Pie XII 1956 - LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A SON ÉMINENCE LE CARDINAL LÉGER A L'OCCASION DE LA SEMAINE SOCIALE DU CANADA


ALLOCUTION A DES PÈLERINS DU LIECHTENSTEIN (27 juillet 1956)

Un groupe de fidèles de la Principauté de Liechtenstein a été reçu par le Saint-Père le vendredi 27 juillet. Il leur a adressé une allocution en allemand, dont voici la traduction :

Soyez les bienvenus, chers fils et filles de la Principauté de Liechtenstein qui vous êtes présentés à Nous sous la direction du vicaire général de votre pays pour témoigner de votre fidélité inébranlable à l'Eglise du Christ et à son Chef visible. Nous saluons tout particulièrement le Chef de votre gouvernement qui est aussi parmi vous. Nous joignons à Nos voeux l'expression de Notre reconnaissance pour les dons que le peuple du Liechtenstein a eu la délicatesse de Nous faire parvenir par votre intermédiaire.

1 D'après le texte allemand de Discorsi e radiomessaggi, 18, traduction française de l'Osservatore Romano, du 17 août 1956.
2 A. A. S., 21, 1929, pp. 208-109.




Vous Nous avez donné, entre autres, une photographie panoramique du territoire et de l'Etat de Liechtenstein. Quand Notre prédécesseur Pie XI, d'immortelle mémoire, lors de l'importante date du 11 février 1929, où furent signés les traités du Latran, parlait de la solution apportée à la question romaine, il remarquait, avec la manière spirituelle qui lui était propre, que la petitesse de l'Etat que forme désormais le Vatican serait très largement compensée et par les trésors d'art et de science renfermés dans ses édifices, musées et archives, et par la fonction élevée que cet Etat doit remplir en tant que fondement temporel, condition de sécurité et d'indépendance du représentant du Christ.2

De la même manière, on peut dire du Liechtenstein, qui est en vérité bien plus étendu que l'Etat du Vatican, mais qui reste cependant parmi les plus petits Etats que compte l'Europe, que l'étroitesse de ses limites spatiales est compensée par la splendeur enchanteresse et paradisiaque de cette portion de terre ; que, par surcroît, le long du Rhin, ses paysans travailleurs y reçoivent à pleins bras une abondante récolte et que, enfin, de nos jours, grâce à sa situation politique, des entreprises d'intérêt économique s'étendent de plus en plus à l'intérieur de ses frontières.

Tout cela peut contribuer à augmenter toujours plus la prospérité de votre Principauté. Nous considérons votre visite auprès du Père de la chrétienté comme l'assurance du fait que vous entrez dans cette nouvelle ère avec la foi des temps anciens, et que vous voulez conserver à votre pays son caractère catholique. Restez fidèles à votre tradition religieuse. Mais ce n'est pas tout. La coutume n'est en définitive qu'un cadre. Que vous soyez des croyants convaincus, que vous preniez votre foi au sérieux, que vous croissiez et vous fortifiiez toujours plus en le Christ grâce à la vie sacramentelle, voilà qui est décisif. On peut être un homme moderne et à la page tout en demeurant profondément chrétien.

Il y a un recours puissant qui permet de rester fidèles à la foi catholique en toute civilisation et même dans la conjoncture actuelle. Vous y avez vous-mêmes fait allusion par cette précieuse collection de timbres de l'année mariale qui venait en second rang parmi les cadeaux que Nous avons reçus de vous : c'est la dévotion à la Vierge Marie, Mère de Dieu, qui est demeurée vivante et authentique chez vous, et dans plus d'un pays autour de vous, depuis toujours. Vénérez-la comme un héritage sacré de vos pères. Restez fidèles à Marie ! Et vous n'aurez pas à craindre pour votre foi ni pour votre vrai bonheur. Que Dieu vous aide en cela de sa grâce.

En gage de cette grâce Nous vous accordons, avec paternelle et cordiale affection, la Bénédiction apostolique à vous tous ici présents, à tous les êtres qui vous sont chers restés à la maison, à vos familles, vos enfants et vos jeunes gens, à vos malades tout particulièrement et à ceux qui sont en quelque misère que ce soit.


ALLOCUTION A DES JEUNES GENS DE LA FÉDÉRATION DES PATRONAGES DE BELGIQUE



(28 juillet 1956) 1





Le 28 juillet 1956, le Saint-Père a reçu en audience, à Castelgan-dolfo, un groupe de jeunes Belges, de la Fédération nationale des patronages. Il leur a adressé, en français, Y allocution que voici :

C'est avec plaisir que Nous vous recevons, chers fils, membres de la Fédération des patronages de Belgique. Soyez les bienvenus dans la maison du Père commun, qui vous félicite de l'enthousiasme et de la générosité, dont témoigne votre pèlerinage à Rome.

