Pie XII 1956 - AU PERSONNEL DES HÔPITAUX DE ROME


ALLOCUTION A DES FONCTIONNAIRES DU GOUVERNEMENT BAVAROIS

(21 mai 1956) 1




Le Saint-Père a reçu, le lundi 21 mai, des membres de l'association catholique des fonctionnaires bavarois : il leur a adressé un discours en allemand, dont nous donnons la traduction suivante :

C'est avec une joie toute spéciale que Nous vous souhaitons la bienvenue, chers fils et filles : non seulement parce que vous venez de Munich, de cette Bavière à laquelle Nous Nous sentons toujours si lié, mais aussi, et surtout, parce que vous formez une association si originale que, dans toute l'Eglise catholique, croyons-Nous, elle n'a pas sa pareille.

Vous formez en premier lieu un groupe d'élite ; et ceci, pour deux raisons : vous vous recrutez d'abord exclusivement parmi les fonctionnaires des ministères et du gouvernement bavarois ; mais, en second lieu, vous formez une élite religieuse : quiconque, en effet, désire s'agréger à votre association n'est admis que sous la condition de faire passer dans ses actes la foi catholique qui l'unit au Christ.

Vous constituez aussi une communauté de témoins ; la manière dont, chaque semaine, vous célébrez ensemble le saint sacrifice porte constamment témoignage au Christ et à son Eglise. Il Nous semble que, de ces liturgies parvienne jusqu'à Nous la louange que votre assemblée rend au Seigneur, comme en écho à la prière eucharistique de la communauté chrétienne primitive : « souviens-toi, Seigneur, de ton Eglise, sauve-la du mal et donne-lui forme parfaite ; des quatre points de l'univers rassemble-la, pour l'introduire, toute sainte, en ton royaume, que tu lui as préparé : car à toi est la puissance, et la gloire, a jamais » 2. Autre trait, également, de ressemblance entre la vie de votre communauté et celle des premiers chrétiens : vous faites suivre vos célébrations liturgiques solennelles de réunions fraternelles, reprises des agapes de l'antiquité chrétienne, et répondez ainsi au désir le plus cher de saint Paul à ce sujet : car la seule chose qui compte pour vous, au sein de ces réunions fraternelles, c'est d'être de véritables frères et soeurs dans le Christ.

Vous formez enfin une communauté de charité. Et votre souci, c'est que cette communauté de charité s'étende, jusqu'à devenir capable d'une authentique aide au prochain. Vous êtes sur ce point tout à fait à l'avant-garde. Les circonstances ont amené l'Eglise à fonder la grande organisation de la « Caritas ». Et, de fait, la « Caritas » a pu accomplir des tâches que seule une grande et puissante organisation pouvait affronter. Mais ce n'est pas sans un certain danger : l'individu peut s'imaginer qu'il est quitte de ses devoirs de charité envers son prochain lorsqu'il a donné, chaque année, sa « cotisation à la Caritas ». Il est donc opportun de réagir contre ce travers et de développer une charité vivante qui s'exprime dans des rapports directs, d'homme à homme. Vous donnez déjà le bon exemple. Nous désirerions cependant qu'il devienne contagieux, surtout en ce qui concerne l'entraide réciproque aux familles.

Ayez toujours présent à l'esprit, chers fils et filles, le devoir qui vous incombe, de faire passer votre vie religieuse dans votre vie professionnelle. L'une et l'autre forment un tout ; au point que, si vous situez votre travail professionnel dans la ligne de la volonté de Dieu, il prendra par le fait même une portée religieuse. Que votre sens des responsabilités soit à la hauteur de la tâche qui est la vôtre. Vous avez de hautes charges ; par conséquent, ce que vous décidez, ce que vous fixez aura, ordinairement, de larges retentissements. Vous devez être d'autant plus capables d'en répondre en conscience. Vous trouverez toutefois un réconfort dans la pensée que vous avez, beaucoup plus que la plupart des autres hommes, l'occasion de vérifier l'antique proverbe : le bien que l'on fait est multiplié dans la mesure où s'étend son efficacité.

Que le Seigneur renforce votre association et la comble de son amour, qu'il sanctifie votre travail professionnel et le fasse fructifier. En gage de ces voeux, Nous vous donnons, avec toute Notre paternelle affection, la Bénédiction apostolique.



Didaché, 10, 5.


