PieXII 1955 - DISCOURS AUX FONCTIONNAIRES DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR D'ITALIE


RADIOMESSAGE A LA JEUNESSE FÉMININE DACTION CATHOLIQUE ESPAGNOLE

(27 novembre 1955) 1

Le Saint-Père a adressé, le dimanche 27 novembre, un radiomessage en espagnol aux aspirantes de la jeunesse féminine catholique d'Espagne. Nous en donnons ici la traduction.

Très chères filles — fillettes, aspirantes et adolescentes de l'Action Catholique espagnole — qui, pleines de joie, fêtez le vingt-cinquième anniversaire de vos sections de jeunesse ! Voici votre Père, le Pape, qui vous parle.

Quel dommage que ces ondes, qui vous apportent Notre parole et Notre affection, soient trop paresseuses pour vouloir Nous rapporter votre image, Nous faire voir vos assemblées, dans les villes et dans les villages, dans les rues et sur les places, dans les églises et dans vos centres sociaux. Néanmoins, Nous l'imaginons et, alors, l'Espagne Nous semble un jardin semé de fleurs, vous-mêmes ; fleurs agitées par une douce brise.

Bref rappel de l'histoire de l'Action Catholique espagnole.

Comme vous êtes nombreuses : plus de cent vingt mille ! Mais, il y a vingt-cinq ans, quand vous n'aviez pas encore ouvert les yeux au jour, vos soeurs étaient si peu qu'on pouvait très bien les comparer à une faible semence — la semence insignifiante de l'Evangile (Matth. XIII, 32) — qu'une main confiante jetait dans le généreux sillon. Avez-vous jamais vu comment croît et grandit une petite plante ? Ainsi germa ce petit grain ; tout d'abord une petite feuille, puis une pousse et finalement une faible tige. C'est alors, juste à ce moment, que se déchaîna


JEUNESSE FEMININE ESPAGNOLE

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l'ouragan et que le petit arbre dut subir de terribles secousses et voir quelques-unes de ses branches arrachées ; et le sang fut versé : à Tolède, Hornachuelos et Jativa, à Mora et Pedroches ; en ces lieux à la seule évocation desquels, vos yeux brillent et votre coeur frémit.

Aujourd'hui, l'arbre est grand et vous vivez avec confiance à son ombre. N'oubliez pas, chaque jour, de remercier le Seigneur d'un si grand bienfait et d'un si singulier honneur.

Mais il Nous semble vous entendre Nous demander : que devons-nous faire pour répondre à de telles grâces et à un tel honneur.

Ecoutez, très chères filles, écoutez bien ce que Nous voulons vous dire avec des paroles simples, à la portée même des plus petites d'entre vous.

Directives du Saint-Père.

Vous êtes l'espérance de vos familles, vous êtes l'espérance de la patrie, mais vous êtes aussi l'espérance de cette chère armée au service de l'Eglise et des âmes, qui s'appelle l'Action Catholique.

Pour ne pas décevoir ceux qui attendent tant de vous, avant tout et surtout formez-vous spirituellement. Les moyens ne vous manqueront pas, et il dépend de vous de modeler vos âmes pour devenir les chrétiennes parfaites et complètes dont le monde a tant besoin.

En même temps, n'oubliez pas l'apostolat que vous pouvez exercer dans votre milieu, dès à présent, à l'école, parmi vos amies et même dans votre famille. Personne ne doit sourire si Nous parlons d'apostolat à vous — fillettes et adolescentes — car ce ne serait pas la première fois que le grand, le savant ou le puissant reviendraient sur la bonne voie, guidés par une fragile petite main ou poussés par une prière innocente ou par une larme ingénue.

Enfin là, dans vos associations actuelles, sentez-vous vraiment soeurs, sans préjugés sociaux, avec un amour sincère, avec cette simple fraternité qui peut commencer aujourd'hui avec les jeux d'enfants et, demain, devenir la base d'une plus grande entente, d'une compréhension plus complète.

Fillettes de l'Action Catholique espagnole, comme vous le dites dans votre prière, que le Sacré-Coeur de Jésus vous enferme en

Lui de manière que vous ne puissiez jamais en sortir, en agissant, dès à présent pour son amour et toujours pour son amour.

