Pie XII 1956 - ALLOCUTION AUX PÈLERINS DES « EXERCICES SPIRITUELS » DE BARCELONE


DE FRANCE

(22 juin 1956) 1






Le XVIe congrès eucharistique national de France s'est ouvert, le mercredi soir 4 juillet à la cathédrale, par la lecture, en latin puis en français, de la lettre pontificale nommant Son Em. le cardinal Roques, archevêque de Rennes, légat pontifical :

Nous jugeons très opportun que le congrès eucharistique, qui va tout prochainement assembler des fidèles de toute la France dans la célèbre ville de Rennes, fête l'heureux cinquantenaire du décret Sacra Tridentina Synodus qui fut promulgué par la Sacrée Congrégation du Concile, durant le glorieux pontificat de Notre prédécesseur saint Pie X, afin de promouvoir et d'encourager parmi les fidèles la réception quotidienne de la sainte Eucharistie. Nous accueillons, en effet, avec la plus grande bienveillance toutes les initiatives qui ont pour but d'accroître en France l'amour et le culte envers l'auguste Sacrement.

Que pourrait-on trouver de plus favorable à la religion et à la piété des fidèles que de tels rassemblements où les pensées et les études qui ont pour centre les très doux mystères de l'autel s'accompagnent d'une émotion salutaire pour les âmes ? D'autant plus que de tous les thèmes qui peuvent être proposés à la réflexion, ceux-là sont les plus importants qui ont trait





1 D'après le texte latin de VOsservatore Romano, du 5 juillet 1956, traduction française de la Documentation Catholique, t. LUI, col. 903.

à la conduite de la vie et aux moyens de propager efficacement le culte de la sainte Eucharistie.

Nous donc, qui sommes persuadé par-dessus tout que les hommes ne peuvent être excités à pratiquer la vertu que s'ils aiment le Modèle de toute vertu, non seulement Nous approuvons de tout coeur le projet et les préparatifs du congrès, mais Nous désirons vivement y être présent d'une certaine manière et le présider.

C'est pourquoi, vous, Notre très cher fils, qui, honoré de la pourpre romaine, dirigez cette insigne métropole, par les présentes lettres, ainsi que Nous vous l'avons déjà annoncé, Nous vous choisissons et vous constituons Notre légat, afin que représentant Notre personne, en Notre nom et par Notre autorité, vous présidiez le congrès eucharistique qui réunira des fidèles de toute la France dans la ville de Rennes.

Pensant à votre piété et à votre vaillance, pensant aux honneurs magnifiques que vont rendre au Christ-Roi tant de fidèles qui, à la suite de leurs évêques et de leur clergé, viendront à Rennes de tous les points de la France, Nous ne doutons pas que vous ne vous acquittiez avec bonheur et succès de la très noble mission de légat.

Implorant de Dieu, dans une prière instante, que cette célébration porte des fruits abondants, Nous vous accordons de tout coeur dans le Seigneur, à vous Notre très cher fils, et à tous ceux qui assisteront à ces solennités eucharistiques, en gage de Notre particulière affection, Notre Bénédiction apostolique.


MESSAGE POUR LES COLONIES DE VACANCES DE L'OEUVRE PONTIFICALE D'ASSISTANCE

(25 juin 1956) 1






Le Saint-Père a adressé le message suivant à Mgr Ferdinand Baldelli, président de l'oeuvre pontificale d'assistance (O. P. O. A.) 2, à l'occasion de l'inauguration de cette oeuvre.

Alors que les lieux de séjour et de récréation d'été destinés au délassement de tant de garçons et de fillettes s'ouvrent pour tout un monde d'enfants qui Nous sont chers, Nous sommes réconforté par la pensée que la charité éclairée des dirigeants sera, grâce à leur dévouement chrétien, aussi bienfaisante pour les âmes que pour les corps ; de la sorte, dans ces foules nombreuses d'enfants se prépare pour l'Eglise et pour la société une génération saine, forte dans la foi, intègre dans les moeurs et heureuse de rendre le bon témoignage à son divin Bienfaiteur Jésus-Christ, au nom de qui Nous donnons de tout coeur aux assistés et aux assistants, la Bénédiction apostolique.





















