PieXII 1955 - EXPOSITION FRA ANGELICO


DISCOURS

A LACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES

(24 avril 1955) 1

Recevant le dimanche 24 avril les nouveaux académiciens 2, à Y occasion de V Assemblée plénière de Y Académie pontificale des Sciences, le Saint-Père a prononcé le discours suivant.

Au moment où Nous vous adressons la bienvenue dans cette maison, dont les portes ont toujours été largement ouvertes à ceux qui cultivent les arts et les sciences, Nous voulons vous exprimer Notre vive satisfaction à vous tous, Excellentissimes Messieurs, membres de Notre Académie.

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXVII, 1955, p. 394.

2 Sa Sainteté Pie XII avait nommé membres de l'Académie Pontificale des Sciences, Messieurs : Charles Herbert Best, professeur de physiologie à l'Université de Toronto ; Hermann Alexander Brück, directeur de l'Observatoire astronomique de Dublin ; Louis de BrogHe, professeur de physique théorique à l'Université de Paris et secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences de l'Institut de France, prix Nobel de physique ; Théodore de Karman, directeur du « Guggenheim Aeronautical Laboratory of California Institute of Technology » de Pasadena ; Jules César Garcia Otero, professeur de pathologie médicale à l'Université de Montevideo ; Otto Kahn, président de la « Max Planck Gesellschaft », prix Nobel de chimie ; Werner Karl Heisenberg, professeur de physique théorique à l'Université de Göttingen, prix Nobel de physique ; Walter Rudolph Hess, professeur de physiologie à l'Université de Zürich ; Gaston Maurice Julia, professeur d'analyse supérieure à la Sorbonne et de géométrie à l'Ecole Polytechnique de Paris ; Paul Niehans « Sénateur » de l'Université de Tübingen, promoteur et divulgateur de la cellulothérapie ; Arne Tisellius, professeur de biochimie et directeur de l'Institut de biochimie à l'Université de Upsal ; Artturi Ilmari Virtanen, professeur de chimie à l'Université d'Helsinki et président de l'Académie de Finlande ; Max Von Laue, professeur de physique à l'Université de Göttingen, prix Nobel de physique et Hermann Weyl, professeur d'analyse et de mécanique supérieure à l'Université de Zürich.

La création, manifestation de la sagesse et de la bonté de Dieu.

Votre vie, consacrée à l'étude des phénomènes naturels, vous permet d'observer chaque jour de plus près et d'interpréter les merveilles, que le Très-Haut a inscrites dans la réalité des choses. Oui, vraiment, le monde créé est une manifestation de la sagesse et de la bonté de Dieu, parce que toutes choses ont reçu de Lui l'existence et reflètent sa grandeur. Chacune d'elles est comme une de ses paroles et porte la marque de ce que Nous pourrions appeler l'alphabet fondamental, ces lois naturelles et universelles, dérivées de lois et d'harmonies encore plus hautes, dont le travail de la pensée s'efforce de découvrir toute l'ampleur et le caractère d'absolu.

Les créatures sont des paroles de vérité, qui en soi, dans leur être, ne renferment ni contradictions ni confusions, toujours cohérentes entre elles, souvent difficiles à comprendre à cause de leur profondeur, mais conformes toujours, quand elles sont clairement connues, aux exigences supérieures de la raison. La nature s'ouvre devant vous comme un livre mystérieux, mais étonnant, qui demande à être feuilleté page à page et lu avec ordre, dans le souci de progresser sans cesse ; de la sorte tout pas en avant continue les précédents, les redresse, et monte sans arrêt vers la lumière d'une plus profonde compréhension.

Les savants, « découvreurs » des intentions de Dieu.

La mission qui vous a été confiée compte ainsi parmi les plus nobles, car vous devez être, en un certain sens, les découvreurs des intentions de Dieu. Il vous appartient d'interpréter le livre de la nature, d'en exposer le contenu et d'en tirer les conséquences pour le bien commun.

Tout d'abord, vous êtes les interprètes du livre de la nature. Il est donc nécessaire que vous fixiez le regard sur chacune de ses lignes et restiez bien attentifs à n'en passer aucun détail. Ecartez toute prévention personnelle et pliez-vous avec docilité à tous les indices de vérité qui s'y font jour.

