Pie XII 1954


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARI AL INTERNATIONAL

(24 octobre 1954) 1


La première session du Congrès s'est tenue au Palazzo Pio à Rome le dimanche 24 octobre ; le Saint-Père adressa par radio le message suivant aux très nombreux congressistes, parmi lesquels une pléiade de dix cardinaux, de nombreux archevêques, êvêques, secrétaires de Congrégations, abbés, le syndic de Rome, le ministre italien Silenzi, le président du comité mondial pour les congrès de l'apostolat des laies. Le cardinal Ottaviani, assesseur du Saint-Office, présidait ; notons la présence des ambassadeurs de Pologne, France, Colombie, Uruguay, Autriche, Brésil.

Parmi les fruits salutaires nombreux en matière de religion qu'attendait Notre âme en décidant une Anne Mariale à célébrer par toute la terre, Nous désirions surtout que la dignité unique de la Mère de Dieu et l'éclat de son rôle et de ses privilèges soient plus profondément étudiés et soient exposés plus clairement au peuple chrétien. C'est donc avec un grand plaisir intérieur que Nous avons appris le projet de réunion dans cette Ville d'un Congrès mariai, à la fin de l'Année Mariale ; non seulement Nous avons approuvé cette initiative, mais Nous l'avons accompagnée de Notre faveur spéciale et munie de Notre Bénédiction. Maintenant donc que se célèbre l'ouverture solennelle de cette assemblée, ce n'est pas une mince consolation pour Nous que de parler paternellement à votre salutaire assemblée de savants si nombreux, chers fils, qui vous êtes assemblés à Rome de toutes les parties du monde catholique, pour traiter avec science et érudition, près du tombeau du Prince des Apôtres et sous les auspices de celui à qui il a été dit : « Confirme tes frères2 », selon les règles de la doctrine sainte, au sujet





• a. a. s„ xxxxv, 1053, p. 591. cf. Documents Pontìficaux lg53i p



1 D'après le texte latin de l'Osservatore Romano des 25 et 26 octobre 1954.

2 Lue, 22, 32.


















de la gloire, de la grâce et de la puissance d'une telle Vierge et Mère.

La mariologie, qui fait partie des sciences théologiques, demande surtout à s'appuyer sur les fondements solides de la doctrine théologique et cela est d'autant plus nécessaire que la recherche se fait plus profonde et que les vérités concernant la mariologie sont comparées et reliées plus strictement entre elles et avec les autres vérités de la théologie sacrée, comme on a commencé à le faire avec un zèle louable après la définition solennelle par Notre Prédécesseur Pie IX du dogme de l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et comme cela se fait de notre temps non sans une abondance toujours croissante de fruits. Mais ces recherches ne sont pas toujours faciles et accessibles, car pour les poursuivre et mener à terme s'unissent des méthodes dites tant « positives » que « spéculatives », qui sont régies chacune par leurs lois et leurs procédés. Et le travail de recherche, en Mariologie également, progressera avec d'autant plus de sécurité et de fécondité que demeurera sous les yeux de tous ce qui est établi « en matière de foi et de moeurs » comme la règle immédiate et universelle de vérité pour tout théologien3 : le saint Magistère de l'Eglise. Car — ainsi que Nous l'avons exposé dans la Lettre Encyclique Humani ge-neris — Dieu a donné le Magistère à son Eglise « aussi pour éclairer et dégager ce qui n'était contenu dans le dépôt de la foi que d'une manière obscure et comme implicite » 4. L'explication et l'interprétation authentique de ce dépôt, le Divin Rédempteur les a confiées au seul Magistère de l'Eglise ; mais aux théologiens incombe le grand rôle d'approfondir, par l'autorité et sous la conduite de l'Eglise, la nature de chacune des vérités, de scruter et expliquer leurs liens réciproques, selon les règles de la doctrine sacrée 5.

Pour l'accomplissement de cette fonction, il faut tenir compte de la double source de la doctrine catholique, les Ecritures et la Tradition. Les Saintes Lettres racontent certes plusieurs merveilles de la Très Sainte Vierge, dans les livres tant de l'Ancien que du nouveau Testament ; bien plus, ses fonctions et dons les plus excellents, Maternité virginale, Sainteté sans tache, y sont affirmés en termes exprès, et c'est presque le portrait de la Vierge et son visage qui y sont décrits en vives couleurs. Mais il s'éloignerait considérablement de la vérité, celui qui penserait pouvoir définir pleinement et expliquer entièrement par les seules Ecritures sacrées la dignité et sublimité de la Très Sainte Vierge, ou qui estimerait pouvoir interpréter convenablement cette Sainte Ecriture sans assez tenir compte de la Tradition catholique et du Magistère sacré. Plus qu'ailleurs s'applique ici surtout ce que Nous avons dit « que la théologie dite positive ne peut être ramenée au rang d'une science purement historique » 6.

Et semblablement, il n'est pas permis d'étudier et expliquer les documents de la Tradition, en négligeant ou mésestimant le saint Magistère ainsi que la vie et le culte de l'Eglise, tels qu'ils se manifestent au cours des siècles. Parfois, en effet, les documents de l'antiquité, pris séparément, si on les examine uniquement en eux-mêmes, apportent peu de lumière ; alors qu'en les unissant et comparant avec la vie liturgique de l'Eglise et avec la foi, la dévotion, la piété du peuple chrétien — que dirige et soutient le même Magistère — les témoignages de la vérité catholique deviennent éclatants. Et en fait, à tous les siècles de son existence, l'Eglise, non seulement dans l'enseignement et la définition de la foi, mais aussi dans son culte et dans les exercices de piété et la dévotion des fidèles, est dirigée et gardée par le Saint-Esprit, et c'est le même Esprit qui « la dirige infailliblement vers la connaissance des vérités révélées » 1. C'est pourquoi les spécialistes de la science mariologique, eux aussi, dans l'exploration et l'appréciation des témoignages et documents anciens ou actuels, doivent avoir complètement devant les yeux cette conduite perpétuelle et toujours efficace du Saint-Esprit lorsqu'ils examinent et exposent exactement la force et l'importance des paroles et des faits.

Par la religieuse observation de ces règles, la Mariologie fera de vrais et durables progrès, dans l'étude toujours plus approfondie des grâces et dignités de la très Bienheureuse Vierge. De cette sorte également, cette discipline pourra progresser en utilisant cette juste voie moyenne, qui la mettra en garde contre

toute fausse et immodérée exagération de la vérité et la séparera de ceux qui sont troublés par la crainte vaine d'accorder à la très Bienheureuse Vierge plus qu'il n'est juste ou — comme ils le disent parfois — que les honneurs et pieuses prières à la Mère n'enlèvent quelque chose à l'honneur et à la confiance au Divin Rédempteur lui-même. Au contraire, la Bienheureuse Mère de Dieu, puisqu'elle aussi est descendante d'Adam, ne possède aucun privilège et aucune grâce qui ne soient dus à son Fils, Rédempteur du genre humain ; et c'est pourquoi, en admirant et célébrant les dons et grandeurs de la Mère, nous admirons et célébrons la divinité, la bonté, l'amour, la puissance du Fils lui-même, et jamais ne déplaira au Fils rien de ce que nous aurons accompli à la louange de la Mère, comblée par lui de tant de faveurs. Tous les dons prodigués par le Fils à sa Mère sont en vérité si grands qu'ils dépassent immensément les dons et grâces de tous les hommes et de tous les anges, puisqu'il n'est aucune dignité qui puisse jamais dépasser ou égaler la Maternité divine ; Marie en effet, comme le dit le Docteur Angélique, par le fait qu'elle est Mère de Dieu, possède une dignité en quelque manière infinie de par le bien infini qui est Dieu 8. Bien qu'il soit vrai qu'aussi la Bienheureuse Vierge est, comme nous, membre de l'Eglise, il n'en est cependant pas moins vrai que dans le Corps Mystique du Christ elle est un membre absolument à part.

