Pie XII 1956 - DISCOURS A DES DOMESTIQUES ITALIENNES


ALLOCUTION A DES PROFESSEURS ET ÉTUDIANTS DE DROIT CANONIQUE AUTRICHIENS

(3 juin 1956) 1


Le dimanche 3 juin, le Saint-Père a reçu, dans la salle du Trône, un groupe de professeurs, aumôniers et étudiants de la Faculté de droit de l'Université de Vienne (Autriche).
Il leur a adressé une allocution en allemand, dont nous donnons la traduction suivante :


Nous vous souhaitons la bienvenue, chers Messieurs, qui, au cours du voyage qui vous a conduits de Vienne à Rome, avez eu la délicatesse de venir jusqu'à Nous.

Vous consacrez vos efforts à l'étude du droit canonique et de l'histoire du droit, ainsi qu'aux recherches en ces matières. Ces deux spécialités — la première par sa nature même, mais la seconde aussi — vous mettent en contact avec les aspects juridiques de la vie de l'Eglise catholique.

Le droit ecclésiastique n'est pas une fin en soi. Il est toujours un moyen ordonné à un but qui le dépasse. Comme tout ce qui existe dans l'Eglise, il est au service du salut des âmes, et, par là, du ministère auprès des âmes. Il doit s'efforcer, en auxiliaire de ce dernier, d'ouvrir à la vérité et à la grâce du Christ Jésus les sentiers qui conduisent au coeur de l'homme, et de les aplanir.

Seulement, le droit canonique ne doit pas pour autant être considéré, par rapport à la structure intime et à l'être même de l'Eglise, comme un ouvrage purement humain surajouté du dehors. Bien sûr, il y a beaucoup de canons qui ne sont des mesures de protection, destinées, en somme, à préserve-le domaine de la foi de toute subversion, celui de la vie d la grâce et des sacrements de toute profanation. Mais il y a à côté de cela, des normes juridiques qui s'insèrent dans 1 structure même de l'Eglise, et cela parce que, en raison de leur substance propre elles nous viennent directement du divin Fondateur de l'Eglise : il s'agit de celles qui structurent les articulations mêmes du corps mystique du Christ, comme le sont les règles contenues dans le droit constitutionnel de l'Eglise, ou les définitions qui concernent le pouvoir du pape et celui des évêques. En fondant son Eglise, le Christ n'a pas voul' simplement lancer un vague mouvement spiritualiste, mais édifier une société solidement organisée.


Le Saint-Père réfute les objections adressées à l'Eglise pour certain articles du code de droit canonique.

Certes, il n'est pas permis au droit canonique d'envahir 1 domaine des valeurs spirituelles et surnaturelles au service desquelles il est placé. On lui a bien reproché de le faire ; et l'on a parlé, à ce propos, des excès de « juridisme » de l'Eglise. Et l'on a trop souvent critiqué l'Eglise pour l'inflexibilité avec laquelle elle reste fermement attachée à l'indissolubilité du mariage chrétien contracté validement et consommé. Il ne s'agit pourtant pas dans ce cas d'une insensibilité ou d'une dureté de coeur de juristes qui se conduiraient comme s'ils étaient incapables de comprendre le tragique de plus d'une situation conjugale : mais ce qui est ici en cause c'est tout simplement la fidélité de l'Eglise à maintenir les droits du mariage, tels que son divin Fondateur les a institués lui-même sans qu'elle ait, pour sa part, pouvoir d'en juger.

Nous n'avons donc pas besoin de vous dire, à vous qui êtes juristes, que les quelques rares lois des temps apostoliques seraient insuffisantes pour pourvoir à la direction d'une Eglise universelle qui compte plus de quatre cents millions de fidèles. De plus chaque fois que l'Eglise s'est étendue géogra-phiquement, ou qu'elle a voulu vivifier la vie religieuse des fidèles et lancer de nouvelles fondations, elle a en même temps poursuivi presque spontanément sa tâche de développement juridique, afin d'orienter et de protéger cet élan de vie religieuse-

Nous pouvons donc contempler l'action de la Providence jusque dans la création du code de droit canonique, qui fait maintenant loi dans l'Eglise ; la nouvelle mise au point du droit ecclésiastique en tout cas correspondait bien à l'expansion de l'Eglise comme à son développement intérieur, et faisait face à des progrès qui, jusqu'au dix-neuvième siècle n'avaient jamais atteint de telles proportions. Ce faisant, l'Eglise n'est pas tombée dans un excès de «juridisme». Car c'est bien de nos jours que vous pouvez constater chez les fidèles un élan religieux, des forces spirituelles, tels qu'il n'en existait auparavant pas de plus forts ni de comparables.

Vie spirituelle et structure juridique vont donc de pair dans l'Eglise. Comme symbole de cette union, laissez-Nous vous proposer le saint Pape Pie X. Il fut à la fois le créateur du nouveau code de droit ecclésiastique et celui qui répandit les eaux vives de la vie sacramentelle.

En vous souhaitant, chers Messieurs, de réussir dans vos travaux scientifiques et de savoir trouver dans vos études juridiques une source d'enrichissement intérieur, Nous vous donnons, de tout Notre coeur paternel, la Bénédiction apostolique.




