Pie XII 1956 - AU PERSONNEL DES HÔPITAUX DE MILAN


LETTRE APOSTOLIQUE « DUM MAERENTI »

AUX PRÉLATS AUX PRÊTRES ET AUX FIDÈLES DES PEUPLES PERSÉCUTÉS EN EUROPE

(29 juin 1956)1




En la fête des saints Pierre et Paul le Saint-Siège a adressé la lettre suivante au Cardinal Joseph Mindszenty, archevêque de Strigonia ; au Cardinal Louis Stepinac, archevêque de Zagreb ; au Cardinal Etienne Wyszinski, archevêque de Gniezno et Varsovie ainsi qu'aux archevêques, èvêques, prêtres et fidèles d'Albanie, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Hongrie, Yougoslavie, Pologne, Roumanie, de la partie orientale de l'Allemagne et aux autres peuples persécutés d'Europe :

Tandis que le coeur contristé, Nous considérons les conditions pénibles dont l'Eglise souffre en beaucoup de régions d " monde à cause du matérialisme athée qui y règne, Nous Nous rappelons la situation où se trouvaient, il y a cinq siècles, les peuples de l'Europe centrale et qui incitèrent Notre prédécesseur Calixte III d'immortelle mémoire à publier le 29 juin 1456 la Lettre apostolique : « Cum his superioribus annis ».

Les peuples chrétiens qui habitaient les régions fertiles baignées par le Danube ainsi que les contrées voisines étaient menacés ou déjà frappés d'un fléau qui s'en prenait à leurs personnes et à leurs biens mais aussi à leur foi ancestrale. C'était le cas surtout de la Hongrie et des pays qu'on appelle aujourd'hui l'Albanie, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Roumanie ; mais la gravité de la situation n'échappait pas à ceux qui habitaient des régions plus éloignées, surtout les peuples de l'Allemagne et de la Pologne.





Se rendant compte de cette situation critique, l'infatigable Pontife Calixte III jugea de son devoir d'exhorter paternellement les pasteurs et les fidèles du monde catholique à expier leurs péchés par la pénitence, à restaurer la vie chrétienne dans toute son intégrité, à implorer le secours efficace de Dieu par de ferventes prières. En outre avec une grande constance, il s'employa par tous les moyens à écarter ce péril des fidèles et, enfin, il attribua au secours divin la victoire de ces preux qui, soutenus par les exhortations de S. Jean de Capistran et guidés par le vaillant chef d'armée Jean Hunyady, défendirent courageusement la forteresse de Belgrade. Pour que le souvenir de cet événement fût conservé dans la liturgie et pour que tous les chrétiens en rendent grâce à Dieu, il institua la fête de la Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui se célébrerait dans le monde entier le 6 août2.

Aujourd'hui encore, hélas, vous qui habitez ces mêmes pays, vous êtes dans la tristesse et l'affliction en même temps que beaucoup d'autres catholiques — non seulement de rite latin mais aussi de rite oriental — qui demeurent dans les régions voisines à l'Est, ou au Nord le long de la mer Baltique. Voici plus de dix ans, vous le savez par expérience, que l'Eglise du Christ est privée de ses droits bien que différemment selon les endroits ; les associations pieuses et les congrégations religieuses sont dissoutes et dispersées et les pasteurs entravés dans l'exercice de leur ministère quand ils ne sont pas déportés, exilés ou mis en prison ; on a même prétendu témérairement supprimer les diocèses de rite oriental et, par tous les moyens, pousser au schisme le clergé et les fidèles. Nous savons aussi que beaucoup sont persécutés de toutes manières pour avoir professé la foi ouvertement, sincèrement et courageusement, et pour s'être employés avec force à la défendre. Ce qui Nous attriste le plus, c'est de savoir que l'esprit des enfants et des jeunes gens est imprégné de doctrines fausses et perverses dans le but de les éloigner de Dieu et de ses saints préceptes, au détriment de la vie présente et non sans danger pour la vie future.

Nous qui par la volonté divine occupons cette Chaire de Pierre Nous gardons pour ainsi dire devant les yeux ce triste spectacle ; Nous en avons déjà parlé dans de précédentes Lettres apostoliques mais aujourd'hui encore Nous ne pouvons



Lettre apostolique Inter divinee âispositionis, du 6 août 1457.