Trois attitudes possibles devant les progrès scientifiques.

Nous savons l'importance exceptionnelle de l'époque que traverse la science à l'heure actuelle, importance dont tous ne parviennent pas à se rendre compte. En effet, devant les problèmes

scientifiques, on trouve trois attitudes différentes. Certains, et c'est le grand nombre, se contentent d'admirer les résultats extraordinaires obtenus dans le domaine technique et croient, semble-t-il, que ces résultats constituent le but exclusif ou du moins principal poursuivi par les sciences. D'autres, plus cultivés, sont capables d'apprécier la méthode et les efforts qu'impose la recherche scientifique. Ils peuvent ainsi en suivre et en comprendre les progrès géniaux, les angoisses et les joies, les succès et les arrêts ; ils observent avec intérêt l'incessant perfectionnement des instruments mathématiques, des procédés expérimentaux, des appareils ; assistent avec passion à l'élaboration des hypothèses, à l'établissement des conclusions, au labeur de l'intelligence pour harmoniser les données selon certains schèmes, modifier les considérations antérieures et formuler les théories nouvelles qu'on s'efforcera de vérifier. Ces multiples aspects sont bien compris de tous ceux qui, pour divers motifs, s'intéressent au travail des savants. Quant aux problèmes les plus essentiels du savoir scientifique, ou dont l'ampleur intéresse tout son domaine, les esprits, qui les perçoivent, demeurent, Nous sem-ble-t-il, relativement peu nombreux, et Nous Nous réjouissons à la pensée que vous êtes parmi eux. La science n'en est-elle pas arrivée au point d'exiger que le regard pénètre aisément les réalités les plus profondes et s'élève jusqu'à une vue complète et harmonieuse des ensembles ?

Prodigieuses découvertes et géniales théories scientifiques.

Il y a un peu plus d'un siècle et demi, en partant de bases rationnelles, on formulait les premières hypothèses sur la structure discontinue de la matière et sur l'existence des plus petites particules, considérées comme les ultimes constituants des corps. Et depuis lors jusqu'à nos jours, on a compté, pesé, analysé les molécules ; puis l'atome, qui passait d'abord pour indivisible, fut divisé en ses éléments, examiné, attaqué dans ses structures les plus profondes ; on détermina la charge électrique élémentaire, la masse du proton ; le neutron, les mésons, le positron et bien d'autres particules élémentaires furent identifiées et leurs caractéristiques précisées. On a trouvé le moyen de guider ces particules, de les accélérer et de les lancer comme il faut contre les noyaux atomiques, mais c'est spécialement en utilisant les neutrons que l'on a réussi à produire la radioactivité artificielle, la fission des noyaux, la transformation d'un élément en d'autres éléments, la production d'énormes quantités d'énergie.

Des théories et de géniales représentations du monde ont vu le jour ; on a créé de nouveaux instruments mathématiques et des géométries de conception originale. Nous ne pouvons que citer la relativité restreinte et la relativité généralisée, les quanta, la mécanique ondulatoire, la mécanique quantique, les idées récentes sur la nature des forces nucléaires, les théories sur les origines des rayons cosmiques, les hypothèses sur la source de l'énergie stellaire.

Tout ceci permet d'entrevoir à quelle profondeur la science se meut et l'on devine aisément les problèmes d'ordre intellectuel qui vont surgir. Qu'on veuille bien considérer en outre que si l'audacieuse milice des conquérants ouvre toujours de nouvelles brèches dans la citadelle de la nature, le reste de l'armée se répand en d'innombrables autres champs du savoir : et voici le point de vue de l'extension, qui s'ajoute à celui de la profondeur. On souhaiterait, comme le hardi grimpeur parvenu au sommet de la montagne, pouvoir embrasser d'un seul coup d'ceil toute l'étendue du panorama.

S'il Nous était possible, Nous voudrions vous montrer les points les plus avancés des divers secteurs de la science, pour qu'apparaisse à vos yeux l'ensemble de la situation présente.