DISCOURS A DES REPRÉSENTANTS DES BANQUES POPULAIRES

(9 juin 1956) 1


Le samedi 9 juin, le Souverain Pontife a reçu en audience les personnes ayant participé au VIIIe congrès international du crédit populaire, tenu à Venise ; il leur adressa, en français, ce discours :


Le VIIIe Congrès international du Crédit populaire, qui vient de se tenir à Venise d'abord, puis à Rome, vous donne l'occasion, Messieurs, de venir Nous présenter vos hommages. Nous sommes très sensible à votre démarche et vous assurons de toute Notre estime et de l'intérêt que Nous portons à vos travaux.

Si la Confédération internationale du Crédit populaire n'existe que depuis peu d'années, elle a déjà réussi à rapprocher, dans une collaboration utile et bienfaisante, des institutions dont les origines remontent à près de cent ans et qui ont rendu à l'économie de vos pays des services très appréciés. C'est en effet à partir du milieu du siècle dernier que se fondèrent en Allemagne principalement, les instituts de crédit destinés à subvenir aux nécessités économiques des petites entreprises industrielles, agricoles, commerciales, artisanales, en leur fournissant les capitaux requis pour leur bon fonctionnement.

L'idée lancée par Raiffeisen et Schulze Delitzch devait avec le temps révéler toute sa fécondité. Ne fait-elle pas droit, en effet, à l'un des présupposés essentiels de toute vie sociale, celui de la libre collaboration des particuliers en vue d'obtenir une fin d'intérêt commun ? Pour échapper à l'emprise des usuriers qui, même à l'époque actuelle, n'ont pas encore renoncé à leurs manoeuvres, les intéressés étaient invités à se grouper et à se prêter une aide financière mutuelle sur la base de la confiance entre associés. Des systèmes divers suivant les pays permirent d'adapter aux circonstances la formule initiale, de l'assouplir, de lui conférer une plus grande portée et une efficacité accrue. Mais, fidèles à leur fonction principale, les banques populaires restent des instruments destinés à recueillir l'épargne, et à en assurer la meilleure utilisation à l'endroit même où elles se trouvent et au profit général de ceux qui l'ont fournie. Elles intéressent donc un nombre assez étendu d'associés aux parts modestes dont elles soutiennent les entreprises par des prêts consentis avec discernement, et en se gardant d'exposer leurs capitaux à des risques trop graves. L'argent, dont elles disposent, constitue en effet le moyen d'existence et de travail indispensable aux associés ; il a été gagné par un labeur persévérant et ne peut servir à des opérations hasardées, fussent-elles prometteuses. Il convient donc de le consacrer surtout à la consolidation des activités et au bien des personnes sur lesquelles repose pour une bonne part la stabilité des institutions sociales et la valeur morale de la nation et qui, en tout temps, ont démontré leur attachement à la patrie, à la famille et à leur foi religieuse.

Le développement remarquable des banques populaires prouve qu'elles répondaient à un véritable besoin. Après des débuts parfois modestes, elles ont gagné en importance et en nombre jusqu'à constituer un réseau serré sur de notables portions de territoires. L'Association nationale des Banques populaires italiennes, dont vous fêtiez récemment le 80e anniversaire, ne compte-t-elle pas 200 établissements groupant environ 400.000 associés ? Si pendant quelque temps on a pu considérer leur rôle comme secondaire, elles sont en mesure actuellement de revendiquer une place de premier ordre en plusieurs domaines, comme par exemple dans le crédit à l'artisanat et aux petites industries.

Sur le plan international votre Confédération a enregistré en quelques années des progrès notables ; elle a favorisé les relations entre les divers instituts participants, soulignant davantage les principes qui gouvernent vos activités et suscitant l'idée d'une solidarité plus étendue entre les mouvements similaires qui se développent dans vos pays respectifs. Par les Congrès qu'elle a tenus jusqu'à présent, elle contribue à éclaircir de points importants de technique et d'organisation.

On ne saurait donc assez souligner les responsabilités incombant à tous ceux qui s'occupent de la direction et de l'administration des banques populaires. Qu'ils se persuadent avant tout de n'être que les gérants du patrimoine commun des associés ; c'est le bien de tous qui prime ici les autres considérations comme seraient par exemple l'ambition d'obtenir de brillants succès financiers ou de s'arroger dans l'économie générale une autorité plus en vue. Une gestion saine des instituts de crédit doit surtout respecter scrupuleusement les règles établies, qu'il s'agisse de dispositions légales, du statut propre des banques ou des leçons de l'expérience.