Nous taire sans manquer à Notre devoir. Car Nous devons obéir à l'ordre, sévère et doux à la fois, que le Christ Notre-Sei gneur donna au Prince des Apôtres et à ses successeurs par ces mots : « Affermis tes frères » (Lc 22,32). Nous désirons donc sans cesse renforcer et consolider vos saintes résolutions et vous manifester Notre affection, à vous qui, par fidélité et par amour pour Jésus-Christ, supportez tant de souffrances, tant de tribulations, tant d'angoisses.

Nous Nous adressons d'abord à vous, Nos chers fils, les Cardinaux de la S.E.R., Joseph Mindszenty, Louis Stepinac et Etienne Wyszynski, que Nous-même avons revêtus de la dignité de la pourpre romaine, à cause des mérites insignes que vous avez acquis dans l'accomplissement de vos devoirs pastoraux et pour votre ardeur à défendre la liberté de l'Eglise. Sans cesse Nous Nous rappelons avec tristesse ce que, éloignés injustement de vos Sièges et empêchés d'exercer votre ministère sacré, vous avez souffert et continuez à souffrir pour Jésus-Christ. En même temps que vous, sont présents à Notre regard et à Notre coeur paternel Nos vénérables frères dans l'Episco-pat, modèles de fidélité au Siège apostolique, comme aussi les prêtres tant séculiers que religieux et les phalanges d'hommes et de femmes consacrés au service divin, et Nos autres chers fils et filles qui, au milieu de tant de difficultés, se prodiguent autant qu'ils le peuvent pour la défense et l'avancement du Règne pacifique et pacifiant de Jésus-Christ. Vivement soucieux de votre bien à vous tous qui par amour de Jésus-Christ supportez des angoisses, des torts et des dommages, Nous élevons chaque jour Nos prières au Dieu tout-puissant pour que, dans sa bonté, il soutienne et renforce votre foi, pour qu'il adoucisse vos peines, vous console de ses dons célestes, guérisse les membres souffrants ou malades du Corps mystique de Jésus-Christ et, après avoir calmé la présente tempête, fasse finalement resplendir sur vous et sur tous la paix véritable et sereine, appuyée sur la vérité, la justice et la charité.

Jamais, vous le savez, le Rédempteur n'oublie son Eglise, jamais il ne l'abandonne ; au contraire, plus violents sont les flots qui assaillent la barque de Pierre, plus le divin nocher reste vigilant, même s'il semble parfois assoupi (Mt 8,24 Lc 8,23). Méditez chaque jour cette promesse de Jésus qui ne manque pas d'inspirer aux âmes chrétiennes une espérance et une consolation certaines, surtout aux heures d'épreuve : « Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,20). Mais « si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8,31). Jésus est donc avec vous et ne refusera jamais le secours divin à vos supplications. Mais de tous il exige qu'ils obéissent toujours plus fidèlement aux préceptes de l'Eglise et qu'ils défendent toujours généreusement leur foi.

Vous savez de quoi il s'agit : il s'agit de votre salut éternel, de celui de vos fils et de tous vos proches, qui est aujourd'hui gravement menacé par l'impiété des athées. Cependant dans ce combat spirituel, si tous et chacun — ce dont Nous avons pleine confiance — combattent courageusement et fidèlement, il ne pourra pas y avoir de vaincus mais seulement des victimes glorieuses ; des persécutions et du martyre surgiront pour l'Eglise du Christ de nouveaux triomphes qui seront écrits en caractères d'or dans ses annales. Nous ne voulons même pas penser que des disciples de Jésus-Christ, découragés, abandonnent le champ de bataille, s'abstiennent d'une franche profession de foi, ou s'endorment inertes et indolents, tandis que les fauteurs de l'impiété s'efforcent de dévaster le Royaume de Dieu. Si toutefois — ce qu'à Dieu ne plaise — cela arrivait en quelque endroit, il en résulterait, non seulement pour les déserteurs, mais aussi pour les communautés chrétiennes, un dommage irréparable et la ruine suprême.

