Pie XII 1957 - RADIOMESSAGE AUX ÉCOLES CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS


ALLOCUTION A DES CHEFS D'ENTREPRISE D'ITALIE

(7 mars 1957) 1






Le jeudi 7 mars, le Souverain Pontife reçut en audience les membres de l'Union chrétienne des chefs d'entreprise et dirigeants (U.C.l.D.) d'Italie, et il leur adressa un discours en italien, dont voici la traduction :

C'est avec un vif plaisir que Nous accueillons le nouveau témoignage de dévotion que vous avez désiré Nous rendre, chers fils de l'Union chrétienne des chefs d'entreprise et dirigeants (Unione Cristiana Imprenditori Dirigenti), à l'occasion du Congrès national, que l'on pourrait appeler jubilaire, organisé par vous pour le dixième anniversaire de la fondation de votre Association.

Quand de telles dates se présentent, naît spontanément le besoin de jeter un regard sur le passé, non seulement pour se réjouir des progrès accomplis et pour y trouver en quelque sorte un repos, mais pour tirer d'une vision d'ensemble une impulsion nouvelle pour agir et pour perfectionner les projets et les engagements généreusement souscrits à la naissance de l'Union. Comme dans un examen de revision des fondations, de nombreuses questions se présentent à l'esprit, par exemple celle de savoir si la raison d'être de votre union conserve encore le caractère de nécessité ; si le cours du temps, révélant peut-être quelque défaut, conseille des directions nouvelles, et d'autres problèmes fondamentaux du même genre pour assurer vigueur et efficacité à votre oeuvre.

Nous voudrions cependant nous étendre quelque peu sur la première de ces demandes : votre union est-elle encore indispensable ? Nous répondons que sa nécessité, loin de s'atténuer, Nous semble accrue.

L'avenir est en effet prometteur de nobles développements, mais aussi hérissé de multiples difficultés, parmi lesquelles domine celle d'une claire prévision des incidences possibles du monde économique futur. Ce que confirme aussi l'étude de vos écrits, que vous Nous avez aimablement adressés, spécialement ceux concernant l'automation et l'entreprise agricole. Vous affrontez en premier lieu de façon concrète, comme chefs d'entreprise et dirigeants italiens, une question difficile, non seulement en elle-même, mais aussi parce qu'elle touche à la capacité qu'aura l'Italie de concourir industriellement avec les autres pays ; difficile également la seconde question, concernant la consolidation interne et pas seulement économique, de toute la population. L'une et l'autre renferment d'autres problèmes étendus, comme par exemple, la récolte du capital nécessaire, la formation morale, intellectuelle et professionnelle, spécialement de la jeunesse, l'adaptation du marché et des prix, de l'offre et de la demande, des heures de travail, de l'activité politique et syndicale elle-même aux conditions nouvelles que créera la transformation technique.

Notre intention n'est pas de développer ici ces sujets, qui vous sont d'ailleurs bien connus, d'autant plus que d'autres engagements nombreux ne Nous permettent actuellement que de vous adresser quelques mots sur deux aspects de ce problème complexe.



La technique doit rester au service de Y économie.

i. — Vous savez tous que la question de la qualité personnelle du travailleur, qu'il soit dirigeant ou exécutant, au niveau supérieur ou moyen, partout où l'on fait des efforts pour augmenter la productivité, but premier de l'automation, se présente aujourd'hui comme tout à fait décisive, mais malheureusement très négligée.

Une telle négligence, si on n'y trouvait remède, non seulement retarderait le développement de l'automation, mais pourrait causer des crises imprévues de chômage dans les classes ouvrières et finalement de graves dommages à l'économie nationale entière. Pour éviter ce triple inconvénient, il faut que les chefs d'entreprise et les dirigeants, dès maintenant et avec



