PieXII 1955 - LETTRE A LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES MOUVEMENTS OUVRIERS CHRÉTIENS


ALLOCUTION A DES ROSIÉRISTES

(10 mai 1955)1

Le mardi 10 mai, le Saint-Père a reçu des horticulteurs et rosiéristes qui ont pris part au Concours international « Prix de Rome » pour de nouvelles variétés de roses. Il leur a adressé l'allocution que voici :

Le Concours international pour l'attribution du Prix de Rome à la meilleure variété de roses a été pour vous Messieurs, l'occasion de solliciter une audience et quelques paroles du Vicaire de Jésus-Christ. Vous n'avez pas voulu quitter la Ville Eternelle sans saluer le Père commun, et Nous sommes heureux d'accueillir votre hommage et de contenter votre filial désir.

Nous voudrions avoir l'âme et le génie de François d'Assise pour parler comme il convient de votre beau métier, pour vous faire passer, à son exemple, de la terre au ciel, de la création au Créateur. L'auteur sacré de la Genèse, empruntant aux merveilleux jardins d'Orient sa description du paradis terrestre, précise en ces termes l'intention divine : « Yahweh Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le garder » (Gen. II, 15). Depuis lors en effet, à travers les millénaires de son histoire, l'homme a cultivé le vaste jardin de Dieu, non seulement pour l'entretenir, mais encore pour l'améliorer. Oui vraiment, Dieu a permis à l'homme d'améliorer son oeuvre, telle est l'admirable délicatesse de notre Père des cieux, qui appelle ses enfants à entrer avec Lui en collaboration si intime. N'est-ce pas aussi votre privilège, Messieurs, vous qui cherchez à créer sans cesse de nouvelles variétés de roses, de nouvelles formes, de nouveaux coloris ?

De tout temps, les roses les plus simples de ce pays, celles dont la teinte s'harmonise de façon si heureuse avec le feuillage,


ROSIERISTES

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dont le parfum se répand délicat et pénétrant, figurent comme l'ornement naturel des fêtes et le symbole du plaisir. Aussi les premiers chrétiens les répudièrent-ils, parce qu'elles signifiaient à leurs yeux un genre de vie qu'ils abhorraient. Mais peu à peu, quand les souvenirs païens s'effacèrent, le charme de la rose fit retour au vrai Dieu : les paradis des mosaïstes, que l'on admire encore aujourd'hui aux absides des basiliques les plus vénérables de Rome, sont émaillés de fleurs, parmi lesquelles la rose a repris son empire. La rose rouge devint aux premiers siècles de la littérature chrétienne le symbole du martyre sanglant, comme la blancheur du lis celui de la virginité. L'Eglise n'a-t-elle pas conservé pour la fête des saints Innocents l'hymne ravissant du poète Prudence : « Salut, fleurs des martyrs, .. . roses naissantes arrachées par la fureur de l'ouragan » ? La rose figure encore sur les plus anciennes tapisseries et sur les ornements sacerdotaux ; elle rutile aux feux du soleil dans les verrières des cathédrales ; elle signifie partout la joie chrétienne et devint à ce titre l'emblème de Marie, la grande « cause de notre joie ». Le rosaire représente d'abord un jardin de roses offert à Marie, un ornement de son image, un symbole de ses grâces. La Vierge elle-même fut ensuite comparée à la rose, et maintenant les chrétiens l'invoquent par deux fois, dans les Litanies de Lorette, sous le signe de la reine des fleurs : « Rose mystique » et « Reine du très saint Rosaire». Cette dernière appellation évoque, sans doute, une grande victoire de la chrétienté sur les infidèles, mais bien plus encore les conquêtes lumineuses de la foi sur le mal et l'ignorance religieuse. Lorsque Marie apparut à sainte Bernadette sur le rocher de Massabielle, où croissait l'églantier, chacun de ses pieds s'ornait d'une rose épanouie. Celle que l'Eglise venait de proclamer l'Immaculée manifestait ainsi, à une enfant simple et candide, la plénitude de ses perfections et la délicatesse de sa bonté.

