Pie XII 1958 - LETTRE POUR LA RÉOUVERTURE AU CULTE DE LA BASILIQUE DE REIMS (29 septembre 1958)

LETTRE POUR LA RÉOUVERTURE AU CULTE DE LA BASILIQUE DE REIMS (29 septembre 1958)

1 D'après le texte latin des A. A. S., 50, 1958, p. 941 ; traduction française publiée par le Bulletin du diocèse de Reims, du 18 octobre 1958. Cf. Documentation Catholique, 4, col. 1497.

Peu de jours avant sa mort, Sa Sainteté Pie Xli avait adressé une lettre autographe, rédigée en latin, à Son Exc. Mgr Marmottin, archevêque de Reims, à l'occasion de la réouverture au culte de la basilique Saint-Remi, qui avait été endommagée pendant la guerre de 1914-1918.

La traduction ci-dessous de ce message pontifical a été lue par l'archevêque de Reims, au cours de la cérémonie solennelle qui a eu lieu le 12 octobre, mais n'a pu revêtir tout l'éclat prévu, en raison du deuil de l'Eglise.

La lettre prévenante, par laquelle vous Nous avez informé que la basilique de Saint-Remi allait être rouverte, Nous a apporté une bien agréable nouvelle et elle a rendu dans Notre âme un son joyeux. Grâces soient rendues à Dieu de qui vient tout louable dessein et toute entreprise heureuse !

Ainsi donc, ce que vous-même, le clergé, les fidèles du diocèse de Reims, la France entière, appeliez de vos voeux les plus ardents va heureusement se réaliser le 12 octobre : la basilique de Saint-Remi, bien connue pour le culte dont elle est le centre, pour l'antiquité de son renom, pour la beauté de sa sobre architecture, mise en pièces par les bombardements et l'incendie, après quarante ans de laborieux efforts dépensés à une restauration d'un goût parfait, va être solennellement rouverte, plus vénérable que jamais.

Quand on feuillette les annales de l'Eglise, on y apprend qu'au temps où il fallait faire la Dédicace de cet édifice sacré, Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Léon IX, invité et même appelé par l'abbé Hérimar, se rendit à Reims pour y marquer de l'onction du Saint-Chrême les autels et les murs de cette insigne église. Nous ne Nous ferons pas, comme cet illustre pape, le pieux pèlerin de Saint-Remi, mais Nous prendrons modèle sur son affectueuse vénération pour votre secou-rable patron ; Nous sommes d'esprit à vos fêtes, Nous y déposons la gerbe que vous attendez de Nous, celle d'un Père heureux de s'associer, par les félicitations et les souhaits qu'il tire de l'intime de son coeur, aux solennités que célèbrent ses enfants.

Nous ne voulons pas manquer de vous louer, Vénérable Frère, vous et vos prédécesseurs, qui avez pris à tâche la restauration de cette église en ruine, avec une persévérante ténacité et une belle confiance ; et Nous voulons qu'à ces éloges aient part les architectes et les ouvriers qui ont mené à bien cette oeuvre magnifique, tous ceux encore, qui par leur autorité, leurs avis et leurs dons, ont apporté à cette reconstruction une aide active.

Comme Notre charge le réclame, Nous sommes pressé, par Notre zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, de vouloir que tous ceux qui admirent cette basilique reconstruite soient animés d'une telle émulation religieuse que, reproduisant dans leur vie l'image de ce sanctuaire, ils se sachent destinés à devenir des pierres vivantes, incorporées dans un temple spirituel (cf. 1P 2,5), en nef divine et mystique, que taille le ciseau de l'épreuve, qu'assoient solidement les vertus robustes. « Vous êtes, dit saint Augustin, le bâtiment qui se dresse, par la piété de vos sentiments, par l'authenticité de votre pratique, par votre foi, votre espérance et votre charité 2. »

Toute cette France, qui Nous est chère, repassant ses glorieux souvenirs, dont témoigne ce sanctuaire réédifié, toujours religieusement attachée et fidèle à son noble passé, puisse-t-elle trouver là un élan nouveau qui améliore, par la lumière et la sève d'une sagesse chrétienne, les institutions de la vie publique et privée, dans l'espérance de temps plus prospères !

