PieXII 1955 - LETTRE AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES DOMINICAINS


DISCOURS AU CONGRÈS MONDIAL DE LA PRÉVENTION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

(3 avril 1955) 1

Le Saint-Père a reçu, le 3 avril, dimanche des Rameaux, les participants du premier Congrès mondial de prévention des accidents du travail, venus de trente nations différentes.

Il leur a adressé le discours suivant :

En vous accueillant ici, Messieurs les participants du premier Congrès mondial de prévention des accidents du travail, Nous Nous reportons en esprit au mois de novembre de l'an dernier où Nous avions le plaisir de recevoir à Castel Gandolfo, les membres du « Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail ». Nous félicitions alors vivement cet organisme d'avoir contribué, pour une large part, au développement de la législation sociale en beaucoup de pays, et de s'attacher avec ardeur à l'étude des problèmes actuels que posent les relations entre employeurs et ouvriers. L'un de ces problèmes, issu du développement continu du machinisme, est celui de l'accroissement du nombre des accidents de travail, particulièrement sensible après la dernière guerre. C'est pour l'affronter que 1'« Ente Nazionale di Prevenzione degli Infortuni sul lavoro » avec le concours du « Bureau international du travail » vous a invités à ce Congrès. Très touché de l'hommage que vous voulez Nous rendre, Nous profitons volontiers de cette occasion pour vous adresser Nos plus sincères félicitations et Nos encouragements.

D'après le texte français des A. A. S., XXXXVII, 1055, p. 272.


Depuis plusieurs décades, la lutte contre les accidents du travail se poursuit avec énergie à l'aide d'organismes techniques spécialisés. On peut voir là une des conséquences les plus heureuses de l'impulsion donnée au siècle dernier, et constamment renforcée depuis lors, par tant d'hommes généreux, soucieux d'améliorer la condition matérielle et morale des travailleurs, et dont Nos prédécesseurs Léon XIII et Pie XI soutenaient et orientaient les efforts par leurs encycliques sociales. D'importantes associations se sont créées qui, souvent avec l'appui des pouvoirs publics, s'emploient à stimuler l'action des savants, des experts et de tous les responsables en matière de sécurité et d'hygiène du travail. Mais il apparaît de plus en plus qu'il importe d'éviter la dispersion des forces, de mettre en commun le fruit des expériences et des recherches menées sur plusieurs fronts, de coordonner les initiatives sur le plan international le plus vaste. C'est le but de ce Congrès mondial, qui invite à ses assises, les représentants des organismes de prévention des Etats membres de « l'Organisation internationale du travail ».

Parmi les thèmes de rapports et de discussions que vous avez inscrits à votre programme, Nous relevons particulièrement l'étude de la tâche et du fonctionnement des comités de sécurité, les exigences que pose aux constructeurs la sécurité des machines, l'influence des facteurs humains et spécialement de la sélection et de la formation professionnelle, les problèmes de collaboration internationale en matière de sécurité. Thèmes très généraux, sans doute, mais qui commandent les solutions particulières et qui devaient être abordés dans ce premier Congrès mondial.

Sans perdre de vue le rôle des facteurs techniques dans la prévention des accidents du travail, facteurs si divers suivant les industries, il convenait de mettre en évidence un aspect plus délicat, l'intervention des motifs humains. La lutte que vous menez prolonge, en effet, l'effort inlassable que l'homme déploie depuis les origines pour dominer la matière, ses résistances aveugles, ses réactions déroutantes et parfois soudaines et terribles envers celui qui tente de l'enserrer de plus en plus dans le réseau de ses inventions. Toute oeuvre humaine comporte un certain risque, physique, économique ou moral ; on peut, on doit même l'accepter, quand il ne dépasse pas les limites que fixe la prudence. L'homme trouve d'ailleurs dans cette espèce de défi un stimulant psychologique puissant. Mais d'autre part, personne ne peut compromettre, sans raison grave, sa santé ou celle d'autrui. Et cependant que d'imprudences, de négligences coupables, de risques délibérément accrus n'entraîne pas le seul désir d'éviter les charges économiques et les sacrifices matériels, que suppose toute application des mesures de protection ? La pente de la facilité joue ici dans le même sens pour tous : afin d'éviter les pertes de temps et pour accroître la production et le profit, ou simplement pour s'épargner un effort psychologique désagréable, on relâche toute vigilance, on néglige les précautions parfois les plus élémentaires.