Le développement liturgique du symbole de la rose dans le culte mariai n'a rien qui doive étonner, car l'homme a choisi instinctivement la plus belle des fleurs pour l'offrir à la plus belle des créatures. Ce geste spontané se répète en de nombreuses pratiques de la piété des humbles comme des savants, et les auteurs spirituels ont maintes fois repris le thème et développé à l'envi ses significations mystiques.

Pour vous, Messieurs, Nous voulons croire que vous trouvez un encouragement dans votre travail à la seule pensée que le mois des roses est et sera toujours le mois de Marie. Ainsi, en cultivant les fleurs qui forment comme la parure d'un sol souvent ingrat et dur pour l'homme, êtes-vous portés naturellement à honorer le Créateur, à élever votre âme vers celle qui porte le beau titre de Rose mystique, l'honneur et la joie de la famille humaine. A qui mieux qu'à Elle pourrions-Nous confier les voeux, que Nous formons aujourd'hui pour vous tous ici présents, pour vos familles et vos amis, pour tous ceux enfin qui vous' sont chers et que vous Nous recommandez dans votre coeur ? Par la puissante intercession de Marie, que descende et demeure sur vous Notre paternelle Bénédiction apostolique.


DISCOURS A DES SPÉCIALISTES DE BIOLOGIE

(12 mai 1955) 1

Le jeudi 12 mai, Sa Sainteté Pie XII a reçu en audience dans la Salle du Consistoire des biologistes ayant pris part à une session internationale d'études organisée par la « Charles Pfizer Corporation » de New York. Il leur adressa le discours suivant :

C'est pour Nous un plaisir sans cesse renouvelé de saluer les hommes de science qui, comme vous, Messieurs, se réunissent à Rome pour leurs congrès internationaux. Nous aimons voir se multiplier, sur le terrain fructueux des recherches scientifiques, rencontres et collaborations, car Nous y voyons la réalisation des lois supérieures posées par le Créateur au travail de l'homme, et un gage de paix dans une fraternité plus profonde, celle du travail et de l'entraide.

Bienfaits de la recherche en commun.

Si les chercheurs isolés peuvent encore rendre de grands services à l'humanité, rien ne peut désormais remplacer le travail en commun, dont les congrès internationaux sont les manifestations les plus apparentes et les plus significatives. Dans le vaste domaine de la biologie, dont vous cultivez une partie bien précise, les spécialisations se font de jour en jour plus étroites, car la complexité presque infinie de la vie impose une division du travail très poussée. Qui aurait cru en effet, il y a peu d'années encore, qu'un Symposium sur le thème de la nutrition animale réunirait à Rome des personnalités scientifiques émi-nentes, représentant quinze pays d'Europe ? A présent, le grand publie comprend aisément le but de telles rencontres : améliorer

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DOCUMENTS PONTIFICAUX

la nutrition animale, c'est contribuer à promouvoir l'un des secteurs importants de l'économie et faire avancer la solution d'un problème, qui angoisse la majeure partie de l'humanité.

Tout récemment encore, dans Notre message pascal, Nous rappelions l'incidence des découvertes modernes en matière de radiations sur la culture et la conservation des végétaux, et Nous évoquions les heureuses conséquences que l'on pouvait en attendre pour l'alimentation humaine. Aussi avons-Nous trouvé le plus grand intérêt à prendre connaissance des expériences qui se déroulent dans un domaine analogue : l'utilisation des antibiotiques dans la nutrition animale.

Vous connaissez bien, Messieurs, la carrière brillante fournie en quelques années par ces médicaments et l'extension considérable de leur utilisation. Alors que la découverte de Sir Alexandre Fleming, en 1928, n'avait pas soulevé à ce moment tout l'intérêt qu'elle méritait, la guerre amena deux médecins de l'Université d'Oxford à reprendre l'étude de la pénicilline, et bientôt les résultats étonnants de son application en firent décider la fabrication massive. Les savants se mirent alors avec ardeur à isoler d'autres antibiotiques, à en étudier les propriétés, les possibilités d'application à la thérapeutique humaine : il s'agissait de trouver les produits les plus actifs possible, mais qui fussent en même temps exempts de toxicité et parfaitement tolerables pour l'organisme. Deux réussites très intéressantes couronnèrent leurs efforts : la découverte de la streptomycine, en 1943, et celle de la terramycine en 1950. Celle-ci est le fruit d'une investigation systématique, poursuivie sur plus de cent mille échantillons de terrain, prélevés dans toutes les parties du monde, et qui, après de multiples sélections, finit par livrer le streptomyces rimosus d'où provient la terramycine. Cette substance antibactérique se révéla efficace dans le traitement de près de quatre-vingts maladies, tandis qu'elle était dépourvue, même à fortes doses, d'effets nocifs pour l'homme.

