Pie XII 1956 - ALLOCUTION AUX ÉLÈVES DU COLLÈGE PONTIFICAL LATINO-AMÉRICAIN (5 avril 1956)


ALLOCUTION A UN GROUPE DE JEUNES FILLES ESPAGNOLES DE L'ACTION CATHOLIQUE (9 avril 1956)

Une audience spéciale a été accordée le g avril, par le Saint-Père, à un groupe de jeunes filles de l'Action catholique d'Espagne, venues à Rome pour participer au récent congrès international de la Fédération mondiale des jeunesses féminines catholiques. Il leur a adressé un discours en espagnol, dont voici la traduction :

Il y a deux motifs — très chères filles, jeunes catholiques espagnoles — que vous avez filialement invoqués pour obtenir de Nous cette audience : Nous présenter quelques dons et réaliser en Notre présence une démonstration de votre « folklore rythmique ».

Nous vous remercions donc mille fois pour votre présent. Nous sommes tellement accoutumé à ces manifestations de votre générosité, que Nous ne savons pour ainsi dire trouver de nouveaux termes pour les souligner. Nous vous dirons cette fois qu'il n'y a guère de générosités plus belles que celle-ci qui tend à pourvoir du nécessaire des églises pauvres, où manquent parfois jusqu'aux choses les plus indispensables. Quand, demain, grâce à vous, d'un modeste autel, dans un petit village lointain ou dans un triste faubourg, la fumée de l'encens s'élèvera vers le ciel avec plus de dignité et plus de décence, Nous sommes certain que cette petite colonne impalpable parviendra heureusement jusqu'au trône du Très-Haut, pour descendre ensuite comme une rosée bienfaisante sur vos âmes et sur toutes vos intentions.

Nous ne pouvons pas dire grand-chose de votre « folklore », car il s'agit d'un domaine très déterminé et spécial. A une époque où l'on se livre à tant de folies, avec tant de dommages pour la morale et même pour la dignité humaine, dans des domaines parallèles au vôtre, Nous ne pouvons manquer de louer ce genre de manifestations, où sont reprises artistiquement de très respectables traditions, qui, parfois, peuvent avoir un contenu spirituel plein de grâce et d'expression. Dans cette variété, qui est un des principaux éléments de sa richesse, depuis la « muñeira » galicienne, le « zorzico » basque et la « sardana » catalane, jusqu'aux « malagueñas » du Sud — sans oublier la « jota », reine universelle de l'Espagne —, la terre espagnole a de quoi choisir, sans s'avilir par des excès et des extravagances. C'est de l'avis de beaucoup, très chères filles, une oeuvre excellente que d'encourager ces manifestations ; et ce n'est pas une oeuvre indigne de l'Action catholique, qui doit toujours sentir l'urgence de l'apostolat dans tous les domaines.

Nous ne pensons pas que ce soit le moment de Nous étendre sur la nécessité de cet apostolat ; mais permettez-Nous, au moins, de vous rappeler en termes généraux ce que Nous attendons constamment de vous.


Le Saint-Père montre aux jeunes Espagnoles comment elles peuvent faire de l'apostolat dans leur famille, dans leur milieu social, dans la rue.

Depuis que la femme s'est lancée sans retour dans le monde, une jeune fille, pleine de zèle, peut faire un immense bien partout :

dans le milieu familial, en entraînant petits et grands par sa piété sympathique et contagieuse ;

dans les centres d'enseignement, en défendant ouvertement sa foi et en la pratiquant sans réserve et avec une simplicité attirante ;

dans la vie sociale, en étant le bon levain qui montre toujours le vrai chemin, qui empêche par sa seule présence les égarements, qui sert d'appui aux âmes vacillantes et qui sait même faire l'observation modeste et opportune qui rappelle à l'ordre celui qui en a besoin ;

à son poste de travail, au bureau ou à l'atelier, en se montrant l'employée exemplaire qui s'impose simplement par l'exactitude de son travail et sait donner le ton au milieu ;

dans la rue même, en enseignant par son habillement et son comportement ce que sont la modestie et la pudeur, qui certainement n'ont jamais été en opposition avec la simplicité authentique, la véritable grâce et les bonnes manières.

