Pie XII 1957 - AUTOMATION ET ÉCONOMIE NATIONALE


III



AUTOMATION ET FORMATION PROFESSIONNELLE

Comme dans ce problème de l'automation, Notre attention s'adresse surtout à la personne humaine, en tant que sujet et objet de toute transformation sociale, Nous désirons ajouter certaines considérations au sujet du sort du travailleur dans une économie où domine l'automation. On entend dire que l'appareil automatique le libérera définitivement de la monotonie du travail, de l'uniformité de mouvements répétés sans fin ; que le fonctionnement des machines ne lui imposera plus, ainsi qu'à son groupe, un rythme de travail inexorable. Il se sentira maître de ce qui se passe, de ce qu'il surveille et vérifie avec responsabilité et compétence et, en cas de besoin, répare. Sans aucun doute la souffrance du travail l'atteindra-t-elle sous une autre forme : il y aura des postes où il devra surveiller pendant des heures et des heures, dans la solitude et les nerfs tendus, le fonctionnement surprenant de la production automatique. La parole biblique : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front » (Gen. m, 19) ne sera pas supprimée non plus par la nouvelle ère de l'automation, mais conservera sous de nouvelles formes sa vérité.



La nécessité d'un nombre croissant d'ouvriers qualifiés.

Le travailleur ne pourra plus se spécialiser dans un seul domaine de fonctions ; il devra avoir une variété intellectuelle et professionnelle pour pouvoir embrasser le fonctionnement et la coordination des appareils les plus divers. De la sorte, selon les expériences faites jusqu'à présent, le nombre des travailleurs non qualifiés ira en diminuant, tandis que s'accroîtra proportionnellement celui des ouvriers instruits et complètement formés. Déjà, dès à présent, le manque constant de travailleurs pleinement qualifiés démontre que le plus grand poids du travail repose sur ceux-ci. Mais cela signifie que l'on réclame sans cesse davantage de variété intellectuelle, d'instruction professionnelle, de sûreté et de promptitude à assumer des responsabilités.

Mais ces hommes ne peuvent se former eux-mêmes rapidement par un processus automatique d'instruction. Il faut permettre qu'ils croissent dans leur éducation professionnelle, comme dans toute autre. On ne peut donc renoncer au long apprentissage suivi jusqu'à présent aussi bien dans les entreprises elles-mêmes que dans les écoles spéciales.

Cette éducation doit certes s'adapter aux exigences du progrès technique et assurer un solide savoir et une expérience professionnelle. Mais pour être une véritable éducation, elle doit embrasser tout l'homme, parce que, dans les organisations de l'économie moderne, les qualités du caractère chez le travailleur ont une importance décisive. En outre, comme une capacité d'adaptation particulière est réclamée, et que le travailleur moderne doit, au moins dans certaines limites, être capable d'embrasser tout l'ensemble de l'entreprise, de la branche de production, de l'économie nationale selon les diverses institutions que le droit moderne du travail a créées, il faut que la formation professionnelle et, même avant, l'école lui aient procuré une culture générale suffisante.

L'organisation des loisirs.

Nous pensons que le travailleur ainsi formé pourra également résoudre le problème du temps libre, que posera l'automation. Celui qui a justement compris le sens religieux, moral, professionnel du travail, comprendra d'autre part le sens du temps libre et saura aussi l'employer utilement. Il sera également préservé de la fausse idée que l'homme travaille pour jouir du temps libre, alors qu'en réalité il a le temps libre — outre que pour un naturel et honnête délassement, pour le perfectionnement de ses facultés et pour un meilleur accomplissement de ses devoirs religieux, familiaux et sociaux — pour se rendre physiquement et spirituellement plus apte au travail. A ce sujet, une utilisation inconsidérée de l'automation pourrait comporter des dangers assez graves, soit pour la moralité des personnes, soit, en conséquence, pour la saine organisation de la production et de la consommation dans l'économie nationale.

La formation professionnelle a donc une part importante dans l'éducation du peuple et dans l'élaboration d'une juste culture populaire. Si les problèmes urgents de l'automation incitent, surtout en Italie, à réfléchir et à agir à ce sujet, un grand pas aura été accompli. Ce n'est pas seulement l'élévation du revenu qui est importante, mais encore plus son emploi raisonnable. De même ce n'est pas la possession de droits sans cesse plus étendus qui est importante, mais leur juste usage. Tout cela d'ailleurs dépend de la fermeté intime des hommes.

Nous avons voulu vous exposer les idées qui Nous sont venues à l'esprit en prenant connaissance du matériel de vos études. Au cours de vos séances, vous approfondirez davantage et plus complètement l'examen d'une matière aussi vaste. Que Nos paroles vous expriment l'intérêt avec lequel Nous suivrons vos discussions et que Notre participation soit pour vous un motif d'encouragement et de réconfort. Daigne le Seigneur vous accorder l'abondance de ses grâces, en gage desquelles Nous vous donnons de tout coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.




