Pie XII 1958 - DISCOURS AUX RECTEURS DES SÉMINAIRES D AMÉRIQUE LATINE (23 septembre 1958)

DISCOURS AUX RECTEURS DES SÉMINAIRES D AMÉRIQUE LATINE (23 septembre 1958)

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Le Souverain Pontife a reçu en audience, le mardi 23 septembre, une soixantaine de recteurs des grands Séminaires d'Amérique latine, venus à Rome pour la célébration du premier centenaire du Collège pontifical latino-américain.

Voici la traduction du discours que le Pape prononça en espagnol, à cette occasion.

Si tous Nos fils, et chacun d'entre eux, qui viennent des points les plus lointains du monde à cette maison du Père commun, sont toujours reçus par Nous avec intérêt et avec amour, que pourrions-Nous dire en vous voyant ici, très chers fils, vous, les Recteurs de Grands Séminaires de l'Amérique Latine, à qui le Seigneur a confié une tâche si sublime que Nous pourrions bien la cataloguer parmi les plus importantes que l'Eglise peut confier dans votre monde particulier et en ce moment présent ?

L'Amérique Latine est ce formidable bloc catholique, que le zèle missionnaire des deux grandes Mères ibériques sut édifier à leur grand honneur et à l'avantage de l'Eglise. Par ses dimensions, par sa population, par la vigueur de sa foi et par le splendide avenir qu'elle fait prévoir, il représente aujourd'hui dans tous les ordres, mais spécialement dans l'ordre religieux, une des plus grandes espérances pour l'avenir. Personne n'ignore non plus les circonstances qu'elle traverse en devant s'adapter à de nouvelles formes de vie et précisément en une période où une crise de développement a peut-être pu affaiblir certains de ses organes vitaux, tandis que les forces du mal, se rendant compte de la valeur qu'elle représente s'emploient à l'attaquer de tous côtés pour en faire une proie certaine.

Dans cette conjoncture historique, une des choses les plus urgentes est de pourvoir ces bons catholiques, Nos fils, d'un clergé en nombre approprié et convenablement préparé en ce qui concerne sa formation surtout spirituelle.

C'est donc là le travail que vous a confié l'Eglise. Comprenez-vous alors avec quelle affection toute spéciale Nous avons désiré vous recevoir et avec quel désir paternel Nous voulons vous communiquer Nos préoccupations pour ce qui concerne la formation des jeunes candidats au sacerdoce, que la divine Providence vous a confiés ?

Les problèmes plus spécialement techniques, Nous les avons déjà vus inclus dans votre programme. Mais la pensée de l'Eglise sur les Séminaires, et spécialement les Grands Séminaires, d'après laquelle toutes les recommandations peuvent être considérées comme redoublées dans l'imminence des Ordres sacrés, vous la connaissez parfaitement par de nombreux documents et, spécialement, par celui de Notre insigne prédécesseur, de sainte mémoire, dans lequel il recommandait ces centres aux prélats, afin qu'ils en prennent soin comme de la pupille de leurs yeux, comme du principal objet de leurs sollicitudes 2. Et Nous-même Nous n'avons pas manqué de manifester Notre pensée, en les définissant comme une chose summi momenti summaeque gravitatis 3, en soulignant la nécessité de les multiplier proportionnellement aux besoins 4, et en faisant même leur éloge public et privé quand cela Nous sembla juste et opportun 5.

2 Cf. Pie XI, Encyclique Ad Catholici Sacerdotii, 20 décembre 1935, III ; A. A. S., XXVIII, 1936, p. 37.
3 Epist. Apost, ad Boliviae Episcopos Haud mediocrem, 23 novembre 1941 ; A. A. S., XXXIV, 1942, p. 233.
4 Epist. Apost. Volvidos cinco ahos ad Episcopos Brasiliae, 23 avril 1947 ; A. A. S., XXXIX, 1947, pp. 285-289.
5 Cf. e. g. sobre ei Seminario Interdiocesano dei Salvador ; Discorsi e radiomessaggi, vol. IV, p. 291 ; A. A. S., 34, 1942, p. 356.