ALLOCUTION AUX FRÈRES DES ÉCOLES CHRÉTIENNES

(23 mai 1956) 1






Recevant, le mercredi 23 mai, au terme de leur chapitre général, les Frères des écoles chrétiennes, guidés par leur nouveau supérieur général, le T. H. Frère Nicet, le Pape leur a adressé les paroles suivantes :

Nous sommes heureux d'accueillir et de saluer affectueusement les chers frères de saint Jean-Baptiste de La Salle, groupés autour de leur nouveau supérieur général. C'est avec une grande joie que Nous avons appris le choix du chapitre, et Nous ne manquerons pas de recommander à Dieu le nouvel élu et les importants travaux qui se poursuivent pour le bien de l'institut et le service de l'Eglise.

Vous n'ignorez pas, chers fils, combien Nous estimons votre famille religieuse, non seulement pour les résultats incomparables qu'elle obtient à travers le monde dans le domaine de l'instruction et de l'éducation, ainsi que dans la préparation des futurs ouvriers, mais aussi pour les fruits de sainteté, qu'elle porte depuis trois siècles, et ne manquera pas de porter encore, si vous demeurez fidèles à l'esprit de votre saint fondateur. Le don total de vous-mêmes dans une abnégation pleine d'amour, dans une fidélité profonde à la règle, dans une application consciencieuse et intelligente au devoir d'état, doivent demeurer les points essentiels de votre vie religieuse. Car c'est de votre vie intérieure que dépend le fruit spirituel de vos travaux. Ne croyez pas manquer de charité en réservant pour Dieu seul et pour votre âme tout le temps consacré par la règle à la prière commune et privée. Une telle marque d'humilité et de confiance vous obtiendra du Maître intérieur, pour vous-

mêmes et pour vos élèves, les grâces de lumière et de force, aujourd'hui plus que jamais nécessaires à qui veut faire oeuvre d'éducation chrétienne. Et vous continuerez ainsi à remplir dans l'Eglise la tâche si noble qu'elle vous a confiée, de former sans cesse de nouvelles générations de chrétiens, fiers de leur foi et prêts à remplir dans la cité tous leurs devoirs familiaux et sociaux. Telle est la grâce que Nous demandons à Dieu par l'intercession très puissante de saint Jean-Baptiste de La Salle, patron céleste de tous les éducateurs. En gage de Notre affection, Nous vous accordons de grand coeur, à vous tous ici présents, à tous les membres de votre institut, et particulièrement à son nouveau supérieur général, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A UN GROUPE DE CHIRURGIENS AMÉRICAINS



(24 mai 1956) 1





Le 24 mai, le Saint-Père a reçu en audience spéciale, de nombreux chirurgiens des Etats-Unis, membres de l'« International Collège of Surgeons », participant au « Continental Clinical Cruise ».

Il leur a adressé une allocution en anglais, dont nous donnons la traduction suivante :

Soigner les malades est une vocation noble et ennoblissante, quelque chose de plus qu'une simple profession. C'est votre vocation, Messieurs, ce qui explique aussi l'intérêt spécial que vous portez aux hôpitaux.

Les Français ont un terme pour l'hôpital, et Nous le trouvons encore en usage dans votre Nouvelle-Orléans. C'est le mot « Hôtel-Dieu ». Expression chargée de sens ! « Hôtel-Dieu » ! Il est évident que Dieu est charité. Et l'esprit qui règne dans les salles et les chambres d'un hôpital doit être de charité : un amour pour Dieu présent dans ses créatures, dont les âmes ont été créées à sa propre image et ressemblance. « Hôtel-Dieu » ! L'offre de l'hospitalité de Dieu. C'était une pareille charité qui poussa Notre prédécesseur Innocent III, vers la fin du XIIe siècle, à fonder l'hôpital qui se trouve encore à une portée de pierre seulement de la cité du Vatican, l'hôpital romain du « Saint-Esprit », l'Esprit d'amour ; et c'est une même charité qui a fondé, érigé et qui entretient de semblables hôpitaux à travers le monde.