Et tout cela s'impose aujourd'hui, parce que, demain c'est d'elle, reine d'un foyer, que dépendront principalement la vie exemplaire et chrétienne de la famille et cette terrible source de responsabilité qui s'appelle l'éducation et l'avenir des enfants.


Il leur rappelle qu'il n'y a rien de si beau qu'une jeune fille ou une femme apôtre.

Très chères jeunes filles : il y a peu de choses plus lamentables, plus douloureuses, plus reprehensibles et même plus laides qu'une jeune fille devenue un scandale et une occasion de mal ; mais aussi, il y en a peu de plus admirables, plus réconfortantes, plus louables et même plus belles qu'une jeune fille et une femme devenues des apôtres, des occasions de bien.

Et pour que tout ce que Nous venons de vous dire soit chez vous une réalité, rappelez-vous que tout doit résulter d'un esprit sain et vigoureux, constamment alimenté par la prière, par la pratique des sacrements et par l'esprit de mortification chrétienne qu'ils vous inculquent sans cesse ; rappelez-vous que vous illuminerez dans la mesure où vous porterez en vous la lumière ; que vous communiquerez la ferveur dans la mesure où vous serez ferventes ; et que vous pourrez purifier tout votre entourage dans la mesure où vous serez chastes et pures.

Enfin, vous êtes des dirigeantes et, par conséquent, on peut et l'on doit vous demander davantage. Que cette jeunesse, qui est entre vos mains, grandisse surtout dans un souci de vie intérieure et d'efficacité apostolique.

C'est là le message que vous devez apporter à vos soeurs de toutes les organisations de jeunesse : un message d'élévation continue, qui ne connaisse point de limites, jusqu'à arriver, autant que possible, à ce très haut idéal que vos règlements posent continuellement devant vos yeux.

Comme gage de succès pour vos entreprises apostoliques et comme nouvelle manifestation de Notre gratitude paternelle, Nous vous bénissons de tout coeur, vous-mêmes, toute votre association, ainsi que toute l'Action catholique et toute la très chère Espagne.


ALLOCUTION POUR LE JUMELAGE ROME-PARIS

(10 avril 1956) 1



Le mardi 10 avril, Sa Sainteté Pie XII a reçu, en audience spéciale, la délégation de la ville de Paris venue à Rome pour le « jumelage » entre les deux cités. Il leur adressa en français Y allocution suivante :

C'est avec grand plaisir et les sentiments d'une joyeuse espérance que Nous accueillons dans Notre demeure les illustres personnalités qui représentent, aujourd'hui, les deux grandes capitales, unies désormais par un nouveau lien d'amitié fraternelle. En vous adressant la bienvenue, Messieurs, ce n'est pas seulement la reconnaissance du pacte récent que Nous entendons saluer, mais encore les promesses d'avenir qu'elle contient et l'assurance de voir se multiplier entre d'autres cités d'Europe des relations semblables dans un commun effort de compréhension et d'entraide.

1 D'après le texte de l'Osservatore Romano, du 20 avril 1956.
2 Cf. Documents Pontificaux 3955, p. 321.


En recevant les membres du douzième congrès international des villes et des pouvoirs locaux, le premier octobre derniers, Nous insistions sur l'esprit qui doit animer de tels échanges, pour qu'il en résulte un accord profond et général des nations et des peuples. Si l'on souhaite, en effet, que ces manifestations s'étendent et donnent leurs fruits, il faut y apporter de part et d'autre, plus qu'une aimable courtoisie, l'intelligence véritable des goûts et des besoins de la cité soeur, la volonté aussi de poursuivre ensemble les mêmes objectifs, malgré des conditions matérielles parfois très diverses.

Le Saint-Père voit dans le jumelage Rome-Paris une source d'enrichissement mutuel en raison du riche passé culturel de ces deux capitales. Rome, berceau de la civilisation chrétienne.