Nous souhaitons donc ardemment, chers Fils, qu'ayant ces normes devant les yeux, vous exposiez et discutiez avec érudition, science, compétence et piété les questions que vous avez entrepris d'approfondir ; et enfin que vos forces réunies fassent en sorte que selon le voeu universel, les louanges de la très Bienheureuse Mère de Dieu et notre Mère, ainsi que la gloire du Divin Rédempteur qui l'a ornée et enrichie de si considérables grâces et dignités, en reçoivent de très grands accroissements.

Mais parce que l'application et le travail des hommes ne peuvent rien accomplir si Dieu ne favorise et inspire l'oeuvre, Nous Nous empressons d'y joindre Nos prières, pour qu'il vous aide dans sa bienveillance des lumières de sa sagesse et des secours de la grâce, en gage desquels Nous vous accordons à vous tous et à chacun de vous en particulier avec grande affection la Bénédiction apostolique, témoignage de Notre bienveillance.


ALLOCUTION A DES OUVRIERS DE BARCELONE

(25 octobre 1954)1


L'archevêque de Barcelone, Son Excellence Mgr Modrego y Casaus, était venu en pèlerinage avec huit cents ouvriers ; le Souverain Pontife leur dit :

Très chers fils, ouvriers barcelonais venus aujourd'hui si nombreux à la maison du Père commun qui vous aime tant, pour lui exprimer votre ferveur religieuse et votre amour filial, soyez mille fois les bienvenus et que le ciel vous rende la consolation que Nous vaut aujourd'hui votre visite.

1 D'après le texte espagnol de l'Ossertwfore Romano du 12 novembre 1954, traduction française de la Documentation Catholique, t. LI, c. 1473.

2 Luc, 4, 18




Si, parmi les nombreux soucis de Notre ministère pastoral, Nous avons tenu à disposer de quelques minutes pour vous recevoir et converser avec vous, Nous n'avons pas besoin de vous en dire la raison : vous êtes, à Nos yeux, les dignes représentants d'une nation particulièrement aimée à cause de sa foi vive et de sa fidélité au Pape ; vous venez d'une région qui mérite une estime spéciale pour son esprit d'initiative, son amour du travail et la protection qu'y trouvent toutes les idées grandes et bonnes : vous Nous rappelez une splendide cité, non totalement inconnue de Nous, dont le nom évoque encore les récentes splendeurs de l'inoubliable Congrès eucharistique, vous êtes, enfin, des ouvriers, vous êtes de ceux qui font particulièrement l'expérience quotidienne de la dureté de la lutte pour la vie, de ceux qui se fatiguent et qui souffrent, de ceux qui ont été, sont et seront toujours les préférés du Vicaire de Celui qui est venu au monde « evangelizare pauperibus, pour évan-géliser les pauvres » 2, de Celui qui a donné comme signe de sa

mission divine : « pauperes evangelizantur, les pauvres sont évangélisés » 3.

Oui, très chers fils, l'Eglise — comme Nous le disions il y a un peu plus de trois ans, par la radio, à tous les ouvriers espagnols 4, — l'Eglise vous aime d'un amour de mère : l'Eglise partage vos angoisses, l'Eglise se préoccupe et s'est toujours préoccupée de la question ouvrière, de la question sociale, en donnant, avant tout, ces grands principes qui doivent être la base unique de toute vraie solution, et aussi en descendant, quand cela est possible, à ces initiatives pratiques qui sont à sa portée. L'Eglise désire que ceux qui travaillent puissent vivre une vie vraiment humaine pour, ensuite, pouvoir vivre une vie chrétienne, sans que d'excessives préoccupations terrestres les empêchent de tourner leurs yeux vers le ciel ; l'Eglise lutte pour une plus juste distribution des biens naturels, prenant pour base principalement un juste salaire qui garantisse votre vie présente et celle de votre famille, ouvrant les portes à l'épargne comme garantie de l'avenir. Mais, laissez-Nous ajouter une fois de plus que l'Eglise désire que toutes les améliorations matérielles aient pour base préalable une élévation intellectuelle et morale, parce que l'homme ne vit pas seulement de pain5 et qu'il est écrit : Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît °.

C'est dans ce sens que Nous attendons beaucoup de ces institutions qui se créent à cette fin dans votre patrie, dont Nous sommes impatient de voir les fruits, ainsi que ceux de votre législation sociale.

Ouvriers barcelonais, très chers fils, lorsque demain, penchés sur vos machines, sentant tout le poids de la fatigue quotidienne, vous vous arrêterez un moment pour éponger votre front, ou lorsque, rentrant chez vous, vous vacillerez un moment, assaillis par les justes préoccupations du présent et de l'avenir pour vous et vos familles, n'oubliez pas que votre Père de Rome est à vos côtés, qu'il pense à vous, qu'il vous envoie une parole de réconfort et d'encouragement et qu'il désire pour vous toutes sortes de biens. Que Jésus, le divin Ouvrier, soit toujours votre modèle ; la prière, votre refuge, et l'espérance dans les biens éternels le baume de toutes vos douleurs. Que la Vierge très sainte, spécialement en cette Année Mariale, vous enveloppe de son manteau pour vous défendre de tous les dangers. Et soyez bien certains que l'Eglise vous aime, et que ce n'est qu'en elle que vous pourrez trouver la paix et la sérénité pour vos âmes.

En gage de tous ces biens, Nous vous accordons maintenant Notre Bénédiction, qui s'adresse non seulement à vous qui êtes ici présents, avec tout ce qui vous tient à coeur et vous préoccupe, mais à vos organisations et à leurs dirigeants, à tous vos frères de travail, à toutes vos familles, à Barcelone, à toute la région catalane et à l'Espagne entière objet constant de Nos spéciales prédilections.








PRIÈRE DE LA FAMILLE CHRÉTIENNE

(31 octobre 1954)1

Seigneur, Dieu de Bonté et de Miséricorde, Toi qui dans un monde de mal et de péché, as offert à la société rachetée, ce fier miroir de piété, de justice, d'amour, la sainte famille de Nazareth : vois comme la famille est attaquée de tous côtés, comme tout conjure à la profaner en lui enlevant sa foi, sa religion, sa morale.

Viens en aide, Seigneur, à l'ouvrage de tes mains. Protège dans nos foyers les vertus domestiques, uniques garanties d'entente et de paix.

Viens et suscite des défenseurs pour la famille. Suscite les apôtres des temps nouveaux que, en ton nom, en vertu du message du Christ et de la Sainteté, Nous réclamons pour la fidélité des époux, l'autorité des parents, l'obéissance des enfants, l'estime et l'amour de la maison, les esprits et les coeurs de tous.

Que restaurée en Jésus-Christ sur l'exemple du divin modèle de Nazareth, la famille chrétienne retrouve son visage. Que chaque nid domestique soit un sanctuaire, que dans chaque foyer se rallume la flamme de la foi, que chaque foyer supporte avec patience l'adversité, avec modération la prospérité, qu'il subisse tout dans l'ordre et la paix.