beaucoup plus de vigueur que par le passé, s'occupent de la formation technique des personnes appliquées à la production. Même le passage du système artisanal de production du début du dix-neuvième siècle au système de l'industrie mécanisée, bien qu'il ait semblé au début devoir réduire les valeurs personnelles des travailleurs au rang de simples spectateurs des machines, manifesta ensuite une exigence croissante de qualification chez les techniciens et dans les offices de maîtrise. Plus grande encore sera cette exigence avec les procédés automatiques non seulement durant la période de transformation mais aussi par la suite, pour la manutention et le fonctionnement des nouveaux appareils. On prévoit même que l'ère de l'automation renforcera toujours davantage la prééminence des valeurs intellectuelles de la classe productrice : science, faculté d'invention, organisation, prévoyance. Sans aucun doute la période de transition pourrait produire une augmentation du chômage parmi les ouvriers les plus âgés, moins aptes à être requalifiés ; mais le danger pèse aussi sur les travailleurs plus jeunes, dans le cas où la nation se trouverait contrainte par la concurrence d'autres pays à accélérer la marche vers l'automation. C'est pourquoi il devient nécessaire d'imaginer dès maintenant des mesures opportunes pour que le dynamisme de la technique ne se transforme pas en calamité publique. En tout cas, il faut que les chefs d'entreprise acceptent le principe que la technique est au service de l'économie et non l'inverse.

Ce principe ne garde sa valeur qu'en tenant compte des conditions concrètes de chaque pays particulier, spécialement des travailleurs, qui sont une grande partie des consommateurs.



Les conditions particulières de l'Italie face aux problèmes posés par l'automation.

A vrai dire, à une époque telle que la nôtre où le développement technique est rapide, la question de l'avenir, se présente de manière différente pour chaque pays ; sans aucun doute de façon différente pour l'Italie, avec son capital relativement réduit et une base limitée de matières premières, mais une population nombreuse, en face de pays riches de capitaux et de matières premières et qui ont par conséquent les présupposés naturels d'un développement technique moderne de la production. Même actuellement, après plus de cent ans, on n'a pas encore completement dominé en Italie la crise de l'ouvrier salarié, causée par la première transformation industrielle, qui sacrifia au dynamisme de la technique le primat de l'économie et spécialement le primat du but objectif de l'économie nationale, à savoir le bien-être du peuple. L'erreur consista précisément à s'en remettre entièrement au mécanisme, que l'on croyait alors l'unique régulateur du marché, en négligeant de prendre d'autres mesures, fussent-elle à longue échéance, en vue de régler avec ordre les forces productrices à l'avantage de tout le corps social.

La nécessité de ces mesures, répondant aux conditions particulières de votre pays, vaut également pour la réalisation souhaitée du projet qui lui attribue sa place dans l'unité européenne. Celle-ci en effet, du moins au début, ne pourrait suppléer subitement à cette insuffisance de capital et de matières qui assignent à votre pays un état d'infériorité à l'égard d'autres mieux fournis et par conséquent plus prêts à s'engager dans la technique nouvelle. Dans ce cas, et en attendant que, parmi les membres de l'Europe unie, on pratique des mesures de compensation, comme l'échange des ouvriers qualifiés, des prêts ou des marchés privilégiés, une disproportion toujours croissante dans la productivité sera inévitable entre les pays ou les groupes de pays, et par conséquent une menace sur toute l'économie de votre nation.

Il est donc nécessaire que tous, particuliers et organisations, étudient et appliquent de sages prévisions à l'avantage de l'économie commune. Le souci de la supériorité dans la qualité des produits, la satisfaction des besoins véritables et non artificiels du peuple, doivent être actuellement, semble-il, les caractéristiques de l'économie italienne de l'avenir immédiat. Les forces de tout le peuple devront y concourir, qu'il s'agisse du producteur, du consommateur, et surtout de l'épargnant.



Limites des interventions de l'Etat.

2. — En assignant à tout le peuple la tâche propre, bien que partielle, d'ordonner l'économie future, Nous sommes bien éloigné d'admettre qu'une telle charge doive être confiée à l'Etat comme tel. Cependant, en observant la marche de certains congrès, même catholiques, en matières économiques et sociales, on peut noter une tendance toujours croissante à invoquer l'intervention de l'Etat, si bien qu'on a parfois comme l'impression que c'est là le seul expédient imaginable. Or, sans aucun doute, selon la doctrine sociale de l'Eglise, l'Etat a son rôle propre dans l'ordonnance de la vie sociale. Pour remplir ce rôle il doit même être fort et avoir de l'autorité. Mais ceux qui l'invoquent continuellement et rejettent sur lui toute responsabilité le conduisent à la ruine et en font même le jeu de certains groupes puissants et intéressés. La conclusion est que toute responsabilité personnelle dans les choses publiques en vient ainsi à disparaître et que si quelqu'un parle des devoirs ou des négligences de l'Etat, il entend les devoirs ou les manquements de groupes anonymes, parmi lesquels, naturellement, il ne songe pas à se compter.