Aspirantes de l'Action Catholique espagnole, conformément à votre règle, agissez sans cesse en authentiques filles de Dieu, en aimant courageusement notre Sainte Mère l'Eglise et en manifestant sans crainte votre inébranlable fidélité à la Chaire de Pierre.

Adolescentes de l'Action Catholique espagnole, accomplissez ce que vous avez promis, en aimant Dieu et le prochain ; en servant l'Eglise, la patrie et la société ; en vivant la vie de la grâce.

Et toutes — très chères filles, grandes et petites ; filles que le Pape aime tant — soyez sans cesse obéissantes, fidèles et généreuses ; faites de votre jeunesse, à l'imitation de la très Sainte Vierge Marie, une fleur parfumée et pure ; soyez la joie et le réconfort de tous ; ne vous laissez pas séduire par les chants de sirènes d'un monde corrupteur, dont les premiers échos arrivent peut-être déjà jusqu'à vous ; formez-vous solidement dans la prière, dans le sacrifice et dans l'accomplissement de vos devoirs quotidiens ; et faites en sorte que vous ne soyez jamais indignes de celles qui, en des temps bien plus difficiles, vous précédèrent.

A celles qui, devant vous, vous montrent la voie et qui, aujourd'hui, accomplissent la si délicate mission de former vos âmes, Nous adressons une parole d'encouragement et de gratitude. Si vous considériez seulement vos forces, la mission qui vous est confiée pourrait vous effrayer ; cependant ce n'est pas vous, mais la grâce de Dieu qui, par votre intermédiaire, fait tout (I Cor. XV, 10). Car, ainsi que votre décalogue vous l'enseigne, c'est seulement en priant et en obéissant, en vous sacrifiant et en vous donnant au Seigneur, en donnant toujours l'exemple et en ayant conscience de la sublimité de votre mission, que vous pourrez atteindre le si haut idéal de faire des âmes de ces fillettes et de ces adolescentes autant d'autres Christs vivants.

Eloge de l'Espagne catholique.

« L'Espagne est belle, faisons-la sainte » dit la devise de votre vingt-cinquième anniversaire. L'Espagne est belle, oui, dans les mille dons qui l'enrichissent venus de la main généreuse du Créateur, avec ses cimes couronnées de neige, avec ses plaines dorées par les moissons, avec ses vallées fécondes et riantes, avec ses plages sans fin où deux mers viennent lui apporter richesse et fraîcheur ; belle dans les fruits dorés et doux de son sol ; dans son ciel d'azur, dans ses fleuves argentés et abondants, dans les coeurs de ses fils ; belle dans ses souffrances, belle dans ses entreprises, belle dans son histoire. Mais l'Espagne est encore plus belle dans les vertus chrétiennes qui la distinguent, dans la pureté des moeurs, dans l'intégrité de la famille, dans la fidélité à l'Eglise, dans sa ferme adhésion à la foi pour laquelle elle a démontré qu'elle savait mourir ; l'Espagne est encore plus belle dans ses Saints. Que cette flamme ne s'éteigne jamais dans les coeurs espagnols ; que ce désir de sainteté vive et croisse en vous, et pour y arriver soyez vous-mêmes saintes et ensuite sanctifiez tout ce qui vous entoure.

Nos paroles, très chères filles, touchent à leur fin. Dans quelques instants les ondes mystérieuses cesseront d'aller et venir. Mais Nous imaginons que, dans l'espace, demeurera quelque chose d'impalpable, car l'amour, bien qu'on ne le voie pas, laisse toujours une empreinte ; et si vous levez les yeux, il vous semblera, demain et tous les jours, que du point le plus profond de l'espace descendent continuellement sur vous le regard, la voix et la Bénédiction de votre Père.

Bénédiction pour chacune de vous avec vos familles, vos idéals et vos désirs, votre vie future et tout ce que vous portez en ce moment dans vos pensées et dans vos coeurs ; Bénédiction pour vos associations et pour toute la grande famille de l'Action Catholique espagnole ; Bénédiction pour toutes les fillettes et jeunes filles de votre patrie ; Bénédiction pour toute l'Espagne, si chère, à laquelle le Vicaire du Christ souhaite toujours, toute sorte de bien et de prospérité.