C'est pour Nous un grand réconfort de savoir que beaucoup d'entre vous sont prêts à tout sacrifier, fût-ce la liberté et la vie, plutôt que de mettre en danger l'intégrité de la religion catholique ; Nous savons qu'en cela de nombreux pasteurs ont donné des exemples d'invincible courage chrétien : vous surtout, Nos chers Fils les Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, qui êtes devenus un objet d'admiration à la face du monde, des Anges et des hommes (1Co 4,9).

Nous savons aussi, malheureusement, que la fragilité et la faiblesse humaines vacillent, spécialement quand les épreuves et les vexations durent si longtemps. Il arrive alors en effet que certains tombent dans le découragement et perdent la ferveur ; pire encore, ils en viennent à la conclusion qu'il est nécessaire de mitiger la doctrine de N.-S. Jésus-Christ et, disent-ils, de l'adapter aux temps nouveaux et aux circonstances nouvelles, énervant ou modifiant les principes de la religion catholique, pour les accorder faussement aux erreurs de ce siècle en progrès.

A ces découragés et semeurs de découragement, les pasteurs ont le devoir de rappeler l'affirmation solennelle du divin Rédempteur : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Mt 24,35) ; de les exhorter à mettre leur espérance et leur confiance en celui « dont la providence ne se trompe pas dans ses dispositions » et qui ne prive jamais de son assistance ceux qu'il établit dans la solidité de son amour 3. Jamais en effet le Dieu tout-puissant et prévoyant ne permettra que ses fils fidèles et généreux demeurent privés de la grâce et de la force divine, et que, séparés de Jésus-Christ, ils succombent malheureusement dans cette lutte pour le salut et assistent impuissants à la ruine spirituelle de leur propre peuple.

Et vous, chers fils du clergé et du laïcat, restez toujours étroitement unis à ceux que le Saint-Esprit a établis évêques pour gouverner l'Eglise de Dieu ; et si actuellement nombre d'entre eux sont empêchés d'agir et ne peuvent vous soutenir de leur parole, conservez religieusement et fidèlement dans vos coeurs les exhortations qu'ils vous ont adressées dans le passé.

Pressés du désir d'être apôtres, accomplissez généreusement tous vos devoirs religieux malgré les grandes difficultés qui vous feront obstacle, maintenez-vous solides dans la foi et faites même tout ce qui est en votre pouvoir pour répandre la lumière du Christ, spécialement par l'exemple d'une vie chrétienne persévérante, comme les admirables chrétiens d'autrefois sous la fureur des persécutions. Que ceux qui vacillent, sont incertains et faibles, apprennent de vous à être courageux, à conserver et à professer franchement leur foi, à accomplir leurs devoirs religieux, à se donner sans réserve à Jésus-Christ. Les saines énergies de votre âme, votre profond esprit chrétien, dont Nous recevons souvent de remarquables témoignages, sont pour Nous un grand réconfort et Nous autorisent à espérer que vous saurez transmettre intact, comme un héritage sacré, le précieux trésor de la foi chrétienne et de la fidélité à l'Eglise et au Siège apostolique.

3 Missel romain, oraisons du JQ et du 2e dimanche après la Pentecôte.




Et pour que ces désirs deviennent une heureuse réalité, élevez vos supplications vers le divin Rédempteur, sous les auspices de Marie sa très sainte Mère et la nôtre, pleine d'amour. Vos pères ont joui de son puissant patronage aux moments du danger. Si en effet nous pouvons toujours obtenir de la Vierge les dons célestes, cela sera vrai sans aucun doute de façon spéciale quand il s'agit du salut des âmes, de la défense de la foi chrétienne dans la famille et dans la société.

Avant de mettre fin à cette Lettre, Nous voulons vous rappeler comment Notre prédécesseur Calixte III, dans la Lettre « Cum his superioribus annis », déjà mentionnée, avait ordonné que chaque jour on sonnât à un moment déterminé les cloches afin d'inciter les fidèles de tout le monde catholique à adresser des prières à Dieu tout-puissant et bienveillant pour qu'il écartât du peuple chrétien l'immense désastre qui le menaçait. Aujourd'hui les dangers que courent vos âmes et l'Eglise catholique dans vos pays ne sont pas moindres. Aussi quand vous entendrez le son des cloches invitant à la prière, rappelez-vous cette exhortation et, animés de la même confiance dans le secours divin, élevez, à l'exemple de vos ancêtres, des implorations et des supplications vers Dieu.