1 D'après le texte français de VOsseroatore Romano, du 6 juillet 1956.

2 Cette oeuvre apporte une assistance matérielle et morale à environ un million d'en-ants dont 48.000 Romains.


RADIOMESSAGE POUR LE CINQUIÈME CENTENAIRE DE LA RÉHABILITATION DE STE JEANNE DARC

(25 juin 1956) 1






Le lundi 25 juin, le Souverain Pontife a conclu par un radiomessage, les solennelles célébrations organisées à Rouen pour le cinquième centenaire du procès de réhabilitation de sainte Jeanne d'Arc.

En cette heure solennelle en laquelle tout une nation chrétienne, représentée par ses personnalités les plus éminentes, offre au Seigneur une messe d'action de grâces sous les voûtes d'une merveilleuse cathédrale qui renaît à la vie, tel un malade qui a surmonté une crise grave à force d'énergie et d'endurance ; en cette heure où vous célébrez le 5 e centenaire de la réhabilitation de sainte Jeanne d'Arc, comme une grande famille qui retrouve en l'un de ses enfants l'incarnation de ses valeurs les plus hautes et les plus représentatives, ce Nous est une grande consolation de manifester Nous aussi la joie qui remplit Notre âme et de vous féliciter, fils bien-aimés, pour cette fête d'une maison de Dieu et d'une héroïne de la sainteté, qui sont vos légitimes gloires.

Qui donc, en cette triste journée du printemps de 1431' regagnant sa demeure les yeux baissés et le coeur abattu, après avoir assisté à la tragédie de la place du Vieux Marché, s'il eût fixé les yeux sur l'édifice grandiose de votre cathédrale pour y chercher réconfort, aurait jamais pensé que la présente journée historique réunirait Jeanne et ce temple, comme si sur eux eût pesé un commun destin de vocation divine, de souffrance et de martyre, de mort apparente et de glorieuse résurrection, pour les dresser devant le monde comme symbole tan-



gible des vertus d'une race, comme authentique expression de l'âme nationale.



Pape rappelle la glorieuse et tragique histoire de la cathédrale.

Il faudrait remonter jusqu'aux siècles, où l'histoire se confond avec la légende, pour retracer les vicissitudes subies par votre cathédrale, en évoquant les noms des saints et des hommes illustres, qui en ont occupé le Siège, et pour la suivre à travers les âges comme une vivante image du peuple, de la cité et de la région, dont elle partagea les joies et les peines. C'est en elle, comme dans une bible de pierre, que vos aïeux lurent les vérités de la foi, suivirent avec admiration les hauts faits de leurs ancêtres, admirèrent les beautés les plus pures mises au service de l'idéal le plus élevé, apprirent à prier et, en même temps, se sentirent plus frères sous l'étreinte de ses grandes voûtes. Ses lignes élancées leur montraient le chemin du ciel et la légèreté de ses masses leur enseignait le détachement du monde. Dans le ciel clair de Normandie allaient passer des lueurs chargées de désolation et d'épouvante, et même les ténèbres que créent l'abandon des hommes et les excès sacrilèges de la Révolution. Mais la cathédrale restera toujours debout, elle trouvera toujours la main et le coeur, qui lui donneront une vie nouvelle, parce qu'elle exprime des réalités immortelles et que ses fondements s'appuient sur le rocher de la foi, d'une foi sentie et transformée en substance de vie jusqu'à former pour un peuple son caractère le plus essentiel.

Et voici que, onze ans à peine après la dernière tourmente, vous revenez l'admirer dans toute sa splendeur. Votre constance, votre générosité et votre enthousiasme méritent un éloge spécial, que Nous sommes heureux de vous accorder ; cet éloge s'adresse en particulier aux autorités publiques, grâce auxquelles la cathédrale a pu être relevée de ses ruines ; il va aussi à ceux qui ont soulevé ces pierres de leurs propres mains, et renouvelé ainsi les traditions vénérables des siècles passés. Aimez-la, fils bien-aimés, parce qu'elle est vôtre, parce qu'elle vous représente, parce qu'elle vous est un bienfait ou, comme dit, une hymne :

« Elle est la barque qui nous porte sans péril,

Le bercail dont le toit nous abrite,

La colonne de la vérité et notre sûr appui. »

Le Saint-Père retrace, en raccourci, un magnifique portrait de l'humble et héroïque Pucelle.

