Pie XII 1956 - A L'INSTITUT NATIONAL MASCULIN DE ROME


ALLOCUTION A L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES FABRICANTS DE CONFISERIE

(21 avril 1956) 1






Le samedi 21 avril, le Souverain Pontife a reçu en audience les participants à l'Assemblée de l'« Association internationale des fabricants de confiserie » ; Il leur a adressé en français les paroles suivantes :

Nous sommes sensible, Messieurs, à la visite que vous avez voulu Nous rendre à l'occasion de l'assemblée que tient à Rome votre « Association internationale des fabricants de confiserie ». C'est avec plaisir que Nous saluons les représentants de divers pays, qui ont tenu à se joindre à leurs collègues italiens pour étudier les problèmes de votre corporation.



Le Saint-Père encourage les contacts personnels entre membres des associations internationales.

Problèmes techniques et commerciaux, sans doute, concernant les orientations du marché, l'acquisition des matières premières, les systèmes d'analyse qu'il faut leur appliquer, les questions de fiscalité. Mais aussi et surtout, vous avez voulu favoriser les contacts personnels entre les producteurs. Il est possible, évidemment, de traiter des affaires à distance par correspondance ou de s'informer par le moyen de revues spécialisées qui s'occupent des intérêts professionnels ; mais, malgré les facilités que la technique moderne offre en ce domaine, bien des éléments intéressants resteront fatalement ignorés ; il y manquera principalement l'atmosphère que crée le contact immé

diat. Même losque vous abordez des matières purement commerciales ou techniques, votre interlocuteur est un homme, dont les préoccupations débordent largement ce cadre étroit, un homme qui a comme vous des soucis personnels, des préoccupations familiales, qui doit lutter chaque jour pour assurer le maintien et le développement de son entreprise, mais aussi faire face à des questions d'ordre moral, social ou religieux. Et vous savez sans doute par expérience combien les décisions pratiques peuvent être influencées par ces conditions plus générales, que l'on ne saisit pas facilement en dehors d'échanges directs empreints de sympathie et de compréhension.

Aussi étiez-vous bien inspirés de convoquer votre assemblée afin de « rendre plus cordiaux les rapports entre les producteurs de confiserie des différents pays ». Ce but, Nous espérons que vous avez commencé à le réaliser et Nous vous souhaitons de renforcer et de consolider les liens d'amitié que vous avez noués en cette occasion. Puissent-ils, pour rester forts et sincères, s'étendre aussi à tous ceux qui, autour de vous, auront recours à votre aide ou qui, plus simplement, sans rien demander, passeront à côté de vous, enfermés dans leur peine, et que vous réconforterez par un geste de bonté.

Nous demandons au Seigneur de vous combler de ses faveurs, vous-mêmes, vos collaborateurs, vos familles et tous ceux qui vous sont chers, et Nous vous en accordons comme gage Notre paternelle Bénédiction apostolique.


RADIOMESSAGE POUR LE CINQUANTENAIRE DE LA VIERGE DES DOULEURS DE QUITO

(22 avril 1956) 1






A l'occasion du cinquantenaire du prodige de l'Image de la Vierge des Douleurs au Collège Saint-Gabriel de la Compagnie de Jésus, à Quito, le Souverain Pontife a adressé un Radiomessage en espagnol. En voici la traduction.

Très chers fils, catholiques de l'Equateur et, tout spécialement, catholiques de Quito, qui avec une dévotion et une ferveur profondes, posez aujourd'hui une couronne sur le front de votre « Vierge des Douleurs », à l'occasion du cinquantième anniversaire des manifestations par lesquelles Elle vous démontra sa prédilection.

Quelle idée avez-vous eu, très chers fils, en voulant célébrer par des fêtes et avec joie Celle qui se montre devant vous les yeux pleins de larmes ? Qui vous a suggéré de poser une couronne d'or sur le chef de Celle qui tient dans ses mains une couronne d'épines ?

La Vierge a pleuré et ses larmes avaient été tout d'abord prophétisées par les paroles de saint Siméon (Luc, II 35), puis vigoureusement décrites, avec une sublime concision, en cette femme qui se tenait debout près de la croix de son Fils divin (Jn 19,25) ; et ces larmes nous obtinrent le salut et la grâce.



Le Saint-Père attribue aux larmes de la Vierge Marie le bienfait de la cessation de l'atroce persécution religieuse qui a ensanglanté l'Equateur.