Nous désirons encore que non seulement Nos propres prières, spontanées et ferventes, aillent au-devant des vôtres, mais que s'y unissent également en tous lieux celles des fidèles de tout milieu, qui prennent une vive part à vos peines et s'adressent d'un seul coeur au Ciel.

Soyez certains que toute la famille chrétienne admire avec respect ce que depuis longtemps vous souffrez en silence, dans les tribulations et les angoisses, et qu'elle implore le secours du Dieu de miséricorde pour que vous ne succombiez pas aux durs coups de l'impiété ou aux embûches insidieuses de l'erreur, mais qu'avec la force des martyrs vous donniez au contraire publiquement témoignage de votre foi, afin que vos persécuteurs eux-mêmes — à qui s'étend aussi le commandement de la charité chrétienne — obtiennent le pardon de Celui qui, prêt à les accueillir, attend avec amour le retour de tous ses fils prodigues.

Dans cette douce espérance, à tous et à chacun de vous, chers Fils et vénérables Frères, et à tous ceux qui sont confiés à vos soins, Nous accordons volontiers la Bénédiction apostolique, en gage de Notre bienveillance paternelle et comme souhait d'abondantes grâces célestes.




DISCOURS

A DES TERTIAIRES FRANCISCAINS D'ITALIE

(ier juillet 1956)1






Le Saint-Père a accordé, le dimanche Ie' juillet, une audience dans la Basilique vaticane aux milliers de personnes qui ont participé au grand Congrès national du Tiers-Ordre franciscain d'Italie, tenu à Rome du 29 juin au Ie' juillet. Il leur a adressé le discours suivant :

En vous souhaitant affectueusement la bienvenue, chers fils, dirigeants, religieux, frères et soeurs du Tiers-Ordre franciscain d'Italie, Nous tenons avant tout à vous manifester Notre joie pour l'heureuse reprise de votre vie et de votre action, individuelle et collective, ainsi que pour l'esprit de concorde qui règne parmi vous. La lecture de votre histoire laisse comme stupéfait à la vue du nombre et de la qualité des fleurs de sainteté ou des fruits d'oeuvres apostoliques, qui ont poussé et mûri sur les trois branches du toujours vert et robuste tronc franciscain ! Du Bienheureux Lucchesio jusqu'aux innombrables laïcs de toute condition, aux prêtres, aux évêques, aux Pontifes romains — c'est une véritable multitude d'âmes qui attribuèrent au Tiers-Ordre, en grande partie, l'esprit qui les poussait à s'avancer sur la voie de la perfection. Non moins surprenante est l'histoire de leurs oeuvres, visant à rétablir l'ordre religieux, moral, social et politique de la société.



Le Saint-Père rappelle que le Tiers-Ordre a toujours été une école de sainteté et d'apostolat. Aussi les papes l'ont-ils toujours béni et encouragé.