ALLOCUTION A DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE

(27 novembre 1955) 1

Le dimanche 27 novembre, le Souverain Pontife a reçu en audience dans la Salle des Bénédictions une foule de fidèles parmi lesquels un important groupe de la Confédération italienne des dirigeants d'entreprise. 2

7/ a adressé au groupe une allocution en italien dont nous publions la traduction ci-dessous :

Notre premier salut s'adresse aux si nombreux participants au Congrès pour la Xme année de la CIDA. Nous aurions désiré vous entretenir plus longuement, mais, malheureusement, la date de votre congrès ne Nous l'a pas permis. Cependant, la brièveté de Notre salut n'enlève rien à l'affection avec laquelle Nous entendons vous accueillir, chers fils de la Confédération italienne des dirigeants d'entreprise. Nous avons pour ainsi dire vu naître votre organisation, quand, dans le lointain 1945, Nous reçûmes le premier conseil national, conduit par votre infatigable président, auquel revient en grande partie le mérite d'avoir amené au degré actuel de développement la Confédération italienne et aussi la Confédération internationale des cadres, à laquelle appartiennent aujourd'hui environ 800 000 membres. Nous voyons en cela le bienfaisant effet d'une béné


DIRIGEANTS D'ENTREPRISE

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diction particulière de Dieu, dont Nous implorons pour vous une nouvelle lumière et une nouvelle force pour la route qui vous attend encore.

Que descende donc sur vous Notre Bénédiction apostolique ; qu'elle vous réconforte et vous encourage ; mais auparavant, Nous désirons vous exhorter à apporter de plus en plus votre contribution à la solution du problème social, qui continue à laisser dans l'anxiété une grande multitude d'hommes.

Afin que le heurt des classes en opposition soit vraiment contenu ; afin que tout le monde s'engage avec confiance et résolution dans la voie qui conduit au but souhaité, c'est-à-dire, à une coopération sincère et dynamique de toutes les forces vives de la nation pour le bien commun ; afin que la doctrine sociale de l'Eglise soit reconnue et appliquée comme vraiment capable de détruire les racines qui donnent naissance à la haine et entretiennent la lutte des classes, vous avez été appelés, chers fils des Cadres, à donner votre contribution.

En effet, votre Conférence — malgré les apparences — est composée d'authentiques travailleurs et a un caractère éminemment syndical. Il n'y a donc aucun risque que vous puissiez être induits à couvrir et défendre d'éventuelles actions injustes au détriment des plus humbles travailleurs. D'autre part, vous êtes à la tête du personnel des entreprises et vous avez entre les mains de multiples fonctions qui, avant, revenaient au patron. Nous pensons donc qu'il est aisé et pour ainsi dire naturel pour vous de demeurer à égale distance de la démagogie facile comme de l'égoïsme mesquin. Vous êtes donc dans la position idéale pour contribuer efficacement à l'instauration de ce régime de collaboration entre les classes sociales, qui est tant désiré par toutes les personnes honnêtes.

Ne vous épargnez pas, chers fils, dans cette oeuvre de pacification faite au nom de la justice et de l'amour.

Nous savons qu'au début de ces dix ans, votre éminent président vous a indiqué la nécessité de vivre dans le Christ et pour le Christ afin de le faire vivre au milieu de la multitude des hommes. Soyez certains que seul le Christ pourra vous aider à résoudre les nombreux et graves problèmes qui occupent et préoccupent votre esprit, chers fils. Oui, seul le Christ, unique Maître divin, unique Sauveur !


RADIO-TELEVISION DES ETATS-UNIS

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Comme il est encourageant de mesurer, vingt-cinq ans plus tard, la distance parcourue depuis ce temps des « pionniers », et de pouvoir apprécier le vaste trésor de bonne volonté et de grâce dispensé au moyen des ondes à votre pays, à vos maisons, vos écoles, vos églises ! Grâce et bonne volonté dont la famille, l'Eglise et l'Etat ont été si grandement assoiffés durant ce fatal quart de siècle de guerres et de bruits de guerre (Mt 24,6), de lutte contre les forces perverses de ténèbres et de haine (Eph. VI, 12) !