Si l'on considère cependant l'évolution sociale récente et si l'on réfléchit quelque peu, on apercevra sans peine le bien-fondé et l'utilité de pareil effort. Personne à présent ne conteste plus la part des dispositions subjectives dans le rendement du travailleur. La méconnaissance des exigences physiques, affectives, morales de l'être humain finit par l'aigrir et par le dresser contre ceux qui méprisent sa dignité personnelle. Comment pourraient subsister l'intérêt que chacun porte à sa tâche et la conscience professionnelle qui l'incite à s'en acquitter parfaitement, lorsque pèse sans cesse la menace d'un accident, qui priverait l'individu et sa famille du salaire dont dépend sa subsistance matérielle ? Au simple plan économique, ces raisons suffiraient déjà à susciter chez les employeurs la volonté d'assurer à leurs ouvriers des conditions satisfaisantes de sécurité et d'hygiène.

Parmi les moyens d'ordre général utilisés à cet effet, il est certain que la sélection et la préparation professionnelle, de même que le perfectionnement de la main-d'oeuvre, tiennent une place capitale. Le fait ressort clairement de l'augmentation de la fréquence des accidents chez les ouvriers émigrés, appliqués à des travaux industriels, auxquels un long apprentissage ou même une tradition familiale ou régionale ne les a pas préparés. Considérée de ce point de vue la question apparaît avec une extension très large et révèle un de ses caractères typiques : les problèmes spécifiques de la prévention des accidents de travail ne trouveront de solution complète que replacés dans un plan d'ensemble, qui tiendra compte de tous les aspects de la vie du travailleur et qui fera droit à toutes ses aspirations légitimes. L'application de mesures d'ordre technique en sera facilitée et produira des résultats assurés, que n'obtiendraient ni la contrainte ni d'autres moyens extérieurs de persuasion.

Ces considérations rapides suffisent à illustrer la complexité des tâches qu'affrontent les organismes de prévention. Que de patientes recherches, de compétence, d'esprit de collaboration ne faut-il pas déployer pour résoudre les problèmes théoriques ! Et que dire des multiples obstacles, auxquels se heurte l'application des dispositifs de protection ! Difficultés issues parfois des intéressés eux-mêmes, qui ne comprennent pas la portée de ce qu'on leur demande, les conséquences tragiques des actes qu'on leur interdit, ou qui, sans nier la nécessité des règlements imposés, se lassent peu à peu de les appliquer, et dont il faut sans relâche stimuler le bon vouloir.

Pour entretenir l'ardeur qui vous pousse à étudier ces problèmes et à en promouvoir les solutions, vous vous proposez, Messieurs, le noble but d'un service social indispensable à l'époque présente. Dans son domaine temporel, votre intention s'apparente à celle de l'Eglise et de son divin Fondateur, dont la vie et la mort furent consacrées à l'humanité souffrante pour apporter un remède à ses maux. Il appartient au Christ seul de soulager tant de misères et de servitudes qui pèsent sur le genre humain, en faisant aussi chercher en Lui la force intérieure, si nécessaire à qui s'inspire de son exemple et désire prolonger parmi les hommes d'aujourd'hui l'action bienfaisante qui fut la sienne. Les commémorations solennelles de cette semaine suggéreront à la plupart d'entre vous, Nous en sommes sûr, les dispositions d'âme, qui les soutiendront dans leur labeur souvent pénible et ingrat.

En gage des secours divins que Nous invoquons sur vous, sur vos familles, vos collaborateurs et tous ceux qui vous sont chers, Nous vous accordons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.



ALLOCUTION AU CONGRÈS DE L'UNION MÉDICALE LATINE

(7 avril 1955) 1

Le Jeudi Saint, le Souverain Pontife a reçu en audience, dans la Salle Clémentine, deux cents médecins participant au quatrième Congrès de l'Union médicale latine, et II leur a adressé le discours suivant.