Vous faites partie d'une fédération de jeunesse catholique nombreuse et florissante, dont l'idée première fut conçue, il y a un siècle et demi, par l'abbé Allemand, qui consacra tout son zèle à la réaliser et trouva dans le chanoine Timon-David un digne continuateur. A ces hommes, dont l'oeuvre connaît aujourd'hui une merveilleuse expansion, vous devez une profonde reconnaissance. Il vous appartient plus encore de rester entièrement fidèles à l'idéal qui les inspirait, idéal résolument surnaturel, puisqu'ils visaient à développer dans l'âme de leurs jeunes gens l'esprit de prière, d'obéissance et de mortification, seul capable de vaincre un monde imprégné de matérialisme et de sensualité. Le succès des patronages repose d'abord sur ce fondement solide, austère sans aucun doute, mais inébranlable, parce que conforme à l'enseignement et à l'exemple de Notre-Seigneur lui-même.

Nous voudrions adresser Nos félicitations et Nos encouragements tout particuliers aux prêtres, qui ne ménagent pas leur

peine pour animer les patronages qui leur sont confiés, pour en approfondir l'efficacité spirituelle, pour en développer le rayonnement apostolique. Nous savons bien ce qu'une entreprise de ce genre coûte d'efforts humbles et patients, de sacrifices et de renoncements. N'est-ce pas d'ailleurs la loi de toute fécondité spirituelle ? Consacrez spécialement vos soins, chers fils, à ceux de vos jeunes gens qui, sortis de l'adolescence, se préparent à entrer dans la vie. Plus que les autres, ils sont gravement menacés par tant d'attraits dangereux. Eux surtout doivent trouver dans leur mouvement la réponse à leurs besoins spirituels. Sachez leur confier des responsabilités qui font appel aux meilleures ressources de leur âme, leur donner l'occasion d'exercer leurs talents, leur faire découvrir le sens apostolique de leur vie et les joies profondes qui accompagnent le don de soi aux autres. Nul doute qu'ainsi vous ne les reteniez et attachiez davantage à leur mouvement, en même temps que vous contribuerez à la formation de chrétiens solides et d'apôtres dévoués, dont l'Action catholique et le clergé ont tant besoin.

A vous tous ici présents, aux membres de votre Fédération qui vous sont unis de coeur, à vos familles et à tous ceux qui vous sont chers, Nous accordons, en témoignage de Notre affection, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE IVe CONGRÈS INTERNATIONAL DE « PAX CHRISTI »
(30 juillet 1956) 1






Le IVe congrès international du mouvement « Fax Christi » s'est tenu cette année en Espagne, à Valladolid, du 12 au 16 septembre. Plusieurs centaines de délégués, venus d'une quinzaine de pays, s'y trouvaient réunis, .sous la présidence de Son Em. le cardinal Peltin, ayant à ses côtés Son Exc. Mgr Antoniutti, nonce apostolique en Espagne, et Son Exc. Mgr Garcia y Goldaraz, archevêque de Valladolid, président pour l'Espagne du mouvement « Pax Christi ».

A cette occasion, Son Em. le cardinal Feltin a reçu la lettre suivante :

Réunis au coeur de la catholique Espagne, sur cette terre illustrée par tant de saints qui contribuèrent à l'expansion de l'Eglise et à son rayonnement spirituel dans le monde, les membres du congrès de Pax Christi aborderont cette année, sous votre présidence, une question bien actuelle, celle des dimensions internationales du civisme. En remerciant votre Eminence de sa lettre du 11 juillet, par laquelle elle informait le Saint-Siège de ce prochain congrès, je suis heureux de me faire l'interprète des voeux du Souverain Pontife pour le succès de vos travaux.

1 D'après le texte original français publié dans la Documentation Catholique, t. pjffl col. 1435.




A qui considère l'objet et la portée des débats, il apparaît vite, à la lumière des nombreux enseignements de Sa Sainteté, que les catholiques sont particulièrement qualifiés pour aborder de tels sujets. Ils le sont, pourrait-on dire, à trois titres.



Et d'abord pour cette raison que tout civisme implique l'existence d'un ordre juridique de la communauté à laquelle on appartient, de quelque ampleur qu'elle soit. Or, si le Saint-Père a pu déclarer que « rien n'était plus conforme à la doctrine traditionnelle de l'Eglise » que de tendre à « une organisation politique efficace du monde », il insistait aussitôt sur le fait qu'une telle organisation devait, pour être viable, s'harmoniser « avec l'ordre normal et organique qui régit les rapports particuliers des hommes et des divers peuples » !. Que les catholiques se fassent donc, au bénéfice des efforts entrepris dans le monde par tant d'hommes de bonne volonté, les hérauts et les défenseurs des principes de vie sociale et politique qui sont posés et soutenus par l'Eglise, gardienne de l'ordre naturel. Ainsi serviront-ils utilement, en l'assurant sur des bases fermes, la cause d'un civisme international.

Mais, sur ces fondements, il faut édifier une communauté fraternelle : à ce corps souffrant et blessé de l'humanité, qui donnera une âme ? Ici encore le rôle des catholiques est irremplaçable, car « il n'existe aucun autre groupe humain qui présente des conditions si favorables, en ampleur et en profondeur, pour l'entente internationale » 3. Sans doute est-il inutile de s'étendre sur ce point, qui est familier à Votre Eminence et aux membres de Pax Christi. Mais, dans la conjoncture actuelle, ne convient-il pas de rappeler avec force les exigences de la justice et de la charité chrétiennes, qui nous font « considérer tous les hommes — de quelque région, de quelque nation ou couleur qu'ils soient — comme des créatures et des images de Dieu, rachetés par le Christ4 », et qui nous font vaincre les étroitesses nationales pour aimer et servir tous nos frères ?