Pour le généreux rôle chrétien que votre pays a continué de jouer dans cette lutte titanesque, vous êtes aujourd'hui à juste titre reconnaissants envers des groupes aussi dévoués que votre National Council of Catholic Men. Grâce à leur vigilance et à leur zèle inlassable, la présence constante et maternelle de l'Eglise de Jésus-Christ au milieu de vous, a pu vous être rappelée, dimanche après dimanche, à temps et à contretemps. C'était un réconfort de savoir que celle-ci avait fait siens vos problèmes, siennes vos espérances et vos craintes ; qu'elle était toujours prête à présenter la réponse du divin Rédempteur à vos heures de détresse. Il s'agissait là vraiment d'un « programme-concours », dont personne ne devait sortir perdant !

Qui donc pourra estimer Notre dette spirituelle envers cette sainte collaboration du clergé et du laïcat, qui fait honneur aux meilleures traditions de l'Action Catholique, pour les efforts qu'elle a faits en vue de garder vos coeurs toujours en harmonie avec l'unique et éternel objectif du Prince de la Paix : non point une froide et veule coexistence de voisins et pays rivaux, mais une communion dans la vérité, la justice et l'amour chrétien, de frères en Dieu ?

Les promoteurs et orateurs de l'Heure Catholique ont laissé prudemment à d'autres les controverses et disputes qui concernent pouvoir politique et succès mondain. Par contre, pendant vingt-cinq ans de labeur fécond, ils vous ont rendu le plus précieux des services sociaux, en vous faisant partager, à vous et à vos enfants, le message rédempteur du Christ vivant ; un Christ présenté dans toute la majesté de son attrait humain, de sa puissance salvatrice, de sa terrible urgence pour un monde confondu et effrayé devant le spectre du désastre spirituel qui se dresse au milieu même des merveilles déployées par le grand univers de vérité, de bonté et de beauté qu'est celui du Seigneur.

Les minutes et les heures catholiques que vous consacrez


RADIOMESSAGE A LA RADIO-TÉLÉVISION DES ÉTATS-UNIS

(4 décembre 1955)1

A l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de la « Catholic Hour » 2 (L'heure catholique), le Saint-Père a adressé le radiomessage suivant aux organisateurs de cette heureuse initiative :

Votre Heure catholique, très chers fils en Jésus-Christ, commença à diffuser son message hebdomadaire au moment même où l'on installait ici, à Rome, pour le service du pape et de son ministère universel des âmes, la Radio Vaticane, qui vous apporte aujourd'hui Notre cordial souhait d'anniversaire et Notre paternelle bénédiction.

C'est avec émotion que Nous Nous rappelons la ferveur de ces jours de préparatifs et de ces temps dramatiques. La providence de Dieu, toujours bienfaisante, s'était reflétée une fois de plus dans le génie inventif de l'homme : elle avait mis dans les mains de ce dernier un nouvel instrument surprenant de communication avec ses semblables, proches ou lointains, dans la famille humaine. Il suffisait alors d'ajuster à la voix et à l'oreille le diaphragme très sensible d'un microphone et d'un haut-parleur, pour permettre à des esprits humains de se rencontrer réellement, et à des coeurs humains de battre réellement à l'unisson. Seule la perversité délibérée put faire de la radio un nouvel instrument d'erreur et de mensonge, un autre complice des desseins coupables de l'orgueil et de la passion, individuels ou collectifs.

à écouter la radio, comme Nous avons tant de bonnes raisons de le savoir, peuvent servir immensément à repousser ce spectre redoutable, à éviter ce douloureux désastre. Puisse le message vital et encourageant du Christ, que l'on transmet à vos âmes généreuses, continuer à vous réconforter, à vous inspirer et soutenir, vous tous, orateurs et auditeurs, durant les années que le Père vous réserve encore ; puissiez-vous avoir la vie dans son Fils, et l'avoir plus abondante (Jn 10,10).

