Pie XII 1956 - 1 RADIOMESSAGE SUR LES ANXIÉTÉS DU MONDE À L'HEURE PRÉSENTE


DISCOURS AUX CONGRESSISTES DE LA SOCIÉTÉ ITALIENNE D'ANATOMIE

(15 novembre 1956) 1






Recevant, le 15 novembre, les membres de la société italienne d'ana-tomie, réunie en congrès avec des délégués de l'étranger, le Pape leur a adressé ce discours en français :

Nous saluons avec plaisir, Messieurs, les continuateurs d'une glorieuse tradition scientifique et les adeptes fervents d'une des branches les plus nobles et les plus précieuses du savoir humain, celle de l'anatomie. Nous Nous réjouissons de vous accueillir à l'occasion du XVIIe congrès national de la société italienne d'anatomie, qui vous a rassemblés à Rome pour mettre en commun les résultats de vos recherches les plus récentes. L'anatomie humaine normale a toujours été et reste encore la base indispensable des connaissances biologiques et médicales, qui ont l'homme pour objet ; toutes les disciplines qui, sous tel ou tel aspect particulier, essaient d'approfondir la connaissance de la personne humaine, de l'expliquer dans ses états normaux ou pathologiques, doivent s'y référer et tenir compte de ses conclusions. C'est pourquoi le présent congrès qui aborde des problèmes concernant les structures macroscopiques et microscopiques du corps humain, l'histologie, l'embryologie, ainsi que l'histophysique et l'histochimie, ne manquera pas de susciter un vif intérêt dans les milieux médicaux, non moins que chez tous ceux qui, de près ou de loin, suivent les progrès des sciences de l'homme.

Le Saint-Père rappelle que l'étude de l'anatomie humaine a toujours eu une importance considérable et que les progrès de la science moderne lui ont ouvert un domaine nouveau : l'infrastructure des cellules.

Si l'anatomie s'est maintenue pendant longtemps sur le plan de la morphologie macroscopique et de la structure des organes, elle s'est engagée depuis le siècle dernier dans l'étude toujours plus minutieuse des tissus et de leur constituant élémentaire, la cellule, et cela non seulement d'un point de vue statique et purement descriptif, mais aussi sous l'aspect génétique et fonctionnel qui, replaçant les phénomènes observés dans l'ensemble de leurs causes et de leurs finalités, s'efforce d'en saisir la signification d'une manière beaucoup plus complète. Les progrès continus de la physique, de la chimie et ceux de la technique offrent à l'histologie des possibilités toujours plus larges dans l'examen analytique de la substance vivante. Même en se limitant aux grandeurs d'ordre microscopique, il reste encore beaucoup à faire en morphologie comparée et systématique ; il faut entre autres récolter le plus grand nombre possible d'observations susceptibles de montrer exactement quelles sont les parties similaires d'un seul ou de plusieurs organismes. Mais on est passé maintenant à l'ordre de grandeur ultramicroscopique, et l'on est en mesure de saisir directement certains détails morphologiques de l'infrastructure des éléments qui constituent la cellule. On utilise en outre la recherche indirecte, par exemple l'étude des variations du pouvoir d'absorption des ondes lumineuses ultraviolettes ou la sensibilité à certains ferments.



L'histophysiologie a devant elle un horizon presque illimité.

L'histophysiologie voit maintenant s'ouvrir devant elle un horizon presque illimité. Les résultats expérimentaux obtenus par la culture des tissus « in vitro » ont déjà fourni de nombreux renseignements sur les propriétés fondamentales des cellules, sur les exigences que pose leur croissance, sur les possibilités ouvertes ou latentes qu'elles recèlent. On entreprend aussi des recherches sur les manifestations électriques concomitantes ou liées à des activités fonctionnelles particulières des tissus. La culture « in vitro » permet de même d'étudier les phénomènes fondamentaux du métabolisme cellulaire et la réactivité des cellules à divers agents physiques et chimiques.


L'histochimie, elle aussi, connaît un essor plein de promesses.


Avec l'histophysiologie, l'histochimie connaît actuellement une efflorescence pleine de promesses. Tandis qu'autrefois on se limitait à identifier un petit nombre de substances au moyen de réactions chimiques connues, on utilise à présent des méthodes microanalytiques beaucoup plus précises, qui permettent non seulement l'analyse qualitative de certains composés chimiques, mais aussi l'analyse quantitative et topographique. On peut même dans certains cas éclairer le dynamisme des processus chimiques, qui intéressent toutes les activités fondamentales de la substance vivante, comme le métabolisme matériel et énergétique, la différentiation morphologique, la croissance, l'excitabilité. Les procédés de coloration histologique eux-mêmes bénéficient d'une révision critique, qui substitue aux recettes empiriques des critères scientifiques et rationnels.