Quel contraste entre cette inaltérable stabilité et les frêles apparences de l'humble jeune fille, qui devait avoir une si grande part dans l'histoire de France ! Et pourtant cette enfant à première vue si fragile devenait elle aussi un solide édifice ; telle une cathédrale enracinée dans le sol, elle creusait ses fondements dans l'amour de la patrie, dans un désir véhément de paix et une soif de justice, qui devaient l'arracher de l'ombre où elle semblait confinée pour la jeter dans le cours violent de l'histoire. Choisie par Dieu, une conscience inébranlable de sa mission, un désir ardent de sainteté alimenté par la volonté de mieux correspondre à sa très haute vocation, lui feront surmonter les obstacles, ignorer les périls, affronter les grands de la terre, se mêler aux problèmes internationaux du temps et même se transformer en capitaine habillé de fer, pour monter terrible à l'assaut. Plus d'une année de campagne, semée de combats et de victoires, la prise d'Orléans, le sacre de Reims, les chevauchées interminables, les blessures et les prisons, semblent les pages magnifiques d'une légende dorée. Mais en face de la simplicité exemplaire, du parfait désintéressement, de l'idéal sans tache, se dressent la prudence du monde, la cupidité, l'incompréhension et la corruption, qui vont tisser leurs filets pour l'isoler, l'immobiliser et la faire périr comme un ennemi dangereux. Dans le ciel de Normandie ont repasse des ombres sinistres, l'obscurité revient couvrir pour un moment la Rouen lumineuse. Et voilà qu'une fois encore les flammes d'un bûcher ravivent l'incendie sur l'une de ses places ; dans le silence résonnent les paroles d'une martyre fidèle à sa vocation, pleine de foi en l'Eglise, à laquelle elle en appelait, invoquant le très doux nom de Jésus, son unique consolation. A travers la fumée qui monte, elle fixe la Croix, certaine qu'un jour elle obtiendra justice. Plus tard sur les ruines de la cathédrale une Croix aussi serait l'espérance de la reconstruction future.



A notre monde matérialisé sainte Jeanne d'Arc rappelle la salutaire leçon de piété et du sacrifice.

Vie longue ou brève ; triomphe ou déroute apparente ; solidité de la pierre ou fragilité d'une pauvre jeune fille mortelle :

peu importe ! s'il existe une vérité immuable, une foi qui ne peut passer, l'amour d'une patrie immortelle, l'attente d'une paix qui est une exigence naturelle du coeur humain, la soif d'une justice qui nécessairement l'emportera à l'heure fixée par l'histoire, à l'heure de la reconstruction, de la réhabilitation, de la résurrection. Loi nécessaire, qui unit toujours le sacrifice au triomphe, l'humiliation à la gloire, le mystère du Calvaire à l'aube lumineuse du matin de la Résurrection. Heureux le peuple qui s'en souvient, même pour affronter, s'il le fallait, le jugement des hommes, comme Jeanne l'a su faire avec une admirable constance et une inaltérable sérénité ; pour ne pas refuser le sacrifice, qu'elle vit venir sans craindre personne et avec une énergie merveilleuse ; pour être toujours fidèle à sa vocation, spécialement aux moments les plus difficiles. Jeanne d'Arc se présente ainsi aux chrétiens de notre temps comme un modèle de foi solide et agissante, de docilité à une mission très haute, de force au milieu des épreuves. Mais son exemple doit être spécialement éloquent pour vous, fils bien-aimés, dont la patrie a mérité, en vertu d'un appel divin, de renaître en un moment si difficile ; vous êtes les frères d'une héroïne, simple fille de votre peuple. Par sa vie exemplaire, sa consécration à un idéal et son parfait sacrifice, elle enseigne à tous le chemin sûr, en ce siècle de sensualité, de matérialisme, de laisser-aller, qui voudrait faire oublier le sentier tracé par les héros les meilleurs, et la voie qui mène au portail grandiose des vieilles cathédrales.