D'après ce que rapportent les textes, la Vierge manifesta — au milieu même de son éternelle félicité et en signe de sollicitude maternelle pour le salut de ses fils — de l'angoisse et de la tristesse, au point d'apparaître prête à fondre en larmes en voyant votre nation si catholique bouleversée par la persécution, baignée de sang, poussée à de telles extrémités de haine sectaire, que l'antique et saint héritage de foi pouvait être considéré comme en péril, spécialement si le dessein de déchristianiser l'éducation de vos enfants devait se réaliser. Qui pourrait douter que ce furent ces angoisses, ces tristesses qui obtinrent du ciel les forces nécessaires pour mettre un frein à la puissance du mal et pour préparer ce printemps des âmes, dont vous avez maintenant le bonheur de contempler les fruits ?

Ce sont des larmes, mais de précieuses larmes, qui méritent votre gratitude la plus sincère, très chers fils : ce sont des douleurs ; mais vous jouissez de leurs fruits et vous devez voir en elles une singulière manifestation de l'amour maternel. Ces fêtes et cette joie sont donc fort à propos, ainsi que cette couronne d'or, même si tout vous rappelle une fois de plus le sublime contraste qui fait des joies de la maternité une source de larmes et qui convertit toute mère consciente de sa mission en une héroïne du devoir.



Il ajoute que ces magnifiques fêtes n'auraient pas grande valeur et causeraient de nouvelles larmes à la Vierge Marie si les chrétiens vivaient dans le péché.

Mais tous vos hommages et ces solennités pourraient se réduire à une simple rumeur qu'emporte le vent, si dans votre pieuse méditation vous ne vous attardiez pas un moment à penser : la Vierge pleura, mais ne pleurera-t-elle pas sans doute encore aujourd'hui et, peut-être, par notre faute ?

En effet, très chers fils, avec quels yeux pourrait-Elle voir par exemple une vie de foi réduite peut-être à une série de manifestations extérieures et privée de cet esprit intérieur qui enrichit tout et sans lequel l'extérieur ne signifie rien ni ne vaut rien ? Quel effet produira sur elle un coeur orgueilleux et plein de morgue qui regarde avec hauteur le pauvre et l'humble et qui semble ne rien savoir d'autre qu'apparaître supérieur à quiconque ose se montrer en sa présence ? Trouvera-t-Elle l'amour dû à son divin Fils, l'obéissance à l'Eglise, l'observation des commandements et des préceptes ? La Vierge pleura, très chers fils, et Nous n'agirions pas avec sincérité, comme Nous devons le




LA VIERGE DE QUITO



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faire, si Nous ne vous disions pas que Nous craignons fortement qu'Elle ne pleure encore ; mais, Nous ne pouvons douter, certes, de la consolation et de la joie que vous Lui procurez par votre piété filiale, spécialement en ce moment.

C'est à Quito, la légendaire et historique Quito, qui, située sur la rive du fier Pichincha et couronnée de cimes volcaniques, semblerait dormir un sommeil de gloire dans la paix sereine de sa haute vallée ; c'est Quito, la cité de l'admirable « Azucena », que Nous avons Nous-même eu la singulière satisfaction d'élever aux honneurs suprêmes des autels, qui a préparé aujourd'hui à sa mère douloureuse ce triomphe, en s'acquittant d'une ancienne dette de gratitude, dans laquelle, ce qui compte plus que l'or et plus que les pierres précieuses, c'est, comme dans tout don filial, le coeur avec lequel il est offert. Cité heureuse, parce que, comme le dit le Saint-Esprit, honorer sa mère est comme accumuler un grand trésor (Qo 3,4) ; ville heureuse et pays heureux, si vous savez être fidèles à ce que vous avez promis en cette solennelle occasion, car, comme Nous pourrions dire en paraphrasant les paroles d'un grand Docteur de l'Eglise2, il est juste que la première pensée ait été d'honorer votre mère et que vous ayez ensuite pris la résolution de fuir le péché et de mener une meilleure vie ; mais si un jour ces desseins devaient être oubliés, l'action de grâces ne serait pas appropriée et les honneurs et louanges seraient sans valeur.



Le Saint-Père termine en exhortant les fidèles de l'Equateur à remercier le ciel et à mener une vie chrétienne fervente.