L'histophysique entretient des rapports étroits avec presque toutes les disciplines biologiques.

L'histophysique, pour sa part, a la tâche de rechercher selon quelles lois physiques et physico-chimiques se produit l'association des composants chimiques de la substance vivante en agrégats ultramicroscopiques et microscopiques. On peut aujourd'hui analyser de manière très détaillée les manifestations physiques associées aux activités biologiques et en donner une mesure quantitative très précise. L'histophysique entretient d'ailleurs des rapports étroits avec presque toutes les autres disciplines biologiques ; elle conduit à une meilleure compréhension de l'anatomie macroscopique et microscopique ; elle est une partie intégrante de la recherche physiologique, ouvre la voie à l'étude de la pathologie générale et de l'anatomie pathologique ; enfin en médecine, elle fournit l'ensemble des notions qui sont nécessaires à la formation du pathologiste et du clinicien.
Toutefois l'étude des tissus se heurte encore à de sérieuses difficultés


Le progrès de ces différentes branches de l'histologie n'est possible que grâce à l'amélioration incessante des techniques de travail. L'étude des tissus vivants, qui constitue l'idéal de l'histologie, se heurte malheureusement à de sérieuses difficultés : en effet, l'objet en question ne peut avoir qu'une épaisseur minime, et la substance vivante transparente est constituée d'éléments, dont les indices de réfraction ne présentent que de très faibles différences. Des dispositifs optiques récents, tels le microscope à contraste de phase, ou l'usage des rayons ultraviolets et infrarouges associé à la photographie, permettent toutefois d'observer des détails très fins. Parmi les techniques qu'utilise la recherche moderne, signalons encore l'observation en champ obscur, l'emploi du microscope à fluorescence, du microscope polarisateur, l'histospectographie d'absorption et celle qui utilise les rayons Roentgen, la microscopie électronique, dont la pratique pose d'ailleurs une série de problèmes ardus quant à la préparation des tissus à examiner.

Si l'anatomie et l'histologie s'efforcent d'observer et d'étudier des structures plus ténues, de donner des mesures quantitatives plus précises, de localiser et de décrire les constituants premiers de la matière vivante, elles n'omettent pas de considérer les phénomènes dynamiques, qu'il s'agisse des processus station-naires et réversibles considérés par l'histophysiologie normale, ou de modifications structurelles et fonctionnelles, souvent irréversibles, comme celles de l'histogenèse, de l'accroissement des tissus, de leur renouvellement, de leur vieillissement. Et on ne se contente pas de considérer ces divers aspects dans le développement normal des organismes, mais l'on crée expérimentalement, par la culture « in vitro », des changements du milieu de vie, qui mettent en évidence les possibilités insoupçonnées de la substance vivante.



mystère des activités vitales demeure toujours inexpliqué.

En regardant progresser cette science à la fois si ancienne et si moderne, une question se pose tout naturellement : quel en sera le point d'aboutissement ? Le mystère des activités vitales, dont vous étudiez le substrat matériel, se révélera-t-il un jour aux yeux des savants, à qui de longues analyses auraient enfin permis d'expliquer entièrement la structure et les fonctions de la cellule et celles des tissus qui composent les différents organismes ? Ne faut-il pas plutôt, pour en percevoir la raison, remonter des éléments premiers inertes, des édifices moléculaires complexes, qui composent la cellule, vers le groupement de celles-ci en tissus, et considérer ceux-ci à leur tour comme constituants des organes, et les organes eux-mêmes comme parties de l'être vivant, dont l'activité propre donne leur sens aux structures dont il est formé ? C'est ainsi que l'archéologue ou l'artiste, devant un monument ancien, en cherchent la signification en étudiant non pas des pierres séparées, mais plutôt l'ordre de leur agencement, qui trahit les intentions du constructeur. C'est la pensée première de celui-ci qui commande le choix et la disposition des matériaux et non l'inverse, bien que ceux-ci puissent à leur tour expliquer certaines dispositions secondaires. Pour expliquer la vie, il est nécessaire de la chercher à la source, là où elle se trouve en plénitude et d'en expliquer les formes inférieures à partir de la forme supérieure ; en d'autres termes, si le monde sensible manifeste les deux caractères inséparables de la matérialité et de la spiritualité, il serait vain d'expliquer l'esprit par la matière, de l'en faire sortir en quelque sorte. C'est l'intelligence humaine, qui construit la science des êtres matériels, qui rend raison de leur structure, qui agit sur eux pour les faire servir à ses fins. Et cette intelligence possède la vie à un degré supérieur, qui n'a avec celle des êtres sans raison qu'un rapport d'analogie.



Le Saint-Père termine en disant que c'est par Dieu seul qu'il faut expliquer tout ce qui existe.

