Pie XII 1956 - ALLOCUTION AU DEUXIÈME CONGRÈS DE MONTAGNARDS ITALIENS


ALLOCUTION A DES SPÉCIALISTES DE L'ORTHOCIDE

(27 novembre 1956) *






Mardi 27 novembre, le Pape a reçu les membres du IVe congrès international de l'orthocide, qui poursuivirent leurs travaux à Rome jusqu'au 1er décembre. Il leur a adressé le discours suivant en français :

Le Congrès qui vous réunit à Rome, Messieurs, et qui a pour objet l'échange des informations les plus récentes sur l'étude expérimentale d'un anticryptogame acuprique, l'Ortho-cide 50 ou Captan, s'inscrit dans la série des manifestations destinées à promouvoir l'amélioration de l'alimentation humaine et de la production agricole en particulier. Nous sommes heureux de vous recevoir en cette circonstance et vous disons toute Notre estime et Notre bienveillance.

Les époques de guerre, si déplorables par les ravages qu'elles provoquent, ont du moins l'avantage de stimuler certaines recherches scientifiques sous la pression de besoins urgents. Ce fut le cas précisément dans le domaine qui vous intéresse, celui de la protection des cultures contre les nombreux parasites qui menacent de les dévaster. Si la fameuse « bouillie bordelaise », inventée en 1879, rendit en cela d'inestimables services encore fort appréciés actuellement, on se trouva forcé dès la guerre de 1914, et plus encore pendant la période de 1940 à 1945, de trouver d'autres produits capables de remplacer le cuivre devenu rare et coûteux. Les développements de la chimie organique et la fabrication de produits de synthèse permirent ainsi de mettre à profit l'action fongicide de certains composés du zinc. Mais, non contents de ces acquisitions, les chercheurs vont encore de l'avant. En ce IVe congrès international de l'Orthocide, vous vous proposez de poursuivre plus en détail l'examen des résultats obtenus par l'usage de ce produit plus

récent, dont on a pu établir déjà l'action anticryptogamique, entre autres, contre la peronospora de la vigne et contre les ennemis des arbres fruitiers et des cultures horticoles.

Nous souhaitons vivement que vos travaux aboutissent à des conclusions favorables et permettent ainsi aux agriculteurs de défendre plus efficacement leur production, tout en réduisant le montant de leurs frais. En ce pays où la culture de la vigne occupe une place prépondérante, un progrès de ce genre aurait sans doute de très heureuses répercussions sur l'économie agricole. Mais les différentes nations, que vous représentez, n'ont pas un moindre intérêt à voir augmenter leurs ressources alimentaires grâce à une meilleure défense des cultures.

La lutte incessante soutenue par l'agriculteur contre les parasites, qui menacent de ruiner le fruit de son travail, l'ingéniosité et la ténacité qu'il doit déployer pour prévenir ou limiter leurs dégâts, n'est qu'un aspect particulièrement suggestif de l'effort commun de l'humanité pour produire les biens nécessaires à sa subsistance. Si des forces naturelles d'une puissance et d'une ordonnance merveilleuse sont prêtes à répondre à l'action intelligente du travailleur, il en est d'autres indifférentes ou hostiles, non que Dieu les ait faites telles, mais parce que dans l'oeuvre divine s'est introduit par la faute de l'homme un ferment de division et un principe de désordre. Et si le labeur quotidien porté avec courage devient pour l'être humain un instrument d'ennoblissement et de rédemption, il restaure aussi peu à peu dans le monde matériel la soumission à l'homme voulue par le Créateur. Entreprise de longue haleine, coupée de revers et d'échecs, en butte aux caprices et même à la mauvaise volonté de ceux qui devraient y collaborer sans réserve ! En y apportant une contribution positive, en vous faisant les auxiliaires des agriculteurs, aux prises souvent avec des conditions économiques difficiles, du fait que la société s'organise surtout en fonction de l'industrie, vous méritez leur gratitude et vous soutenez fort opportunément une activité humaine riche de contenu spirituel et des plus aptes à conserver et à accroître les valeurs morales qui font la force d'une nation.

Nous souhaitons que votre tâche devienne pour vous le moyen de rendre des services appréciés et vous procure ainsi de profondes satisfactions. Et pour que le Seigneur vous accorde son aide et répande ses faveurs sur vous-mêmes et sur ceux qui vous sont chers, Nous vous donnons bien volontiers Notre paternelle Bénédiction apostolique.