Recevez-les avec bonté, ô Notre-Dame des Douleurs du Collège ou — pour vous appeler d'un nom plus universellement connu — Vierge des Douleurs de Quito, et que ce soient précisément vos douleurs, que ce soient vos larmes, qui, descendant sur cette terre fertile, fassent prospérer et mûrir des fruits de perfection chrétienne et de sainteté. C'est un peuple qui vous aime et qui ne veut plus vous voir pleurer ; c'est un peuple disposé à pleurer sur ses péchés pour que vous souriiez ; c'est un peuple de vos fils, de vos fils très dévoués, qui Vous offre cette couronne, comme gage tangible de réconciliation, comme souvenir éternel de l'amour qu'il professe pour Vous, comme signe de reconnais-



2 S. Augustin, Enarr. in Psaim. 75, n. 14 ; Migne, P. L., t. XXXVI, col. 965.

sance de Votre souveraineté maternelle. C'est un peuple bien-aimé qui, même s'il Vous a coûté des larmes, peut Vous assurer que ce ne sont pas des larmes perdues ; mais qui, précisément, à cause de celles-ci, a une entière confiance en Votre bonté et en Votre intercession auprès de Votre très précieux Fils, qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne dans les siècles. Ainsi soit-il.

Pour terminer, nous bénissons tout spécialement Notre très cher fils, votre Archevêque, aux mains duquel Nous avons confié le Couronnement que Nous aurions voulu accomplir de Nos propres mains ; nous bénissons votre cité et toute la nation de l'Equateur ; nous bénissons enfin toute l'Amérique de langue espagnole et, plus particulièrement, tous ceux qui, en ce moment, d'une manière ou de l'autre, écoutent Notre voix.


ALLOCUTION A DES MEMBRES DE L'OFFICE D'INFORMATION PUBLIQUE DE L'O.N.U.

(24 avril 1956) 1






Le mardi 24 avril, le Souverain Pontife a reçu en audience les membres du Comité de Coordination pour l'Information publique de l'O.N.U. Il leur a adressé l'allocution suivante en français :

Nous avons voulu, Messieurs, répondre à votre désir, et vous dire en quelques mots l'importance, que Nous attachons à l'office d'informateur public, qui est le vôtre à divers titres ; car vous devez en vérité accomplir une oeuvre de lumière, dont le rayonnement et les répercussions peuvent être considérables.



Le Saint-Père indique les devoirs importants qui incombent aux informateurs dignes de ce nom.

Fournir en effet des informations internationales exactes est une tâche ardue et pleine de responsabilité. Ce n'est pas une occupation indifférente, dont on puisse s'acquitter sans mettre en oeuvre de hautes qualités intellectuelles et morales. Il ne s'agit pas seulement de publier des faits, des statistiques, des résultats matériels d'enquête ; il faut encore en vérifier l'objectivité, en indiquer les causes, en mesurer ou du moins en supputer les conséquences, en un mot, les éclairer d'un commentaire adapté. Tant d'opérations délicates supposent une prudence avisée, capable de deviner et de détecter les sources d'erreurs possibles, une patience et une ténacité persévérantes dans les recherches, une honnêteté absolue dans l'exposé, un art de la pré-

sentation qui sache mettre en valeur les points essentiels, sans déformer la vérité, sans dissimuler ce qui doit être dit, sans abuser non plus de l'ignorance ou de la bonne foi. L'aspect moral de toute nouvelle jetée dans le public ne doit jamais être négligé, car le rapport le plus objectif implique des jugements de valeur et suggère des décisions. L'informateur digne de ce nom doit n'accabler personne, mais chercher à comprendre et à faire comprendre les échecs, même les fautes commises. Expliquer n'est pas nécessairement excuser, mais c'est déjà suggérer le remède, et faire par conséquent une oeuvre positive et constructrice.

Tel est votre noble travail, Messieurs, Nous dirons presque votre vocation, car tout ce qui touche à la vérité et au maintien de la paix, qui en dépend d'une manière très étroite, possède un caractère en quelque sorte sacré. Et voilà pourquoi, en vous adressant Nos encouragements, Nous appelons sur vous les lumières et la force d'en-haut. Recevez-en pour gage, vous-mêmes, vos familles, et tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES FEMMES DE L'ACTION CATHOLIQUE DE VALENCE

(29 avril 1956) 1






Le Saint-Père a reçu, le dimanche 29 avril, un important groupe de femmes de l'Action catholique de Valence, en Espagne, venues à Rome à l'occasion de la présentation à la Sacrée Congrégation des Rites du procès d'information sur dix-neuf femmes de cet archidiocèse espagnol, tuées en 1936 en haine de la foi.