Toutefois, l'esprit de l'homme n'est pas à lui-même sa propre mesure : il dépend à chaque instant, dans son existence et dans sa double activité spéculative et pratique, d'un être transcendant, qui lui impose ses responsabilités et lui fixe sa vocation. La plénitude de la vie ne se trouve qu'en Dieu, et c'est par lui seul qu'il faut expliquer tout ce qui existe, l'homme d'abord, mais aussi toutes les formes inférieures des vivants.

Nous avons vu que les enquêtes les plus détaillées de l'histologie devaient unir le point de vue dynamique à la considération des formes statiques. C'est là le premier pas de cette marche ascendante, à laquelle aucun savant digne de ce nom ne peut se dérober. Replacer chacune des branches de votre science dans l'ensemble, dont elle fait partie, prolonger l'étude du corps de l'homme par celle de son âme, et voir celle-ci dans le plan général du Créateur lui-même : voilà la tâche d'une science vraiment humaine et bâtie, non point comme un tout se suffisant à lui-même, mais afin de servir les fins les plus hautes auxquelles l'homme est destiné. L'une des tentations les plus redoutables de l'effort scientifique contemporain est sans doute celle d'ériger une citadelle orgueilleuse, une moderne tour de Babel, comme un défi de l'intelligence humaine à la souveraineté du Créateur. Mais vous, Messieurs, qui avez le privilège de consacrer vos travaux à l'étude de l'organisme humain, il vous appartient plus qu'à d'autres de rester en contact profond avec la source même de la vie, avec ce Dieu qui se révèle au coeur de ses enfants, bien plus encore que dans l'image imparfaite de la création visible. Puisse sa lumière éclairer sans cesse vos esprits et guider vos pas, pour que les patientes et difficiles recherches, auxquelles vous vous livrez, loin de vous éloigner de Lui, vous y ramènent sans cesse et vous fassent trouver les biens qui ne passent pas.

En gage de ces précieuses faveurs, Nous vous accordons bien volontiers pour vous-mêmes, vos familles et vos collaborateurs Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS

A UN IMPORTANT PÈLERINAGE OUVRIER DE TERNI

(18 novembre 1956) 1






Le dimanche 18 novembre, le Saint-Père a accordé une grande audience, dans la basilique vaticane, à un important pèlerinage d'environ yooo personnes, pour la plupart ouvriers du grand centre industriel de Terni. Il leur a adressé un discours en italien, dont nous donnons la traduction ci-dessous :

Notre Maison, toujours accueillante dans l'effusion de Notre âme à tous ceux qui viennent Nous rendre visite, vous ouvre aujourd'hui en grand ses portes, chers ouvriers de la ville et de la région de Terni. Vous venez de cette Ombrie poétique et sainte, glorieuse et belle, remarquable par une histoire et une floraison d'art et de civilisation telles qu'elle apparaît comme l'une des terres privilégiées de l'Italie. Objet d'admiration de la part de quiconque arrive de régions même lointaines, elle témoigne des vertus d'un peuple qui a contribué, avec une efficacité extraordinaire, à la naissance et à la diffusion de la civilisation humaine.



Après avoir évoqué la prospérité passée de la région de Terni, le Saint-Père rappelle les destructions de la guerre, puis l'admirable reconstruction et les difficultés économiques actuelles.

Vous venez, en particulier, d'un centre industriel qui s'est révélé de première importance le jour où les eaux du Velino,

qui se précipitent en écumant dans la Nera, ont été maîtrisées par une sage technique ; enfermée dans des conduites forcées, la force des eaux, transformée en énergie électrique, a été rendue capable d'actionner de grandioses centrales. De ce fait, la zone de Terni et Narni réunit 68% des travailleurs de l'industrie, 98% de la puissance des moteurs et environ 50%) des habitants, sur une superficie inférieure à 20% de la surface de la province. Il y a donc là une véritable concentration des industries, qui, grâce à une expansion progressive des économies d'échange de préférence à celles de consommation, a attiré la population des petits centres ; aussi l'état de la zone de Terni conditionne-t-il pratiquement la situation générale de toute la province.

Mais vous savez, chers fils, ce qui s'est passé ces dernières années. La guerre déclarée, votre zone, en raison même de son importance particulière, fournit une cible à l'offensive ennemie. La ville de Terni subit, à elle seule, cent onze bombardements, qui en la détruisant aux deux tiers, contraignirent la population à s'enfuir et à chercher refuge dans des baraques provisoires ; une grande partie des installations industrielles devint inutilisable. Puis vint la reconstruction, menée à terme, en vérité, avec une louable diligence, mais face à la forte concurrence entre marchés italiens et étrangers, les responsables de la plus importante de vos usines, contraints de réduire leurs prix de production, n'y trouvèrent d'autre rispote que la modernisation des installations et la diminution de la main-d'oeuvre.