Les statuts de l'Union médicale latine, qui vous rassemble et vient de terminer à Rome son quatrième Congrès international, Nous ont donné, Messieurs, un aperçu de son but, des moyens qu'elle met en oeuvre pour le réaliser et de l'extension qu'elle a prise avec le temps. Ne groupe-t-elle pas, en effet, les médecins d'une trentaine de nations, de langues et de cultures latines, entre lesquelles elle entend faciliter les échanges et les relations d'étude concernant les problèmes de pathologie ?

Nous voudrions vous dire tout l'intérêt que Nous portons à ces efforts, et exprimer le souhait que les travaux de votre assemblée et les contacts permanents prévus par vos statuts vous permettent d'obtenir pleinement le résultat auquel vous aspirez. La richesse même et la variété des thèmes traités par d'insignes savants qui font partie de votre Union, sont une garantie de succès pour votre action et illustrent bien l'importance et la valeur du monde médical latin.

A plusieurs reprises, au cours de ces deux dernières années, Nous avons développé, dans Nos allocutions aux congrès médicaux, à des groupes de spécialistes, des questions touchant la recherche et la pratique médicales, dans la mesure où des intérêts religieux et moraux y sont impliqués. Nous avons exposé les normes fondamentales et la signification profonde de la profession de médecin en général, les principes directeurs de toute

D'après le texte français des A. A. S., XXXXVII, 1955, p.

éthique médicale nationale et internationale, sa constitution, sa surveillance et la seule manière possible de le rendre obligatoire par des unions internationales entre Etats souverains. Nous avons pu constater avec satisfaction tout ce que l'initiative et l'activité infatigable des groupes de médecins avaient déjà réalisé, même si le but visé demeure en plusieurs points loin d'être atteint.

En ce qui concerne les matières typiquement médicales, tout récemment encore, Nous avons résumé Nos exposés précédents dans une allocution aux participants de la huitième Assemblée de l'Association médicale mondiale2. Aussi voudrions-Nous, pour le moment, vous présenter plutôt quelques considérations, auxquelles Nous invite le caractère propre de votre groupement dans l'Union médicale latine.

Ce qui vous incite à vous associer, ce n'est pas une spécialité médicale commune ou un problème professionnel spécialement digne de votre intérêt, mais le terrain d'une culture commune, celle qui s'étend au domaine des langues latines. Vous êtes convaincus, et l'expérience confirme cette idée, que vous trouverez ainsi des avantages particuliers, des biens qui ne vous sont pas offerts ailleurs, du moins pas de la même façon.

Cette base culturelle qui vous unit, Nous voudrions montrer qu'elle est capable non seulement de vous procurer un enrichissement personnel, mais encore d'être une source d'avantages pour vos patients, ainsi que pour la science et la technique médicales elles-mêmes dans les pays latins.

Les cultures expriment les caractères propres de chaque peuple.

On a coutume de distinguer chez les peuples civilisés divers domaines culturels, où se retrouve une manière typique de penser, de juger, de sentir, d'agir. Nous pouvons ainsi définir une aire culturelle latine, anglo-américaine, allemande, slave, sans parler des civilisations des grands peuples de l'Asie. Ces domaines culturels, il ne faut pas croire qu'ils naissent d'abord d'une volonté de s'opposer à d'autres cultures, en se condamnant par là à un isolement dangereux ou du moins à un appauvrissement regrettable. Ils expriment bien plutôt les caractères propres

2 Discours à la Ville Assemblée de l'Association médicale mondiale, 30 septembre *954 ; A. A. S., XXXXVI, 1954, pp. 587-598. Cf. Documents Pontificaux 1954, p. 384.

d'un peuple ou d'un ensemble de peuples, la manière dont ils développent leur patrimoine commun et assimilent, au contact d'autres cultures, ce qui leur vient du dehors. Chaque culture reconnaît volontiers, sans rivalités mesquines, la préséance des autres, là où elles lui sont supérieures et n'hésite pas à les imiter et à recevoir d'elles ce qu'elles ont de valable, mais chacune aime et cultive les traits qui lui sont particuliers, précisément parce qu'ils lui appartiennent en propre, et qu'elle y reconnaît sa marque distinctive.