Rôle des antibiotiques dans la nutrition animale.

On pouvait croire que l'emploi des antibiotiques se limiterait à la lutte contre les maladies infectieuses. Mais après avoir rendu des services inestimables dans ce domaine, voici qu'ils trouvent, dans la nutrition animale, un champ d'application inattendu peut-être, mais prometteur. Pour éprouver leur efficacité, on a


SPECIALISTES DE BIOLOGIE

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soumis à l'expérimentation des milliers de têtes de bétail, dans des stations agricoles destinées à cette fin ; il s'est créé une classe particulière de techniciens, appelés « nutritionistes », qui se spécialisent dans ce genre de recherches ; après avoir révélé leurs mérites comme stimulants des mécanismes de la nutrition et de la croissance, les aliments mêlés d'antibiotiques sont employés sur une vaste échelle.

En organisant ce Symposium international européen, la « Charles Pfizer Corporation » veut promouvoir l'étude scientifique des nouveaux procédés de nutrition du bétail. Nous sommes heureux en cette occasion de manifester Notre gratitude aux représentants de cette société pour l'aide généreuse qu'elle apporta à l'Italie lors des graves inondations qui désolèrent le pays. Nous la félicitons spécialement de l'ardeur qui anime ses dirigeants, ses chercheurs, ses techniciens, dans la production industrielle des antibiotiques, qui, depuis une dizaine d'années, ont sauvé d'innombrables vies humaines.

Nous osons croire, Messieurs, que vos échanges de vues et vos discussions contribueront largement à la solution des difficultés pratiques de l'élevage et, par là, à l'accroissement des ressources alimentaires du globe. Comment, en effet, ne penserions-Nous pas avec sollicitude à ces millions d'hommes qui, chaque jour, ne trouvent qu'avec peine le strict nécessaire pour se sustenter ? Que l'assurance d'apporter par vos travaux quelque soulagement à ces déshérités, vous soutienne et vous stimule ! Que, du haut des deux, vous protège le Tout-Puissant, à qui Nous vous confions, ainsi que vos familles et tous ceux que vous aimez et désirez recommander à Nos prières ! A toutes ces intentions, Nous vous accordons de grand coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE

A L'ASSOCIATION DES ENSEIGNANTES CATHOLIQUES ALLEMANDES

(13 mai 1955) 1

A l'occasion du Congrès, tenu à Paderborn, de l'Association des enseignantes catholiques allemandes, Sa Sainteté Pie XII a adressé la lettre ci-après à sa présidente, Mademoiselle Mleinek.

La promesse d'indéfectible fidélité que vous Nous avez faite, au nom de « près de 12000 enseignantes de toutes les catégories d'écoles », membres de l'Association des institutrices catholiques allemandes, a été pour Nous un motif de satisfaction et de joie. Nous y répondons en formulant de tout coeur des voeux paternels pour votre Congrès annuel de Paderborn, qui, en même temps, célèbre le septantième anniversaire de la fondation de votre groupement.

Vous ne pouvez que remercier Dieu profondément si vous jetez un regard en arrière sur ces soixante-dix ans. Remerciements pour la vitalité dont a fait preuve votre Association, même en plein milieu des plus rudes tempêtes. Remerciements à Dieu et, après Dieu, à votre présidente d'honneur actuelle, Maria Schmitz, de ce que votre Association a toujours porté fièrement et avec honneur son drapeau catholique. Remerciements pour sa fructueuse activité, visiblement guidée par la divine Providence : son activité en vue du bien-être économique et social de ses propres membres, en vue de leur perfectionnement et leur progrès sur les plans professionnel, spirituel et religieux. Le principe qui doit vous inspirer est celui-ci : nous,

1 D'après le texte allemand des A. A S XXXXVTT „„„ — ^aise de ,a Documentation C^^Z^^^^^™

institutrices catholiques, ne serons jamais d'un niveau culturel inférieur à celui des autres catégories d'enseignants. Remerciements à Dieu pour l'efficacité de l'Association auprès de la jeunesse, surtout féminine, et par là même, auprès de la femme, de la mère et de la famille.