Quant aux associés, un sens moral et civique élevé les détournera de poursuivre uniquement leurs propres intérêts, tandis qu'il les poussera à s'engager davantage dans la voie d'une collaboration loyale et généreuse. Qu'ils s'emploient à faire fructifier le crédit reçu et justifient ainsi la confiance qui leur est faite ; le fruit de leur travail deviendra pour la banque l'aliment d'une expansion ultérieure et le moyen d'accomplir de nouveaux progrès. Grâce aux principes qu'elles appliquent, les banques populaires exercent d'ailleurs une action éducative de la plus haute portée. Ne mettent-elles pas en évidence comment le sens de l'épargne et la juste limitation de la tendance à la consommation conditionnent le mouvement d'expansion de' l'économie ! Au lieu de céder au penchant de la facilité et de l'égoïsme, qui se désintéresse de l'avenir pour jouir avec insouciance du présent, l'individu apprend à organiser sa vie suivant un plan réfléchi, à l'ordonner en fonction de la solidarité qui l'unit aux membres de la communauté sociale à laquelle il appartient. Dans le choix des placements auxquels se livrent les banques populaires, c'est d'ailleurs un critère important que celui des capacités non seulement techniques, mais morales de ceux à qui elles prêtent, de leur esprit d'entreprise et de sacrifice. Réciproquement, l'agriculteur ou l'industriel, certains de trouver les appuis financiers requis par leur activité, puiseront dans cette conviction un surcroît d'énergie et d'allant.

Il faut encore souligner parmi les aspects caractéristiques des banques populaires, la sollicitude qu'elles manifestent pour les oeuvres de bienfaisance et d'utilité publique et en général pour tout ce qui concourt d'une manière ou d'une autre au développement économique et culturel de la région où elles sont établies. Il Nous semble qu'en attribuant une large part de leurs profits à des activités éducatives, qui n'offrent pas la perspective d'un rendement immédiat, mais visent avant tout l'élévation intellectuelle et spirituelle de la population, vos banques réalisent de façon éminente la fin pour laquelle elles ont été fondées. Elles confèrent par là une nouvelle dimension à tout l'ensemble de l'économie qui, loin de constituer un but en soi, reste subordonné à une finalité plus haute, celle de l'âme humaine et des valeurs transcendantes de l'esprit.

Pour toutes ces raisons, Nous formons le souhait que les Banques populaires restent fidèles à l'inspiration qui les a animées jusqu'à présent, qu'elles étendent leur action à des régions de plus en plus nombreuses et qu'elles les aident à se développer économiquement, culturellement et moralement. Les renseignements qui Nous ont été fournis, Nous disent qu'elles sont dirigées, au niveau national et international, avec compétence, dévouement et rectitude. N'est-ce pas d'ailleurs à cette sage administration qu'elles doivent leur prospérité actuelle, leur sécurité et l'estime dont elles jouissent auprès de larges couches de la population ?

Que chacun de vous, chacun des dirigeants et des associés, conserve une conscience vive de ses responsabilités envers l'ensemble dont il fait partie. Si parfois des sacrifices s'imposent — et quelle oeuvre vraiment féconde n'en réclame pas de ses promoteurs ? — sachez les consentir avec générosité sans oublier que la stabilité et le succès des institutions de ce genre dépendent largement de la contribution qu'elles apportent à l'enrichissement humain, moral et spirituel, de ceux qui s'y adonnent.

Que la divine Providence continue à soutenir vos efforts et en procure l'heureux aboutissement ! Nous l'en supplions, en même temps que Nous vous accordons comme gage pour vous-mêmes, pour vos familles et les institutions auxquelles vous collaborez, Notre Bénédiction apostolique.



'2.1




ALLOCUTION A L'UNION INTERNATIONALE DES ÉDITEURS

(11 juin 3.956) 1


Le lundi 11 juin, les membres du XIVe congrès international des éditeurs, tenu à Florence et à Rome du 4 au 11 juin, ont été reçus par le Saint-Père, qui leur adressa, en français, le discours suivant :


Votre visite, Messieurs, au terme du XIVe Congrès de l'Union Internationale des Editeurs, Nous offre l'occasion de saluer l'illustre association professionnelle, à laquelle vous appartenez, et d'exprimer une fois de plus l'intérêt que l'Eglise a toujours porté au livre.

N'est-elle pas elle-même gardienne et interprète d'un Livre unique, émouvant témoignage de l'amour de Dieu pour les hommes ? Combien de merveilleux travaux n'ont pas suscité au cours des siècles l'édition, l'interprétation, l'illustration, proche ou lointaine, de la Bible ! Nul d'entre vous, Messieurs, ne l'ignore ; beaucoup même ont eu leur noble part dans cette collaboration internationale autour du Livre sacré ; mais, d'une manière plus générale, l'Eglise a toujours considéré comme digne de louange quiconque permet aux hommes d'accéder à la vérité, à la beauté, à la bonté, à cet immense domaine ouvert par la munificence du Créateur à la liberté et au génie de l'homme, et les éditeurs de bons livres ont à cette oeuvre de lumière une part éminente.

Aussi bien avons-Nous remarqué avec intérêt que votre programme comportait une relation sur la littérature nocive et obscène. Le sujet, Nous le comprenons, a été abordé du point de vue professionnel et juridique, car la littérature éhontee constitue une concurrence malhonnête, à laquelle il importe d'opposer une barrière légale efficace et universelle ; mais vous aimerez, Nous le croyons, entendre les raisons qui Nous font souhaiter vivement la réalisation d'une action en ce sens.

Ces raisons sont tirées de l'importance même du livre et de la manière dont il agit sur les esprits.

Plus explicite et plus assimilable que l'oeuvre plastique, le livre constitue dans les civilisations modernes un des véhicules principaux de l'idée.


Les éditeurs doivent lutter contre la littérature nocive et obscène.