La culture latine peut être pour le médecin source d'enrichissement scientifique et technique.

Qu'on trouve en abondance et même à profusion, dans le domaine des langues et de la culture latines, ces dons de l'esprit et du coeur, aucun homme avisé ne le niera. Mais, plutôt que de développer cet aspect, Nous voudrions examiner comment cette culture peut vous procurer un enrichissement en tant que médecins, et par là, à vos patients et à la médecine considérée comme une science, un art, une technique.

D'aucuns pourraient avoir l'impression que vos efforts poursuivent un but irréel. Quel rapport y a-t-il en effet entre la culture et l'objet spécifique de la profession médicale ? Les maladies qu'il faut guérir ne sont-elles pas les mêmes partout ? Une pneumonie est une pneumonie dans les pays latins comme dans ceux de la culture anglo-américaine. Les médicaments principaux et la façon de les employer sont identiques pour l'essentiel dans tous les pays civilisés : la pénicilline est partout de la pénicilline, les injections antituberculeuses paraissent agir partout de la même manière. Enfin, les interventions chirurgicales principales, les cas où elles sont indiquées, leur technique dans ses éléments fondamentaux sont le bien commun des peuples cultivés. Cette uniformité repose sur un motif facilement perceptible. L'homme est le même, en tous lieux et pour toutes les cultures, dans la structure essentielle de son organisme, dans sa disposition à subir l'influence des agents morbides, dans ses réactions aux médicaments et aux interventions chirurgicales. Cependant cette uniformité n'est pas absolue. Dans le document que vous Nous avez remis, vous relevez que l'association des médecins des nations latines s'intéresse aux problèmes de la pathologie de ces pays, en favorisant l'initiative de voyages d'études et en stimulant les échanges de connaissances scientifiques dans le cadre de la culture latine. Vous supposez donc qu'il existe, en cette matière, des différences de fait et des particularités qu'il est normal de rencontrer, car, malgré leur communauté de culture, les trente nations, qui font partie de votre Union, possèdent des traits biologiques distinctifs, qu'on peut expliquer par les conditions particulières et l'histoire de chaque région. Une idée analogue se fait jour à l'article 1 des statuts, parmi les buts de votre Union : elle vise à aider les médecins, qui se rendent dans tel ou tel pays associé pour s'y instruire ou s'y perfectionner ; son Bureau permanent a pour tâche de « centraliser tous les concours et toutes les ressources possibles d'enseignement et d'instruction, dans tous les pays de l'Union médicale latine ». Loin donc de se proposer un objectif irréel, votre Union entend plutôt compter avec la réalité, parce que le médecin y trouvera un enrichissement de science et de technique provenant des divers caractères spécifiques des nations appartenant au vaste domaine de la culture latine.

Et aussi moral et spirituel.

Mais le terrain culturel commun n'apporte pas seulement au médecin une possibilité de perfectionnement scientifique et technique. Le médecin en effet n'est pas uniquement quelqu'un qui « sait » et qui « peut » ; il met en oeuvre dans l'exercice de sa profession, comme dans sa vie privée, une personnalité douée de ressources profondes, qui imprime à son action la marque de son esprit et de son coeur, qui peut, sans s'appauvrir, communiquer à d'autres sa propre richesse intime.

Reconnaître les grandes normes de la morale médicale admises tout naturellement dans votre profession, rejeter sans compromission tout ce qui en est indigne, tenir en haute estime l'honneur médical véritable, ne pas supporter la présence, au sein des associations professionnelles, de ceux qui se mettent en contradiction avec ces normes ; voilà quelques éléments, parmi beaucoup d'autres, qui constituent la richesse personnelle intime du médecin, bien au-delà du savoir et de la technique pure. La culture latine apporte ici au médecin, dans sa vivante tradition, les biens spirituels les plus précieux ; elle éduque en lui la noblesse de coeur, la magnanimité des décisions, la compréhension et l'ouverture aux sentiments et à la souffrance d'autrui. Il est impossible d'entrer en relation avec des hommes pénétrés de ces valeurs profondes, de les approcher spirituellement, sans en retirer quelque profit, sans voir s'effacer les aspects négatifs que chacun porte en soi et se renforcer les tendances positives, transformées en caractères volontairement acquis. Voilà qui importe vraiment et qui fait apprécier ces échanges, même s'il ne doit s'ensuivre aucune acquisition nouvelle de science ou de technique.