RADIOMESSAGE POUR LE DEUXIÈME CONGRÈS EUCHARISTIQUE DES PHILIPPINES

(2 décembre 1956) 1






Le Saint-Père a adressé, le 2 décembre, un radiomessage aux centaines de milliers de fidèles réunis à Manille, pour le IIe congrès eucharistique national des îles Philippines, sous la présidence du cardinal Spellman, légat pontifical. Voici la traduction du message :

Voici déjà deux ans, vénérables frères et chers fils des Philippines, que Nous avons pris part avec vous, grâce aux ondes, aux joies d'une réunion familiale dans votre chère île du Pacifique. Pendant ces mois où ont alterné les angoisses humaines, de laborieuses reconstructions et même d'héroïques résistances aux forces des ténèbres, si la communauté des peuples chrétiens a espéré et souffert sur chaque continent, le vôtre aussi s'est distingué parmi les vaillants militants de la paix chrétienne.



Le Saint-Père exprime sa grande joie de s'adresser aux Philippins et les félicite de leur solide attachement à la foi : condition indispensable pour le triomphe de l'Evangile.

1 D'après le texte anglais et espagnol des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 834, traduction française de VOsservatore Romano, du 14 décembre 1956.




Quelle consolation pour le coeur du vicaire du Christ, en un autre moment critique de l'histoire, de vous trouver réunis à nouveau, ce soir, autour de l'autel, « prosternés en adoration » devant l'Hostie exposée (Tantum ergo Sacramentum) ! Tandis que votre IIe congrès eucharistique national touche à sa fin, une fois de plus, vous avez transformé en quelque sorte votre

« Luneta », en un immense ostensoir vivant, et dans la baie de Manille retentit l'éternelle prière de notre Mère l'Eglise à son divin fondateur : « O Victime, qui nous as sauvés et qui nous as rouvert les portes du Ciel, la lutte est encore cruelle : sois notre force, accorde-nous Ton aide ! » (O Salutaris Hostia).

Certes, seul un instinct chrétien fortifié par les quatre siècles de votre fidélité et de votre lutte catholique dans l'Est, pouvait vous inciter, cette année, à apporter au Sacré-Coeur de Jésus, votre précieuse contribution à la prière de l'Eglise et à sa campagne « pour un monde meilleur ». Ces journées de prière et d'études sous la direction de Notre cher fils le cardinal légat, honorées de la présence de vos dirigeants civils et religieux, démontrent ouvertement que vous êtes les membres du Christ vivant et pas seulement les gardiens jaloux d'un souvenir ou d'une tradition chrétienne. A leur lumière, il appert que le monde meilleur, auquel aspirent les nations, sera nourri de la grâce sanctifiante ou n'existera jamais, que la lutte pour les valeurs divines et humaines ne triomphera dans les âmes que grâce à ceux qui sont fidèles à la cause et aux commandements de Dieu.

Mieux que des mots et des chants, vos actes disent votre foi en sa présence eucharistique. Elle est le lien sacramentel de votre unité philippine. Au sein de vos foyers, dans les coeurs de vos garçons et de vos filles, dans les institutions privées et publiques de votre pays, le Christ doit être le compagnon silencieux mais fervent de votre travail et de votre culte, comme vous l'avez si noblement démontré cette semaine par une triple consécration à son Sacré-Coeur. Il est l'Esprit permanent qui doit animer vos écoles, vos collèges et vos universités, votre dévouement pour les affligés, votre Action catholique et vos institutions de caractère social.

Qui donc pourrait croire que les résolutions de votre congrès soient une charge trop lourde et leur idéal un but trop élevé pour un peuple faible et isolé ? Vous ne serez jamais faibles tant qu'il vous soutiendra. Repoussez ce mythe trop séduisant de l'isolement, alors que les ressources infinies de Son corps et Son sang, de Son âme et de Sa divinité, vous appartiendront, si vous les demandez ! Ayez foi en Sa puissance eucharistique et faites qu'elle soit plus largement répandue parmi vous grâce au don généreux de vos fils au sacerdoce et à la vie religieuse. Revêtez-vous du Christ (Ep 6,11) et luttez ainsi, non seule-



ment pour Lui, mais par Lui, avec Lui et en Lui (canon de la messe) contre la sensualité et le matérialisme athée, dont les forces menacent tant aujourd'hui l'inestimable héritage de votre nation. Quel est celui de ses fils qui, possédant la flamme qu'il vint susciter, oserait rester neutre ou s'abandonner au leurre d'un nationalisme égoïste et étroit, alors que la conscience même de l'humanité est attaquée et violée ? L'ennemi de tout ce qui porte le nom de Dieu ne désarme pas ; mais lui non plus ! A l'heure inévitable de l'épreuve et de la tentation, que son saint sacrement, pieusement et fréquemment reçu, vous rende forts de la force du Seigneur, Dieu des armées !