Il Nous semble que, dans le cas privilégié de Paris et de Rome, l'enrichissement mutuel, fruit de leur jumelage, sera des plus précieux. Comme capitale d'un grand état moderne, Rome n'a pas encore acquis l'expérience de Paris. Mais après avoir donné aux pays latins la structure juridique, sur laquelle reposent encore en grande partie leurs institutions communes, après avoir nourri et propagé l'humanisme antique et celui de la Renaissance, elle conserve dans le monde moderne, secoué par tant de convulsions, une prééminence morale incontestée. N'a-t-elle pas instauré dans les relations entre les hommes un esprit nouveau inconnu de l'antiquité païenne ? Le principe d'une fraternité universelle, basée sur la communauté foncière d'une même nature issue de Dieu et d'une même destinée orientée vers lui, ferment nouveau apporté par le christianisme, devait provoquer une heureuse évolution des moeurs et des structures sociales. Aujourd'hui, hélas ! coupé de ses origines et détourné de son orientation première, ce principe est invoqué à l'appui de doctrines matérialistes qui tendent, en réalité, à accentuer entre les hommes les causes de division et d'opposition. L'union des deux cités, Paris et Rome, contribuera, Nous osons le croire, à lui restituer son sens plénier, en soulignant avec force les véritables perspectives historiques qui l'ont vu naître et se développer.



... Paris, illustre capitale de la charité humaine et chrétienne et du savoir humain.

Nous aimerions, si le temps et les circonstances le permettaient, évoquer tel ou tel trait caractéristique qui illustre, dans les fastes de la capitale française — où Nous Nous souvenons avoir été reçu avec tant d'honneur et de courtoisie — l'impulsion séculaire de la charité humaine et chrétienne. Comment du moins ne pas rappeler le roi saint Louis, modèle d'équité et de bonté, qui s'efforçait de faire régner dans sa ville une justice pénétrée d'humanité ; ou bien la compassion rayonnante d'un Vincent de Paul, qui, de Paris, pourvoyait aux besoins des pauvres dans les provinces et au-delà même des frontières ; les oeuvres et les institutions qu'il créa connaissent aujourd'hui encore une prospérité croissante et étendent partout leur bienfaisante influence. Dès le haut moyen âge, Paris devint un centre remarquable de science et de civilisation, un foyer d'études de premier ordre, qui forma à l'avantage de toute l'Europe des générations d'esprits cultivés et d'hommes de coeur. Les siècles ont passé, mais Notre-Dame et la Sorbonne demeurent, au centre de la grande ville, chargées de la plus haute signification : l'Université de Paris et l'Institut de France restent toujours parmi les gloires les plus solides de la culture occidentale. Mais il ne saurait être question d'entreprendre ici, Messieurs, une analyse presque infinie des titres et qualités qui rapprochent vos deux cités. Nous voulons seulement vous redire en terminant que l'union symbolique, scellée par les cérémonies qui viennent de se dérouler, constitue pour Nous un heureux présage en faveur de cet esprit « européen », qui l'a inspirée et la maintiendra, Nous l'espérons, toujours vivante et toujours féconde.

Daigne le Dieu tout-puissant accueillir les voeux que Nous formons en ce sens et vous permettre de contribuer à l'extension d'une compréhension et d'une collaboration fraternelle toujours plus grandes à travers les nations et les continents. C'est avec ce souhait que Nous vous accordons à tous ici présents, à vos familles, à vos cités, la plus affectueuse et paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE A L'OCCASION DU CENTENAIRE DE LA FONDATION DES PRÊTRES DU TRÈS SAINT SACREMENT

(10 avril 1956) 1






Le Saint-Père a envoyé la lettre suivante au Révérend Père Geoffroy Spiekman, supérieur général de la Congrégation des prêtres du Très Saint Sacrement, à l'occasion du premier centenaire de la fondation de la famille religieuse du bienheureux Pierre-Julien Eymard, apôtre de l'Eucharistie :

Le jour approche, ce jour attendu avec une sainte allégresse, où vous-même et vos religieux célébrerez le centenaire de la fondation de votre institut et, comme l'exige la piété filiale, rendrez de solennelles actions de grâce à Dieu pour l'assistance que, dès ses débuts, il a accordée à votre famille religieuse, ainsi que pour les faveurs si libérales dont il a entouré son développement et son extension.

Il convient de profiter de cet heureux événement pour attester d'une manière toute spéciale la bienveillance que Nous vous avons toujours manifestée à vous et à vos oeuvres, et tout en vous louangeant, Nous voulons déclarer publiquement que Nous fondons de grandes espérances sur votre vigueur et sur cette spiritualité que, tel un bien de famille, vous avez reçue en héritage de votre Père, le bienheureux Pierre-Julien Eymard.