Sous ton paternel regard, Seigneur, confiée à ta Providence, sous les bienveillants auspices de Jésus, de Marie et de Joseph, la famille sera un asile de vertu, une école de sagesse. Elle sera un repos dans les occupations de la vie, un témoignage aux promesses du Christ.

Au regard du monde, elle Te rendra gloire à Toi, Père et à ton fils Jésus jusqu'au jour où avec tous ses membres elle chantera tes louanges dans l'Eternité.

Ainsi soit-il.

D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, t. XVI, p. 500.


PRIÈRE A NOTRE-DAME DU BON SECOURS

(xer novembre 1954)1


Vierge bénie, Mère de Dieu et notre Mère, qu'on nomme Notre-Dame du bon Secours, toi qui ne cesses de rappeler à ceux qui te prient, les miracles par lesquels tu nous assures de ta maternelle protection, regarde avec bienveillance nos besoins et notre misère, et viens encore une fois à notre secours.

De ton aide, les pauvres attendent le pain, les malades la santé, les chômeurs le travail, tous la préservation contre de nouvelles calamités et de nouvelles ruines.

Mais le bien dont a besoin par-dessus tout la génération qui te prie, c'est ton Fils, ô Marie, que le monde voudrait bannir de la vie, de la famille, de la société où l'on attend tout de la matière, de la force, du génie humain.

Aide-nous, ô Marie, à garder jalousement et à retrouver ce bien sans lequel tout don n'est qu'illusion, inquiétude, vilenie. Que par toi, ô Marie, Jésus revienne dans les esprits égarés, qu'il dissipe les erreurs par la lumière de sa personne et de son Evangile, qu'il ramène dans les coeurs pervertis la pureté des moeurs, la modestie, la charité ; qu'il vainque tout égoïsme, qu'il revienne dans les familles et dans la société pour reprendre ses droits de Seigneur et de Maître.

1 D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, t. XVI, p. 501.




Protégés et assistés par toi, ô Marie, tous nous aurons foi dans l'efficacité de ton patronage, « Notre-Dame du bon Secours ». Nous t'écouterons à chaque instant de notre vie terrestre : dans l'adversité pour ne pas être abattus, dans la prospérité pour ne pas en sortir corrompus, dans le travail pour l'ordonner en Dieu, dans la souffrance pour l'accepter avec humilité.

Avec toi, nous vivrons conformément aux vertus évangé-liques dans une sainte crainte de Dieu, dans son Amour, dans une fraternelle charité qui fait le bien, supporte et pardonne. Grâce à ta puissante intercession, cette vie sera pour tes enfants un combat victorieux, une digne préparation à l'éternité dans une foi et une piété sincères.

Ainsi soit-il.








DISCOURS A L'OCCASION DE LA CÉRÉMONIE MARIALE PROCLAMANT LA ROYAUTÉ DE MARIE

(ier novembre 1954) 1




Dans l'encyclique « Ad cceli Reginam » du 11 octobre 1954 2, Pie Xll disait son intention d'instituer la fête de la Royauté de Marie. Celle-ci fut proclamée en ce jour.

Les tributs d'hommage et de dévotion envers la Mère de Dieu, que l'univers catholique a multipliés au cours des derniers mois, ont manifesté de façon splendide — tant par les démonstrations publiques que par les plus modestes initiatives de la piété privée — son amour envers la Vierge Marie et sa foi en ses incomparables privilèges. Mais afin de couronner toutes ces manifestations par une solennité particulièrement expressive de l'Année Mariale, Nous avons voulu instituer et célébrer la fête de la Royauté de Marie.

Aucun de vous, chers fils et chères filles, ne s'en étonnera ni ne s'imaginera qu'il s'agissait d'attribuer à la Vierge un titre nouveau. Les chrétiens ne répètent-ils pas déjà, depuis des siècles, dans les Litanies de Lorette les invocations qui saluent Marie du nom de Reine ? Et la récitation du saint Rosaire, qui propose à notre pieuse méditation le souvenir des joies, des douleurs et des gloires de la Mère de Dieu, ne se termine-t-elle pas par la radieuse évocation de Marie accueillie par son Fils dans le ciel et ceinte du diadème royal ?

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 662.

2 Cf. p. 418.




Notre intention n'était donc pas d'introduire quelque nouveauté mais bien plutôt de faire resplendir aux yeux du monde, dans les circonstances présentes, une vérité susceptible de porter



remède à ses maux, de le libérer de ses angoisses et de l'engager sur le chemin du salut qu'il cherche avec anxiété.

Moins encore que celle de son Fils, la royauté de Marie ne doit pas être comprise selon l'analogie des réalités de la vie politique moderne. Sans doute les merveilles du ciel ne peuvent-elles être représentées qu'au moyen des paroles et des expressions bien imparfaites du langage humain ; mais ceci ne signifie nullement que, pour honorer Marie, on doive adhérer à une forme déterminée de gouvernement ou à une structure politique particulière. La royauté de Marie est une réalité supraterrestre qui toutefois pénètre en même temps jusqu'au plus intime des coeurs et les touche dans leur essence profonde en ce qu'ils ont de spirituel et d'immortel.

L'origine des gloires de Marie, le moment solennel qui illumine toute sa personne et sa mission, est celui où, pleine de grâce, elle répondit à l'archange Gabriel le Fiat qui exprimait son acquiescement aux dispositions divines : c'est ainsi qu'elle devenait Mère de Dieu et Reine, et recevait la charge royale de veiller sur l'unité et la paix du genre humain. Par elle, nous avons la ferme confiance que l'humanité s'engagera peu à peu sur cette voie du salut ; elle guidera les chefs des nations et les coeurs des peuples vers la concorde et la charité.

Que peuvent donc faire les chrétiens en cette heure où l'unité et la paix du monde, bien plus, les sources mêmes de la vie sont en péril, sinon tourner leurs regards vers Celle qui se montre à eux revêtue de la puissance royale ? Comme elle enveloppa jadis dans son manteau l'Enfant divin, premier-né de toutes les créatures et de toute la création3, qu'elle daigne de même envelopper maintenant tous les hommes et tous les peuples de sa virginale tendresse ; qu'elle daigne, elle qui est le Siège de la Sagesse, faire resplendir la vérité des paroles inspirées que l'Eglise applique à sa personne : « Per me reges régnant, et legum conditores justa decernunt ; per me principes imperant, et potentes decernunt justitiam 4. » « C'est par moi que régnent les rois et que les législateurs établissent la justice ; par moi les princes commandent et les souverains gouvernent avec rectitude. » Si le monde lutte actuellement sans trêve pour conquérir son unité, pour assurer la paix, l'invocation du règne de Marie est - par-delà tous les moyens terrestres et tous les desseins humains, toujours défectueux à quelque titre - le cri de la foi et de l'espérance chrétiennes, fortes des promesses divines et des secours innombrables que cet empire de Marie a prodigués pour le salut de l'humanité.

Toutefois, de l'inépuisable bonté de la Bienheureuse Vierge que Nous invoquons aujourd'hui comme la royale Mère du Seigneur, Nous attendons aussi d'autres bienfaits non moins précieux. Non seulement elle doit anéantir les plans ténébreux et les oeuvres iniques des ennemis d'une humanité chrétienne et unie, mais elle doit communiquer aussi aux hommes d'aujourd'hui quelque chose de son esprit. Nous entendons par là cette volonté courageuse et même audacieuse qui, dans les circonstances difficiles, en face des périls et des obstacles, sait prendre sans hésiter les résolutions qui s'imposent et en poursuivre l'exécution avec une énergie indéfectible, entraînant sur ses traces les faibles, les découragés, les hésitants, ceux qui ne croient plus à la justice et à la noblesse de la cause qu'ils doivent défendre.