Tout citoyen doit au contraire être conscient que l'Etat, dont on demande l'intervention, est toujours, concrètement et en dernière analyse, la collectivité des citoyens eux-mêmes, et que par conséquent personne ne peut exiger de lui des obligations et des charges à l'accomplissement desquelles il n'est pas résolu lui-même à contribuer, fût-ce par la conscience de sa responsabilité dans l'usage des droits qui lui sont accordés par la loi.

En réalité, les questions de l'économie et des réformes sociales ne dépendent que de façon très extérieure de la bonne marche de telle ou telle institution, à supposer que celles-ci ne soient pas en opposition avec le droit naturel ; mais elles dépendent nécessairement et intimement de la valeur personnelle de l'homme, de sa force morale et de son bon vouloir à porter des responsabilités et à comprendre et traiter, avec une culture et une compétence suffisantes, les choses qu'il entreprend ou auxquelles il est tenu. Aucun recours à l'Etat ne peut créer de tels hommes. Ils doivent sortir du peuple, de manière à empêcher que l'urne électorale, où confluent également irresponsabilités, impérities et passions, ne prononce une sentence de ruine pour l'Etat vrai et authentique.



Rien ne remplace la valeur personnelle de l'homme.

Mais pourquoi, chers chefs d'entreprise et dirigeants, vous dire à vous tout cela ? Parce que Nous sommes persuadé que précisément votre position dans la vie vous met continuellement devant les yeux le fait que ce qui compte le plus c'est l'homme personnellement ; aucun programme d'entreprise, aucune institution professionnelle ou législative, aucune organisation avec ses fonctionnaires et ses réunions ne peut créer ou remplacer la valeur personnelle de l'homme. Faites connaître et valoir cette vérité, parce que le préjugé que l'Etat doit tout faire, que l'institution pourvoit à tout, est très répandu. Faites connaître et valoir cette vérité : ce sera réellement une saine politique de la part des chefs d'entreprise et des dirigeants. L'assainissement de la famille, la solidité de l'instruction et de l'éducation scolaires, l'élévation de la culture du peuple font partie de cette politique, mais elle s'étend aussi à d'autres questions, comme peut s'en rendre compte, par exemple, celui qui, peut-être pour mesurer à quel degré on trouve dans le peuple le sens de la responsabilité individuelle et personnelle, étudie attentivement les statistiques de ceux qui ont un double salaire, ou bien celles de l'augmentation de la consommation dans de larges cercles de la population de ce pays qui n'est certainement pas riche.

Faites donc que l'homme conscient, cultivé et expérimenté, trouve toujours place dans la société et dans l'économie et puisse s'élever plus haut par son travail. Alors la conscience, interprète de Dieu, vous louera de votre oeuvre, car vous porterez dans le peuple le meilleur de vos idéaux chrétiens. Et l'Italie trouvera aussi dans l'économie moderne le chemin vers son destin providentiel.


LETTRE AU R. P. LOMBARDI SUR LE MOUVEMENT « POUR UN MONDE MEILLEUR »

(12 mars 1957) 1






Le Souverain Pontife a adressé au Rév. Père Lombardi, initiateur du « Mouvement pour un monde meilleur », la lettre suivante de directives éclairées et de précieux encouragements pour tous ceux qui coopèrent à cette oeuvre providentielle. Voici la traduction française du document italien :

Nous avons eu plus d'une fois l'occasion de manifester le réconfort que Nous avons éprouvé pour le bien accompli par le « Mouvement pour un monde meilleur », dû en premier lieu à votre zèle fervent pour la conquête des âmes au Christ.

Le travail considérable accompli jusqu'à présent — qui a vu se réunir en une fraternelle union de prières et de résolutions des personnes qualifiées du clergé et du laïcat en un nombre de plus en plus grand, si bien que l'on a dû penser à un nouveau siège plus important — Nous offre maintenant l'heureuse occasion de renouveler Notre intérêt personnel.