2 S. Augustin, Expos. Ps. LXXXVI, 3.


Nous formulons ces voeux de tout Notre coeur, mû par le sentiment d'une charité qui ne désire que votre bien et que connaît parfaitement Celui qui Nous l'inspire.

A vous Vénérable Frère, aux cardinaux, aux évêques, aux membres du gouvernement, aux prêtres, aux religieux, à tous les fidèles qui prendront part aux solennités de la réouverture de la basilique de Reims, Nous accordons, en gage des faveurs du ciel, la Bénédiction apostolique, implorant avec instance sur vous et sur votre patrie l'intercession de l'Auguste Vierge Mère de Dieu, et de saint Remi, Père de la France chrétienne.


ALLOCUTION AUX CONCESSIONNAIRES DES LIBRAIRIES DE GARES (2 octobre 1958)

1

Recevant en audience les concessionnaires des librairies de gares d'Italie, auxquels s'étaient joints quelques éditeurs et représentants étrangers, le Souverain Pontife prononça une allocution en italien, dont voici la traduction :

Soyez les bienvenus dans Notre demeure, messieurs les participants au « Congrès des concessionnaires des bibliothèques des gares », organisé par la « Società Accessuri Ferroviari » de Milan, qui, avec des éditeurs et libraires italiens et étrangers renommés, avez désiré Nous rendre l'hommage de votre dévotion filiale et écouter de Notre part quelques paroles sur votre activité. Quelqu'un qui voudrait indiquer les aspects multiples de celle-ci en se référant à un objet concret, un peu comme à un symbole, aurait simplement recours au « kiosque » ou à 1'« édicule », où les publications les plus récentes sont offertes en vente.



Le kiosque, miroir fidèle de la réalité quotidienne.

Le kiosque, et pas seulement celui des gares, est désormais un élément caractéristique des villes, grandes et petites, une marque de notre époque, une nécessité de l'homme d'aujourd'hui dans toutes les parties du monde civilisé. Considérez un moment son aspect extérieur : gai, changeant, fréquenté. Malgré ses petites dimensions, il est toujours une fenêtre ouverte sur la nation et sur le monde. La surabondance des publications exposées, serrées, mais avec ordre, dans un espace étroit, dorme l'impression d'un être qui veut se répandre. Le kiosque, qui ouvre ses battants à l'aube, donne à la ville le premier signal du réveil ; tandis que l'extinction de ses lumières multicolores, tard dans la soirée, sera la dernière invitation au repos. En revanche, celui des gares poursuit sans pause, nuit et jour, un mouvement qui ne s'arrête pas. Et toute la vie d'une nation est condensée en nouvelles et en images dans les longues rangées des publications exposées : ici, à portée de main des voyageurs pressés, les « quotidiens » encore humides d'encre, à l'existence éphémère de quelques heures ; là les « magazines » et les périodiques aux couvertures multicolores, avec des images criardes et parfois agressives, destinés à une lecture plus tranquille ; d'un côté, un choix de livres agréables des meilleurs auteurs du jour ; de l'autre, les publications les plus connues des pays étrangers. Le kiosque, dans le tourbillon de ses imprimés, est le miroir fidèle de la réalité quotidienne, le lieu de rencontre des pensées, opinions et sentiments les plus divers de la société contemporaine. Placées là, comme sans maître, ces idées semblent demander l'hospitalité aux esprits, parfois pour les nourrir de connaissances utiles ou pour les soulager de graves soucis, d'autres fois pour s'emparer d'eux et les dominer.



L'heureuse influence du libraire chrétien, quand il reste sensible aux principes intellectuels et moraux de droiture et de charité.