Il voit un heureux présage pour l'avenir dans les vingt-deux nouveaux séminaires et l'ardent laïcat philippin.

Une telle confiance dans vos coeurs et dans vos foyers en la puissance invincible du Christ ne peut que confirmer votre foi en Ses promesses eucharistiques. Na-t-Il pas déjà récompensé votre fidélité durant ces dernières décades de ruine matérielle et spirituelle, où s'est affirmée une part de sainteté ? Au milieu d'une restauration si évidente de votre vitalité nationale dans les domaines politique, social et économique, ne devons-Nous pas voir un autre signe de la fidélité de Notre-Seigneur aux siens (Ps 116,2) dans vos vingt-deux nouveaux séminaires, qui se dressent, grâce au dévouement et aux sacrifices de votre épiscopat et de votre laïcat, au-dessus des dévastations d'une cruelle guerre ?

Enfin, près du port de votre capitale, Notre cardinal légat va bénir, demain, la première pierre d'un nouveau centre de prière et de travail, consacré au Sacré-Coeur de Jésus. Que le monde inquiet soit rassuré, que l'Eglise Mère des nations et des temps soit réconfortée par cette preuve publique de votre foi dans la présence et dans les promesses de votre Roi eucharistique !



Le Saint-Père, poursuivant en espagnol, invite les catholiques phili-pins à faire face aux difficultés de l'avenir en restant fermement attachés aux principes chrétiens : charité fraternelle, stabilité de la famille, prière, sacrement, fidélité a l'Eglise.

Et maintenant, deux mots encore, dans une langue qui vous est familière. Il Nous a semblé opportun de l'utiliser, en ce

solennel moment, non seulement pour ce qu'elle évoque dans votre glorieuse histoire, mais aussi pour ce qu'elle a signifié de providentiel dans l'évangélisation de votre peuple dont la vocation devait être de porter l'Evangile et la Croix, sur ces rivages extrêmes du monde, ouverts comme une promesse aux étendues incommensurables du Pacifique.

Oui, vénérables frères et chers fils, au milieu d'une humanité en pleine fermentation, dans une époque où les périodes historiques s'accumulent avec une telle rapidité qu'elles paraissent se bousculer, en des temps où partout et même chez vous, les peuples s'agitent, exigent et veulent faire entendre leur voix, il Nous semble que la nation philippine a cette mission à laquelle elle ne pourrait manquer. Elle ne lui sera fidèle que si, au préalable, elle consolide ses bases séculaires sur la roche de la Vérité pour y bâtir un grandiose temple au vrai Dieu, sous les voûtes duquel il y ait place pour les peuples qui vivent au milieu de cette mer vaste, généreuse et farouche.

Les bases solides de ce temple seront la charité mutuelle dont vous faites preuve dans la vie sociale, où l'effritement des distances entre les classes sociales sert à resserrer votre union, la stabilité que vous maintiendrez dans la famille et l'éducation chrétienne de vos générations futures, la fidélité à vos anciennes traditions, parmi lesquelles doivent être à l'honneur la récitation quotidienne du chapelet et la fréquentation des sacrements. Ainsi repousserez-vous l'emprise du matérialisme, de la sensualité et de l'indifférence. Les bases, ce sont encore le vrai sens chrétien universel, catholique et vrai, ces trois heureuses qualités de votre caractère national, le catholicisme vigoureux et l'esprit ouvert, le dynamisme entraînant, la large générosité du coeur et la compréhension de l'esprit qui, peut-être, caractérisent ces influences modernes dont vous faites l'expérience, et, enfin, l'amour sincère de l'Eglise et de son service, en encourageant spécialement les vocations ecclésiastiques et religieuses, dont la nécessité est criante. En agissant ainsi, vous resterez dignes de vos traditions, mais vous serez aussi les authentiques artisans de ce monde meilleur que votre congrès vous a appris à construire à l'école du Sacré-Coeur, source de tout bien, origine de toute grâce, principe de tout progrès, base de toute solide construction, consolation de toutes les âmes, aliment de vie, lumière du monde et centre irrésistible de tous les coeurs.