Avant même d'aller à l'école, le bambin regarde des livres d'images, dont le souvenir l'accompagnera parfois toute sa vie ; on a raison d'accorder un grand intérêt aux premières influences subies par l'enfant, et celle du livre n'est pas la moindre. Plaise à Dieu que ses yeux clairs se fixent sur de belles images, que son imagination et sa mémoire se nourrissent de belles histoires, adaptées sans niaiserie à la fraîcheur de son âme. Et plutôt que de lui offrir des fantaisies parfois saugrenues, pourquoi ne pas illustrer et commenter pour lui quelques-uns des récits merveilleux de la Bible, ce trésor d'humanité et de poésie ?

L'écolier se nourrira de manuels. C'est une des branches de l'édition où l'on a déployé le plus de goût, de science et d'ingéniosité. Heureux enfants qui disposent dès leur jeune âge de livres bien composés, bien imprimés et bien illustrés. Pourvu toutefois que la vérité y soit en tout et toujours parfaitement respectée ; respectée aussi la délicatesse de leur conscience et la portée de leur intelligence, selon la maxime bien connue : Maxima debetur vuero reverentia 2.

2 Juvénal, Satires, 14, 47.

Lorsque les étudiants aborderont les textes dans leur intégrité, ils ne le feront pas sans choix ni sans guide car ils ne sont pas encore pleinement formés.

Les adultes eux-mêmes ne se croiront pas tout permis. Même si la foi ne leur faisait un devoir d'admettre l'intervention maternelle de l'Eglise en la matière, la loi naturelle leur interdirait de revivre, sans raison proportionnellement grave, les scènes de vice dont certains ouvrages font leurs tristes appas. L'acheteur éventuel se trouve souvent devant l'étalage comme devant une marchandise quelconque : il peut choisir au hasard sur la foi du titre, sur la promesse de la manchette, de la collection, du nom de l'auteur, parfois du seul nom de l'éditeur car il y a, grâce à Dieu des maisons où rien ne s'imprime, qui ne soit par le fait garanti et sûr ; mais en général le lecteur ne sait pas les intentions de l'auteur. Et celui-ci, qu'il veuille plaire ou convertir, dispose d'un art subtil que son partenaire n'a pas toujours le moyen de reconnaître à temps, de juger ou de dominer. On ne peut en effet s'excuser en disant que le lecteur est libre : la partie, le plus souvent, n'est pas égale, surtout si le jeu de l'auteur n'est pas pleinement loyal. Il en est de certaine littérature comme des stupéfiants, contre le trafic desquels les peines les plus sévères sont à juste titre prévues par les lois : l'excitation dangereuse et factice qu'elle provoque, obnubile ou parfois même paralyse complètement les facultés supérieures, si bien qu'il en résulte un désordre permanent, un besoin artificiel de caractère passionnel, allant parfois jusqu'à une véritable aliénation.

S'il est des cas où, dans l'exercice de la médecine, l'emploi d'un remède dangereux est autorisé, ce ne saurait être que sous la responsabilité du médecin. Il en va de même pour les ouvrages qui ne sont pas destinés à tous, ou qui, pour tous, présentent des dangers, avec cette différence toutefois que tout homme a une propension naturelle au mal, contre laquelle sa propre conscience lui fait un devoir de lutter sans cesse et de se tenir en garde. Et pour comprendre les conséquences intellectuelles et morales d'une simple lecture, il importe de tenir compte de la part de mystère qui entoure le cheminement et l'activité secrète des idées et des images dans l'âme. L'oubli apparent peut faire illusion ; ce que l'esprit a une fois enregistré,demeure en lui comme un ferment de vie ou de mort, et peut constituer l'origine d'un goût nouveau pour les valeurs spirituelles, comme aussi le point de départ d'une corrosion intérieure et d'une lésion profonde.


Le Saint-Père rappelle que les éditeurs ont une grave responsabilité vis-à-vis de leurs lecteurs... enfants et adultes.

Le respect du lecteur d'une part, celui de la vérité et de la morale de l'autre, font donc aux éditeurs un devoir grave de peser leur responsabilité, quand ils lancent dans le public, avec les moyens modernes de pression sur l'opinion, un ouvrage susceptible d'influencer les esprits. Il n'y a pas, en effet, que les chefs-d'oeuvre qui rayonnent ; il y a tous ces ouvrages qui répondent aux désirs souvent inconnus ou inavoués de la foule. Un commerçant sans scrupule peut les exploiter ; un homme d'honneur s'en gardera courageusement.

Il existe en revanche une oeuvre positive à entreprendre, et Nous savons que de saines et heureuses initiatives se trouvent couronnées de succès. Les éditeurs peuvent être souvent à la source de mouvements sociaux, intellectuels, spirituels, et telle ou telle de ces « collections », si répandues à l'heure actuelle, se range comme une armée sur les rayons des devantures ou des bibliothèques, armée pacifique, armée qui cherche à servir les hommes, en face d'autres qui ne cherchent qu'à les exploiter et qui les déshonorent en définitive. La plus grande originalité d'un éditeur serait sans doute de trouver ce dont le public a le plus besoin dans le domaine du vrai, du beau et du bien, de découvrir et d'encourager les talents susceptibles de répondre à cet appel profond des âmes, et finalement de les satisfaire en leur présentant sous la forme la plus attrayante et la plus solide de la nourriture spirituelle valable pour toujours. Tel doit être, Nous l'espérons, votre idéal, et parce que Nous sommes persuadé de la grande importance de votre action, Nous supplions le Seigneur tout-puissant de vous aider fortement à la réaliser. Et dans cette intention Nous vous accordons à vous tous ici présents, à vos familles et à ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.