De larges améliorations ont été accomplies depuis le XIIe siècle et, Nous sommes heureux de le noter, sont constamment

en cours : commodités, service, organisation, administration et recrutement du personnel des hôpitaux modernes. Et il doit en être ainsi. Que les recherches et le progrès dans le traitement et la technique médicale continuent à avancer. Nous voudrions seulement demander aux docteurs et aux infirmières qu'ils se rappellent sans cesse que leur patient a une tâche à remplir dans la société humaine et que, celle-ci accomplie, il a à se rencontrer avec son Dieu. La charité qui remplit leurs vies et donne une suprême noblesse à leur vocation leur rendra celle-ci plus facile.

Avec ces quelques mots d'encouragement, Messieurs, et en exprimant Notre joie paternelle de vous recevoir, Nous sommes très heureux de vous donner la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AUX CULTIVATEURS DE L'« ENTE FUCINO»

(25 mai 1956) 1






Le vendredi 25 mai, S. S. Pie XII a reçu trois mille bénéficiaires de la réforme agraire dans le bassin du Fucino. Il prononça un discours dont nous donnons la traduction :

Nous sommes très heureux de vous accueillir, chers fils, concessionnaires de 1'« Ente Fucino », venus de votre fidèle région des Marses et, plus particulièrement, de la plaine du Fucino, aujourd'hui de nouveau en renom pour la réforme agraire à laquelle vous participez.

Nous avons appris avec un grand intérêt les heureux développements de l'entreprise. Elle était vraiment difficile. Quand, en février 1951, se constitua la Société pour la colonisation de la Maremme de Toscane et du Latium, l'état juridique de votre zone et du territoire du Fucino se présentait comme fort complexe, les conditions matérielles semblaient précaires et le nombre des habitants à satisfaire supérieur aux ressources de ce territoire. Le morcellement des parties cultivables était tel qu'une grande énergie et une remarquable patience furent nécessaires pour effectuer le regroupement des terres avant de procéder a leur distribution. On put toutefois réduire le nombre des « lots » de trente mille environ à moins de dix mille, à répartir entre un nombre à peu près égal de concessionnaires. Il fallut, en outre, tenir compte de la qualité et de l'emplacement des terres. Malgré les soins les plus attentifs, on ne peut évidemment donner satisfaction à tout le monde et il en résulta des différends et des retards, dont le souvenir est maintenant en train





de se dissiper devant les avantages de la réforme. Vous constatez désormais le développement économique et les fruits sociaux de la nouvelle société à laquelle vous appartenez. La production agricole de la pomme de terre, des céréales et de la betterave a notablement augmenté, en même temps que les frais sont en quelque sorte réduits.

Vous pouvez circuler à présent sur de meilleures routes ; vous possédez dans les diverses agglomérations du « Fucino » les services propres à tous les centres modernes : église, écoles, asiles, cercles, téléphone, télégraphe, bureau de poste.

L'élevage du bétail s'est amélioré et de nouvelles activités sont offertes à l'initiative privée. Tout cela rend désormais possible le progrès culturel, social et moral, auquel Nous Nous intéressons vivement, parce que l'Eglise a toujours spécialement désiré aider les hommes à devenir meilleurs, au fur et à mesure que les peuples arrivent à une condition de vie plus élevée. L'Eglise, éducatrice des hommes, se préoccupe non seulement des oeuvres de charité, mais aussi de l'enseignement et de tout ce qui concourt au développement de la personne humaine. Ce qu'elle a fait par le passé dans les pays les plus divers, elle s'applique à le renouveler et à l'adapter à tous les degrés de culture, pour toutes les civilisations et à travers tous les continents.

Vous constatez aussi particulièrement l'avantage des coopératives, qui vous permettent, tout en conservant vos petites propriétés, de jouir d'avantages généralement réservés aux grands cultivateurs : instruments modernes de travail, amélioration des terres, sélection des semences, marchés d'achat et de vente aux meilleures conditions grâce aux capitaux disponibles et à la possibilité de conserver les produits et de les utiliser au moment propice. Il en résulte une certaine aisance économique, qui permet de procurer aux diverses agglomérations une vie plus facile, des loisirs, des lieux de réunions, des moyens d'information et de culture intellectuelle, dont profitent les familles et les individus et qui éveilleront chez les jeunes gens un désir sain de connaître et d'apprendre. Et, maintenant, sans Nous arrêter davantage aux conditions matérielles du progrès réalisé, Nous voudrions attirer votre attention sur l'aspect moral des changements survenus.