Jamais, non jamais, ne s'obscurcira la gloire de cet homme de Dieu qui s'est distingué par un si grand amour pour la sainte Eucharistie, et qui par son apostolat, ainsi que par ses écrits et sa parole de feu, a allumé dans un grand nombre d'âmes

un ardent amour envers l'auguste mystère de nos autels. Il était, en effet, persuadé que ce sacrement d'amour, ce signe d'unité et ce lien de la vraie charité était le moyen le plus puissant pour procurer à Dieu une plus grande gloire, resserrer les liens de la fraternité humaine et atteindre au sommet de la perfection évangélique.

Notre époque, hostile à la vertu, oublieuse de la loi et de l'espérance divines, toujours plus âprement avide des biens de ce monde, avait sûrement besoin de l'exemple et des enseignements du bienheureux Pierre-Julien Eymard pour remédier à l'étendue de ses maux et s'engager dans la voie d'un monde meilleur.

Nous vous exhortons donc à marcher en toute confiance et fidélité sur les traces de votre père et législateur, à garder jalousement ce généreux esprit d'amour dont il était rempli et à le propager le plus possible par votre parole et par votre action, pour le plus grand bien de l'Eglise.

Nous souhaitons aussi de tout coeur que la célébration de ces solennités apporte à votre institut une nouvelle splendeur, et, contemplant en esprit, avec une admiration pleine de joie la riche moisson de fruits de salut qu'elle produira, Nous vous accordons de tout coeur, comme gage de la protection divine et espérance des consolations célestes, à vous fils bien-aimé, à tous les prêtres du Très Saint Sacrement et à vos oeuvres, la Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX CULTIVATEURS PROPRIÉTAIRES, EXPLOITANTS ET FERMIERS D'ITALIE

(11 avril 1956) 1






Le Saint-Père a accordé, dans la Basilique Vaticane, le mercredi 11 avril, une grande audience générale, à laquelle ont pris part plusieurs milliers de participants au Xe congrès national italien des cultivateurs directs (propriétaires exploitants et fermiers), tenu à Rome. Il leur a adressé un important discours dont nous publions la traduction :

Nous vous sommes reconnaissant, chers fils et filles de la Confédération des cultivateurs directs, d'être venus Nous apporter avec les effluves du nouveau printemps qui s'empare de vos belles et luxuriantes campagnes — après les épreuves d'un si dur hiver — le réconfort de votre dévotion filiale.

Nous accueillons volontiers de nouveau, pour le Xe congrès actuel, le désir qui Nous a été exprimé de sceller par Notre exhortation et Notre bénédiction vos voeux et vos résolutions, persuadé comme Nous le sommes des hauts mérites de votre catégorie, de son importance croissante au sein de la société, à laquelle vous apportez une contribution incomparable en biens économiques et moraux.

Fort opportunément, depuis environ une dizaine d'années, la Confédération multiplie ses initiatives pour assurer aux cultivateurs la reconnaissance de leurs justes droits, mais aussi pour promouvoir parmi eux l'observation des devoirs, dérivant les uns les autres des principes sociaux chrétiens. En effet, celui qui examine les buts que se propose votre association constate aisément combien ses dirigeants entendent s'inspirer de ces principes et respecter les valeurs humaines et sociales, que l'Eglise défend et soutient dans le monde du travail.



Le Saint-Père met en garde les cultivateurs contre les fausses propagandes.

Tout cela est pour Nous un motif de réconfort et vous donne, d'autre part, l'assurance d'avancer sur la bonne voie, qui n'est pas toujours reconnue ni suivie par tous. Aux cultivateurs, comme à tous les travailleurs continuent à parvenir, de divers côtés, des suggestions et des programmes de toutes sortes, de nature à mettre la confusion dans leurs idées, si bien qu'ils ne savent souvent pas distinguer le juste de l'injuste, le droit de la convoitise, la liberté de l'esclavage, en un mot leur bien réel de la ruine commune. De quelle manière pourrez-vous vous soustraire à de telles embûches et reconnaître le vrai du faux ?



Les cultivateurs reconnaîtront si on les trompe en comparant les programmes qu'on leur propose avec les enseignements de l'Eglise.

