Pie XII 1957 - NOTE CONDAMNANT L'EMPLOI DES ARMES NUCLÉAIRES


ALLOCUTION A DES JOURNALISTES AMÉRICAINS

(25 avril 1957) 1






Recevant en audience un groupe de journalistes américains, venus à Rome pour l'inauguration d'une nouvelle ligne aérienne, le Pape leur a adressé en anglais quelques paroles de bienvenue, dont voici la traduction :

Messieurs de la presse et de l'air. C'est une visite inattendue que la vôtre, mais vraiment la bienvenue. Il est intéressant de constater que l'esprit de Colomb est encore vivant ; et que les hommes cherchent à découvrir de nouvelles voies pour relier l'Ancien Monde au Nouveau. Mais qu'avez-vous à dire de la mer en colère qui retrousse ses lèvres et montre les dents, tandis que les vents oublient leur route ? Votre voyage vous emporte au-dessus des terribles et impressionnants événements de cette terre et sous l'étendue d'un ciel sans nuages, seuls le soleil chaud et les étoiles brillantes guident votre chemin.

Mais votre profession, messieurs de la presse, vous maintient très près de cette terre, avec ses masses inquiètes, souvent assez désorientées et aveugles et avec les promesses et espérances et les menaces de chaque jour. Plus d'une fois, Nous avons eu l'occasion de Nous adresser à la presse ; mais aujourd'hui Nous devons être bref. Vous comprenez la grave responsabilité qui pèse sur vous. Soyez-en conscients quand vous écrivez. Vous avez vos principes éthiques, dignes d'un art noble ; cependant vous conviendrez qu'il existe une mauvaise presse qui méprise ces normes. Apportez le poids de votre honneur loyal et de votre courageux exemple pour prévenir le mal qu'elle peut faire. Com-

bien la calomnie et le scandale sont rapides à se propager ! Un murmure, peut-être inoffensif bien que sans fondement, est mis en relief sous des titres démesurés, et quel mal peut-il causer dans la vie familiale, dans celle des individus et des nations ! Un succès de journalisme ne vaut pas le profond sentiment de honte de celui qui se rend coupable d'un tel acte.

Votre tâche n'est pas facile et c'est précisément pour cela que le service authentique que vous pourrez offrir à la société est inestimable. Le flot d'erreurs et les principes de fausse morale diffusés par les techniques actuelles de diffusion font frémir. Nous prions Dieu afin qu'il vous renforce dans votre ferme résolution de répondre à votre haute vocation, de telle sorte que, toujours attentifs à vos devoirs envers des milliers et millions de personnes qui peuvent être influencées par ce que vous écrivez, vous puissiez leur donner à tout moment la seule vérité, dans la mesure où une sérieuse enquête de votre part peut la vérifier. Notre Bénédiction et Nos meilleurs voeux vous accompagnent.

LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU IIe CONGRÈS NATIONAL FRANÇAIS DE L'ENSEIGNEMENT RELIGIEUX
(15 avril 1957) 1






A l'occasion du IIe Congrès national de l'enseignement religieux, tenu à Paris du 24 au 26 avril, et dont le thème était : « Foi d'enfant... foi d'adultes », Son Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secrétairerie d'Etat, a fait part des directives du Saint-Père pour les travaux de l'importante assemblée, en une lettre adressée en français à Son Excellence Mgr de Provenchères, archevêque d'Aix et président de la Commission episcopale de l'enseignement religieux. Voici le texte de ce document :

Le succès remporté, il y a deux ans, par le premier Congrès national de l'enseignement religieux, a montré le vif intérêt qu'en France prêtres et catéchistes laïcs attachent à ce grave sujet. Aussi le Saint-Père ne doute-t-il pas que le nouveau Congrès, qui réunira prochainement à Paris un nombre plus élevé encore de participants, ne soit, lui aussi, l'occasion d'une fructueuse contribution à l'oeuvre capitale de la formation religieuse de la jeunesse. De tout coeur, il forme à cette intention les meilleurs voeux et me charge de transmettre à Votre Excellence ses paternels encouragements.



Pas de véritable éducation religieuse qui ne soit oeuvre d'Eglise.

1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, LIV, col. 607. Les sous-titres sont de la Documentation Catholique.




Sa Sainteté sait d'ailleurs avec quelle attention la Commission episcopale de renseignement religieux a suivi la préparation de ces assises, qui seront honorées de la présence de plusieurs



membres de la hiérarchie. N'est-ce pas là pour les congressistes un motif de confiance et un gage de succès ? Si comme le rappelait tout récemment Sa Sainteté, l'évêque « vrai docteur et pasteur de son troupeau », est à tous égards « responsable de l'apostolat dans son diocèse, responsable de la doctrine qu'on y enseigne »J, cette vérité prend encore plus de relief quand il s'agit de cette forme éminente de l'apostolat qu'est l'exacte transmission du dépôt de la foi.

Aussi bien les membres de la prochaine assemblée, convaincus de la grandeur de leur tâche de catéchistes, aimeront-ils placer leurs travaux sous le signe d'une docilité toute particulière envers l'Eglise, qui les associe si étroitement à sa mission d'enseignement et dont l'expérience séculaire a permis d'éprouver la valeur de méthodes traditionnelles efficaces pour une formation catéchistique complète et adaptée de l'enfant et de l'adolescent.