Nous avons une haute idée du travail de formation et d'éducation, par lequel les maîtres catholiques contribuent d'une façon très importante — souvent même aujourd'hui, comme vous le savez, plus que le foyer familial — à façonner l'enfant durant les années de son développement pour l'amener à la maturité de l'homme jeune, armé pour la vie, avec des convictions religieuses et morales fermes. Puissiez-vous ne jamais perdre de vue que l'atmosphère vivifiante de ce travail de formation est constituée par l'exemple personnel qu'offre l'institutrice véritablement et profondément pieuse, et toute dévouée à sa profession et aux enfants.

Votre Association entend se conformer aux principes que Notre vénérable prédécesseur Pie XI a formulés dans son encyclique Divini illius Magistri. Restez fidèles à votre idéal, d'autant plus fidèles qu'il est plus violemment combattu. En aucun cas, l'Eglise ne renoncera volontairement à l'école catholique confessionnelle et à la formation de ses enseignants sans équivoque dans le sens de la foi et de la pensée catholiques 2.

Nous appelons la plénitude de grâces de Jésus-Christ et la puissante protection de la Vierge Marie, Mère de Dieu, sur votre congrès de Paderborn, ainsi que sur votre Association tout entière et Nous vous donnons, avec toute Notre affection paternelle à vous toutes et à votre vénérable doyenne, Albertine Badenberg, la Bénédiction apostolique sollicitée.

2 S. S. Pie XII fait ici à nouveau allusion au projet de loi bavarois tendant à la formation unique des instituteurs dans les écoles normales interconfessionnelles au mépris du concordat de 1924 (Cf. p. 46). Les évêques bavarois, lors de leur réunion de printemps à Freising, les 30 et 31 mars 1955, sous la présidence de S. Em. le cardinal Wendel, archevêque de Munich, ont élevé une protestation contre ce projet de loi, qui a été rendue publique le 29 avril. Ils y déplorent la situation critique faite aux catholiques en Bavière, expriment leur confiant espoir que ce projet sera repoussé et avertissent les députés catholiques du Landtag, de quelque parti qu'ils soient, de la grave responsabilité qui pèse sur eux et des lourdes conséquences que pourrait avoir leur vote pour l'avenir de la Bavière (Cf. Herder Korrespondenz, juin 1955).


ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONSEIL DE GESTION DE L'INSTITUT INTERNATIONAL D'ÉPARGNE

(16 mai 1955) 1

Le lundi 16 mai, le Pape reçut les membres du Conseil de gestion de l'Institut international d'épargne dont le siège est à Amsterdam. Il leur adressa Vallocution suivante :

La visite que vous voulez Nous rendre, à l'occasion de la réunion du Conseil de gestion de l'Institut international de l'épargne, Nous est particulièrement agréable, Messieurs, et Nous vous en remercions bien sincèrement. Vous représentez ici un ensemble d'organismes qui, depuis plus d'un siècle, ont rendu et continuent à rendre les services les plus appréciés dans la vie économique et sociale de vos pays respectifs.

N'est-ce pas un des signes les plus manifestes de la prospérité d'une nation et de son ardeur au travail que le succès de ses Caisses d'épargne et le volume des opérations qu'elles effectuent ? La Caisse d'épargne assume, en quelque sorte, la fonction de relais entre, d'une part, les petits possédants qui, par un labeur quotidien austère et persévérant, se sont constitué un modeste avoir, et de l'autre, l'Etat, les sociétés financières, les entreprises qui ont besoin, pour remplir leur fonction économique, de capitaux plus ou moins considérables. La préoccupation dominante de qui possède quelques économies sera naturellement de les sauvegarder ; il importe, par contre, au pays de pouvoir employer à des fins d'intérêt général les ressources accumulées par les particuliers, mais trop dispersées pour être immédiatement utilisables. La Caisse d'épargne se chargera préci


INSTITUT INTERNATIONAL D'EPARGNE

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sèment de recueillir cet argent, de le placer à bon escient, avec le maximum de garanties, de rétribuer le propriétaire et de lui assurer à son gré la restitution des sommes déposées.