Sa Sainteté a prononcé un discours en espagnol, dont voici la traduction :

Des bords du Turia, parfumés par les fleurs d'orangers, vous êtes venus — vénérable frère et très chères filles — jusqu'à ces rives du Tibre blond, où l'on dirait que les plus hauts idéals — religion, art, histoire — se sont transformés en pierre pour le plaisir et l'admiration des mortels ; et vous êtes venus surtout poussés par cette délicate piété filiale, si propre à votre race et à votre peuple, qui ne se contente pas de féliciter de loin son Père, mais qui veut s'exprimer de près et avec ce langage où les yeux parlent plus que la bouche et où ce ne sont pas les oreilles qui écoutent mais le coeur.



Le Saint-Père dit sa foie de recevoir ce témoignage d'affection des pèlerins espagnols au milieu des tristesses qui l'affligent.

Avec une cordialité identique, Nous voulons, très chers pèlerins de Valence, vous manifester les remerciements les plus affectueux, en même temps que Nous vous avouons qu'en une période si difficile et si chargée de problèmes, de préoccupations et même d'anxiétés, cette unanimité de coeurs, ce sentiment filial si sincère et si profond dont Nous entourent constamment Nos fils, non seulement Nous consolent de tant de douleurs et de tant d'afflictions, mais encore comblent tellement Notre âme que Nous Nous sentirions presque tenté de dire comme l'Apôtre (2Co 7,4) qu'au milieu de tant de tribulations la joie est encore plus abondante au point d'effacer toute impression contraire. « Les fils et les petits-fils sont la couronne du vieillard », dit le Saint-Esprit (Pr 17,6), qui ajoute toutefois « et les fils l'honneur des pères ». Bénies soient la miséricorde et la bonté infinies du Seigneur, qui Nous fait expérimenter aujourd'hui, en votre présence, la douce vérité de ces paroles.



Il fait l'éloge de Valence qui a été, dans le passé et demeure, de nos jours une terre de sainteté.

Mais votre venue à la Ville Eternelle a aussi un autre but que Nous ne saurions passer sous silence. Valence est une terre de saints, depuis le glorieux diacre Vincent et ce grand apôtre que fut saint Vincent Ferrier jusqu'à ces insignes prélats qui honorèrent son siège, comme le bienheureux Jean de Ribera et saint Thomas de Villeneuve ; Valence fut toujours un sol fécond pour la sainteté parmi les femmes, et c'est ainsi que votre histoire vous parle de sainte Marie et Grâce d'Alcira et de la bienheureuse Inès de Beniganin, sans qu'il soit besoin de citer celle que le monde appela vicomtesse de Jorbalan et que l'Eglise vénère comme sainte Marie-Michèle du Saint-Sacrement, insigne apôtre de la charité et fondatrice d'un méritant Institut. Mais aujourd'hui, Valence veut davantage, et c'est ainsi qu'en faisant de minutieuses enquêtes, elle a réuni tous les témoignages possibles pour prouver que cette veine de sainteté et de martyre ne s'est pas épuisée dans cette terre bénie et chez vos femmes, mais qu'elle demeure toujours abondante avec la même force.

Votre piété, dans cette démarche, est certainement louable et surtout si l'on tient compte que plusieurs parmi vous sont unies par le lien du sang aux personnes dont il s'agit ; votre intention, en voulant glorifier celles que vous pensez en être dignes, ne peut manquer d'être respectée par tous ; et votre acte même d'humble soumission au jugement prudent des organes ecclésiastiques compétents se révèle comme un témoignage supplémentaire en votre faveur. Continuez maintenant par vos prié-



res cette oeuvre entreprise avec tant d'enthousiasme, dans la certitude que la lumière du Saint-Esprit dirigera tout pour qu'il en résulte ce qui doit être le mieux pour la gloire de Dieu et l'honneur de l'Eglise.



Le Saint-Père termine par trois recommandations particulières :

Mais il y a un troisième élément que votre présence Nous suggère et que Nous voulons relever, car vous êtes toutes membres de l'Action catholique de Valence et représentantes d'une branche très féconde qui, au moyen de divers Secrétariats s'oc-cupant de la charité, de la famille, de la moralité et plusieurs autres, accomplit un magnifique travail.