Que votre consécration à Lui ne soit pas une formule vide,



mais une réalité féconde ! Puissiez-vous bientôt la répéter dans le magnifique sanctuaire que votre piété filiale veut lui dédier ! Et qu'il vous fasse, en cette nouvelle phase de votre histoire, aussi grands, aussi parfaits, aussi heureux et, surtout, aussi bons chrétiens que le souhaite votre père, le Pape, qui vous aime tant.

La Bénédiction apostolique que Nous vous accordons de tout coeur entend être un gage de toutes ces grâces et une preuve de l'affection toute spéciale que Nous vous portons.


RADIOMESSAGE AUX CATHOLIQUES ARGENTINS A L'OCCASION DE L'INTRONISATION DE « NOTRE-DAME DES ÉMIGRANTS »

(2 décembre 1956) 1






Le 2 décembre, le Pape a conclu, par un radiomessage, les solennelles cérémonies célébrées pour l'intronisation de la statue de Notre-Dame au sanctuaire national de l'Emigrant, à Buenos-Aires2. En voici la traduction :

Avec le faste et la grandeur dont vous êtes capables, chers fils argentins, mais aussi avec cette dévotion et cette ferveur que Nous connaissons bien, vous vous disposez à recevoir votre Mère bien-aimée, la Vierge Marie, dont le seul nom a toujours suffi à susciter le meilleur de vos enthousiasmes et de vos efforts ; vous vous préparez à l'accueillir sous un nouveau titre de « Notre-Dame des Emigrants », comme un don du ciel à vos âmes assoiffées de paix, de piété et d'affection maternelle, comme une nouvelle occasion de mettre en acte votre esprit religieux, votre charité et les vertus chrétiennes qui vous honorent.



Le Saint-Père félicite les catholiques argentins pour leur profonde dévotion mariale.

1 D'après le texte espagnol de Discorsi e radiomessaggi, 18, traduction française de VOsservatore Romano, du 14 décembre 1956.

2 Cette effigie avait été couronnée à Rome du diadème béni par le Souverain Pontife et avait été transportée ensuite en Argentine.




Mais la nation argentine n'avait-elle pas déjà suffisamment célébré sa sainte Mère, tout au long de son histoire, du sanc-


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tuaire de Lujàn, si proche de Buenos-Aires, jusqu'à la Vierge de Milagro-de-Salta ou Notre-Dame de la Consolation de San-tiago-del-EsterO ? Qui pourra compter les églises, les chapelles ou les ermitages, que vous avez dédiés sur votre sol à la Vierge du Rosaire — sans compter le fameux sanctuaire de Cordoba à Notre-Dame du Carmel, et celui de Cuyo à Notre-Dame de la Merci, honorée par votre capitale même ? Qui ne connaît votre fervente dévotion pour Notre-Dame de la Vallée de Catamarca ou pour ces nombreux titres d'invocation, si nombreux qu'il est difficile d'en faire un choix ?



L'Argentine semble être le pays idéal pour les émigrants.

C'est que votre pays, la généreuse République argentine, par un dessein particulier de la Providence symbolisé peut-être par la grande porte du Rio de la Plata — une entrée qu'aucun palais ne pourrait souhaiter plus belle — semble la terre idéale d'accueil pour tous ceux qui, du monde entier accourent y fonder un nouveau foyer dont les moyens leur sont refusés sous des cieux plus ingrats. Elles semblent le confirmer, ces immenses étendues qui se développent, avec des horizons illimités, de Salta et de Tucuman jusqu'à la froide Terre de Feu, ces riches terres qui s'échelonnent des riants rivages de l'Atlantique jusqu'aux rudes cimes des Andes dont les hauteurs se cachent dans les nuages, ces plaines fertiles que fécondent, inlassablement, les eaux du Paranà, du Paraguay, du Rio Negro, du Chubut et du Deseado. C'est ce que répètent, dirait-on, en des échos solennels et lointains, les profondeurs insondables de la Pampa, les forêts et les prairies touffues du Chaco et même les plateaux glacés de la Patagonie aux secrets cachés. Côtes, lacs et fleuves, mers poissonneuses, étendues incommensurables de blondes moissons qui ondulent paisiblement en de sourds bruissements, étendues dont l'ampleur ne met aucune limite au regard, comme tout cela parle d'une abondance providentielle, de possibilités incalculables accordées par le Créateur ! Et comme tout cela voudrait exprimer une vocation en quelque sorte maternelle pour un peuple dilatant son coeur afin de faire place pour tous !