En terminant le Saint-Père affirme que le mal peut triompher temporairement mais que la victoire finale revient toujours à la foi.

Il n'est pas rare qu'aux instants les plus critiques, ainsi qu'un coup de vent rompt les nuages et laisse voir l'étoile qui guidera le navigateur au port, le Seigneur envoie l'inspiration surnaturelle qui doit faire d'une âme le salut de son peuple. Levez donc les yeux, fils bien-aimés, dignes représentants d'une nation qui se glorifie du titre de fille aînée de l'Eglise, et regardez les grands exemples qui vous ont précédés ; levez les yeux et admirez ces splendides cathédrales qui demeurent parmi vous un vivant symbole de cette Eglise catholique au sein de laquelle vous avez grandi. Mieux encore, entrez d'un pas assuré dans la cathédrale de Dieu, vénérez les saints qui se trouvent sur ses autels, tombez à genoux devant le Dieu qui vous attend au tabernacle, renouvelez votre profession de foi, promettez-lui de nouveau votre fidélité la plus parfaite, et soyez sûrs que, ce faisant, vous répondrez à votre vocation d'hommes, de chrétiens, de Français. S'il arrive que souffle au dehors le vent mauvais, si le mensonge, la cupidité, l'incompréhension trament le mal, s'il vous semble même devenir victimes à votre tour, regardez vos héros réhabilités, vos cathédrales reconstruites è vous vous convaincrez une fois de plus que toujours la dernier victoire est celle de la foi, de la sainte foi, que rien ne peut abattre et dont l'Eglise catholique est l'unique dépositaire.

Catholiques français, dignes représentants d'une nation, qui dans son titre de catholique a toujours trouvé le stimulant le plus fort pour écrire les pages les plus glorieuses de son histoire ! Des tours de vos cathédrales tombent les notes graves ou joyeuses des cloches, comme la rosée qui descend sur la terre pour la rafraîchir et la féconder ; du sol généreux de ce jardin de l'Europe qu'est la France, germent les héros de la patrie et de la foi, qui, par amour pour leur mère, si sa défense l'exige, savent batailler, souffrir et mourir dans la certitude que les lauriers du triomphe ne sauraient jamais manquer à qui accepte de se sacrifier pour une cause grande et juste. Et s'il peut sembler un moment que triomphent l'iniquité, le mensonge et la corruption, il vous suffira de faire silence quelques instants et de lever les yeux au ciel, pour imaginer les légions de Jeanne d'Arc qui reviennent, bannières déployées, pour sauver la patrie et sauver la foi.

Par l'intercession de tant de saints qui ont occupé le Siège de Rouen, par l'intercession surtout de cette grandiose figure, dont vous commémorez aujourd'hui la réhabilitation, que la Bénédiction du Très-Haut descende sur vous tous ici présents, sur Nos frères dans l'épiscopat, le clergé et les fidèles, sur les très dignes autorités qui par leur présence et leur appui ont tant contribué à l'éclat de ces solennités et, par-dessus tout, sur la France, qui Nous est si chère, et à laquelle Nous souhaitons la paix et le bonheur dans la plus parfaite adhésion à ses destinées de grande nation catholique.






MESSAGE

AU CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE FRANCE

(25 juin 1956) 1






Au terme du XVIe Congrès Eucharistique national français, qui s'est tenu à Rennes, sous la présidence de S. E. le cardinal Roques, Légat de S. S, Pie XII, lecture a été donnée du Message Pontifical suivant :

Nous sommes présent de coeur au milieu de vous, chers fils de France, tandis que vous vous assemblez en foule dans la si vivante métropole de la Bretagne pour rendre un hommage public et solennel à la Sainte Eucharistie, Nous y sommes présent en la personne de Notre Légat, qu'entoure un nombre imposant d'archevêques et d'évêques, et ce Message vous portera, avec l'assurance de Notre paternelle sollicitude, les voeux que Nous formons pour le succès spirituel de ce XVIe Congrès national. Dieu veuille qu'à la longue et judicieuse préparation, dont il a bénéficié, corresponde désormais, après la ferveur des cérémonies, un réel approfondissement du culte eucharistique dans tout le pays !