Aussi en cette réunion, à laquelle Nous voulons donner le caractère le plus intime et le plus cordial, Nous vous ouvrons Notre coeur comme un Père qui désire communiquer à ses fils ses préoccupations et ses anxiétés, et Nous préférons Nous borner à vous proposer trois simples suggestions.


La pénurie des vocations.

I. Et la première qui nous vient à l'esprit est le problème de la pénurie de vocations. Il est vrai que l'on note de tous côtés une amélioration sensible ; mais, en ce moment présent, de quelle façon, très chers fils, la bonne formation de vos futurs prêtres pourra-t-elle remédier demain à cette nécessité ? De trois manières, Nous semble-t-il :



L'influence du milieu sur l'êclosion des vocations.

a) On ne doit pas imaginer les vocations comme un fruit du hasard ou sporadique, nées on ne sait comment et jusque dans un milieu contraire et hostile. Il pourra se faire que quelquefois il en soit ainsi, parce que la puissance de la grâce est sans bornes. Mais il sera plus ordinaire, normal, que les vocations surgissent dans les milieux bien cultivés et préparés convenablement ; il sera courant que la vocation vienne comme le fruit dernier d'une sincère et profonde vie de piété.

Vos prêtres, en parlant d'une façon générale, obtiendront demain d'autant plus de vocations parmi leurs fidèles qu'ils sauront mieux mener leur vie apostolique, qu'ils arriveront plus profondément à cultiver les âmes, qu'ils leur inspireront et inculqueront plus réellement une véritable vie de piété. En se préparant à présent à accomplir ainsi leur apostolat, ils se prépareront déjà à obtenir des vocations.


L'exemple du prêtre.

b) Mais il y a parfois dans les vocations quelque chose dont on ne peut s'abstenir de tenir compte ; quelque chose qui, plus d'une fois, devant les yeux innocents de l'enfant, se présentera comme un désir ardent d'imiter et de suivre l'exemple de vie parfaite, qu'il voit chez certaines personnes qu'il a devant lui, et qui pour lui résume de façon concrète une série d'idéaux à peine devinés.

Vos prêtres devraient être demain des exemples vivants qui stimulent les esprits au désir de perfection, qui leur montrent pratiquement la beauté attrayante de la sainteté, et qui, en un mot, pourraient être des personnifications d'une félicité : celle de s'offrir entièrement pour l'amour de Dieu et des âmes, qui est la plus grande que l'on puisse avoir en ce pauvre monde.

La prière et la mortification.

c) Enfin, il ne faut pas oublier que les vocations sont une grâce du ciel, qui pourra réclamer sur le moment la coopération humaine, mais que ne pourra jamais produire cette terre sèche et aride qu'est le coeur de l'homme, si elle n'a pas été auparavant fécondée par la rosée de la grâce d'en-haut. C'est une grâce et les grâces s'obtiennent par la prière et par le sacrifice.

Faites de vos futurs prêtres surtout des hommes de sacrifice et de prière, et ce seront eux qui, par leur mortification et par leur prière, obtiendront finalement que les vocations, dans la chère Amérique Latine, fleurissent avec l'abondance nécessaire et désirée.


préoccupation sociale.

II. Des prêtres apostoliques, exemplaires, qui se sacrifient ; mais des ministres du Seigneur qui vivent au milieu de leur peuple, qui comprennent ses besoins, qui sentent ses douleurs, spécialement celles de ceux qui souffrent le plus, non pas seulement pour les plaindre, mais aussi pour leur procurer un soulagement. Des prêtres pénétrés de ce qu'on a l'habitude d'appeler la préoccupation sociale, si marquée dans les nouvelles générations sacerdotales ; Nous savons parfaitement comprendre cette préoccupation, en désirant qu'elle ne manque pas parmi les vôtres, mais Nous désirons aussi la voir toujours parfaitement encadrée, en évitant trois défauts :


Le prêtre doit rester prêtre.

a) Le premier serait de permettre qu'une telle préoccupation occupe la place d'honneur dans la vie du prêtre du Christ, qui a été appelé et choisi entre ses frères pour apporter aux âmes la parole et la grâce de Dieu et pour amener à Dieu les âmes qui lui appartiennent. Les représentants de Celui qui a été envoyé evangelizare pauperibus (Lc 4,18) et qui put dire misereor super turbam (Mc 8,2), ne demeureront jamais insensibles devant aucune douleur ; mais ils n'abandonneront pas non plus ordinairement leur chaire, leur confessionnal et leur autel pour occuper des tribunes et des charges qui ne leur conviennent pas. Le prêtre sera toujours un prêtre, parce qu'il a reçu un caractère spirituel et indélébile qui doit se refléter dans tous les moments de sa vie et dans toutes ses actions.