Ce serait donc une erreur de confondre vos kiosques et librairies avec les étalages de vente de marchandises matérielles, n'ayant guère ou pas du tout de connexion avec les valeurs humaines et morales. Le service que vous rendez intéresse et atteint les régions très élevées. D'où l'importance de votre catégorie, d'autant plus considérable qu'est plus vaste la diffusion des publications qui se fait dans les gares, où presque chaque voyageur est votre client. Sans aucun doute, vous rendez de précieux services à la communauté, soit indirectement en fournissant du travail à un nombreux personnel de l'industrie de l'édition, soit directement en procurant avec facilité les moyens de culture aux foules de voyageurs, dont vous soulagez l'ennui de longues heures d'inactivité. Mais la plus grande importance, l'honneur de votre catégorie, consiste en l'influence que vous êtes en mesure d'exercer sur Ja moralité publique au moyen des imprimés mis en vente. Il en résulte pour vous, naturellement, une responsabilité correspondante. En dehors de la responsabilité plus grande qui revient aux auteurs et aux éditeurs, c'est à vous qu'il appartient de veiller au choix des publications à vendre. En cela, comme personnes honnêtes que vous êtes et comme chrétiens — vous faites profession de l'être —, vous ne pouvez vous laisser guider seulement par l'intérêt économique immédiat, qui n'a de considération que pour le gain. Une société qui, insensible à l'égard des principes intellectuels et moraux de droiture, ne se laisserait guider que par des avantages commerciaux, ne mériterait pas d'être comptée parmi les sociétés civilisées et encore moins parmi les sociétés chrétiennes. Dans le choix des publications destinées à la vente, soyez donc guidés par les saines maximes qui vous sont bien connues, anticipant ainsi, par un auto-examen, digne de personnes respectueuses de la vérité et de l'honnêteté, le contrôle et l'intervention de l'autorité publique, à laquelle tout peuple civilisé délègue le pouvoir légitime d'empêcher les excès de l'activité d'éditeur. Et lorsque vous vous occupez directement de la vente, votre honorabilité, votre sens civique, mais surtout la charité envers le prochain, particulièrement la jeunesse, vous feront encore plus vous refuser à toute diffusion clandestine de la presse nuisible qui corrompt les bonnes moeurs. Le prétexte que d'autres le font serait une excuse trop faible pour disculper ceux qui se rendraient coupables d'un si grand mal.

Tenez donc en haute estime votre catégorie et votre activité, comme Nous vous tenons Nous-même en grande considération, confiant en votre volonté de bien et en ce vif sentiment de dévotion dont vous êtes animés envers la religion et la patrie.

En souhaitant à votre Congrès les résultats les plus heureux pour le bien commun et pour votre prospérité, Nous vous donnons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A UN PÈLERINAGE DES ÉTATS-UNIS

(3 octobre 1958) 1






Accueillant en audience spéciale un important pèlerinage d'environ 700 fidèles de divers diocèses des Etats-Unis, conduit par Son Eminence le Cardinal Spellman, Archevêque de New-York, le Saint-Père a prononcé, en anglais, l'allocution dont voici une traduction :

Un mot de chaleureuse bienvenue à Notre bien-aimé Fils, l'éminent et zélé Cardinal Archevêque de New-York, à Nos chers fils, prêtres et à tous les membres de cet imposant pèlerinage, qui tous sont Nos enfants, chers au Vicaire du Christ. Vous avez accompli un long voyage pour venir à Rome, la mère aimée de vos âmes. En traversant l'océan et la Méditerranée, vous avez visité des villes et des sanctuaires riches en souvenirs sacrés, vous avez déjà vu beaucoup. Et votre voyage n'est pas terminé. Terre et ciel, montagnes et vallées, capitales de diverses nations avec leurs anciens monuments et leurs constructions modernes, tout cela a été une joie pour vos yeux. Et lorsqu'une mystérieuse nuit, glissant sur la mer infinie, retirait le rideau éblouissant pour dégager le ciel, l'univers s'étendait sous vos yeux, à mesure que les multitudes célestes d'étoiles et de planètes apparaissaient pour refléter la gloire de leur Créateur. Quel vaste et magnifique monde, avez-vous pensé, que ce monde visible !