Certes, — depuis l'institution providentielle de votre Tiers-Ordre, tout empreint de l'esprit et de la doctrine de son seraphique fondateur et dès ses débuts, arrhes de sanctification pour tant de coeurs — les périodes de crise et de moindre ferveur ne manquèrent pas au cours du temps ; son action, cependant, demeura toujours notable et efficace. En des temps de luttes et de vengeances, les Tertiaires se firent des promoteurs de concorde et de paix ; contre les abus des seigneurs féodaux, ils travaillèrent, avec prudence et hardiesse, au bien et à la défense des classes les plus humbles ; pour atténuer, et dans la mesure du possible, pour supprimer les effets des hérésies et des schismes, ils se firent les modèles et les apôtres de la fidélité absolue à l'Eglise et à son Chef visible ; pour endiguer les débordements des injustices, des violences et des exactions, ils donnèrent l'exemple du détachement des richesses, des vanités et des honneurs. On peut bien le dire, chaque fois que l'Eglise a battu le rappel de ses fils pour une oeuvre de renouvellement organique et profond, elle les trouva prêts à coopérer pour que les efforts communs ne fussent pas vains. Aussi l'appui et la bénédiction des Pontifes romains ne vous ont pas fait défaut : depuis Honorius III, qui, dit-on, en approuva la Règle vivae vocis oraculo, et Grégoire IX, grand ami de votre Saint Patriarche, jusqu'à Léon XIII, qui par la Constitution apostolique Misericors Dei Filius du 30 mai 1883 réforma votre Règle, tout en veillant à ce que ne fût touchée en rien la nature intime de l'Ordre ; à saint Pie X, qui disait sa certitude en l'efficacité de la contribution du Tiers-Ordre à la restauration de toutes choses dans le Christ2 ; à Benoît XV et à Pie XI, qui affirmèrent une fois de plus la modernité permanente du Tiers-Ordre. Nous aussi, en diverses occasions, Nous avons tenu à louer votre esprit et à louer votre travail, et aujourd'hui Nous sommes heureux de vous rencontrer pour renouveler à tous Nos félicitations, Nos souhaits et Notre paternelle exhortation. A vrai dire, Nous demandons, comme vous, au Seigneur que la splendeur de tant de vos gloires ne vienne en aucune façon à être ternie, que la confiance que l'Eglise met en vous ne soit jamais rendue vaine. En vous aussi — comme en d'autres Institutions — la dernière guerre peut avoir provoqué sur l'heure un temps d'arrêt organique et peut-être de refroidissement spirituel ; mais maintenant, comme en témoigne ici votre magnifique assemblée, vous avez retrouvé



Lettre apostolique, du 5 mai 1909.



la ferveur première pour faire de votre Tiers-Ordre une écol de perfection chrétienne — d'authentique esprit franciscain — d'action hardie et empressée pour l'édification du Corps du Christ.



Le Saint-Père donne trois directives aux Tertiaires : perfection chrétienne . . .

1. — Soyez avant tout une école de perfection chrétienne intégrale.

Le Tiers-Ordre franciscain naquit dans le coeur de votre séraphique Père le jour où un groupe d'âmes, touchées et soulevées par ses paroles, lui demandèrent de l'accompagner sur les routes qu'il parcourait, sur les traces du Christ, au nom de qui il s'en allait répétant « Soyez parfaits » (Mt 5,48). Comme il n'était pas possible à tous de mettre en pratique les conseils évangéliques, François rappela que tous, s'ils le voulaient, pouvaient tendre à la perfection de leur état de vie et y parvenir sans embrasser l'état de perfection. Ils pouvaient tous, par le renoncement à soi-même, être de dociles instruments entre les mains du Christ : prêts à tous ses désirs, à tous ses ordres. Et cette adhésion totale, continuelle, à la, volonté de Dieu — cette affectueuse mais forte donation à Lui et à sa volonté — cette plénitude et perfection de vie à la lumière de l'Evangile peuvent être vécues par tous les chrétiens, et elle l'a été, en fait, par beaucoup à toutes les époques.

Le Tiers-Ordre franciscain est né pour satisfaire à cette soif d'héroïsme chez ceux dont le devoir était de rester dans le monde, mais ne voulaient pas être du monde. Le Tiers-Ordre veut donc des âmes qui, dans leur état de vie, aspirent à la perfection.

Vous êtes, vous, un Ordre : Ordre de laïcs, mais Ordre véritable. Ordo veri nominis, comme l'appela Notre prédécesseur de sainte mémoire Benoît XV3. Vous ne serez pas, c'est évident, une assemblée de parfaits ; mais vous avez le devoir d'être une école de perfection chrétienne. Sans cette volonté résolue, on ne peut décemment faire partie d'une milice si choisie et si glorieuse.





3 Lettre encyclique Sacra Propediem, du 6 janvier 1021.

. esprit franciscain authentique.
2. — Soyez une école d'authentique esprit franciscain.