L'Eglise reste au-dessus des questions purement temporelles.

b) Il ne faut pas croire que son action en faveur de ses frères sera pour cela moins efficace. En se maintenant dans son domaine, en prêchant et en diffusant la fraternité chrétienne et la charité authentique, en repoussant l'esprit de discorde et en exhortant à la compréhension, en rappelant à tous leurs devoirs et en défendant les droits de tous, il maintiendra l'Eglise qu'il représente à l'écart des questions purement temporelles, pour pouvoir exercer toujours avec indépendance sa très haute mission. Car, en réalité, toutes les autres solutions du problème social, si elles ne partent pas de ces principes, manquent de base, et l'expérience enseigne à quels excès et à quelles horreurs elles aboutissent.



L'Evangile, source intarissable de lumière et de force.

c) Enfin le prêtre, en s'appliquant à être au courant de tout ce qui est appelé justement un progrès dans ce domaine d'études, ne devra pas oublier que le premier de tous les codes sociaux est l'Evangile où l'Eglise du Christ, puisant comme à une source intarissable, a pu trouver tous les éléments indispensables pour l'élaboration d'une doctrine parfaite et complète. Inculquez-la dans vos Séminaires aux jeunes ecclésiastiques, faites-la leur comprendre convenablement et répétez-leur bien souvent qu'il n'est pas nécessaire de recourir à d'autres sources plus ou moins troubles, plus ou moins dangereuses, pour son propre salut spirituel et pour celui de ceux qui doivent apprendre d'eux la voie sûre.


L'esprit d'obéissance.

III. Et que ceci soit précisément Notre troisième suggestion, Nous voulons déclarer la nécessité que vos séminaristes, en vous écoutant et en vous suivant docilement, apprennent à suivre demain avec la même soumission filiale la voix de leurs pasteurs légitimes.

La tendance actuelle à l'indépendance.

a) Parce que, sans aucun doute et pour de nombreuses raisons qu'il n'y a pas lieu d'examiner ici, notre époque a suscité une véritable revendication et exaltation de la valeur et des droits de la personne humaine, dans tous ses aspects. Personne ne pourrait donc s'étonner de ce que les jeunes générations sacerdotales sentent également les effets de cette évolution.
Mais il serait fort déplorable que ceux-ci doivent se manifester soit dans une tendance excessive à l'indépendance personnelle, soit dans une plus grande facilité à juger les décisions des Supérieurs, soit en une difficulté spéciale à soumettre son propre jugement.


La valeur de l'obéissance selon saint Thomas.

b) Si le cas se présentait, très chers fils, vous leur rappelleriez opportunément que le Docteur angélique 6, se demandant si l'obéissance est la plus grande de toutes les vertus morales, répond que per se loquendo, laudabilior est obedientiae virtus, quae propter Deum contemnit propriam voluntatem, quam aliae virtutes morales, quae propter Deum aliqua alia bona contemnunt, en arrivant à soutenir que quaecumque alia virtutum opera ex hoc meritoria sunt apud Deum, quod fiunt ut obediatur voluntati divinae.


Les bienfaits de l'unité.

c) Ils doivent tenir compte qu'aujourd'hui, plus que jamais, précisément parce que notre sainte Mère l'Eglise est en train de livrer une de ses batailles les plus dures, l'étroite union de tous ses membres est nécessaire ; l'unité la plus rigoureuse d'action et de soutien mutuel est nécessaire. Et cela ne pourra s'obtenir que si les fidèles savent se grouper comme un troupeau obéissant autour de leurs pasteurs ; et leurs pasteurs autour de ceux que le Saint-Esprit a désignés pour diriger l'Eglise de Dieu, tous formant un corps invincible, dont la tête, également par une disposition divine, est le Vicaire du Christ sur la terre.