Si vous voulez une parole qui vous soit utile, comme souvenir pratique de cette audience, rappelez-vous que, selon des personnes bien informées, trois sentiments resplendirent spécialement chez ces créatures d'élite, auxquelles vous avez consacré vos efforts :

amour de la sainte Eucharistie, vrai centre pour les esprits, attirant les coeurs, source inépuisable de grâce, résumé de toute notre foi ;

amour de leur mère bien-aimée, la Vierge des abandonnés, objet de prédilection pour tous les coeurs du Levant espagnol, mère et protectrice de toute votre ville et toute votre région, Dame et reine de tout le jardin du Levant et de tous ses bons fils ;

amour enfin de notre sainte mère l'Eglise, arche sûre de salut, unique dépositaire de cette vraie foi qui doit conduire tout le monde au port de cette vie éternelle, à laquelle nous aspirons.

Avec ces recommandations, ces sentiments et cette affection, Nous vous bénissons, très chers fils, dans toute l'effusion de Notre coeur paternel. Et en vous bénissant, Nous bénissons également tout votre archidiocèse, le très digne prélat qui est à sa tête, toute l'Action catholique de Valence, toute votre cité et toute votre région et toute la très chère Espagne, toujours si féconde en fruits de martyre et de sainteté.






RADIOMESSAGE AUX TRAVAILLEURS DE DIVERSES NATIONS RÉUNIS A MILAN

(ier mai 1956) 1






A l'occasion de la première célébration de la fête de saint Joseph artisan, le Saint-Père a adressé le radiomessage suivant aux délégations d'ouvriers du monde entier, réunis à Milan (A.C.L.l.) 1 :

Le Saint-Père évoque le congrès triomphal de l'année précédente au cours duquel les travailleurs chrétiens avaient demandé une fête religieuse du travail.

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 287 ; traduction française de l'Osservatore Romano, du ai mai 1956.

2 Pour célébrer dignement la première fête de saint Joseph artisan les A.C.L.l. (Associations chrétiennes des travailleurs italiens) avaient convié leurs membres et des délégations d'ouvriers chrétiens du monde entier à une grande manifestation qui se déroula le premier mai à Milan, sur la place du Dôme, sous la présidence de S. Exc. Mgr Montini.

3 Cf. Documents Pontificaux 1055, p. 122.




Nous conservons dans le coeur le souvenir vivant et agréable de votre imposante réunion romaine de l'an dernier, alors qu'au soir radieux du premier mai, en face de la basilique vaticane, symbole de toute victoire chrétienne durable, vous Nous avez demandé de consacrer solennellement la fête du travail, dont le sens et le but vous furent par Nous-même indiqués 3. Dans Notre affection paternelle et avec l'autorité du Pasteur suprême, non seulement Nous avons accueilli votre juste désir, mais comme un don puisé aux trésors célestes Nous avons institué la fête liturgique de votre patron, saint Joseph, l'époux virginal de Marie, le travailleur de Nazareth, humble, silencieux et juste, pour qu'il fût à l'avenir votre protecteur dans la vie, votre sauvegarde dans les peines et les épreuves du travail. Il résonne encore à Nos oreilles le « oui » solennel par lequel vous avez publiquement manifesté votre joie pour une si grande grâce, et affirmé en même temps l'engagement de fait qui découle d'une telle consécration pour chaque travailleur chrétien.

A un an de distance, tandis qu'aujourd'hui pour la première foi l'on célèbre cette fête dans l'Eglise universelle, Nous sommes très heureux, pour vous rendre en quelque sorte votre visite à Rome, de Nous transporter en esprit parmi vous et de faire entendre Notre voix à vos vaillantes équipes réunies à Milan, capitale de la Lombardie laborieuse, centre frémissant du travail italien, sûr de Nous trouver là aussi au poste assigné à Notre humble personne par la divine Providence comme Vicaire du Christ et pasteur des âmes.

Notre rencontre d'aujourd'hui se déroule sous les joyeux auspices du regard maternel de la Vierge, dont l'image domine toute la métropole lombarde et dont l'amour est bien haut dans vos coeurs. Cette rencontre est d'abord un rappel de ce qui fut accompli l'an dernier, mais elle veut aussi ouvrir au mouvement bienfaisant des travailleurs chrétiens de nouvelles voies et lui indiquer des espaces encore plus vastes. Parmi vous, en effet, se distinguent, très nombreux et pleins d'enthousiasme, des représentants des associations de travailleurs catholiques non seulement de toutes les parties de l'Italie, mais aussi de beaucoup d'autres nations, venus témoigner, non pas d'une imaginaire unité internationale de la classe ouvrière mais de l'étroite unité des travailleurs catholiques, comme membres de l'Eglise, désireux de ramener au Christ tout le monde du travail, qui Lui appartient, comme tous les autres domaines de la vie sociale.