Qui ne voit à quel degré Marie a réalisé en elle-même cet esprit et a mérité les louanges dues à la « femme forte » 7 Son Magnificat, cet hymne de joie et de confiance invincible dans la puissance divine, dont elle entreprend d'effectuer les oeuvres, la remplit d'une sainte audace et d'une force inconnue à la nature.

Comme Nous voudrions que tous ceux qui ont aujourd'hui la responsabilité de la marche saine et ordonnée des affaires publiques imitent ce lumineux exemple de sentiment royal ! Au lieu de cela, ne remarque-t-on pas quelquefois, même parmi eux, une sorte de fatigue, de résignation, de passivité, qui les empêche d'affronter avec fermeté et persévérance les problèmes ardus du moment présent ? Certains ne laissent-ils pas parfois les événements aller à la dérive, au lieu de les dominer par une action saine et constructive ?

N'est-il pas urgent de mobiliser toutes les forces vives actuellement en réserve, de stimuler ceux qui n'ont pas encore pleine conscience de la dangereuse dépression psychologique où ils sont tombés ? Si la royauté de Marie trouve un symbole parfaitement approprié dans 1'« acies ordinata », l'armée rangée en bataille 5, personne, à coup sûr, ne pensera à quelque intention



5 Col., I, 15.

4 Prov., 8, 15-16.



Office de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, passim.



belliqueuse, mais uniquement à la force d'âme que nous admirons à un degré héroïque dans la Vierge, et qui procède de la conscience de travailler efficacement pour l'ordre de Dieu dans le monde.

Puisse Notre invocation à la royauté de la Mère de Dieu obtenir aux hommes soucieux de leurs responsabilités la grâce de vaincre l'abattement et l'indolence, à une heure où nul ne peut se permettre un instant de repos, alors qu'en tant de régions, la juste liberté est opprimée, la vérité offusquée par l'action d'une propagande mensongère et que les forces du mal semblent comme déchaînées sur la terre !

Si la royauté de Marie peut suggérer à ceux qui régissent les nations des attitudes et des desseins qui répondent aux exigences de l'heure, la Vierge ne cesse de déverser sur tous les peuples de la terre et sur toutes les classes sociales l'abondance de ses grâces. Après l'atroce spectacle de la Passion au pied de la Croix où elle avait offert le plus dur des sacrifices qui puissent être demandés à une Mère, elle continua à répandre sur les premiers chrétiens, sur ses fils d'adoption, les témoignages de sa sollicitude maternelle ; Reine plus que toute autre par l'élévation de son âme et par l'excellence des dons divins, elle ne cesse de prodiguer tous les trésors de son affection et de ses douces attentions à la pauvre humanité. Loin d'être fondé sur les exigences de ses droits et la volonté d'une domination hautaine, le règne de Marie ne connaît qu'une aspiration : le don plénier de soi-même dans sa plus haute et totale générosité.

Marie exerce donc ainsi sa royauté : en acceptant nos hommages et en ne dédaignant pas d'écouter jusqu'aux plus humbles et imparfaites prières. C'est pourquoi, désireux comme Nous le sommes d'interpréter les sentiments de tout le peuple chrétien, Nous adressons à la Vierge bienheureuse cette fervente prière :

Du fond de cette terre de larmes, où l'humanité souffrante se traîne péniblement, dans les remous d'une mer sans cesse agitée par le vent des passions, nous levons les yeux vers vous, ô Marie, Mère très aimée, pour puiser du réconfort dans la contemplation de votre gloire et pour vous saluer Reine et Maîtresse des cieux et de la terre, Notre Reine et Notre Dame.

Votre Royauté, nous voulons l'exalter avec une légitime fierté de fils et la reconnaître comme due à la suprême excellence de tout votre être, ô très douce et vraie Mère de Celui qui est Roi par droit propre, par héritage, par conquête.

Régnez, ô Notre Reine et Notre Dame, nous montrant le chemin de la sainteté, nous dirigeant et nous assistant, afin que nous ne nous en éloignions jamais.

Au plus haut des cieux, vous exercez votre Royauté sur les choeurs des Anges, qui vous acclament comme leur Souveraine, sur les légions des saints, qui se réjouissent dans la contemplation de votre éclatante beauté ; régnez donc aussi sur le genre humain tout entier, surtout en ouvrant le chemin de la foi à ceux qui ne connaissent pas encore votre divin Fils.

Régnez sur l'Eglise qui professe et fête votre suave domination et qui recourt à vous comme à un sûr refuge au milieu des calamités de notre temps. Mais régnez spécialement sur cette portion de l'Eglise qui est persécutée et opprimée, lui donnant la force pour supporter les adversités, la constance pour ne pas plier sous les injustes pressions, la lumière pour ne pas tomber dans les embûches de l'ennemi, la fermeté pour résister aux attaques ouvertes, et une inébranlable fidélité de tous les instants à votre Royaume.

Régnez sur les intelligences, afin qu'elles ne cherchent que la vérité, sur les volontés, afin qu'elles ne suivent que le bien, sur les coeurs, afin qu'ils aiment uniquement ce que vous aimez vous-même.

Régnez sur les individus et sur les familles comme sur les sociétés et les nations ; sur les assemblées des puissants, sur les conseils des sages, comme sur les simples aspirations des humbles.

Régnez sur les routes et sur les places publiques, dans les cités et les villages, dans les vallées et les montagnes, dans les airs, sur terre et sur mer ; et accueillez la prière de ceux qui savent que votre Royaume est un Royaume de miséricorde, où toute supplication est entendue, toute douleur réconfortée, toute infortune soulagée, toute infirmité guérie et où, comme sur un signe de vos très douces mains, la vie renaît souriante de la mort elle-même.

Accordez-nous que ceux qui maintenant, dans toutes les parties du monde, vous acclament et vous reconnaissent Reine et Maîtresse, puissent jouir au Ciel de la plénitude de votre Royaume, dans la vision de votre divin Fils, qui vit et règne, avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il !




DISCOURS A L'ÉPISCOPAT

(2 novembre 1954) 1


Un grand nombre d'évêques étant venus à Rome pour assister le jour de la Toussaint à la proclamation de la Royauté de Marie 2, le Pape les rassembla pour leur faire entendre le discours que voici :

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 666.
2 Cf. p. 473.

« Magnifiez le Seigneur avec moi ; unissons-nous pour exalter son nom » (Ps 33,41), parce que, au moment où Nos désirs sont comblés par un nouveau bienfait d'en-haut, Nous avons le grand bonheur, chers Fils et Vénérables Frères, de jouir aujourd'hui de votre présence et de vous voir si nombreux assemblés devant Nous. La raison même de la nouvelle fête liturgique de Marie Mère de Dieu et Reine du ciel et de la terre, que Nous venons d'instituer solennellement, augmente Notre sainte joie, car il est souverainement convenable que les fils manifestent leur bonheur en voyant augmenter les honneurs de leur mère.