Très chers fils ! Vous venez de ce merveilleux continent aux hautes cimes, aux volcans fumants, aux plaines sans fin, aux forêts touffues et aux fleuves semblables à des mers, où paraît se refléter la grandeur de Dieu. Mais, malgré toutes ses merveilles et beautés, Nous l'admirons encore plus pour sa foi inébranlable, pour son intense dévotion envers notre Rédempteur bien-aimé et sa très sainte Mère, et pour son attachement traditionnel au Siège de Pierre, où il a toujours trouvé la meilleure réponse. Aussi Nous permettrions-Nous presque de dire que c'est entre vos mains que se trouve son avenir chrétien, parce que les peuples sont ce que sont leurs prêtres, et ces prêtres c'est vous qui devez les donner avec vos Séminaires.

Que le Seigneur récompense vos peines. Qu'il vous donne la lumière nécessaire pour être toujours sûrs dans vos entreprises et vos décisions. Et qu'il récompense aussi tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, aident à l'entretien de vos centres, si coûteux en ces temps où les exigences pédagogiques sont sans cesse plus grandes. Nous n'ignorons rien de cela, et c'est précisément pour cela que Nous estimons de plus en plus votre oeuvre.

Une Bénédiction pour vos Séminaires et pour vos séminaristes, pour vous et toutes vos intentions sacerdotales. Une Bénédiction toute spéciale pour les chers Collèges Latino-Américain et Brésilien, pour lesquels Nous invoquons les faveurs les plus abondantes du ciel.


RADIOMESSAGE AU IIIe CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE L'EQUATEUR (28 septembre 1958)

1 D'après le texte espagnol des A. A. S., 50, 1058, p. 745 ; traduction française de l'Osservatore Romano, du 24 octobre 1958.

Le Souverain Pontife a conclu par un radiomessage, en espagnol, le troisième Congrès eucharistique national de l'Equateur, tenu à Guayaquïl, du 24 au 28 septembre. Voici la traduction française de ce document pontifical :

Pour la troisième fois en moins d'un siècle — très chers fils, congressistes de Guayaquil — toute la très noble nation équa-torienne s'unit en un seul élan de foi et de dévotion pour rendre publiquement et solennellement à Dieu caché sous les espèces sacramentelles le tribut d'honneur et de vénération auquel il a droit ; et, pour la seconde fois aussi, Nous sommes Nous-même présent au milieu de vous grâce aux ondes impalpables pour vous donner Notre Bénédiction avec l'affection d'un Père qui se trouve avec joie parmi ses fils ; et qui recueille vos sentiments, pour proclamer : Gloria, laus et honor tibi sit, Rex Christe Redemptor. A vous, ô Christ Roi Rédempteur, louange, gloire et honneur dans les siècles des siècles2 !

Dimanche des Rameaux, procession.


Dans un vol avec les ailes de l'imagination, il Nous semble embrasser d'en-haut, en une seule vision, cette nation privilégiée en partie bien installée sur le haut plateau couronné par les cimes altières des Andes aux neiges éternelles et aux cratères fumants du si haut Tungurahua et du si majestueux San-gai. Les pics de l'imposant Chimborazo ou de l'historique Pichincha, se dressent tandis que le plateau descend en étages d'un côté jusqu'aux bassins de l'Amazone, riches de verdure et de fraîcheur, et de l'autre jusqu'aux rivages de l'immense Océan, pays impressionnant et ensoleillé si rempli de beauté.

Mais Nos yeux s'arrêtent surtout là où la mer pénètre dans la terre pour former un des meilleurs ports du Pacifique, sur la noble Guayaquil, aux traditions chevaleresques, bien établie entre la colline de Santa Ana et l'opulent Guayas, berceau des libertés de la patrie. Ce lieu semble, aujourd'hui, avoir de nouveau convoqué en Assemblée tous les Equatoriens, mais cette fois pour les inviter à se jeter à genoux devant le Souverain Seigneur présent dans le Saint Sacrement en lui promettant fermement que cette journée mémorable sera pour toute la nation le début d'une nouvelle époque, qui doit avoir comme caractéristique l'intégrité de la vraie vie chrétienne.



L'Eucharistie, source primordiale de la vie chrétienne.