L'objet même des débats qui porteront, cette année, sur les responsabilités des catéchistes dans l'éducation de la foi, n'invi-te-t-il pas précisément ces derniers à se tourner vers l'Eglise de Dieu ? C'est à elle qu'au début de la liturgie baptismale, le futur chrétien demande la foi ; c'est d'elle qu'il reçoit avec sécurité le contenu authentique de cette foi ; c'est elle encore qui alimente la foi et la confirme par la grâce de ses sacrements. En un mot, il n'est pas de véritable éducation religieuse qui ne soit essentiellement une oeuvre d'Eglise, liée à toute l'économie sacramentale, aux ressources de la liturgie, à la prédication de la parole de Dieu. Dans ces perspectives élargies, le rôle propre des catéchistes, qui est d'ouvrir l'esprit de l'enfant aux vérités surnaturelles, de l'initier à la pratique de la religion et de l'introduire dans la vie de la communauté chrétienne, prend sa vraie place par rapport à l'ensemble de l'action maternelle de l'Eglise.



L'éveil de la formation de la conscience chrétienne.

2 Lettre de Sa Sainteté Pie XII pour le Ille centenaire de la mort de M. Olier, cf. ci-! p. 127.




Ces considérations ont d'autant plus d'importance que, de nos jours, l'éducation d'une foi vive chez les jeunes se heurte à des difficultés accrues. Ils grandissent dans un monde dont la mentalité technique et utilitaire tend à faire disparaître le sens du mystère et du don gratuit de soi-même ; la maîtrise des passions y est souvent ardue et les enfants ne trouvent pas toujours, hélas ! un milieu familial ni un milieu scolaire propices à l'épanouissement de leur vie chrétienne. Au surplus, il leur sera bientôt demandé de savoir répondre de leur foi et de s'en faire même les apôtres autour d'eux, et cette action apostolique exige, tout autant que leur propre persévérance, d'être fondée sur la base de sérieuses connaissances doctrinales.

A tous ces titres, il apparaît fort opportun de réfléchir, au cours de ce Congrès, à la meilleure façon d'assurer dès l'enfance l'éveil et la formation de la conscience chrétienne. L'enseignement des vérités de la foi et des règles de la morale en est l'armature indispensable, mais les modalités de cet enseignement n'en sont pas moins importantes. « Faites, disait le Saint-Père à des prêtres chargés du catéchisme, faites en sorte que votre parole soit solide, claire, intéressante, vivante, chaude, proportionnée à l'intelligence et aux besoins spirituels de vos auditeurs. Elle ne sera telle que si vous connaissez à fond les conditions de leur vie personnelle, familiale et professionnelle, leurs difficultés, leurs luttes, leurs impressions, leurs aspirations, afin de répondre à leur attente, de les guider, de gagner leur pleine confiance. »

Il faut enfin prolonger cet enseignement par un exercice approprié des vertus et par une culture attentive de la piété, et c'est là que l'exemple des parents, le témoignage de militants laïcs adultes et une communauté paroissiale vivante sont, pour l'adolescent qui s'interroge sur sa foi, un signe précieux et un appui parfois irremplaçable.



De véritables vocations de catéchistes.

1 Discours du 10 mars 1948/ A. A. S., XXXX, p. 117 ; cf. Documents Pontificaux 194$, p. 116.




Toutes ces tâches, auxquelles d'ailleurs l'épiscopat de France a résolu de consacrer un examen particulier lors de sa prochaine Assemblée plénière, méritent de susciter aujourd'hui de véritables vocations de catéchistes, consacrés dans un esprit apostolique à l'enseignement religieux de la jeunesse, fiers de servir ainsi de plus près la hiérarchie, dociles à ses directives.

Déjà, beaucoup a été réalisé en France pour une meilleure formation pédagogique des maîtres et des éducateurs chargés d'enseigner la religion, comme aussi pour une plus étroite coordination des efforts au plan diocésain et au plan national.

Ces résultats substantiels sont pour tous un motif d'encouragement, et c'est très volontiers que le Saint-Père appelle, sur ces efforts entrepris sous l'égide de l'épiscopat, et notamment sur les travaux du Congrès, une large diffusion de grâces, en gage desquelles il accorde de grand coeur à Votre Excellence, à ses collaborateurs et à tous les congressistes la Bénédiction apostolique.

LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA IVe SEMAINE SOCIALE DE COLOMBIE
(18 avril 1957) 1






Par une lettre de Son Exc. Mgr Dell'Aequa, substitut de la Secré-tairerie d'Etat, au R. P. Carlos Ortiz Restrepo, S. ]., recteur de l'université « Xavérienne », le Souverain Pontife a fait parvenir ses directives à la IVe Semaine sociale de Colombie, qui s'est tenue à Bogota, en mai 1957. Voici la traduction française du document pontifical espagnol :

Le Souverain Pontife a appris avec une grande satisfaction que votre université, avec la Coordination nationale d'Action catholique, a préparé la célébration, déjà imminente, de la IVe Semaine sociale de votre pays afin d'étudier le problème de l'habitation en Colombie.