Enfin, au sein de la communauté internationale, il est conforme à l'ordre providentiel de développer les saines valeurs culturelles des différents peuples, dans l'attachement légitime de chacun aux traditions et aux richesses de sa grande ou petite patrie. Ne nous laissons pas abuser par l'utopie d'un nivellement abstrait et ruineux ! Vertu d'harmonie et d'équilibre, écrivions-nous en une autre circonstance, le civisme est le lien d'une société entière, il appartient aux fils de l'Eglise de « faire en



2 Discours du 6 avril 1951. Cf. Documents Pontificaux ig$l, p. 118.

3 Discours du 23 juillet 1952. Cf. Documents Pontificaux 1952, p. 325. « Ibid.

sorte que l'authentique culture chrétienne, basée sur la f catholique, trouve partout le respect de ses libertés et de si facultés ou, du moins, un droit de citoyenneté pleineme-reconnu »5. C'est encore faire preuve de civisme à l'échell internationale, que de maintenir dans le monde une civilisatio qui, depuis des siècles, a reçu du christianisme le meille d'elle-même.

Le Souverain Pontife, en me chargeant de soumettre ces quelques considérations à l'attention de votre Eminence, tient à lui exprimer, à l'occasion du congrès de Valladolid, ses paternels remerciements pour l'action qu'elle poursuit à la présidence du mouvement Fax Christi et, de grand coeur, il lui accorde, ain qu'aux autorités ecclésiastiques et civiles présentes, et à tous le membres du congrès, la faveur implorée de la Bénédictio apostolique.

RADIOMESSAGE POUR LE IVe CENTENAIRE DE SAINT IGNACE
(31 juillet 1956) 1






Le mardi 31 juillet, le Saint-Père a conclu par un radiomessage en espagnol les grandes manifestations pour le IVe centenaire de la mort de saint Ignace de Loyola, l'illustre fondateur de la Compagnie de Jésus. Voici la traduction du message :

Comme le finale qui, en conclusion d'une grande composition, reprend et répète en les harmonisant tous les motifs et thèmes fondamentaux ; comme le dernier accord d'une symphonie qui résume tous les sentiments et impressions qu'elle contient, en les exaltant encore davantage ; comme la dernière strophe d'un hymne qui exprime sous la forme la plus vibrante la meilleure idée ; vous-mêmes pareillement — très chers fils, réunis en cette vallée de Loyola pour conclure les fêtes quatre fois centenaires de la mort du grand patriarche saint Ignace, — vous concluez maintenant ces commémorations si solennelles par un acte auquel Nous avons tenu à être présent, non seulement par l'esprit, mais aussi par la parole, comme Nous le fûmes à l'ouverture du centenaire et l'avons été toute l'année, chaque fois que l'occasion s'est présentée.



Le Saint-Père commence son message par une invitation à remercier le Seigneur pour les nombreux bienfaits spirituels de l'année ignacienne.

Que notre première expression soit donc un acte de reconnaissance et de gratitude envers le Dispensateur de tout bien. Quand il y a un an, Nous écrivions à Notre très cher fils le Préposé général de la Compagnie de Jésus, Nous pouvions certainement présumer que le centenaire que Nous ouvrions serait cligne de l'objet auquel il visait, et Nous ajoutions Notre désir qu'il revêtit un caractère avant tout spirituel pour le bien des âmes. Aujourd'hui, nous pouvons constater qu'il a été effectivement tel et que si, sur tous les points du monde, il a été commémoré par la presse, la radio et la parole directe, par des congrès et des manifestations publiques et privées, par des actes de simple piété et par de solennels hommages, sa note dominante a cependant été un véritable esprit de renouvellement intérieur. Et c'est vous précisément, très chers fils de la catholique Espagne, qui pouvez être Nos témoins, car, dans votre pays, si Nous ne faisons erreur, le centenaire a été marqué par deux points culminants, à savoir : les Exercices spirituels d'une part, prêches pour toute la nation au moyen de la radio et suivis avec tant de profit, et d'autre part le passage de la relique du Saint dans tous les diocèses espagnols, au point que quelqu'un a comparé ces manifestations à une grande mission nationale.

Il proclame que S. Ignace incarne admirablement l'âme espagnole.

l. — Il était juste que la patrie espagnole manifestât son estime et son affection pour un de ses plus illustres fils, dans lequel elle voit s'incarner le meilleur de son esprit et commémorer une de ses plus belles époques.