Une vie chrétienne, comme vous l'avez considéré ces jours-ci, c'est l'innocence et la candeur dans l'enfance, la pureté et la moralité dans la jeunesse, l'intégrité et la fidélité dans le mariage, l'unité et l'assistance mutuelle dans la famille, la fraternité et le respect entre les hommes, la justice, la charité et la paix dans les relations sociales. Une vie chrétienne, comme Nous l'avons Nous-même fait observer en une circonstance déterminée, c'est la prière et la fréquentation des sacrements, la sanctification des jours de fête et la moralité conjugale, l'application à l'étude et à la connaissance de sa foi et l'observation des principes moraux, qui doivent régler la vie économique et sociale 3.

3 Cf. Documents Pontificaux 2932, pp. 65-66.
4 S. Aug. Serm. 132, cap. I n. 1, Migne P. L., t. 58, col. 729.


Mais où pourra-t-on trouver la force suffisante pour réaliser un idéal aussi sublime ? C'est l'Aigle d'Hippone qui nous répond avec son éloquence habituelle, en nous signalant ce Mystère secret que vous avez ici présent : Manducent ergo qui manducant, et bibant qui bibunt ; esuriant et sitiant ; vitam manducent, vitam bibant. Illud manducare refici est. Qu'ils mangent et boivent ceux qui déjà mangent et boivent sans satisfaire leur faim et leur soif. Qu'ils mangent et boivent la vie, parce que manger de cet aliment, c'est se fortifier4. Et si, par hasard, vous êtes assaillis par la crainte de perdre cette vie devant les attaques de l'ennemi, écoutez l'Ange de l'Ecole, qui vous assure que ce sacrement non seulement roborat spiritualem vitam hominis (fortifie la vie spirituelle) mais aussi in quantum est quoddam signum passionis Christi, per quam victi sunt daemones, repellit omnem daemonum impugnationem (« précisément parce qu'il est un symbole de la passion de Notre Seigneur, de laquelle les démons sortirent vaincus, tous leurs assauts repoussés par lui ») 5.



Le culte des vertus ancestrales.

Mais si, en ce moment de si douce intimité, vous Nous demandez en quoi Nous désirons que se manifeste spécialement la réalité de votre vie chrétienne, Nous vous répondrons :

« Très chers fils, veillez en premier lieu à la conservation de ces vertus, qui ont toujours fait du foyer équatorien et chrétien un sanctuaire inviolable, où ses membres se sanctifient dans l'accomplissement des devoirs propres à chacun, sans oublier que vous avez uni vos vies pour toujours, parce que l'homme ne pourra séparer ce que Dieu a uni (Mc 10,9).

» Formez vos enfants — précieux don du ciel dans les familles — dans un milieu de piété sincère et vivante, en les instruisant surtout par l'exemple et en vous réjouissant si, un jour, le Maître de la vigne, vous demande quelqu'un pour son service ; en vous accordant ainsi la singulière distinction de contribuer à remédier à une nécessité aussi grave et urgente que la rareté de Ministres du Seigneur et, précisément, en des temps si critiques.

5 S. Th., III 79,6 in c.




» Enfin élargissez vos coeurs avec une grande générosité pour y faire place à tous vos frères, sans permettre que la haine vous divise par un esprit de parti exacerbé, sans admettre cette froideur qui fait ignorer les besoins de ceux qui souffrent et sans permettre des orgueils erronés qui pourraient éloigner excessivement les diverses catégories non sans danger pour la stabilité sociale même. Parce que, comme Nous l'avons dit Nous-même en une autre occasion, „ l'expérience enseigne que la véritable vie chrétienne est le principal élément pour que les hommes agissent comme l'exige leur condition, arrivent à une culture authentique et assurent, aussi bien à la famille qu'à la société, un fondement solide " » 6.

La République de l'Equateur se fait une gloire de revendiquer la primauté dans les annales eucharistiques de l'Amérique, ayant été le siège du premier Congrès tenu dans le Nouveau Monde et ayant porté le nom de « Terre du Saint-Sacrement », dont la Confrérie était la première institution qui s'établissait à la fondation de ses villes. Et toi, ô Guayaquil, aussi noble que belle, n'est-il pas vrai que tu as, outre le privilège du Jubilé permanent obtenu dès 1776, celui d'avoir été le berceau du grand Garcia Moreno ou de posséder l'illustre renom que t'ont donné l'activité et le génie de tes fils célèbres ?