Mais il convient de noter, tout de suite, que la nation argentine manifestant, une fois de plus, cet esprit profondément catholique qui connaît la valeur fondamentale de la charité, reine des vertus, a toujours répondu à son appel ; récompense anticipée, sa générosité a enrichi son patrimoine dans tous les domaines de sa vie nationale.

Aujourd'hui, chez vous, se développe un mouvement d'émigration que, pour mille raisons, Nous n'avons pas à examiner en ce moment — bien que Nous n'oublions certes pas les tribulations de Nos fils, contraints d'abandonner leur patrie pour demeurer fidèles à leur foi — aujourd'hui donc, ce courant d'émigration, plus intense grâce à l'heureuse initiative de la « Commission catholique argentine d'immigration », qui vient de tenir brillamment son second congrès national, repose entre les très douces mains de la plus affectueuse des mères, « Notre-Dame des Emigrants ». Elle veille sur tous ses fils et elle leur obtient pour tous, par sa puissante intercession, ces grâces dont ils ont tant besoin dans une démarche si ardue.



Le Saint-Père termine par une longue et fervente prière à Notre-Dame des Emigrants.

O Notre-Dame des Emigrants, Reine et Mère du peuple argentin, vous bénirez ce sol qui vous est si cher ; vous le rendrez spécialement fécond ; vous développerez, si c'est nécessaire, ses possibilités déjà immenses, afin qu'il y en ait pour tous ; vous lui donnerez cette paix nécessaire qu'ils viennent chercher de lieux si lointains ; vous les accueillerez tous, vos anciens et nouveaux fils, sous votre protection maternelle ; vous veillerez toujours sur cette terre pour la préserver des embûches de l'ennemi, jaloux de la pureté et de l'intégrité de cette foi qui, dans une si grande variété d'origines et de races, se révèle l'un des fondements de l'unité de ses esprits !

O Notre-Dame des Emigrants, protectrice et mère spéciale des emigrants, vous protégerez vos fils ; vous leur procurerez les moyens nécessaires pour organiser leur vie, avec au moins le minimum suffisant ; vous écarterez de leurs coeurs les brumes grises de la tristesse, conséquence de la douleur, peut-être pas encore cicatrisée, due à la violence de la séparation ; vous leur communiquerez toutes les vertus nécessaires pour s'adapter au nouveau milieu, vertus pas aussi faciles ni aussi simples qu'elles pourraient le sembler de loin ; vous ferez d'eux de bons et fidèles fils de leur patrie d'adoption, comme c'est leur fervent désir, et surtout dans le refuge de vos bras maternels, vous




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les empêcherez d'acquiescer aux déplorables abandons que l'on doit bien souvent déplorer parmi les émigrants, loin de leur famille, d'un milieu connu, de leur paroisse, en butte aux nécessités harcelantes de la lutte pour l'existence et, peut-être, au manque d'assistance spirituelle ; qu'ils n'abandonnent pas les pratiques religieuses apprises au foyer maternel dans leur enfance, qu'ils ne s'éloignent pas d'une foi qui, précisément, en ces moments difficiles, pourrait être, plus que jamais, le nécessaire soutien de leurs esprits.

Enfin, ô Notre-Dame des Emigrants, bénissez spécialement vos fils dévoués de la « Commission catholique » et tous ceux qui coopèrent avec elle ; bénissez leurs travaux et leurs initiatives et faites, si vous le voulez bien, que bientôt tous vos fils, les Argentins d'hier, ceux d'aujourd'hui et de demain, égaux devant votre Coeur Immaculé, puissent chanter vos gloires dans le « Sanctuaire national de l'Emigrant », avec celles de votre très doux Fils, qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

C'est en gage de toutes ces grâces et comme nouvelle manifestation de Notre bienveillance particulière et paternelle que Nous vous accordons, de tout coeur, Notre Bénédiction, ainsi qu'à tous ceux qui écoutent Notre voix, avec une filiale attention.