Il suffit de réfléchir un peu pour comprendre que cela ne s'est pas fait tout seul : des énergies bénévoles et généreuses ont été nécessaires pour diriger cette évolution qui commence à donner ses fruits ; et il a fallu surtout des idées justes, inspirées par la volonté de veiller à votre bien. Ces idées sont à la fois simples et élevées. Les païens de l'antiquité avaient déjà noté que l'homme était trop souvent un loup pour l'homme : Lupus est homo homini2, parce qu'il était victime de ses basses passions : égoïsme, cupidité, jalousie ; les chrétiens, au contraire, savent que tout homme est le « prochain » de l'homme, qu'il en est même vraiment le frère. Et il est tel pour deux raisons : parce qu'il a le même Père, Créateur et Seigneur de la vie, et aussi parce qu'il a le même Sauveur et Maître, le Fils de Dieu fait homme, divin travailleur parmi les travailleurs, modèle de la vraie charité. Il a fait de l'amour du prochain le second commandement, semblable au premier. C'est de lui que viennent le respect de l'homme pour l'homme et la protection de plus en plus grande des libertés individuelles. Parmi les moyens qui assurent cette protection, il y a le droit de la propriété privée ; mais l'abus de ce droit constitue un mal réel, l'égoïsme. Il convient donc de maintenir les avantages de la libre association et de la collaboration, malgré les sacrifices qu'elles comportent. Cet esprit de coopération, qui rend les rapports humains plus justes et plus fraternels, doit s'étendre non seulement au milieu local, que chacun connaît mieux, mais aussi à des cercles plus larges. Ainsi pourra se réaliser progressivement l'unité de plus en plus vaste à laquelle l'humanité est appelée, et qui s'appelle fraternité chrétienne.

2 Plaute, Asïnaria, 2, 4, 87.




C'est là ce que Nous voulions vous dire, chers fils, en vous remerciant pour l'hommage que vous êtes venus Nous rendre, Nous prions le Seigneur, qui est toute-puissance et bonté infinie, de vous conserver dans l'unité, de vous soutenir et de vous protéger, de bénir et de sanctifier vos familles. Et, dans cette intention, Nous vous donnons, à vous tous ici présents et à tous ceux dont la pensée occupe votre coeur, Notre affectueuse et paternelle Bénédiction apostolique.




ALLOCUTION A DES MEMBRES DU PERSONNEL HÔTELIER ROMAIN

(26 mai 1956) 1






Le Saint-Père a reçu, le 26 mai, un important groupe de portiers d'hôtels, membres du groupe romain de Y association professionnelle internationale « Les Clefs d'Or ».

Il leur a adressé un discours en italien, dont nous publions la traduction ci-dessous :

Nous vous souhaitons la bienvenue, chers fils, portiers d'hôtels, adhérents du groupe romain de l'association professionnelle internationale « Les Clefs d'Or ». Celle-ci n'a pas de grandes prétentions, mais elle entend vous maintenir unis, en organisant des rencontres amicales entre vous, en vous fournissant à tous les informations qui peuvent faciliter votre travail et en vous offrant, ainsi qu'à vos familles, la possibilité de loisirs sains.

Vous Nous présentez non seulement vos propres hommages, mais aussi celui de vos collègues demeurés à l'hôtel en raison des exigences du service. En vous remerciant de tout coeur pour votre filiale déférence, Nous vous chargeons de leur transmettre l'expression de Notre affection et les sentiments de Notre considération paternelle.

1. — L'importance des logements destinés à ceux qui quittent temporairement leur maison a été reconnue de tous temps et a donné origine aux diverses formes de l'activité hôtelière de passage, de séjour, de saison et de résidence : depuis les formes primitives qui négligeaient souvent l'hygiène et même, parfois, la morale, jusqu'aux formes plus élevées, spécialement monastiques et episcopales, et aux modernes dues au progrès général et, spécialement, à la multiplication et au perfectionnement des transports ; en effet, l'hôtel est pour ainsi dire un dérivé de ceux-ci, parce qu'il est choisi comme maison provisoire par ceux qui voyagent dans des buts culturels, proies sionnels et religieux.

2. — L'activité hôtelière — en raison des exigences multiples et de plus en plus raffinées des clients — s'est transformée en une véritable industrie, comportant en conséquence une extraordinaire variété de problèmes et la complexité des nombreux services. Donc' une grande préparation technique et une conscience professionnelle peu commune sont exigées chez ceux qui sont affectés à la réception des hôtes, à la caisse, au service de la table, à l'économat. Mais il n'est pas douteux que votre charge est parmi les plus délicates.