C'est là, très chers fils, la base de Notre espérance quand Nous fixons Notre pensée sur votre avenir, et c'est là la certitude que Nous éprouvons en vous adressant ces paroles ; parce que dans une nation où le Saint Sacrement est toujours loué et honoré, chez un peuple qui se nourrit de l'Eucharistie, la vie chrétienne ne pourra jamais mourir.



Prière finale et bénédiction apostolique.

Vous êtes la garantie de la réalisation de Nos désirs paternels, ô Vierge « Dolorosa dei Colegio », aux larmes, aussi douces que maternelles, à qui Nous voulons confier en ces moments historiques tous les besoins et toutes les anxiétés de Notre Equateur bien-aimé, en qui Nous, Vicaire de Votre Fils sur la terre, Nous mettons tant d'espérance, parce que Nous connaissons bien les dons et les grâces que la Providence a placés dans ses mains ; et que le soient également avec Vous tous ces héros de la sainteté, qui ont fleuri dans ce jardin privilégié, et spécialement Azuncena de Quito, que Nous avons pu Nous-même élever aux autels pour que, par son parfum, elle réjouisse toute l'Eglise.

o Cf. Epist, ad Archiep. Quitensem, ier septembre 1945 ; A. A. S., 37, 1945. 7 Prière pour le Congrès.




Et vous, ô Seigneur, en la présence de qui Nous n'avons osé parler que parce que Nous savons que, bien qu'indignement, Nous vous représentons, sans Vous « ni l'individu, ni la famille, ni la société ne peuvent être heureux »7 ; « Vous, Roi pour les siècles qui — de la mer à la Cordillère bleue — régnez dans les villes et dans les campagnes — Christ Roi avec votre sceptre de lumière » 8.

Ambato vous aura envoyé ses meilleures fleurs ; de la paroisse de Duràn, la procession du Saint Sacrement aura traversé le fleuve, unissant dans un embrassement d'amour les deux rives ; toute une nation illustre à mille titres a incliné le front et s'est agenouillée sur le sol. Qu'attendez-vous maintenant, très chers fils, Congressistes de Guayaquil ? La Bénédiction du Vicaire du Christ sur la terre ; et Nous, utilisant ces moyens cachés par la divine Providence dans sa création pour le bien de l'homme, qui Nous permettent de le faire comme si Nous étions présent, Nous voulons vous la donner avec toute la solennité, avec toute l'ampleur et avec tout l'amour dont Nous sommes capable.

Une Bénédiction pour Notre très cher et eminent Légat, qui a su Nous représenter avec tant de dignité ; une Bénédiction pour tous Nos frères dans l'Episcopat, avec tous leurs prêtres et religieux, spécialement ceux qui, par leur parole, ont tant contribué à la préparation des esprits ; une Bénédiction pour les Autorités civiles et pour tous ceux qui ont collaboré à la préparation et à l'organisation d'une si grande assemblée ; une Bénédiction pour tous les fidèles présents de n'importe quelle race ou nationalité, pour tout le très cher Equateur, pour toute l'Amérique Latine, pour tout le continent et pour tous ceux qui, en ce moment, écoutent Notre voix ; une Bénédiction pour le monde entier, pour lequel Nous désirons ardemment la paix et la tranquillité, comme fruit d'une vie eucharistique inspirée des principes immuables et indispensables du saint Evangile.



DISCOURS AUX MEMBRES DU VIIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'INDUSTRIE DU GAZ (28 septembre 1958)

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Recevant en audience les membres du VIIe Congrès international de l'industrie du gaz, le Souverain Pontife prononça le discours suivant, en français :

L'Union internationale de l'industrie du gaz, qui vient de tenir à Rome son VIIe Congrès triennal, rassemble de l'Orient et de l'Occident des représentants hautement qualifiés des grandes entreprises, qui assurent en près de vingt pays un service d'intérêt général. Une telle réunion ne saurait Nous laisser indifférent. Vous savez assez, Messieurs, quel intérêt Nous portons à tous les problèmes humains, à tout ce qui concerne la vie sociale et les progrès de la science. Il est beau de voir l'homme au travail sous l'oeil de Dieu pour organiser le monde, en exploitant les ressources toujours nouvelles, qu'il découvre dans l'immense carrière de l'univers. Il met ainsi à la disposition de ses frères une quantité d'énergie toujours plus grande, et leur permet, s'ils écoutent la loi intérieure du progrès spirituel, de conquérir une maîtrise plus assurée de la matière, et de s'affranchir des servitudes du mal, en acquérant une liberté plus grande au service de la vérité, de la beauté et du bien universel.