Il rappelle aux travailleurs chrétiens des A.C.L.I. que la raison d'être de leur association est de faire d'eux des apôtres du Christ parmi leurs frères.

Nous voudrions faire remarquer, à ce propos, qu'il ne s'agit pas tant de créer l'unité des travailleurs catholiques que de la reconnaître et la réaffirmer dans leurs consciences propres et dans celles d'autrui, car elle se trouve déjà au fond même de leur foi à l'unique Christ, rédempteur de tous les hommes, et à l'unique Eglise, mère de tous les fidèles, par-delà toute frontière et tout intérêt particulier. C'est dans cette unité substantielle, solide comme le granit, que les travailleurs chrétiens trouvent aussi le puissant motif ou plutôt le devoir de s'ouvrir à tout le monde qui les entoure, pour étendre partout le règne de Dieu, qui est un règne de justice et d'amour. La raison d'être profonde de votre association, comme de toute autre association catholique, est à chercher non dans la peur d'autres mouvements ou dans le désir de concurrencer les autres, ni même dans le sentiment de solidarité qui unit les membres d'une même classe mais dans le devoir intime et le zèle que vous éprouvez, en tant que catholiques, de vous faire apôtres du Christ parmi vos frères qui en ignorent ou en repoussent le message sauveur.

Unis dans le Christ, centre vital de notre unité, vous voulez être ses apôtres, non seulement parce que vous partagez avec Lui les conditions de vie qui furent jadis les siennes pendant de longues années durant son séjour sur la terre, quand la sueur de l'effort perlait sur son front, mais surtout parce que, comme ses disciples les plus fidèles et les plus résolus, vous vous sentez pris par la flamme divine de son amour pour tous les hommes de la terre. L'amour et la force apostolique du Christ vous poussent à voir en tout travailleur l'homme que Dieu a créé et racheté pour lui rendre ce qui lui revient en vertu de la volonté divine. C'est pourquoi, Nous pouvions dire des activités de vos associations : « L'amour fait battre leur coeur, cet amour même qui faisait battre le coeur du Christ, et il inspire leur sollicitude pour la défense et le respect de la dignité du travailleur moderne et le zèle actif pour le mettre dans des conditions de vie matérielles et sociales en harmonie avec une telle dignité 4. »

Chers fils et filles, maintenez intact et solide ce fondement religieux chrétien de vos A.C.L.I., dans la certitude qu'aucun développement historique du mouvement ouvrier ne pourra détruire leur raison d'être, ni leur unité, ni leur droit d'expansion, parce que, tant qu'il y aura des travailleurs, ce développement ne pourra pas modifier les rapports entre vous et le Christ, entre vous et vos frères. Quel que puisse être en fait l'avenir du monde du travail, il sera toujours nécessaire qu'un noyau plus ou moins vaste d'apôtres, imprime ou maintienne dans la vie sociale le sceau du règne du Christ, en réalisant ou en soutenant les valeurs qui tiennent souverainement au coeur de tout homme, de tout travailleur mûr et conscient, telles que la justice, la liberté et la paix dans la collaboration positive des classes. C'est en cette communication des biens surnaturels et



Cf. Discorsi e radiomessaggi, vol. X, p. 334 ; Documents Pontificaux 1948, p. 242.

humains que consistent le droit et le devoir d'expansion des A.C.L.I., expansion que Nous souhaitons rapide et concrète dans Notre chère Italie, parce que tous les travailleurs, même simplement comme hommes, appartiennent à leur Créateur et Rédempteur, au Christ, auquel ils doivent retourner avec une conscience éclairée s'ils en sont éloignés.



Le Saint-Père réfute l'objection de ceux qui prétendent que les A.C.L.I. occasionnent une rupture dans le mouvement ouvrier.