Si la Bienheureuse Vierge Marie est la Reine de tous, elle préside assurément de façon privilégiée et d'une manière plus attentive à vos desseins et à vos entreprises, puisqu'on l'honore du glorieux titre de Reine des Apôtres. Elle est en effet la mère du pur amour, de la crainte de Dieu, de la science et de la sainte espérance (Si 24,24), et que désire-t-elle plus fortement, que cherche-t-elle plus ardemment sinon de voir le culte authentique du vrai Dieu s'enraciner toujours plus profondément dans les âmes, la charité brûler de façon toujours plus intense, la crainte filiale de Dieu guider les volontés, l'espérance qui a les promesses de l'éternité consoler le triste exil de la terre ? Tous ces bienfaits, l'ardeur et le zèle que vous mettez à remplir votre charge apostolique les procurent aux hommes, pour que vivant avec sagesse, justice et piété cette vie mortelle, ils obtiennent au ciel un bonheur sans fin. C'est donc sous la conduite et sous les auspices de Marie toujours Vierge, notre Mère et notre Souveraine, que Nous allons vous parler de certains points qui, Nous en avons la pleine assurance, vous seront utiles, et dont profitera l'effort industrieux avec lequel vous cultivez le champ de Dieu.

Pie XII désire parler aux évêques du sacerdoce.

Au début du mois de juin de cette année aux nombreux évêques qui, de tout l'univers, étaient venus à Rome pour manifester envers le Pape Pie X que Nous élevions alors aux honneurs des saints, leur vénération et leur amour, Nous avons tenu un discours sur le magistère qui, par institution divine, appartient aux successeurs des Apôtres sous l'autorité du Pontife romain 5. Aujourd'hui, continuant en quelque sorte l'entretien commencé, Nous aimons à profiter de l'occasion pour vous parler des deux autres offices de votre charge qui, étroitement unis au premier, réclament votre attention et vos soins, Nous voulons dire le sacerdoce et le gouvernement.

Tournons de nouveau notre esprit et notre coeur vers le Saint Pape Pie X.

Nous savons par sa vie ce que furent pour lui l'autel et le Sacrifice eucharistique, et cela dès le jour où il offrit au Dieu très haut les prémices de son sacerdoce, lorsque nouveau prêtre il dit pour la première fois avec émotion au pied de l'autel « Je m'approcherai de l'autel de Dieu » ; et de même durant toute sa vie sacerdotale : lorsqu'il fut curé, lorsqu'il fut directeur spirituel au séminaire, lorsqu'il fut sacré Evêque, lorsqu'il fut nommé Patriarche et Cardinal, lorsque enfin il fut élu Souverain Pontife. Pour lui, l'autel et le Sacrifice eucharistique furent l'essentiel et comme le centre de sa piété, son refuge et sa force dans les peines et les difficultés. Ils furent sa source de lumière et de courage, la source du zèle infatigable qu'il avait pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Ce Pontife, de même qu'il fut et demeure le modèle du Maître, fut et demeure le modèle du Prêtre.



Le prêtre doit être sacrificateur.

L'office propre et principal du prêtre fut toujours et demeure d'offrir le Sacrifice, si bien que là où il n'y a aucun pouvoir de sacrifier proprement dit il n'y a pas non plus de véritable sacerdoce.

Cela vaut aussi entièrement du prêtre de la Nouvelle Loi. Son principal pouvoir et sa fonction officielle est d'offrir l'unique et sublime sacrifice du Prêtre Eternel et Souverain, le Christ Notre Seigneur. Ce sacrifice que le Divin Rédempteur offrit sur la croix de manière sanglante, qu'il anticipa de manière non sanglante à la dernière Cène, et qu'il voulut voir renouveler de façon continue lorsqu'il commanda à ses Apôtres : « Faites ceci en mémoire de moi » *. Ce sont donc les Apôtres, et non tous les fidèles, que le Christ lui-même fit et constitua prêtres, et c'est à eux qu'il donna le pouvoir d'offrir le Sacrifice. Au sujet de cette haute fonction et du Sacrifice du Nouveau Testament le Concile de Trente a enseigné que « dans le sacrifice divin qui s'accomplit à la messe est contenu et immolé de façon non sanglante le même Christ qui sur l'autel de la croix s'offrit une fois pour toutes de manière sanglante... C'est en effet une seule et même hostie, c'est la même personne qui s'offre actuellement par le ministère des prêtres et qui s'offrit alors sur la croix. Seule la manière de s'offrir est différente » 1. Aussi le prêtre célébrant, représentant le Christ, sacrifie-t-il, et lui seul ; ce n'est pas le peuple, ce ne sont pas les clercs, ce ne sont pas même les prêtres qui assistent pieusement le célébrant, bien que tous ceux-ci puissent et doivent avoir une part active au sacrifice. « Le fait cependant que les fidèles participent au sacrifice eucharistique, ainsi que Nous l'avons noté dans Notre encyclique Mediator Dei8, ne leur confère pas pour autant de pouvoir sacerdotal. »

Ce que Nous venons de dire, vous est, Nous le savons, Vénérables Frères, parfaitement connu ; Nous avons pensé toutefois devoir le rappeler, car c'est en quelque sorte le fondement et la raison de ce que Nous allons dire maintenant. Il y a en effet des gens qui persistent à revendiquer un certain pouvoir réel de sacrifier pour tous ceux qui assistent pieusement au sacrifice de la messe, fussent-ils laïcs. Il Nous faut contre ceux-là séparer la vérité de l'erreur et supprimer toute ambiguïté. Nous avons déjà, il y a sept ans, dans la même Encyclique, condamné l'erreur de ceux qui n'hésitaient pas à déclarer que le commandement du Christ « Faites ceci en mémoire de moi » « vise directement toute l'Eglise des chrétiens, et que de là découla, mais plus tard seulement, le sacerdoce hiérarchique. Aussi prétendent-ils que le peuple jouit d'un véritable pouvoir sacerdotal et que le prêtre agit seulement comme délégué de la communauté. A cause de cela ils estiment que le Sacrifice eucharistique est au sens propre une « concélébration », et que les prêtres devraient « concélébrer » avec le peuple présent plutôt que d'offrir le sacrifice en particulier en l'absence du peuple ». A cette même occasion Nous avons également rappelé en quel sens le célébrant peut être dit « représenter le peuple », à savoir, « parce qu'il représente Notre-Seigneur Jésus-Christ en tant qu'il est la Tête de tous ses membres et qu'il s'offre lui-même pour eux. Quand il s'approche de l'autel, c'est donc en tant que ministre du Christ, inférieur au Christ, mais supérieur au peuple. Le peuple au contraire, ne jouant nullement le rôle du Divin Rédempteur et n'étant pas conciliateur entre lui-même et Dieu ne peut en aucune manière jouir du droit sacerdotal » 6.

Il n'y a pas dans le cas présent à considérer seulement le fruit que l'on peut retirer de la célébration ou de l'audition du Sacrifice eucharistique — il peut fort bien arriver en effet que l'on retire plus de fruit de la messe entendue avec piété que de la messe célébrée avec négligence — mais il s'agit d'établir la nature de l'acte qui consiste à écouter ou à célébrer la messe, et dont dérivent les autres fruits du sacrifice. Ceux-ci comprennent — outre le culte divin d'adoration et d'action de grâces — le fruit de pardon et d'impétration pour ceux à l'intention desquels le sacrifice est offert, même s'ils n'y assistent pas ; et le fruit qui s'étend « aux péchés, peines, satisfactions et autres besoins des fidèles vivants, ainsi que pour les chrétiens défunts qui n'ont pas encore pleinement expié leurs fautes » 10. De ce point de vue, l'assertion que répandent actuellement non seulement les laïcs, mais même certains théologiens et certains prêtres : la célébration d'une seule sainte messe à laquelle assistent religieusement cent prêtres équivaut à cent messes célébrées par cent prêtres, doit être rejetée comme une opinion erronée. En effet la réalité est toute différente. Quant à l'offrande du Sacrifice eucharistique, il y a autant d'actions du Christ Souverain Prêtre qu'il y a de prêtres à célébrer, et non à écouter pieusement la messe de l'évêque ou du célébrant ; ceux-ci en effet, lorsqu'ils assistent à la messe, ne représentent nullement le Christ dans l'acte du sacrifice mais ils sont à comparer aux laïcs qui assistent à la messe.