Brève histoire de l'industrie du gaz.

Une industrie comme la vôtre, née à la fin du XVIIIe siècle des expériences de distillation de la houille, a vu ses techniques se perfectionner lentement et sa clientèle s'étendre progressivement au monde entier pendant près de 150 ans. L'usage du gaz, en effet, est passé depuis longtemps de l'éclairage au chauffage et à de nombreuses applications industrielles. Mais, dans chacun de ces domaines, la concurrence du pétrole et de l'électricité a fait évoluer les marchés et stimulé la recherche. Plus récemment, l'exploitation du gaz naturel a constitué comme un défi à l'industrie gazière, tandis que la conversion chimique des hydrocarbures fournissait une nouvelle source de gaz combustible. Loin de s'opposer purement et simplement à ces nouveaux concurrents, votre industrie a fait alliance avec eux, et vous étudiez avec attention les meilleurs moyens de satisfaire ensemble à une demande toujours accrue des consommateurs.

Il semble, d'autre part, que l'extraction plus coûteuse des gisements de houille européens, souvent très profonds, impose à plus ou moins brève échéance l'utilisation de charbons plus pauvres requérant des procédés nouveaux. A côté de ces questions générales, les problèmes techniques occupent dans les travaux de votre Congrès une place prépondérante. Ils naissent d'année en année, par exemple, de la découverte de matières plastiques aux caractéristiques plus avantageuses, de l'extension des réseaux qui entraîne le transport à grande distance et à haute pression, des variations considérables de consommation dues au chauffage en hiver, qui font rechercher de nouveaux procédés de stockage ou des ressources d'appoint plus abondantes. Les études, si soigneusement élaborées et si bien présentées, qui Nous ont été communiquées, témoignent de la qualité du travail poursuivi d'un Congrès à l'autre.



La sécurité des ouvriers et des consommateurs.

Il est encore un domaine de vos recherches, auquel plusieurs rapports ont été consacrés, et qui a retenu particulièrement Notre attention, celui de la sécurité des ouvriers et des consommateurs. C'est un problème aussi vieux que votre industrie et maintes fois étudié, mais il a revêtu quelques aspects nouveaux, depuis que l'on emploie couramment certains gaz pratiquement inodores. Et vous comprendrez que les incidences morales de ce problème Nous invitent à en parler quelque peu. Il serait en effet inadmissible que des raisons purement écono-



miques fassent laisser de côté les solutions, même partielles, que la science d'aujourd'hui permet d'y apporter.

Les dangers d'explosion ne peuvent malheureusement être entièrement exclus de l'emploi des gaz combustibles. Chacun sait qu'une certaine proportion d'air mélangée au gaz explosif entraîne le risque d'une déflagration. Mais la connaissance, aussi exacte que possible, du comportement d'un gaz donné permet de prévoir et d'écarter la plupart des dangers, inhérents au fonctionnement, à la mise en service et hors de service, des réservoirs, conduites et appareils courants. Aussi bien les lois civiles que les règlements intérieurs y pourvoient de leur mieux. On comprend cependant que ce danger, comme celui d'intoxication, soit rendu beaucoup plus grand, si la présence du gaz n'est trahie par aucune odeur sensible, ce qui est le cas habituel des gaz naturels purifiés, provenant des gisements souterrains.