ALLOCUTION AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D'INDONÉSIE

(13 juin 1956) 1



Le mercredi 13 juin, le Souverain Pontife Pie XII a reçu en audience solennelle le Dr Sukarno, président de la République d'Indonésie. Il lui adressa ainsi qu'à sa suite un discours en anglais dont nous donnons ci-dessous la traduction :


Nous souhaitons cordialement la bienvenue à Votre Excellence, Monsieur le Président, et à vous, Messieurs, qui êtes venus avec lui et êtes si étroitement associés à lui dans le gouvernement de votre pays. Nous vous assurons de Nos voeux les plus fervents pour votre succès.

Personne certainement n'accède à un gouvernement sans se rendre tout de suite compte de l'immensité des charges qui lui incombent. Le gouvernement civil, on le sait et tous les peuples libres le reconnaissent, a pour raison d'être le bien de ceux qui sont gouvernés. Assurer tranquillité et ordre, sécurité et liberté, dans le respect de la justice et de la loi de Dieu ; mettre tous les citoyens en mesure de profiter des occasions offertes à leur progrès physique, intellectuel et moral — tels seront le souci et la responsabilité de l'homme d'Etat.

C'est, en vérité, une lourde responsabilité. Son poids sera allégé par la généreuse et loyale coopération de tous ceux qui se consacrent au bonheur, au progrès et à la prospérité de la nation. Et Nous avons confiance, Messieurs, que le gouvernement de la République indonésienne peut compter sur le million environ de catholiques qui s'empressent de lui apporter leur appui. Ce qu'ils ont déjà accompli dans les domaines de l'éducation, de la charité et des devoirs civiques a été reconnu et rend doublement confiant. Ils sont hautement résolus — car ils savent que c'est pour eux un devoir sacré — à contribuer, dans la mesure de leurs moyens, au renforcement de ces soutiens indispensables, que sont la religion et la morale, pour une prospérité politique authentique et durable.

En accomplissant sa mission divine, le souci de l'Eglise a été, toujours et partout, de choisir et de préparer un clergé ordinaire de la région, qui puisse, après une préparation soignée et une expérience appropriée, prendre en charge la vie spirituelle de son peuple. Il est évident que le temps et la patience sont nécessaires pour cela ; jusqu'à ce que ce clergé soit suffisant, en nombre et en formation, les catholiques d'une région doivent recourir à l'aide d'autres nations. Mais c'est là une période de transition — une période qui est celle que traverse l'Eglise en Indonésie, bien qu'un net progrès soit accompli pour en sortir. Nous avons remarqué avec un vif sentiment de satisfaction l'empressement avec lequel la République d'Indonésie fit des démarches, il y a environ six ans, pour établir des relations diplomatiques avec le Saint-Siège : et Nous considérons cela également comme un gage et une preuve de sa patience et de son empressement à assister l'Eglise dans ses efforts vers un but désiré des deux côtés à la fois.

Nous pouvons conclure en renouvelant les sentiments que Nous exprimions en recevant les lettres de créances de votre premier Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire. Nous lui donnâmes l'assurance « que Nous Nous réjouirions toujours d'être témoin du progrès accompli par votre Etat, jeune mais conscient de sa haute destinée, dans un esprit de confiance, de sagesse et de modération, jusqu'à ce qu'il prenne place dans le conseil des nations » — un voeu heureusement réalisé depuis lors — lorsque ses efforts pour la prospérité et la grandeur nationales se trouveront effectivement en harmonie avec une action unanime consacrée au bien universel de toute l'humanité. Que Dieu le veuille.


ALLOCUTION AUX PÈLERINS DES « EXERCICES SPIRITUELS » DE BARCELONE

(15 juin 1956) 1






Le 15 juin, le Saint-Père a reçu plusieurs centaines de pèlerins de l'OEuvre des Exercices spirituels paroissiaux de Barcelone. Il leur a adressé un discours en espagnol dont nous publions la traduction suivante :

Il n'y a pas encore deux lustres — très chers fils — que le IVe Centenaire de l'approbation pontificale du Livre des Exercices de saint Ignace de Loyola, coïncidant avec le jubilé d'argent de votre « OEuvre diocésaine des Exercices paroissiaux de Barcelone », Nous offrit l'heureuse occasion de vous recevoir dans cette Maison du Père commun, pour vous bénir et vous exprimer en quelques paroles la satisfaction que Nous éprouvions pour la belle oeuvre d'apostolat, que votre organisation accomplissait, en vous exhortant à suivre toujours dans l'avenir le chemin de la fidélité aux idéals et aux méthodes de saint Ignace, comme garantie de vitalité et d'efficacité 2.

1 D'après le texte espagnol de Discorsi e radiomessaggi, 18, traduction française de l'Osservatore Romano, du 29 juin 1956.