DISCOURS AU CONGRÈS DE L'EUROPE

(13 juin 1957) 1






Le Saint-Père a reçu en audience spéciale plus de 1000 parlementaires de seize nations, réunis à Rome pour participer au Congrès de l'Europe.

Sa Sainteté leur a adressé en français le discours suivant :

Nous sommes heureux de vous recevoir, Messieurs, à l'occasion du Congrès d'Europe, réuni sur l'initiative du Conseil italien du Mouvement européen. Vous avez voulu par vos travaux contribuer à renforcer la collaboration entre les organisations et les forces politiques en vue de constituer sans retard l'unité de l'Europe.

Vous savez avec quelle sollicitude Nous suivons les progrès de l'idée européenne et des efforts concrets, qui tendent à la faire pénétrer davantage dans les esprits et à lui donner, suivant les possibilités actuelles, un commencement de réalisation. Bien que passant par des alternatives de succès et de revers, elle a, pendant ces dernières années, gagné beaucoup de terrain. Aussi longtemps, en effet, qu'elle ne s'incarnait pas dans des institutions communes douées d'une autorité propre et indépendantes, dans une certaine mesure, des gouvernements nationaux, on pouvait la considérer comme un idéal très beau sans doute, mais plus ou moins inaccessible.



Les premiers fondements d'une communauté européenne.

Or, en 1952, les parlements de six pays d'Europe occidentale, ont approuvé la formation de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), dont les résultats s'avèrent actuellement encourageants sur le plan économique et social. La

Communauté européenne de défense (CED), qui devait engager les efforts d'unification sur le plan militaire et politique, se heurta par contre à de vives résistances qui la firent échouer. A ce moment, beaucoup pensèrent que les premiers espoirs d'aboutir à l'unité mettraient longtemps à renaître. En tout cas, le moment d'aborder de face le problème d'une communauté supranationale n'était pas encore venu, et l'on dut se replier sur la formule de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) qui, outre l'assistance militaire, avait pour tâche de favoriser la collaboration dans le domaine social, culturel et économique. Mais, comme le principe de la décision majoritaire au Conseil des ministres y est soumis à d'étroites limitations, et comme l'assemblée n'est pas capable d'imposer sa volonté et d'exercer le contrôle parlementaire, on ne peut la considérer comme un fondement suffisant pour y édifier une vraie communauté d'Etats. Dès le printemps de 1955, s'amorçait ce qu'on a nommé « la relance européenne » ; elle allait aboutir le 25 mars 1957 à la signature des traités de l'Euratom et du Marché commun. Bien que cette communauté nouvelle soit restreinte au domaine économique, elle peut conduire, par l'étendue même de ce champ d'action, à affermir entre les Etats membres la conscience de leurs intérêts communs d'abord sur le seul plan matériel, sans doute, mais si le succès répond à l'attente, elle pourra ensuite s'étendre aussi aux secteurs qui engagent davantage les valeurs spirituelles et morales.

Votre congrès a regardé franchement vers l'avenir et examiné en premier lieu le point décisif, dont dépend la constitution d'une communauté au sens propre : l'établissement d'une autorité politique européenne possédant un pouvoir véritable qui mette en jeu sa responsabilité. De ce point de vue, l'exécutif de la Communauté économique européenne (CEE) marque un recul par rapport à celui de la Communauté du charbon et de l'acier, où la Haute Autorité jouit de pouvoirs relativement vastes et ne dépend du Conseil des ministres qu'en certains cas déterminés. Parmi les tâches, qui vous attendent maintenant, se place d'abord la ratification, par les divers parlements, des traités susdits signés à Rome le 25 mars ; puis vous aurez à chercher les moyens de pourvoir au renforcement de l'exécutif dans les communautés existantes, pour arriver enfin à envisager la constitution d'un organisme politique unique.



Une politique extérieure commune.

Vous avez étudié aussi la question d'une politique extérieure commune et noté à ce sujet que, pour être applicable et produire d'heureux résultats, elle ne suppose pas nécessairement que l'intégration économique soit déjà un fait accompli. Une politique extérieure européenne commune, susceptible d'ailleurs d'admettre des différenciations selon qu'elle s'exerce dans le cadre de tel ou tel organisme international, repose également sur la conscience d'intérêts communs économiques, spirituels et culturels ; elle devient indispensable dans un monde, qui tend à se grouper en blocs plus ou moins compacts. Les points d'appui ne manquent heureusement pas pour la mettre en oeuvre dans les institutions européennes existantes, mais elle attend encore un instrument efficace d'élaboration et d'application.

