PieXII 1955 - EXHORTATION AU MONDE CINÉMATOGRAPHIQUE


LETTRE POUR LE CENTENAIRE DU TIERS-ORDRE CARMÉLITAIN DU MALABAR

(30 octobre 1955) 1

A l'occasion du premier centenaire du Tiers-Ordre Carmélitain Malabar, le Saint-Père a fait parvenir la lettre suivante, au Supérieur Général, le T. R. P. Maur de l'Addolorata :

Tout ce qui arrive d'heureux à la Communauté des chrétiens Malabars, Nous est à Nous aussi agréable, car Nous avons envers eux tous, des sentiments paternels et très aimants. C'est pourquoi, comme on Nous a informé que le Tiers-Ordre des Carmes Déchaussés Malabars, dont vous êtes le digne chef, allait bientôt célébrer le premier centenaire de sa fondation, Nous voulons par cette lettre prendre part à vos fêtes, vous féliciter de tout ce qui a été accompli dans le passé, et vous souhaiter d'atteindre encore à un plus grand accroissement. Nous savons, en effet, que vous travaillez de toutes vos forces à faire luire la vérité catholique chez les peuples des Indes : par des éditions nombreuses ; par des maisons d'éducation pour l'instruction de la jeunesse, et même par des établissements d'enseignement supérieur ; par l'impulsion la plus grande possible donnée aux Missions ; et par des institutions propres à favoriser la piété chrétienne, la religion et la charité.

Nous n'ignorons pas non plus avec quel zèle vous aimez la discipline de votre Ordre et, comment vous tendez de toutes vos forces à ce qu'elle soit accomplie toujours mieux et avec toujours plus d'ardeur : et cela, non seulement en ce qui concerne la vie cachée et contemplative, mais aussi la vie active : c'est-à-dire soit en priant et en méditant avec piété, soit en vous adonnant avec une ardeur digne de louange au ministère sacré, et à toutes les oeuvres de secours et d'assistance religieuse. Sans aucun doute, vous avez devant les yeux cette parole de l'Apôtre


TIERS-ORDRE CARMELITAIN DU MALABAR

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Jacques: « Tout don excellent, toute grâce parfaite descend d'en haut, du Père des Lumières » (Jac. I 17). C'est pourquoi, si Dieu ne les inspire et ne les aide pas, les oeuvres des hommes sont vaines, car « nous ne sommes pas capables par nous-mêmes de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes ; mais notre aptitude vient de Dieu » (II Cor. III, 5). Néanmoins, il ne faut pas seulement s'adonner à prier Dieu ou à la contemplation des choses célestes, mais aussi se consacrer à un apostolat généreux, selon cette très sage parole de S. Thomas d'Aquin : « Comme ... il est plus grand d'illuminer que de briller seulement, ainsi il est plus grand de transmettre aux autres ce qu'on a contemplé, que de contempler seulement2. » Continuez donc à vous adonner, comme vous le faites au zèle de la piété et à toute chose qui puisse faire briller aux yeux des autres la vérité catholique, et qui puisse aussi conduire heureusement le plus grand nombre possible de vos compatriotes aux préceptes chrétiens et aux moeurs d'une vie chrétienne.

Et que vous soutienne du haut du ciel, la protection de la Bienheureuse Vierge Marie, honneur du Carmel, que vous honorez avec un tel soin, que vous aimez avec un tel zèle. Ne détournez pas vos yeux, ne détournez pas votre esprit, ni votre âme, de l'éclat de cet astre. Regardez Marie ; dans les dangers, les angoisses, les doutes, pensez à Marie, invoquez Marie. Qu'Elle ne quitte pas votre bouche, qu'Elle ne quitte pas votre coeur3. Que soit toujours présente à votre esprit cette phrase du Docteur Mellifluus : « Si tu la suis, tu ne dévies pas ; si tu la pries, tu ne désespères pas ; si tu penses à elle, tu n'erres pas. Si elle te soutient, tu ne tombes pas ; si elle t'est propice, tu parviens au but.4 » Donc dans les travaux apostoliques et les difficultés de votre ministère, réfugiez-vous sous sa toute-puissante protection ; si elle prie son divin Fils, vous ferez certainement l'expérience qu'il n'est jamais rien que, avec l'aide de la grâce céleste, vous ne puissiez conduire à un heureux succès.

Confiant en ce doux espoir, Nous vous donnons bien volontiers à vous, cher Fils, et à tous les membres de votre Ordre, la Bénédiction apostolique, afin qu'elle vous soit pour vous tous le gage et le signe des dons célestes, comme de Notre plus grande bienveillance.