Nous Nous rappelons fort bien — parce que Nous y avons pensé personnellement — la grave crise qui atteignit plusieurs milliers d'ouvriers demeurés sans travail et, par conséquent, sans pain. Le développement de la Polymer-Montecatini remédia, mais seulement en partie, à une pénible situation, tandis que les récoltes agricoles compensaient, dans le cadre de la province, la diminution des revenus due à l'augmentation du chômage. Cette année, les récoltes elles-mêmes ont été en partie endommagées et de nombreuses familles ne trouvent le minimum vital que dans la charité fraternelle.

Seul le Seigneur sait Notre tristesse ; Nous voudrions pouvoir accourir partout où il y a une larme à essuyer, partout où il y a un besoin à secourir. Nous voudrions être partout avec tous, pour rendre à tous la sérénité et la paix.





Le premier mot du Saint-Père est un souhait paternel pour la prospérité spirituelle et matérielle de Terni.

Notre premier mot est un fervent souhait paternel. Nous prions le Seigneur que les conditions de votre région s'améliorent rapidement et soient, dans le plus bref délai, ramenées à un état normal.

Il n'est pas de Notre rôle de suggérer des solutions techniques à un problème qui apparaît complexe et compliqué. Mais en étudiant attentivement l'état actuel de votre zone industrielle, Nous Nous sommes rendu compte que des palliatifs passagers ne seraient pas suffisants et qu'il est nécessaire d'affronter, de façon rationnelle et organique, les questions qui entretiennent votre anxiété. Nous savons que, dans ce but et pour aménager l'interdépendance entre l'économie provinciale et le fonctionnement de votre principal ensemble industriel, l'un de vos députés a déposé un projet de loi sur les « dispositions à envisager pour la zone industrielle de Terni ». Si celles-ci pouvaient être entérinées, elles serviraient — semble-t-il — de jalons pour attirer d'autres chefs d'entreprise et d'autres moyens économiques dans votre zone.

Votre pasteur, qui en suit les déroulements avec tant d'anxiété et de sollicitude paternelles, a demandé que Nous appelions la bénédiction de Dieu sur ce projet de loi. Nous le faisons de tout coeur. En même temps, Nous rappelons à qui de droit que, si les problèmes économiques doivent être affrontés et résolus selon les lois de la production, de la division, de la circulation et de la consommation des biens dans leurs rapports avec l'ordre social, il est également certain que ces mêmes lois peuvent être rédigées et appliquées avec une intelligence humaine et avec un coeur chrétien. Il ne faut pas oublier qu'à introduire les principes de morale dans la conjoncture économique, on ne fait point de tort à l'économie, mais on contribue efficacement à la juste solution des problèmes qu'elle pose. En même temps, il est universellement admis que le droit à la vie est un principe sacré et inviolable ; c'est pourquoi tous, Etat, entreprise privée, syndicats, doivent unir leurs efforts et coopérer efficacement pour assainir cet état de malaise social. Et cela d'autant plus qu'à Terni et dans la région, des gens profitent des malheurs du peuple pour semer en lui la discorde et la haine. Nous n'avons pas seulement le souci de vos justes intérêts . matériels, mais ausi et principalement celui de vos âmes.

Le second est une mise en garde contre le marxisme athée.

Notre second mot est donc un clair avertissement.

Nous avons souvent observé que l'ennemi du genre humain est le même sous différents aspects. Aujourd'hui, il se présente avec un visage et un nom bien connus. Il a ouvert un vaste front, et il combat sans regarder aux moyens ni épargner les coups ; la région de Terni est parmi celles qui ont subi le plus son attaque. Soit en raison de l'habileté avec laquelle il masque sa tactique et calcule sa stratégie, soit en raison de la peur qu'il a su inculquer et des espérances qu'il a suscitées, le marxisme athée en pénétrant parmi vous, s'est solidement retranché sur ses positions. Notre coeur est inquiet et les larmes Nous viennent aux yeux, chaque fois que Nous Nous interrogeons sur les motifs d'un tel acquiescement et d'une telle obstination chez une notable partie des masses ouvrières si bonnes cependant ? Se peut-il que sur ce point rien ne puisse leur ouvrir les yeux, ni toucher leur coeur ? Pourquoi voudraient-elles demeurer avec les ennemis de Dieu, en renforcer les rangs et aggraver ainsi le chaos du monde moderne ? Des individus et des peuples se sont laissé égarer par leurs promesses d'une meilleure distribution des biens, par leurs folles propagandes de liberté, de protection de la famille ; n'assurent-ils pas insidieusement le pouvoir au peuple, les usines aux ouvriers et la terre aux paysans ? Or, après avoir semé la haine, provoqué la subversion, fomenté les discordes, à peine arrivent-ils au pouvoir, ils appauvrissent le peuple et font régner la terreur. Les événements survenus ces jours-ci chez le peuple magyar martyrisé démontre, avec une sanglante évidence, à quelle malice peuvent arriver les ennemis de Dieu.