Enfin, vous avez considéré les problèmes de l'Association de l'Europe et de l'Afrique, auxquels le récent traité du Marché commun a réservé une place notable. Il Nous paraît nécessaire que l'Europe garde en Afrique la possibilité d'exercer son influence éducative et formative et qu'à la base de cette action, elle déploie une aide matérielle large et compréhensive, qui contribue à relever le niveau de vie des peuples africains et à mettre en valeur les richesses naturelles de ce continent. Ainsi prou-vera-t-elle que sa volonté de former une communauté d'Etats ne constitue pas un repliement égoïste, qu'elle n'est pas commandée par un réflexe de défense contre les puissances extérieures, qui menacent ses intérêts mais procède surtout de mobiles cons-tructifs et désintéressés.



Défendre l'Europe en défendant son patrimoine chrétien.

A l'heure actuelle, on aperçoit de plus en plus la nécessité de l'union et celle de poser patiemment les bases sur lesquelles elle s'appuiera. Tantôt dans la joie, tantôt dans la peine, la construction s'élève et, malgré les tentatives avortées, on la poursuit avec courage. Vous osez dépasser hardiment le stade de réalisations actuelles pour préparer déjà les pierres nécessaires à l'édifice de demain. Nous Nous en réjouissons, persuadé que l'inspiration qui vous anime procède d'un sentiment droit et généreux. Vous voulez procurer, par les meilleurs moyens possibles, à l'Europe tant de fois déchirée et ensanglantée, une cohésion durable, qui lui permette de continuer sa mission historique. S'il est vrai que le message chrétien fut pour elle comme le ferment déposé dans la pâte, qui la travaille et en fait lever la masse, il n'est pas moins vrai que ce même message reste, aujourd'hui comme hier, la plus précieuse des valeurs dont elle est dépositaire ; il est capable de garder dans leur intégrité et leur vigueur, avec l'idée et l'exercice des libertés fondamentales de la personne humaine, la fonction des sociétés familiale et nationale, et de garantir, dans une communauté supra-nationale, le respect des différences culturelles, l'esprit de conciliation et de collaboration avec l'acceptation des sacrifices qu'il comporte et les dévouements qu'il appelle. Aucune tâche d'ordre temporel n'arrive à son terme sans en susciter d'autres, sans soulever par sa réalisation même d'autres besoins, d'autres objectifs. Les sociétés humaines restent toujours en devenir, toujours en quête d'une meilleure organisation et souvent ne se survivent qu'en disparaissant et en donnant naissance par là même à des formes de civilisation plus brillantes et plus fécondes. A chacune, le christianisme apporte un élément de croissance et de stabilité ; surtout il dirige leur marche en avant vers un but bien défini et leur donne l'immuable assurance d'une patrie, qui n'est pas de ce monde et qui seule connaîtra l'union parfaite, parce que procédant de la force et de la lumière de Dieu même.

Nous souhaitons de tout coeur que cet idéal guide toujours vos recherches et vous permette de supporter sans découragement les fatigues, les amertumes, les déceptions inhérentes à toute entreprise de cette envergure. Puissiez-vous préparer aux hommes de ce temps une demeure terrestre qui ressemble davantage au Royaume de Dieu, Royaume de vérité, d'amour et de paix, auquel ils aspirent dans leur être le plus profond.

En gage des faveurs divines que Nous implorons sur vos travaux, Nous vous accordons pour vous-mêmes, vos familles et tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DE JEUNES PRÊTRES ESPAGNOLS



(14 juin 1957) 1





De jeunes prêtres du diocèse de Barcelone, venant de terminer leur année de formation pastorale au collège ecclésiastique de « San José Oriol », conformément aux prescriptions de la Constitution apostolique « Sedes Sapientiae », se sont rendus en pèlerinage à Rome. Ils furent reçus par le Saint-Père, qui leur adressa un discours en espagnol, dont voici la traduction :

Très chers fils, directeur et élèves du nouveau Collège sacerdotal du diocèse de Barcelone, vous avez voulu conclure les activités de la première année d'existence de votre centre en Nous faisant cette visite et en Nous donnant en même temps la satisfaction de pouvoir vous bénir et vous adresser quelques paroles d'approbation et d'encouragement. Nous l'avons fait bien souvent en des circonstances semblables à celle-ci, aussi pourrait-il être suffisant de Nous référer à ce qui a déjà été dit. Mais pour vous démontrer précisément Notre amour spécial pour votre institution naissante, pour le grand diocèse qu'elle représente et pour toute la jeunesse sacerdotale, en laquelle l'Eglise met tant d'espérances, Nous désirons vous suggérer, sous une forme pour ainsi dire synthétique, quelques idées qui pourraient faire l'objet de vos réflexions. C'est, si vous voulez que Nous le présentions ainsi, le père de vos âmes qui vous invite à méditer sur trois questions qui vous intéressent directement.