Voyez l'astronomie qui, au moyen d'instruments entrés depuis peu en service, réussit à dévoiler dans les deux, des mystères entièrement nouveaux et qui, aidée par les sciences physiques, s'est engagée sur la voie qui la conduira peut-être à expliquer l'origine des énergies stellaires ; voici la géologie qui détermine l'âge absolu des roches par les méthodes de la radioactivité et des rapports isotopiques : l'âge même de la terre commence à être déterminé ; en minéralogie, les structures cristallines révèlent leurs secrets aux analyses puissantes exécutées à l'aide de radiations très courtes ; la chimie inorganique et organique résout les problèmes complexes de la structure des macromolécules ; elle réussit à construire des chaînes moléculaires très grandes et transforme, par les applications qui en dérivent, des secteurs entiers de l'industrie ; la radiotechnique est arrivée à produire des ondes électromagnétiques, qui touchent la limite des radiations lumineuses de plus grande longueur d'onde ; on fouille la terre pour en découvrir les trésors cachés, on explore les couches les plus élevées de l'atmosphère ; la génétique découvre, dans certains complexes cellulaires particuliers, des aspects nouveaux de la puissance de la vie ; la physiologie et la biologie, partant des positions conquises par la chimie, la physicochimie et la physique, rencontrent chaque jour des merveilles insoupçonnées et, chaque jour, interprètent, expliquent, prévoient et réalisent des faits nouveaux ; le monde des virus cède aux assauts du microscope électronique et de la technique de la diffraction électronique ; le spectographe de masse, les compteurs de Gei-ger, les isotopes radioactifs, tous ces instruments facilitent l'avance des sciences qui affrontent la plus grande énigme de toute la création sensible : le problème de la vie.

Dans cette synthèse de tout le savoir, la philosophie vient préciser, avec l'étendue de ses conceptions, les traits distinctifs des faits vitaux, le caractère nécessaire du principe substantiel d'unification, la source interne de l'agir, de la croissance, de la multiplication, l'unité vraie de l'être vivant. Elle montre aussi ce que doit être la matière, dans certains de ses aspects fondamentaux, pour que puissent ensuite se réaliser dans l'être vivant les propriétés caractéristiques qui les constituent.

Tels sont, sans doute, les domaines qui donneront le plus de travail à la science de demain.

Mais aussi génératrices d'angoisse et de désarroi.

Mais le sentiment d'euphorie qui saisit l'esprit en face de tels résultats, est contrarié par une impression de désarroi et d'angoisse chez ceux qui suivent, en responsables, le déroulement des faits. Angoisse et désarroi à comprendre au sens le plus élevé, comme signe d'une aspiration vers une organisation toujours plus parfaite de la pensée, vers une clarté toujours plus grande dans les perspectives. Car les triomphes de la science sont eux-mêmes à l'origine des deux exigences, auxquelles Nous avons fait allusion plus haut.

Nécessité d'une explication philosophique et d'une synthèse universelle de la pensée.

a) Il s'agit avant tout de pénétrer la structure intime des êtres matériels et de regarder les problèmes qui intéressent les fondements substantiels de leur être et de leur action. Alors se pose la question : « La science expérimentale peut-elle par elle-même résoudre ces problèmes ? Sont-ils de son ressort et tombent-ils dans le champ d'application de ses méthodes de recherche ? » Il faut répondre que non. La science procède à partir des sensations, qui sont externes par nature, et, par elles, à travers le processus de l'intelligence, elle descend toujours plus profondément dans les replis cachés des choses ; mais elle doit s'arrêter à un certain point, quand surgissent des questions qu'il est impossible de trancher par le moyen de l'observation sensible.