En gage de cette vie et d'innombrables autres grâces célestes, en témoignage de Notre reconnaissante affection, Nous donnons au National Council of Catholic Men et aux membres de la Hiérarchie dont ils ont si généreusement secondé le dévouement pastoral, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE M. GIOVANNI GRONCHI

(6 décembre 1955) 1

Le 6 décembre, le Saint-Père a reçu en audience solennelle M. Giovanni Gronchi, Président de la République italienne, accompagné de nombreux dignitaires. Il lui a adressé Y allocution que voici :

Nous sommes heureux d'exprimer Notre satisfaction de recevoir Votre Excellence, qui a été appelée à la charge suprême de l'Etat italien, en présence de Monsieur le Ministre Secrétaire d'Etat pour les Affaires Etrangères et des autres illustres personnages de votre suite.

Nous connaissons bien, Monsieur le Président, les hautes qualités de votre esprit, votre intelligence, votre vaste culture, votre grande expérience dans l'art de la parole, ainsi que votre singulière préparation, comme membre du parlement, comme ministre, comme Président de la Chambre, à la suprême Magistrature de la République.

Nos voeux et Nos bénédictions vous accompagnent dans l'exercice de vos très hautes fonctions de Chef de l'Etat. Nous vous souhaitons avant tout que votre oeuvre puisse efficacement contribuer à la prospérité de la nation et au bien-être de tous les citoyens, spécialement des classes les plus humbles et nécessiteuses, ensuite à la conservation et au développement des cordiales relations qui existent heureusement en Italie entre l'Eglise et l'Etat sur la base des pactes du Latran, gage et sceau de réconciliation et de concorde ; et, enfin, au maintien et à la

solidité de cette paix mondiale, qui est le rêve et l'aspiration de tous les coeurs.

De la sorte, de Rome, source d'antique sagesse, phare de civilisation, centre de la pensée et de la foi chrétienne, continuera à rayonner sur l'Italie et le monde, en cette heure de multiples et dures épreuves, mais aussi de sereine et sûre espérance, cette lumière éternelle qui traverse les siècles comme une promesse indéfectible de vie, de salut, de paix !

Et, tout en élevant avec ces sentiments Nos ferventes prières vers Dieu, Nous donnons de tout coeur à Votre Excellence, à votre famille, aux membres du gouvernement, à vous, Messieurs ici présents et à tout le très cher peuple italien, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX «CATHOLIC RELIEF SERVICES»

(8 décembre 1955) 1

Le personnel de l'organisation en Italie des « Catholic Relief Services » (N.C.W.C.) a été reçu en audience par le Saint-Père. Il a adressé aux nombreux groupes, l'allocution suivante :

En venant en un jour de fête comme celui-ci, vous ne pouvez que vous attendre à entendre parler de Marie, de ce précieux et incomparable privilège, qui, dès le premier instant de son existence, combla son âme de grâce divine, pour que se reflétât dans sa pure et blanche beauté la sainteté infinie de son Dieu, qui devait devenir son Fils. Privilège, en vérité, qui lui valut tout de suite l'amour de son Créateur, en même temps qu'il soulignait le triste sort commun aux hommes, objets dès leur naissance de la colère de Dieu (Eph. II, 3). Privilège enfin, qui ajoute de la gloire au pouvoir rédempteur du divin sacrifice accompli sur le Golgotha. En honorant Marie dans toutes nos pensées pour elle, nous rendons hommage à la miséricorde et à l'amour surabondants du Rédempteur, qui veut attirer tous les hommes pour les unir à Lui-même au moyen de la grâce et de son Esprit-Saint.

Vous avez part à cette miséricorde et à cet amour généreux pour les hommes, chers membres des Catholic Relief Services ; c'est la force qui vous stimule dans votre travail quotidien pour les membres souffrants du Christ. Et il n'est pas douteux que vous avez, parfois, senti la nécessité d'une foi lumineuse pour entretenir une charité qui n'entend pas se laisser décourager par le soupçon et par l'insouciance de l'ingratitude, et qui ajoutera chaleur et tendresse à votre assistance des nécessiteux. Une telle foi amena Frédéric Ozanam, cet admirable apôtre de la charité, à toujours voir dans chaque pauvre l'image sacrée de