Sa Sainteté a vu avec un vif plaisir la sollicitude avec laquelle on a tenu à réunir ces importantes assemblées, consacrées aux questions sociales, et l'heureux choix du thème des discussions de celle-ci, en raison de l'intérêt exceptionnel que suppose pour les individus et les familles la possibilité de jouir de la paix d'une maison. C'est pour cela que, répondant avec bienveillance à la prière de Votre Révérence, Sa Sainteté désire que vous parviennent pour la circonstance quelques paroles d'encouragement et de bénédiction.



La crise du logement : causes et conséquences.

1 D'après le texte espagnol de l'Osservatore Romano, du 5 mai 1957, traduction française de l'Osservatore Romano hebdomadaire, éd. française, du 24 mai.




Le droit à l'habitation — comme celui à la nourriture et à l'habillement — est un des droits fondamentaux de la personne humaine et du citoyen. Le besoin qu'a l'homme d'une maison n'est pas seulement d'ordre matériel, mais fait partie de l'aspect social et moral de la vie ; aussi le problème de l'habitation, avant même d'être technique, est humain ; la construction des maisons et le plan des villes ne peuvent être séparés de l'idée qu'elles sont destinées à l'homme et à la famille.

L'individu et encore plus la famille ont des nécessités physiques et spirituelles, qui exigent que l'on habite dans une maison. La maison, dans sa conception chrétienne, est un foyer, un sanctuaire, une école, un atelier et un abri2, pour répondre à toutes les fonctions diverses. Aussi « ne pas avoir de maison, être sans toit et sans foyer... n'est-ce pas peut-être le symbole de la plus grande angoisse et misère ? »3. Et malheureusement, nombreux sont ceux qui se trouvent dans une telle situation, privés d'un foyer stable ou réduits à vivre dans des conditions tout à fait déplorables.

Ce phénomène de la pénurie de logements, si général à l'époque actuelle, à part des motifs de circonstances, comme l'ont été les guerres, provient de causes diverses : augmentation de la population due à la diminution du pourcentage de mortalité ; affluence continue des gens aux villes, où ils sont attirés par les avantages qu'ils croient y trouver ; désordres économiques ; élévation démesurée des prix du matériel de construction ; manque de moyens chez les gens les plus modestes.

Qui pourra mesurer les maux que cette grave situation a produits ? Dans les habitations insalubres, dans les taudis, les maladies se sont propagées, les vices ont pris naissance, on n'a pas pu éduquer les enfants ; l'unité de la famille s'est brisée, la haine ou le désespoir se sont développés.



Les moyens d'y remédier : les organisations de bienfaisance. . .

Ce triste spectacle a suscité partout un vif intérêt et le désir d'apporter une réponse à un problème si urgent.

1 Lettre de la Secrétairerie d'Etat à la Semaine sociale d'Espagne, 25 juin 1954 ;
Documents Pontificaux 1954, p. 251.

8 Cf. S. S. Pie XII, Discours aux jeunes époux, vol. I (Ed. St-Augustin), dise, du
*5 novembre 1939, p. 47.




Dans ce domaine, comme dans de nombreux autres, l'élément principal doit être l'initiative privée afin que l'habitation permette à l'homme de réaliser ses deux tendances de famille et de petite propriété.



Il faut susciter chez les individus un amour sain et vigoureux pour la maison personnelle ; les inciter à ce qu'ils tiennent, lorsqu'ils en ont la possibilité, à doter la famille d'un abri qui soit ensuite un patrimoine des enfants ; faire qu'ils aiment l'épargne ; et que, pénétrés d'esprit de collectivité, ils s'unissent avec d'autres pour constituer des coopératives et construire plus facilement leur habitation.

Il convient de citer le travail qui a été réalisé à ce sujet par des organismes de bienfaisance et par d'autres, spécifiques. Sans marchander les moyens et les prêts aux diverses initiatives, de nombreux organismes se sont constitués dans le but d'aider à résoudre ce problème. Ils ont imaginé mille formes, ils ont même fait appel à la charité fraternelle et ils ont vu leurs efforts couronnés en donnant un logement à de nombreux malheureux. Avec le même zèle, il y a eu des entreprises qui se sont souciées de procurer des habitations convenables à leurs ouvriers et employés, leur offrant ainsi une oasis de paix et de joie, afin que ayant récupéré leurs forces au sein de leurs foyers, ils retournent chaque jour au travail avec une nouvelle vigueur.



..le rôle des municipalités...

S. S. Pie XII, Discours à l'Institut romain des habitations à bon marché.




Dans cette question, un rôle très important doit être assumé par les municipalités. Les problèmes de l'organisation urbaine, spécialement quand elle concerne les faubourgs, exigent une prudente et ferme intervention municipale, afin que les capitaux ne se retirent pas du secteur de la construction. Il faut couper court aux prix abusifs des terrains. « Les autorités compétentes ne peuvent sans aucun doute abolir directement ou indirectement l'augmentation de valeur qui résulte uniquement de l'évolution des circonstances locales ; mais la fonction sociale de la propriété exige que ce gain n'empêche pas les autres de satisfaire de façon convenable et à un prix équitable une nécessité aussi essentielle que l'est celle de l'habitation » 4. L'organisation des zones de développement, les moyens de communication avec les centres de travail, l'emplacement des services publics sont des choses qui peuvent contrarier ou favoriser l'édification de maisons.