Le troisième exprime sa confiance que le progrès ne tuera pas le travail.

Notre troisième mot est l'expression d'une espérance confiante.

Il n'en sera pas toujours ainsi, chers fils, il ne pourra en être toujours ainsi. Certains regardent les découvertes de la science avec une anxiété mal dissimulée, dans leur crainte que le progrès technique, en substituant les machines aux hommes et en raison du chômage qui en découlera, ne provoque de graves déséquilibres sociaux. C'est considérer uniquement ce qui ne se produit, d'habitude, qu'aux débuts de certaines modernisations et de certaines transformations. Les bénéfices qui naissent de nouvelles sources de travail et, plus tard de leur mise en train, apparaîtront par la suite. En effet, les progrès de la physique dans toutes les nations appellent sans cesse le besoin d'une armée de travailleurs de tout genre, depuis l'ouvrier qualifié jusqu'à l'ingénieur et au physicien nucléaire, pour construire des réacteurs, des piles nucléaires, des machines accélératrices ; entre temps leurs applications à l'industrie, à l'agriculture, à la défense se multiplient. La technique, unie à la science, transformera encore davantage les voies de communication et en multipliera les moyens. Regardez ce qui s'est passé dans le secteur des transports, où le vol quotidien de dizaines de milliers d'avions occupe d'innombrables spécialistes et ouvriers dans différents secteurs. Le développement de l'électronique a fait surgir un grand nombre d'installations, d'industries, de laboratoires, de centres de recherches nouveaux. Que l'on songe également à la radio, à la télévision ; que l'on réfléchisse au progrès de la chimie organique, aux découvertes obtenues dans le secteur des résines synthétiques. Pensez seulement, car cela vous touche de près, que certains des produits textiles qui rencontrent le plus de faveur parmi les spécialistes de l'habillement, sont obtenus en transformant le carbure de calcium.

Le progrès ne tuera pas le travail : il y aura certaines transformations et certains modernisations à effectuer ; il faudra moins insister sur certaines industries de type fixe, ne pas se décourager devant les déséquilibres inévitables des débuts, ni s'abandonner à des pessimismes injustifiés. On va vers un avenir meilleur et cela parce qu'il est aisé de prévoir que le travail humain, libéré de la fatigue brutale des muscles, s'ennoblira sans cesse davantage.



Le Saint-Père termine en disant que la prospérité de Terni ne peut être durable que si elle s'accompagne d'un retour aux enseignements du Christ.

Et maintenant, brièvement, un dernier mot.

Nous sommes persuadé que les hommes s'échineront dans le vide s'ils s'obstinent à élever les structures du monde hors de Dieu. Lui seul peut édifier la maison que les hommes désirent. Si ce n'est pas Lui qui construit, les hommes travaillent en vain (Ps 126,1). Si la maison est bâtie sur le sable elle est condamnée, à bref délai, à s'écrouler et à tomber en ruines (Mt 7,26-27). Il est temps, chers fils, que les hommes en prennent conscience. C'est l'heure pour tous de retourner à Jésus. Retourner à Jésus signifie connaître sa doctrine, la pénétrer, s'en pénétrer ; retourner à Jésus signifie garder sans cesse dans l'âme sa vie divine ; retourner à Jésus signifie s'inspirer de Lui dans toute activité théorique et pratique. A Terni, il y a malheureusement beaucoup de mal, mais aussi tant de bien. Sous la direction de votre pasteur, vous avez beaucoup travaillé : la douleur dans le coeur, les larmes dans les yeux, tous les hommes de bien ont cherché à sauver ce qui pouvait l'être. De nombreuses églises ont été reconstruites, d'autres rénovées, restaurées ; l'école paroissiale de catéchisme et l'Action catholique sont devenues le lourd, mais le cher souci des prêtres ; Jésus a pu entrer de nouveau dans le monde du travail, grâce aussi au zèle des aumôniers et des infatigables assistantes sociales ; la fréquentation des sacrements s'accroît ; de jeunes âmes vraiment héroïques s'offrent à Jésus. Il faut continuer, chers fils. Il faut ne jamais se lasser ; il faut être saintement remuants, tant qu'il y a à côté de vous des âmes qui languissent ou se perdent misérablement. Il faut faire de Terni et de sa zone un domaine de Jésus, où II puisse régner sur les individus, sur les familles, dans les usines et dans les institutions.