Le Saint-Père indique les qualités essentielles des portiers d'hôtels.: être présents, vigilants, serviables, courtois.

Vous êtes les premiers à accueillir le client et les derniers à le saluer ; vous êtes donc, durant son séjour à l'hôtel, le moyen ordinaire de contact entre l'hôte et le monde extérieur.

Supposant la capacité technique effective — indispensable dans toute profession et dans tout métier — on vous demande en particulier d'être présents : vous ne pouvez abandonner votre poste, sinon pour raisons sérieuses, et pour quelques instants, qu'en vous assurant que d'autres vous remplacent convenablement durant votre absence.

Vous devez en outre être vigilants : le client entre à l'hôtel et se confie pratiquement à des étrangers. Afin qu'il y ait pour lui et pour ses affaires la sécurité nécessaire, il est indispensable que vous ne soyez pas distraits par des lectures, par des conversations inutiles ou nuisibles. Vous devez observer ceux qui entrent et qui sortent temporairement ou définitivement ; vous devez vous assurer qu'aucun hôte ne soit accueilli s'il n'est pas en règle avec les lois.

Enfin vous devez être serviables et courtois. Nous savons bien que ce n'est pas toujours facile. Il faut vaincre la paresse ; il faut résister à la routine, à l'insouciance, à l'ennui ; il faut dominer la nervosité, spécialement aux moments de trafic particulièrement intense et en présence de personnes indiscrètes ;



il faut aussi cacher la tristesse que vous pouvez parfois éprouver au fond de votre âme.

3. — De telles vertus humaines, que l'on trouve également
chez des hommes éloignés de Dieu, fleuriront et fructifieront
cependant plus facilement chez vous, si vous êtes fidèles à la
doctrine et aux exemples du Christ. Il y a déjà parmi vous des
âmes qui font de leur travail un instrument d'élévation vers
Dieu, en Lui demeurant unies par la pensée et par le coeur,
même au milieu du mouvement intense et des manifestations
bruyantes d'une mondanité souvent excessive.

Pour votre bien et pour le meilleur rendement de votre travail, Nous vous exhortons donc à être tous intégralement chrétiens. Certes, plus que d'autres, vous devez éviter toute ostentation exagérée ; mais personne ne peut vous interdire de professer, avec discrétion et franchise, votre foi dans le Christ, votre appartenance à son bercail, l'Eglise.

Il garde jalousement l'entrée de ce bercail, afin que le troupeau soit préservé contre les voleurs et les loups. Ego sum ostium. Je suis la porte (Jn 10,9), dit-Il en une image expressive. Il a la clef de David : « elle ouvre, et personne ne ferme ; elle ferme, et personne n'ouvre » (Ap 3,7). C'est seulement de Lui que nous avons reçu — en la personne de Pierre — les clefs d'or, qui ouvrent la porte du royaume des cieux (Mt 16,19).

Le Saint-Père termine en donnant comme modèle le Père Rodriguez fut presque toujours portier.

4. — Vous aussi, chers fils, vous gardez une porte : la porte
de l'hôtel. Oh ! si chacun, en passant, entrevoyait, reflété en
vous, un rayon de la lumière divine du Christ, une étincelle
de son amour, de sa bonté. Alphonse Rodriguez devint saint en
demeurant presque toujours occupé à la charge de portier. Ceux
qui avaient affaire à lui avaient l'impression d'avoir eu affaire
à Jésus.

Combien de gens passent devant vous, chaque jour, chaque nuit. Des hommes et des femmes à l'apparence satisfaite et heureuse ; des âmes, de fait, souvent désorientées et inquiètes. Par votre capacité et votre vigilance, par votre sérieux et votre sourire et aussi par votre bonne connaissance des langues étrangères, donnez à tous, autant que possible, le sentiment de la sécurité et de la paix.


LETTRE

AUX ORDRES MONASTIQUES ANTONINS A L'OCCASION DU XVIe CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT ANTOINE
(31 mai 1956) 1






A l'occasion du seizième centenaire de la mort de saint Antoine, abbé, le Souverain Pontife a adressé aux abbés des ordres monastiques antonins 2 une lettre en latin, dont nous donnons la traduction suivante :

En ce seizième centenaire de la mort du père des cénobites, saint Antoine, il est juste que, vous qui le vénérez d'une piété spéciale comme votre patron, vous évoquiez de manière toute particulière sa mémoire et proposiez à votre attention l'exemple de ses vertus, afin de les méditer et de les imiter.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 567, traduction française de l'Osservatore Romano, du 17 août 1956.