Il n'y a qu'un seul moyen : vérifiez si ces programmes sont en accord ou en opposition avec les principes de la doctrine sociale chrétienne. Celle-ci est, en effet, la solide pierre de touche, qui mérite l'entière confiance du travailleur honnête, car elle est le résultat de la plus large vision de la réalité ; elle est fondée sur l'ordre éternel établi par Dieu et manifesté par la nature ; elle est propre à sauvegarder la dignité de la personne, comme principe et terme des rapports entre les hommes ; elle ne se plie pas à des intérêts unilatéraux de classe ; elle respecte la juste hiérarchie des valeurs ; elle ne sacrifie pas un bien pour un autre, mais tend à les harmoniser tous dans la justice et dans l'amour.

En affirmant donc les droits, en exposant les nécessités et en perfectionnant les programmes de votre catégorie, cherchez à ne pas vous éloigner de l'esprit de cette doctrine, par laquelle vous pourrez apprendre quels sont les devoirs, mais aussi les droits dans une société bien ordonnée.





Le Saint-Père énumère les justes réformes et avantages que les cultivateurs sont en droit d'attendre des pouvoirs publics mais en tenant compte des possibilités de l'Etat.

Ce n'est pas à Nous de définir les dispositions particulières que la société doit adopter pour satisfaire à l'obligation de venir en aide à la catégorie rurale ; néanmoins, il Nous semble que les buts poursuivis par votre Confédération coïncident avec les devoirs de la société envers vous. Ces devoirs sont ceux, par exemple, de diffuser la propriété agricole et son développement productif ; de mettre les agriculteurs non propriétaires dans des conditions de salaires, de contrats et de revenu de nature à favoriser leur stabilité sur les fonds cultivés par eux et de faciliter l'accession à la pleine propriété (en restant toujours attentif aux exigences de la productivité, aux droits des propriétaires et à leurs investissements) ; de les encourager par une aide concrète à améliorer les cultures et le patrimoine zootechnique, de manière que leur revenu comme la prospérité nationale en tirent avantage ; de promouvoir en outre en leur faveur les formes d'assistance et d'assurances, communes aux autres travailleurs (mais administrées selon les conditions spéciales de l'agriculteur) ; de faciliter la préparation technique, spécialement des jeunes, selon les méthodes rationnelles et modernes continuellement en progrès ; et, enfin, de s'employer afin que soit éliminée cette différence criante entre le revenu agricole et le revenu industriel, qui cause l'abandon des campagnes, avec tant de dommage pour l'économie dans un pays comme le vôtre, basé en grande partie sur la production agricole. A ces tâches de la société en votre faveur, on doit ajouter celles qui dérivent des conditions particulières de vos campagnes, encore insuffisamment pourvues, ça et là, d'habitations, de routes, d'écoles, d'aqueducs, d'énergie électrique, de dispensaires.

Or, s'il vous est permis de réclamer à la communauté nationale la réalisation de ces mesures et d'autres semblables, vous ne devez pas oublier votre devoir de ne pas les exiger sans tenir compte des possibilités réelles de la nation ou avec l'impatience de ceux qui considèrent l'Etat comme un simple serviteur des individus et des classes sociales. Tout cela vous est enseigné par l'esprit de la doctrine sociale chrétienne, que vous avez prise comme norme de votre association et à laquelle vos dirigeants entendent se conformer en assurant l'amélioration de votre situation.

Il leur rappelle que les intérêts matériels doivent passer après les préoccupations d'ordre moral et leur donne trois directives précises :

Mais dans l'attente que vos voeux et vos résolutions, exprimés au cours du présent congrès, se transforment le plus tôt possible en réalité, il vous appartient d'entreprendre ou de continuer la tâche personnelle de vous cultiver vous-mêmes, comme travailleurs, comme membres de la société, comme fils de Dieu. Aussi désirons-Nous vous dire quelques brèves paroles sur chacun de ces trois devoirs.