Dieu, à discerner sur son front creusé par le souci les traces de la couronne d'épines. Et n'est-ce pas Lui qui accepte de souffrir dans Son pauvre ? « J'avais faim », dit-Il, « et vous m'avez donné à manger ». L'immortel Augustin nous avertit que nous ne devons pas aimer comme aiment ceux qui corrompent l'innocence ou la foi ; pas même comme les hommes qui ne s'aiment entre eux que parce qu'ils sont des compagnons de la même race humaine ; mais comme aiment ceux qui savent et proclament que tous les hommes sont de la famille de Dieu, qu'ils sont fils du Tout-Puissant, en qui doit être formée et accomplie une ressemblance de frère avec Son Fils unique 2.

Et cela fait entendre une autre note qu'on ne doit pas laisser disparaître dans la bruyante agitation des activités humaines. Votre service est plus qu'un Service Social ; il est une oeuvre de charité. Vous apportez du pain pour nourrir le corps et des vêtements pour le protéger contre la rigueur des éléments ; mais, en même temps, vous cherchez à verser dans des blessures, qui sont peut-être sur le point de s'envenimer, l'huile du doux message du Christ, qui donnera espoir et encouragement et cette paix, qui ne se manifeste solide et durable que lorsqu'une âme revient, humble et contrite, vers Dieu et Son Eglise.

Nous savons que vous, qui êtes ici présents, ce matin, vous avez rarement l'occasion de soulager personnellement le dénuement complet des mansardes ou l'humidité glacée des cabanes, où des parents souffrent et où des enfants pleurent. Il vous faut récolter la moisson de votre charité par l'intermédiaire d'autres mains. Mais c'est le même amour du Christ pour les hommes qui vous retient à vos tables de travail dans des bureaux pleins de monde, où le plus souvent votre travail est privé de la consolation qu'on éprouve à constater qu'une foi défaillante se réveille, que des souffrances sont soulagées, que la lumière d'espoir se rallume et que la joie se lève à l'horizon pour des familles dans la détresse. Puisse Marie, par son intercession maternelle, faire que le feu de cet amour continue à brûler de toute sa flamme, et puisse le Christ être votre récompense surabondante.

En gage de Notre satisfaction reconnaissante pour votre oeuvre de dévouement et de Notre paternelle affection, Nous sommes heureux de vous donner, à vous, ainsi qu'à tous ceux qui vous sont chers, la Bénédiction apostolique.


MESSAGE DE NOEL

(24 décembre 1955)1

La joie intime de Noël.

Tout prêt à accueillir la tendresse et la joie que la naissance du Rédempteur répandra encore une fois dans les coeurs des croyants, Nous désirons vous exprimer, chers fils et filles de la chrétienté, ainsi qu'à tous les hommes indistinctement, Nos voeux paternels, puisant le sujet de Notre discours comme les années passées, dans l'inépuisable mystère de lumière et de grâce qui durant la sainte Nuit de Bethléem fit resplendir autour de la crèche du divin Enfant une lumière dont l'éclat ne s'éteindra jamais, tant que résonneront sur la terre, les pas douloureux de ceux qui cherchent parmi les épines, le sentier de la vraie vie.

Combien Nous voudrions que tous les hommes, dispersés sur les continents, dans les villes, les bourgs, les vallées, les déserts, les steppes, les étendues glacées, sur les mers, sur le globe tout entier, écoutent de nouveau, comme adressée à chacun d'eux en particulier, la voix de l'Ange annonçant le mystère de la grandeur divine et de l'amour infini, qui mit le terme à un passé de ténèbres et de condamnation pour inaugurer le règne de la vérité et du salut 1 « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple : aujourd'hui, dans la cité de David, un Sauveur vous est né, qui est le Christ Seigneur » (Lc 2,10-11).

Nous voudrions que, à l'égal des simples bergers qui accueillirent, les premiers, dans une adoration silencieuse, le message de salut, les hommes d'aujourd'hui fussent subjugués et saisis du même étonnement qui étouffe toute parole humaine et incline l'esprit à la même adoration quand une majesté sublime se révèle à leurs yeux : celle de Dieu incarné.