Une propagande intelligente et l'apprentissage de l'épargne dès l'âge scolaire assurent efficacement la récolte des fonds, mais l'utilisation des capitaux ainsi obtenus constitue un problème délicat, susceptible de solutions très variées. Bien des facteurs entrent en jeu dans ces déterminations, qu'il vous appartient d'étudier soigneusement pour éviter des erreurs, qui entameraient la confiance des déposants ou nuiraient à la finalité propre de l'institution.

Sans doute en fournissant du crédit à l'Etat, aux grandes sociétés industrielles ou financières, les Caisses d'épargne contribuent largement au bien commun ; fondées toutefois dans le but d'aider des classes laborieuses, elles doivent aussi se préoccuper, dans le choix de leurs placements, des avantages directs qu'en retireront les épargnants. Qu'elles continuent donc plus encore que par le passé à soutenir et encourager les diverses formes de crédit agraire et professionnel, les coopératives, les sociétés de crédit pour la construction d'habitations, ainsi que tous les instituts destinés à promouvoir l'initiative des particuliers ou des petites entreprises, en leur procurant des matières premières ou l'équipement dont elles ont besoin, pour leur permettre ainsi d'augmenter le rendement de leur activité. De la sorte se réalisera la collaboration féconde du capital et du travail au profit immédiat des travailleurs eux-mêmes. La communauté nationale s'enrichira d'une production accrue et d'une mise en valeur appréciable de toutes ses forces saines.

Nous Nous réjouissons d'avance, Messieurs, des fruits de votre rencontre et des améliorations que les Caisses d'épargne de tous les pays en retireront. Puissent ces organes, à présent nécessaires dans la vie économique des nations, gagner encore en prestige et se rendre toujours plus utiles à ceux qui leur font confiance. Si le divin Maître a conseillé aux hommes de thésauriser, non pour cette vie fragile mais pour celle qui ne passe pas, Il a aussi maintes fois recommandé la prévoyance, et daignera, Nous en sommes sûr, accorder à ceux qui bénéficieront de vos efforts la grâce d'user des biens temporels de manière à ne pas perdre ceux de l'éternité. A vous-mêmes, à vos collaborateurs, à ceux qui vous sont chers, Nous accordons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES INGÉNIEURS DES CHEMINS DE FER ESPAGNOLS

(17 mai 1955) 1

Un groupe de dirigeants et ingénieurs des chemins de fer espagnols effectuant un voyage en Italie a été reçu en audience par le Saint-Père, qui leur a adressé l'allocution suivante :

Avec le témoignage de Notre considération et, en même temps, les manifestations de Notre paternelle affection, Nous désirons vous accueillir aujourd'hui, Messieurs, hauts dirigeants et ingénieurs de la R. E. N. F. E., qui êtes venus à la Ville éternelle, fraternellement invités par vos collègues italiens. Dans ce motif de votre voyage, il y a précisément un aspect si agréable à Notre coeur de Père commun, que Nous n'avons pas voulu le laisser passer, dans Notre désir constant de voir triompher parmi les hommes l'amour et la charité fraternelle et chrétienne.

Considération, avons-Nous dit en commençant, et Nous sommes bien certain que vous avez compris le sens de Nos paroles. L'esprit pénétrant et la ténacité intelligente de votre peuple n'ont jamais manqué de se manifester précisément dans votre spécialité ; et si ce n'était pas jouer avec des phrases toutes faites, nous dirions à peu près qu'il l'a bien démontré sur la mer, sur la terre et dans le ciel, en y laissant inscrits les noms d'un précurseur comme Isaac Peral, d'un admirable inventeur comme Torres Quevedo et d'un génie plein d'intuitions comme Juan de la Cierva. Et n'est-ce donc pas sur les larges voies des lignes espagnoles que glisse, à présent même, tous les jours votre « Talgo », le tout nouveau type de train, qui, de l'avis des


CHEMINS DE FER ESPAGNOLS

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techniciens, comporte la solution, aisée et simple, de nombreux anciens problèmes ?