I. Cultivez-vous comme travailleurs


On a l'habitude de dire couramment que la « nature fait tout » dans les champs. Cela est vrai quand on attribue au merveilleux pouvoir de la nature ce prodige de germination, de croissance, de maturation, qu'aucune force et aucune science humaine ne peuvent reproduire et remplacer. Mais la nature attend d'être guidée par l'intelligence et par la main de l'homme, pour exercer son pouvoir presque illimité en faveur des hommes. L'oeuvre de l'agriculteur est par conséquent une forme de collaboration pour ainsi dire directe à l'oeuvre de Dieu et elle honore grandement celui qui l'accomplit. Or la nature est d'autant plus prête à répondre généreusement aux fatigues humaines que la collaboration est plus intelligente, assidue et vigilante. Vous savez que les sciences modernes ont ouvert et découvrent encore de nouvelles voies pour renforcer la collaboration de l'homme avec la nature, dans le but d'employer plus sagement ses ressources. Il faut donc connaître, étudier et adopter les méthodes que les sciences suggèrent. Cela comporte l'abandon de systèmes empiriques et rudimentaires, qui constituent non seulement un gaspillage d'énergies humaines, mais le renoncement à d'importants résultats, d'autant plus précieux que la terre, spécialement dans votre pays, se révèle plus mal appropriée au nombre de ses habitants. L'agriculteur d'aujourd'hui ne peut se contenter de méthodes dites patriarcales ; mais il doit acquérir la connaissance technique de sa profession, en se laissant guider avec confiance par ceux qui reconnaissent dans l'agriculture une science et un art.

Les jeunes, surtout, doivent être stimulés à acquérir une culture professionnelle moderne, en leur en fournissant le temps et les moyens. Vous serez aidés en cela par votre Confédération, qui a déjà pris des dispositions prévoyantes pour préparer convenablement la jeunesse rurale aux responsabilités techniques, économiques et sociales et en faire d'excellents chefs d'entreprise.



II. Cultivez-vous comme membre de la société

La vie, au fond assez isolée, des agriculteurs pourrait vous induire à vous considérer vous-mêmes comme étrangers à l'oeuvre de la nation, et peut-être même en condition d'infériorité par rapport aux autres citoyens. Rien n'est plus erroné. La classe agricole, spécialement en Italie, a été et demeure la base de la vie de la nation, soit par l'importante contribution économique qu'elle lui apporte, soit par la santé, la vigueur et la moralité dont elle est riche. Les familles rurales italiennes, qui ont toujours donné, jusqu'à ce jour, à la nation, non moins qu'à l'Eglise, d'innombrables saints et d'insignes savants, artistes, hommes de gouvernement, dévoués à la patrie, démontrent qu'elles sont encore la bonne sève du grand arbre. Continuez dans cette splendi-de tradition, persuadés par ailleurs que votre contribution ordinaire à la vie sociale consiste à améliorer le rendement de votre travail, à veiller à ne pas vous laisser séduire par les forces de désagrégation désireuses de vous attirer dans leur orbite, et à vous employer activement, au moyen d'une action vigoureuse, afin que la communauté, aussi bien au centre qu'à la périphérie, soit guidée et dirigée par des hommes d'une honnêteté à toute épreuve.



Le Saint-Père s'adresse aux jeunes gens pour les exhorter à ne pas céder à la tentation d'abandonner les campagnes pour chercher une vie plus facile à la ville.

Là aussi, Nous désirons ajouter une parole particulière pour les jeunes si souvent tentés d'abandonner les campagnes par le rêve trompeur d'une vie aisée à la ville. L'écho qui vous parvient, chers jeunes gens, des grandes cités, par la presse, la radio, la télévision et le cinéma, se prête à fausser chez vous la réalité. La vie décrite à la lumière de l'art et du divertissement est bien différente de la vie quotidienne de chaque jour. De toute façon, la loi de la compensation se manifeste également lorsque l'on compare les avantages de la ville à ceux de la campagne. Les magnifiques gains de la cité sont décimés par les occasions faciles de dépense; les divertissements spectaculaires ne valent pas la sérénité des heures passées dans la paix familiale ; l'abondance des commodités ne valent pas non plus le sacrifice de l'indépendance, de la santé, de la sécurité du lendemain, prérogatives de la vie rurale.

Toutes les louanges que la vie des champs a recueillies toujours et partout ne sont pas sans fondement. Du reste, c'est à votre sagesse qu'il appartiendra de choisir, mais si vous deviez vous résoudre à changer de travail, gardez-vous de vous baser sur de brillantes et vaines apparences.