Il y a plusieurs années, Nous avons lu dans les publications médicales l'énoncé des principes qui vous guident : « Soigner et guérir au mieux de ses connaissances et de ses capacités ; ne pas faire de tort ni tuer ; voir toujours et estimer l'homme dans le malade ; connaître et respecter les limites des possibilités médicales ; être toujours prêt à porter secours là où son intervention est requise (et y être d'autant plus prêt que la nécessité est plus urgente) ; ne pas rester prisonnier de ses sympathies ou antipathies pour la condition ou la race, le rang social ou la nationalité ; ne pas demander s'il s'agit d'un ami ou d'un ennemi ; en cas de besoin, être capable d'intervenir personnellement jusqu'au sacrifice de soi. »

N'est-il pas vrai que la réalisation d'un tel idéal comporte pour le médecin un enrichissement notable de sa personnalité ? Pour comprendre plus à fond cet idéal, y adhérer avec une conviction plus pénétrante, y tendre avec un empressement plus spontané, vous trouverez une aide appréciable dans le commerce toujours plus fréquent et plus intime avec les ressources de la culture latine et, en particulier, dans les rencontres entre collègues, qui vivent de ces principes avec l'assurance tranquille et paisible de l'homme et du médecin sérieux et conscient de ses devoirs.

S'il en est réellement ainsi, le monde de la culture latine, au sein duquel vous êtes groupés, vous aura enrichis dans le cadre même de votre profession.

Cet enrichissement profitera aux malades.

Médecin et patient sont, en quelque sorte, des termes corrélatifs. On devine aisément que les enrichissements intellectuels, techniques, moraux, que le médecin puise dans son groupe culturel, tournent d'eux-mêmes à l'avantage et au profit du patient. S'il existe, en effet, dans les nations de culture latine des maladies d'un type particulier ; si l'on y rencontre avec une certaine régularité des complications plus rares ailleurs ; si les réactions à certains médicaments d'usage assez généralement répandu s'écartent plus ou moins constamment des réactions typiques ; il est évident que les connaissances acquises par le contact avec des médecins et des patients d'une nation appartenant au même territoire culturel et les variations de processus qu'on y a constatées, peuvent être d'une importance décisive pour une série de patients, et qu'ainsi l'expérience acquise par le médecin profite au malade.

L'influence personnelle que le médecin est capable d'exercer sur le malade n'a pas une importance ou une utilité moindres. Le malade veut être compris par son médecin ; il a besoin d'avoir grande confiance en lui pour retirer de ses soins un profit réel, physique et psychique. Quand le médecin appartenant au même milieu culturel réalise l'idéal que Nous esquissions tantôt, en puisant aux mêmes richesses spirituelles, et grâce au contact avec des médecins éminents qui partagent ses aspirations, le malade trouvera chez lui tout ce qu'il cherche spontanément ou consciemment : compréhension, soutien, impression de sécurité, et lui accordera volontiers sa confiance.

Avantages procurés par l'« Union » pour l'avancement de la médecine.

Votre rencontre sur le terrain de la culture latine comporte enfin des avantages pour la médecine elle-même et, sans doute, les avez-vous recherchés.