Il semble toutefois que certains ne voient pas clairement que les A.C.L.I. dérivent, de façon logique et nécessaire, de la substance intime du christianisme, mais manifestent au contraire un certain malaise intime dans l'effort qu'ils font pour justifier et pour ainsi dire excuser l'existence des associations chrétiennes des travailleurs. L'excuser devant qui et de quelle imputation ? L'excuser à cause de ce qu'ils appellent mouvement ouvrier en tant que tel ; l'excuser pour la « rupture » supposée que les A.C.L.I. causeraient dans le mouvement lui-même ! Qui ne voit comment pareils motifs et pareilles craintes manquent de fondement ? N'importe quel mouvement social, le mouvement ouvrier lui aussi par conséquent, suppose comme principe et comme terme l'homme avec son destin surnaturel et l'ensemble de ses droits et de ses devoirs naturels, dont on ne peut faire abstraction, même lorsque le mouvement se propose directement des buts économiques et contingents. Quant à la « rupture » et à la séparation redoutées, la vérité se trouve précisément à l'opposé. Plus soucieuses de donner que de recevoir, les A.C.L.I. ouvrent délibérément leurs portes à quiconque éprouve le désir d'établir des ententes toujours plus larges entre ceux qui appartiennent au monde du travail.

Une éloquente démonstration en fut donnée voici tout juste un an, quand les travailleurs chrétiens ont invité tous leurs camarades à participer à la fête du 1er mai, considérée jusque-là comme le monopole d'une catégorie particulière d'ouvriers. Ils en donnent aujourd'hui même une autre preuve éclatante, en accueillant dans cette assemblée milanaise des travailleurs de différentes nations.

C'est pourquoi, de même que la fidélité à leur physionomie propre ne doit pas empêcher les A.C.L.I. de travailler à se répandre toujours plus largement en dehors de leur propre sphère, de même devez-vous veiller à ce qu'elles ne risquent pas de disparaître, et d'être comme absorbées par le mouvement ouvrier en tant que tel. Ceux qui se sentiraient troublés et hésitants quant à l'indestructible fondement de votre unité, qu'aucun développement historique ne saurait mettre en cause, ceux-là n'auraient pas qualité pour assurer la direction des A.C.L.I. dans leur mission de devenir pour le monde du travail un ferment dans le sens évangélique du mot.

Du reste l'unité du mouvement ouvrier en tant que tel ne semble pas avoir été favorisée par le cours de l'histoire. La vie sociale des cent et quelques dernières années dans les industries européenne et américaine montre une réalité différente. Là même où se répandait parmi les travailleurs l'idée de l'unité du prolétariat conçue comme celle d'une classe en lutte contre la classe capitaliste, on n'est point parvenu à un mouvement durable d'union entre les travailleurs. Des différences sociales insurmontables, et d'autres encore, parmi les éléments constitutifs du contrat de travail, s'opposaient à l'unité du prolétariat ; et, par ailleurs, on sait bien comment l'idée de l'unité internationale de la classe ouvrière a toujours été mise en faillite par les divergences nationales au moment des conflits armés.



Le Saint-Père exhorte les travailleurs à la confiance dans les A.C.L.I. qui doivent devenir des guides dans le monde du travail.

Courage donc et fermeté, chers fils et filles ! Groupez-vous en rangs serrés autour de vos pacifiques drapeaux auxquels semble déjà sourire, riche de promesses fondées, un avenir splendide. Les A.C.L.I. renferment en elles une force vivante et intérieure qui, quand elle se sera pleinement développée, contribuera efficacement à hâter l'avènement tant souhaité de la vraie paix sociale. Les travailleurs chrétiens mus par les principes éternels, et puisant dans la foi et dans la grâce la force paisible de surmonter les obstacles, ne sont peut-être plus loin du jour où ils pourront exercer la fonction de guide au milieu du monde du travail.

Et pourquoi n'en serait-il pas ainsi ? La saine doctrine qu'ils professent, les sentiments droits qui les animent sont autant de titres légitimes à devenir les guides du mouvement ouvrier d'aujourd'hui. Si elle est fidèle à cette inspiration, l'union des travailleurs chrétiens formés dans les A.C.L.I. peut être sûre de parvenir aux conquêtes les plus étendues et les plus rapides. Un esprit impartial aura vite fait de constater chez vous l'honnêteté des buts poursuivis, la mesure dans les moyens mis en oeuvre, une conception droite de la justice, et par-dessus tout votre indépendance à l'égard des puissances ou des intérêts du dehors. Au contraire, là où on a de bons motifs de suspecter l'honnêteté, la rectitude de tant de prétendus chefs, et tout particulièrement leur capacité à mettre un frein aux passions après les avoir déchaînées, à l'heure où la revendication du droit se change en abus, il est compréhensible qu'on se raidisse dans l'intransigeance ou bien qu'on se plie à d'apparentes concessions qui ne changent rien du tout à la substance des choses. Or, aucun de ces soupçons ne vient entacher la confiance que l'on place en vous, travailleurs chrétiens ; car on sait de quelle source et entre quelles rives coule votre mouvement. Et voici les preuves valables de cette confiance : les approbations vous viennent de toutes parts, à commencer par les pasteurs de vos âmes, et en premier lieu le très digne archevêque de la métropole de Saint-Ambroise, tant d'autres personnalités qui prennent part aujourd'hui à votre assemblée, et ceux-là même parmi les travailleurs qui, sans militer dans vos rangs, ne vous ménagent ni leur sympathie ni leur appui.