III. Enfin, cultivez-vous religieusement

Généralement, on dit que l'agriculteur est plus près de Dieu parce qu'il assiste, pour ainsi dire heure par heure, aux prodiges de sa Providence. Toutefois, il peut arriver que le travail assidu, les difficultés, les distances elles-mêmes empêchent que la semence religieuse enfermée dans son coeur germe et mûrisse en fruits d'instruction, de pratiques religieuses et, même, — car c'est possible, — d'authentique sainteté. Pour sa part, l'Eglise n'a jamais négligé cette portion choisie du troupeau du Christ, en envoyant des prêtres zélés s'établir au milieu d'elle pour s'occuper de ses nécessités spirituelles. Contrairement aux débuts du christianisme, la population agricole est ainsi restée jusqu'à ce jour comme détentrice de la pure tradition chrétienne. Mais à présent, les nouvelles conditions de la vie rurale ont suscité de nombreux et graves problèmes de caractère spirituel et matériel, dont la solution doit être prise à coeur, aussi bien par le prêtre que par l'agriculteur et par la communauté civile elle-même.

Quel doit être en cela votre devoir fondamental ? Maintenez-vous dans le contact le plus étroit avec le prêtre. Dieu s'est rendu visible dans son Fils Unique, qui, à son tour, continue « à habiter parmi nous » dans le sacerdoce éternel de l'Eglise. Le prêtre est la voie vers le Christ, il est le trésorier des moyens de sanctification, il est l'authentique héraut de son Evangile. Dociles à ses enseignements, à ses conseils et exhortations, vous trouverez en lui la nourriture spirituelle pour l'âme affamée de vérité et de grâce, et, dans les épreuves quotidiennes, le père et le frère soucieux de votre vrai bien. Réduisez donc les distances qui vous séparent de lui ; brisez, au besoin, la glace de la froideur pour lier avec lui des rapports affectueux, chassez les soupçons, le plus souvent répandus par artifice. Si vous vous montrez dignes de son ministère sacré, il ne manquera pas de resplendir à vos yeux comme l'image du bon pasteur décrit par le Christ. En un mot, Nous voudrions que vous le vénériez, que vous l'écoutiez, que vous lui obéissiez avec les mêmes sentiments filiaux qui brûlent en ce moment dans vos coeurs en regardant Notre humble personne. De la sorte, Notre coeur ne tremblera plus de la crainte que le loup rapace, toujours aux aguets, réussisse à faire des ravages dans vos âmes qui Nous sont si chères et pour lesquelles le Rédempteur divin a versé son sang.



Le Saint-Père termine en invitant ses auditeurs à retourner dans leurs villages avec le désir d'y continuer généreusement leur mission de travailleurs, de citoyens et de chrétiens.

Vous retournerez, chers fils, aux fertiles campagnes et aux riantes collines, qui portent les traces de vos fatigues, pour continuer votre mission de travailleurs, de citoyens et de chrétiens. Que Dieu vous accompagne et qu'il reste toujours auprès de vous, à la maison et dans les champs, durant le travail et le repos ; sa loi couronnant vos pensées et son amour au fond de votre coeur. Et chaque fois que le son mélodieux d'une cloche, en accord avec le bruissement du vent, avec le murmure des eaux, avec le gazouillement des oiseaux, se répandra, comme une voix qui appelle à des pensées du ciel et promet les bénédictions divines sur les sillons et les moissons, arrosés de votre sueur, élevez l'esprit vers Dieu en une fervente prière d'action de grâces et de propitiation.

Avec la confiance que Nos sollicitudes et Nos voeux, chers fils cultivateurs, se réalisent en vous et par vous, que Notre paternelle Bénédiction apostolique, présage des faveurs divines, descende et se répande, comme l'arôme des champs mûrs, sur vous tous et sur chacun de vous.






LETTRE AU R. P. FRANÇOIS MEAD RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ DE NIAGARA A L'OCCASION DU CENTENAIRE DE CETTE INSTITUTION

(12 avril 1956) 1


Le Saint-Père a adressé au Révérend Père François Mead, C, M., Recteur de l'Université de Niagara, la lettre suivante à l'occasion du premier centenaire de ce centre d'études.