La nécessité d'une préparation immédiate à l'apostolat.

ï. Tout d'abord la nécessité de collèges comme le vôtre, où la jeunesse sacerdotale séjourne un certain temps afin de se préparer de façon spéciale à l'apostolat ;

a) c'est ce que semble exiger le monde moderne, où la diffusion de l'étude et de la culture est de plus en plus grande et où plus d'une fois aujourd'hui il n'est pas rare de trouver, outre le niveau moyen supérieur, de véritables petites élites qui réclament justement de leurs pasteurs et guides une préparation, qui, au cours des décades précédentes, ne paraissait pas aussi indispensable ;

b) il semble que le demande également l'évolution de la technique et de la spécialisation dans les moyens mêmes d'apostolat, qui sont en train de se transformer pour ainsi dire en une véritable science, qu'il est nécessaire d'aborder avec prudence, en se gardant de dangereuses improvisations et en se préparant d'une façon plus consciente et plus méthodique pour une plus grande efficacité de son travail et pour un plus grand profit de ces forces, dont la disproportion avec les besoins s'accentue, pourrions-Nous dire, tous les jours ;

c) c'est enfin réclamé par la nécessité d'accorder une période spéciale de formation intérieure à celui qui a terminé ses études et qui, en se trouvant en face de la réalité de la vie, peut comprendre, en plus grande connaissance de cause, le besoin de cet esprit surnaturel, au milieu d'un monde qui présente sans cesse de plus grands attraits naturels, tandis que, dans son tourbillon quotidien, il offre sans cesse moins de facilités pour le calme et la méditation qui doivent alimenter l'âme de l'apôtre.



Une formation sociale selon l'esprit de l'Eglise.

2. Car c'est là une des caractéristiques de Nos très chers fils, les jeunes prêtres, qui désirent aller sans cesse de l'avant dans tous les domaines, comme quelqu'un à la recherche de quelque chose d'indéfinissable, quelque chose de nouveau, surtout dans le domaine social, dont les exigences s'imposent de plus en plus par elles-mêmes. En tout moment et en toute occasion, la Chaire de Pierre n'a pas manqué d'éclaircir tous les problèmes et de donner les directives opportunes, comme le réclamaient les




JEUNES PRÊTRES ESPAGNOLS



329



circonstances. Aussi, aujourd'hui, voulons-Nous Nous limiter à vous rappeler :

a) que pour vous le progrès ne signifie pas une recherche anxieuse de nouveaux principes, mais l'application plus exacte des anciens et éternels principes qui ont eu leur principale expression dans l'Evangile ;

b) que ce progrès doit se réaliser non point sous une forme agitée et bruyante, mais bien avec la prudence et la mesure habituelle que l'esprit maternel de l'Eglise sait mettre en toutes choses et qui est si contraire à toute violence et à tout autre excès, inconciliables avec la fonction sacerdotale ;

c ) que l'on doit se garder de passivité et de complaisance tranquille ou intéressée, qui, dans un sens déterminé, pourrait sembler de la complicité, mais sans tomber dans l'excès complètement opposé, en ignorant que le ministre du Seigneur a une mission précise dans laquelle entrent tous les éléments qui forment la société, sans donner une préférence aujourd'hui aux uns et demain aux autres.



Primauté du spirituel dans la formation sacerdotale.

3. Enfin cette catégorie de préoccupations, si caractéristiques de notre temps et à l'égard desquelles l'Eglise non seulement ne reste pas en arrière, mais a été et continue d'être toujours la première à l'avant-garde, ne doit pas absorber votre pensée au point de vous faire oublier :

a ) que la mission du prêtre, même s'il ne peut se désintéresser de toutes ces prémisses, a comme principal but les âmes, la continuation du sacerdoce éternel du Christ, la gloire du Père qui est dans les cieux et la félicité éternelle de toutes les brebis confiées à ses soins, auxquelles il doit apprendre à voir les choses de cette vie comme un moyen pour obtenir les récompenses éternelles qui sont d'une plus grande valeur et d'une plus grande durée ; b) que pour un chrétien la solution de tous les problèmes, posés par la situation sociale de nos jours, ne peut consister en une lutte exaspérée qui en arrive jusqu'au désespoir et à la rupture, mais plutôt en l'harmonie sagement recherchée à la lumière des principes éternels et réalisée avec diligence en un commun accord ;

c) qu'au-delà du domaine de la justice, de cette justice qu'il n'est pas difficile d'exiger quand on travaille avec un esprit sain et des moyens licites, s'étend le domaine bien plus vaste de la charité, à laquelle il sera nécessaire de recourir, quand les solutions offertes par la justice ne suffisent pas.