Cependant, vous connaissez parfaitement les douloureuses conséquences qu'ont causées dans votre domaine tout d'abord une cruelle guerre, puis une situation internationale aux répercussions inévitables dans le domaine de l'industrie ; vous luttez contre cela et votre effort se traduit en une série d'améliorations, comme celles qui sont rendues publiques actuellement. Continuez dans cette voie et, Dieu le veuille, que dans celle-ci comme dans toutes les autres, la généreuse coopération d'autres peuples frères puisse vous servir de puissante aide pour vous permettre d'offrir au peuple espagnol le service que vous désirez, en démontrant ainsi que la solution des problèmes qui affligent le monde ne se trouve pas dans la division, mais dans l'union, ni dans l'ignorance mutuelle mais dans la compréhension réciproque, ni non plus dans la haine, mais dans l'amour.

Un réseau ferroviaire est un peu comme un courant circulatoire qui apporte à tous les membres, à tous les tissus, à toutes les cellules l'aliment, la chaleur et la vie ; quand il arrive aux frontières et se met, de façon efficace, en contact avec les réseaux voisins, c'est comme si cette même vie se répandait dans un corps beaucoup plus grand ; comme si elle se répandait dans toute l'humanité. Vous devez considérer comme un honneur le travail dans ce domaine ; vous devez lui consacrer vos sacrifices et le retenir comme un devoir sacré. En outre, par vos fonctions, vous êtes continuellement en contact avec de grands groupes d'ouvriers, qui attendent de vous un bon exemple, un sentiment paternel, une juste reconnaissance de leurs droits légitimes et cette marque de fraternité et de solidarité qui est inhérente en tout au bon chrétien.

Donc pour de nombreux motifs, vous méritez Notre Bénédiction spéciale, que Nous voulons vous donner, généreuse et ample, pour vos travaux, pour vos familles, pour tous les employés des chemins de fer espagnols, et pour toute cette chère Espagne, que le Vicaire du Christ bénit toujours avec tant de plaisir.


DISCOURS

A DES PROPRIÉTAIRES EXPLOITANTS D'ITALIE

(18 mai 1955) 1

Le 18 mai 1955, jour de la fête de l'Ascension, le Saint-Père a donné audience dans la basilique Saint-Pierre, à un grand rassemblement de « cultivateurs directs » (petits exploitants agricoles) venus de toutes les régions d'Italie. Il leur a adressé le discours suivant :

Vous voici réunis à Rome, chers fils, cultivateurs de toutes les régions d'Italie pour affirmer ensemble votre volonté de réaliser l'idéal chrétien de votre belle profession. A trois reprises déjà, Nous avons pu vous adresser la parole pour vous encourager et vous bénir. Aujourd'hui, Nous vous accueillons avec le plus grand plaisir et, en contemplant votre groupe imposant, Nous pensons aussi à tous ceux qui n'ont pu vous accompagner, aux deux millions et demi environ de travailleurs agricoles que votre Confédération nationale rassemble en plus de douze mille sections.

A tous Nous adressons Notre salut et Nous évoquons avec une gratitude paternelle la somme immense de labeurs, d'initiatives, de courage quotidien parmi les difficultés de toutes sortes qui fait de votre catégorie, l'une des bases sociales et morales les plus solides de la nation.

Rôle important de « l'Association des petits exploitants » dans la construction d'un monde plus chrétien.

Le nombre d'adhérents à votre Confédération suffirait à lui seul à montrer son importance et à la désigner comme la plus

l'OsSeL?naPt 16 teXte 'tali6n A- A- S- XXXXVI1' P- «7; traduction française de

I Osservatore Romano, du 27 mai 1955.

puissante organisation professionnelle de ce genre. Responsable de plus de 60% de la production agricole nationale, comment n'exercerait-elle pas une large influence sur la vie économique du pays ? Nous sommes donc heureux de vous en féliciter, d'autant plus que vous accomplissez votre tâche avec la préoccupation de mettre en pratique les principes de la doctrine sociale catholique, qui sont les plus conformes aux exigences de la vie humaine naturelle et surnaturelle et poussent à chercher la solution des problèmes que pose sans cesse l'évolution rapide de l'économie et des conditions générales de la société humaine. Ainsi, dans l'effort patient de tous les jours, vous contribuez à construire, dans l'ordre et le respect des institutions, un monde moins dur, moins imprégné de matérialisme, moins esclave d'une recherche acharnée de l'intérêt égoïste.