Le progrès s'accomplit ici de la même manière que dans toutes les autres sciences expérimentales. D'abord, s'impose l'observation attentive et toujours contrôlée des faits. Sans la symptomatologie, la médecine, en effet, resterait impuissante. On y rattache l'étiologie, avec tous les problèmes qu'elle pose, mais aussi les nombreux résultats pleinement vérifiés que l'on a pu enregistrer jusqu'ici. Le profane reste étonné à la vue des progrès énormes (fussent-ils aperçus dans une vue d'ensemble), que la médecine a accomplis et continue à accomplir. Nommons surtout l'étude toujours plus précise de l'organisme humain lui-même, de ses organes dits annexes, d'une structure si délicate, et dont on n'aperçut que peu à peu l'influence décisive sur les fonctions vitales ; l'extension de l'endocrinologie, qui cherche à compenser les déficiences des glandes à sécrétion interne et à rétablir

plus grands égards, parce qu'il reflète l'image de Dieu, d'un Dieu incarné et souffrant. Le moindre des services qu'on lui rend s'adresse, en réalité, non seulement à l'homme faible et impuissant, mais au Seigneur de toutes choses, qui rétribuera d'une récompense éternelle, le bien que l'on fait, en son nom, au plus petit des siens.

C'est pourquoi les normes morales, auxquelles le médecin obéit, dépassent de bien loin les prescriptions d'un code d'honneur de la profession ; elles s'élèvent au rang d'une attitude personnelle à l'égard d'un Dieu vivant. De là dérivent la dignité et la noblesse les plus hautes de l'action du médecin ; de là aussi le caractère pour ainsi dire sacré qui enveloppe sa personne et ses interventions.

Cette tradition, aujourd'hui menacée par un matérialisme envahissant, il vous appartient de la sauvegarder. Contre les déviations d'une médecine qui se résoudrait en pure technique, contre un « art de guérir » qui négligerait le facteur humain et transcendant, vous réagirez en défendant la primauté du spirituel, si constamment affirmée par la culture latine et portée à son expression la plus parfaite dans la conception chrétienne de la vie humaine.

Puisse votre volonté de progrès ne jamais se lasser devant les difficultés, ni se décourager à cause des insuccès partiels ! Puissent les résultats temporels de votre activité se prolonger sur le plan de la foi et y trouver une fécondité durable !

En gage de la protection divine que Nous implorons sur vous, sur vos collaborateurs, vos familles et tous ceux qui vous sont chers, Nous vous accordons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.

l'équilibre nécessaire dans leur fonctionnement ; la possibilité et l'importance de la greffe et de la thérapie cellulaires ; l'invention, la fabrication, le dosage des remèdes, obtenus par imitation de la nature ou par des synthèses artificielles réalisées en laboratoire ; le développement considérable des interventions chirurgicales et de l'équipement hospitalier. La chirurgie ose entreprendre aujourd'hui et mène à bonne fin ce qui paraissait impossible, il y a un siècle ou deux. Son audace ne suscite qu'une inquiétude : celle de la voir dépasser les limites de la licéité morale.

Le travail d'observation, de recherche, de contrôles expérimentaux s'effectue surtout dans les cliniques et laboratoires. Ses résultats deviennent le bien de tous, grâce aux publications, livres et périodiques, aux relations lues dans les congrès, aux cours spéciaux ou de complément dans les universités et cliniques. C'est ainsi que, peu à peu, la médecine progresse en chacun des groupes culturels mentionnés au début, et donc aussi dans les pays de langue et de culture latines, en s'adaptant aux conditions spéciales de ces territoires.

Chacun, en cela, ne se contente pas de recevoir des autres les résultats de leurs travaux, mais s'empresse aussi de donner, d'enrichir la communauté et la science elle-même, des fruits de son labeur. Pour deviner le montant de cet apport mutuel, il suffit de lire attentivement la liste des membres inscrits dans votre Union, ou même de nommer Paris, qui en est le siège. On sait assez quelle envergure y atteint le développement de la recherche médicale, ce qu'on y trouve en fait d'instituts, de cliniques, de laboratoires, toutes les publications qui y voient le jour au profit de la communauté. Et l'on pourrait dire presque la même chose de toutes les grandes cités du monde latin.

Les médecins de l'Union médicale latine, dépositaires de traditions chrétiennes, doivent les défendre contre le matérialisme envahissant.