Lc 22,19.
? Session XXII, chap. 2. - DS 940. 8 A. A. S., 39, 1947, p. 553.
a.a.s., 39, 1947. p. 553-
Conc. Trid. Sess., 22, ch. 2. - DS 940.


D'autre part il ne faut pas nier ni mettre en doute que les fidèles possèdent un certain « sacerdoce », et il n'est pas permis d'en faire peu de cas ni de le minimiser. Le Prince des Apôtres dans sa première épître, s'adresse en effet aux fidèles en ces termes : « Mais vous, vous êtes une race choisie, un sacerdoce royal, un peuple que Dieu s'est acquis » 11 ; auparavant il affirme dans la même lettre que, c'est le propre des fidèles d'être « un sacerdoce saint et d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus-Christ » 12. Cependant, si vrai et si plein que soit le sens de ce titre d'honneur et de la réalité qu'il exprime, il faut tenir fermement que ce « sacerdoce » commun à tous les fidèles, profond assurément et mystérieux, ne diffère pas seulement en degré mais aussi en essence du Sacerdoce proprement dit. Celui-ci consiste dans le pouvoir d'accomplir le sacrifice du Christ lui-même parce qu'on représente le Christ Souverain Prêtre.

Nous avons remarqué avec joie que dans beaucoup de diocèses des Instituts et des Associations liturgiques ont été constitués. On Nous a dit que des responsables étaient nommés, des congrès diocésains et interdiocésains organisés, et qu'on préparait même des congrès liturgiques internationaux. Nous avons appris avec grand plaisir que çà et là les évêques eux-mêmes ont pris part ou présidé à ces congrès. Ces réunions suivent parfois un règlement spécial si bien qu'un seul prêtre célèbre la messe et que les autres (ou en totalité ou en très grand nombre) assistent à cette messe unique et y communient de la main du célébrant. Si cela se fait pour une cause juste et raisonnable et que l'évêque, pour éviter l'étonnement des fidèles, n'en a pas décidé autrement, il n'y a pas à s'y opposer, pourvu que l'erreur rappelée par Nous plus haut ne soit pas à l'origine de cette manière de faire. Enfin, en ce qui concerne les matières traitées dans ce congrès, on a discuté de sujets concernant l'histoire, la doctrine ou des questions pratiques ; on a tiré des conclusions et formulé des voeux qui ont semblé nécessaires ou convenables au progrès liturgique, tout en les soumettant au jugement de l'autorité ecclésiastique légitime. Ce mouvement pour le développement de la liturgie n'est pas demeuré restreint au public de ces congrès ; les applications se sont constamment multipliées et ont pris un développement toujours plus considérable, en sorte que les fidèles sont incités à s'unir au célébrant toujours plus nombreux, toujours plus fréquemment, et d'une façon active et profonde.

Cependant, Vénérables Frères, si favorables que vous soyez — et à juste titre — à la pratique et au progrès de la liturgie, ne laissez pas les spécialistes de cette science se soustraire dans vos diocèses à votre conduite et à votre vigilance, régler et changer la liturgie comme bon leur semble, en dépit des lois de l'Eglise clairement formulées : « Il appartient exclusivement au Saint-Siège et de régler la liturgie et d'approuver les livres liturgiques » 13, spécialement en ce qui concerne la célébration de la messe : « Toute coutume contraire étant réprouvée, le célébrant doit observer avec soin et piété les rubriques des rituels et se garder d'ajouter selon son goût d'autres cérémonies ou d'autres prières 14. » Vous non plus, n'accordez pas en cette matière votre approbation ou votre permission à des initiatives et à des tendances plus audacieuses que prudentes.

L'évêque est aussi pasteur d'un troupeau.

« En devenant les modèles du troupeau » 15 : ces paroles de saint Pierre visent principalement l'évêque, en tant qu'il doit remplir la charge de Pasteur. La note particulière et propre du pontificat de Pie X est vraiment l'attitude de « Pasteur ». Lorsqu'il fut élevé à la charge suprême, tout le monde se rendit rapidement compte qu'on avait élu à la chaire du Prince des Apôtres un prêtre qui avait grandi avec le souci des âmes, qui avait été dès le début de son sacerdoce un pasteur d'âmes et l'était demeuré jusqu'au moment où il fut mis à la tête de tout le troupeau du Christ. La règle immuable qu'il garda dans sa conduite, l'idéal de vie qu'il se fixa, fut « le salut des âmes ». S'il désira « tout instaurer dans le Christ », cela même il le voulut pour le salut des âmes ; à cette fin, à cette charge il subordonna en quelque sorte toutes ses autres actions. Il fut le bon Pasteur au milieu de son troupeau, soucieux de ses besoins, inquiet des dangers qui le menaçaient, tout entier occupé à conduire et à diriger le troupeau du Christ dans la voie du Christ.

Nous n'avons pas toutefois, Vénérables Frères, l'intention de vous dépeindre une fois de plus dans cette allocution la figure remarquable et parfaite du saint Pontife et Pasteur ; Nous voulons plutôt rappeler — comme Nous l'avons déjà fait en ce qui concerne le magistère et le sacerdoce des évêques — quelques points qui requièrent de nos jours tout spécialement la volonté, la parole et l'action du pasteur.

On ne peut restreindre le pouvoir du pasteur aux choses religieuses.

La première chose à remarquer est assurément la tendance qui ose réduire et limiter le pouvoir des évêques (sans en excepter le Pontife Romain), en tant qu'ils sont pasteurs du troupeau qui leur est confié. Elle restreint leur autorité, leur office et leur vigilance à des fins précises concernant les matières strictement religieuses, la promulgation des vérités de la foi, la réglementation des pratiques de piété, l'administration des sacrements de l'Eglise et l'accomplissement des fonctions liturgiques. Elle veut écarter l'Eglise de toutes les entreprises et affaires qui concernent la vie réelle, « la réalité de la vie » comme on dit, parce qu'elle serait en dehors de son pouvoir. Cette mentalité s'exprime parfois brièvement en ces termes dans les discours de certains catholiques laïques même haut placés : « Les évêques et les prêtres, nous les voyons, les écoutons et les fréquentons volontiers dans les églises, mais sur les places publiques et dans les bâtiments publics où l'on traite et décide les choses de ce monde, nous ne voulons pas les voir ni entendre leur voix. Là, c'est nous les laïcs — et non les clercs de quelque dignité ou rang que ce soit — qui sommes juges légitimes. »

