PieXII 1955 - RADIOMESSAGE AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL DE COSTA-RICA


DOCUMENTS PONTIFICAUX

s'agit surtout de la si catholique nation qui rappelle toujours son premier évêque Llorente Lafuente, authentique gloire nationale ; qui n'oublie jamais ce qu'elle doit à celui qui fut le fondateur de sa future Université, le prélat Nicolas Garcia ; et dans les oreilles de laquelle ne se sont pas encore éteints les éloquents accents de ce grand tribun que fut l'insigne prêtre D. Florencio del Castillo.

Ainsi le voulut Celui qui régit tout, afin que les temps mûrissent à la chaleur de la prière et des pieux désirs ; ce fut la Très Sainte Vierge des Anges, votre douce patronne, qui le fit, afin que devant ses autels vous vous prépariez mieux durant toute l'Année mariale ; cela a été, pouvez-vous penser, une délicatesse de plus de ce Coeur divin, source de toute consolation et sûr refuge pour tous les affligés, de sorte qu'aujourd'hui, mettant fin, en quelque sorte, à une période historique, oubliant les différends et laissant de côté les querelles, fermant définitivement les blessures et sans regarder les récentes cicatrices, avec des esprits pacifiés et dégagés de toute hostilité, vous puissiez vous réunir tranquilles devant les autels sacrés, en adorant l'Hostie divine et en l'acclamant comme signum unitatis et vin-culum charitatis 2.

Symbole de l'unité ! Donc, assez avec les divisions, principe de destruction et de ruine, assez avec les haines et les inimitiés, qui dessèchent les coeurs et arment les mains rageuses des frères ! Lien de charité ! Noeud d'amour unissant tout le monde, source de grâce où vous puissiez boire, unis, les sèves vitales qui refroidissent toute suspicion et toute rivalité et allument, au contraire,, les flammes de l'amour fraternel.

Mais, en réalité, le thème de votre Congrès va plus loin, car il se propose « la sanctification de la famille chrétienne au moyen de l'Eucharistie ». Et il aurait été difficile de pouvoir choisir une meilleure solution pour tous les problèmes qui affligent le monde, étant donné que bien au-dessus des remèdes purement extérieurs s'imposent l'exigence d'une réforme intime des esprits et le retour à l'observation intégrale de la loi chrétienne ; et Nous savons parfaitement que cette réforme doit s'accomplir surtout dans le sanctuaire de la famille.

Défendez, chers fils de Costa-Rica, défendez vos foyers, afin qu'ils continuent à être un jardin dans lequel germent et fleu-

2 S. Augustin, dans Joan. XXVI, I3 ; Migne, P. t., t. XXXV, col. tóij.


CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE COSTA-RICA

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rissent les plus belles vertus chrétiennes ; mais pour obtenir cela, soyez bien assurés que vous trouveriez difficilement un moyen plus approprié que la piété eucharistique et, plus particulièrement, que la communion fréquente, qui donne lumière aux âmes et force aux volontés ; qui forme les consciences dans la sincérité et dans la vérité ; qui serve de frein dans les déviations possibles ; et qui unisse entre eux les membres de la famille dans le foyer, les familles dans la nation et les nations dans le monde universel, en un embrassement plus puissant que toutes les envies, plus serré que toutes les ambitions, et plus durable que toutes les soifs de pouvoir et de grandeur !

Vous vous êtes réunis en cette magnifique ville de San-José, qui, au milieu de la riante vallée de l'Abra, héritière des gloires de l'antique Cartago, est considérée pour la douceur de son climat et la splendeur de son ciel comme une des plus belles d'Amérique. N'oubliez pas, en ces jours-ci, une visite de plus à l'aimable « Villita », au primitif et humble lieu consacré au glorieux patriarche, pour y recommander vos familles à celui qui fut le guide et le chef de la plus sainte que vit la terre.

Vous avez déjà voulu célébrer votre Congrès en 1950, en commémorant le centenaire de l'érection canonique du diocèse de Costa-Rica ; de même que l'Assemblée qui le précéda, la première de la série, avait commémoré le jubilé de l'édit de Milan, qui donna la paix à l'Eglise. Demandez donc maintenant pour cette sainte mère l'Eglise la sécurité, le respect et la paix ; aimez toujours cette bonne mère, qui eut une si grande part dans la formation de votre nation.

Cette croix imposante, qui se dresse derrière l'autel, vous rappelle peut-être le calvaire de votre chère patrie, en ces derniers temps. Faites une prière devant elle pour le triomphe définitif de la charité, de la fraternité et de la concorde chrétienne.