En terminant cette allocution, Nous ne voudrions pas négliger de relever que les nations groupées dans l'Union médicale latine sont au nombre de celles, dont l'âme fut longuement imprégnée et façonnée par la foi catholique. Celle-ci continue, la plupart du temps, à inspirer leurs attitudes devant les problèmes de la vie, celui de la souffrance en particulier. Or le médecin doit prendre position en ces questions, tant pour le patient que pour lui-même. Suivant la tradition chrétienne, le malade mérite les



LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU PREMIER CONGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT RELIGIEUX EN FRANCE (13-15 avril 1955)

(g avril 1955) 1

Le mercredi 13 avril s'ouvrait à Paris, à la Maison de la Chimie, le premier Congrès national de l'enseignement religieux. A l'ouverture du Congrès, Son Exc. Mgr de Provenchères, archevêque d'Aix-en-Provence, président de la Commission episcopale de l'enseignement religieux et de la Commission nationale du catéchisme, donna lecture de la lettre que lui avait adressée Son Exc. Mgr Dell'Acqua au nom du Souverain Pontife :

Le premier Congrès national de l'enseignement religieux qui doit se tenir prochainement à Paris représente, dans la vie catholique française, une initiative qui a retenu spécialement l'attention du Souverain Pontife. Et c'est bien volontiers que, répondant au désir exprimé par Votre Excellence, Sa Sainteté me charge d'être auprès de tous les congressistes l'interprète de ses voeux paternels et de ses vifs encouragements.

L'Eglise a le devoir de donner à toutes les générations un enseignement de la foi adapté.

Les questions qui y seront abordées concernent, en effet, l'enseignement religieux à toutes les étapes de la formation de la jeunesse, et il n'est guère besoin d'insister pour souligner qu'elles

» D'après le texte italien de VOsservatore Romane, des m-m avril M« • tr*A « française de la Documentation CatHoliaue, no Ilo8 du JmÏ 5"coT^ se réfèrent directement à la mission confiée par Jésus aux apôtres d'enseigner les nations.

Cette mission, l'Eglise à bon droit la considère comme primordiale et sacrée, et c'est pour y satisfaire qu'elle n'a jamais cessé, depuis ses origines, d'être missionnaire dans toutes les contrées et dans tous les milieux qui ignorent le message de salut. Mais cette même mission lui fait aussi un devoir de donner à toutes les générations chrétiennes, un enseignement de la foi pleinement adapté à leurs besoins et capable d'assurer l'épanouissement d'une vie religieuse éclairée et rayonnante.

De nos jours, cet enseignement doit être d'autant plus solide et réfléchi, coordonné et persévérant que les fils de l'Eglise sont souvent appelés, hélas, à grandir et à vivre dans une atmosphère qui n'est pas chrétienne, à peine humaine parfois, et que, par ailleurs, le monde moderne offre à un plus grand nombre, de larges possibilités d'études profanes.

Le Pape souhaite que l'opinion catholique prenne conscience de l'importance capitale de ce problème.

Aussi l'épiscopat français a-t-il tenu, au cours des dernières décades, à instituer, selon les directives mêmes du Saint-Siège, de nombreux organismes qui, au plan du diocèse et de la nation, doivent favoriser l'essor de l'enseignement religieux.

Le Saint-Père, à qui cette cause tient tant à coeur, est heureux de reconnaître le travail accompli en ce domaine et il souhaite que le présent Congrès soit, pour l'opinion catholique de votre pays, l'occasion de prendre une plus vive conscience de l'importance capitale de ce problème et de la nécessité d'un effort unanime du clergé et des fidèles.

Or, si l'on considère les conditions générales de l'enseignement catéchistique et de la formation religieuse, force est bien de reconnaître que nombreux sont encore, en France, les enfants qui ne reçoivent pas dans les conditions satisfaisantes de temps, de lieu ou de méthode, les richesses de la vérité révélée auxquelles ils ont droit.

Si Sa Sainteté ne craignait pas naguère de dénoncer l'ignorance religieuse comme « une plaie ouverte au flanc de l'Eglise », il faut aujourd'hui tout mettre en oeuvre pour remédier efficacement à ce mal.

Dans l'école.