MESSAGE A LA JEUNESSE CATHOLIQUE

(4 décembre 1956) 1






Le Pape a adressé, en français, le message suivant à la IIIe assemblée générale de la jeunesse catholique, à l'occasion de sa session à Rome :

La troisième assemblée générale de la Fédération internationale de la jeunesse catholique, qui se tient à Rome, Nous offre une occasion que Nous saisissons avec joie d'adresser à ses dirigeants et aux délégués de divers pays qui doivent y participer Nos encouragements et Nos voeux paternels.



Le Saint-Père exhorte paternellement les jeunes catholiques à demeurer fidèles à leur idéal dans le monde moderne bouleversé et corrupteur.

Nous le faisons d'autant plus volontiers que vous représentez à Nos yeux, chers jeunes, la foule innombrable de Nos fils de toutes nations qui, animés d'une même foi et d'un même zèle pour la cause de Dieu, militent au sein des organisations catholiques de jeunesse ou portent dans le silence le témoignage, parfois héroïque, de leur fidélité au Seigneur. Les uns et les autres sont la fierté de l'Eglise, mais ils sont aussi, dans le monde, l'espoir de la génération nouvelle. Rarement, en effet, génération fut atteinte par d'aussi profonds et vastes remous qui soulèvent les peuples, ébranlent les civilisations, déchaînent les passions et sapent les valeurs les plus sacrées de la morale et de la religion. Comment ne serions-Nous pas saisi de compassion à la pensée de tant de jeunes d'aujourd'hui, qui, « comme des brebis sans berger », grandissent dans l'inquiétude et le doute ou sont livrés sans défense à l'emprise des propagandes mensongères ?


JEUNESSE CATHOLIQUE



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II leur recommande tout particulièrement Y attachement à la sainte Eglise.

Comme cadre de votre activité, les statuts de votre Fédc ration prévoient à juste titre que chaque organisation nationale et les divers mouvements spécialisés jouissent, pour leur apostolat, d'une réelle liberté d'action sous l'autorité des pasteurs responsables. Mais, plus encore que ces légitimes et nécessaires franchises, aimez, chers fils, les liens fraternels qui vous rassemblent, au sein de la grande famille catholique, pour un même service de l'Eglise. Ravivez en vos âmes la conscience de votre commune appartenance au Corps du Christ, dont vous êtes les membres ; ayez ensemble le sens de l'honneur catholique, fait d'amour et d'admiration pour notre Mère, la sainte Eglise, et appliquez-vous d'un coeur unanime à étendre dans le monde son action salvatrice ; nourrissez et développez en vos esprits, par une généreuse application à l'étude de la foi, l'intelligence du mystère chrétien, tel que vous aimez le proclamer par le chant du Credo ; en un mot, gardez, comme la perle précieuse de l'Evangile, le « sentire cum Ecclesia », qui vous unit tous autour du Vicaire du Christ et vous met à l'abri d'une périlleuse dispersion de forces.



Le Saint-Père termine en disant qu'en ces temps de nationalismes exacerbés, l'Union des jeunes catholiques lui est un grand réconfort. Il y voit aussi un des meilleurs moyens de réconcilier les peuples.

En un temps où les nationalismes s'exacerbent dangereusement, cette union fraternelle des jeunes catholiques, — dans le respect de l'attachement de chacun à sa patrie, à sa race, à sa culture —, est pour Notre coeur de Père un précieux réconfort. N'est-on pas en droit d'y voir un puissant moyen de guérir les plaies des guerres, de réconcilier et de pacifier les peuples ? En un siècle, surtout, si cruellement marqué par une lutte gigantesque contre la religion, quelle lumineuse espérance fait luire cette volonté commune de jeunes gens de toutes nations, qui entendent proclamer, par leur vie et leur action, les droits souverains de Dieu : « car c'est de Lui, par Lui et pour Lui que toutes choses existent ! » (Rm 11,36).

Telles sont les perspectives qui orienteront les travaux de votre assemblée, et notamment l'examen du thème principal d'étude : l'éducation à la vie spirituelle et ses relations avec la vie professionnelle et la culture moderne. Déjà, dans Notre allocution aux jeunes filles de la Fédération mondiale catholique, Nous leur avions donné sur ce point, il y a peu de mois, de paternelles directives qui peuvent aujourd'hui encore guider vos propres recherches. Nul doute que l'exacte fidélité aux devoirs de la vie spirituelle, que Nous ne saurions trop vous recommander, ne vous engage sur la voie d'un apostolat fécond au service de vos frères dans le milieu où la Providence vous aura placés : « N'est-ce pas, disions-Nous récemment, le Seigneur qui se rend alors présent en chacun de ses membres ? . . . Jeter sur le monde un regard identique au sien, partager les intentions qui l'animaient, son désir immense de rédemption, telle est la démarche spontanée de qui vit en Lui et par Lui2 ».