Avec vous, très chers fils costaricains, se trouvent là les représentants de toutes les Antilles et de toute l'Amérique. Que cette cordialité soit un symbole de celle que vous implorez pour tout votre continent et pour le monde entier.

Une grande âme, celle de votre inoubliable archevêque Sana-bria y Martinez, désira ardemment voir ce jour qu'il prévit et prépara. Il se réjouira maintenant en le contemplant du ciel et en accueillant votre pieux souvenir.

Que sur vos aspirations de paix, sur vos anciennes blessures comme sur vos désirs de renouvellement, descende en rosée bienfaisante la bénédiction du ciel, dont Notre bénédiction veut être le gage : bénédiction pour Notre très digne légat, pour le très zélé pasteur de cet archidiocèse, pour tous Nos frères dans l'épiscopat, avec leur clergé et leurs fidèles, pour les autorités présentes, pour tous ceux qui ont coopéré à la préparation du Congrès, pour ceux qui d'une manière quelconque écoutent Notre voix et pour toute la très chère nation de Costa-Rica, à laquelle le Père commun souhaite tous les biens et, tout spécialement, la tranquillité et la paix.

LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA XVe SEMAINE SOCIALE D'ESPAGNE

(30 avril 1955) 1

A l'occasion de la quinzième Semaine sociale d'Espagne, qui s'est tenue à Salamanque, du 9 au 15 mai, sur le thème de « la morale professionnelle », Sa Sainteté Pie XII a donné quelques directives pour les travaux des congressistes dans la lettre ci-après, adressée par Son Excellence Mgr Dell'Acqua, substitut, à Son Exc. Mgr Menendez-Reigada, évêque de Cordoue, président des Semaines sociales d'Espagne :

La quinzième Semaine sociale d'Espagne, qui doit avoir lieu à Salamanque, au cours du prochain mois de mai, consacrera ses travaux à l'étude de « la morale professionnelle », thème d'importance capitale, tant pour ceux qui exercent une profession que pour la société elle-même. A cause de cela, le Souverain Pontife a reçu avec un vif plaisir, le message de votre Excellence sur le travail qu'elle se propose d'effectuer et, de tout coeur, il l'encourage à le réaliser avec la plus grande ardeur.

Le Saint-Père dénonce l'erreur de ceux qui rejettent la valeur des lois et prétendent adopter une morale subjective.

A cause de l'influence funeste des doctrines philosophiques erronées et des tristes défections morales de beaucoup, victimes du matérialisme et de l'ambition, on assiste à ceci : que certains en viennent à mettre en discussion la valeur des lois, y compris les plus sacrées. Prétextant des nombreuses injustices existantes, ils estiment qu'il n'y a pas un ordre de justice réel et objectif,

1 D'après le texte espagnol de VOsservatore Romano du 14 mai 1955. Traduction de la Documentation Catholique, nO 1200, du 29 mai 1955, col. 641-644.


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ou qu'il suffit de s'en tenir à une morale subjective — la nouvelle morale de situation — dont Sa Sainteté a dénoncé les erreurs 2.

Ces idées sur la morale et l'influence qu'elle exerce sur les actions ont affecté également l'exercice des diverses professions. « Beaucoup voudraient aujourd'hui exclure l'autorité de la loi morale de la vie publique, économique et sociale » 3, et lorsqu'on agit en vertu de ce principe de séparation des activités de l'homme — douloureux enseignement du libéralisme — il en est résulté de grands maux pour l'individu et pour la communauté, allant parfois jusqu'au discrédit des professions. C'est pour cela qu'il est très nécessaire d'examiner profondément ce problème des relations entre la morale et l'exercice de la profession, et de chercher la solution opportune.

Toute profession reste soumise aux lois de la morale.

L'analyse du concept de la profession montre que c'est une activité personnelle, réalisée en vue de la communauté, avec une fin transcendante. Dans la profession, il y a un individu qui entreprend un travail durable, duquel il tire sa subsistance. Le choix de ce travail est déterminé par la vocation, clé de la réussite future. Celle-ci, qui suppose une inclination naturelle pour un travail déterminé, pour être véritable, exige l'aptitude nécessaire. Dans ces conditions, l'homme exercera son travail avec bon esprit et capacité, tant dans son intérêt propre que dans l'intérêt de la communauté. Pour arriver à cette fin, l'individu agit avec rectitude, il ne se considère pas comme le terme exclusif de son travail et il est toujours disposé à ce qu'exige de lui le bien de la communauté. C'est là la note caractéristique de ce travail : il est essentiellement social, il s'exerce au bénéfice du prochain et de la société organisée, et, par lui, l'homme participe à la vie sociale.