Cet idéal, vous savez bien qu'il est difficile à réaliser et que la route à suivre sera encore longue et parfois pénible. Mais il suffit de jeter un regard sur le chemin parcouru depuis la naissance de votre Confédération, en 1944, jusqu'à ce jour, pour y trouver de nombreux motifs de réconfort. Si l'on est frappé d'abord par le continuel accroissement des effectifs, l'extension progressive de son organisation et de ses activités est encore plus remarquable. C'est donc qu'elle répondait à une vraie nécessité et, qu'ayant compris les justes aspirations des agriculteurs, elle n'a pas manqué à ses promesses. L'un des services les plus éminents peut-être qu'elle a rendus à ses membres fut de leur faire prendre conscience du rôle qui leur revient dans la vie économique de la nation ; elle les a invités à s'affranchir d'un particularisme parfois assez tenace, et bien compréhensible chez le travailleur des campagnes, attaché profondément à son exploitation et qu'on n'amène pas facilement à lever les yeux vers un horizon plus vaste.

L'Association doit agir sur les courants d'idées qui dirigent l'évolution du pays.

Pour un groupe social aussi considérable que le vôtre et occupé dans un secteur de la production aussi fondamental, il est essentiel de garder le contact avec les mouvements d'opinion et les grands courants d'idées qui dirigent l'évolution du pays, et d'y exercer une influence utile, non dans le seul but d'en tirer des avantages particuliers mais pour le bien général lui-même. Il ne suffit pas en effet de posséder des principes justes ni de

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DOCUMENTS PONTIFICAUX

les appliquer dans le cercle étroit de sa vie personnelle, mais il faut les répandre autour de soi, en faire profiter aussi les autres, en montrer clairement la valeur et l'efficacité pour l'intérêt national. Votre organisation, en renforçant le sens de la solidarité chez les cultivateurs directs, confère à leur action une efficience accrue et une ampleur que justifient les hautes vertus de leur tradition familiale et leur attachement au sol de la patrie.

17 faut savoir affronter certains risques.

Alors que certains aujourd'hui craignent malheureusement toujours davantage le risque personnel et cherchent la sécurité même au prix de l'indépendance, demeurez fidèles à une vocation qui est et sera toujours de façon spéciale exposée au risque, mais qui, précisément à cause de cela, est à l'heure actuelle un modèle reconnu d'effort humain ; effort qui a toujours garanti à la vie des peuples, durée et fécondité.

Sans doute, il ne Nous appartient pas de relever en détail tous les résultats positifs acquis par le travail de la Confédération depuis une dizaine d'années ; il Nous plaît cependant d'en signaler quelques-uns, particulièrement significatifs, par exemple, ceux obtenus dans le domaine contractuel, en matière de réduction des impôts ; dans l'assistance sociale par l'extension aux cultivateurs directs des assurances contre la maladie et par le projet de loi concernant l'invalidité et la vieillesse ; et du point de vue technique et économique, par l'action entreprise pour la stabilisation et la défense des produits en période de crise.

. . . Donner aux jeunes une préparation professionnelle et faire participer les femmes à la vie syndicale.

Mais, très justement, vous n'avez pas voulu restreindre votre activité au domaine purement économique, car se posait avec insistance à votre réflexion le problème de la famille cultivatrice. Dans le discours que Nous adressions le 29 février 1952 aux dirigeants de la Confédération, Nous disions « Efforcez-vous de gagner la jeunesse rurale. Montrez à ces jeunes gens un intérêt affectueux ; formez-les et préparez-les au moyen de cours spéciaux à leurs devoirs de cultivateurs ; éduquez-les à des vues spirituelles et sociales plus larges et plus élevées » 2. Cette exhortation, vous l'avez filialement accueillie et maintenant, vous


PROPRIETAIRES EXPLOITANTS D'ITALIE

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pouvez orienter les jeunes cultivateurs vers des cours de préparation professionnelle et syndicale qui les rendront aptes à remplir, plus tard, leur noble mission avec compétence et avec l'assurance de pouvoir faire face à leurs responsabilités sociales. Mais au sein de la famille cultivatrice, la femme exerce toujours, outre sa fonction d'épouse et de mère, un rôle plus ou moins important dans l'exploitation elle-même. Un syndicat de cultivateurs devrait en tenir compte et s'occuper de faire participer les femmes des campagnes à la vie syndicale. Vous pouvez déjà considérer avec satisfaction le fruit des efforts que vous avez déployés en oe sens.