Cet adolescent hardi et généreux ; ce jeune homme fort, prudent et courageux, qui jusque dans ses égarements devait conserver ses aspirations élevées ; cet homme mûr, vaillant et résigné, de grand coeur et d'esprit naturellement enclin à de grandes choses ; ce Saint, surtout, dans le coeur duquel semblait entrer le monde tout entier, incarnait sans le savoir le meilleur des valeurs et des vertus de sa race et était, comme on l'a fort bien dit, « la personnification la plus vivante de l'esprit espagnol en son âge d'or », par sa noblesse innée, par sa magnanimité, par sa tendance à aller droit à l'essentiel, jusqu a franchir les limites du temps et de l'espace, sans rien perdre de cette très riche humanité, qui lui faisait vivre et sentir tous les problèmes et toutes les difficultés de sa patrie et de son siècle, dans le grand cadre général de l'histoire de l'Eglise et du monde.

Ce qui émerveille dans les extases les plus sublimes des mystiques espagnols de son propre temps ; ce qu'on peut ad-



mirer chez les grands théologiens qui se distinguèrent alors ; ce qui enchante dans les pages immortelles des écrivains, qui sont encore aujourd'hui un modèle d'une langue et d'un style ; ce que tant de gouvernants, de politiciens et de diplomates surent mettre au service de cet empire sur lequel le soleil ne se couchait pas ; tout cela trouve un reflet dans l'âme d'Ignace, au service d'un idéal supérieur, sans qu'il perde pour cela ce qui lui est propre et caractéristique.

Il convient donc que l'Espagne d'aujourd'hui, fille légitime de l'Espagne d'hier, acclamât un de ses fils qui l'ont le plus honorée.



. . et, qu'il est une gloire pour toute l'Eglise.

2. — Mais Nous vous regardons avec les yeux de l'esprit, très chers fils, et Nous voyons que beaucoup d'autres de Nos fils d'autres nations vous sont unis en ces jours, catholiques espagnols, comme pour proclamer que, si Ignace est un honneur pour sa patrie, il est aussi, et dans un sens plus réel, un honneur pour l'humanité et l'Eglise.

Les Saints sont toujours un honneur pour leur Mère, notre sainte Mère l'Eglise ; mais chez certains, et précisément en une époque où cette Mère avait peut-être davantage besoin de bons fils, on dirait que cette note s'est accentuée de façon particulière jusqu'à leur donner une physionomie distincte. Parmi eux, aucun ne dépasse Ignace, qui sut édifier sa sainteté, tout d'abord, sur l'amour le plus pur envers un Dieu « de qui proviennent tous les dons et biens » 2 ; sur ce même amour ensuite considéré comme service inconditionné de ce « suprême capitaine général des âmes fidèles, le Christ Notre Seigneur » 3 ; et, sur ce même service enfin, en tant qu'obéissance et soumission parfaites « à la véritable épouse du Christ Notre Seigneur, notre sainte Mère l'Eglise hiérarchique »i. On a fait beaucoup d'hypothèses sur la dame qui occupa les pensées du chevalier Ignace ; sans doute, n'arrivera-t-on jamais à une conclusion définitive sur cette question en réalité secondaire. Mais si l'on veut dire qui fut la dame qu'il servit sans condition depuis le moment de sa conversion ; qui fut celle pour qui il

Exercices spirituels, n. 237. lbid., n. 138. Ibid., n. 353.

rêva les plus grandes entreprises ; celle qui occupa la première place dans son coeur généreux, il n'y a aucun doute à affirmer que ce fut notre Sainte Mère l'Eglise, en tant que Christ vivant, en tant qu'Epouse du Christ, qu'il ne se contenta pas de servir toute sa vie, mais à laquelle il voulut laisser son oeuvre fondamentale, sa Compagnie, pour perpétuer en elle un esprit d'amour et de service, un esprit de sacrifice dans le service même, qui sont la raison d'être et la caractéristique fondamentale de cette milice.



Le Saint-Père souligne le dévouement tout spécial de S. Ignace pour le Pontife romain.

3. — Mais il y eut encore un autre aspect génial dans la sainteté d'Ignace que Nous-même, indigne Vicaire du Christ sur la terre, Nous ne pourrions en aucune manière passer sous silence. Car la sainteté d'Ignace passait de la gratitude à l'amour, de l'amour au service du Christ, du service et amour du Christ à l'amour et au service de son Epouse l'Eglise, et du service et amour de l'Eglise à l'adhésion filiale inconditionnée à Celui qui est la tête et le fondement de l'Eglise, au Christ vivant sur la terre, au Pontife romain ; le petit groupe d'étudiants de Montmartre déjà désirait se mettre à sa disposition ; les premiers Pères qu'Ignace amena à Rome aspiraient à lui consacrer leur vie ; à son service, enfin, doit se savoir consacré quiconque « désire militer pour Dieu, sous l'emblème de la Croix, et servir seulement le Seigneur et l'Eglise, son épouse, sous le Pontife Romain, Vicaire du Christ sur la terre » 5.