Ces éléments essentiels de la profession montrent qu'elle est une activité pratique et, par conséquent, réglementée par une loi morale, dans le cas présent, par les lois de la morale chré-

* Discours aux éducateurs chrétiens, 23 mars 1952, cf. Documents Pontificaux IOc2,

p. fa ; d.scours à la Fédération mondiale des Jeunesses féminines catholiques, l8 avril 1952, îoia., p. 132. yy

p. 88.' Di5COUrS édUCateUrS chréHens' *3 mars I052, cf. Documents Pontificaux i9S2,


SEMAINE SOCIALE DESPAGNE

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tienne. L'individu doit agir selon les exigences de sa conscience, en tenant compte de ce que le terme de ses actions se réfère à des personnes ayant des droits et des obligations inaliénables, et que ses actes, en tant qu'ils sont libres et humains, sont en relation essentielle avec la fin de l'homme. Comme cet aspect moral de la profession naît de sa nature même, il ne peut y avoir d'incompatibilité entre la morale professionnelle chrétienne et une quelconque profession licite exercée convenablement.

Les actes professionnels peuvent être considérés sous différents

aspects.

Pour appliquer les principes moraux aux actes professionnels — et dans cette tâche, la collaboration de moralistes et de personnes de la profession sera très indiquée — il faut tenir compte de ce que la morale tend à la pratique et que les actes professionnels peuvent être considérés sous différents aspects.

L'acte professionnel, dans son aspect individuel, doit posséder toutes les qualités qui rendent moralement bonnes les actions humaines. Mais, par sa nature même, il exige que la personne de la profession, en aimant sa vocation, ait conscience de sa capacité, que l'homme la perfectionne autant qu'il est possible et qu'il lui consacre son activité de telle sorte que les autres charges ou occupations n'absorbent pas des énergies qui doivent être réservées pour l'accomplissement du principal. Dans son aspect social, l'acte professionnel est ordonné à autrui et, par là, il entre dans le domaine des relations qu'il faut respecter et accomplir. Cet acte peut s'opposer à quelqu'une des vertus qui réglementent la vie sociale mais le plus important est de considérer sa relation avec la justice. On peut manquer à la justice de plusieurs manières. On manque à la justice commutative si on ne fournit pas au client la prestation stipulée ; quand on exige des honoraires excessifs qui ne sont pas légitimés par des circonstances spéciales. On manque à la justice distributive lorsqu'une charge publique est exercée dans son intérêt propre ou l'intérêt d'une tierce personne, ou lorsqu'elle est confiée à des personnes incapables. On manque à la justice sociale si on lèse la communauté en ne faisant pas son travail, en ne le faisant pas comme il devrait être fait ou en ne faisant pas ce à quoi on s'était obligé.

L'homme qui, dans son activité professionnelle se soustrait à la loi morale, en encourt la responsabilité ; celui qui l'observe se sanctifie.

Lorsque l'acte professionnel n'est pas exécuté conformément aux lois de la morale, il est évident que l'individu en a la responsabilité et que, par là, il manque à l'accomplissement de la fin transcendante de ses actes. Par contre, en agissant en accord avec les principes auxquels il s'est obligé, l'homme, en suivant sa vocation qui, en dernier lieu, vient de Dieu, supporte, en faisant la volonté divine, le dur poids de son travail professionnel avec résignation chrétienne, et il se rachète de la peine imposée par le péché. Bien plus, il peut s'élever graduellement dans la vie surnaturelle en voyant Jésus-Christ dans ses semblables, et cette vérité, intimement vécue, non seulement l'empêchera de les léser dans l'exercice de sa profession, mais lui fera prendre parfaitement conscience que ce qu'il fait pour eux, il le fait pour le Christ. De cette façon, le chrétien fait « valoir dans sa vie personnelle, dans sa vie professionnelle et dans la vie sociale et publique... la vérité, l'esprit et la loi du Christ » 4.

Il faudrait rendre aux professions la noble signification qu'elles ont eue autrefois.

Il se déduit de ce que l'on a dit précédemment que la fonction sociale de la profession — sa fonction caractéristique — et le rendement individuel de la profession elle-même sont liés d'une façon indissoluble avec la moralité de son exercice. Pour ce motif, il faut faire tout ce qui est possible pour revaloriser les professions et leur rendre la signification qu'elles ont eue autrefois, en évitant de les considérer non comme un service rendu au prochain et à la communauté, mais uniquement comme un emploi et une source de profit.

Pour arriver à cela, il faut s'efforcer de dissiper les soupçons existant contre la morale professionnelle, car il n'y a pas de vraie contradiction entre la morale et la profession ; il faut lutter contre l'ignorance, dans laquelle beaucoup sont, des devoirs moraux de leur profession, par la publication de manuels de déontologie, par des conférences et des cours, et il faut travailler

4 Discours à la Fédération mondiale des Jeunesses féminines catholiques, 18 avril 1952, cf. Documents Pontificaux 1952, p. 138.