Il n'est pas douteux qu'une action efficace « pour un monde meilleur » suppose que le progrès spirituel commence par le clergé et par les laïcs appelés à l'apostolat. En effet, la formation à une profonde vie intérieure est une condition nécessaire pour être vraiment « sel de la terre et lumière du monde » (Mt 5,13-14).

C'est seulement par la sainteté des prêtres et des fidèles auxquels l'Eglise confie, sous diverses formes, une mission d'apos

tolat, que peut débuter l'oeuvre souhaitée pour l'intégrité de la famille, l'honnêteté dans la profession et dans la vie publique, une plus grande justice sociale, un généreux effort pour la paix du Christ dans le règne du Christ.

Vous encourageant donc, cher fils, à poursuivre dans cet esprit votre activité, de tout coeur Nous vous donnons, ainsi qu'à vos collaborateurs, une Bénédiction apostolique particulière, en gage de toutes les faveurs célestes.

LETTRE POUR LE IIIe CENTENAIRE DE L'ENVOI DE PRÊTRES SULPICIENS AU CANADA
(12 mars 1957) 1






A l'occasion du IIe centenaire de l'envoi de prêtres de la Société de Saint-Sulpice au Canada, le Souverain Pontife a daigné adresser la lettre suivante au R. P. Pierre Girard, Supérieur général actuel de l'Ordre. Voici la traduction du document rédigé en latin :

1 D'après le texte latin de l'Osservatore Romano, du 7 mai 1957 ; traduction française ie la Documentation Catholique, LIV, col. 732.




Il y a trois siècles, le pieux prêtre Jean-Jacques Olier, fondateur des Prêtres de Saint-Sulpice, envoyait les premiers membres de cette Société au Canada. Il accomplissait ainsi, sous l'inspiration divine, et avec l'aide de la Providence, une oeuvre qui fut l'origine d'un immense développement de la religion en ce pays. Les Sulpiciens, en effet, n'étaient pas seulement les prédicateurs de l'Evangile, qui semèrent la doctrine chrétienne avec un zèle ardent parmi cette nation et y firent régner par leur parole et leurs écrits les bonnes moeurs, mais ils apportèrent tous leurs soins à l'éducation de la jeunesse, qui est si importante, comme chacun le sait, pour l'orientation et la marche du siècle à venir. Mais ce qui fut le plus admirable dans leur activité apostolique, ce fut l'éducation et la formation que, suivant les règles et l'esprit du fondateur de la Société, ils donnèrent aux élèves des Séminaires, appelés au service de Dieu, de façon à en faire des ministres du Christ et des dispensateurs des mystères de Dieu aussi parfaits que le comporte la condition humaine (1Co 4,1) et à les mettre à même de travailler efficacement à leur salut et à celui du prochain. Tel est surtout



l'objet de Notre paternelle satisfaction, car il n'existe pas de rempart plus ferme ni de remède plus assuré contre le développement des erreurs, les ennemis de l'Eglise et les séductions du monde corrompu, que la parfaite formation dans les Séminaires des jeunes gens destinés, par un appel de Dieu, à recevoir le sacerdoce, et, plus tard, à conduire dans les sentiers de la vertu, dans les bons pâturages, la portion du peuple chrétien qui leur sera confiée. Nous aimons, à ce propos, rappeler la parole de Notre illustre Prédécesseur Léon XIII : « Certaines choses sont tellement nécessaires au progrès de la vie catholique qu'il ne suffit pas d'en parler une fois, il faut très souvent les rappeler et les recommander. Il faut placer le souci des Séminaires le plus haut possible, car la fortune de l'Eglise est intimement liée à leur prospérité.2 »

Continuez donc, comme vous le faites dans votre tâche si importante et que cet événement historique, qui vous rappelle ce que vos aînés ont accompli de grand dans la terre du Canada pendant cette longue période, vous soit un gage de ce que, avec la grâce de Dieu, non seulement dans ce pays qui Nous est cher, mais partout où votre zèle bienfaisant aura à s'exercer, vous pourrez accomplir de jour en jour davantage pour la gloire de Dieu, l'accroissement de l'Eglise catholique et spécialement, comme Nous l'avons dit, pour la parfaite formation des séminaristes.

C'est avec cette espérance, chers Fils, que Nous vous accordons de tout coeur, à vous, à tous vos confrères confiés à vos soins, surtout à ceux qui sont au Canada, à tous les élèves que vous formez, la Bénédiction apostolique, en souhaitant qu'elle apporte les dons célestes et qu'elle soit un témoignage de Notre paternelle bienveillance.





