I. ATTITUDE DE L'HOMME MODERNE EN FACE DE NOËL

a) Les admirateurs de la puissance humaine extérieure.

On peut cependant se demander avec inquiétude si l'homme moderne est encore disposé à se laisser impressionner par une telle grandeur surnaturelle et pénétrer par la joie intime qui s'en dégage : cet homme, comme convaincu que sa puissance s'est accrue, enclin à mesurer sa propre stature d'après la force de ses instruments, de ses organisations, de ses armes, de la précision de ses calculs, du nombre de ses produits, de la distance à laquelle peuvent atteindre sa parole, son regard, son influence ; cet homme qui parle désormais avec orgueil d'un âge de bien-être facile, comme si cela était à portée de sa main ; qui ose tout, comme s'il était sûr de soi et de son avenir, poussé qu'il est par une hardiesse incoercible à arracher à la nature son dernier secret, à en plier les forces à sa volonté, désireux de pénétrer par sa présence physique elle-même jusque dans les espaces interplanétaires.

En vérité, l'homme moderne, précisément parce qu'il est en possession de tout ce que l'esprit et le travail humain ont produit dans le cours des temps, devrait reconnaître encore mieux la distance infinie qui sépare son oeuvre immédiate de celle du Dieu sans limites.

Mais la réalité est bien différente, car les fausses ou étroites visions du monde et de la vie acceptées par les hommes modernes non seulement les empêchent de tirer des oeuvres de Dieu, et en particulier de l'Incarnation du Verbe, un sentiment d'admiration et de joie, mais elles leur enlèvent encore la faculté d'en reconnaître l'indispensable fondement, celui qui donne consistance et harmonie aux oeuvres humaines. Beaucoup en effet se laissent en quelque sorte éblouir par la splendeur limitée qui se dégage de celles-ci, sourds à l'appel secret qui invite à en chercher la source et le couronnement en dehors et au-dessus du monde de la science et de la technique.

A la ressemblance des constructeurs de la tour de Babel, ils rêvent d'une inconsistante « divinisation de l'homme », bonne et suffisante pour toute exigence de la vie physique et spirituelle. L'Incarnation de Dieu et son « habitation parmi nous » (Jn 1,14) ne suscitent en eux aucun intérêt profond, aucune féconde émotion.

Noël n'a pour eux d'autre contenu et d'autre langage que ceux qu'un berceau peut exprimer : sentiments plus ou moins vifs, mais seulement humains, quand du moins ils ne sont pas dominés par des coutumes mondaines et tapageuses qui profanent même la simple valeur esthétique et familiale que Noël fait rayonner comme un reflet lointain de la grandeur de son mystère.

b) Les chercheurs d'une fausse vie intérieure.

D'autres au contraire arrivent, par des voies opposées, à la mésestime des oeuvres de Dieu, se fermant ainsi l'accès aux joies secrètes de Noël. Instruits par la dure expérience des deux dernières dizaines d'années, qui ont, comme ils disent, manifesté sous des apparences humaines la brutalité de la société actuelle, ils dénoncent âprement le lustre extérieur de sa façade, refusent tout crédit à l'homme et à ses oeuvres, et ne cachent pas le profond dégoût que leur cause son exaltation sans limite. C'est pourquoi ils souhaitent que l'homme renonce à son fébrile dynamisme extérieur, surtout technique, qu'il se renferme en soi-même, où il trouvera la richesse d'une vie intérieure toute sienne, exclusivement humaine, capable de satisfaire toute exigence possible.

Cette intériorité tout humaine est cependant incapable de tenir la promesse qu'on lui attribue, à savoir de correspondre à l'exigence totale de l'homme. Elle est plutôt une solitude dédaigneuse, comme désespérée, suggérée par la crainte et par l'incapacité de se donner un ordre extérieur, et n'a rien de commun avec la véritable intériorité complète, dynamique et féconde.

En celle-ci, en effet, l'homme n'est pas seul, mais vit avec le Christ, en partage les pensées et l'action, se tenant près de Lui en ami, en disciple et pour ainsi dire en collaborateur ; il est poussé par Lui et soutenu dans l'affrontement du monde extérieur selon les normes divines, car c'est Lui « le pasteur et le gardien de nos âmes » (1P 2,25).

c) Les indifférents et les insensibles.