2 Discours à Rinascita Cristiana, p. 683.




Dieu veuille enfin exaucer l'instante prière qui monte de Nos lèvres, tandis que Nous vous adressons ce Message, chers fils. Qu'il daigne appeler à ce plus haut service qu'est le sacerdoce, un nombre toujours plus grand d'entre vous, car, en tous lieux, la moisson est immense qui attend les ouvriers apostoliques ! Et comment des fils aimants de l'Eglise, ouverts aux besoins du monde, formés dès l'adolescence à la vie spirituelle, ne répondraient-ils pas généreusement à l'appel d'En-Haut ? C'est en formulant ce voeu que d'un coeur paternel, Nous vous accordons à tous, dirigeants, aumôniers et membres de la Fédération internationale de la Jeunesse catholique, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU CONSEIL DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES HOMMES CATHOLIQUES

(8 décembre 1956) 1






Le 8 décembre, le Pape a reçu, en audience spéciale, le conseil de la « Fédération internationale des hommes catholiques » 2. Il leur a donné en français, les consignes suivantes :

C'est avec plaisir, Messieurs, que Nous accueillons le conseil de la Fédération internationale des hommes catholiques, Unum Omnes, actuellement réuni à Rome.

Depuis la première assemblée générale tenue en cette ville pendant l'Année Sainte, avec la participation de vingt nations différentes, d'heureux développements sont venus manifester la vitalité et l'importance de votre Fédération. Le nombre des pays représentés se trouve doublé en six ans, spécialement par l'accession d'organisations du continent américain. Nous souhaitons que l'universalité devienne complète, et que bientôt les chrétientés d'Asie et d'Afrique, où fleurit déjà une jeune et vigoureuse Action catholique, soient également représentées au sein de la grande famille.

1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXIX, 1957, p. 25.

2 Ce conseil était conduit par le R. P. Joseph Géraud, assistant général ecclésiastique de la fédération, assisté de son président, le professeur Navascues (Espagne), de son vice-président, M. Henri Rollet (France), de son secrétaire général, le professeur Malterallo (Italie), ainsi que de nombreux délégués internationaux.




Les paroles mêmes du Seigneur, que vous avez prises pour titre et pour devise, rappellent que l'unité visible des chrétiens vivant intensément leur foi constitue un apostolat massif, s'il est permis d'employer ce mot, un vaste témoignage qui s'impose et qui oblige toutes les âmes de bonne volonté à de salutaires réflexions. Mais, soucieux de donner à votre union toute l'efficacité qui résulte d'efforts méthodiquement concertés, vous cherchez à « favoriser les contacts entre les associations nationales affiliées pour leur permettre, dans un esprit de charité fraternelle, de se mieux connaître, de s'entraider, de mettre en commun les études et les expériences réalisées par chacune d'elles, de collaborer, dans le respect mutuel des formes que revêt leur action d'apostolat sur le plan national » 3. Les assemblées générales que vous avez tenues successivement, tous les deux ans, à Rome, à Madrid et Paris, ont permis de constater les fruits de ce programme. En avril prochain vous comptez vous réunir en Hollande pour étudier deux vastes thèmes également importants : d'une part, les devoirs des catholiques dans la vie civique, d'autre part, les problèmes de synthèse, paroisse, milieu et profession. Vos échanges précédents vous ont, en effet, révélé les progrès souhaitables sur ces divers points, et Nous avons tout lieu d'espérer que la confrontation de réflexions et de réalisations, qui se poursuivent ainsi avec grande loyauté et générosité à l'échelle mondiale, apportera aux diverses associations nationales le réconfort d'une plus grande lumière et d'exemples encourageants.