Lettre Paternae providaeque, aux évêques' du Brésil ; A. L., 19, 1899, p. 194.


DISCOURS AU COLLÈGE PORTUGAIS

(14 mars 1957) 1






Après leur avoir donné un Protecteur en la personne de Son Em. le cardinal Ciriaci, Sa Sainteté Pie XII a reçu en audience, le 14 mars, les élèves du Collège portugais de Rome, à qui il adressa un discours de circonstance. Le voici, traduit du portugais :

Le noble et filial désir de couronner la célébration du cinquantième anniversaire du Collège portugais à Rome, avec la parole et la bénédiction du vicaire du Christ, vous conduit en Notre présence ; désir conservé vivant pendant au moins six ans, en attendant le moment opportun pour que vous le voyiez réalisé. Ce moment, vous l'avez finalement trouvé à l'occasion de la nomination que, il y a peu de temps, Nous avons faite du nouveau Cardinal protecteur, en la personne de M. le Cardinal Ciriaci.

Avec son zèle bien connu, avec la compétence singulière que lui donne la connaissance de toutes les forces vivantes du Portugal, il était évidemment le plus indiqué pour une telle charge. Pour cela, Nous Nous réjouissons en voyant que le Collège portugais est en fête ; et pour Notre part, Nous pouvons seulement formuler les meilleurs voeux, certain que Nous les verrons bientôt réalisés, afin que le Collège se développe toujours plus et fleurisse dans un riche printemps de science et de vertu.



Les directives et les encouragements des Papes Léon XIII et saint Pie X pour le Collège portugais.

En réfléchissant sur votre jubilé, la pensée va naturellement à ce 20 octobre 1900, quand Notre immortel prédécesseur

Léon XIII, avec les Lettres apostoliques, Rei catholicae apud Lusi-tanos, fondait dans la Ville Eternelle un collège pour permettre aux candidats au sacerdoce le bénéfice d'une formation plus soignée ; bénéfice grâce auquel on fournit à l'Eglise presque toutes les aides dont elle a besoin2.

Déjà il s'était adressé deux fois à l'Episcopat, et il le rappelle expressément ; d'abord en l'exhortant à déployer tous ses efforts pour former soigneusement les élèves des séminaires, de façon à ce qu'ils resplendissent (in domo Dei) par la lumière d'une science solide et l'éclat du pur esprit ecclésiastique, brillant de toutes les vertus sacerdotales ; ensuite, en insistant pour qu'ils travaillent au rétablissement des Congrégations religieuses, lesquelles non seulement peuvent former des apôtres pleins de zèle pour l'extension de la foi, mais sont semblables à des corps d'une armée spécialisée, prêts à soutenir l'action du clergé dans les combats pour le Seigneur, et à le suppléer, là où il ne peut parvenir en raison de sa pénurie 3.

Maintenant (disait-il) il bénit la Providence, parce que, grâce à la générosité d'illustres bienfaiteurs, elle lui a permis de fonder un collège à Rome, et son âme exulte en pensant aux grands fruits que le Portugal retirerait de cette oeuvre.

A peine trois ans plus tard, saint Pie X, quarante-huit heures après son élection, accordait la première audience collective au Collège portugais, le plus récent et le plus petit des collèges de Rome ; il voyait en lui le grain de sénevé de l'Evangile, qui bien cultivé ne tarderait pas à croître en un arbre majestueux. Et peu après, dans un document public, il déclarait qu'on devait le traiter avec un plus grand soin et avec une plus grande affection, parce qu'il était le plus jeune de tous les collèges de Rome ; d'autant plus que les grands fruits déjà recueillis en un laps de temps si bref, étaient le gage assuré au clergé du Portugal d'autres fruits bien plus abondants dans un proche avenir4.

* Acta Leonis XIII, vol. XX, p. 29.

8 Epist. Enc. Pergrata Nobis, 14 septembre 1886, Acta, vol. VI, p. 180 et suiv. ; Epist. Pastoralis vigilantiae, 25 juin 1S91, Acta, vol. XI, p. 209 et suiv. et p. 211 et suiv.