S. Thomas: Somme théologique Ha, Hae, q. 188, a. 6, 3.

Cf. S. Bernard, super Missus est homil. II, no 17 ; Migne P. L., 183, col 70-c, D. Ibid. ; Migne P. L., 183, col. 71-a.


ALLOCUTION AU «NATO COLLEGE»

(ier novembre 1955) 1

Le mardi, 1er novembre, le Saint-Père a reçu un groupe d'officiers et civils appartenant au « NATO Collège » 2.

En réponse à l'hommage des membres de cette délégation de l'Ecole, le Souverain Pontife leur a adressé en français Y allocution suivante :

Le voyage d'étude que vous accomplissez actuellement à travers les pays membres du Pacte Atlantique en Europe et dans le Proche-Orient vous a conduits à Rome, Messieurs, et vous avez voulu profiter de cette occasion pour Nous rendre visite. Nous sommes vivement touché de votre délicate attention et vous en remercions très sincèrement. De lourdes responsabilités vous ont été confiées par vos pays respectifs ; vous vous préparez au N.A.T.O Collège à assumer des fonctions directrices dans le cadre de l'Organisation Atlantique, et vous vous appliquez à résoudre les graves problèmes que comporte la défense militaire des Etats qui en font partie.

Que la coopération entre les nations doive s'exprimer d'abord sur ce plan, c'est encore, hélas, une nécessité dans un monde profondément divisé, mais elle ne tempère en rien, Nous en sommes convaincu, leur désir sincère de maintenir la paix. D'ailleurs il ne vous échappe pas combien le problème de la défense englobe bien d'autres aspects que celui de l'équipement et de l'organisation de forces armées ; il est conditionné en effet par l'état général d'un pays, son idéal social et politique, son adhésion à une façon de penser et de vivre pleinement digne de l'homme et conforme aux exigences de sa nature, par son désir de s'employer sérieusement à élever sans cesse son niveau économique et culturel, en un mot, par son dynamisme profond, sa volonté de vivre, et de vivre non point replié sur lui-même dans l'affirmation orgueilleuse de sa puissance, mais au service de la communauté internationale et dans un esprit de sincère collaboration.

Nous osons espérer, Messieurs, que vous contribuerez pour votre part à entretenir ces conditions d'une paix féconde et durable. Tous Nos voeux vous accompagnent en même temps que Nous implorons la divine Providence pour vous-mêmes, vos familles et les peuples que vous représentez.


DISCOURS A LASSOCIATION ITALIENNE DES MAITRES CATHOLIQUES

(4 novembre 195s)1

Le Souverain Pontife a accordé le matin du vendredi 4 novembre une grande audience dans la Basilique Vaticane à l'Association italienne des maîtres catholiques, à l'occasion de son dixième anniversaire. Il a adressé à la foule des présents un important discours en italien, dont voici la traduction :

La joie intime que Nous éprouvons, chers fils et filles, à vous voir réunis en si grand nombre en Notre présence pour célébrer la dixième année de votre Association de maîtres catholiques, est semblable à celle que ressent celui qui, après avoir semé en fin d'automne et cultivé avec une active confiance toute une longue saison, contemple l'étendue ondoyante de la moisson et voit dans les épis gonflés la certitude d'un avenir meilleur.

Il est juste qu'à Notre réconfort s'unisse votre allégresse, si ardemment exprimée et pour ainsi dire répétée en écho dans la majesté du plus grand temple, comme un hymne de remerciement à Dieu, de qui toute oeuvre bonne et féconde tire origine et développement.

Dix années de fatigues assidues, de luttes victorieuses, de conquêtes obtenues dans le domaine ardu et délicat de l'éducation : c'est là le don précieux que vous voulez offrir aujourd'hui au Vicaire du Christ, qui, vous le savez bien, a tant à coeur l'enfance et, par elle, le sort futur de l'Eglise et de votre patrie.

Importance du rôle des maîtres dans l'éducation des enfants.

Et, vraiment, de quelles autres personnes, sur terre, après les parents, dépendrait surtout le destin religieux et civil de la


MAITRES CATHOLIQUES

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nation, si ce n'est des maîtres des écoles élémentaires, entre les mains de qui, en vertu de la loi, doit passer toute l'enfance ? C'est à vous que vont donc Notre gratitude et celle de la société civile pour les larges et bons résultats obtenus au cours de ces dix années, tandis que se posent sur vous Notre regard et celui des familles, anxieux de vous voir perfectionner l'oeuvre commencée grâce à la vigilante volonté qui anime votre solide organisation.