Contre des erreurs de ce genre, il faut tenir ouvertement et fermement que la puissance de l'Eglise n'est pas limitée « aux choses strictement religieuses », comme on dit, mais que toute la matière de la loi naturelle, ses principes, son interprétation, son application, pour autant qu'il s'agit de son aspect moral, relèvent de son pouvoir. Selon le plan de Dieu, il y a, en effet, une relation entre l'observation de la loi naturelle et le chemin que l'homme doit suivre pour tendre à sa fin surnaturelle. Or sur la route qui mène à la fin surnaturelle l'Eglise est guide et gardienne des hommes. Cette façon d'agir, les Apôtres déjà, puis, dès les origines, l'Eglise l'ont toujours observée et l'observent encore aujourd'hui et cela non à la manière d'un guide et d'un conseiller privé, mais sur l'ordre du Seigneur et avec son autorité. Aussi, quand il s'agit des prescriptions et des avis que les Pasteurs légitimes (c'est-à-dire le Souverain Pontife pour toute l'Eglise, les évêques pour les fidèles commis à leurs soins) promulguent en matière de loi naturelle, les fidèles ne doivent pas invoquer l'adage : « tant valent les raisons, tant vaut l'autorité » que l'on cite habituellement pour les avis privés. C'est pourquoi celui que ne convainquent pas les arguments apportés par une ordonnance de l'Eglise, garde malgré tout l'obligation d'obéir. Telle fut la pensée, telles sont les paroles de saint Pie X dans l'Encyclique Singulari quadam du 24 septembre 1912 16 : « Quoi que fasse le chrétien, même dans le domaine des choses terrestres, il ne lui est pas permis de négliger les biens surnaturels ; bien plus il faut que selon les préceptes de la sagesse chrétienne, il oriente toute chose vers le souverain bien, comme vers sa fin dernière : toutes ses actions, en tant que bonnes ou mauvaises moralement, c'est-à-dire en tant qu'elles sont conformes au droit naturel et divin ou qu'elles s'en écartent, sont soumises au jugement et à la juridiction de l'Eglise. » Et aussitôt, il applique cette règle générale au domaine social : « La question sociale et les controverses qui s'y rattachent... ne sont pas de nature purement économique et par conséquent telles qu'elles puissent se régler sans tenir compte de l'autorité de l'Eglise ; au contraire, il est certain que la question sociale est surtout morale et religieuse et doit donc être résolue avant tout d'après les principes de la loi morale et de la religion »

A. A. S., 4, 1912, p. 658. Ibid., p. 658.

Les questions sociales, sous leur angle moral, sont de la compétence de la hiérarchie.

En matière sociale, ce n'est pas seulement une mais plusieurs questions très graves, soit purement sociales, soit politico-sociales, qui engagent l'ordre moral, les consciences, le salut des âmes ; l'on ne peut donc prétendre qu'elles ne sont pas du ressort de l'autorité de l'Eglise. Bien plus, même hors de l'ordre social, se posent des questions non strictement religieuses mais concernant des affaires politiques intéressant les nations en particulier ou dans leur ensemble. Ces questions touchent l'ordre moral, engagent les consciences, peuvent exposer, et très souvent exposent l'accomplissement de la fin dernière à de graves dangers. Telle par exemple la question du but et des limites du pouvoir civil ; celle des relations entre les individus et la société ; celle des « Etats totalitaires », quels que soient leur principe et leur origine ; celle de la « laïcisation totale de l'Etat » et de la vie publique ; de la « laïcisation » complète de l'école ; de la moralité de la guerre, de son caractère légitime ou illégitime dans les conditions où on la fait de nos jours, de la possibilité d'y collaborer pour l'homme qui a des principes religieux ; des engagements et Liens moraux qui s'établissent entre les nations et régissent leurs relations.

Il est contraire à la vérité et à la droite raison elle-même, d'affirmer que les questions rappelées ici et bien d'autres similaires n'appartiennent pas à l'ordre moral et, par conséquent, échappent, ou du moins peuvent échapper, au pouvoir de l'Autorité établie par Dieu. Celle-ci a pour mission de veiller à l'ordre juste, de conduire et diriger sur la voie droite les consciences et les actions des hommes ; et cela non seulement « dans le secret », à l'intérieur du temple et du sanctuaire, mais aussi, et bien plus encore, en public, en criant « sur les toits » (pour reprendre les paroles du Seigneur 18), sur le champ de bataille lui-même, au milieu du combat qui se livre entre la vérité et l'erreur, la vertu et le vice, le « monde » et le règne de Dieu, le prince de ce monde et le Sauveur du monde, le Christ.

Les pasteurs sont chefs et doivent être obéis.

18 Matth., 10, 27.




Il Nous reste quelques mots à ajouter sur la discipline ecclésiastique. Il faut que les clercs et les laïcs sachent que l'Eglise est compétente et légitimement établie, et que les Ordinaires des lieux sont compétents et légitimement établis, chacun pour les fidèles qui lui sont confiés et dans les limites communes du droit, pour fixer la discipline ecclésiastique et l'imposer. C'est-à-dire pour déterminer la manière extérieure d'agir et de se comporter en ce qui regarde l'ordre extérieur, celui qui ne tire son origine ni de la nature des choses ni de l'institution divine immédiate. Il n'est pas permis aux clercs ou aux laïcs de se soustraire à cette discipline, mais tous doivent avoir soin d'observer sincèrement la discipline ecclésiastique pour que l'action du Pasteur devienne plus facile et plus efficace, l'union entre le troupeau et le pasteur plus solide, pour que la concorde et la collaboration régnent dans le même troupeau et que chacun soit pour les autres un exemple et une aide.

Mais ce que Nous venons de dire du droit des évêques comme pasteurs des brebis de leur troupeau en tout ce qui concerne la religion, les moeurs et la discipline ecclésiastique, fait l'objet d'une critique qui souvent murmure en cachette et sourdement. Cela ne recueille pas l'assentiment ferme des esprits parce que des manifestations actuelles d'assurance excessive se font jour ici et là à divers degrés, provoquant un trouble dangereux. La conscience d'avoir atteint l'âge adulte qui s'affirme plus nettement de jour en jour, provoque dans les esprits une sorte d'agitation et d'effervescence de plus en plus vive. Un bon nombre d'hommes et de femmes de ce temps pensent que la direction et la vigilance de l'Eglise offensent la dignité et l'autonomie qui conviennent à des adultes ; non seulement ils répètent cette affirmation mais ils en sont profondément persuadés. Ils ne veulent pas être « sous la garde des tuteurs » 19 comme des enfants ; ils veulent être jugés et traités comme des adultes qui sont indépendants et déterminent eux-mêmes en toute circonstance ce qu'ils ont à faire ou à laisser. Que l'Eglise propose — c'est ainsi qu'ils n'hésitent pas à parler — les dogmes de sa doctrine, qu'elle promulgue des lois pour diriger nos actions. Mais lorsqu'il s'agit d'appliquer cela à la vie d'un chacun, alors qu'elle s'abstienne et ne s'immisce nullement en ces questions : qu'elle laisse chacun obéir à sa raison et à sa conscience. Et cela d'autant plus que l'Eglise et ses ministres — disent-ils — ne connaissent pas la situation concrète ni l'ensemble des conditions internes ou exter-

Gal., 4, 2.




nés dans lesquelles chacun est placé et où il doit prendre ses décisions et veiller à ses intérêts. En outre ils ne veulent pas qu'un interprète ou un intercesseur de quelque nature ou dignité que ce soit, s'interpose au plus intime de leur volonté entre eux-mêmes et Dieu. Nous avons parlé de ces opinions reprehensibles et Nous en avons examiné les arguments, il y a deux ans, dans les allocutions du 23 mars et du 18 avril 1952 20. Sur l'importance attribuée à la majorité de la personne on affirme à bon droit : il est juste que les adultes ne soient pas gouvernés comme des enfants. L'Apôtre dit lui-même : « Lorsque j'étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant ; une fois devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant 21. » Le véritable art d'éduquer ne suit pas une autre méthode ; le vrai pasteur d'âme ne cherche rien d'autre que de développer dans les fidèles qui lui sont confiés : « l'homme parfait, dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ22. » Mais c'est une chose d'être adulte et d'avoir fait disparaître ce qui est de l'enfant ; c'en est une autre, toute différente, que d'être adulte et de ne pas être soumis à la direction et au gouvernement de l'autorité légitime. Le gouvernement en effet n'est pas une tutelle d'enfants, mais la direction efficace des adultes pour le bien de la cité.