Quand le savant interprète les données expérimentales et s'attache à expliquer des phénomènes qui ont pour siège la nature matérielle en tant que telle, il a besoin d'une lumière qui procède par voie inverse, de l'absolu au relatif, du nécessaire au contingent, et qui soit capable de lui révéler cette vérité que la science n'est pas en mesure d'atteindre par ses propres méthodes, parce qu'elle échappe totalement aux sens : cette lumière, c'est la philosophie, c'est-à-dire la science des lois générales, qui valent pour tout être, et donc aussi pour le domaine des sciences naturelles, au-delà des lois connues empiriquement.

b) La seconde exigence jaillit de la nature même de l'esprit humain, qui veut avoir une vue cohérente et unifiée de la vérité. Si l'on se contente de juxtaposer les diverses disciplines et leurs ramifications comme une sorte de mosaïque, on obtient une composition anatomique du savoir, d'où la vie semble s'être enfuie. L'homme exige qu'un souffle d'unité vivante anime ses connaissances : c'est ainsi que la science devient féconde et que la culture engendre une doctrine organique. De là naît une seconde question : « La science peut-elle effectuer, avec les seuls moyens qui lui sont caractéristiques, cette synthèse universelle de la pensée ? Et en tout cas, étant donné que le savoir est fractionné en d'innombrables secteurs, quelle est, parmi tant de sciences, celle qui pourrait la réaliser ? » Nous croyons, ici encore, que la nature de la science ne lui permet pas de mener à bien une synthèse aussi universelle.

Cette synthèse demande un fondement solide et très profond, d'où elle tire son unité et qui serve de base aux vérités les plus générales. Les diverses parties de l'édifice ainsi unifié doivent trouver en ce fondement les éléments qui les constituent dans leur essence. Une force supérieure est requise ici : unifiante par son universalité, claire dans sa profondeur, solide par son caractère d'absolu, efficace par sa nécessité. Encore une fois, cette force c'est la philosophie.

Le divorce entre la science et la philosophie a faussé l'interprétation des faits scientifiques et vicie l'élaboration d'une synthèse.

Hélas ! depuis un certain temps la science et la philosophie se sont séparées. Il serait difficile d'établir les causes et les responsabilités d'un fait aussi dommageable. Il est certain que la cause de ce divorce n'est pas à chercher dans la nature même des deux voies qui conduisent à la vérité, mais dans les contingences historiques et dans les personnes, qui ne possédaient pas toujours la bonne volonté et la compétence qui eussent été nécessaires.

Les hommes de science ont cru, à un moment donné, que la philosophie naturelle était un poids inutile et ils ont refusé de se laisser orienter par elle. D'autre part, les philosophes n'ont plus suivi les progrès de la science, et se sont attardés sur des positions formelles qu'ils auraient pu abandonner. Mais à l'heure où, comme Nous l'avons montré, s'est imposée la nécessité inéluctable d'un travail sérieux d'interprétation, ainsi que de l'élaboration d'une synthèse unifiante, les savants ont subi l'influence des philosophies que les circonstances du moment mettaient à leur disposition. Beaucoup d'entre eux, peut-être, ne se sont même pas aperçus nettement que leurs investigations scientifiques se ressentaient de tendances philosophiques particulières.

Il a donné naissance à l'interprétation mécaniste . . .

Ainsi, par exemple, la pensée mécaniste a guidé pendant longtemps l'interprétation scientifique des phénomènes observés. Les tenants de cette position à caractère philosophique croyaient que tout phénomène naturel se ramenait à un ensemble de forces physiques, chimiques et mécaniques, dans lequel le changement et l'action résultaient uniquement d'une disposition différente des particules dans l'espace et des forces ou déplacements, auxquels chacune d'elles était soumise. Il s'ensuivait que, théoriquement, on pouvait prévoir avec certitude un effet futur quelconque, à condition de connaître, au départ, toutes les données géométriques et mécaniques. Selon cette doctrine, le monde ne serait qu'une énorme machine, composée d'une série innombrable d'autres machines unies entre elles.

Les progrès ultérieurs de la recherche expérimentale ont montré cependant l'inexactitude de ces hypothèses. La mécanique déduite des faits du macrocosme est incapable d'expliquer et d'interpréter tous les phénomènes du microcosme : d'autres éléments entrent en jeu qui échappent à toute explication de nature mécaniste.