2 Louis Bostani, Supérieur général de l'ordre antonin Alépin des Syro-Maronites ; Moussa Azar, Supérieur général de l'ordre antonin Libanais des Syro-Maronites ; lsaïe Asmar, Supérieur général de l'ordre antonin de saint Isaïe des Syro-Maronites.

3 Saint Athanase, Vie et conduite de notre père saint Antoine, n. 1 ; P. G., 26, 839-

4 Ibid., n. 2 ; P. G., 26, 842-843.




Né de parents nobles et « en possession de grandes richesses » 3, il abandonna généreusement, dès sa jeunesse, tous ces honneurs humains, que sa jeunesse brillante, sa vive intelligence et ses hautes relations pouvaient lui promettre sans difficulté. Fait pour de plus hautes entreprises, il vendit son patrimoine, distribua aux pauvres toutes les richesses dont il était comblé ', se rendit dans les vastes solitudes de la Thébaïde et commença à y mener sur cette terre un mode de vie quasi céleste. Il maîtrisait son corps par le jeûne et par des mortifications volontaires et entretenait son âme dans la contemplation des réalites



surnaturelles, faisant de la prière fréquente et suppliante comme sa nourriture divine.

Avec joie et constance, il se mit à pratiquer d'une manière admirable, ce très sage conseil évangélique : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis, viens et suis-moi » (Mt 19,21) ; et ce fut avec grande allégresse qu'il vit venir à lui plus d'un imitateur qui, à son exemple, embrassait le même genre de vie : ainsi naquit près de lui une famille monastique florissante qui, au milieu du si grand laisser-aller de son époque, suscita, par l'austérité et la suavité conjuguées de ses moeurs, l'imitation ou, du moins, l'admiration d'un grand nombre.

Mais ce ne fut pas seulement dans cette forme de vie cachée que resplendirent les vertus évangéliques d'Antoine. Toutes les fois, en effet, que le bien de l'Eglise lui semblait l'exiger, il sut aussi entrer en lice, pour mener avec ardeur le bon combat en athlète du Christ sous le feu du soleil et dans la poussière. Ce fut le cas en particulier quand il se rendit à Alexandrie afin de se dresser contre les hérétiques, et notamment contre les Ariens 5.

C'est pourquoi, lorsqu'il parvint à la fin de sa carrière humaine, rempli de vertus et de mérites, il pouvait faire siennes les paroles de l'apôtre des Gentils : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi. Il ne me reste qu'à attendre la couronne de justice que me donnera en ce jour-là le Seigneur, juste juge » (2Tm 4,7-8). Et, à ses moines convoqués auprès de lui, il laissa alors, tel un héritage sacré, ces splendides paroles : « Respirez toujours le Christ ; croyez en Lui ; et vivez comme si vous deviez chaque jour mourir » 6. Puis, dans l'attente sereine de sa dernière heure, comme il avait toujours vécu d'une vie céleste, il passa de l'oraison et de la contemplation à la bienheureuse vision et jouissance de Dieu.

La renommée de sa sainteté sut vaincre le cours des temps ; son nom est en vénération, non seulement parmi vous, mais encore parmi tout le peule chrétien. Saint Augustin déjà, encore incertain et hésitant, mû tantôt par l'attrait du vice, tantôt par



Ibid., n. 68-69 ; P- G., 26, 939-942. Ibid., n. gl ; P. G., 26, 970.

le très doux appel divin, entendit par hasard un ami qui lisait un livre où il était question de la vie et des vertus de saint Antoine, père des cénobites ; profondément remué il demanda brusquement : « Qu'est-ce ? Qu'as-tu entendu ? Voici que se dressent des hommes sans culture, et qu'ils s'emparent des deux ! et nous, avec toutes nos sciences sans coeur, voici que nous nous complaisons dans la chair et le sang ! Est-ce parce qu'ils nous ont devancés, que nous avons honte de les suivre, et que nous n'avons pas honte de ne pas même les suivre ? »7. Dès ce joui', Augustin entreprit de se libérer avec une plus ferme volonté des entraves du vice, de se livrer tout entier à Dieu, et de correspondre, avec une ardente charité, à l'amour de Dieu pour lui.