Certes, personne ne peut entretenir des doutes sur l'importance du Tiers-Ordre franciscain dans le monde présent ; on sait pourtant les soucis qu'inspire aux Franciscains les plus fervents la vitalité effective des Tiers-Ordres, en Italie et à l'étranger ; certains craignent qu'ils ne donnent pas aujourd'hui les phalanges de saints et d'apôtres, qui jadis se mettaient au service total de l'Eglise.

Les raisons d'un tel phénomène, semble-t-il, doivent être cherchées — entre autres — dans un amoindrissement d'efficacité de l'esprit franciscain chez plus d'un Tertiaire et, parfois, même chez certains directeurs. Quelques-uns se plaignent, en effet, que souvent on s'en tient trop à des généralités, alors qu'il ne suffit pas de connaître la vie du saint Patriarche et de la raconter pour être sûr de se former soi-même et surtout de former autrui selon la mentalité et la méthode franciscaines. Si cela était vrai, il faudrait y remédier au plus vite ; souvenez-vous-en, votre Tiers-Ordre ne pourra donner fleurs et fruits, comme en ses périodes de gloire, s'il n'est pleinement imprégné d'une véritable et authentique spiritualité franciscaine.

Vous le savez, la spiritualité d'un saint est sa manière particulière de se représenter Dieu, de parler de Lui, d'aller à Lui, de traiter avec Lui. Chaque saint voit les attributs de Dieu à travers celui qu'il médite davantage, qu'il approfondit davantage, qui davantage l'attire et le conquiert. Une vertu particulière est pour chaque saint l'idéal vers lequel il faut tendre, tandis que, pris dans leur ensemble, les saints — ou mieux toute l'Eglise — cherchent à imiter tout le Christ. C'est pour cela aussi que l'Eglise est, pour ainsi dire, le Christ total et les chrétiens individuellement — les saints individuellement — sont ses membres plus ou moins parfaits.

Il y a donc une doctrine franciscaine selon laquelle Dieu est saint, est grand, mais surtout est le Bien, ou mieux encore le Bien suprême. Pour elle, Dieu est amour, il vit d'amour, crée par amour, s'incarne et rachète par amour, c'est-à-dire sauve et sanctifie.

Il y a aussi une manière franciscaine de contempler Jésus : la rencontre de l'Amour incréé avec l'amour créé. Il y a pareillement une façon de L'aimer et de L'imiter qui est de voir l'Homme-Dieu et de Le considérer de préférence en Sa très sainte humanité, parce qu'elle Le montre mieux et presque Le fait toucher. De là, une ardente dévotion envers l'Incarnation et la Passion de Jésus, parce qu'elles Le font voir non pas tant dans la gloire, dans la grandeur toute-puissante ou dans le triomphe éternel, mais plutôt dans son amour humain, si doux dans la crèche et si douloureux sur la croix.

Il y a enfin une manière franciscaine d'imiter Jésus. Votre séraphique Père chercha et trouva dans l'Evangile, ouvert presque au hasard, trois paroles du divin Maître. La première disait : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel » (Mt 19,21) ; la deuxième donnait l'avertissement : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive » (Mt 16,24) ; la troisième, enfin : « N'emportez pas de bourse, pas de besace, pas de chaussures » (Lc 10,4). Et de dire alors le saint Patriarche : « Voilà quelle sera notre Règle »4.

De là, la pauvreté franciscaine qui fuit le luxe et aime particulièrement ce qui satisfait le moins les yeux et la vanité ; de là, la simplicité franciscaine qui porte l'âme à chercher directement Dieu, en suivant la voie courte, la voie simple, qui est de considérer moins sa laideur personnelle et davantage la beauté infinie de Dieu ; de là, le renoncement franciscain, total, continuel, mais sans à-coups, sans heurts, sans regrets ; de là, la franche joie franciscaine, qui n'est pas la gaieté bruyante, ni le rire désordonné, mais bien plutôt le sourire paisible, plein d'aimable sérénité.

De là, surtout la charité universelle qui, voyant tout et tous en Dieu, aime tout et tous en Lui et pour Lui ; en tout et tous prend plaisir, prenant plaisir en Dieu. Deus meus et omnia.

C'est de cet esprit franciscain, de cette vision franciscaine de la vie que le monde a besoin. A vous, chers fils, il appartient de la connaître à fond, de l'aimer avec enthousiasme, surtout d'en vivre avec la perfection que permet votre état.

