècles, dans son intégrité. Ces saints Pasteurs ne sont pas des innovateurs, ni les auteurs de cet Evangile. Ils en ont été établis seulement les gardiens autorisés et les hérauts, mais ils le sont de droit divin.

C'est pourquoi Nous-même avec les Evêques qui Nous sont unis, pouvons et devons répéter les paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Mon enseignement n'est pas de Moi, mais de Celui qui M'a envoyé » 13. A tous les Evêques de tous les temps, on peut attribuer cette exhortation



13 Jean, 7, 16.



de l'Apôtre Paul : « ô Timothée, garde le dépôt. Evite les discours creux et impies, et les contradictions d'une pseudo-science » Et aussi ces paroles du même Apôtre : « Garde le bon dépôt, avec l'aide de l'Esprit Saint qui habite en nous » I5. Nous ne sommes donc pas les maîtres de cette doctrine comme si l'homme en était l'auteur. Suivant le devoir de notre conscience, nous devons nous y attacher et en remplir les préceptes, car c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui nous l'a enseigné. A ses Apôtres et à leurs successeurs, Il l'a confié expressément avec mission de l'enseigner 18. En conséquence, les Evêques et les prêtres de la véritable Eglise de Notre-Seigneur doivent se rappeler et méditer toujours davantage ce que l'Apôtre Paul disait de sa prédication évangélique : « je vous le déclare, frères, l'Evangile que je vous ai prêché n'est pas d'inspiration humaine et ce n'est pas non plus d un homme que je l'ai reçu et appris ; non, c'est par une révélation de Jésus-Christ » ".

Puisque nous sommes certains que cette doctrine dont nous devons défendre l'intégrité avec l'aide de l'Esprit Saint, a été divinement révélée, nous redisons ces paroles de l'Apôtre : « eh bien ! même si quelqu'un — fût-ce nous-même, fût-ce un ange venu du ciel — vous annonçait un Evangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème » 18 !

Catholicité et internationalité de l'Eglise.

Vous voyez donc, vénérables frères et chers fils, qu'ils ne peuvent pas être considérés ni honorés comme catholiques ceux qui professent ou enseignent différemment les vérités que Nous avons exposées brièvement. Tels sont, par exemple, ceux qui ont adhéré aux principes pernicieux que l'on nomme les « trois autonomies » ou à d'autres principes du même genre.

Les promoteurs d'un tel mouvement cherchent avec duplicité et habileté à tromper les timides ou les âmes simples pour les écarter du droit chemin. Dans ce but, ils affirment faussement que seuls sont de vrais patriotes ceux qui adhèrent à l'Eglise qu'ils ont façonnée : celle des « trois autonomies ». En réalité, ils cherchent à constituer chez vous une Eglise nationale. Cette Eglise, si elle existait, ne pourrait jamais être catholique puisqu'elle serait la négation de cette universalité qui est le propre de la catholicité.

Cette société fondée par le Christ comprend toutes les nations et les rassemble toutes dans leur universalité. Il sied de répéter les paroles de Notre Lettre Apostolique déjà mentionnée : l'Eglise catholique « n'appela pas à elle un seul peuple ou une seule nation, mais ce sont tous les hommes, à quelque race qu'ils appartiennent, qu'elle aime de la divine charité du Christ, qui doit les unir tous par des liens fraternels ».

Personne ne peut donc prétendre qu'elle est au service d'une puissance particulière ; de même qu'on ne peut exiger d'elle que, brisant l'unité dont son Divin Fondateur lui-même a voulu la marquer, elle laisse se constituer dans chaque nation des églises séparées, qui pour leur malheur soient détachées du Siège apostolique où Pierre, Vicaire de Jésus-Christ, vit dans ses successeurs jusqu'à la fin des siècles. « Une communauté chrétienne qui agirait ainsi, se desséchera comme le sarment coupé du cep 19 et ne pourra pas produire des fruits de salut20. »

Jean, 15, 6.