2 Cf. Discorsi e radiomessaggi, 10, pp. 261-262.




Votre nombre s'est accru, et votre champ d'action s'est élargi ; Nous pourrions donc augmenter et développer Nos encouragements. Nous le ferions avec le plus grand plaisir, si votre présence ne Nous suggérait une idée que Nous voulons vous exposer entièrement, comme un père qui s'entretient affectueusement avec des fils dont il se sait tant aimé.

Le Saint-Père fait remarquer avec insistance que les Exercices spirituels de S. Ignace ne sont pas réservés à une élite d'âmes consacrées à Dieu mais qu'ils s'adressent également aux chrétiens qui vivent dans y monde.

Car si les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola sont effectivement une arme providentielle, pleine de sagesse céleste, qui, en quatre siècles, a obtenu des fruits inestimables de sainteté, c'est une chose qu'il ne Nous semble pas nécessaire de répéter. Mais il y a dans la pratique des Exercices, spécialement dans la retraite, dans la consécration complète, dans l'élévation des buts qu'ils se proposent et, en général, dans toutes les circonstances qu'ils réclament — et qui sont si utiles quand on les observe fidèlement — un tel ensemble d'exigences, qu'elles pourraient les faire apparaître comme une chose réservée à des personnes qui vivent loin des bruits du monde ou, tout au moins, comme une pratique exclusive de certains groupes choisis et, par conséquent, moins nombreux et répandus, réduisant ainsi son champ d'action.

Rien de plus faux, très chers fils, comme votre présence Nous le démontre, surtout si Nous vous considérons comme une digne délégation des dizaines de milliers d'âmes qui ont retiré des bénéfices de la pratique des Exercices au moyen de votre oeuvre. Nous conviendrions facilement avec vous que le fruit ne sera pas égal pour celui qui pratique, par exemple, le mois complet — que Nous voyons avec une grande consolation se répandre de plus en plus — ou pour celui qui, par nécessité, doit se limiter au cours classique de huit jours, cinq ou même moins, dans cette gamme infinie de possibilités à laquelle la méthode ignacienne se prête. De la même manière, Nous pourrions accorder que l'on ne peut prétendre à la même chose quand il s'agit d'enfants ou de jeunes gens, ou quand il est question, par exemple, de personnes qui veulent faire choix d'un état futur ou ont besoin d'une réforme radicale de vie. Mais ce que Nous affirmons sans hésiter c'est que, toujours, dans tous les cas et pour toutes les personnes, il y aura une participation à ce fruit qui consiste à « ordonner sa vie »3, après « avoir triomphé de soi-même »4, en écartant « de soi tous les sentiments désordonnés... pour chercher et trouver la



¦ Exercices Spirituels, 21. * Ibid.

volonté divine dans la disposition de sa vie »5 ; on en sortira toujours avec une plus grande pratique de la prière et de l'examen de conscience, avec un plus grand désir de mortification avec une formation morale plus profonde ; celui qui a fait les Exercices se sentira ensuite plus disposé à pouvoir « en tout aimer et servir sa divine majesté »6 ; enfin celui qui a bien fait une série d'Exercices se sentira toujours poussé à faire un grand pas en avant sur le chemin de la perfection chrétienne, vers ce but, qui n'est refusé à personne et dans lequel chacun pourra occuper une place différente, selon la façon dont il se sent capable de répondre à cet appel si admirablement décrit par le saint.7

Votre oeuvre, précisément parce qu'elle est paroissiale, indique qu'un bien pareil n'est l'exclusivité de personne ; elle proclame aussi, par les abondants fruits récoltés durant sa longue existence, ce que l'on peut obtenir dans un domaine si immense ; elle doit enfin, précisément en ce centenaire ignacien, se reconnaître comme un stimulant pour tous ceux qui aspirent à travailler à la diffusion de la pratique des Exercices spirituels dans tous les milieux sociaux, parmi toutes les catégories de personnes et, tout particulièrement, dans cette cellule de vie chrétienne qu'est la paroisse. Dieu veuille que Nous la voyions bientôt adoptée dans toutes les paroisses de la chrétienté pour soutenir et accroître la vie chrétienne des fidèles et pour la faire fleurir de nouveau là où peut-être elle a diminué et s'est alanguie. Nos temps demandent des méthodes à la fois souples et rationnelles, attrayantes et profondes, universelles et personnelles ! des méthodes où il ne reste aucun élément qui n'ait été utilisé, aucun problème qui n'ait été résolu, aucune aspiration qui n'ait été satisfaite ; des méthodes confirmées par l'expérience des siècles, mais avec souplesse suffisante pour être adaptées aux exigences modernes. Car, précisément pour cela, les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, comme Nous l'avons exprimé à plusieurs reprises, ont encore aujourd'hui un mot à dire, un mot que le monde ne peut en aucune manière négliger.