De la sorte, le fondement familial de votre économie fera vaincre la grande tentation de l'époque actuelle, à laquelle tant de gens succombent, celle de prendre la recherche d'un niveau de vie toujours plus élevé et d'une productivité du travail toujours plus grande pour l'aspiration à la prospérité. Car, même dans l'économie, la famille représente ce qui est durable et ce qui assure la série des générations futures. La seule abondance des biens à prix réduits, le seul allégement et la diminution de la fatigue du travail sont un résultat équivoque, car il n'ôte pas l'angoisse pour l'avenir, mais l'augmente plutôt, dans la mesure où il excite les désirs désordonnés et n'apaise jamais l'homme.

Il faudrait encore signaler les instituts fondés par la Confédération pour l'instruction professionnelle agricole, pour favoriser la formation et le développement de la petite propriété, pour aider le cultivateur à obtenir l'assistance prévue par la loi. Enfin, comme de nombreuses familles d'ouvriers agricoles sont entrées récemment et entreront encore en possession d'une petite propriété en vertu de l'application de la réforme agraire, il a paru nécessaire de leur apporter un appui moral et technique qui facilite la période de transition : aussi a-t-on institué une Fédération nationale des petits propriétaires qui intervient, entre autres, pour favoriser le développement des coopératives, puissant instrument de soutien et de progrès de nouvelles communautés rurales. Le domaine ainsi élargi de l'économie agricole contribuera alors, uni à d'autres mesures, à renforcer le marché intérieur du pays, et par là à donner également à la production industrielle un appui dont la solidité est incomparable et dont la nécessité devient toujours plus claire.

2 Cf. Discorsi e Radiomessaggi, 13, p. 482 ; Documents Pontificaux 1952, p. 57.

Cette revue rapide et incomplète des multiples activités de la Confédération nationale des « Cultivateurs directs », Nous voudrions qu'elle soit pour vous un encouragement et une promesse. Un encouragement, car en peu de temps vous avez atteint des résultats qui démontrent l'existence d'un esprit sérieux de collaboration, une volonté commune d'améliorer substantiellement les conditions de vie du cultivateur. N'est-ce pas réconfortant pour chacun de vous de savoir qu'il n'est pas seul à accomplir cet effort mais qu'il fait partie d'une organisation vaste, solide, bien conduite, animée d'un dynamisme qui a prouvé son efficience ?

. et promouvoir d'autres activités.

Quel motif de confiance pour l'avenir ! Quelles heureuses perspectives accompagnent votre progrès ! Si vous restez fidèles à vos principes, vos activités prendront avec le temps une extension plus large encore ; de nouvelles possibilités s'ouvriront d'étendre l'assistance syndicale, de multiplier pour chacun de vous Les occasions de contribuer au bien de tous, d'intensifier l'amour actif du prochain, la charité chrétienne qui porte partout la chaleur et la vie.

Le Seigneur ne manquera pas de vous aider, de vous inspirer le courage et la persévérance qui triomphent de tous les obstacles. Dans la prospérité comme dans l'adversité, gardez toujours envers Dieu des sentiments de vive reconnaissance. N'est-il pas l'auteur de tout bien, le dispensateur des plus humbles réalités terrestres sans lesquelles l'homme ne pourrait vivre, comme des dons les plus élevés de l'esprit et du coeur ? Ainsi, même consacrée aux travaux que ne relève aucun éclat extérieur votre vie personnelle, familiale et sociale s'élèvera jusqu'à la dignité qui surpasse toutes les autres, celle d'enfants du Père céleste à qui vous pouvez et devez vous confier sans réserve.

Que la divine Providence vous guide donc et qu'elle répande ses faveurs sur vous-mêmes, sur vos familles et tous ceux qui vous sont chers. Comme gage de ces grâces et en témoignage de Notre affection paternelle, de tout coeur Nous vous accordons Notre Bénédiction apostolique.


PieXII 1955 - LETTRE A LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES MOUVEMENTS OUVRIERS CHRÉTIENS