5 Lettre apostolique Exposât Aebitum, 21 juillet 1550.




Au-dessus de tous les défauts et de toutes les ombres qui, à une époque déterminée, pourraient obscurcir n'importe quelle institution, Ignace, les yeux levés vers le ciel, se sentit et se proclama soldat au service du Vicaire du Christ, se lia à lui de la façon la plus étroite et lui voua toute sa vie, toutes ses initiatives, en faisant de cette étroite union et de cette soumission comme l'âme même de la vie de ses fils, qui, au service du Pontificat Romain et de l'Eglise, ont combattu et combattent encore sous tous les cieux, sans jamais s'arrêter a penser à des récompenses ni à des sacrifices. Et vous le savez bien vous-mêmes, très chers fils d'Espagne, quand, en des jours qui ne sont encore guère éloignés, vous avez pu admirer l'exemple de centaines et de milliers d'hommes, expulsés de leurs demeures et de leurs nations, dépouillés de tout et en bonne partie, contraints à l'exil ; quand vous avez pu admirer non seulement le silence et la paix, mais même l'allégresse avec laquelle ils supportaient tout, parce que précisément la principale raison d'une si grande injustice était leur adhésion et leur soumission au Vicaire du Christ.



Puis il fait un vibrant éloge des vertus de ce saint.

Figure humaine de premier plan, enrichie des grâces de la sainteté ; bon serviteur de l'Eglise, à laquelle il consacra sa vie et son oeuvre ; soldat fidèle du Pontificat, auquel il a laissé comme précieux héritage une très fidèle milice qui vit de son esprit. Lutteur inlassable et très grand contemplatif ; tenace dans ses desseins et doux dans la manière de les réaliser ; religieux dans toutes ses pensées, mais sans se détacher des réalités qu'impose la vie ; très large dans ses critères, mais capable de réduire à une conclusion très claire le problème le plus compliqué ; rigide dans les principes et compréhensif avec les hommes, auxquels il s'imposait davantage par ses qualités morales que par ses dons intellectuels ; raisonneur inflexible, qui savait abriter dans son coeur toutes les délicatesses et toutes les tendresses ; prévoyant juqu'à l'extrême détail en toute chose, mais en même temps d'une confiance surnaturelle dans la réalisation de ce qu'il se proposait ; aimant le Christ jusqu'à la folie, modeste, humble, sacrifié, pauvre en sa personne et en ses biens, solide dans ses principes et dans sa conduite, uni indissolublement à son Dieu, qu'il savait voir en tout : tel fut Ignace de Loyola, capitaine des milices du Christ, soldat du Pontificat et de l'Eglise.

Regardez-le, très chers fils ; il Nous semble le voir sortir par l'arche centrale de la pénombre de son vieux château, sous l'écusson rugueux qui lui rappelle les gloires de ses ancêtres. Il est encore vêtu en cavalier, mais avec simplicité ; il a une jambe bandée et marche difficilement jusqu'à ce qu'il arrive sous le premier rayon du soleil couchant, qui l'attend à la limite de l'ombre ; nous voyons mieux alors son visage grave et une étrange lumière qui jaillit de ses yeux, comme si le ciel se reflétait en eux. Ira-t-il dire un « Ave », comme tous les soirs, à la Vierge d'Olaz ? Il se met en marche, il boite un peu ; mais non, pas aujourd'hui ; aujourd'hui, il promène un moment son regard sur toute la vaste vallée, il tourne la tête vers la gauche et commence à gravir la côte d'Izarraiz. H monte, monte, s'élève de la terre, domine les hauteurs l'une après l'autre et, enfin, se retourne pour les regarder. Contemplez-le vous aussi en ce monument que votre piété veut lui dédier ; ses vêtements de cavalier se sont convertis en une armure de guerrier, son corps s'est transformé en bronze pour défier les siècles ; ses pieds reposent sur une quille de vaisseau comme s'il voulait fendre les flots du monde, toute sa personne a grandi jusqu'à dominer le vide, jusqu'à apparaître aux fenêtres du monde au-dessus de sa vallée, au-dessus des Pyrénées, au-dessus de sa patrie, au-dessus de son siècle. C'est le destin des saints, des grandes âmes, au contact de cette lime inexorable et sourde qui s'appelle le temps, au lieu de se ronger et réduire jusqu'à disparaître, de grandir avec la perspective des siècles, comme votre monument dont on ne peut guère, de près, distinguer ce qu'il représente, mais qui, de loin, gagne sans cesse en grandeur et en majesté.



Le Saint-Père termine par une invocation à S. Ignace pour l'Espagne et l'Eglise.

Que de ces hauteurs ou, mieux encore, des hauteurs du Ciel, Ignace bénisse sa terre natale qu'il aima tant, toute cette Espagne qu'il honora et servit si généreusement ; qu'il continue à intercéder pour cette Eglise dont il se sentit si profondément le fils ; que par son intercession et par le service de ses fils zélés continue toujours son oeuvre aux ordres des Vicaires du Christ, qui l'ont tant distingué par leur amour paternel.

C'est un gage de tous ces dons et grâces que veut être Notre Bénédiction : pour vous, très cher Fils, Notre Légat, qui Nous avez si dignement représenté, avec Nos Frères dans l'épiscopat, et tous les prêtres et religieux présents ; pour le Chef de l'Etat espagnol, avec toutes les autorités civiles et militaires, qui ont su contribuer avec une piété si édifiante au plus grand éclat de ces solennités ; pour tous Nos fils ici présents ; pour toute la très chère Compagnie de Jésus ; pour toutes les régions et toute l'Espagne, ainsi que pour tous ceux qui écoutent Notre voix apportée par les ondes impalpables.