Allez donc en pleine sécurité de conscience vers les buts élevés que vous vous êtes fixés ; allez avec un zèle tout particulier vers ceux de vos frères qui sont victimes d'erreurs et de mirages. Et que votre ardeur et votre foi dans le succès soient encouragées par cette pensée que dans la conscience de Notre devoir apostolique, Nous sommes avec vous, rempli d'un amour qui n'est pas vain, inopérant ou stérile, mais d'un amour vif, juste et efficace. C'est d'un tel amour que le Pape vous aime, que l'Eglise vous aime ! Paternellement compréhensif de votre sort et de celui de vos familles, conscient de vos besoins, de vos droits légitimes autant que de vos devoirs, Nous sommes avec vous dans les événements qui agitent le monde. Et, puisque le service que l'Eglise, fidèle à sa constante tradition, rend aujourd'hui aux classes laborieuses va puiser ses critères et ses lois dans la sagesse éternelle de l'Evangile, aucun d'entre vous, chers fils, ne peut mettre en doute les bénéfices religieux, moraux et matériels que son action bienfaisante et infatigable ne manquera pas d'obtenir par les voies de l'ordre et de la paix.

En terminant, le Saint-Père revient sur un problème qui lui tient particulièrement à coeur : la paix. Il redit combien l'Eglise travaille pour la paix et affirme que les groupements de travailleurs chrétiens doivent être parmi les meilleurs artisans de la paix.

L'ordre et la paix ! Tels sont, en effet, les biens suprêmes que Notre effort se propose d'obtenir chaque fois que Nous tournons Nos regards sur les tristesses de cette terre et que Nous tendons la main vers ceux qui peuvent en déterminer le cours. La paix surtout, comme vous le savez bien, chers fils ! L'Eglise — Nous l'avons répété cent fois — déteste la guerre et ses horreurs, aujourd'hui surtout que des moyens guerriers destructeurs de toute valeur et de toute civilisation menacent l'humanité tremblante. Elle veut et elle défend la paix, la paix intérieure entre les fils d'une même patrie, et la paix extérieure entre les membres de la grande famille humaine. Mais elle a besoin de collaborateurs résolus et forts pour une aussi grande entreprise. Parmi ceux-là, qui sont nombreux en toutes les régions du monde, Nous vous reconnaissons, vous, travailleurs chrétiens de tous pays et de toutes langues, vous, chers fils aujourd'hui rassemblés à l'ombre de l'admirable cathédrale milanaise. Par votre fidèle adhésion à la doctrine de l'Evangile et aux directives de la sainte hiérarchie, vous ne collaborez pas seulement, dans le camp du travail, au triomphe du règne de Dieu dans une société qui souvent oublie sa présence, sa volonté et ses droits sacrés ; mais vous vous inscrivez parmi les premières troupes de ces forces saines du corps social engagées dans la pacifique bataille pour le salut commun des peuples. Prenez pleinement conscience de l'honneur que comporte cette double collaboration que les A.C.L.I. réclament de vous, accroissez la puissance de son action par votre exemple et votre labeur, et Dieu ne manquera pas de vous faire goûter les fruits de la justice, de l'ordre et de la paix que vous aurez puissamment contribué à mûrir.

En formulant de tels voeux, Nous invoquons abondante et durable, sur vos personnes, sur vos familles et sur votre travail, la grâce du Seigneur, en vous accordant de tout coeur, à vous tous ici présents, et à tous ceux qui vous sont unis dans l'espérance et dans l'amour, Notre paternelle Bénédiction apostolique.






Pie XII 1956 - A L'INSTITUT NATIONAL MASCULIN DE ROME