Il était bon, en effet, cinquante ans après le mémorable Décret de saint Pie X sur la communion fréquente, complété plus tard par les dispositions prises en faveur des enfants, de s'interroger sur la fidélité des catholiques à ces directives pontificales. Nous-même, par différentes mesures facilitant l'assistance à la messe et l'observance du jeûne eucharistique, par l'éclat nouveau que Nous avons voulu donner à la célébration du mystère pascal, dont l'Eucharistie est le mémorial sacré, ne manifestons-Nous pas clairement Notre vif désir de voir, autour des autels, s'intensifier la vie des communautés chrétiennes et s'accroître le rayonnement de leur charité ? Et puisque le Congrès, par son objet même, vous invite à vous demander « où en est la vie eucharistique en France de nos jours », Nous ne doutons pas que chacun, — selon son âge et son état, à la mesure de ses engagements personnels et de ses responsabilités sociales — ne veuille apporter à cette question la réponse loyale que lui dictent une foi mieux éclairée et une expérience plus avertie.

Dans la conjoncture présente, grave à bien des titres, Nous exhortons la jeunesse, les familles, les paroisses, les Instituts religieux et les Mouvements d'Action catholique, à méditer devant l'hostie sainte sur le devoir, plus impérieux que jamais, de tout instaurer dans le Christ. Sur les autels de vos villes et de vos campagnes, le Christ est présent, auteur du salut, source de grâces, ferment de notre unité et de notre paix. Allez à lui ; vivez de sa vie ; fondez en lui l'oeuvre de votre sanctification et l'élan de votre apostolat ; bâtissez sur lui la cité chrétienne : « il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés ! » (Actes,


IV, 12).

Vers vous surtout qui êtes prêtres, et qui avez mission de conduire et de nourrir le peuple de Dieu, Nous Nous tournons d'un coeur paternel. Ce sacerdoce que vous avez reçu au cours du sacrifice de la messe et en vue de multiplier celui-ci à travers le temps et l'espace, ne vous constitue-t-il pas, à un titre éminent, les hommes de l'eucharistie ? Nous connaissons, chers fils, et Nous apprécions le zèle qui vous anime pour une vivante célébration de la liturgie à laquelle vos fidèles ont à coeur de s'associer avec intelligence et piété. Joignez-y toujours la pratique d'un culte, éclairé et fervent, pour la divine présence de Jésus dans les tabernacles de vos églises. Rien ne saurait remplacer, dans une vie sacerdotale, la prière silencieuse et prolongée au pied du Saint Sacrement, et l'exemple admirable du saint Curé d'Ars garde aujourd'hui encore toute sa valeur. N'est-ce pas là d'ailleurs, devant l'autel, dans l'adoration de Notre-Seigneur, que se sont forgées, au cours des siècles, les énergies missionnaires des plus valeureux apôtres de votre patrie ?

Et de quel prix, au surplus, est pour la communauté chrétienne, la prière eucharistique de ses prêtres ! Leur exemple est, pour tant d'hommes dispersés et troublés par la fièvre de



la vie moderne, un rappel providentiel de l'unique nécessaire, et leur intercession persévérante amènera ceux-ci tôt ou tard à ce foyer de vie surnaturelle, qu'est l'autel, où le Christ renouvelle son sacrifice rédempteur et où il est juste de lui offrir le tribut de nos louanges.

Que le Seigneur Jésus, qui, sur la terre de France, révélait à sainte Marguerite-Marie les trésors de miséricorde de son Coeur sacré, répande sur vous tous, chers fils qui participez au Congrès Eucharistique national de Rennes, une large effusion de grâces. C'est en gage de ces faveurs divines que Nous vous accordons, ainsi qu'à votre chère patrie, Notre très paternelle Bénédiction apostolique.


DISCOURS

AU PERSONNEL DES HÔPITAUX DE MILAN

(26 juin 1956)1






Le 26 juin, le Saint-Père a reçu des membres de la direction, des médecins et infirmiers et des représentants du personnel des hôpitaux de Milan à l'occasion du Ve centenaire de la fondation du Grand Hôpital de la capitale lombarde. Il leur a adressé un discours dont nous publions la traduction ci-dessous.

Le Saint-Père évoque le glorieux passé de l'hôpital de Milan «La Ca'Granda ».