Nous avons donc confiance, chers fils, — et nous le demandons au Dispensateur des dons célestes — que le souvenir de ce saint cénobite, évoqué de nouveau grâce aux célébrations de ce seizième centenaire, soit un exemple, non seulement à vous qui par vocation suivez les préceptes évangéliques de sa vie, mais à ceux aussi qui errent loin des sentiers qui conduisent à la vie éternelle, ou les suivent sans ardeur. Que tous soient heureusement portés, avec le secours de la grâce divine, à se ressaisir pour vivre en chrétiens et embrasser la vertu avec joie et constance.

7 Confessions, liv. VIII, ch. VIII, 19 ; P. L., 32, 757.




C'est avec cette très douce espérance que, d'un coeur paternel, nous vous accordons, chers fils, ainsi qu'à tous les moines confiés à vos soins, la Bénédiction apostolique : qu'elle vous soit un gage des célestes faveurs et le témoignage de Notre bienveillance.




CONSTITUTION APOSTOLIQUE «SEDES SAPIENTI7E»



(31 mai 1.956) 1





La Constitution « Sedes Sapientioe » donne les principes et approuve les statuts généraux pour la formation et la direction de ceux qui sont appelés à l'état de la recherche de la perfection religieuse, et à l'intention de leurs éducateurs. En voici la traduction :

Nous avons consacré toute une année sainte à la vénération de la Très Sainte Vierge Marie, Siège de la Sagesse, Mère de Dieu, Maître des sciences (1R 2,3), et Reine des apôtres 2. Elle est considérée non à tort comme la Mère et spécialement la Formatrice de tous ceux qui embrassent les états de recherche de la perfection, et, de plus, prétendent servir dans l'armée apostolique du Christ, Souverain Prêtre. Ils ont, en effet, besoin de sa direction et de son aide pour s'appliquer efficacement à la préparation et à la formation d'une si grande et si sublime vocation, tout ensemble religieuse, apostolique et sacerdotale. N'a-t-elle pas été constituée la Médiatrice de toutes les grâces de sanctification ? C'est à juste titre qu'on l'appelle la Mère et la Reine du sacerdoce catholique et de l'apostolat. Nous implorons donc sa faveur pour que, après avoir été la Médiatrice de la lumière d'en-haut dans l'établissement des présentes règles, elle accorde encore son aide et son patronage à ceux qui ont la charge de les mener à bonne fin.







1 D après le texte latin des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 354. Traduction et sous-!s de la Documentation Catholique, t. LUI, col. 851 et suivantes'.

2 Litanie de Lorette.

I C'est un très grand bienfait de la Divine Providence que constamment, au cours des siècles, le Christ Rédempteur ait inspiré aux âmes, objet de sa prédilection, par une parole intérieure et quasi mystérieuse, cette invitation qu'il avait déjà adressée de vive voix au jeune homme qui l'interrogeait sur la vie éternelle : Viens et suis-moi (Mt 19,21). Et c'est ainsi que, d'un grand nombre do ceux qui avaient reçu cette invitation de la grâce de Dieu et repris à leur compte cette déclaration du saint apôtre : « Eh bien ! nous, nous avons tout laissé et nous t'avons suivi » (Ibid. XIX, 27), Notre-Seigneur a toujours fait des pêcheurs d'hommes (Ibid. IV, 19) et se les est choisis comme des ouvriers (Ibid. IX, 387) qu'il enverrait à sa moisson.





Vie religieuse et sacerdoce.



m Cela se produit de nos jours comme autrefois, car de jour en jour se fait plus fréquente et plus intime l'union des états de la recherche de la perfection avec la dignité sacerdotale et la charge apostolique. En effet, si, dans l'ancien temps, la plupart des moines n'avaient pas le sacerdoce et si un petit nombre d'entre eux se trouvaient comme forcés par la nécessité de le recevoir pour convertir à la religion chrétienne les populations, ils étaient comme arrachés à leur Règle. Et si, dans la suite, les Mendiants, bien qu'imprégnés d'un admirable esprit apostolique, n'étaient pas tous obligés par leur Règle au sacerdoce — leur saint Père d'Assise lui-même n'y fut pas élevé — par contre les Chanoines Réguliers et les Clercs Réguliers également, par une vocation spéciale divinement reçue, recevaient et exerçaient les saints Ordres. Dans la suite, d'innombrables congrégations et sociétés les ont imités dans la vie en commun en même temps que cléricale. Et maintenant s'y ajoutent — car Dieu pourvoit toujours aux besoins de toutes les époques — un certain nombre d'Instituts séculiers qui groupent également des prêtres.