Et, maintenant, que descende sur vous tous, chers fils et filles, ici présents, Notre large, paternelle et affectueuse Bénédiction. Qu'elle descende sur votre évêque zélé, qui Nous est et vous est si cher, sur les prêtres, ses collaborateurs dans l'oeuvre souvent difficile d'un retour des pensées et des coeurs au Christ ; sur l'Action catholique et sur les autres associations qui consacrent généreusement leurs forces à cette sainte cause. Qu'elle descende sur le diocèse, sur le peuple, spécialement sur les chers travailleurs, et aussi sur ceux qui n'ont pas pu ou pas voulu se joindre à vous en ce filial pèlerinage. Que Dieu vous bénisse et vous protège. Dieu ! Dieu ! Dieu !






ALLOCUTION AUX SECRÉTARIATS DE « LA CAMPAGNE EUROPÉENNE DE LA JEUNESSE»

(19 novembre 1956) 1






Lundi, 19 novembre, le Pape a reçu, dans la salle du Consistoire, le secrétariat international et les secrétariats nationaux de la « Campagne européenne de la Jeunesse ». Il leur a adressé l'allocution suivante, en français :

Au moment où de violentes secousses ébranlent plusieurs nations et mettent même en péril la paix du monde, vous vous êtes réunis à Rome, Messieurs, sous le signe de la « Campagne européenne de la Jeunesse », pour discuter de la « situation politique actuelle de l'Europe » et élaborer votre programme de travail pour l'année prochaine. Votre présence ici Nous réjouit vivement et Nous procure, après les amertumes de ces dernières semaines, un réconfort apprécié. Soyez donc les bienvenus et sachez que Nous comptons sur votre bonne volonté et vos efforts pour renverser les obstacles que l'égoïsme, l'indifférence ou l'hostilité dressent encore entre les pays européens. Nous espérons aussi que votre « Commission internationale pour les pays sous-évolués » atteindra son objectif, et réussira à former une équipe spécialisée capable d'aborder avec compétence ce problème, dont l'urgence se fait sentir chaque jour davantage.

Les jeunes, qui se préparent aujourd'hui à entrer dans la vie sociale ou commencent à y exercer des responsabilités, se sentent parfois écrasés par l'ampleur et la difficulté de la tâche qui les attend. L'opposition âpre des idéologies, le groupement des peuples en blocs ennemis, la menace de conflits sanglants, n'est-ce pas assez pour réprimer tout élan généreux, condamner


CAMPAGNE DE LA JEUNESSE»



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la confiance en soi, le désir de réaliser une oeuvre utile et sérieuse ? Comment, dans ces conditions, élaborer des projets d'avenir ? Comment surtout se mettre au travail avec résolution et ferveur ? Par ailleurs, des conquêtes techniques récentes, comme l'extension de l'automation et l'exploitation de l'énergie atomique, ouvrent maintenant des perspectives presque illimitées : on entrevoit l'amélioration rapide des conditions de vie de beaucoup d'hommes, la multiplication des rapports internationaux, économiques et culturels, l'instauration d'une collaboration nécessaire et féconde entre des régions plus étroitement dépendantes les unes des autres. Jamais, semble-t-il, l'appel aux forces vives de la jeunesse ne s'est fait entendre avec tant d'insistance, et n'a permis d'espérer des résultats plus étonnants.

Moins asservis aux préjugés que les cloisonnements du passé avaient longtemps nourris, les jeunes désirent avec intensité préparer pour demain une Europe plus unie et plus fraternelle. Il leur appartient donc de tirer dans la loyauté et la lucidité les conclusions des événements qu'ils vivent aujourd'hui, et de rerejeter sans hésiter les philosophies destructrices de l'homme. Il importe à présent de bâtir sur un sol ferme, avec une volonté résolue à chercher et à faire partout le bien, à défendre la liberté spirituelle, qui n'est pas anarchie de la pensée et de l'action, révolte contre l'autorité, négation de l'esprit et de Dieu même, mais comporte la soumission aux lois réelles de la croissance et du progrès et la recherche humble et persévérante des valeurs authentiques, capables d'orienter et de sauvegarder l'épanouissement plénier de l'individu dans la société nationale et internationale. Qu'ils sachent en somme discerner dans l'idéal chrétien de la vie l'aboutissement des désirs les plus profonds de l'âme humaine, et la manifestation la plus claire de ce qui est pour l'humanité la seule voie de salut !

Vraiment, malgré les obscurités qui pèsent sur l'avenir et les motifs nombreux d'hésitation et de défiance, une route magnifique s'ouvre encore devant la jeunesse avide de construire un monde meilleur. Aussi Nous ne doutons pas, chers fils, que votre rencontre ne mette en lumière des motifs nouveaux d'optimisme et ne stimule une action éclairée, utile à la paix du monde et au rapprochement des peuples européens.