Nous vous souhaitons affectueusement la bienvenue, chers fils, venus à Rome pour le Ve centenaire de la « Magna domus hospitalis mediolanensis », dite également « lo Spedal grande de la Nunciata » ou plus simplement « la Ca'Granda ». Nous avons tenu à parcourir — dans la mesure où cela Nous a été possible — les intéressants documents, qui racontent les événements de votre glorieuse institution, sans cesse encouragée et favorisée par l'Eglise et les Pontifes romains, et Nous avons été heureusement surpris non seulement par la hardiesse des fondateurs ecclésiastiques et laïcs, mais aussi par la ténacité des continuateurs de l'OEuvre et par l'intuition géniale de tous ceux qui, déjà à cette époque, surent prévoir certaines exigences et y pourvoir avec des critères qui, aujourd'hui encore, après tant de progrès et tant de développements, présentent un caractère manifeste de saine modernité. On doit ajouter, comme Nous l'avons appris par ces mêmes documents, que, grâce a ceux qui furent chargés du gouvernement de l'hôpital, celui-ci devint bientôt le centre autour duquel vivaient et fonctionnaient





d'autres établissements destinés à des maladies spéciales ; ainsi, dès le XVe siècle, fut réalisé ce système « planétaire » ou « stel-laire » considéré aujourd'hui par beaucoup comme répondant le mieux à une juste et complète activité des Instituts hospitaliers modernes. Mais Nous avons été surtout frappé de voir comment, grâce à l'intérêt continu et généreux du peuple milanais, la bienfaisante Institution a pu se conserver, s'accroître et se multiplier. En peu de lieux peut-être comme à Milan, la contribution de la bienfaisance privée fut aussi décisive pour la construction et le développement des « domus hospitales ».

Pour ce que vous avez fait, Nous vous félicitons de tout coeur ; pour ce que vous devez et voudrez encore faire, acceptez Nos souhaits paternels et accueillez aussi quelques simples paroles d'exhortation.



rend hommage au courage et à la compétence de ceux qui l'ont blement restauré,

1. — Ceux qui connaissent les vicissitudes de la « Magna Domus hospitalis mediolanensis » et ont réfléchi à ce qu'elle a connu d'obstacles et de faveurs, de protections et d'attaques ; surtout ceux qui considèrent les coups mortels des incursions aériennes qui détruisirent des pavillons et secteurs entiers, rendant inhabitables de nombreuses salles et inutilisables les installations, pourront facilement imaginer la tenace volonté et l'effort unanime qu'a réclamés la condition présente de la « Ca'Granda » avec ses deux vastes établissements hospitaliers. Nous Nous sommes attardé à considérer les nombreux éléments d'information que vous avez voulu Nous fournir et Nous avons maintenant sous les yeux quelques-uns de ceux-ci, concernant le Grand Hôpital nouveau, héritier et continuateur de l'Hôpital des Sforza. Il dispose aujourd'hui de 2.227 lits dans les diverses sections : de celle de médecine interne à celle de chirurgie et de tuberculose pulmonaire ; avec diverses divisions : de la pédiatrie à la chirurgie d'urgence et à l'oculistique. Dans l'hôpital même fonctionne une hémothèque et travaillent les Instituts de radiologie, de physiothérapie et d'anatomie pathologique ; les laboratoires de physiopathologie de la circulation et de la respiration, de biochimie et de microbiologie. L'Ecole professionnelle pour les infirmières et la Maison des Diplômées y ont leur siège ; des cours d'enseignement y sont donnés pour la spécialisation et pour l'instruction technique du personnel de service. En 1955, 51.327 patients ont été examinés et 43.223 malades assistés, tandis que les interventions chirurgicales ont dépassé le chiffre de 16.000 et celui des services de dispensaire le total de 118.000.



Le Saint-Père tient aussi à souligner le mérite des médecins qui y ont accompli une oeuvre silencieuse et effacée mais non moins admirable.