Votre collège clôt maintenant sa première année d'existence. Que le Seigneur lui accorde encore autant de nombreuses années que le souhaite Notre coeur, pour le plus grand avantage de votre diocèse.

Il en est parmi vous qui ont choisi comme champ d'apostolat les terres d'outre-mer où se fait davantage sentir le manque de bras apostoliques. Que la générosité infinie du coeur de Jésus récompense leur sacrifice et les comble d'abondantes grâces.

Vous avez fait un voyage d'études pastorales à travers certaines villes d'Italie. Que le suprême et éternel Pasteur des âmes bénisse cette initiative si intelligente et fraternelle, car ce n'est certainement pas peu ce qu'on peut apprendre en observant attentivement le travail des autres.

Que la bénédiction de Dieu descende opportunément sur vous et sur votre collège, sur votre futur apostolat et tous vos projets et désirs, ainsi que sur vos familles et vos amis.


RADIOMESSAGE POUR LE 4508 ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE SAINT FRANÇOIS DE PAULE

(16 juin 1957) 1






En conclusion des célébrations du 450e anniversaire de la mort de saint François de Paule, patron des marins, qui se sont déroulées du 14 au 16 juin à Reggio de Calabre et à Messine, le Souverain Pontife a adressé un radiomessage en italien aux gens de mer d'Italie. En voici la traduction :

Chers fils, gens de mer de la nation italienne, dont l'activité Nous rappelle la tâche ardue de timonier de la barque mystique de Pierre, Nous vous adressons de tout coeur, sur les ondes de la radio, Notre parole à l'occasion du 450e anniversaire de la bienheureuse mort de votre patron céleste, saint François de Paule. Nous rappelant la tendresse avec laquelle le Rédempteur Jésus aima particulièrement les hommes des barques et des filets, en vivant au milieu d'eux et en les choisissant pour la dignité de « pêcheurs d'hommes » (Mt 4,19), Nous désirons vivement être présent en esprit parmi vous en cette heure de joie religieuse.

Vous êtes particulièrement chers à Notre coeur, vous qui êtes accourus dans la ville enchanteresse de Messine pour rendre l'hommage de votre fervente dévotion à votre célèbre protecteur ; vous qui Nous écoutez en sillonnant les océans, à bord de puissants navires ; vous, humbles pêcheurs des rivages italiens, travailleurs actifs des ports et des chantiers, vous tous qui faites de la mer comme votre demeure et que la mer embrasse, comme une mère d'une immense famille, procurant à chacun travail et subsistance.

La dévotion des marins d'Italie pour leur céleste patron.

Nous connaissons toute la pieuse reconnaissance avec laquelle les associations chargées de veiller sur les gens de mer, les sociétés de navigation et tous les marins de la nation italienne ont accueilli, voici quelques années, Nos lettres apostoliques par lesquelles Nous constituions et confirmions saint François de Paule comme leur patron céleste auprès de Dieu 2. On sait également que, dès lors, la vénération envers le saint thaumaturge de Paule, développée d'ailleurs par le zèle des excellents fils de son ordre sacré des Minimes, s'est salutairement répandue parmi vous, dans les ports, dans les villes côtières d'Italie, sur les navires marchands, dont plus de six cents — Nous a-t-on rapporté — ont voulu se parer de sa sainte Image portant gravée l'invocation ad litus educ Patriae, guide-nous vers le rivage de la patrie.

Vous avez ravivé une tradition séculaire de la population maritime italique, qui vénéra toujours dans le saint de Paule le doux protecteur, le compagnon fidèle des navigations sur mer, prompt à accomplir des prodiges pour sauver ses fidèles de périls extrêmes. En effet, dans presque toutes les villes maritimes italiennes, vos pères élevèrent des églises en son honneur, afin qu'elles fussent des centres de vie chrétienne pour les marins et un refuge de prière pour leurs familles. Nous désirons citer à la gloire du saint les noms des cités de Naples, Rimini, Ancône, Bari, Païenne, Messine, Milazzo, Cagliari, et, enfin, Gênes, où de la colline sur laquelle se dresse le sanctuaire de saint François, chaque soir la voix de sa cloche historique invite les fidèles à élever des prières pour les travailleurs de la mer.

L'admiration et la dévotion particulière des marins envers saint François de Paule ne sont pas seulement motivées par le fait qu'il est né dans une ville côtière ou qu'il a plusieurs fois traversé les mers, en accomplissant des miracles en faveur des navigateurs, mais aussi par les vertus sublimes qui ornèrent sa vie et dont certaines répondent admirablement au caractère et aux dons naturels des gens de mer.