... l'action de l'Etat.

L'action de l'Etat peut être aussi décisive en ce qui concerne l'habitation : « Les pouvoirs publics doivent... la rendre réalisable, la favoriser et, en tout cas, ne pas s'opposer à l'initiative privée » 5. Un point capital de son intervention est une législation opportune qui règle les divers problèmes, spécialement l'aspect fiscal ; assurer la normalisation de la fourniture du matériel ; établir, dans la mesure des possibilités, un système de prêts et, quand la nécessité l'exige, construire même pour son propre compte un nombre de logements qui remédie aux tristes situations, où de nombreuses personnes demeurent dans la même habitation ou « vivent dans des baraques improvisées, dans des grottes que l'on ne destinerait même pas aux animaux » 6.

L'Eglise, toujours préoccupée du bien-être de ses fils, y compris l'ordre matériel, a constamment rappelé à tous le devoir de s'occuper de ce problème, comme cela se fit à la conférence générale de l'Episcopat latino-américain, tenu à Rio de Janeiro en 1955 ; elle a donc confiance, en cette occasion, que les bons catholiques sauront profiter de la circonstance pour travailler, par l'exemple, à aider ceux qui ont besoin d'une habitation.

Animés du meilleur esprit, ils vont examiner à cette assemblée la situation concrète dans laquelle se trouve cette nation en ce qui concerne aussi bien les villes que les campagnes, s'ef-forçant de chercher une solution efficace à la crise du logement, conscients que, comme l'a dit le Saint-Père, « tous ceux qui s'appliquent à y apporter un remède... réalisent, même si ce n'est qu'indirectement, un apostolat d'une valeur éminente » 7.

5 Ibid.

6 S. S. Fie XII, radiomessage de Noël 1952 ; Documents Pontificaux 1952, p. 561.

? Discours au Front de la famille. 26 novembre Ï951 ; Documents Pontificaux 1931, P- 545-




Le Souverain Pontife demande au Seigneur qu'il les illumine dans une tâche si noble et si chrétienne, en même temps qu'il envoie de tout coeur à Votre Révérence, aux organisateurs et à tous ceux qui viennent en aide ou assistent à la Semaine sociale la Bénédiction apostolique.




LETTRE ENCYCLIQUE «FIDEI DONUM» SUR LA SITUATION DES MISSIONS CATHOLIQUES NOTAMMENT EN AFRIQUE

(21 avril 1957) 1






Le 21 avril, en la fête de la Résurrection, le Souverain Pontife a adressé, par lettre encyclique, un vif appel à l'Episcopat du monde catholique en faveur des Missions. Cet important document concerne avant tout les nécessités des missions africaines, qui vivent des années peut-être décisives pour l'avenir du catholicisme sur le continent noir. Voici la traduction du texte original latin :

Les incomparables richesses que Dieu dépose en nos âmes avec le don de la foi sont le motif d'une inépuisable gratitude. Cette foi, en effet, nous introduit dans les secrets mystères de la vie divine ; en elle, reposent toutes nos espérances et elle constitue dès ici-bas le lien de la communauté chrétienne : Unus Do-minus, una fides, unum baptisma (Eph. iv, 5). Elle est, par excellence, le don qui fait monter à nos lèvres l'hymne de la reconnaissance : Quid retribuam Domino pro omnibus quae retribuit mihi ? (Ps. cxv, 12). Pour ce don divin, qu'offrir au Seigneur, outre notre propre fidélité, sinon notre zèle à répandre parmi les hommes les lumières de la vérité divine ? L'esprit missionnaire, qu'anime le feu de la charité, est en quelque sorte la première réponse de notre gratitude envers Dieu : pour la foi que nous avons reçue de vous, voici que nous vous offrons, Seigneur, la foi de nos frères !

Aussi bien, considérant la foule innombrable de Nos fils qui, spécialement dans les pays d'ancienne chrétienté, bénéficient des richesses surnaturelles de la foi et, par ailleurs, la foule plus innombrable encore de ceux qui attendent toujours le message du salut, Nous voulons vous exhorter instamment, Vénérables Frères, à soutenir par votre zèle la cause sacrée de l'expansion de l'Eglise dans le monde. Dieu veuille qu'à Notre appel l'esprit missionnaire pénètre plus profondément au coeur de tous les prêtres et, par leur ministère, enflamme tous les fidèles !

2 Cf. Lettre apost. Maximum illud, de Benoît XV ; A. A. S., 11, 19x9, pp. 440 et suiv. -Homélie Accipietis virtutem, de Pie XI ; A. A. S., 14, 1922, pp. 344 et suiv. - Lettre encycl. Rerum Ecclesiae, de Pie XI ; A. A. S., 18, 1926, pp. 65 et suiv. - Encycl. Evangelii praecones, de Pie XII ; A. A. S., XXXXIII, 1951, pp. 497 et suiv.