Qu'on prenne, par exemple, l'histoire des théories sur la structure de l'atome. Au début, elles se basaient essentiellement sur une interprétation mécaniste, qui représentait l'atome comme un système planétaire minuscule, constitué par des électrons tournant autour du noyau selon des lois entièrement analogues à celles de l'astronomie. La théorie des quanta imposa ensuite la révision complète de ces conceptions et suscita des interprétations géniales, certes, mais aussi indiscutablement étranges. On conçut en effet un type d'atome qui, sans éliminer l'aspect mécaniste, mettait en évidence celui des quanta.

On se représenta donc différemment la façon de se comporter des corpuscules : des électrons, qui, bien que tournant autour du noyau, ne rayonnaient pas d'énergie — alors que, selon les lois de l'électro-dynamique, ils auraient dû en rayonner — ; des orbites qui ne pouvaient varier de façon continue, mais seulement par sauts ; des émissions d'énergie qui se réalisaient uniquement à l'occasion du passage de l'électron d'un état quantique à un autre, produisant aussi des photons d'une fréquence particulière, fixée par la différence des niveaux d'énergie.

Ces hypothèses de départ furent ensuite précisées, lorsque naquit la mécanique ondulatoire, qui les encadra dans une perspective mathématique et intellectuelle plus générale et plus cohérente, d'où les concepts mécanistes traditionnels ont disparu.

Alors, spontanément, on se pose la question : « Comment se fait-il que le monde macroscopique, bien que constitué d'éléments qui appartiennent tous au monde microscopique, obéisse cependant à des lois différentes ? » La science répond avant tout par cette remarque : quand le nombre des éléments en jeu est très grand (des milliards de milliards de particules), les lois statistiques dérivant du comportement des divers éléments pris dans leur ensemble, sont celles que l'on considère comme rigoureuses dans le monde directement observable.

Mais si la méthode statistique satisfait aux fins de la science, elle fait voir aussi combien fausses étaient certaines hypothèses philosophiques, qui s'arrêtaient à des constatations externes sensibles et les étendaient arbitrairement à tout le cosmos.

On trouve confirmation de ceci dans les théories de la physique nucléaire moderne. En effet, les forces qui tiennent unis les noyaux sont différentes de celles que l'on a découvert en étudiant le macrocosme. Pour les interpréter, il faut même changer la façon habituelle de concevoir la particule corpusculaire, l'onde, la valeur exacte de l'énergie et la localisation rigoureusement précise d'un corpuscule, comme aussi le caractère prévisible d'un événement futur.

. . . ou à l'idéalisme scientifique . . .

L'insuccès de la théorie mécaniste a conduit des penseurs à des hypothèses entièrement différentes, empreintes plutôt d'une espèce d'idéalisme scientifique, dans lequel la considération du sujet agissant tient le rôle principal. Par exemple, la mécanique des quanta et son principe fondamental d'indétermination, avec la critique du principe de causalité qu'il suppose, apparaissent comme des hypothèses scientifiques influencées par des courants de pensée philosophique.

. . . ou au scepticisme.

Mais parce que ces hypothèses elles-mêmes ne comblent pas le désir d'une entière clarté, beaucoup de penseurs illustres en sont réduits au scepticisme en face des problèmes de philosophie des sciences. Ils prétendent qu'il faut se contenter de simples constatations de faits, et tenter de les faire entrer dans des représentations formelles synthétiques et simples, afin de prévoir les développements possibles d'un système physique à partir du donné initial. Cet état d'esprit signifie qu'on renonce à l'introspection conceptuelle et qu'on perd l'espoir d'accomplir des synthèses géniales universelles. Nous ne croyons cependant pas qu'un tel pessimisme soit justifié.

Utilité d'une saine philosophie du réalisme critique.

Nous estimons plutôt que les sciences naturelles, en contact permanent avec une philosophie du réalisme critique qui fut toujours celui de la « philosophia perennis » chez ses représentants les plus éminents, peuvent arriver à une vision d'ensemble du monde visible, qui satisfasse en quelque manière la recherche et le désir ardent de la vérité.

Mais il est nécessaire de souligner un autre point : si la science a le devoir de chercher sa cohérence et de s'inspirer de la saine philosophie, jamais celle-ci ne doit prétendre à déterminer les vérités, qui relèvent uniquement de l'expérience et de la méthode scientifique. Seule, en effet, l'expérience, entendue au sens le plus large, peut indiquer quelles sont, dans l'infinie variété des grandeurs et des lois matérielles possibles, celles que le Créateur a voulu vraiment réaliser.