Courez donc, très chers fils, vous agenouiller devant la tombe de celui qui a lié son nom aux Exercices spirituels et



Ibid., i. Ibid., 233. Ibid., 91-100.

implorez sa puissante intercession auprès du trône du Très-Haut, pour que votre OEuvre continue à croître en nombre, en ferveur et en efficacité apostolique. Renouvelez-y vos résolutions d'apostolat. Mais, avant tout, assurez-lui que votre ferme intention est de « vous employer et distinguer dans tout le service de (votre) Roi éternel et Seigneur universel »8, en reconnaissant « tout le bien reçu, (pour pouvoir) en tout aimer et servir sa divine majesté »9.

Mille fois merci, très chers fils, pour vos dons ; la générosité de ses fils élargit les possibilités de la charité du père et les fait participer à celle-ci par un avantageux échange de dons et de grâces spirituelles.

Que la Bénédiction de Dieu tout-puissant, le Père, le Fils et le Saint-Esprit — la très auguste Trinité à laquelle le Patriarche de Loyola se recommandait tous les jours, à Manrèse — vous accompagne, comme Nous l'implorons. Qu'elle rende votre OEuvre féconde en abondants fruits de sainteté, comme Nous le désirons. Une bénédiction spéciale aussi pour votre très cher Prélat, ici présent, pour les prêtres qui travaillent à votre oeuvre, pour vos parents et amis, pour vos intentions et désirs et pour tout ce que, en ce moment, vous souhaitez voir béni.

































Ibid., 07. Ibid., 233.



DISCOURS AU IIIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE PRODUITS ALIMENTAIRES



(22 juin i.956) 1





Le vendredi 22 juin, le Saint-Père a reçu en audience les membres du « 3e Congrès international de la distribution des produits alimentaires ». Il leur adressa, en français, ce discours :

C'est avec plaisir que Nous vous souhaitons la bienvenue, Messieurs, au moment où vous vous préparez à tirer les conclusions de votre « Ille Congrès international de la distribution des produits alimentaires ». Nous sommes particulièrement heureux de vous dire tout l'intérêt que Nous portons à vos travaux, car vous représentez, dans l'ensemble du commerce, un secteur essentiel, présent partout, dont la bonne organisation ou les insuffisances se répercutent sans retard sur le niveau de vie des populations.

Nous vous félicitons, en particulier, pour les progrès notables accomplis depuis 1950, date du premier de vos Congrès internationaux, qui entraîna, peu après, la fondation de 1'« Association internationale de la distribution des produits alimentaires ». Ce fut pour votre profession un événement lourd de signification. Sans doute, l'esprit d'initiative comptera-t-il toujours, chez vous plus qu'ailleurs, parmi les conditions indispensables de succès ; mais les efforts des particuliers ou des groupes locaux appelaient encore une impulsion capable de les éclairer et de les coordonner. Chacun travaillait trop en isole, sans s'apercevoir peut-être que les habitudes acquises, les préjugés, les défiances injustifiées, le manque d'appui pour oser entreprendre les transformations souhaitées, faisaient obstacle aussi bien à l'intérêt du commerçant qu'à celui du consommateur. Aussi le premier Congrès de 1950 fut-il une révélation pour beaucoup. La preuve en est que le nombre des participants, réunis à Ostende en 1953, se trouva doublé et que la présente manifestation l'emporte de loin sur la précédente.

Les produits alimentaires se présentent avec la plus grande variété, sous les formes et les qualités les plus diverses ; ils sont généralement périssables et demandent des soins de conservation très attentifs. A la suite de circonstances imprévisibles, des intempéries, par exemple, ou des difficultés de transport, il arrive que l'offre et la demande subissent des écarts très sensibles. Le facteur temps, qui vous intéresse au plus haut point quand il s'agit de denrées susceptibles d'une prompte détérioration, comporte maintenant une valeur accrue pour le client, qui préfère être servi sans délai et s'épargner des déplacements d'un magasin à l'autre. Ainsi, à tout moment, aux différents stades qui s'échelonnent entre le producteur et le consommateur, se posent des problèmes pratiques souvent inattendus qui appellent des solutions originales, et vous devez sans cesse déployer ingéniosité et savoir-faire, afin de répondre à l'attente de la clientèle.

Réduire les prix, garantir la qualité, multiplier les commodités de l'acheteur grâce au choix abondant des articles et à la facilité de les acquérir : voilà l'objectif constant du distributeur. C'est pour l'atteindre plus efficacement que vous vous êtes réunis si nombreux à Rome et que vous avez choisi comme thème de vos travaux : « La productivité dans la distribution des produits alimentaires ». Faut-il en souligner l'actualité et marquer les avantages que vous espérez retirer de cette confrontation d'expériences et de résultats ? Déjà votre dernier Congrès avait mis à l'étude l'ensemble des problèmes de votre secteur : l'évolution des structures de la distribution, les progrès des techniques au sein de l'entreprise, là collaboration avec les producteurs, les relations avec le consommateur. Votre attention se fixe à présent sur les développements récents et les résultats acquis pendant ces dernières années. Il semble qu'une idée, soulignée vigoureusement lors du congrès d'Ostende, apparaît encore avec plus d'évidence : la nécessité d'une collaboration toujours plus étendue entre les différentes catégories de personnes travaillant à la distribution, c'est-à-dire entre les producteurs et les distributeurs, entre les grossistes et les détaillants, entre les détaillants eux-mêmes. Cette collaboration s'impose,



d'une part, comme une conséquence directe de l'évolution des techniques qui entraîne la production de masse et la spécialisation des tâches, et, d'autre part, comme une réponse au désir légitime des particuliers de ne pas succomber sous la pression des grandes entreprises et de sauvegarder dans la mesure du possible, leur indépendance et leur initiative.