3 A. A. S., XXXXIV, p. 370 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 130.




Ce n'est certes pas la première fois, vous le savez, que Nos prédécesseurs et Nous-même vous entretenons de ce grave sujet bien propre à nourrir la ferveur apostolique des chrétiens, éveillés aux devoirs que leur crée la foi reçue de Dieu 2. Que cette ferveur s'oriente donc vers les régions déchristianisées d'Europe et vers les vastes contrées d'Amérique du Sud, où Nous savons que les nécessités sont grandes ; qu'elle se mette au service de tant d'importantes missions d'Asie ou d'Océanie, là surtout où se livre un combat difficile ; qu'elle soutienne fraternellement ces milliers de chrétiens spécialement chers à Notre coeur, qui sont l'honneur de l'Eglise parce qu'ils connaissent l'évangélique béatitude de ceux « qui souffrent persécution pour la justice » (Mt 5, io) ; qu'elle prenne en pitié la détresse spirituelle des innombrables victimes de l'athéisme moderne, des jeunes surtout qui grandissent dans l'ignorance et parfois même la haine de Dieu. Autant de tâches nécessaires, pressantes, qui exigent de tous comme un sursaut d'énergie apostolique faisant se lever « d'immenses phalanges d'apôtres, semblables à celles que connut l'Eglise à son aube » 3. Mais, tout en conservant présentes à Notre pensée et à Notre prière ces tâches indispensables, en les recommandant même à votre zèle, il Nous a semblé opportun d'orienter aujourd'hui vos regards vers l'Afrique, à l'heure où celle-ci s'ouvre à la vie du monde moderne et traverse les années les plus graves peut-être de son destin millénaire.




I.



LA SITUATION EN AFRIQUE

REGARDS SUR CE CONTINENT

L'expansion de l'Eglise en Afrique, au cours de ces dernières décades, est pour les chrétiens un sujet de joie et de fierté. Selon l'engagement que Nous prenions, au lendemain de Notre élévation au Souverain Pontificat, « de n'épargner aucune fatigue pour que... la croix, dans laquelle résident le salut et la vie, étende son ombre jusqu'aux plages les plus éloignées du monde » 4, Nous avons favorisé de tout Notre pouvoir les progrès de l'Evangile sur ce continent. Les circonscriptions ecclésiastiques s'y sont multipliées ; le nombre des catholiques a considérablement augmenté et continue de s'accroître à un rythme rapide. Nous avons eu la joie surtout d'instituer en de nombreux pays la hiérarchie ecclésiastique et d'élever déjà plusieurs prêtres africains à la plénitude du sacerdoce, conformément au « but dernier » du travail missionnaire qui est « d'établir fermement et définitivement l'Eglise chez de nouveaux peuples »B. Ainsi, dans la grande famille catholique, les jeunes églises africaines prennent aujourd'hui leur place légitime, saluées d'un coeur fraternel par les diocèses plus anciens, leurs aînés dans la foi.

4 Allocution du 12 mai 1939, cf. Discorsi e radiomessaggi, 1, p. 87. 6 Encycl. Evangelii praecones, A. A. S., XXXXIII, p. 507 ; cf. Document Pontificaux 1951, p. 207.

6 Ibid., p. 505, resp. p. 204.




Ces résultats si réconfortants, des légions d'apôtres, prêtres, religieux et religieuses, catéchistes, collaborateurs laïques, les ont obtenus au prix d'un labeur dont Dieu seul connaît les sacrifices cachés. A tous et à chacun d'eux, va Notre reconnaissance paternelle et Nos félicitations : là comme partout, l'Eglise peut être fière de l'oeuvre de ses missionnaires. Et pourtant l'ampleur de l'oeuvre réalisée ne saurait faire oublier que « le travail qui reste à faire demande un immense effort et d'innombrables ouvriers » e. Au moment où l'instauration de la hiérarchie pourrait à tort laisser croire que l'action missionnaire est sur le point de s'achever, plus que jamais la sollicitude de toutes les églises (2Co 11,28) du vaste continent africain angoisse Notre âme.

Comment, en effet, Notre coeur ne se serrerait-il pas quand, de ce Siège apostolique, Nous considérons les graves problèmes qu'y posent l'extension et l'approfondissement de la vie chrétienne, quand Nous comparons à l'ampleur et à l'urgence des tâches à accomplir le nombre infime des ouvriers apostoliques et leur manque de ressources. C'est cette souffrance que Nous vous confions, Vénérables Frères, et Nous aimons à penser que la promptitude et la générosité de votre réponse fera luire à nouveau l'espérance au coeur de tant de valeureux apôtres.

Les conditions générales dans lesquelles doit se poursuivre en Afrique le travail de l'Eglise vous sont connues. Elles sont difficiles. La plupart des territoires traversent une phase d'évolution sociale, économique et politique, qui est de grande conséquence pour leur avenir, et il faut bien reconnaître que les nombreuses incidences de la vie internationale sur les situations locales ne permettent pas toujours aux hommes les plus sages de ménager les étapes qui seraient nécessaires au vrai bien des populations. L'Eglise qui, au cours des siècles, vit déjà naître et grandir tant de nations, ne peut qu'être particulièrement attentive aujourd'hui à l'accession de nouveaux peuples aux responsabilités de la liberté politique. Plusieurs fois déjà Nous avons invité les nations intéressées à procéder dans cette voie selon un esprit de paix et de compréhension réciproque. « Qu'une liberté politique juste et progressive ne soit pas refusée à ces peuples (qui y aspirent) et qu'on n'y mette pas obstacle », disions-Nous aux uns ; et Nous avertissions les autres de « reconnaître à l'Europe le mérite de leur avancement ; sans son influence, étendue à tous les domaines, ils pourraient être entraînés par un nationalisme aveugle à se jeter dans le chaos ou dans l'esclavage » 1. En renouvelant ici cette double exhortation, Nous formons des voeux pour que se poursuive en Afrique une oeuvre de collaboration constructive, dégagée de préjugés et de susceptibilités réciproques, préservée des séductions et des étroitesses du faux nationalisme, et capable d'étendre à ces populations, riches de ressources et d'avenir, les vraies valeurs de la civilisation chrétienne qui ont déjà porté tant de bons fruits en d'autres continents.