Les maîtres catholiques répondront-ils dans l'avenir à Nos ardentes espérances ? Ce n'est pas douteux, car ils en donnèrent une excellente preuve dans le passé. En effet, on doit à la hardiesse éclairée d'un valeureux groupe de catholiques la première idée et les premières entreprises de l'Association au début de 1944, quand la guerre ravageait encore le sol de votre patrie. A peine formés en un groupe compact, vous avez voulu recevoir de Nous-même les indications générales sur les voies à suivre : et Nous vous les avons volontiers données à la mémorable audience du 4 novembre 1945, jour que vous avez voulu, en une filiale pensée, fixer comme date de naissance de votre Association.

Magnifique essor de l'association des maîtres catholiques.

Ce fut là un jour heureux, car tout ce que Nous souhaitions et implorions alors du divin maître Jésus, de qui vient toute grâce, et que Nous réclamions de vos efforts, est devenu aujourd'hui une splendide et visible réalité. L'Association des maîtres catholiques est désormais organisée dans chaque diocèse et chaque province avec 1310 sections et avec un nombre d'inscrits qui atteint environ le 80 pour cent des maîtres italiens. Cela, sans aucun doute, parce que dans peu de catégories il y a, comme dans la vôtre, une si complète santé morale et une telle conscience de sérieuses résolutions, et aussi parce que votre Association a su travailler inlassablement à réunir et conserver ces précieuses énergies sous l'étendard de Jésus-Christ, unique maître des grands et des petits. Nous louons le travail que vous avez accompli avec tant de zèle pour préparer les propagandistes nationaux et locaux, pour la formation religieuse et professionnelle des maîtres, et Nous ne pouvons taire Notre satisfaction pour l'action digne et intelligente visant à obtenir les justes améliorations économiques et juridiques, sans céder toutefois à la suggestion d'une facile démagogie, toujours néfaste, spécialement en ce qui concerne l'école. Il faut aussi signaler que votre présence nombreuse et unie a fait conquérir aux catholiques la majorité absolue dans toutes les assemblées de caractère électoral. Pour cette oeuvre si efficace, Nous vous exprimons Notre satisfaction et vous exhortons à continuer avec le même zèle et au même rythme, afin que là où l'enfance d'Italie passe ses plus belles années, resplendisse toujours la grâce de Jésus, ami des enfants.

Mais vous voulez entendre aussi une parole d'exhortation de Notre part, avec quelques réflexions simples et nécessairement incomplètes, sur ce que le maître doit être et sur ce qu'il doit savoir, vouloir et faire pour répondre dignement à la haute vocation qui lui est confiée.

Directives du Saint-Père : être des hommes complets et des chrétiens qui donnent l'exemple.

Avant tout, que doit être le maître ?

Il semble à certains que le mot instituteur dise davantage que le simple terme de maître, et ils seraient disposés à substituer celui-là à ce dernier. Cela ne Nous paraîtrait pas opportun, chers fils et filles, et, à juste titre, vous continuez à vous appeler maîtres catholiques. Le maître est le plus haut titre qui puisse être donné à un instituteur ; sa fonction exige quelque chose de plus élevé et de plus profond que celle de celui qui communique simplement la connaissance des choses. Le maître est celui qui réussit à tisser des rapports d'intimité entre son âme et celle de l'enfant ; c'est celui qui s'applique personnellement à orienter vers la vérité et vers le bien, la vie inexpérimentée du disciple ; en un mot, qui en modèle l'intelligence et la volonté pour en tirer, dans les limites du possible, un être de perfection humaine et chrétienne. Il ne faut pas croire non plus que parce qu'il est élémentaire le maître — digne de ce nom — ait moins droit au respect inconditionné et universel de son pays. A l'école élémentaire, on apprend les éléments de base, qui pour tous demeurent un fondement de la future construction intellectuelle, et pour la plupart l'unique patrimoine scolaire, dont ils pourront disposer durant toute la vie.

Que devez-vous donc être ?

Les vrais maîtres doivent être des hommes complets et intégralement chrétiens, c'est-à-dire des imitateurs de l'unique Maître divin, Jésus-Christ.

Laissez-Nous, chers fils et filles, vous confier Notre amertume en voyant que même ici, en Italie, se multiplient des écoles, où, sous de spécieux prétextes et d'inoffensives apparences, en réalité on ignore Jésus ou, pis encore, on enseigne à le combattre et à l'exclure partout où on le trouve : c'est-à-dire dans les pensées, dans les coeurs, dans les familles, dans la société. Que pourront donc apprendre ces pauvres garçons et fillettes, dans ces murs profanés, de maîtres qui n'enseignent pas la vérité, qui ne connaissent pas et, par conséquent, ne peuvent montrer le chemin qui conduit à la vraie Vie ?