Il paraît donc bien révolu le temps, où le commerçant pouvait concevoir sa fonction en isolé, uniquement comme une source de profit personnel, et se trouvait par là même livré à la lutte impitoyable de la concurrence. Maintenant prévaut à juste titre la conception de l'utilité sociale, du rendement véritable d'une activité par rapport à toutes les autres et, par suite, les améliorations apportées au fonctionnement de la distribution convergent vers un même but : accroître le service réel rendu à la communauté. Le profit en découlera comme une conséquence normale.

Vous avez examiné en détail comment ces vues nouvelles se traduisent dans la pratique. Le grossiste, conscient de son rôle, se soucie aujourd'hui de l'intérêt des détaillants, comme du sien propre ; il aide ceux-ci par tous les moyens dont il dispose : conseils, informations, appui technique, financement, publicité. Le détaillant perçoit mieux pour sa part l'avantage de ce que vous appelez les chaînes volontaires ; souvent l'existence même de son entreprise en dépend et il sacrifiera volontiers une partie de son indépendance pour retrouver par ailleurs une vitalité commerciale accrue ; l'idée de concurrence tend à perdre son sens péjoratif — celui d'opposition et de lutte plus ou moins dommageable —, pour ne plus garder que l'aspect positif et d'ailleurs nécessaire d'émulation : en de nombreux points les préoccupations des détaillants se rejoignent et l'établissement de centres commerciaux (Shopping Centers), qui permettent une action commune pour l'accroissement des ventes et l'organisation des services collectifs, en fournit la démonstration.

Mais c'est aussi du client lui-même que l'organisation moderne du commerce d'alimentation va maintenant requérir une collaboration : le libre service, déjà pleinement en honneur aux Etats-Unis, — entre autres dans les « supermarchés » qu'une initiative intéressante fait connaître actuellement à Rome —/ invite le consommateur à jouer un rôle plus actif et à s'épargner ainsi un élément du prix des marchandises.

Le Saint-Père rappelle que l'honnêteté et la loyauté sont les qualités amentales d'un bon commerçant.

II va de soi que cette accentuation du principe de collaboration suppose un renforcement parallèle du sens moral et de la responsabilité de chacun : ce qui est en jeu, ce n'est pas la réussite ou l'échec d'un seul, mais, à un degré beaucoup plus marqué qu'auparavant, la bonne marche de tout le système commercial et, par là, l'élévation du niveau de vie des populations. Aussi devez-vous souligner combien il importe de s'opposer énergiquement à tout ce qui pourrait troubler le climat de loyauté et de confiance qui doit régner entre les producteurs et les distributeurs, chez les distributeurs eux-mêmes et dans leurs relations avec le client. Qu'on élimine sans hésitation les pratiques suspectes ou frauduleuses, qu'on observe scrupuleusement la parole donnée ; que l'on sache aussi se dépouiller des préjugés qui freinent indûment l'instauration de méthodes plus rationnelles, plus économiques. L'ouverture d'esprit, le goût du risque calculé, le souci du bien de l'ensemble, même si l'intérêt particulier doit en pâtir quelque peu au début, l'honnêteté parfaite : ces qualités du bon commerçant ont plus que jamais droit de cité chez vous et s'avèrent des facteurs primordiaux de réussite.

L'ensemble des membres de vos associations constitue en outre un groupe bien déterminé, capable d'exercer sur la société moderne une influence considérable, à cause de la place centrale qu'il y occupe. Il est heureux qu'à l'intérieur de ce groupe se développe davantage la conscience du rôle qui lui revient. Si les principes économiques qui vous guident sont corrects et visent au bien véritable de tous, si vous savez vous tenir également loin de l'individualisme égoïste et des sujétions qui oppriment la personnalité, vous contribuerez largement à renforcer la stabilité de tout l'édifice social.

Nous souhaitons aussi que le sentiment plus net de vos responsabilités vous incite à chercher dans votre vie personnelle un approfondissement spirituel, sans lequel elle serait condamnée à une relative stérilité. Au-dessus des préoccupations bien lourdes de votre profession, sachez réserver une place à la méditation des vérités éternelles et à l'exploration des richesses intimes de l'âme, qui révèlent la présence de Dieu et l'abondance de ses dons. La divine Providence, qui dispense



largement aux hommes les biens nécessaires à l'existence, se-t-elle trouver en vous des collaborateurs généreux et avisés des intendants fidèles, dignes de lui servir d'intermédiaires et dé manifester ainsi ses largesses.

Tel est Notre vif désir et, en gage des faveurs divines qUe Nous appelons sur vous-mêmes, sur vos familles, sur tous les membres de votre Association, Nous vous accordons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.

LETTRE A SON EM. LE CARDINAL ROQUES POUR LE NOMMER LÉGAT PONTIFICAL DU XVIe CONGRÈS EUCHARISTIQUE NATIONAL


Pie XII 1956 - DISCOURS A DES DOMESTIQUES ITALIENNES