De ce fait, sont nées des recherches sur l'odorisation des gaz, destinée à les faire reconnaître en cas de fuites. Si, en principe, le mélange d'un gaz odorant à un gaz inodore ne rencontre pas de difficulté majeure, l'établissement des conditions, auxquelles doit satisfaire le gaz détecteur, se révèle fort compliqué. Il doit en effet, autant que possible, alerter l'odorat des sujets normaux dans toutes les circonstances, où le danger d'explosion ou d'intoxication est réel, et en celles-là seules. Cela suppose que l'intensité minimum perceptible demeure constante partout, où le gaz, qui le véhicule, se trouve en quantité dangereuse dans l'air ambiant, quels que soient la température, le temps et la distance qui séparent la production de la consommation. En l'absence d'instruments précis et commodes pour mesurer objectivement les odeurs, une telle constance est difficile à déterminer. De plus, on constate chez les sujets, qui doivent percevoir l'odeur du gaz, de grandes différences d'acuité de l'odorat, selon qu'ils sont jeunes ou vieux, éveillés ou endormis, accoutumés ou non à l'odeur en question. Malgré tout, la présence d'oxyde de carbone en quantité dangereuse dans l'atmosphère, constitue un péril tel qu'il faut la manifester par tous les moyens possibles. Et l'odorisation semble le seul actuellement susceptible de donner l'alerte dans la plupart des cas.

Il y aurait, certes, une solution plus radicale. Si l'on pense au triste usage, que trop de désespérés font encore du gaz pour mettre fin à leurs jours, et aux accidents mortels dus aux fuites de gaz, pendant la nuit surtout, Nous souhaitons v-ive-ment qu'elle s'impose : c'est de fabriquer du gaz domestique non toxique. On Nous assure qu'il est possible, moyennant une certaine augmentation de prix, de diminuer considérablerment les risques d'accident, en abaissant la teneur d'oxyde de carb»one à environ 1%. Une telle mesure suppose évidemment des garanties économiques, que seuls peuvent assurer les pouv-oirs publics ; mais son importance est si grande, qu'elle relève de leur autorité et pèse sur leur responsabilité. Nous espérons que tous ceux, dont dépend la solution de ce problème, s'y appliqueront avec la conscience d'accomplir un service sociaL, et sauront écarter un inconvénient, qui grève encore l'emploi cd'un combustible par ailleurs si utile et si commode.



Le cceur de l'homme est fait pour Dieu.

Ces quelques réflexions rejoignent les pensées que NTous formulions au commencement de ce discours : l'homme est astreint par la nature à progresser sans cesse. Pour lui, s'arrêter, c'est déchoir. Il doit avancer, il est en marche vers des horizons toujours nouveaux, vers des synthèses toujours plus vastes. Il cherche l'explication fondamentale, qui ramènera toutes choses à l'unité. Or, cette explication ne peut se trouver dans le seul domaine scientifique. Elle est d'un autre ordre. La science ne définit que des rapports de cause à effet entre les phénomènes, mais la raison dernière de toute chose lui échappe- Et l'esprit humain, s'il est sincère, comprend pourquoi : ce ri-'est pas lui qui a fait le monde. Il se sent plus grand que le monde, il le domine par l'intelligence, mais il n'en est point l'auteur et ne s'est pas non plus donné l'existence à lui-même. Aussi la quête du savant s'achève-t-elle normalement en adoration devant Celui dont il dépend au plus intime de son être et dont les oeuvres grandioses lui révèlent « la puissance éternelle ei la divinité» (Rm 1,20). Puisse cette vérité essentielle éclairer et fortifier vos coeurs au milieu de vos travaux quotidiens. Puisse-t-elle aussi transformer ceux-ci à vos propres yeux et leur donner leur vraie valeur, car votre devoir en organisant le moaide n'est pas de construire une cité terrestre définitive, mais d'y faciliter pour vous-mêmes et vos contemporains la recherches et la découverte qui seule compte : celle de Dieu.

En formulant ces voeux devant le Seigneur de l'univers,

Nous lui demandons que le séjour que vous venez de faire à Rome marque une étape et un progrès dans votre vie spirituelle. Que la grâce vous soutienne et vous accompagne dans les pays respectifs où vous allez retourner. Et pour que cette prière soit plus sûrement exaucée, en gage de Notre bienveillance, Nous vous accordons à vous tous qui êtes ici, à vos familles et à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction apostolique.



Pie XII 1958 - DISCOURS AUX RECTEURS DES SÉMINAIRES D AMÉRIQUE LATINE (23 septembre 1958)