Avec patience et compétence vous réunissez l'information étendue et sûre, nécessaire pour entreprendre les actions de longue haleine qui doivent être les vôtres ; c'est ainsi, par exemple, que vous suivez attentivement les questions familiales, car la famille est la cellule de la chrétienté, comme elle est l'élément vital de la société naturelle ; le père doit y exercer son rôle de chef, il doit pouvoir donner à ses enfants l'éducation conforme à ses convictions religieuses, et jouir dans la vie civile d'une autorité proportionnée à son importance réelle. De là découlent de multiples problèmes concernant le travail, l'habitation, le rôle de la femme, problèmes sur lesquels les hommes d'Action catholique ont à prendre'position et à mener campagne courageusement, avec méthode et unanimité.

3 Statuts, art IV, a.




Appliqués à des tâches d'apostolat général, vous rencontrez à vos côtés d'autres formes d'Action catholique, lesquelles ont pour centre d'intérêts une paroisse, un milieu, une profession, une oeuvre. Chacune a ses méthodes, et cette légitime diversité doit être respectée. L'uniformité n'est ni possible, ni souhaitable,




FEDERATION DES HOMMES CATHOLIQUES



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car elle ne correspondrait ni à la variété des situations ni à la variété des ressources matérielles et humaines. Il est bon toutefois que la répartition des efforts soit judicieusement organisée et cela suppose de la part de tous, les vertus chrétiennes d'humilité et de renoncement, afin que le zèle indiscret de certains ne fasse pas obstacle aux entreprises des autres. Et cela sera d'autant plus facile que chaque groupe se tiendra en liaison plus habituelle et plus filiale avec les représentants de l'Eglise, qui ont charge d'orienter et d'utiliser leur activité désintéressée. « Il y a, dit saint Paul, diversité de dons spirituels, mais c'est le même Esprit ; diversité aussi de ministères, mais c'est le même Seigneur ; diversité encore d'opérations, mais c'est le même Dieu qui opère tout en tous (1Co 12,4-6). Il vous appartient de promouvoir par vos assemblées générales, vos conseils fédéraux, votre bulletin et tous les moyens collectifs et personnels cet esprit catholique de large collaboration, de compréhension et de discipline, qui permettra aux organisations nationales de déployer une action concordante, d'où il résultera que, s'appuyant les unes sur les autres, elles acquerront une puissance et un rayonnement beaucoup plus grands.



Le Saint-Père exhorte instamment les hommes catholiques à se faire les promoteurs d'une paix conforme aux principes chrétiens.

Votre Fédération occupe une place importante dans les organisations internationales, et à ce titre, elle exerce également son influence dans les organismes internationaux officiels. C'est là principalement que vous pouvez vous faire les promoteurs d'une paix conforme aux principes chrétiens, qui surmonte les particularismes, triomphe de certaines passions nationalistes, tout imprégnées de rancune, de jalousie et d'orgueil. Efforcez-vous donc par tous les moyens à votre disposition de créer entre les peuples un climat de confiance, de compréhension, d'organiser leur collaboration sur une base de fraternité et de service mutuel.

Nous vous félicitons en particulier de l'intérêt, que vous portez à vos nombreux frères chrétiens persécutés, spécialement en Europe et en Asie. Vous les soutenez de vos prières ; vous protestez en leur faveur au nom de la justice et du droit des gens ; vous profitez enfin de leur exemple de fidélité héroïque au Christ et à l'Eglise. Leur sacrifice, uni à celui du Sauveur, est encore plus précieux aux yeux de Dieu que le zèle des apôtres ; et c'est de lui que Nous espérons, au jour de la miséricorde, le retour à l'unité de peuples entiers, aujourd'hui écrasés et séparés violemment de l'unique bercail préparé par le bon Pasteur.

Hors de l'Eglise, en effet, pas d'unité profonde et durable. Voilà pourquoi votre tâche est si belle et si pressante. Favoriser l'harmonie entre le monde moderne et l'Eglise, mettre avec une abnégation profonde son travail au service du royaume de Dieu ; voilà une oeuvre digne des plus nobles coeurs. La foi et la charité, qui vous font voir Dieu dans les hommes, soutiennent votre effort, et Nous prions le Père des cieux de la bénir et de la faire fructifier. C'est dans ce but et comme gage de Notre paternelle affection, que Nous vous accordons de grand coeur, chers fils, à vous et à vos familles, à votre Fédération et à tous ses membres, Notre plus large et plus profonde Bénédiction apostolique.


Pie XII 1956 - ALLOCUTION AU DEUXIÈME CONGRÈS DE MONTAGNARDS ITALIENS