Heureusement, la grande majorité des maîtres élémentaires a plusieurs fois affirmé la résolution de ne vouloir en aucune manière trahir l'enfance qui lui est confiée, et il est arrivé que même là où la résistance d'autres catégories s'écroulait en partie, vous vous êtes opposés intrépides, en repoussant toutes les sollicitations et n'importe quelle menace. Mais il ne suffit pas, chers fils, que vous vous soyez déclarés catholiques ; il est en outre nécessaire que vous viviez votre propre foi ; non seulement vous devez donc exposer les vérités à croire et indiquer la voie à suivre ; il faut également que vos enfants voient chez vous ce qu'ils entendent de votre part. S'il n'en était pas ainsi, bien faible serait l'efficacité de votre enseignement. Nous vous exhortons donc à vous appliquer à un christianisme intégral ; et, afin que ne vous semble pas trop ardu le but que Nous vous indiquons, voici que Nous le ferons avec les paroles que prononça le divin Maître en s'adressant à la foule de ses auditeurs : Pour entrer dans le royaume des cieux, devenez comme ces enfants : efficia-mini sicut parvuli (Matth. XVIII, 3) : purs, simples, humbles, généreux.

Ce que les maîtres doivent savoir.

Il ne faut pas croire que comme les enfants, objets de votre oeuvre éducatrice, sont encore petits, vous puissiez vous contenter d'être médiocres humainement, spirituellement et moralement. On sait fort bien, en effet, que plus on travaille sur le « petit », plus il est nécessaire d'être capable. Est-ce que le Créateur du monde immense des astres, dont il dirige les mouvements avec une admirable harmonie, ne démontre pas une sagesse et- une puissance égales en réglant ceux imperceptibles de l'atome et de ses composants, qui suscitent même une plus profonde sensation de stupeur ? Celui qui a appelé les enfants des hommes en miniature a indirectement réclamé pour leurs maîtres une grandeur d'esprit non élémentaire. Nous ne parlons certainement pas des connaissances que vous devez avoir, afin que vous puissiez les transmettre à l'enfant. Mais si l'on ne peut même pas concevoir le cas d'un maître qui ne sache pas ce qu'il doit enseigner, il n'est nullement impossible de constater chez tel ou tel un certain manque de préparation au sujet de la manière dont cet enseignement doit être donné ou au sujet de l'objet qu'il doit avoir.

Bien connaître la nature de l'enfant.

Vous devez connaître l'enfant en l'étudiant, et vous arriverez à cela si vous l'observez directement en vous servant avec diligence de l'aide que vous offre la pédagogie. L'enfant est un petit être fragile, complètement tendu vers la vie, qui éclôt et se développe comme une fleur de printemps. Un petit être en quête de mouvement et de jeu ; aimant tout ce qui l'aide à se croire grand, déjà autonome, de plus en plus responsable de ses actions. Extraordinairement divers dans leurs aspects et dans leurs exigences, certains enfants impressionnent par leur développement physique en retard, d'autres inspirent des craintes par leur précocité aussi bien intellectuelle que morale ; ceux tout à fait tarés ne manquent pas, tandis que d'autres promettent de grandes et belles choses par leur intelligence extraordinaire et leur diligence peu commune : certains sont inquiets, turbulents, d'autres calmes et réfléchis. Il ne suffit pas de connaître les enfants individuellement, il faut aussi savoir leur parler. En vérité, on peut dire que peu de gens sont capables d'écouter comme les enfants, car personne n'a autant qu'eux soif d'apprendre ; en effet, quoi que ce soit qui tombe sous leurs regards provoque leurs interrogations, qui sont faites avec une insistance et, parfois même, avec une indiscrétion qu'aucun de vous n'ignore. Mais si les enfants veulent apprendre et savent même écouter avec patience, il importe grandement que les maîtres apprennent le plus possible l'art de parler, pour exprimer et imprimer les choses dans les petites pensées de leurs écoliers ; sans les déformer, naturellement, en aucune manière, ils doivent toutefois les transformer, en employant des termes simples et appropriés ; mais sans tomber pourtant dans des expressions et des manières exagérément puériles. En outre, les enfants ont, plus que les adultes, un grand besoin de voir : il ne faut donc rien négliger de tout ce qui peut aider leur imagination ; de même, il faut éviter la monotonie, la longueur excessive et la multiplicité des sujets. On réclame donc du maître la sagesse encore plus que la science, la profondeur encore plus que l'ampleur des connaissances, surtout la sollicitude empressée pour l'avenir des enfants, malgré leur instabilité présente ; c'est à cela que doivent viser tous les efforts. Le maître est le bon semeur qui jette à pleines mains le blé dans les sillons, en choisissant avec prévoyance le temps, le lieu et le mode, afin qu'aucun grain ne se perde, mais que chacun fructifie abondamment.