Les savants, professeurs d'admiration pour la création.

Interprètes autorisés de la nature, soyez aussi les maîtres qui expliquent à leurs frères les merveilles qui se déploient dans l'univers, et que, mieux que les autres, vous voyez rassemblées en un seul livre. En effet, la majorité des hommes ne peut guère se consacrer à la contemplation de la nature ; ils ne tirent des faits sensibles que des impressions superficielles. Vous., qui interprétez la création, devenez des maîtres avides d'en divulguer la beauté, la puissance et la perfection et de les faire goûter à d'autres. Enseignez à regarder, à comprendre, à aimer le monde créé, pour que l'admiration de splendeurs aussi sublimes fasse plier le genou et invite les esprits à l'adoration.

Ne trahissez jamais ces aspirations, ces espérances. Malheur à ceux qui se servent de la science exposée faussement pour faire sortir les hommes du droit sentier ! Ils ressemblent à des pierres jetées par malveillance sur le chemin du genre humain : ils sont l'achoppement sur lequel vont trébucher les esprits en quête de vérité.

Vous avez en mains un puissant instrument pour faire le bien. Rendez-vous compte des joies indicibles que vous procurez aux autres, quand vous leur dévoilez les mystères de la nature et leur en faites saisir les harmonies secrètes : les coeurs et les regards de ceux qui vous écoutent, sont comme suspendus à votre parole, prêts à chanter un hymne de louange et d'action de grâces.

de l<rLD'TèS I' teXte !,ngIaÌS A A- S- XXXXVI1' I955< p- ^ > faction française de 1 Osservatore Romano, du 6 mai 1955.

2 La hiérarchie catholique a été établie en Rhodésie du Sud le 1er janvier 1955. (Constitution apostolique dans A. A. S., 37, 1955, p. 369.)

Votre Rhodésie du Sud, chers fils, n'est qu'une petite partie du territoire missionnaire primitif assigné par le Vicaire du Christ, Notre prédécesseur d'heureuse mémoire Léon XIII, à la Compagnie de Jésus en 1877. Cependant son développement dans l'unique et vraie foi a atteint à une maturité qui apporte une immense consolation à Notre coeur paternel, et c'est la raison pour laquelle Nous avons élevé votre pays à l'important état de province ecclésiastique. Vous avez reçu cet honneur comme un témoignage de Notre affection pour vous et de Notre vif intérêt pour tout ce qui vous fait progresser dans la vie du Corps mystique du Christ. Qu'il soit aussi un témoignage des grands espoirs que Nous avons pour l'avenir. Nous avons eu le plaisir de nommer premier archevêque du siège métropolitain de Salisbury Notre Vénérable Frère, qui va commencer sa vingt-cinquième année toute consacrée à votre bien spirituel3. Unis à lui, les évêques suffragants et les préfets, qui sont présents parmi vous, en cette heureuse occasion, vous guideront, vous encourageront, vous stimuleront à élargir vos connaissances concernant votre foi, à sanctifier votre vie quotidienne et, par la parole et l'exemple, à aider votre prochain à arriver à connaître l'unique et vrai Dieu et Celui qu'il envoya pour la rédemption de tous les hommes, Jésus-Christ, de telle sorte qu'il puisse n'y avoir, en Rhodésie, dans le très proche avenir, qu'un troupeau et un Pasteur.

Avec une fervente prière pour tous, autorités civiles et religieuses, qui ont rendu ces trois journées mémorables dans les annales de la Rhodésie du Sud, Nous sommes heureux de donner à vous, Vénérables Frères, aux prêtres, aux religieux et religieuses, qui sont votre soutien indispensable, et à tous les fidèles confiés à vos soins pastoraux, la Bénédiction apostolique.

Mgr Aston Chichester, S. qui fut nommé vicaire apostolique le 4 mars 1931.