Mais, en ce mois d'octobre, la saison rappelle à la mémoire de chacun qu'il existe un autre monde, un monde invisible, et cependant tout aussi réel que celui que nous voyons et presque aussi près de nous. L'Eglise a célébré hier la fête des saints Anges gardiens. Ce sont les habitants de ce monde invisible qui vous entoure. Ils étaient dans les villes que vous visitiez comme gardiens de la divine Providence ; ils furent vos compagnons de route. Le Christ n'a-t-il pas dit en parlant des petits enfants, qui étaient toujours si chers à son coeur pur et aimant : « leurs anges dans le ciel contemplent sans cesse la face de mon Père, qui est dans les cieux » (Mt 18, io) ? Et lorsque les enfants deviennent des jeunes gens et des adultes, leurs anges les abandonneraient-ils ? Que non pas ! « Nous chantons les Anges gardiens des hommes », nous disait la liturgie d'hier 2 ; « ils sont donnés par Dieu comme compagnons célestes pour raffermir sur le chemin de la vie, la nature humaine si fragile de peur qu'elle ne s'égare succombant aux séductions de l'esprit du mal. » Ces mêmes pensées reviennent sans cesse dans les écrits des Pères de l'Eglise. Il n'est personne, si humble soit-il, qui n'ait son ange gardien pour s'occuper de lui. Tout glorieux, tout purs, tout merveilleux qu'ils soient, ils vous sont cependant donnés pour être vos compagnons de route ; non seulement ils sont chargés de veiller soigneusement sur vous, mais encore de vous rapprocher sans cesse plus près de Dieu et du Christ.

Bien-aimés pèlerins, vous recevant au début du mois d'octobre, Nous ne pouvons résister au désir de vous faire entendre cette brève et paternelle exhortation, afin d'éveiller et d'aiguiser votre connaissance du monde invisible qui vous environne, « car les choses que l'on voit ne durent qu'un temps, alors que celles que l'on ne voit pas sont éternelles » (II Cor.,, 4, 18), et d'entretenir une certaine familiarité avec les anges gardiens, dont la constante sollicitude s'emploie à votre salut et à votre sainteté. Dieu vous en est garant, vous jouirez d'une éternité de joie avec eux ; commencez dès maintenant à apprendre à les connaître.

A vous, à tous vos êtres chers, de toute l'affection de Notre coeur, Nous vous donnons la Bénédiction apostolique. Que les anges veuillent bien porter Notre prière pour vous au pied du trône de Dieu et, par l'intercession de leur glorieuse Reine, qu'ils vous apportent des grâces sans nombre de votre divin Sauveur.





Hymn. I Vesp.

DISCOURS AUX MEMBRES DU X\2e\0 CONGRÈS NATIONAL DE CHIRURGIE PLASTIQUE

(4 octobre 1.958) 1



Le samedi qui précéda sa mort, le Souverain Pontife reçut en audience les membres du Xe Congrès national de chirurgie plastique, et leur adressa un discours en italien, dont voici la traduction :

C'est avec une vive satisfaction que Nous recevons votre visite, messieurs. Vous êtes réunis pour le Xe Congrès de Chirurgie plastique dans la Ville Eternelle, et vous vous êtes proposé le double but d'approfondir par l'étude les aspects multiples de cette nouvelle branche de la science médicale et de rehausser par votre présence l'inauguration de la section destinée à cette chirurgie spéciale et créée à l'Hôpital de Saint-Eugène, sur l'initiative de l'Association des hôpitaux de Rome. Le fait qu'une administration hospitalière publique, telle que la renommée et bienfaisante société romaine, ait encouragé l'institution d'une section de chirurgie plastique exercée jusqu'à présent dans telle ou telle clinique, est une preuve éloquente du sérieux et important développement atteint par cette partie de la chirurgie. En vérité, la chirurgie plastique, ou, comme elle est encore appelée, en tenant compte des légères différences de signification, esthétique ou réparatrice, a déjà été pratiquée depuis l'antiquité avec des moyens rudimentaires ; mais elle a fait des pas de géant à notre époque et s'est distinguée, il y a seulement trente ans, de la chirurgie générale. A cette sorte d'autonomie ont concouru, d'une part, le progrès universel des sciences médicales et, d'autre part, le nombreux accroissement des cas qui réclament l'intervention du chirurgien réparateur ; cet accroissement est dû à la multiplication des traumas déformants, résultant soit des deux guerres mondiales, soit des accidents dans l'usage des machines de travail ou de transport.