Une autre page d'histoire peut-être moins visible, mais tout aussi glorieuse, voire davantage, a été écrite par les médecins qui ont assuré leur service dans la « Magna Domus » au cours des siècles. Il s'agit, souvent, de précurseurs, d'hommes qui, patiemment, ont étudié, expérimenté, contribuant au progrès de la science et de l'art médical dans tous les domaines et ne négligeant rien de ce qui pouvait être tenté et réalisé pour rendre l'équipement technique plus efficient et les interventions de la médecine et de la chirurgie plus efficaces. Pour les efforts accomplis et pour les résultats obtenus, Nous vous exprimons, chers fils, Nos félicitations paternelles, en même temps que Nous faisons des voeux fervents pour les autres améliorations et perfectionnements d'une nécessité pressante, ainsi que pour l'active réparation des dommages subsistants. A Milan, qui — affirme-t-on — eut au XVe siècle le premier grand hôpital du monde, projeté spécialement avec une conception moderne pour servir de lieu de cure, Nous souhaitons de faire toujours dignement partie de l'avant-garde du progrès hospitalier en Italie et dans le monde.

Il souhaite qu'aux magnifiques développements matériels corresponde un égal accroissement de la charité entre les personnes qui vivent dans l'hôpital, malades et personnel.

2. — Aux justes félicitations et au souhait paternel, Nous désirons ajouter une autre parole, chers fils, que, Nous n'en doutons pas, vous voudrez écouter et mettre en pratique avec un empressement filial.

Alors que Nous Nous préparions à cette rencontre et Nous attardions avec une joyeuse surprise sur les développements de l'ensemble du patrimoine immobilier des Instituts hospitaliers milanais, une prière revenait à Notre mémoire, que Nous avons souvent sur Nos lèvres et dans Notre coeur de Pasteur universel du troupeau du Christ. Les prêtres et les fidèles la récitent quand ils célèbrent ou suivent la sainte messe prévue pour la consécration d'une nouvelle église. Elle ne cache pas, en cette occasion, sa joie légitime pour l'édifice sacré construit afin que Dieu puisse avoir une nouvelle demeure répondant en quelque sorte à sa majesté infinie. Mais cette joie est accompagnée d'une certaine anxiété et inquiétude ; aussi la prière adressée au Seigneur demande-t-elle qu'à toute augmentation d'espaces matériels corresponde dans l'Eglise un accroissement du patrimoine spirituel : « ut quod Ecclesiae tuae corporalibus proficit spatiis, spiritucdibus amplificetur augmentis »2. Si cela ne devait pas se produire, si dans les temples multipliés ou agrandis les immenses nefs demeuraient désertes ou n'étaient occupées que par des gens distraits, au lieu d'une multitude d'âmes en prière ; si même — ce qu'à Dieu ne plaise, car ce serait pire encore — les ministres du culte venaient à manquer d'esprit sacerdotal ; à quoi serviraient les augmentations de l'espace matériel, et ne devrait-on pas alors repenser avec nostalgie aux antiques catacombes, froides, humides, obscures et cependant si resplendissantes par la lumière de la foi et chaudes du feu de la charité ?

Il Nous semble que quelque chose de semblable pourrait se produire dans ces temples symboliques, que représentent un peu les hôpitaux, si l'on évoquait seulement l'augmentation de leur nombre et de leur ampleur, si l'on perfectionnait les installations techniques et si l'on élevait encore davantage la capacité scientifique des médecins, mais sans s'occuper de conserver et d'accroître en même temps la chaleur humaine dans les relations entre les malades et ceux qui sont affectés à leurs soins. Parmi vous il n'en est pas ainsi, chers fils. Pourquoi ?

Quand, à l'époque dont Nous venons de parler, on pensa à la construction des hôpitaux, un critère prévalut : on voulut que, dans la mesure du possible, ils fussent tout ce qu'il y a de plus digne à l'intérieur et à l'extérieur ; on arriva même à préférer des formes fastueuses, non point tellement par l'inclination de l'époque pour la magnificence des oeuvres, mais en raison de l'idée chrétienne, véritable aliment du mouvement hospitalier, qui voyait et voit encore à présent dans le malade et dans le pauvre le divin Rédempteur. Nous voudrions, chers fils, que sa présence mystique, mais véritable dans vos malades,



Postcom. in Comm. Dedic. Eccl.

devînt la force motrice pour vous tous qui travaillez dans l'administration, dans la direction, dans les chambres, dans les salles, dans les divisions, dans les sections et dans tous les services. Nous aurions ainsi l'hôpital moderne chrétien : où le corps — c'est-à-dire les constructions, les installations techniques, les équipements scientifiques et la compétence professionnelle elle-même de tout le personnel — se trouverait animé par l'habitus et par les actes de la vertu qui résume toute la foi chrétienne : l'amour.