SEMAINE SOCIALE DESPAGNE

à former la conscience morale des gens de profession, pour qu'ils puissent accomplir leurs obligations de la manière voulue.

Sa Sainteté, qui, en de nombreuses occasions, a manifesté le grand intérêt qu'elle porte aux problèmes moraux de certaines professions 5, se félicite de la réunion des Semaines sociales, en raison de l'opportunité de ce sujet, qui, amplement développé, donnera à beaucoup une louable orientation pour leurs propres devoirs. A cause de cela, elle prie le Seigneur de vous envoyer ses divines lumières en gage de succès pour ce travail. Et en témoignage de Sa paternelle bienveillance, elle donne à votre Excellence et aux participants de la Semaine sociale, la Bénédiction apostolique.

„„ Ville Congrès de l'Association médicale mondiale, du ,0 sept. 1954, 5 Cf. le discours au Ville <ongres Documents Pontificaux 1954/ P- 3»4-

«. D,scorS< e Radiomessaggi, 7, p. I0.

coeur même de l'Homme-Dieu, Sauveur du monde, mais il est certain aussi qu'aucun travailleur n'en fut jamais aussi parfaitement pénétré que le père putatif de Jésus, qui vécut avec Lui dans l'intimité et la communauté les plus étroites de la famille et du travail. Aussi si vous voulez être proches de Jésus, Nous vous répétons encore aujourd'hui : lté ad Joseph : Allez à Joseph ! (Gen. XLI, 55).

Les A. C. L. I. doivent donc faire sentir la présence du Christ à leurs propres membres, à leurs familles et à tous ceux qui vivent dans le monde du travail. N'oubliez jamais que votre premier souci est de conserver et d'accroître la vie chrétienne chez le travailleur. Dans ce but, il ne suffit pas que vous accomplissiez vos devoirs religieux et que vous entraîniez à y satisfaire ; il faut aussi que vous approfondissiez votre connaissance de la doctrine de la foi et que vous compreniez sans cesse mieux ce que comporte l'ordre moral du monde, établi par Dieu, enseigné et interprété par l'Eglise, en ce qui concerne les droits et les devoirs du travailleur d'aujourd'hui.

Nous bénissons donc vos efforts et, spécialement, les cours et les conférences que vous organisez opportunément, ainsi que les prêtres et les laïcs qui y coopèrent par leur enseignement. On ne fera jamais assez dans ce domaine, tant est grand le besoin d'une formation méthodique, attrayante et toujours adaptée aux circonstances locales. Il faut éviter avec le plus grand soin que l'heureux résultat du généreux travail, accompli pour établir et étendre le royaume de Dieu, soit contrarié ou jeté bas en cédant à des ambitions personnelles ou à des rivalités de groupes particuliers. Les A. C. L. I. doivent savoir qu'elles auront toujours Notre appui tant qu'elles s'en tiendront à ces normes et donneront aux autres organisations l'exemple d'un zèle désintéressé dans le service de la cause catholique.

La formation religieuse du chrétien et spécialement de l'ouvrier est des principaux devoirs de l'action pastorale moderne.

Depuis longtemps malheureusement, l'ennemi du Christ sème la discorde dans le peuple italien, sans rencontrer toujours et partout une résistance suffisante de la part des catholiques. Spécialement dans le milieu des travailleurs, il a fait et fait tout le possible pour diffuser de fausses idées sur l'homme et le monde, sur l'histoire, sur la structure de la société et de l'écono


DISCOURS

AUX TRAVAILLEURS CATHOLIQUES ITALIENS

(ier mai 1955)1

Dans l'après-midi du dimanche 1er mai, le Saint-Père a donné audience aux travailleurs catholiques italiens (A. C. L. L), réunis sur la place Saint-Pierre, à l'occasion du dixième anniversaire de leur association. Il prononça le discours suivant :

Il y a un peu plus de dix ans, le 11 mars 1945, en un moment délicat de l'histoire de la nation italienne et spécialement de la classe ouvrière, Nous reçûmes en audience, pour la première fois, les A. C. L. I. Nous savons, chers fils et filles, que vous tenez en grand honneur ce jour, où vous avez été publiquement reconnus par l'Eglise. Au cours de sa longue histoire, l'Eglise a toujours été soucieuse de répondre aux nécessités des temps, en inspirant, dans ce but, aux fidèles la pensée et le dessein de s'unir en des associations particulières. C'est ainsi que les A. C. L. I. entrèrent en scène, avec l'approbation et la bénédiction du Vicaire du Christ.