* Litt. Apost. Supremi Pastoralis, 19 avril 1904, Acta S. Sedis, t. XXXVI, p. 583.




Et l'histoire des années suivantes est venue confirmer pleinement les prévisions du Saint Pontife. Votre présence même atteste les progrès visibles du collège lequel aujourd'hui, avec ses quarante-huit étudiants, compte des représentants de toutes



ou presque toutes les provinces qui, éparpillées dans différentes îles et différents continents, forment la nation : petite mais expressive miniature de l'unité et de la catholicité de l'Eglise.

Et hors du collège, nous remarquons des docteurs romains occupant des charges élevées et de grande responsabilité dans tous les séminaires et toutes les oeuvres catholiques, et particulièrement dans la hiérarchie.

Le spectacle consolant de tant de bien réalisé par la grâce de Dieu, oblige à lever les yeux et le coeur vers le ciel, pour bénir, louer et rendre grâces infinies à l'Auteur suprême et dispensateur de tout bien ; ce que vous avez fait justement et dignement pendant l'année jubilaire ; et Nous, aujourd'hui, Nous renouvelons avec vous l'hymne de gloire au Seigneur.



Un jubilé n'est pas un but, mais une pierre milliaire : puisse le Collège croître en nombre . . .

Mais un jubilé, dans une institution ecclésiastique de formation, ne peut pas être le but ; c'est la pierre milliaire dans la marche vers de nouvelles conquêtes. Comme les nécessités de la sainte Eglise, dans sa marche éternelle, renaissent et augmentent continuellement, de même le collège doit accroître, renouveler et redoubler son efficacité.

Il est indispensable qu'il croisse en nombre, sans diminuer en qualité. Les diocèses ont augmenté. De nouveaux séminaires surgissent et d'autres doivent surgir dans les diocèses d'outremer. Les séminaires existants et les oeuvres catholiques ont besoin de compléter et de renouveler leur personnel. Pour cela, c'est urgent, et Notre vif désir serait que le programme du Pontife Fondateur se réalisât, dans la forme en laquelle notre Congrégation des séminaires l'a renouvelé, précisément dans la lettre du 8 décembre 1949, à savoir : que tous les diocèses, pas seulement du continent, mais aussi des îles et d'outre-mer, aient toujours en formation dans le collège « deux étudiants... et, autant que possible, un nombre encore plus grand ».



... et intensifier la formation morale et scientifique de ses membres.

Il est plus indispensable encore que la formation, tant morale que scientifique, se maintienne et s'intensifie. Chers fils ! chacun de vous reconnaît comme singulière faveur de Dieu le fait d'avoir été choisi pour venir compléter sa formation à Rome, près du Roc vivant d'où émane sans être contaminé le torrent de la vérité, et près des vestiges des Apôtres, là même où chaque pierre est une exhortation à la vertu et à la sainteté héroïque. Ensuite, si vous considérez les activités qui vous attendent, vous verrez facilement que toutes exigent, pas seulement de la vertu, mais une perfection, mais une sainteté peu commune. Enfin, d'une façon ou d'une autre, vous êtes destinés à êtres des modeleurs de saints. Même un simple professeur de séminaire a bien d'autres responsabilités que le professeur le plus important de la plus grande université. S'il est homme de Dieu, sa vertu se réfléchira dans les fruits de son enseignement. Pour cela, entre vous il doit y avoir, vous dirons-Nous avec Léon XIII, une sainte compétition, à qui correspondra mieux à la juste attente des fidèles, de vos prélats et à la Nôtre ; Nous pouvons ajouter : et à celle du Seigneur qui vous a choisis.

La formation spirituelle, absolument supérieure et qui exige toutes les minutes de votre séjour à Rome, va de pair avec la formation scientifique, étendue, solide, dans les études ecclésiastiques ; plus soignée, plus profonde et complète dans les domaines dans lesquels vous devrez vous spécialiser : philosophique, théologique, juridique, biblique.



Ne pas entreprendre les lourdes tâches du ministère sacerdotal avant de solides et complètes études.