. . . action hardie pour Yédification du Corps mystique du Christ.

4 Anon. de Pérouse, ch. 10 et il.




3. — Ecole d'action, d'action hardie et empressée pour l'édification du Corps du Christ.

Votre Tiers-Ordre saura aussi être une section d'élite dans la pacifique armée des laïcs qui, aujourd'hui plus que jamais, s'est mise en ligne pour la défense et l'expansion du règne du Christ dans le monde.

Dans l'église de Saint-Damien le séraphique Père entendit la voix du Crucifié qui l'exhortait à restaurer sa maison, menaçant ruine. Défendre l'Eglise, soutenir l'Eglise : voilà l'ardent désir de François d'Assise. Voulez-vous, chers fils, être dignes de votre Père et Maître ?

Observez les temps présents. Ils ne sont guère différents, sous certains aspects, de ceux qui virent naître l'Ordre franciscain. Nous avons, à plusieurs reprises, averti le monde pour qu'il s'arrête à temps sur le bord de l'abîme. Nous avons invité les hommes à réfléchir sur le fait qu'il n'existe pas de salut authentique et durable sinon en Jésus. Nous avons adressé des appels réitérés à tous les vrais chrétiens pour que — mettant de côté ce qui divise — ils travaillent avec hardiesse et tous unis au développement de la vie et de l'expansion de l'Eglise. Beaucoup ont répondu, beaucoup — Nous en avons la ferme confiance — répondront encore : les hommes commencent à se rendre compte que, loin du Christ, ils ne subissent que malaise et détriment. De nombreuses parties du monde sont pleines d'activité sous la conduite des pasteurs d'âmes.

Au travail donc, vous aussi, chers fils ! C'est Jésus qui vous le dit par la bouche de celui qui, bien qu'indigne, est son Vicaire ! Accourez tous et allez au secours du monde. Soutenez l'Eglise où, — si ne manquent pas, hélas ! en certains de ses membres, l'erreur et le mal — il se rencontre, heureusement, tant d'héroïsme et tant de sainteté.

Avec ses sentiments et vous remerciant des nombreux présents qui ont accompagné votre venue, Nous faisons descendre de grand coeur sur vous tous, sur vos familles et sur toute votre activité, en gage des plus abondantes faveurs célestes, Notre Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION A UN GROUPE D'INSPECTEURS ESPAGNOLS DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

(3 juillet 1956)1






Le 3 juillet, le Saint-Pèré a reçu en audience spéciale un important groupe de membres de la « Hermandad de Inspectores de Enseñanza Primaria », confrérie des inspecteurs de l'enseignement primaire d'Espagne. Il leur a adressé en espagnol un discours dont nous donnons lü traduction suivante :

Le fait que, parmi les foules de plus en plus nombreuses, qui viennent constamment à cette Maison du Père commun, Nous ayons tenu à vous recevoir séparément pour vous adresser quelques paroles, vous exprime clairement, fils bien-aimés, membres de la « Hermandad de Inspectores de Enseñanza Primaria » d'Espagne, l'affection spéciale et l'intérêt que Nous éprouvons.

Vous êtes nombreux : mais, derrière vous, il Nous semble voir les milliers de maîtres que vous devez organiser et diriger dans leur tâche d'enseignement. Vous êtes nombreux ; mais, derrière vous, Notre vision s'élargit encore et il Nous semble voir les millions d'enfants qui attendent de vous, avec leurs yeux bien ouverts, une orientation et une direction pour toute leur vie.

Donnez-leur une culture appropriée à leur jeune âge ; assurez-leur une préparation pour les phases ultérieures de leur éducation ; inculquez-leur le saint amour de la famille et de la patrie. Mais, surtout, donnez-leur une formation religieuse et morale, saine, solide, claire et bien fondée, qui, demain, fasse d'eux de bons enfants de leurs familles, de bons citoyens de la patrie et de bons membres de l'Eglise, qui met en eux ses espérances.