En gage des faveurs divines que Nous appelons instamment sur vous et sur tous ceux qui vous sont chers, Nous vous accordons de grand coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU DEUXIÈME CONGRÈS DE MONTAGNARDS ITALIENS

(23 novembre 1956) 1




Le 23 novembre le Saint-Père a reçu en audience les membres du IIe Congrès national de l'Union des Communes et des Associations de Montagne d'Italie, réunis à Rome. Il leur a adressé le discours suivant que nous traduisons de l'italien :

Nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir, chers fils, réunis en ce IIe Congés de 1'« Unione Nazionale Co-muni ed Enti montani ». Quand Nous avons appris qu'un groupe de parlementaires et d'administrateurs publics, conformant leur action au message chrétien de justice et d'amour, avaient résolu de créer votre Union, Notre coeur en fut réjoui, car il n'en pouvait résulter qu'une contribution efficace à la solution du problème montagnard.

Nous ne vous cachons pas, chers fils, Notre anxiété pour les populations qui vivent perdues au fond des vallées, sur les flancs ou même sur les cimes des montagnes ; sans doute, de saines vertus existent dans ces villages dispersés, mais Nous n'ignorons pas les nombreux dangers qui menacent de les déprimer et de les détruire. C'est pourquoi Nous vous avons reçus très volontiers et Nous vous exprimons toute Notre gratitude pour votre action passée et à venir.

Votre présence évoque à Notre regard la majesté des montagnes avec leurs pentes vertes, leurs glaciers immaculés, leurs cimes élancées et l'ineffable vision du ciel dont la lumière et l'azur contrastent avec la blancheur des sommets neigeux.

L'origine des montagnes se perd dans la nuit des temps, à des dizaines et dizaines de millions d'années. L'activité de la croûte terrestre a produit ces plissements, parce que le coeur du magma s'est soulevé et, sous l'effet de puissantes poussées, a fait céder les couches de la superficie. Ascenderunt montes, descenderunt valles (Ps 103,8). L'érosion des vents et des eaux a ensuite modelé, au cours des siècles, le visage des montagnes, les grandes forêts les ont revêtues et enfin l'oeuvre de l'homme les a conquises.



Le Saint-Père rappelle le rôle important des montagnes dans l'économie humaine.

Vivant dans les plaines, où les cultures, les constructions, les communications sont moins dangereuses et plus faciles, les hommes oublient souvent que leur prospérité est en grande partie liée aux montagnes. Celles-ci, en effet, concourent de façon décisive à la formation des précipitations atmosphériques ; en forçant les masses d'air à s'élever, elles leur font subir le refroidissement thermodynamique qui fait se condenser la vapeur d'eau. Entre temps, les glaciers, les bois et les champs de neige servent de bassins régulateurs pour une tranquille affluence des eaux dans la plaine ; l'oeuvre de l'homme, en construisant dans les gorges de puissantes digues, a endigué les eaux et recueilli des millions de mètres cubes d'eau qui procurent de l'énergie électrique aux maisons et aux industries.



. . . et aussi les rudes conditions de vie des populations montagnardes qui les incitent à abandonner leurs terres si ingrates.

Tout cela, cependant, n'atténue pas les peines de ceux qui vivent la dure existence de la montagne ; ils doivent lutter chaque jour pour les besoins de la vie ; leur revenu est sans cesse plus faible et plus insuffisant à cause du peu de variété des cultures, de la rareté des transports et, en conséquence, de l'impossibilité d'affronter avec succès la concurrence des autres producteurs. C'est ainsi que naît chez eux le désir de fuir, attirés qu'ils sont par la vie plus facile des centres urbains. De là, la nécessité de contenir une émigration qui ne tarderait pas à créer des problèmes pratiquement insolubles apparaît dans toute son urgence.

En effet, sans parler de la difficulté de trouver un métier et un logement aux millions d'hommes qui peuplent actuellement les zones de montagne, comment pourrait-on laisser la



montagne sans habitants et sans garde ? Comment pourrait-on en abandonner les bois et les pâturages ? Et qu'arriverait-il si l'on ne surveillait les digues naturelles des eaux ? La réponse n'est pas difficile si l'on pense aux dégâts incalculables que de récentes inondations ont causés à de fertiles contrées d'Italie, en semant la ruine et la mort.

Il faut donc réapprendre l'amour de la montagne, non seulement à cause de la poésie que Dieu a écrite dans la beauté de ses cimes, ou de la facilité d'y conserver la pureté de la foi et des moeurs, mais aussi en fonction de l'interdépendance indestructible qui existe entre la vie des citadins et celle des montagnards. Cette rééducation doit être d'ailleurs soutenue par l'effort de tous en vue de résoudre les problèmes qui concernent la montagne.



L'Etat est déjà intervenu en faveur de ces populations déshéritées. Il doit continuer à les aider.