Entre ces deux groupes que leur conception erronée de l'homme et de la vie soustrait à l'influence déterminante et salutaire du Dieu incarné, se trouve la foule de ceux qui n'éprouvent pas d'orgueil à la vue de la splendeur extérieure de l'humanité actuelle et qui n'entendent pas non plus se retirer en eux-mêmes pour vivre seulement de ce que peut fournir l'esprit. Ce sont ceux qui se disent satisfaits s'ils réussissent à vivre dans l'instant, ne voyant et ne désirant rien d'autre que l'assurance de la plus grande disponibilité possible des biens extérieurs et de n'avoir à redouter, dans l'instant suivant, aucune diminution de leur niveau de vie. Ni la grandeur de Dieu, ni la dignité de l'homme, merveilleusement et visiblement exaltées toutes deux dans le mystère de Noël, n'impressionnent ces esprits misérables, devenus insensibles et incapables de donner un sens à leur vie.

Ignorant ou ayant rejeté de la sorte la présence de Dieu incarné, l'homme moderne a construit un monde dans lequel les merveilles se confondent avec les misères, plein d'incohérences, comme une voie sans issue, ou comme une maison pourvue de tout, mais qui, faute de toit, ne peut donner la sécurité désirée à ses habitants. Dans certaines nations en effet, malgré l'énorme développement du progrès extérieur, et bien que l'entretien matériel soit assuré à toutes les classes sociales, circule et s'étend un sentiment d'indéfinissable malaise, une attente anxieuse de quelque chose qui doit arriver. Ici revient à l'esprit l'attente des simples bergers des campagnes de Bethléem, dont la sensibilité et la promptitude peuvent enseigner aux hommes orgueilleux du vingtième siècle où il faut chercher ce qui manque : « Allons à Bethléem, disent-ils, et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître » (Lc 2,15). L'événement acquis à l'histoire depuis déjà deux mille ans, mais dont la vérité et l'influence doivent reprendre leur place dans les consciences, c'est la venue de Dieu dans sa maison et sa propriété (Jn 1,11). Désormais l'humanité ne peut impunément repousser et oublier la venue et l'habitation de Dieu sur la terre, parce que, dans l'économie de la Providence, celle-ci est essentielle à l'établissement de l'ordre et de l'harmonie entre l'homme et ses biens, entre ceux-ci et Dieu. L'Apôtre saint Paul décrivit la totalité de cet ordre en une synthèse admirable : « Tout est à vous, et vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu » (1Co 3,23). Qui voudrait laisser tomber de cette ordonnance indestructible Dieu et le Christ, et ne retenir des paroles de l'Apôtre que le droit de l'homme sur les choses, provoquerait une brisure essentielle dans le dessein du Créateur.

Saint Paul lui-même insisterait et dirait : « Que personne ne se glorifie dans les hommes » (1Co 3,21). Qui ne voit combien cet avertissement est actuel pour les hommes de notre temps, si orgueilleux de leurs inventeurs et découvreurs, lesquels ne souffrent plus comme autrefois l'épreuve de l'isolement, mais occupent au contraire l'imagination des foules et même l'attention vigilante des hommes d'Etat ? Autre chose cependant est de leur accorder l'honneur qui leur est dû, autre chose d'attendre d'eux et de leurs découvertes la solution du problème fondamental de la vie. En conséquence, la richesse et les oeuvres, les projets et les inventions, fierté et tourment de l'âge moderne, doivent être considérés par rapport à l'homme, image de Dieu.

Si donc ce que l'on appelle progrès n'est pas coneiliable avec les lois divines présidant à l'ordre du monde, ce n'est certainement pas! un bien, ni un progrès, mais un chemin qui conduit à la ruine. Ni l'art perfectionné de l'organisation, ni les méthodes les plus poussées du calcul ne préserveraient de la conclusion inéluctable, car ils ne sont pas capables de créer en l'homme une assurance intime, et encore moins d'en tenir lieu.


PieXII 1955 - DISCOURS AUX FONCTIONNAIRES DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR D'ITALIE