Ce que les maîtres doivent donner : l'instruction profane et surtout la formation religieuse...

Comme instituteurs, vous devez vous soucier que les enfants acquièrent toutes les connaissances absolument indispensables à la vie. Vous serez donc fidèles aux programmes établis, en exigeant avec une douce fermeté que les enfants qui vous sont confiés les exécutent avec diligence suivant leurs capacités. Comme instituteurs catholiques, vous vous soucierez particulièrement que la religion soit apprise par eux d'une manière claire, organique et par conséquent vivante ; surtout vivante, non seulement parce qu'ils manifesteront de l'intérêt à l'égard de sa connaissance, mais dans le sens que la religion est vie, c'est-à-dire facteur indispensable pour vivre, soit comme solution des incertitudes et des doutes, soit comme aide pour triompher dans les luttes, aujourd'hui petites et demain plus grandes ; comme refuge au milieu des séductions naissantes du mal ; comme lumière et guide pour leurs actions, devoirs, renoncements et rapports avec le monde extérieur. Pensez que bon nombre de ces enfants ne fréquenteront pas le catéchisme paroissial par la négligence ou l'aversion de parents malavisés ; d'autres n'auront sans doute plus, même pas comme adultes, l'occasion de l'apprendre et de l'approfondir.

. Les belles vertus humaines...

Afin donc que ne manque pas à ces petits l'aliment de la doctrine chrétienne, usez fermement de votre droit à l'enseigne-

ment est nécessaire, pour d'autres le reproche est utile ou même le châtiment. Rappelez-vous : les âmes sont créées une à une, et non en série, par Dieu, qui se complaît à n'en faire aucune pareille à l'autre. Appelées à être des plantes de Dieu pour Sa gloire, elles réalisent leur vocation de façon diverse ; cela par la variété même du spectacle que doit offrir le champ où travaille avec assiduité et amour le divin Agriculteur. Prenez soin, enfin, d'exiger graduellement ce que vous voulez obtenir de vos petits. Sauf, des cas réellement exceptionnels, Jésus veut — et vous devez le vouloir vous aussi — que les plantes confiées à vos soins croissent non point hâtivement, en une seule fois, mais petit à petit. Si vous voulez donc les amener à une certaine hauteur, si vous voulez les voir fleurir et fructifier au maximum, vous devez savoir attendre. Car trop presser les enfants, pourrait signifier les exposer à trébucher et à tomber ; de même que poser sur leurs épaules des poids qu'ils ne peuvent encore porter, signifierait leur faire ralentir la marche, si ce n'est même s'arrêter.

Nous vous avons exposé, chers fils et filles, quelques suggestions pratiques pour votre noble tâche d'éducateurs, si proche de la Nôtre de Pasteur de toutes les âmes. Accueillez-les, comme vous le fîtes déjà dans le passé, avec une docilité et une confiance filiales.

maîtres doivent avoir confiance en l'Eglise.

Que demeure perpétuellement en vous le souvenir de cette rencontre avec Nous, comme vivant témoignage de la sollicitude, jalouse voudrions-Nous dire, avec laquelle la sainte Eglise, mère commune et aimante des générations humaines, s'occupe de l'éducation de l'enfance. Est-il donc nécessaire de répéter avec des mots ce que proclament et démontrent éloquemment les luttes ardues soutenues par elle à peu près continuellement, pour assurer à la jeunesse une formation sainte et chrétienne ? Vous aussi, vous pourriez être appelés à l'honneur de cette épreuve, comme ailleurs déjà tant de vaillants maîtres chrétiens ; eh bien ! l'Eglise ne vous abandonnerait pas, comme, Nous en sommes certain, vous n'abandonneriez pas l'Eglise dans l'angoisse d'une lutte exténuante, mais à laquelle ne manquerait pas, selon la divine promesse, une victoire pacifique.