Sous le patronage de saint Joseph, les A. C. L. I. doivent rendre le Christ présent dans le milieu de travail, la famille et la cité.

Dès l'origine, Nous avons mis vos associations sous le puissant patronage de saint Joseph. Il ne pourrait en effet y avoir de meilleur protecteur pour vous aider à faire pénétrer dans votre vie l'esprit de l'Evangile. Cet esprit, en effet, Nous le disions alors 2, se répand en vous et chez tous les hommes du

mie. Le cas n'est pas rare où l'ouvrier catholique, faute d'une solide formation religieuse, se trouve désarmé, quand lui sont présentées de telles théories ; il n'est pas capable de répondre et, parfois même, il se laisse contaminer par le poison de l'erreur.

Cette formation, les A. C. L. I. doivent donc l'améliorer sans cesse davantage, convaincues comme elles le sont qu'elles exercent de la sorte l'apostolat du travailleur parmi les travailleurs, que Notre prédécesseur Pie XI d'heureuse mémoire souhaitait dans son encyclique Cuadragésimo Anno3. La formation religieuse du chrétien, et spécialement du travailleur, est une des principales tâches de l'action pastorale moderne. De même que les intérêts vitaux de l'Eglise et des âmes ont imposé l'institution d'écoles catholiques, pareillement aussi la véritable et profonde instruction religieuse des adultes est une nécessité de premier ordre. De la sorte, vous êtes sur la bonne voie ; continuez avec courage et persévérance, et ne vous laissez pas détourner par des principes erronés.

L'amour de l'Eglise pour l'ouvrier la pousse à réclamer un ordre social plus juste et à en indiquer les principes fondamentaux.

Car ces principes erronés sont à l'oeuvre ! Combien de fois avons-Nous affirmé et expliqué l'amour de l'Eglise envers les ouvriers ! Et, cependant, on propage largement l'atroce calomnie que « l'Eglise est alliée au capitalisme contre les travailleurs » ! Mère et maîtresse de tous, elle est toujours particulièrement soucieuse à l'égard de ses fils qui se trouvent dans des conditions plus difficiles et, de fait, elle a d'ailleurs efficacement contribué à la réalisation des honnêtes progrès déjà obtenus par diverses catégories de travailleurs. Nous-même, dans le radio-message de Noël 1942, Nous disions : « Toujours inspirée par des motifs religieux, l'Eglise condamna les divers systèmes du socialisme marxiste et les condamne encore aujourd'hui, conformément à son devoir et à son droit permanent de préserver les hommes de courants et d'influences qui mettent en péril leur salut éternel. Mais l'Eglise ne peut pas ignorer ou ne pas voir que l'ouvrier, dans son effort pour améliorer sa situation, se heurte à tout un système qui loin d'être conforme à la nature,

¦-

5 A. A. S., 23, 1931, p. 226.

est en opposition avec l'ordre de Dieu et avec la fin assignée par Dieu aux biens terrestres. Si fausses, si condamnables, si dangereuses qu'aient été et que soient les voies suivies, qui pourrait, et surtout quel prêtre, quel chrétien pourrait rester sourd au cri qui monte d'en bas et réclame dans le monde d'un Dieu juste, justice et fraternité ? 4 »

Jésus-Christ n'attend pas qu'on lui ouvre le chemin pour pénétrer les réalités sociales, avec des systèmes qui ne dérivent pas de Lui, qu'ils s'appellent « humanisme laïque » ou « socialisme purgé du matérialisme ». Son royaume de vérité et de justice est présent jusque dans les régions où l'opposition entre les classes menace sans cesse de prévaloir. Aussi l'Eglise ne se limite pas à invoquer cet ordre social plus juste, mais en indique les principes fondamentaux, en sollicitant les dirigeants des peuples, les législateurs, les employeurs et les directeurs des entreprises à les mettre en exécution.

Les catholiques, les jeunes en particulier, ne doivent pas se décourager malgré d'apparents insuccès.

Mais Notre discours, maintenant, s'adresse particulièrement à ceux des catholiques italiens que l'on dit « désillusionnés ». En effet, surtout parmi les jeunes, même avec les meilleures intentions, ne manquent pas ceux qui auraient attendu davantage de l'action des forces catholiques dans la vie publique du pays.