7 Radiomessage de Noël 1955, A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 40 ; cf. Documents Pontificaux 1955, p. 482.




Nous savons malheureusement que le matérialisme athée a répandu en bien des contrées d'Afrique son virus de division, attisant les passions, dressant les uns contre les autres peuples et races, prenant appui sur des difficultés réelles pour séduire les esprits par de faciles mirages ou semer la révolte dans les coeurs. Dans Notre sollicitude pour un authentique progrès humain et chrétien des populations africaines, Nous tenons à renouveler ici à leur intention les graves et solennels avertissements que Nous avons déjà maintes fois adressés sur ce point aux catholiques du monde entier ; Nous félicitons leurs pasteurs d'avoir déjà, en plusieurs circonstances, dénoncé fermement à leurs ouailles le péril que leur font courir ces faux bergers.

Mais tandis que les ennemis du nom de Dieu déploient sur ce continent leurs efforts insidieux ou violents, il faut encore déplorer de graves obstacles qui contrarient en certaines régions les progrès de l'évangélisation. Vous savez notamment l'attrait facile qu'exerce sur l'esprit d'un grand nombre une conception religieuse de la vie qui, tout en se réclamant hautement de la Divinité, engage néanmoins ses adeptes dans une voie qui n'est pas celle de Jésus-Christ, unique Sauveur de tous les peuples. Notre coeur de Père demeure ouvert à tous les hommes de bonne volonté ; mais, vicaire de Celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie, Nous ne pouvons pas considérer sans vive douleur un tel état de choses. Les causes d'ailleurs en sont multiples ; elles tiennent souvent à l'histoire récente, et l'attitude de nations qui s'honorent pourtant de leur passé chrétien n'y fut pas toujours étrangère. Il y a là, pour l'avenir catholique de l'Afrique, un motif de sérieuses préoccupations. Les fils de l'Eglise comprendront-ils notamment l'obligation d'aider plus efficacement et en temps utile les missionnaires de l'Evangile à annoncer la vérité salvatrice aux quelque 85 millions d'Africains de race noire encore attachés aux croyances païennes ?

Ces considérations, au surplus, sont aggravées par une précipitation générale des événements, dont les évêques et les élites catholiques d'Afrique ont une vive conscience. Au moment où se cherchent des structures nouvelles et où certains peuples risquent de s'abandonner aux prestiges les plus fallacieux de la civilisation technique, l'Eglise a le devoir de leur offrir, dans toute la mesure du possible, les substantielles richesses de sa doctrine et de sa vie, animatrices d'un ordre social chrétien. Tout retard serait lourd de conséquences. Les Africains, qui parcourent en quelques décades les étapes d'une évolution que l'Occident a mis plusieurs siècles à accomplir, sont plus facilement ébranlés et séduits par l'enseignement scientifique et technique, qui leur est dispensé, comme aussi par les influences matérialisantes qu'ils subissent. Des situations difficilement réparables peuvent de ce fait se créer ici ou là et nuire par la suite à la pénétration du catholicisme dans les âmes et dans les sociétés. Il faut, dès aujourd'hui, donner aux pasteurs des possibilités d'action proportionnées à l'importance et à l'urgence de la conjoncture actuelle.

L'APOSTOLAT MISSIONNAIRE

Or, à de rares exceptions près, ces possibilités d'action missionnaire sont encore sans proportion avec l'oeuvre à accomplir ; et, si cette pénurie n'est hélas pas propre à l'Afrique, elle y est néanmoins très vivement ressentie en raison des circonstances. Il ne Nous paraît pas inutile, Vénérables Frères, de vous donner sur ce point quelques précisions.

Dans les missions récentes, par exemple, fondées parfois il y a quelque dix années à peine, on ne peut espérer avant longtemps une aide notable du clergé local et les trop rares missionnaires, répartis sur d'immenses territoires, où travaillent d'ailleurs d'autres confessions non-catholiques, ne peuvent plus répondre à tous les appels. Ici, 40 prêtres pour près d'un million d'âmes, dont 25.000 seulement sont converties. Là, ce sont 50 prêtres pour une population de deux millions d'habitants, où déjà 60.000 fidèles suffiraient à absorber le temps des apôtres. A lire de tels chiffres, un coeur chrétien ne peut rester insensible. Vingt prêtres de plus dans telle région permettrait aujourd'hui d'y planter la croix, alors que demain cette terre, travaillée par d'autres ouvriers que ceux du Seigneur, sera peut-être devenue imperméable à la vraie foi. Et d'ailleurs, il ne suffit pas d'annoncer l'Evangile : dans la conjoncture sociale et politique que traverse l'Afrique, il faut très tôt former une élite chrétienne au sein d'un peuple encore néophyte ; mais dans quelle proportion ne faudrait-il pas alors multiplier le nombre des missionnaires pour leur permettre d'accomplir ce travail d'éducation personnelle des consciences ? Une telle pénurie d'hommes au surplus se double presque toujours d'un manque de ressources qui confine parfois au dénuement. Qui donnera à ces missions nouvelles, situées en général dans des régions pauvres mais importantes pour l'avenir de l'évangélisation, l'aide généreuse dont elles ont un si pressant besoin ? Le missionnaire souffre d'être aussi démuni de moyens devant de telles tâches : il ne demande pas qu'on l'admire, mais bien plutôt qu'on l'aide à fonder l'Eglise là où il est encore possible de le faire.