En vérité, ces dix dernières années, l'Etat est intervenu très activement par ses travaux forestiers, agricoles et pastoraux dans les bassins de montagne ; il a organisé le service des reboisements, il a établi des chantiers de travail, il a multiplié les pépinières forestières et amélioré les pâturages montagnards. Un ministre de l'agriculture et des forêts a eu le mérite — couronné par le succès — de faire voter « une loi pour la montagne » dans le but de fixer les limites des territoires, d'y organiser les sociétés mutuelles, d'y distribuer les subventions et les contributions de l'Etat, de classer et d'élaborer des plans généraux de bonification des montagnes, d'instituer des coopératives.

Votre Union s'est déjà souciée d'assurer à cette loi une application sociale plus stricte grâce à une collaboration active entre les administrations communales et les populations montagnardes ; en outre, elle a exercé une influence efficace dans le domaine législatif en défendant les intérêts des communes à propos des redevances hydroélectriques et en favorisant la mise en oeuvre du décret présidentiel qui y institue les consortiums permanents appelés « Conseils de vallée ». Qu'on y ajoute une remarquable activité d'organisation, qui touche l'assistance technique aux communes comme les congrès provinciaux et régionaux ; ainsi, en même temps qu'un sérieux examen des problèmes pratiques, l'on a resserré la collaboration entre les communes et celle complémentaire, des provinces et des chambres de commerce.

Nous bénissons votre oeuvre aussi intelligente qu'assidue, qui vise à créer chez les populations de la montagne des conditions de vie plus humaines.



Le Saint-Père fait part de ses soucis sur la vie religieuse des montagnards et il rend hommage aux courageux curés qui souvent, dans une extrême pauvreté, se dévouent au service de leurs pauvres paroissiens.

Mais Nous portons un autre souci, chers fils.

Votre Union, du fait qu'elle est née de coeurs chrétiens, est ouverte aux problèmes des âmes. Vous êtes, vous aussi, convaincus que sur les pentes de vos montagnes, comme ailleurs, il serait vain de prendre soin des intérêts matériels, si ceux de l'esprit étaient négligés. C'est pourquoi l'Eglise n'a jamais fait de distinction entre les villes des plaines et les villages perdus dans les vallées ou accrochés aux montagnes. Même sur les sommets, partout où vivent des âmes, vit Jésus, dans un tabernacle, sur un autel, à l'intérieur d'une église. A côté de l'église, s'élève le clocher, à l'ombre duquel vit le ministre de Dieu ; c'est l'ange gardien resté pour veiller sur ceux que le monde semble avoir oubliés ; c'est l'unique flambeau qui demeure allumé, quand les foyers s'éteignent et que les hommes, éblouis par les lumières de la ville, poursuivent les feux follets des illusions. Et lorsque, déçus, ils reviennent des plaines, ils constatent que, seule, la cloche de leur église continue à rompre le silence et la solitude des vallées.

Nous savons que dans les « Conseils de vallée », on a recherché la présence du curé, son expérience éprouvée et son affection de père. Ce n'est là pas seulement une question de réelle justice, mais un vrai service rendu au peuple. C'est également un signe que les exigences des âmes non seulement ne gêneront pas, mais faciliteront la solution progressive des questions matérielles ; c'est un signe que dans les montagnes régnera une harmonie de plus en plus parfaite entre la terre et le ciel, entre le temps et l'éternité, entre les hommes et Dieu. Mais voici Notre crainte et Notre anxiété : le monde s'intéresse aujourd'hui, avec une attention particulière, aux problèmes des populations montagnardes et Nous sommes les premiers à Nous en réjouir



du fond du coeur ; toutefois, il faudra éviter que ne s'introduisent, sous les instruments du bien-être matériel, le désordre, la haine, l'indifférence religieuse, la désolation et la perte des âmes. Il faut donc s'opposer fermement à tout ce qui tenterait de défigurer le visage chrétien du tenace montagnard d'Italie dans les yeux duquel comme dans les eaux les plus claires, se reflètent la pureté et la force de la foi.

Avant de vous bénir, Nous voulons vous recommander Nos très chers prêtres, véritables sentinelles avancées de l'armée de Dieu dans les paroisses de montagne, souvent héroïques dans leur vie de gêne et d'isolement. L'Eglise pourvoira certainement — autant qu'il lui sera possible — aux nécessités de ses apôtres, mais vous aussi vous pouvez les aider ; et, pour ce que vous ferez afin de rendre moins dure leur pauvreté et moins triste leur solitude, Nous vous exprimons, dès à présent, Notre gratitude paternelle.


Pie XII 1956 - 1 RADIOMESSAGE SUR LES ANXIÉTÉS DU MONDE À L'HEURE PRÉSENTE