ment, sans oublier qu'il est aussi votre devoir inéluctable devant Dieu et la patrie. Comme éducateurs, vous aurez la volonté de former vos enfants en leur proposant l'exercice des vertus humaines : loyauté, courage, attachement au devoir, à la famille, à la patrie. On doit noter, à ce propos, que le sentiment d'amour de la patrie est peut-être trop négligé aujourd'hui par certains, alors qu'il fut et peut être encore à présent un précieux coefficient dans la formation complète de l'enfant. Et l'on ne doit pas craindre que l'amour envers toute l'humanité — que vous devez chrétiennement développer chez vos petits — soit nécessairement en contradiction avec l'amour particulier de la patrie ; est-ce que l'amour pour d'autres familles contrarie l'amour spécial que chacun doit avoir pour la sienne ? ¦

. la formation et l'éducation chrétiennes.

Enfin, comme éducateurs catholiques, vous devez faire tous les efforts afin que tous soient de bons chrétiens et que beaucoup tentent même de gravir la sainte montagne de Dieu, encouragés et soutenus, non seulement par le prêtre, mais aussi par vous. Jésus veut aujourd'hui des saints parmi les enfants ; vous devez faire en sorte qu'ils le regardent, non seulement comme un ami de prédilection, mais aussi comme un modèle de toutes les vertus. S'il est vrai — comme Nous en avons la ferme confiance — que Jésus prépare un nouveau printemps pour Son Eglise, Nous aimons à penser que parmi les petits — comme parmi les grands, — Il trouvera une foule d'âmes prêtes à tout appel, à tout héroïsme.

Vous arriverez à cela, si vous voulez vous occuper de vos petits, autant que possible, individuellement. Il y a tout un travail d'information et de formation, qui doit être accompli d'une manière générale, pour tous ensemble ; et cela non seulement pour des motifs d'ordre pratique, mais aussi et spécialement pour l'indiscutable utilité que trouve la psychologie des petits à voir admis par tous, certains principes et acceptées par tous, certaines normes de vie. Mais il y a aussi un travail concernant chaque enfant, et celui-ci ne serait point entrepris sans dommage ni mené à bonne fin de la manière qui pourrait être dite collective. Il arrive en outre qu'un enfant ait besoin, par exemple, d'être encouragé ; qu'un autre, au contraire, doive être modéré. Il se peut que, tandis que pour l'un, l'encourage

Ne vous laissez pas illusionner par les motifs que les adversaires de l'éducation chrétienne avancent souvent, comme la protection de la culture, de la liberté, ou simplement de l'économie publique. Combien ces motifs manquent de fondement, cela est démontré par le fait que jamais la culture, la vraie liberté et l'économie n'ont été mieux protégées que lorsque les écoles privées ou publiques ont eu la possibilité de se développer conformément aux principes, aux finalités naturelles et aux désirs des familles elles-mêmes.

Une volonté divine est que l'action de l'Eglise s'accorde toujours heureusement avec les justes intérêts de la famille. Ce qui signifie que les dispositions qu'elle prend, dans les divers domaines de la vie publique, se révèlent justes avec la marche du temps, c'est-à-dire répondant aux volontés de Dieu.

Vous aussi, chers fils et filles, faites-vous de dignes exécuteurs, avec les familles et avec l'Eglise, de ces desseins divins.

Afin que Nos voeux s'accomplissent et qu'une flamme renouvelée de zèle s'allume dans les rangs de votre Association, Nous implorons pour tous et chacun de vous, les faveurs célestes, dont puisse être un gage la paternelle Bénédiction apostolique que Nous vous donnons de grand coeur.


ALLOCUTION A DES SOLDATS ITALIENS

(6 novembre 1955) 1

Le Saint-Père a adressé, le 6 novembre, aux participants de l'Assemblée générale de l'Association nationale italienne des grenadiers de Sardaigne, tenue à Rome, l'allocution suivante :

Comme Vicaire du Maître divin et universel, Jésus-Christ, Nous Nous sentons le devoir tout particulier de prêcher « la vérité dans la charité » (Eph. IV, 15), en cette ère de réorganisation progressive et de rétablissement des structures humaines.

Chaque fois que Nous devons Nous occuper du « ministère de la parole », « ministerium verbi » (Act. VI, 4), Nous Nous appliquons à ne pas cacher à Nos yeux et à ceux de Nos auditeurs le spectacle d'un ciel couvert de nuages au point de donner l'impression que s'approche un triste crépuscule et que la nuit va descendre sur le monde. Mais tout le monde sait avec combien de sincérité et avec combien de confiance Nous répétons que rien n'est perdu si les hommes de bonne volonté se réveillent et s'unissent pour agir immédiatement avec hardiesse et concorde. Nous ne manquons pas non plus de manifester Notre espérance que, peut-être plus tôt qu'on ne pourrait s'y attendre, réapparaîtront les rayons de soleil dans le triomphe d'un nouveau printemps chrétien.