Vous vous êtes engagés à trois choses : à être des hommes intègres, des catholiques exemplaires et des modèles de votre profession. Mais s'il est certain que vous savez envisager toute votre vie comme la réponse à un appel spécial du Seigneur, si votre idéal de « Vers Dieu par la profession » doit se réaliser, Nous vous dirons que ces trois caractéristiques doivent se fondre en une seule, parce que l'homme, le catholique, le professionnel ne sont nullement trois choses distinctes ; mais tout cela doit se concréter en une personne, qui soit capable d'enseigner davantage par l'exemple que par la parole, qui pratique d'abord ce qu'elle voudra ensuite proposer ou demander aux autres. Et quand Nous pensons à l'avenir de la très chère nation espagnole, Nous avouons que Nous le voyons tout particulièrement entre vos mains et Nous éprouvons une singulière satisfaction à savoir que la quasi totalité des Inspecteurs qui forment votre corps appartient aujourd'hui à votre Confrérie.

Mais votre visite a un but précis que Nous désirons retenir.

Vous Nous apportez un album, l'album des enfants espagnols qui veulent adresser un compliment à leur Père le Pape. Nous l'examinerons posément, mais vous pouvez déjà dire aux enfants de toutes les provinces d'Espagne que le Saint-Père l'a grandement apprécié, qu'il les remercie de tout coeur et qu'il éprouve une consolation à voir écrit dans chacune de ses pages l'amour que Nous manifestent Nos fils, amour auquel Nous répondons avec toute l'effusion de Notre coeur.

Vous apportez aussi une collection de votre revue professionnelle ; et Nous voulons profiter de l'occasion pour vous dire que Nous n'ignorons pas sa valeur et le bien que vous accomplissez au moyen d'elle, comme une des nombreuses manifestations de votre activité sociale.

Enfin, vous Nous remettez une ample documentation de la collaboration de toutes les écoles d'Espagne à l'hommage national qui Nous a été fait récemment et qui, comme on le sait, consiste en l'édification, ici à Rome, d'un nouveau Collège espagnol, plus grand et plus spacieux. Dites donc à vos enfants que Nous sommes aussi tout particulièrement reconnaissant de



cette générosité et que, peut-être, le Seigneur la récompensera un jour en permettant que certains d'entre eux viennent à Rome pour habiter dans ce Collège et s'y former comme de dignes ministres du Seigneur.

Fils bien-aimés ! Continuez le chemin que vous avez pris avec l'assurance que Notre affection et Notre intérêt constant vous accompagnent.

Implorez, comme dit votre prière, une foi solide, une charité ardente, une fermeté chrétienne, une constance inébranlable et une patience inaltérable ; que sur vos lèvres fleurisse toujours la vérité, dans vos oeuvres l'amour et dans toute votre action le plus clair exemple. Car c'est seulement ainsi que vous serez dignes du poste que vous occupez et de toutes les grâces que le Seigneur vous dispense continuellement.

Notre Bénédiction va à tous les enfants des écoles d'Espagne ; Nous fermons les yeux et il Nous semble voir ces bambins innocents, leurs petites mains jointes, recevant à genoux la Bénédiction. Que sur leurs petites têtes la grâce du ciel descende abondante et qu'elle fasse d'eux et de leurs âmes un jardin fleuri de toutes les vertus.

Notre Bénédiction va à tous les maîtres d'Espagne, où Nous les voyons devant leurs enfants, leur enseignant surtout à aimer Dieu et à accomplir leurs devoirs chrétiens pour pouvoir de la sorte accomplir aussi leurs devoirs de citoyens et de membres de leurs familles.

Et pour vous, Notre Bénédiction toute spéciale, pour vos activités, pour vos idéals, pour vos amis et parents, Notre Bénédiction pour toute la très chère nation espagnole que vous représentez en ce moment si dignement.2















- Les dirigeants du pèlerinage présentèrent au Pape un album caractéristique, dit des Enfants d'Espagne. Une grande page est consacrée à chacune des provinces de la nation. La page est illustrée d'une représentation de paysages ou de monuments locaux avec des groupes d'enfants'. En outre, la collection d'une année de la revue « Mundo Escolar », périodique de l'Association, a été offerte à Sa Sainteté.


Pie XII 1956 - AU PERSONNEL DES HÔPITAUX DE MILAN