Nous ne parlons pas ici de ceux dont l'enthousiasme n'est pas toujours accompagné d'un calme et sûr sens pratique à l'égard des faits présents et futurs et des faiblesses de l'homme ordinaire. Nous faisons plutôt allusion à ceux qui reconnaissent fort bien les notables progrès obtenus malgré la condition difficile du pays, mais qui, pleinement conscients de leurs possibilités et capacités, sentent douloureusement qu'elles ne trouvent pas de terrain pour être mises en valeur. Sans doute trouveraient-ils une réponse à leur plainte s'ils lisaient attentivement le programme des A. C. L. I. qui exige que le travail des subordonnés ait une part effective dans l'organisation de la vie économique et sociale de la nation et demande qu'à l'intérieur des entreprises chacun soit réellement reconnu comme un véritable collaborateur.

4 Cf. Discorsi e Radiomcssaggi, 4, pp. 336-337-

vers le jeu des majorités. Votre oeuvre s'exerce au stade préparatoire de la politique, stade vraiment essentiel. Pour vous, il s'agit d'éduquer et d'acheminer le vrai travailleur chrétien, au moyen de votre « formation sociale », vers la vie syndicale et politique et de soutenir et faciliter toute sa conduite au moyen de votre « action sociale » et de votre « service social ». Continuez donc sans faiblesse l'oeuvre accomplie jusqu'à présent ; de la sorte vous ouvrirez au Christ une entrée immédiate dans le monde ouvrier et ensuite, de façon médiate, également dans les autres groupes sociaux. C'est là 1'« ouverture » fondamentale sans laquelle toute autre « ouverture » dans n'importe quel sens ne serait qu'une capitulation des forces qui se disent chrétiennes.

Le Pape est le fidèle défenseur des ouvriers et ouvrières du monde entier : les plus besogneux sont les plus chers à l'Eglise et au Vicaire du Christ.

Chers fils et filles présents sur cette place Saint-Pierre ; et vous, travailleurs et travailleuses du monde entier, que Nous embrassons tendrement avec une affection paternelle, semblable à celle avec laquelle Jésus attirait à lui les multitudes affamées de vérité et de justice, soyez certains qu'en toute circonstance, vous aurez à côté de vous un guide, un défenseur, un père.

Dites-le-Nous ouvertement, sous ce libre ciel de Rome : Saurez-vous reconnaître, parmi tant de voix contraires et séductrices qui s'adressent à vous de divers côtés, certaines pour tendre des embûches à vos âmes, d'autres pour vous humilier comme hommes et vous déposséder de vos droits légitimes comme travailleurs, saurez-vous qui est et sera toujours votre sûr guide, votre fidèle défenseur, votre véritable Père ?

Oui, chers travailleurs, le Pape et l'Eglise ne peuvent se soustraire à la mission divine de guider, de protéger, d'aimer surtout les affligés, d'autant plus chers qu'ils ont davantage besoin de défense et d'aide, qu'ils soient des ouvriers ou d'autres membres du milieu populaire.

Ce devoir et cette obligation, Nous, Vicaire du Christ, Nous désirons bien hautement les confirmer ici, en ce jour du premier mai, que le monde du travail s'est choisi pour sa propre fête, dans l'intention que par tous soit reconnue la dignité du travail et que celle-ci inspire la vie sociale et les lois fondées sur la juste répartition des droits et des devoirs.

L'action des forces chrétiennes dans la cité doit tendre à la promulgation de bonnes lois, à la réalisation des légitimes exigences et espérances de chacun et à la formation de l'opinion publique.

Nous n'avons pas besoin d'insister sur cette question que Nous avons déjà suffisamment traitée en d'autres occasions. Mais Nous voudrions attirer l'attention de ces désillusionnés sur le fait que ni de nouvelles lois, ni de nouvelles institutions sont suffisantes pour assurer l'individu d'être à l'abri de toute contrainte abusive et de pouvoir évoluer librement dans la société. Tout sera vain, si l'homme ordinaire vit dans la crainte de subir l'arbitraire et ne parvient pas à s'affranchir du sentiment qu'il est soumis à la bonne ou mauvaise volonté de ceux qui appliquent les lois ou qui, en tant que pouvoirs publics, dirigent les institutions et les organisations ; s'il se rend compte que dans la vie quotidienne tout dépend de relations que, à la différence d'autres il n'a peut-être pas ; s'il soupçonne que, derrière la façade de ce qui s'appelle l'Etat, se cache le jeu de puissants groupes organisés.