Mais puisque c'est à vous, Vénérables Frères, et non aux fidèles que Nous parlons, lorsque dans votre troupeau des germes et des indices de ce mal commencent à se montrer et à se développer, avertissez ainsi les fidèles : 1) Dieu a établi dans l'Eglise des pasteurs d'âmes non pour imposer une charge au troupeau, mais pour le faire progresser et le protéger ; 2) sous la conduite et la vigilance des pasteurs, la vraie liberté des fidèles est sauvegardée ; ils sont prémunis contre l'esclavage des erreurs et des vices, affermis contre les tentations provenant des mauvais exemples et de la fréquentation des méchants parmi lesquels ils sont forcés de vivre ; 3) par conséquent, ils agissent contre la prudence et la charité qu'ils se doivent à eux-mêmes s'ils refusent la main que Dieu leur tend, pour ainsi dire, et le secours très sûr qu'il leur fournit. Si vous en trouvez parmi les clercs et les prêtres qui sont imbus de ce faux zèle, rappelez-leur les sévères avertissements de Notre Prédécesseur Benoît XV : « Il est cependant une chose qu'il ne faut pas taire : Ceux qui sont prêtres, Nous voulons les avertir tous comme Nos fils très chers, qu'il leur est nécessaire, tant pour leur salut propre que pour la fécondité du ministère sacré, d'être étroitement unis à leur évêque et très déférents à son égard. Certes tous les ministres sacrés ne sont pas exempts de cet orgueil et de la volonté mauvaise propre à cette époque et que Nous venons de déplorer ; il n'est pas rare non plus que les Pasteurs de l'Eglise rencontrent peine et hostilité là où ils seraient en droit d'attendre aide et consolation 23 ».

Pie XII exhorte directement les évêques.

Jusqu'ici Nous avons parlé de l'objet de l'office pastoral, et des personnes en faveur desquelles il s'exerce. Il ne conviendrait pas de terminer Notre discours sans adresser aussi quelques mots aux Pasteurs eux-mêmes. C'est à Nous et à vous, Pasteurs, que s'adressent les paroles très saintes du Pasteur éternel : « Je suis le bon Pasteur, Je suis venu pour qu'ils aient la vie, pour qu'ils l'aient en abondance 24. » A Pierre, le Seigneur dit : « Si tu m'aimes, pais mes agneaux, pais mes brebis 25. » A ces bons Pasteurs, il oppose le mercenaire qui ne cherche que soi-même et ses intérêts, et n'est pas prêt à donner sa vie pour le troupeau 26 ; il oppose les Scribes et les Pharisiens qui, avides de régner et de dominer, cherchaient leur propre gloire, occupaient la chaire de Moïse, liaient des fardeaux lourds et insupportables et en chargeaient les épaules des hommes21. De son joug, le Seigneur dit au contraire : « Chargez-vous de mon joug ! Car mon joug est doux et mon fardeau léger 2S. »

Pour remplir avec fruit et efficacité l'office pastoral, les relations fréquentes entre les évêques sont de grande utilité. On s'aide ainsi mutuellement à acquérir l'expérience et la-pratique des affaires ; on réalise plus d'uniformité dans la façon de gouverner ; on évite l'étonnement des fidèles qui souvent ne comprennent pas pourquoi dans un diocèse les choses se font d'une manière et dans un autre, peut-être voisin, tout autrement et parfois même d'une façon contraire. A cette fin, les réunions communes qui ont lieu déjà presque partout sont très utiles, de même que les Conciles provinciaux et pléniers, célébrés avec plus de solennité et qui sont régis par les règles que fixe le Droit Canon.

A cette union et à ces relations entre Frères dans l'Episcopat doivent s'ajouter l'union et les relations vivantes et fréquentes avec le Siège Apostolique. Cette habitude de se tourner vers le Saint-Siège en ce qui concerne non seulement la foi mais aussi le gouvernement et la discipline est en vigueur depuis les temps les plus anciens de la chrétienté. Les sources anciennes de l'histoire en fournissent de nombreux exemples. Et lorsque les Pontifes Romains furent interrogés, ils ne répondirent pas comme des théologiens privés, mais en vertu de leur autorité, conscients du pouvoir qu'ils avaient reçu du Christ Notre-Seigneur, de diriger tout le troupeau et chacune de ses parties. La même conclusion se déduit des cas dans lesquels les Pontifes Romains, sans avoir été interrogés, tranchèrent les différends ou évoquèrent à leur tribunal les questions « incertaines ». Cette union et ces relations de circonstance avec le Saint-Siège ne viennent pas d'une certaine volonté de tout réduire à l'unité, mais du droit divin et d'un élément propre de la constitution de l'Eglise du Christ. Et il n'en résulte pas de dommage, mais bien un avantage pour les évêques à qui est confié le gouvernement des divers troupeaux particuliers. Les relations avec le Saint-Siège leur fournissent en effet dans les questions « incertaines » lumière et assurance, dans les difficultés conseil et force, dans les épreuves un secours, dans les situations critiques un soulagement et une consolation. D'autre part le Siège Apostolique tire des « relations » des évêques une plus vaste information sur l'ensemble du troupeau, une connaissance plus exacte et plus rapide des dangers qui menacent et des remèdes qu'on pourrait employer pour guérir les maux.

Vénérables Frères, la veille de sa Passion, le Christ pria le Père pour ses Apôtres et aussi pour tous ceux qui devaient leur succéder dans leur office apostolique : « Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés, pour qu'ils soient un comme nous. Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde... que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et moi en eux 2il. »

C'est ainsi que Nous, ancien comme vous, Vicaire sur la terre du Pasteur Eternel, Nous Nous sommes adressé à vous, Nos Frères, anciens30 et pasteurs de vos troupeaux, près du tombeau du Prince des Apôtres et du saint Pontife Pie X, et qu'à la fin de Notre discours, Nous revient de nouveau à la mémoire la Messe « Si diligis », où Nous avons pris Notre exorde. Dans la préface Nous demandons « que, Pasteur Eternel, vous n'abandonniez pas votre troupeau, mais que, par vos bienheureux Apôtres vous le gardiez sous votre continuelle protection. Que ce troupeau ait toujours pour le conduire les mêmes chefs que vous avez choisis pour continuer votre oeuvre » ; et dans la seconde des post-communions, Nous ajoutons : « Augmentez, Seigneur, en votre Eglise, les souffles de grâce que vous lui avez donnés, afin que par la prière du Souverain Pontife saint Pie, ne fassent défaut ni l'obéissance du troupeau à son pasteur, ni les soins du pasteur à son troupeau ! »

Que Dieu vous l'accorde à tous selon la mesure de sa divine largesse !

28 Jean, 17, 2, 18, 26. 30 I, Petr., 5,  1.




Pie XII 1954