Dans des missions plus anciennes, où la proportion déjà considérable des catholiques et leur ferveur sont pour Notre coeur un motif de joie, les conditions de l'apostolat, pour être différentes, n'en sont pas moins préoccupantes. Là aussi le manque de prêtres se fait cruellement sentir. Ces diocèses ou vicariats apostoliques doivent, en effet, développer sans retard les oeuvres indispensables à l'expansion et au rayonnement du catholicisme ; il faut fonder des collèges et répandre l'enseignement chrétien à ses différents degrés ; il faut créer des organismes d'action sociale qui animent le travail des élites chrétiennes au service de la cité ; il faut multiplier sous toutes ses formes la presse catholique et se préoccuper des techniques modernes de diffusion et de culture, car on sait l'importance, de nos jours, d'une opinion publique formée et éclairée ; il faut surtout donner un essor croissant à l'Action catholique et satisfaire les besoins religieux et culturels d'une génération qui risquerait, faute d'aliments suffisants, d'aller chercher hors de l'Eglise sa nourriture. Or, pour faire face à ces tâches multiples, les pasteurs ont besoin, non seulement de ressources accrues, mais aussi et surtout de collaborateurs préparés à ces ministères plus différenciés et, à ce titre, plus difficiles. De tels apôtres ne peuvent s'improviser ; souvent ils font défaut, et pourtant la tâche est urgente si l'on ne veut pas perdre la confiance d'une élite qui monte. Nous disons ici toute Notre gratitude aux congrégations religieuses, aux prêtres et aux militants laïques qui, comprenant la gravité de l'heure, se sont portés, spontanément parfois, à la rencontre de ces besoins. De telles initiatives ont déjà porté des fruits et, unies au dévouement de tous, elles permettent de grands espoirs ; mais Nous devons à la vérité de dire que le travail en ce domaine reste immense.

Il n'est pas jusqu'au progrès même des missions qui ne pose à l'Eglise, en certains territoires, une difficulté nouvelle. Car le succès de l'évangélisation appelle un accroissement proportionné du nombre des apôtres, sous peine de compromettre cette avancée magnifique. Or, les congrégations missionnaires sont sollicitées de toutes parts et leur recrutement insuffisant ne leur permet pas de répondre à tant de demandes simultanées. Sachez, Vénérables Frères, que la proportion du nombre des prêtres par rapport à celui des fidèles diminue en Afrique. Certes, le clergé africain augmente ; mais ce n'est pas avant bien des années qu'il pourra, dans ses propres diocèses, tenir pleinement sa place, toujours aidé d'ailleurs par ceux qui furent ses maîtres dans la foi. Dans l'immédiat, ces jeunes chrétientés d'Afrique ne peuvent pas, avec leurs ressources actuelles, suffire à la tâche dans la période décisive qu'elles traversent. Les difficultés d'une semblable situation éveilleront-elles enfin à leur devoir missionnaire tant de Nos fils, qui ne remercient pas assez Dieu du don de la foi reçue dans leur famille chrétienne et des moyens de salut offerts comme à portée de la main ?

II.

LE CONCOURS DE TOUTE L'ÉGLISE

Ces conditions d'apostolat, que Nous venons de vous décrire à grands traits, Vénérables Frères, font clairement ressortir qu'il ne s'agit plus en Afrique d'un de ces problèmes restreints et localisés qu'on aurait le loisir de résoudre progressivement et indépendamment de la vie générale de la chrétienté. Si autrefois « la vie de l'Eglise, sous son aspect visible, déployait sa vigueur de préférence dans les pays de la vieille Europe, d'où elle se répandait... vers ce qu'on pouvait appeler la périphérie du monde ; aujourd'hui, elle se présente au contraire comme un échange de vie et d'énergie entre tous les membres du Corps mystique du Christ sur la terre »8. Les retentissements de la situation catholique en Afrique débordent largement les frontières de ce continent ; et c'est de toute l'Eglise que, sous l'impulsion de ce Siège apostolique, doit venir la réponse fraternelle à tant de besoins.

Radio-message de Noël 1945, cf. A. A. S., 38, 1946, p. 20.