L'action des forces chrétiennes dans la vie publique impose donc certainement que soient encouragées la promulgation de bonnes lois et la formation d'institutions appropriées au temps ; mais elle signifie encore plus que doive être banni Le règne des phrases creuses et des paroles trompeuses et que tout un chacun se sente appuyé et soutenu dans ses légitimes exigences et espérances. Il est nécessaire de former une opinion publique qui, sans chercher le scandale, indique avec franchise et courage les personnes et les circonstances qui ne sont pas conformes aux justes lois et institutions ou qui cachent, déloyalement, ce qui est vrai. Il ne suffit pas pour procurer de l'influence au simple citoyen de lui mettre en main le bulletin de vote ou d'autres moyens semblables. S'il veut être associé aux classes dirigeantes, s'il veut, pour le bien de tous, apporter parfois remède au manque d'idéee utiles et vaincre l'égoïsme envahissant, il doit posséder lui-même les forces intimes nécessaires et la fervente volonté de contribuer à infuser une saine morale dans tout l'ordre public.

C'est là le fondement de l'espérance que Nous exprimions aux A. C. L. I. voici dix ans, et que Nous répétons aujourd'hui, avec une confiance redoublée, devant vous. Dans le mouvement ouvrier, seuls peuvent subir de réelles désillusions ceux qui tournent leur regard uniquement vers l'aspect politique immédiat,

Accueilli de la sorte par les travailleurs chrétiens et en recevant pour ainsi dire le sceau chrétien, le premier mai, bien loin d'être un réveil de discordes, de haine et de violence, est et sera une invitation annuelle à la société moderne pour accomplir ce qui manque encore à la paix sociale. Il sera une fête chrétienne ; c'est-à-dire jour d'allégresse pour le triomphe concret et continu des idéals chrétiens de la grande famille du travail.

Institution de la fête de saint Joseph, artisan.

Afin que vous vous rappeliez cette signification et, en une certaine manière, en contre-partie immédiate des nombreux et précieux dons, qui Nous ont été apportés de toutes les régions d'Italie, Nous avons le plaisir de vous annoncer Notre décision d'instituer — comme, de fait, Nous instituons — la fête liturgique de saint Joseph artisan, en lui assignant précisément le jour du premier mai. Etes-vous satisfaits, chers travailleurs et travailleuses, de Notre don ? Oui, Nous en sommes certain, parce que l'humble artisan de Nazareth non seulement personnifie auprès de Dieu et de la Sainte Eglise la dignité du travailleur manuel, mais parce qu'il est aussi toujours votre gardien prévoyant et celui de vos familles.

Avec ce souhait sur les lèvres et dans le coeur, chers fils et filles, et avec la certitude que vous vous rappellerez cette journée si pleine de saintes résolutions, si resplendissante de belles espérances, si prometteuse par tout ce qui a été accompli, Nous implorons du Très-Haut les meilleures bénédictions pour vous, pour vos parents, pour les malades dans les hôpitaux et les sanatoriums, pour les champs et les usines, pour vos A. C. L. I. et leurs grandes et nobles activités, pour les employeurs, pour la chère Italie et pour tout le monde du travail, qui Nous est si cher. Que descende des deux sur la terre, travaillée et fécondée par vous en obéissance au précepte divin des origines, Notre paternelle Bénédiction apostolique !


LETTRE A LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES MOUVEMENTS OUVRIERS CHRÉTIENS

(8 mai 1955) 1

A l'occasion du Congrès tenu à Dùsseldorf du 10 au 15 mai 1955 par la Fédération internationale des Mouvements ouvriers chrétiens, Sa Sainteté Pie XII a envoyé à la Fédération la lettre ci-dessous.

C'est avec un intérêt tout particulier que Nous avons appris par votre lettre du 30 avril dernier, que la « Fédération internationale des Mouvements ouvriers chrétiens » va tenir un Congrès international à Diisseldorf, le premier qui ait lieu depuis la seconde guerre mondiale.

De la même manière que Notre prédécesseur, Pie XI, de vénérée mémoire, Nous saluons l'activité que les associations nationales d'ouvriers catholiques exercent sur le plan international ; et Nous souhaitons volontiers que la session de Dùsseldorf permette une prise de conscience encore plus vive et plus répandue de la nécessité et de l'utilité de cette collaboration.

Importance toujours plus grande des associations internationales.

Les mouvements d'assodation internationale prennent, dans les secteurs les plus divers, grâce à des initiatives tant gouvernementales que privées, des proportions toujours plus grandes. Celui même qui, non sans raison, croit pouvoir déceler ici le danger d'un pullulement d'administrations, devra en tout cas avoir à coeur que l'influence de la pensée et de l'action chrétienne y soit la plus forte possible. Il y a là une mission dont il est nécessaire que l'on s'acquitte ; vous devez en tenir compte, directement ou non, à l'intérieur d'organismes internationaux, officiels ou non, pour le plus grand bien de l'Eglise et des travailleurs chrétiens.