MESSAGE AU « MOUVEMENT INTERNATIONAL DE LA JEUNESSE AGRICOLE ET RURALE CATHOLIQUE »

(2 août 1956) 1






La première assemblée générale du « Mijarc » (Mouvement international de la Jeunesse agricole et rurale catholique) s'est tenue récemment aux environs de Nimègue, aux Pays-Bas, sur le thème suivant : l'influence du progrès technique sur la mentalité et la vie religieuse de la jeunesse rurale. A cette occasion S. S. Pie XII a daigné envoyer aux congressistes un Message, en langue française, dont voici le texte :

Nous sommes heureux de vous adresser notre salut paternel, chers fils et chères filles de la jeunesse agricole et rurale, qui vous réunissez en terre hollandaise pour la première assemblée générale de votre nouveau Mouvement international catholique. Certes votre mode d'existence, à la campagne, semblait devoir vous attacher, plus que d'autres, aux horizons familiers du sol natal et vous maintenir à l'écart des vastes regroupements qui rassemblent aujourd'hui, par delà les frontières, hommes et institutions ; et néanmoins vous avez ressenti, vous aussi, le légitime besoin de vous réunir pour confronter vos expériences particulières, soutenir les efforts apostoliques des uns et des autres, et faire entendre dans le concert des relations internationales, une voix saine et forte, aux accents juvéniles, écho fidèle des meilleures traditions morales et religieuses de vos pays respectifs.

Bien volontiers Nous encourageons l'action ainsi entreprise, connaissant l'esprit de filiale obéissance qui vous anime et les liens fraternels que vous avez noués avec les autres organisations de jeunesse catholique. Votre génération, en effet, verra sans doute, en bien des contrées, l'implantation des techniques nou-
1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano, du 14 septembre 1956.


velles dans l'exploitation agricole, avec toutes ses conséquences immédiates ou lointaines, sur l'économie rurale et les conditions de vie du monde paysan. Ne craignez pas d'affronter ces responsabilités et préparez-vous à le faire en chrétiens. N'appartient-il pas aux fils de l'Eglise d'être présents et actifs dans notre humanité en travail, pour la préserver des errements qui la guettent et y promouvoir, dans la foi et la charité, l'instauration du règne de Jésus-Christ ?

A cet égard, Nous apprécions le thème de travail de votre Assemblée, car, pour agir efficacement, il faut avoir scruté d'un regard lucide, l'influence des techniques et des structures sur la mentalité des jeunes et les répercussions de cette mentalité sur leur vie religieuse. Mais ne vous contentez pas de cette analyse. Considérez plutôt, avec une surnaturelle confiance, les richesses qui sont les vôtres ; puisez largement dans les enseignements de l'Eglise. Le message chrétien, toujours jeune d'âge en âge, peut aujourd'hui encore renouveler la mentalité d'une jeunesse qui se cherche ; il peut et doit être l'âme d'une civilisation rurale, qui intègre les progrès valables dus aux moyens techniques, tout en sauvegardant ses valeurs ancestrales de respect de la famille, de sens de l'autorité, de courage au labeur, de simplicité de vie, d'entraide, et tant d'autres encore. Dépositaires d'une tradition, vous n'êtes pas les défenseurs égoïstes ou aveugles de formes dépassées, mais les possesseurs d'un trésor d'où l'on tire sans cesse des choses nouvelles et anciennes pour le bien de la communauté entière.

Pour accomplir cette tâche dans la vérité, soyez vous-mêmes pénétrés de l'esprit du Christ, vivant de sa vie par une fréquentation régulière des sacrements, assidus à la prière,

fidèles

à la doctrine, dociles en tout à ceux que l'Esprit-Saint a établis pour régir l'Eglise de Dieu (Ac 20,28). A ces conditions, vous serez, au milieu de la jeunesse agricole et rurale de vos pays respectifs, ce ferment qui, mêlé intimement à la pâte, la fait lever tout entière. Que grâce à vous se lève effectivement dans les campagnes, — « ce vivier d'hommes sains d'âme et de corps » —, une génération chrétienne, tournée avec confiance vers l'avenir, parce que le Message du Christ est, pour l'humanité, un Message d'espérance et de salut.

C'est dans ces sentiments qu'appelant sur vos présidents, vos aumôniers et sur vous tous, chers fils et chères filles, une large effusion de grâces, Nous vous accordons de grand cceur Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS A UN GROUPE INTERNATIONAL DE CANCÉROLOGUES

(19 août 1956) 1






Le Souverain Pontife a reçu à Castelgandolfo, le 19 août, les participants aux réunions d'organisations adhérentes de l'Union internationale contre le cancer, tenues à Rome du 10 au 21 août. Le groupe avait à sa tête le président de l'Union, professeur ]. Maisin, de l'Université de l.ouvain. Il leur a adressé le discours suivant en français :

Nous saluons avec un intérêt particulier l'illustre assemblée de cancérologues réunie sous les auspices de la Ligue italienne pour la lutte contre les tumeurs. Ce n'est pas sans émotion, vous le comprenez, Messieurs, que Nous contemplons en vous l'espérance de tant de malades, et même, au-delà de leurs maux trop souvent incurables, l'espérance de toute l'humanité. Déjà en 1949, Nous avons eu le plaisir de recevoir plusieurs d'entre vous et de leur adresser la parole à l'occasion de la « Semaine d'études sur le problème biologique du cancer » organisée par Notre Académie pontificale des Sciences. 2



Le Saint-Père loue le travail persévérant et admirable des cancérologues dans la recherche du remède du cancer.