L'action sera poursuivie au niveau de l'école chrétienne, tant pour obtenir une constante amélioration de l'instruction et de l'éducation religieuses que pour offrir aux familles catholiques la possibilité effective de mettre leurs enfants dans une école conforme aux exigences de leur foi.

Mais c'est à tous les baptisés que l'Eglise entend donner le substantiel aliment de la vérité et, puisque le plus grand nombre fréquentent, de fait, des établissements non confessionnels, le problème de leur enseignement religieux se pose aux pasteurs d'âmes avec d'autant plus d'acuité et d'urgence. A leur égard, l'Eglise, fidèle à sa mission, ne saurait renoncer à son droit et à son devoir de tout faire pour épanouir la grâce baptismale de ces jeunes par une formation de l'esprit et du coeur donnée dans de justes conditions de liberté et d'efficacité.

Dans la famille.

Mais le problème n'est pas restreint au cadre scolaire. Les premiers catéchistes des enfants ne sont-ils pas les parents eux-mêmes, à qui le Seigneur a confié la haute et belle responsabilité de l'éveil de ces jeunes âmes et de leur éducation chrétienne ?

Combien de pères et mères de familles ont aujourd'hui conscience de cette mission ? Combien se soucient de posséder le savoir et l'art qu'exige une tâche aussi délicate ? Les pasteurs doivent considérer comme un de leurs devoirs importants la préparation des parents chrétiens à leur rôle d'éducateurs et de catéchistes.

Dans la paroisse et l'Action Catholique.

Et si la famille constitue pour l'enfant la première communauté chrétienne dans laquelle va s'épanouir sa foi, il importe aussi que toutes les forces vives de la paroisse collaborent, sous la direction du pasteur, à cette tâche primordiale de l'instruction catéchistique, qui doit bénéficier de tout l'acquis des méthodes pédagogiques nouvelles.

Le témoignage et l'exemple d'une communauté paroissiale vivante sont, pour l'adolescent qui grandit dans le monde d'aujourd'hui, le complément nécessaire de sa formation catéchistique.

Et c'est ici que les mouvements d'Action Catholique ont un rôle décisif à jouer, tant sur le plan proprement paroissial que dans les divers milieux de vie où devra s'affirmer la foi de ces jeunes. Que ces mouvements ne considèrent donc pas l'oeuvre du catéchisme comme étrangère à leurs perspectives d'action !

Préparation doctrinale et pédagogique des maîtres.

Enfin, pour une tâche aussi importante, l'Eglise veut des maîtres de qualité.

Prêtres, religieux ou religieuses, catéchistes laïques, chacun selon sa fonction propre, doivent avoir le plus grand souci de leur préparation doctrinale et pédagogique ; autant et plus encore que les études profanes — mais d'une manière propre à son objet qui est d'ordre surnaturel — la religion doit être enseignée dans les conditions intellectuelles et morales les plus favorables.

Il faut à cet égard se réjouir des efforts déjà réalisés dans les Instituts catéchétiques.

Immense tâche de l'enseignement religieux, qu'il n'était pas possible d'envisager ici dans tous ses aspects : que cette brève évocation de quelques points essentiels vous soit du moins une marque de l'intérêt très particulier que le Saint-Père porte à vos travaux.

Il souhaite que votre Congrès contribue à susciter et à unifier les efforts des catholiques, dans le cadre des institutions établies par la hiérarchie et grâce en particulier à l'Office catéchistique diocésain.

C'est à ce dernier, comme chacun sait, qu'il appartient de contrôler, de promouvoir et de parfaire tout ce qui concerne l'enseignement religieux dans le diocèse ; et le voeu de Sa Sainteté est qu'il soit partout doté de prêtres de valeur et de moyens efficaces pour accomplir son oeuvre.

Que le Christ ressuscité, en ces fêtes pascales, enrichisse de ses grâces les labeurs des congressistes. A chacun de ceux-ci, et en premier lieu à Votre Excellence qui préside avec tant de zèle la Commission épiscopale du catéchisme, le Saint-Père envoie de grand coeur le réconfort d'une paternelle Bénédiction apostolique.


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