Malgré des nuages inquiétants le Saint-Père garde confiance en l'avenir.

Parmi les signes qui justifient Notre confiance, Nous devons compter l'affluence sans cesse plus fréquente de foules nombreuses et variées de personnes, qui ne se contentent pas de voir le Pape ni de recevoir une parole quelconque d'encouragement

et d'exhortation, mais demandent à entendre Sa parole — c'est-à-dire la parole du Vicaire de Jésus — sur les questions les plus variées. Il y a là un saint désir de chercher dans la doctrine du Christ les principes pour la solution des problèmes qui tiennent en agitation les individus et les peuples.

Nous voici, en ce dimanche de novembre, devant des milliers d'hommes appartenant à un corps caractéristique et glorieux de l'armée italienne : tous membres de l'Association nationale des grenadiers de Sardaigne. Vos dirigeants ont voulu, en une pensée courtoise, Nous envoyer quelques importantes publications, que Nous avons parcourues avec un intérêt spécial.

Ce qui Nous a tout de suite frappé, c'est non seulement la variété des événements dont vous avez été des protagonistes ou des acteurs, mais également la trame pour ainsi dire ininterrompue, sur laquelle, aux diverses époques, avec des vicissitudes alternées, vous avez fixé la broderie de nombreux actes de prouesse, qui ont certainement contribué à mettre en plus grande évidence vos traditions de vertu et de valeur. Elles sont la preuve de ce que l'on a pu, un jour, à juste titre, dire de vous : « Vos drapeaux se déchirent, mais ne s'inclinent pas... les vents et les orages décolorent la glorieuse étoffe et, cependant, les rendent plus beaux et lumineux ! ».

Soyez donc les bienvenus dans cette Maison du Père commun : Nous vous y accueillons avec une affection particulière pour vous bénir, ainsi que vos familles et tous ceux qui vous sont chers.

Prière du Saint-Père pour les défunts et les vivants.

Nous Nous sommes souvenu de tous, ce matin, à la sainte Messe (Domin. XXIII post Pent.) : de vos morts, spécialement de ceux qui sont tombés sur le champ de bataille ; de vous, les vivants et, enfin, de tous les chers fils d'Italie et du monde entier. Et dans Notre prière Nous évoquions, comme d'autres fois, la sainte Liturgie d'aujourd'hui.

ie - A l'Offertoire : « Du fond de l'abîme, je crie vers toi, Seigneur ; Seigneur, écoute ma voix » (Ps. CXXIX, 1-2), Nous avons prié pour vos défunts, en demandant à Dieu pour eux la vie.

a) Qu'ils vivent avant tout dans la pensée de chacun de vous. C'est en effet un devoir d'honorer par le souvenir ceux qui n'hésitèrent pas devant le sacrifice suprême et s'immolèrent en une silencieuse simplicité, dans l'accomplissement de leur devoir. Ayant ainsi bien mérité de la patrie, il est juste que celle-ci se charge, autant que possible, d'exalter leur mémoire.

b) Qu'ils vivent également pour rappeler à tous le devoir de l'amour de la Patrie ; sans épargner, si c'était nécessaire, un sérieux rappel à tous ceux qui — souvent inconsciemment, parfois pour des raisons inavouables — s'obstinent à suivre la voie de la non collaboration, même au milieu d'une telle urgence d'oeuvres nécessaires à la reconstruction, et en arrivent jusqu'à s'abandonner à des médisances et à des calomnies contre la Mère Patrie.

Pour Notre part, Nous avons prié Dieu Notre Seigneur, afin qu'il veuille regarder avec bienveillance cette terre italienne, en lui donnant de nouvelles générations, sans cesse plus nombreuses, de citoyens honnêtes, travailleurs, prêts à tout sacrifice.

c) Mais Nous avons spécialement mentionné ces défunts, qui vous ont précédés avec le signe de la foi et dorment du sommeil de la paix 2. Nous avons imploré pour eux le Seigneur, afin qu'il leur donne la béatitude du repos, la splendeur de la lumière, la félicité de l'amour, le chant de la joie éternelle, de la gloire éternelle. Pour eux, en ce mois que la Sainte Eglise consacre aux défunts, Nous vous exhortons à offrir avec recueillement les suffrages de la prière chrétienne, afin que ceux qui, ayant obtenu le pardon des fautes, n'auraient pas encore mérité la rémission de la peine, puissent bientôt monter du purgatoire au paradis, accueillis par les anges, par les saints, par la Vierge, par Dieu.