D'ailleurs, actuellement, même dans les Ordres les plus anciens de l'Eglise latine, qui ne sont pas désignés formellement comme laïques 3, tous les religieux — excepté ceux qu'on appelle coadjuteurs ou convers — se destinent au sacerdoce, ce qui, du reste, est absolument requis pour ceux qui prennent le gouvernement de ces Ordres.

C'est pourquoi, de nos jours, l'Eglise a, à sa disposition, une grande multitude de ministres qui s'appliquent à la recherche des conseils évangéliques et à l'accomplissement de leurs obligations sacerdotales. Cette multitude d'hommes constitue ce qu'on appelle le clergé régulier, à côté de celui qu'on appelle séculier ou diocésain. Tous deux, dans une émulation fraternelle et une féconde assistance, sont sous la seule et suprême autorité du Pontife de Rome, le pouvoir des évêques étant entièrement sauvegardé.

La nécessité de règles générales pour la formation des religieux.

Or, tout le monde voit que ce clergé religieux, pour poursuivre comme il faut et sûrement la double fin qui lui est propre, a besoin de règles très sages pour diriger et favoriser sa préparation et sa formation religieuse autant que cléricale.

A ce besoin répondent largement jusqu'ici les constitutions de chacune de ces sociétés et leurs statuts pour la préparation des jeunes gens ou l'organisation des études. De plus, ne manquent certes pas à ce sujet les prescriptions et recommandations du Saint-Siège. Toutefois, depuis longtemps se font désirer des dispositions générales, coordonnées comme il faut et plus complètes, appuyées par l'autorité apostolique et obligatoires pour tous et partout, pour qu'une telle entreprise, qui intéresse au plus haut point le bien des âmes, soit mise en sûreté pour se développer heureusement et se perfectionner par un effort convenable et soutenu.

Une oeuvre si excellente exige, en effet, la constante vigilance du Siège apostolique ; car, de même que les séminaires du clergé diocésain, en tant qu'institutions publiques dans l'Eglise, demeurent sous sa surveillance active par la Sacrée Congrégation des Séminaires et des Universités 4, de la même façon et au même titre, les écoles propres aux états de perfection reconnues et approuvées par l'Eglise sont publiques et dépendent de l'autorité de la Sacrée Congrégation des religieux \

4 Can. 256.

5 Can. 251. Pie XII, Cons't. ap. Provida Mater, a. IV, g 1er, 2 févr. X047, A. A. S., XXXIX (1947), p. 121. (Enchiridion de statibus perfections (Rome), 1949, no 387, p. 584.)

C'est pour ces nombreuses raisons que déjà en 1944 Nous avons décidé en vertu de Notre autorité apostolique, au sein de cette Sacrée Congrégation, « d'ériger et d'établir un Comité spécial ou Commission d'hommes compétents pour traiter toutes les questions et affaires qui, de quelque façon que ce soit, se rapportent à la formation cléricale et religieuse et à la culture littéraire et scientifique des postulants et novices et des jeunes religieux de n'importe quelle religion et société, vivant en commun sans voeux » 6.

Cette Commission, qui se compose d'hommes compétents de diverses Congrégations et nations, a pris connaissance de tous les documents concernant cette question alors existante. Après avoir recueilli de tous côtés les renseignements que réclamaient les circulaires adressées à tous les Supérieurs majeurs ', elle avait déjà accompli un immense travail quand fut annoncé le Congrès général des états de perfection, en 1950. Elle se servit des propositions opportunes qui y avaient été faites, elle pesa tous les projets déjà préparés et les mit au point ; et tout cela a été enfin soumis à Notre approbation.

Maintenant donc Nous édictons un certain nombre de statuts que, cependant, Nous faisons précéder de principes et règles fondamentaux pour la préparation et la formation religieuse, cléricale et apostolique des étudiants. Tous devront y être toujours attentifs.

Pie XII 1956 - AU PERSONNEL DES HÔPITAUX DE ROME