2 Cf. A. A. S., 35, 1945, PP- 163-164.




Rappelez-vous la douce figure du Saint dans cet épisode prodigieux, transmis par les chroniques de l'époque, qui racontent le passage du détroit de Messine sur son manteau lacéré



posé sur les flots. Le zèle pour la gloire de Dieu et la charité envers le prochain l'inspirent ; la pauvreté volontaire et l'austérité, embrassées comme norme de vie, l'accompagnent ; une confiance illimitée en Dieu le soutient : tout cela dans une atmosphère de simplicité et d'humilité, propres à celui qui croit avec fermeté en la parole du Christ « Si vous avez de la foi comme un grain de sénevé, vous direz à cette montagne : Passe d'ici là, et elle y passera, et rien ne vous sera impossible » (Mt 17,20).

Vous admirez donc en saint François surtout l'humilité et la simplicité de vie, la rigueur de ses pénitences, sa charité envers le prochain et, bien plus, son amour envers Dieu, dont provenait son pouvoir de thaumaturge. Il est juste que les gens de mer estiment hautement ces vertus, parce qu'ils sont portés naturellement à la simplicité et à la modestie, parce qu'ils vivent presque continuellement au milieu des austérités et des rigueurs du travail, parce qu'ils se comportent avec courage au milieu des dangers et parce qu'ils se vouent au service du prochain. Or, comment pourrez-vous transformer ces dispositions naturelles en autant de vertus chrétiennes, fécondes et méritoires pour la vie éternelle ?

Votre Saint vous en dévoile le secret dans la devise que vous lisez sous ses images et qu'il ne se lassait pas de répéter comme unique message, mais suffisant, de la mission qui lui était confiée par Dieu sur la terre : Charitas, cette charité que l'apôtre saint Paul fixe comme base et sommet de toute perfection chrétienne dans son double objet, Dieu et le prochain.



Gens de mer, gens de Dieu.

Que les gens de mer soient en premier lieu des gens de Dieu ! Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement ? La mer ! Cette majestueuse créature de Dieu reflète son immensité dans ses horizons illimités ; sa beauté dans les jolies couleurs de ses eaux et dans l'enchantement de ses rives ; ses mystères de science et de sagesse dans les profondeurs de ses abîmes ; sa puissance irrésistible et parfois sa juste colère dans ses terribles tempêtes ; mais la mer reflète aussi, voire réalise, sa bénigne prévoyance par les inépuisables richesses de subsistance, qu'elle contient et qu'elle offre à tous les hommes laborieux. Vous êtes, vous gens de mer, en mesure d'entendre plus clairement sa voix dans le choeur de louange et de bénédiction que les créatures de l'univers, obéissant à l'invitation du Saint-Esprit, élèvent à leur Créateur et Seigneur : Benedicite maria et flumina Domino ; laudate et superexaltate eum in saecula (Dan. m, 78).

En réalité, combien de fois pour beaucoup d'entre vous, pêcheurs et navigateurs, qui passez sur les eaux la plus grande partie de votre vie, la mer se transforme en solennel temple de Dieu ! Lorsque la lumière de la première aube peint d'une couleur de perle la courbe extrême de l'horizon ; ou bien à Y ora que volge il disio - ai naviganti e intenerisce il core - lo di c'han detto a dolci amici addio (heure qui éveille le désir - chez les navigateurs et leur attendrit le coeur - le jour où ils ont dit adieu à des amis chers) 3 ou au coeur des nuits tranquilles, quand le firmament troué par des myriades d'étoiles, semble se pencher sur votre tête, comme pour écouter les plaintes de vos secrètes nostalgies ; la mer vous élève doucement à la contemplation des choses éternelles, vous suggère des expressions de prière intime, vous communique les élans de désirs infinis.

Ecoutez la voix de la mer et répondez à son invitation à adorer, aimer et servir Dieu, certains d'entrer de la sorte en possession du plein sens de la vie et de ses valeurs supérieures.



Rien n'est grand sans la charité.

3 Dante. Purg. 8, 1-3.




Mais, en outre, la charité provenant de l'amour du Père céleste et étendue à nos frères fortifie vos esprits dans l'exercice quotidien de vos activités, dont le but tend à l'avantage commun de la nation plus ouvertement et plus efficacement que beaucoup d'autres genres de travail. En effet, qui pourrait douter de la grande contribution économique donnée à la nation par les flottes affectées à la pêche et aux transports ? Les marines marchandes sont comme les poumons et les artères des nations, et grâce à elles s'accomplit en grande partie la collaboration pacifique des peuples dans le bien-être et dans le progrès. Parmi elles, une digne place est certainement occupée par la vôtre, dont la glorieuse tradition remonte à des siècles lointains et est maintenue par vous en grand honneur, malgré les ruines causées par la guerre et les difficultés présentes. Continuez donc à animer vos pacifiques flottes, en vous laissant guider par l'esprit chrétien et par l'amour de la patrie. L'un et l'autre concourront à vous rendre techniquement experts, chacun dans son grade et service, diligents dans le travail, prêts au sacrifice et parfois à l'héroïsme que votre devoir peut vous demander. Laissez-vous inspirer par saint François de Paule, qui, conduit par la volonté de Dieu en terre de France, démontra au roi et au peuple de cette noble nation, par la sainteté de sa vie et de ses oeuvres, qu'il était un digne héraut de civilisation et de christianisme.