Depuis lors les recherches n'ont cessé de progresser ; l'opinion publique est devenue plus sensible encore à tout ce qui touche au domaine du cancer. Il suffit d'évoquer l'agitation que suscite l'annonce de quelque découverte pour mesurer l'attente anxieuse de ceux qui souffrent et de leurs amis, impuissants à les soulager. Dans la plupart des cas, hélas, les nouvelles aux-



1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 666.

2 Cf. Documents Pontificaux 1949, p. 211.

quelles Nous faisons allusion ne soulèvent que des espoirs éphé mères. Votre armée patiente de chercheurs a derrière elle une si vaste expérience, tant de documents scientifiquement analysés et classifiés, qu'elle ne peut se faire illusion sur la complexité des problèmes et l'extrême difficulté d'une solution réelle.

C'est pourquoi vous éprouvez le besoin de mettre souvent en commun le résultat de vos recherches et de faire en quelque sorte le point de l'immense campagne poursuivie à travers le globe, sous toutes les latitudes et dans tous les milieux, pour arriver à mieux définir les causes et la nature spécifique des tumeurs malignes. Nous connaissons en particulier l'activité considérable de l'Union internationale contre le cancer, qui s'efforce d'établir une liaison entre les organisations des divers pays se consacrant à la lutte contre le cancer. Ces jours-ci se sont réunis la Commission de la Recherche et celle de la Lutte sociale, le Comité des Congrès internationaux et le Comité exécutif, qui assurent la répartition et la coordination des travaux, but essentiel de cette remarquable et grandiose institution. Il Nous plaît aussi de mentionner parmi les travaux récents le premier Symposium sur les antimitotiques tenu l'an dernier par la Ligue italienne pour la lutte contre les tumeurs.



Mais il faut reconnaître que malgré tant d'efforts la cause et la nature du cancer demeurent encore inconnues. Toutefois, un terrainr celui de l'étiologie, a fourni aux savants de précieuses données.

Chacun de vous représente ici tout un secteur de recherches, toute une famille de savants, des établissements renommes, dotés de moyens d'enquête, de matériel expérimental et de ressources, déjà considérables sans doute, mais encore insuffisants en regard des tâches immenses qui réclament votre attention. Le mal en effet est partout et sa fréquence augmente ; il se manifeste sous mille formes et semble provenir de causes extrêmement variées : sa raison dernière échappe encore à la science. Celle-ci en est toujours à la période d'observation et de défensive sans pouvoir engager contre le cancer la grande bataille, la bataille décisive, universellement attendue.

Un terrain cependant, celui de l'étiologie, a déjà fourni desdonnées intéressantes, et utiles en bien des cas. L'étude des tumeurs professionnelles et les expériences conduites méthodiquement sur les animaux ont révélé divers facteurs, dont la



présence concourt à provoquer les cancers. Votre réunion avait précisément à son programme un point particulier de ces recherches : essayer de mesurer l'influence possible de certains ingrédients chimiques introduits dans les produits alimentaires sur le déclenchement des carcinomes.

L'existence des substances dites cancérigènes est connue depuis longtemps. C'est au XVIIIe siècle que le chirurgien anglais Percival Pott dénonçait un certain rapport entre les tumeurs des ramoneurs et le noir de la fumée, dont ils étaient constamment couverts. Petit à petit on arriva à préciser l'agent chimique responsable ; puis de proche en proche on put déterminer divers groupes de substances, dont l'action sur l'homme et les animaux augmentait les risques et la fréquence des tumeurs. A défaut de précisions plus grandes sur le mécanisme qui provoquerait le désordre initial, on a constaté que la structure moléculaire elle-même semblait en relation avec la nature agressive du corps chimique inculpé. On incrimine en particulier certains dérivés de l'aniline, employés parfois comme colorants dans les produits alimentaires, et la grande presse s'est emparée, à son habitude, de telle déclaration à ce sujet, dont vous aurez eu sans doute à préciser la valeur.



Le Saint-Père évoque d'autres aspects du grave problème du cancer : difficultés du diagnostic ; ignorance et incurie des malades ; information insuffisante ou indécision du médecin.