RADIOMESSAGE A LA RHODÉSIE DU SUD

(24 avril 2955) 1

Le dimanche 24 avril, le Saint-Père a adressé à l'épiscopat et aux fidèles de la Rhodésie du Sud, à l'occasion de la récente institution de la hiérarchie ecclésiastique, avec siège métropolitain à Salishury, le radio-message suivant2.

Une fois de plus, la bonté de Dieu Nous donne la joie de parler à Nos fidèles, fils du vaste continent africain en train d'évoluer. Cette fois, c'est à vous, chers fils de la Rhodésie du Sud, que Nous adressons Nos paroles, car c'est là votre jour. Et il Nous semble que sa plus profonde signification se trouverait fort heureusement exprimée dans la lettre de saint Pierre, lue ce matin, par l'Eglise, à la sainte messe : « Car vous étiez comme des brebis errantes, mais maintenant, vous êtes revenus à celui qui est le pasteur et l'évêque de vos âmes » (I Petr. II, 25).

Soixante années à peine ont passé depuis qu'un intrépide groupe de fervents apôtres commencèrent leur long et dangereux voyage avec un lent et fatigant char à boeufs de Grahamstown, au nord, vers le Zambèze. Par leur intermédiaire, la voix du divin Pasteur devait pénétrer sur un territoire de sept cent cinquante mille milles carrés, où plus d'un million d'enfants de Dieu vivaient dans l'ignorance de la haute dignité de leur nature et de sa sublime destinée. Et, après des décades, ceux-ci, leurs enfants et leurs petits-enfants, au nombre de trois quarts de million, sont venus écouter cette voix, et le divin Pasteur les a conduits aux verts pâturages de la foi, de l'espoir et de l'amour dans l'Eglise qu'il fonda voici plus de dix-neuf siècles.


LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU CINQUIÈME CONGRÈS DU BUREAU INTERNATIONAL CATHOLIQUE DE L'ENFANCE

(28 avril 1955) 1

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A l'occasion du cinquième Congrès du Bureau international catholique de l'enfance, qui s'est tenu à Venise du 2 au 8 mai 1955, Son Exc. Mgr Dell'Acqua, substitut, a adressé, au nom de Sa Sainteté Pie XII, la lettre suivante, en français, à M. Raoul Delgrange, président du B.I.C.E.

En choisissant pour thème du prochain Congrès du Bureau international catholique de l'enfance, à Venise, « l'éducation du sens international chez l'enfant », vous étiez assuré de correspondre à l'une des pensées actuelles du Chef de l'Eglise. Sa Sainteté, en son dernier message de Noël, n'exhortait-elle pas les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté « à travailler ensemble pour rénover la base d'unité de la famille humaine » ? Et ne peut-on collaborer plus efficacement à cette oeuvre de paix qu'en développant parmi la jeunesse la vive conscience de cette unité fraternelle ? C'était d'ailleurs, vous vous en souvenez, l'une des fins de la Journée de prière des enfants pour la paix, que vous organisiez il y a un an, et à laquelle le Souverain Pontife s'était si paternellement intéressé.

Aussi est-ce très volontiers que le Saint-Père me charge d'être auprès des membres du Congrès, l'interprète de ses meilleurs voeux. Votre Bureau a déjà, depuis plusieurs années, donné des preuves de la qualité de ses travaux, et la confiance des autres organisations internationales catholiques vient de l'appeler à la présidence annuelle de la Conférence des O. I. C. Cette heureuse circonstance, comme aussi bien le haut patronage que vous accorde le cardinal patriarche de Venise, sont, à n'en pas douter, un gage de succès pour la prochaine assemblée.

Comme toute forme d'éducation, celle que vous vous proposez d'étudier requiert avant tout un esprit qui l'anime ; mais elle n'en recourt pas moins à diverses méthodes de formation, propres à favoriser chez l'enfant l'ouverture progressive sur le monde, que ne lui donne pas toujours son milieu de vie quotidienne.