C'est avec joie que Nous venons d'apprendre que l'Université de Niagara s'apprête à célébrer le premier centenaire de sa fondation ; aussi Notre pensée se porte-t-elle vers vous, cher fils, vers les autres directeurs et professeurs, vers les élèves de cette grande institution dans un mouvement d'affection paternelle.

Nous connaissons bien les débuts de cette maison d'enseignement, son heureux développement et ses gloires actuelles qui vous valent les justes éloges de vos citoyens et des étrangers : Nous pensons qu'il faut attribuer à une grâce et une faveur spéciales de Dieu ce fait que, pour le plus grand bien de l'Eglise et de votre cité, la bonne semence des fruits de salut a pu pousser pendant ce temps. On rappellera à juste titre, au cours des solennités et manifestations prévues et l'on honorera comme il convient le souvenir de Jean Lync, de la Société de Saint Vincent de Paul ; cet homme de grand bon sens, actif et ingénieux, sut mettre en oeuvre, avec prévoyance et lucidité, tout ce qu'il fallait pour fonder, dans la ville de Niagara, un séminaire consacré à la Vierge Mère de Dieu, Reine des anges. On ajouta plus tard à ce bâtiment, d'autres constructions destinées à l'enseignement des différentes disciplines ; le tout forme un ensemble imposant qui montre magnifiquement et à l'évidence que le talent des hommes est capable avec l'appui de la grâce de Dieu, de parachever ce qui a été commencé.

Instruits dans la foi catholique, formés avec soin, à une doctrine sûre et à des moeurs intègres, beaucoup de vos anciens ont quitté la vie cachée pour se lancer dans la vie publique et militante ; les uns ont été élevés à la dignité sacerdotale ou épiscopale ; d'autres occupent des hautes fonctions dans là cité ; tous se sont fait remarquer par les dons de leur esprit et par leur conduite exemplaire.

Devant le spectacle de cette génération d'hommes courageux, Nous souhaitons qu'une telle gloire, encore en plein essor, ne se ternisse point, mais qu'elle s'étende au contraire amplement, pour le plus grand profit de l'Eglise et du pays. Etant donné la grande affection que Nous avons pour votre peuple, Nous désirons vivement que soit atteint le but envisagé ; et Nous souhaitons, dans cette intention, que l'on confie à des hommes capables les entreprises les plus importantes et les charges les plus lourdes. Qu'y a-t-il, en effet, de plus salutaire et de plus souhaitable pour sauvegarder et faire progresser la culture humaine d'un pays, que ces études doctrinales et scientifiques poursuivies à la lumière de la vraie religion, qu'un respect souverain de la sagesse de l'Eglise, qu'une conscience et une volonté droites, étroitement attachées à la loi divine, et jointes à une véritable compétence professionnelle ?

Au moment où s'ouvre le second siècle de cette grande institution sagement dirigée et orientée, par les excellents religieux de la Congrégation de la Mission de Saint Vincent de Paul, vers de fructueux développements, Nous désirons vivement que par la légitime et solennelle érection réservée au Siège apostolique par le Canon CIS 1376 du code de D. C, elle atteigne ainsi son plein état d'achèvement.

Nous faisons monter des prières suppliantes vers la très Sainte Mère de Dieu Reine des anges et des hommes, pour qu'il vous soit donné de voir la réalisation des voeux que Nous formulons pour le bien de cette jeunesse qui vous est si chère. Nous vous remercions de tout coeur de la guirlande de fleurs mystiques que, poussés par la piété filiale, ces jeunes gens ont tressée récemment pour Nous, et Nous demandons pour eux le secours de Dieu afin qu'ils réalisent ce que Nous espérons et attendons d'eux. Fort de cette confiance, Nous accordons de tout coeur, à vous cher Fils, à tous les maîtres et élèves de l'Université de Niagara, à ceux qui rivalisent spontanément de générosité pour subvenir à ses besoins, ainsi qu'à tous ceux qui avec vous célébreront ce solennel centenaire, la Bénédiction apostolique.


Pie XII 1956 - ALLOCUTION AUX ÉLÈVES DU COLLÈGE PONTIFICAL LATINO-AMÉRICAIN (5 avril 1956)