A côté des aspects scientifiques de la lutte contre le cancer, les problèmes d'ordre social offrent aussi des difficultés appréciables. L'un de ceux-ci consiste à réaliser en temps utile le diagnostic exact du mal. L'expérience clinique démontre indubitablement que les chances de guérison sont liées à la promptitude avec laquelle le cancer peut être décelé avec certitude. Or deux types d'obstacles s'opposent trop souvent à ce diagnostic précoce : les uns proviennent des patients, les autres sont imputables aux médecins eux-mêmes. Chez les malades l'ignorance et la négligence jouent d'habitude un rôle néfaste : l'analphabétisme en particulier et la propension à utiliser des remèdes populaires, la méconnaissance des lois de l'hygiène et le retard apporté par incurie à la consultation du médecin ; on remarque que ces facteurs dépendent en général des mauvaises conditions sociales et économiques des intéressés. Le médecin peut également se rendre responsable d'une aggrava tion du cancer par suite d'une information insuffisante ou pa son indécision. Il arrive que la nature du mal ne soit pa soupçonnée ou aperçue, mais aussi qu'on exagère la gravité e le degré d'incurabilité, ou que l'on applique pendant un certain temps des remèdes incapables de procurer une amélioration sensible. Ces erreurs trouvent une excuse, d'abord, dans la complexité du diagnostic, mais aussi dans l'insuffisance de l'organisation sanitaire dépourvue des moyens efficaces d'action. Là où échouera le médecin isolé, un groupe de spécialistes bien entraînés n'aura pas de peine à formuler un jugement sûr et à orienter le malade vers les solutions les plus indiquées.

Une fois établie avec certitude la présence du cancer, le médecin doit affronter un autre type de problème : celui de l'application des moyens thérapeutiques. C'est alors qu'avant de recourir aux ressources que lui offrent la chirurgie, la chimiothérapie, les rayons X, le radium, il importe de percevoir nettement le but à atteindre et la manière dont il faudra doser chacun de ces procédés. Avant tout, que le praticien considère l'homme tout entier, dans l'unité de sa personne, c'est-à-dire non seulement son état physique, mais aussi sa psychologie, son idéal moral et spirituel et la place qu'il occupe dans son milieu social. Quelles seront les conséquences pratiques des interventions qu'il se propose ? Dans quelle mesure lui est-il permis de risquer une opération grave, dangereuse et comportant des sacrifices importants ? Quel profit le malade en reti-rera-t-il ? Au lieu de lui imposer des infirmités lourdes et permanentes, qui le réduiront à l'inactivité presque totale, ne vaut-il pas mieux qu'il continue à travailler aussi longtemps que son mal le lui permet ? Parfois, au contraire, le souci de soulager la douleur, de prolonger un peu la vie, d'apporter un réconfort indispensable, autorisera des traitements onéreux, dont l'issue ne laisse guère d'espoir.

Dans chaque cas, s'impose au médecin une réflexion approfondie, une véritable méditation, où les facteurs d'ordre humain entreront en ligne de compte bien plus que les autres. Quelle responsabilité pour celui qui tient en main les décisions dernières ! La science pure ici s'efface devant une compréhension large, désintéressée, sensible à tous les impondérables d'ordre affectif, qu'un esprit trop rigide ne saisit pas. La médecine tire une part de sa grandeur de cette requête imperieuse, qui la contraint de prêter une attention inlassable aux plus humbles éléments d'ordre physique, comme aux mobiles secrets et parfois étrangement puissants qui animent une volonté.



le Saint-Père termine en faisant des voeux fervents pour que les admirables travaux des cancérologues soient couronnés de succès et aussi pour que soit combattu cet autre mal, non moins grave, qu'est le péché.

Au terme de ces journées d'étude, Nous voulons vous adresser, Messieurs, Nos voeux les plus sincères et Nos encouragements, car Nous ne pouvons penser sans douleur à la somme énorme de souffrances, qui pourrait être épargnée à l'humanité, si la nature intime et les causes profondes du cancer étaient mieux connues. Nous demandons à Dieu d'éclairer vos esprits, de susciter les intuitions de génie qui font avancer la science ; mais Nous lui demandons surtout pour chacun de vous la patience et la persévérance dans un travail souvent fastidieux et décevant. Là où d'aucuns pourraient parfois s'exaspérer, l'homme soutenu par la foi, par l'amour de Dieu et du prochain, offre généreusement ses efforts au Seigneur, en une prière et une supplication. Si le Créateur a permis le déclenchement de ces anomalies redoutables que sont les carcinomes, il a permis aussi les anomalies encore plus graves, que sont les péchés, et les maux de l'âme. Dans leur grand effort de collaboration fraternelle, les hommes arriveront bientôt, Nous l'espérons vivement, à prévenir, réduire, ou même supprimer les premières ; mais Nous voudrions encore davantage les voir s'unir avec ardeur et persévérance pour lutter contre le mal moral, bien pire que la maladie du corps. Il serait faux de prétendre qu'une telle union et une telle lutte n'existent pas et ne portent pas leurs fruits ; mais pourquoi faut-il qu'il y manque si souvent l'intense application, avec laquelle l'humanité poursuit et combat la douleur ?

Telle est la pensée que Nous a suggérée, Messieurs, 1 examen de vos travaux admirables, et Nous la livrons à vos méditations. Nous ne manquerons pas d'adresser au Tout-Puissant Nos prières pour leur plus grand succès, et en gage des grâces d'En-Haut et comme signe de Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons, à vous tous ici présents, à vos familles, à vos collaborateurs et à vos amis, Notre plus large et plus cordiale Bénédiction apostolique.




Pie XII 1956 - LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A SON ÉMINENCE LE CARDINAL LÉGER A L'OCCASION DE LA SEMAINE SOCIALE DU CANADA