En outre, ce n'est que grâce à la collaboration internationale entre associations de travailleurs catholiques qu'il est possible d'avoir une idée exacte de la situation et des besoins du travailleur chrétien, du catholique. Car il n'y a aucun doute que l'idée que l'on doit s'en faire est maintenant très différente, si on la compare à celle qui valait du temps de l'encyclique Rerum No-varum. La raison de ce fait est à chercher avant tout, comme vous le savez, dans l'évolution économique différente de chaque pays, principalement dans le secteur industriel, mais aussi dans celui de l'agriculture. Votre « Fédération internationale » peut donc contribuer par un échange d'informations et par des études particulières, à éclairer le tableau de cette situation, et peut donc aussi rendre service à l'Eglise, dont la doctrine sociale ne doit pas seulement continuellement orienter la pratique. Il n'en va pas autrement pour toute la pastorale qui veut répondre aux exigences de notre temps.

Nécessité de venir en aide aux travailleurs des pays sous-développés. La nécessité, dont vous parlez vous-mêmes dans votre lettre, de penser aux travailleurs des pays dits sous-développés est sans aucun doute dès maintenant à l'ordre du jour, et le restera dans l'avenir immédiat. Votre activité internationale vous mettra en état d'aider efficacement à ce que, en ces pays, la cause des travailleurs catholiques ne soit pas mésestimée, ni ne devienne l'objet de tentatives non chrétiennes. Nous ne faisons pas allusion ici à la seule aide matérielle ; Nous pensons aussi qu'il faut former des élites dirigeantes qualifiées, des conseillers de l'épis-copat, autant que susciter, en ces pays, des prêtres et des laïcs compétents. Nous souhaitons que vous soyez guidés avec bonté par la Providence de Dieu en cette tâche précisément qui est vôtre ; qu'elle veuille rendre plus aisé votre travail en toute occurrence et Je conduire à bonne fin.

Là où votre association internationale se trouvera devant des tâches qui ne sont pas à proprement parler urgentes, elle ne sera pas moins de grande utilité.

Les intérêts matériels ne sont pas les seuls problèmes auxquels doit s'intéresser la jeunesse.

Le spectacle d'une union, sur le plan international, des travailleurs catholiques pourra d'abord stimuler l'intérêt et l'enthousiasme de vos jeunes gens. De maints pays arrivent des plaintes selon lesquelles la jeunesse, dès que sont assurés tant soit peu ses intérêts strictement personnels, principalement matériels, est peu ouverte aux questions qui touchent la communauté, peu attentive à ses besoins. Elle évite de s'en mêler. Il n'est pourtant pas possible qu'elle reste sourde à toute tentative de l'y intéresser. Elle ne doit pas se dérober, en ces temps précisément où les espoirs de la classe ouvrière longtemps nourris, maintes fois dans le secret, deviennent des réalités dans la vie sociale ; que votre association internationale stimule l'ardeur du jeune travailleur pour la cause catholique, et pour son rayonnement dans toute l'existence ; qu'elle trouve les moyens qui soient capables d'élargir l'horizon spirituel du jeune travailleur.

En votre association internationale Nous avons l'assurance qu'en de larges secteurs de la masse ouvrière catholique une action unificatrice s'exerce efficacement, orientée vers la transformation de l'Etat et de la Société. La justice et la charité dans les relations humaines personnelles pâtissent presque partout, parce que l'on a voulu trop organiser, ou hors de propos, et ceci justement au nom même de la justice et de la charité. Ceci n'est pas conforme avec la doctrine sociale de l'Eglise. L'organisation ne doit pas opprimer la conscience ni la responsabilité personnelle ; on doit maintenir les centres de vie moins importants ou les faire renaître ; on doit, dès la base, redonner du champ libre à la responsabilité des hommes, afin qu'ils puissent poursuivre fleurs fins (communes. Alors l'Etat pourra compter sur des citoyens qui sachent faire bon usage de leur droit de vote et sur des représentants de la nation qui ne soient pas comme des roseaux agités aux vents d'intérêts passagers sans portée pratique.

Si vous allez ainsi de l'avant, si vous suivez, avec votre Fédération internationale, cette direction dans l'unité, l'Eglise et, avec elle, la société humaine, aura beaucoup à gagner. Vous travaillerez alors d'après un programme pratique orienté selon le plan divin, et non point dans la direction d'un humanisme ou d'un socialisme de ce monde, quelque nom ou masque qu'ils se puissent donner.

Nous invoquons sur votre congrès, ses travaux et ses résolutions, la faveur des grâces divines en gage desquelles Nous vous accordons à tous de tout coeur la Bénédiction apostolique demandée.


PieXII 1955 - RADIOMESSAGE AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL DE COSTA-RICA