A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 155 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 27.

Exhortation.

Nous exhortons donc vivement « par la tendresse même du Christ-Jésus » 21 ces fidèles dont Nous Nous sommes plaint, à revenir dans la voie du salut. S'il est nécessaire de rendre à César ce qui est à César, ils doivent se rappeler qu'il importe davantage de rendre à Dieu ce qui est à Dieu 22. Quand les hommes ordonnent de faire ce qui est contraire à la volonté divine, il faut alors mettre en pratique la maxime de l'Apôtre Pierre : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » 23. Il faut se rappeler qu'il n'est pas possible de servir deux maîtres lorsque ceux-ci donnent des ordres contradictoires 2\ Il est aussi parfois impossible de plaire à Notre-Seigneur Jésus-Christ en même temps qu'aux hommes 25. S'il advient que pour rester fidèle au divin Rédempteur, on doive affronter la mort, il le faut supporter avec courage et avec calme.

Nous voulons féliciter toujours davantage ceux qui, affligés de peines cruelles, se sont distingués dans leur foi en Dieu et leur fidélité à l'Eglise catholique. Pour cette raison : « ils ont été jugés dignes d'endurer des outrages pour le nom de Notre-Seigneur » 26. Nous les exhortons paternellement à progresser avec courage et fermeté dans la voie où ils sont déjà avancés, en se rappelant les divines paroles : « ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme ; craignez bien plutôt celui qui peut faire périr corps et âme dans la Géhenne . . . Vos cheveux même sont tous comptés. Soyez donc sans crainte... Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, à mon tour je me déclarerai pour lui devant Mon Père qui est dans les cieux ; mais celui qui m'aura renié devant les hommes, à mon tour, je le renierai devant Mon Père qui est dans les cieux » 21.

Vénérables Frères et chers Fils, elle n'est pas légère l'épreuve que la loi divine vous impose ; mais le Christ a déclaré bienheureux ceux qui souffraient persécution pour la justice et il leur demande d'être dans la joie et dans l'allégresse car leur récompense sera grande dans les cieux 28. Bienveillant, Il vous assistera du haut des cieux de son secours tout-puissant afin que vous puissiez combattre le bon combat et conserver la foi29. La Mère de Dieu, la Très Sainte Vierge Marie, qui est aussi la Mère très aimante de tous, vous assistera de sa très puissante protection. Elle est la Reine de la Chine, Elle vous défend et vous aide spécialement en cette année mariale, afin que vous persévériez toujours dans vos dispositions. Ils vous assistent du haut du ciel, les saints martyrs de la Chine, ceux qui ont marché joyeusement vers la mort à cause de leur véritable amour pour leur pays, et par-dessus tout, à cause de leur fidélité au Divin Rédempteur et à Son Eglise.

En gage des grâces célestes et en témoignage de Notre très spéciale affection, Nous vous accordons bien volontiers dans le Seigneur Notre Bénédiction apostolique, à vous-mêmes, Vénérables Frères et très chers fils, et à tout le peuple de la Chine qui Nous est si cher 30.



27 Matth., 10, 28, 30-33.

28 Matth., 5, 10-12.

29 2 Tim., 4, 7.

30 En 1947 il y avait en Chine 5496 missionnaires étrangers ; en 1954 il n'en restait que 352 ; donc plus de 90%) avaient été soit expulsés à Hong-Kong, soit tués et quelques-uns étaient morts naturellement.

Le Délégué Apostolique, S. Exc. Mgr Riberi, avait été expulsé en 1951. Les plus fausses calomnies étaient lancées contre l'Eglise Catholique en Chine et les missionnaires accusés méchamment des crimes les plus abominables contre le peuple.











Pie XII 1954 - LETTRE A SON ÉM. LE CARDINAL INNITZER A L'OCCASION DU IIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE MUSIQUE SACRÉE