Alors les malades, entrant dans l'hôpital, trouveraient bien des salles spacieuses, des lits reposants, mais aussi toute une atmosphère de sérénité et de paix ; ils se rencontreraient avec des médecins de sûre renommée, avec des infirmiers diplômés, mais sans aucun risque d'être traités comme des « choses » ou, tout au plus, comme des « cas », voire intéressants. Alors, chers fils, le nombre des malades, l'ampleur des salles et la mutipli-cité des services ne vous inciteraient pas à vous occuper davantage de l'hôpital dans son ensemble que du malade individuel : du malade, dirons-Nous, qui est devant vous avec son mal, avec son drame intime, avec ses espérances, parfois avec son désespoir. Alors l'insatisfaction explicable et l'impatience naturelle des malades, le rythme même du travail souvent irrégulier et parfois même énervant ne vous feraient pas oublier qu'aucune fatigue, aucune incompréhension ne peut troubler en vous la conscience que vous êtes au service de Dieu incarne, présent dans chacun de ceux qui sont mis entre vos mains et confiés à vos sollicitudes.



Le Saint-Père termine en disant sa joie de voir que l'église de l'hôpital occupe la place de choix qui lui revenait.

3. — Quand Filarete projeta la « Magna Domus hospitalis mediolanensis », il voulut qu'il y eut au centre de l'ensemble massif l'église, comme pour signifier l'importance prééminente de tout ce qui sert à l'approche et à l'assistance spirituelles des malades hospitalisés. En observant la vue aérienne du nouveau Grand Hôpital de Niguarda, Nous avons constate qu'un critère identique guida ceux qui le conçurent en 1932 ' en effet, au centre de tout le vaste ensemble des constructions, se trouve une belle église et dans l'église un tabernacle, demeure de Jésus présent et caché sous les apparences du pain.

Cela signifie que les malades, soignés au nom du Christ, doivent le considérer comme le Rédempteur des âmes, consolateur des coeurs, médecin divin des corps.

Cela signifie que, dans l'hôpital, rien ne doit être pensé, dit ou fait qui soit contraire à la double présence du Christ, sacramentelle dans l'Hostie consacrée, mystique dans la personne du malade.

Cela signifie que celui qui oserait profiter de la maladie physique pour nuire aux âmes des malades profanerait une chose particulièrement sacrée. Celles-ci doivent au contraire être soigneusement protégées et, au besoin, guéries, afin qu'il n'arrive point que quelqu'un quitte la terre et aille à la rencontre du Christ sans l'habit nuptial prescrit, sans la grâce sanctifiante.

Cela signifie enfin que tous — chacun selon ses possibilités et compétences — doivent collaborer, afin que l'assistance spirituelle des malades soit convenablement promue et soutenue. Les prêtres et les soeurs doivent pouvoir continuer à être — comme toujours — les anges consolateurs des malades. Personne ne peut inspirer plus qu'eux aux malades sérénité et paix ; cette sérénité et cette paix qui se révèlent de plus en plus comme de très précieuses auxiliaires dans les efforts anxieux pour rendre la santé et la vigueur aux membres douloureux de tant d'infortunés.

Avec ces sentiments, Nous donnons de tout coeur à vous tous, à l'illustre président, aux administrateurs, aux directions administratives et techniques, au Surintendant médical également pour le corps des médecins engagés dans les services urgents des deux hôpitaux, aux présidents de la Commission des visiteurs et visiteuses, aux employées, aux représentants des infirmiers et des auxiliaires et, particulièrement, aux prêtres et aux soeurs, en gage des grâces divines les plus abondantes, Notre Bénédiction apostolique.






Pie XII 1956 - ALLOCUTION AUX PÈLERINS DES « EXERCICES SPIRITUELS » DE BARCELONE