Le lumineux exemple de saint François de Paule.

Vous avez donc un lumineux exemple dans votre saint patron ; mais, en même temps, vous trouvez en lui votre puissant intercesseur auprès de Dieu. Tout le monde sait combien est pénible la vie sur les navires, dans les ports, dans les chantiers, près des phares des côtes désertes. Ceux qui naviguent sentent particulièrement le poids des absences prolongées du nid de la famille, le manque de commodités matérielles, les tours de travail, principalement la nuit, et dans l'isolement. Bien qu'elle ait accompli d'admirables progrès pour assurer la sécurité de la navigation, la technique moderne n'a pas encore éliminé entièrement les dangers qui menacent les navires sur les océans. Ces conditions de vie, tout en constituant un titre d'honneur et un droit à la gratitude pour ceux qui les acceptent librement, exigent d'autre part chez ceux-ci un esprit solidement trempé, des efforts et des renoncements quotidiens ; mais elles réclament surtout l'assistance bienveillante du Tout-Puissant, entre les mains de qui se trouve placé le sort de toute vie humaine.

Pour que vous obteniez cette protection divine, votre patron céleste saint François ne manquera pas d'intercéder. Confiez à sa sollicitude auprès de Dieu vos navires, les chantiers, les ports, les phares, les filets, les machines, les barques fragiles. Placez, sous sa protection vos voyages, vos chères familles, vos espoirs et vos saints désirs, parce que la mer sera pour celui qui se confie au Ciel une amie toujours fidèle.

En élevant Nos humbles prières au Tout-Puissant, sous le regard maternel de Marie, souvent invoquée par vous comme « Etoile de la Mer », afin que Nos voeux soient acceptés par Dieu et se transforment en grâces et faveurs pour votre avantage temporel et éternel, Nous donnons à chacun de vous, à ceux qui vous sont chers et à votre chère patrie, Notre paternelle Bénédiction apostolique.



LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU IVe CONGRÈS NATIONAL COLOMBIEN DE L'ACTION CATHOLIQUE MASCULINE
(19 juin 1957)1






Son Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secrétairerie d'Etat, a fait parvenir, en une lettre adressée à M. l'abbé Enrique Acosta, assistant national de l'Action catholique masculine de Colombie, les directives du Souverain Pontife pour le IVe Congrès national. Voici la traduction de cette lettre rédigée en espagnol :

Dans quelques jours va se tenir, à Medellin, le IVe Congrès national de l'Action catholique masculine, réuni afin d'étudier les thèmes qui, ensuite, doivent faire l'objet des délibérations du IIe Congrès mondial de l'apostolat des laïcs ; et le Souverain Pontife, répondant avec bienveillance aux désirs qui lui ont été exprimés, souhaite que parviennent à cette assemblée ses paroles d'encouragement et de bénédiction.



La nécessité de l'aide des laïcs pour l'apostolat.

1 Traduction française de la Documentation Catholique, LIV, col. 1030, d'après le texte espagnol paru dans Ecclesia, du 6 juillet 1957. Les sous-titres' sont également de la Documentation Catholique.




Les grandes et vastes nécessités spirituelles du monde moderne auxquelles bien souvent les prêtres ne peuvent pas subvenir, tant à cause de leur insuffisance numérique que des occupations concrètes de leur ministère et de la difficulté qu'il y a à pénétrer dans certains milieux, ont mis davantage en relief la mission des laïcs dans l'oeuvre de salut que Jésus-Christ a confiée à son Eglise en montrant, comme l'a dit Sa Sainteté Pie XII, heureusement régnant, que « un appoint, fourni par des laïcs à l'apostolat, est d'une nécessité indispensable » 2.

Il est certain que l'apostolat des laïcs, au sens propre, est organisé dans l'Action catholique et « dans d'autres institutions d'activité apostolique approuvées par l'Eglise ; mais, en dehors de oelles-ci, il peut y avoir et il y a des apôtres laïcs, hommes et femmes, qui regardent le bien à faire, les possibilités et les moyens de le faire ; et ils le font, uniquement soucieux de gagner des âmes à la vérité et à la grâce » 3.



La formation du laïcat.