Il n'et pas nécessaire de vous répéter aujourd'hui l'avertissement qu'adressait saint Pie X à ceux qui vous ont précédés, il y a cinquante ans : « Ne soyez pas pressés de retourner au Portugal. Restez à Rome jusqu'à ce que vous vous sentirez convenablement disposés pour les futurs ministères ». Convenablement disposés, ajoutons-Nous, grâce à une formation soignée et complète jusqu'au doctorat, avec une thèse bien élaborée et défendue. Cela pourra déjà être une contribution à la science ; mais c'est certainement un exercice indispensable pour apprendre à exécuter un travail sérieux, rigoureux, scientifique ; qui vous rende aptes à élever et maintenir bien haut dans votre patrie, le prestige de la culture catholique, comme c'est votre devoir et comme le requièrent le service et l'honneur de l'Eglise. On s'attend à ce que les autorités supérieures sachent comprendre la nécessité et les avantages d'une telle formation, et qu'ensuite durant les premières années, elles vous donnent l'occasion de continuer à perfectionner votre formation professionnelle.

Enfin, pour toucher encore un point que Nous avons déjà mentionné avec le Pontife Fondateur, nous rappellerons que, sortis du collège, vous rencontrerez certainement un travail immense et peut-être peu d'ouvriers. Le clergé, par suite des vicissitudes passées, est encore peu nombreux et parfois manque de façon désolante, non seulement dans les diocèses récents mais dans d'autres beaucoup plus anciens, comme bien des fois l'a déploré le zèle de notre très cher Cardinal Patriarche. Les institutions religieuses destinées particulièrement aux missions, grâce au Concordat, sont aujourd'hui plus nombreuses qu'il y a cinquante ans. Mais leur oeuvre, dans la finalité spécifique de chacune, approuvée et voulue par le Siège apostolique, est très précieuse partout, et indispensable là où manque le clergé, surtout, notait expressément Léon XIII, pour l'éducation de la jeunesse et pour cultiver dans le peuple les bonnes moeurs. Autant qu'il dépendra de vous, sachez apprécier leur collaboration et en profiter, et travailler fraternellement d'accord, comme l'exigent le zèle de la gloire de Dieu, le salut des âmes, le service de l'Eglise et le bien de la patrie.

Que le coeur divin de Jésus et la Vierge Immaculée de Fati-ma, à la garde desquels le Collège est spécialement confié, veuillent bien répandre sur vous, sur le travail de votre meilleure formation ascétique et scientifique, et sur votre futur ministère apostolique, l'abondance de leurs grâces ; et que Notre Bénédiction apostolique vous en soit le gage.

LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE IVe CONGRÈS DE LA VIE RURALE
(16 mars 2957) 1






Le IVe Congrès international catholique de la vie rurale s'est tenu du 1" au 6 avril 2957 à Santiago du Chili. Le Souverain Pontife y fit parvenir ses directives par une lettre de Son Exc. Mgr Dell'Aequa, substitut de la Secrétairerie d'Etat, à l'adresse de Son Em. le cardinal Carlo Rodriguez, archevêque de Santiago du Chili. Voici la traduction du document espagnol :

Le IVe Congrès international catholique de la vie rurale, qui, sous le patronage de la National Catholic Rural Life Conférence, va se tenir dans la ville de Santiago, a dans son programme une soigneuse sélection des aspects qu'englobe le thème « L'homme et la terre en Amérique latine », dont l'étude a été confiée à d'illustres conférenciers et à des rapporteurs spécialisés en cette matière si importante. J'ai eu l'honneur d'informer de tout cela le Saint-Père, et celui-ci exprime, à tous ceux qui ont organisé ces réunions prometteuses ou y participent, ses voeux fervents pour un heureux succès, les sentiments de son affection paternelle et le vif désir que soient obtenus les meilleurs fruits.

1 D'après le texte espagnol de l'Osservatore Romano du 5 avril 1957, traduction française de l'Osservatore Romano hebdomadaire, éd. française, du 19 avril.




Et ce ne sera certainement pas un résultat négligeable si ce congrès contribue à créer un climat favorable à un mouvement uni, sur les plans législatif et social qui, groupant les hommes de bonne volonté intéressés à ce secteur de la production, les conduise au but désiré, qui ne peut être autre que l'élévation du niveau de vie du rural et le meilleur rendement du service que l'agriculture rend à la communauté.


IV» CONGRÈS DE LA VIE RURALE



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Sauvegarde des droits de la famille et respect du bien commun.