Ce n'est donc pas en vain qu'à une heure importante de l'expansion de l'Eglise, Nous Nous tournons vers vous, Vénérables Frères. « Que si, dans notre organisme mortel, lorsqu'un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui (1Co 12,26), les membres sains prêtant leur secours aux malades, de même dans l'Eglise chaque membre ne vit pas uniquement pour lui, mais il assiste aussi les autres et tous s'aident réciproquement pour leur mutuelle consolation aussi bien que pour un meilleur développement de tout le corps » 9. Or, les évêques ne sont-ils pas, en vérité, « les membres les plus éminents de l'Eglise universelle, ceux qui sont reliés à la tête divine de tout le corps par un lien tout particulier et sont de ce fait justement appelés « les premiers membres du Seigneur » (Greg.) » 10. N'est-ce pas d'eux plus que de tout autre qu'il faut dire que le Christ, tête du Corps mystique, « requiert le secours de ses membres : tout d'abord parce que le Souverain Pontife tient la place de Jésus-Christ et qu'il doit, pour ne pas être écrasé par sa charge pastorale, appeler un bon nombre à prendre une part de ses soucis » 11 ?

Unis par un lien plus étroit tant au Christ qu'à son vicaire, vous aimerez, Vénérables Frères, prendre votre part, dans un esprit de vive charité, de cette sollicitude de toutes les églises qui pèse sur Nos épaules (2Co 11,28). Vous aimerez, vous que presse la charité du Christ (2Co 5,4), ressentir profondément avec Nous l'impérieux devoir de propager l'Evangile et de fonder l'Eglise dans le monde entier ; vous aimerez répandre parmi votre clergé et votre peuple un esprit de prière et d'entraide élargi aux dimensions du Coeur du Christ. « Si tu veux aimer le Christ, disait saint Augustin, étends la charité par toute la terre, car les membres du Christ sont sur la terre entière » 12.

Encycl. Mystici Corporis, cf. A. A. S., 35, 1943, p. 200. Ibid., p. 221. Ibid., p. 213.
In Epist. Ioannis ad Parthos, Tr. X, n. 8 : P. L., 35, 2060.


Sans doute est-ce au seul apôtre Pierre et à ses successeurs, les Pontifes romains, que Jésus confia la totalité de son troupeau : Pasce agnos meos, pasce oves meas (Jean xxi, 16-18) ; mais, si chaque évêque n'est pasteur propre que de la portion du troupeau confié à ses soins, sa qualité de légitime successeur des apôtres par institution divine le rend solidairement responsable de la mission apostolique de l'Eglise, selon la parole du Christ à ses apôtres : Sicut misit me Pater, et ego mitto vos (Jean xx, 21). Cette mission, qui doit embrasser toutes les nations et tous les temps (Mt 28,19-20), n'a pas cessé à la mort des apôtres ; elle dure en la personne de tous les évêques en communion avec le vicaire de Jésus-Christ. En eux, qui sont par excellence les envoyés, les missionnaires du Seigneur, réside dans sa plénitude « la dignité de l'apostolat, qui est la première dans l'Eglise », comme l'atteste saint Thomas d'Aquin 13. Et c'est de leur coeur que ce feu apostolique, apporté par Jésus sur la terre, doit se communiquer au coeur de tous Nos fils et y susciter une ardeur nouvelle pour l'action missionnaire de l'Eglise dans le monde.

Cette ouverture aux besoins universels de l'Eglise n'est-elle pas, au surplus, la plus propre à manifester de façon vivante et vraie la catholicité de l'Eglise ? « L'esprit missionnaire et l'esprit catholique, disions-Nous naguère, sont une seule et même chose. La catholicité est une note essentielle de la vraie Eglise : au point qu'un chrétien n'est pas vraiment attaché et dévoué à l'Eglise, s'il n'est pas également attaché et dévoué à son universalité, désirant qu'elle s'implante et qu'elle fleurisse en tous lieux de la terre » 14. Rien donc n'est plus étranger à l'Eglise de Jésus-Christ que la division ; rien n'est plus nocif à sa vie que l'isolement, le repli sur soi et toutes les formes d'égoïsme collectif qui font se refermer sur elle-même une communauté chrétienne particulière, quelle qu'elle soit. « Mère de toutes les nations et de tous les peuples, non moins que de tous les individus », l'Eglise, Sancta Mater Ecclesia, « n'est et ne peut être étrangère en aucun lieu ; elle vit, ou du moins par sa nature elle doit vivre dans tous les peuples » 15. Inversement, pourrions-Nous dire, rien de ce qui touche à l'Eglise, notre mère, n'est et ne peut être étranger à un chrétien : de même que sa foi est la foi de toute l'Eglise, que sa vie surnaturelle est la vie de toute l'Eglise, ainsi les joies et les angoisses, les perspectives universelles de l'Eglise seront les perspectives normales de sa vie chrétienne ; spontanément alors, les appels des Pontifes romains pour les grandes tâches apostoliques à travers le monde retentiront en son coeur, pleinement catholique, comme les appels les plus chers, les plus graves et les plus pressants.


Expos, in Epist, ad Rom., c. 1, lect. l. Ed. Parmae, 1862, 13, 4. Radiomessage du 24 novembre 1946, cf. Discorsi e radiomessaggi, 8, p. 328. Radiomessage de Noël 1945, cf. A. A.S., 38, 1946, p. 18.


Pie XII 1957 - NOTE CONDAMNANT L'EMPLOI DES ARMES NUCLÉAIRES