Ce travail important exige une préparation adaptée à cette fin de la part des personnes qui doivent s'y consacrer d'une façon ou d'une autre. C'est pour cela que le Pape Pie XI affirmait que ceux qui collaborent aux tâches d'apostolat doivent acquérir « une droite et complète formation religieuse et morale, basée sur une solide piété, une honnêteté de moeurs éprouvée et un grand amour pour l'Eglise et le Souverain Pontife » 4.



Dans la famille.

Cette formation qui doit être soignée, profonde et solide, peut être considérée sous deux aspects : ou comme préparation immédiate pour l'exercice de cette collaboration ou comme base solide sur laquelle doit reposer ensuite l'activité postérieure.

2 Discours au ier Congrès mondial de l'apostolat des laïcs, 14 octobre 1951 ; cf. Docu-Pontificaux 2951, p. 422.

* ibid., cf. Documents Pontificaux 1951, p. 424.

* Lettre à l'épiscopat de Colombie, 14 février 1934.




Dans la formation de base, le premier élément est la famille L'enfant doit trouver dans ses parents ses premiers éducateurs qui, par leur amour, leur autorité et leur bon exemple, déposent dans son âme les fondements de la vertu chrétienne, lui ouvrant le chemin qu'il doit suivre et l'avertissant de tous les dangers qu'il doit éviter. Ils doivent également lui donner une instruction religieuse élevée, une formation morale sérieuse, lui inculquer le sens social, afin que, dans la mesure de son âge, il se préoccupe de son prochain, de ses nécessités, tant spirituelles que matérielles. Ensuite, viendront les premiers contacts avec les mouvements d'apostolat, en suivant surtout l'exemple des



parents, pour qu'il connaisse ainsi graduellement ce qui peut être fait en faveur de la mission de l'Eglise.



A l'école.

Un autre élément de formation de base est l'école. L'école perfectionne beaucoup les enseignements reçus au foyer paternel et elle doit les compléter par d'autres ; c'est pourquoi il lui incombe de veiller à ce que, entre l'école et la famille, « renaisse ce lien de confiance et d'aide mutuelle qui a porté, en d'autres temps, de si heureux fruits » 5. L'éducation donnée par l'école doit être guidée par cette idée que l'enfant est un fils de Dieu, destiné à la félicité éternelle, et qu'il n'est pas permis de séparer en lui la culture qui lui est donnée des vertus qui doivent modeler son âme. C'est pourquoi le maître catholique doit développer en lui la conscience de son incorporation au Christ ; il doit éveiller en son âme l'amour pour ses semblables et diriger son éducation religieuse en fonction de toute sa vie pour qu'elle influe sur ses actes et que, par là, il soit un exemple qui entraîne les autres. En même temps qu'il grandira, on lui inculquera la nécessité de l'esprit de sacrifice et on le fera participer aux diverses organisations internes d'apostolat si recommandées par le Saint-Siège dans les collèges religieux.



Dans la paroisse.

La paroisse complète ce qui a été acquis dans la famille et à l'école. La vie liturgique, le sens communautaire qu'elle suppose et nourrit, donnent à la vie de l'homme une forte impulsion pour se considérer comme membre de cette famille qu'est la paroisse et sentir comme siens les besoins spirituels des autres fidèles. C'est « là le climat de vraie fraternité » proposé par le Saint-Père 6.

5 Sa Sainteté Pie XII, radiomessage de Noël 1942.

« Sa Sainteté Pie XII, Discours à la paroisse Saint-Sabas de Rome, 11 janvier 1953 ; :f. Documents Pontificaux 2955, p. 35.




La paroisse est chargée de la formation religieuse et elle initie à l'action sociale. Elle a ses mouvements d'apostolat organisés dans les différents secteurs et, peu à peu, elle y incorpore les meilleurs éléments pour former, dès leurs jeunes années, une sélection d'âmes généreuses toujours prêtes au sacrifice pour le bien de leurs frères et la gloire de Dieu. Ce travail paroissial, en utilisant tous les moyens dont il dispose, permet de pénétrer dans tous les milieux et de s'intégrer dans le mouvement diocésain national.

Les travaux de ce Congrès en vue de donner un nouveau stimulant à la collaboration des laïcs à l'apostolat hiérarchique de ce pays sont méritoires ; ils répondent aux désirs exprimés au sujet de ces problèmes par la Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, qui s'est tenue à Rio de Janeiro, en 1955 7.

? Tit. IV, « Auxiliaires du clergé ».




Sa Sainteté demande au Seigneur l'abondance de ses divines lumières sur les études que se propose de faire le Congrès et, avec une bienveillance paternelle, elle accorde à votre Révérence et aux congressistes la Bénédiction apostolique.




Pie XII 1957 - AUTOMATION ET ÉCONOMIE NATIONALE