Réduire tous les problèmes de la campagne à l'expropriation de terres, en dehors de la répercussion que son application peut avoir sur la productivité, ne saurait être admis si par cette attitude on signifie une réprobation absolue du régime de la propriété privée, en arrivant par cette voie jusqu'à la socialisation de la terre, comme le prétend la doctrine marxiste.

D'autre part, avoir comme unique point de vue la réalisation du niveau de production le plus élevé possible, en laissant comme problèmes secondaires ceux d'une juste organisation juridique de la propriété et de sa fonction sociale, c'est donner lieu à un individualisme exacerbé, sans souci de l'élément humain, dont le respect exige que l'on tienne compte des valeurs morales encore plus que de celles matérielles, aussi bien dans cette activité que dans toute autre activité humaine.

2 S. S. Pie XII aux ouvriers espagnols, le 11 mars 1951 ; cf. Documents Pontificaux p. 88.

3 S. S. Pie XII dans son radiomessage de Noël 1942.




Le catholique doit toujours réagir contre les tendances de l'égoïsme humain : il le fit hier en défendant le droit d'association contre le libéralisme économique, et il le fera encore aujourd'hui, sans abandonner sa position précédente, en luttant pour la liberté de l'homme contre l'absorption de la personne par la masse ou par l'Etat et en soutenant le droit naturel de l'individu à la propriété privée. Toutefois l'Eglise ne s'attache pas à des méthodes déterminées de réforme sociale ni ne s'oppose à aucune d'elles, lorsqu'elles respectent les droits propres à l'individu et à la famille et préparent le bien de la collectivité ; mais pour l'application de sa doctrine à la terre, elle suggère qu'« en tenant davantage compte de l'homme que des avantages économiques et techniques » 2, on ne perde pas de vue que « le progrès et le degré des réformes sociales urgentes dépendent de la puissance économique de chaque nation » 3, que l'on adopte les mesures qui, en considérant la réalité historique de chaque pays, selon sa structure et les caractéristiques spéciales dont Dieu dota le climat et le sol de chaque zone, soient les plus propices à l'amélioration de la classe rurale et au bien commun.



Trois facteurs interdépendants : nature, travail, capital.

Aussi la distribution de la propriété ou l'augmentation de la production, tout en étant des buts légitimes en eux-mêmes, ne peuvent être considérées, prises isolément, comme des remèdes uniques capables d'éliminer tous les maux ou de réaliser tous les progrès. En certains lieux, c'est la nature qui n'est pas en mesure d'assurer le juste revenu au travail et au capital engagés, et là une étude des facteurs concrets dira s'il convient d'augmenter l'irrigation des terres selon un plan national ou s'il faut favoriser la concentration des terrains. En d'autres lieux, c'est le travail qui, pour diverses raisons, ne peut recueillir le fruit que le sol lui offre ou que l'emploi efficace des instruments de la technique augmenterait ; et, dans ces cas, la régulation des courants migratoires ou les écoles de formation professionnelle pourraient corriger la distribution inégale de la main-d'oeuvre ou le manque de capacité du cultivateur. Parfois aussi ce sera la rareté d'investissement de capitaux qui empêche que la technique puisse étendre son application avantageuse dans la campagne et, alors, l'encouragement de ces investissements, la facilité du crédit agricole, les coopératives permettront l'acquisition et l'emploi de machines, d'engrais et des autres moyens.



La législation agraire.

* S. S. Pie XII aux ouvriers espagnols, le 11 mars 1951 ; cf. Documents Pontificaux




La campagne exige de même une bonne législation qui, donnant la juste importance au patrimoine familial, le protège et ouvre au travailleur actif et diligent la voie qui l'amène à devenir propriétaire. Rappelez-vous que « l'Eglise défend le droit à la propriété privée... mais insiste également sur la nécessité d'une distribution plus juste de la propriété » 4 ; aussi la véritable fécondité de la voie sociale et le rendement normal de l'économie nationale ne pourront être obtenus de façon permanente qu'en respectant et protégeant la fonction vitale de la propriété privée dans sa valeur personnelle et sociale. Mais « quand la distribution de la propriété est un obstacle à cette fin — sans que cela ne résulte toujours ni nécessairement de l'étendue du patrimoine privé — l'Etat, dans l'intérêt du bien commun, peut intervenir pour régler son usage ou aussi, s'il n'est pas possible de pro-




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