De nos jours, les ennemis du Christ sont encore nombreux.

20 En lisant l'Epître, Nous avons pensé aux Grenadiers vivants : les anciens, heureux de se retrouver à votre assemblée nationale avec leurs vieux compagnons d'arme ; et les nouveaux, qui prolongeront dans l'avenir les bonnes traditions du Corps ; tous présents dans Notre pensée, dans Notre coeur de père.

En écrivant aux Philippiens, l'apôtre Paul s'exclamait : « Beaucoup, dont je vous ai souvent parlé (et je vous en parle encore maintenant avec des larmes), se comportent en ennemis

Cf. Can. Missae.

de la croix du Christ... et n'aspirent qu'aux choses de la terre. Mais nous, nous sommes des citoyens du ciel » (Phil. III, 18-20). De tout coeur, Nous vous invitons, chers fils, à méditer ces paroles et, en même temps, à regarder le monde d'aujourd'hui pour constater que la triste scène se répète. Aujourd'hui encore circulent sur nos routes de véritables ennemis non seulement de la croix du Christ, mais même de Lui-même, de sa doctrine, de sa morale. Des hommes qui croient seulement à la terre et la contemplent pour ainsi dire penchés sur elle, oubliant qu'elle sert à faire son chemin vers le ciel et que la création ne leur a été donnée que comme instrument et moyen pour arriver à la patrie céleste, où la journée ne connaît pas de déclin, où nous vivrons tous dans la plénitude de la vie.

Ne soyez pas ainsi, chers fils. Au contraire, vous ne devez pas vous contenter de demeurer unis à l'Eglise par la foi et par la soumission religieuse à la hiérarchie sacrée. Nous vous conjurons de réfléchir que même votre fidélité à la patrie ne servirait à rien pour l'éternité, si vous n'aviez pas la vie de la grâce, la vie divine ; si vous n'évitiez pas, par tous les efforts, ce qui pourrait vous conduire à la ruine éternelle.

Nous sommes des citoyens du ciel. C'est là qu'est notre éternelle, définitive patrie ; c'est là que nous pourrons nous retrouver — corps et âme, ressuscites et incorruptibles — comme heureux membres de l'unique grande famille de Dieu.

30 La dernière pensée que Nous voudrions vous exposer, chers fils, Nous l'avons eue au début de la sainte Messe, à l'Introït : « Le Seigneur dit : « J'ai des pensées de paix » Dicit Dominas : Ego cogito cogitationes pacis. Comme Nous sommes le Vicaire du Christ, Prince de la paix, il y a peu de paroles que Nous soyons induit à faire Nôtres comme celles-ci de la sainte liturgie, en des temps, comme celui-ci, d'attente confiante, mais aussi de craintes et d'anxiétés.

Il n'est pas nécessaire de répéter ici ce que Nous avons dit en diverses autres occasions au sujet du droit de l'Etat à la défense contre les injustes agresseurs, tant que n'aura pas été trouvée une formule efficace pour imposer à tous, le respect des frontières et des biens d'autrui. Mais ceci dit, par devoir de justice et de clarté, Nous ne pouvons manquer de conjurer de nouveau les dirigeants des peuples pour qu'ils accomplissent tous les efforts afin d'éviter de nouveaux versements de sang, de nouveaux deuils, de nouveaux massacres inutiles.

Et que Notre appel parvienne encore une fois spécialement à ceux — où qu'ils soient — qui, par des calculs inhumains, pourraient méditer l'agression d'autres peuples, en attendant seulement que oeux-ci se révèlent sans défense.

Cet appel, Notre imploration à Dieu pour qu'il « disperse les peuples qui se réjouissent des guerres » (Ps. LXVII, 31), Nous sommes heureux de l'élever ici, devant des milliers de valeureux soldats, devant les grenadiers de Sardaigne, prêts — comme jadis, comme toujours — à sacrifier leur vie, si la Patrie devait les appeler. Nos pensées sont des pensées de paix : Ego cogito cogitationes pacis ; mais elles sont aussi les vôtres, chers fils ; vous aussi vous désirez la paix : pour vous, pour vos familles, pour toute la grande, généreuse et bénie terre d'Italie.


PieXII 1955 - EXHORTATION AU MONDE CINÉMATOGRAPHIQUE