L'âme de cette éducation, son inspiration profonde et permanente, en même temps que les critères de son authenticité, vous les trouvez, à juste titre, dans la foi même au Christ Sauveur, qui « fait la paix par le sang de sa croix » et apporte la « réconciliation » à une humanité divisée en elle-même parce qu'ennemie de Dieu (Col. ï, 18-21). Une telle éducation, au surplus, s'épanouira normalement dans une active participation à la vie et à l'esprit de l'Eglise. « Supranationale en son essence, déclarait en effet le Saint-Père dans son radiomessage de Noël 1945, celle-ci est placée au centre de l'histoire du genre humain... et elle répand sans cesse, dans l'humanité déchirée et divisée, des forces nouvelles destinées à guérir et à unir. » C'est donc à bon droit que l'enseignement religieux donné aux enfants s'appuiera sur ces bases doctrinales pour développer en eux une conscience vraiment « catholique », authentique expression d'une vision chrétienne du monde ; que les éducateurs ne manquent pas d'ouvrir les jeunes à ces larges et fécondes perspectives : un vrai fils de l'Eglise a un coeur de « frère universel ».

Dans cette lumière de foi, les rapporteurs du Congrès et les diverses Commissions spécialisées feront oeuvre utile en examinant les problèmes particuliers que pose cette éducation et les méthodes les plus aptes à la promouvoir. Le champ d'investigation est large et bien des secteurs en sont encore peu explorés. Il faut éveiller l'esprit de l'enfant par l'étude, mais il faut aussi toucher sa sensibilité et lui donner occasion de découvrir, par lui-même, les dimensions du monde contemporain. Dans sa jeune conscience, l'amour pour sa propre patrie doit grandir en pleine harmonie avec le sens de ses devoirs vis-à-vis de la famille humaine, et l'attachement aux valeurs légitimes de sa communauté nationale doit se concilier avec le respect, l'estime même des civilisations dont s'honorent les peuples et les races qu'il apprend à connaître. Famille et école, lectures, spectacles et voyages, tout peut concourir à faire croître, chez l'adolescent, ce sens éminemment chrétien de la solidarité fondamentale qui le lie aux hommes les plus lointains et les plus pauvres, par-delà les frontières et les différences de culture ou de mentalité.

Sur toutes ces études, qui feront l'objet de ce cinquième Congrès du B. I. C. E., le Souverain Pontife appelle une large effusion de grâces, et c'est de grand coeur qu'en gage de sa bienveillance pour tous ses fils appliqués à une aussi belle tâche d'éducation et de paix, il vous accorde, ainsi qu'aux participants du Congrès, une très paternelle Bénédiction apostolique.


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL DE COSTA-RICA

(28 avril 1955) 1

L'après-midi du jeudi 28 avril le Saint-Père clôtura par le radio-message suivant, le Congrès eucharistique national de Costa-Rica, tenu dans la capitale San-José, sous la présidence de Son Em. le cardinal Charles-Marie de la Torre, archevêque de Quito.

Vénérables Frères et chers fils, qui clôturez en ce moment votre second Congrès eucharistique national :

Bien que de ce Siège de Pierre Nous ayons vu passer plusieurs lustres et bien que Nous ayons eu aussi de nombreuses occasions d'adresser Notre parole à ce monde américain de langue espagnole, si riche en promesses pour l'Eglise, la divine Providence n'a pas permis jusqu'à ce jour que s'offrît une occasion pour Nous adresser à votre très chère patrie.

Et pourtant il s'agissait de l'heureuse Costa-Rica, dont le nom évoque déjà à lui seul des prospérités et des merveilles légendaires ; d'un pays, mirador souriant ouvert sur deux mers, perle enchâssée dans l'épine dorsale des Amériques que sont les Andes, terre de position privilégiée à un carrefour vital entre deux mondes, entre deux océans, entre les deux parties d'un immense continent ; paysages enchanteurs de cimes qui s'estompent dans les nuages, de volcans tonnants et fumeux, d'aimables et vertes plaines qui descendent en ondulations sereines jusqu'aux plages bien aérées. L'historique Costa-Rica de la quatrième et dernière navigation de Colomb ; celle du grand Vas-quez Coronado et de tant d'autres héroïques découvreurs. Il

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., XXXXVII, 1955, p. 407 ; traduction française de l'Osservatore Romano, du 13 mai 1955.

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PieXII 1955 - EXPOSITION FRA ANGELICO