Mais comme cause principale du développement de cette chirurgie spéciale, on doit indiquer un plus vif souci chez l'homme moderne de l'aspect esthétique de son corps, particulièrement du visage, dont les affections qui l'enlaidissent sont souvent, pour de justes motifs, mal supportées. Basée sur le terrain scientifique, utilisant les conquêtes de la chirurgie moderne, perfectionnant ses propres méthodes, la chirurgie plastique, comme branche de la chirurgie générale, en est arrivée non seulement à faire partie de renseignement universitaire en donnant naissance à une littérature abondante, mais elle s'est conquis un large crédit dans l'opinion publique, surtout par ses résultats presque toujours satisfaisants et, parfois, presque prodigieux, comme par exemple, pour en citer quelques-uns, dans les chéilo et rhino-plasties. Toutefois malgré ce vaste crédit, il reste des réserves à surmonter, dues parfois à l'ignorance de ceux qui, ne connaissant pas ses progrès réels, nient son efficacité réparatrice ; d'autres sont dues à la prétention excessive d'obtenir d'elle n'importe quelle restauration d'organes et de superficies endommagés ou usés, sans qu'il reste aucune trace d'intervention chirurgicale.

Ces préjugés n'empêchent pas de définir la chirurgie plastique comme une science et un art, ordonnés, en eux-mêmes, à l'avantage de l'humanité, et, d'autre part, en ce qui concerne la personne du chirurgien, comme une profession dans laquelle se trouvent également engagées d'importantes valeurs éthiques et psychologiques.





I La chirurgie plastique comme science technique.

La chirurgie plastique dont le but est la restauration, parfois fonctionnelle et, d'autres fois, simplement esthétique, de la morphologie extérieure normale des membres humains qu'ils soient atteints d'affections congénitales ou acquises, tire ses connaissances de la science médicale et collabore avec celle-ci. Tout empirisme écarté, elle exige la connaissance des principes généraux de la médecine, particulièrement de la chirurgie et de sa technique. L'anatomie des organes extérieurs, la structure des tissus, la circulation sanguine, l'anesthésie et l'asepsie font partie du domaine le plus propre au chirurgien réparateur. Mais la principale technique de la chirurgie plastique concerne les greffes ou transplantations : ces dernières taillées dans des régions saines du patient et adaptées dans celles à corriger ; et les autres, tirées d'autres organismes même non humains et, en conséquence, dites homo ou hétéro-greffes. Selon les divers cas, le chirurgien a recours à la transplantation libre, c'est-à-dire en enlevant entièrement des parties cutanées de zones autant que possible les plus voisines et aussi les plus proches dans leur structure de celles qui sont défectueuses, ou bien à la transplantation pélonculée, c'est-à-dire à des lambeaux qui ne sont pas tout de suite entièrement enlevés de la partie qui donne, mais qui sont transférés, voire par des phases successives de transplantation, par exemple de l'abdomen au poignet et de celui-ci à la joue à réparer. Dans le transfert des lambeaux, on pourra par un choix opportun, suivre la méthode Celse par écoulement, ou la méthode indienne par torsion, ou la méthode italienne, pratiquée déjà au XVe siècle en Italie méridionale et en Sicile, et récemment perfectionnée au moyen de la transformation du lambeau tubulé, que l'on obtient par la suture des deux bords longitudinaux. Cette méthode assure, entre autres avantages, la plus grande vitalité du lambeau et le risque minimum d'infection ou de nécrose dans les phases de transplantation et de greffage. L'intervention est plus complexe et plus délicate lorsqu'il s'agit de fournir au lambeau une « enveloppe », ou bien de le munir d'une base osseuse ou cartilagineuse, comme l'exige souvent la reconstruction de la cloison nasale ou de la boîte crânienne. Une attention particulière et une connaissance approfondie des réactions possibles sont nécessaires pour préparer le siège récepteur de la transplantation, en en assurant la parfaite hémostase, pour exécuter les incisions et les sutures, pour surveiller le cours de la cicatrisation, jusqu'à ce que le lambeau transféré s'attache dans son nouvel emplacement comme s'il y était né ou, s'il s'agit d'homo ou hétéro-greffes, s'y maintienne vivant et sain jusqu'à ce que se soit accompli le processus d'absorption par les tissus limitrophes, amenés et stimulés par lui à le substituer. Les principes et les normes qui s'appliquent le plus à cette spécialité doivent donc être utilisés par le chirurgien quand il examine pour la première fois le patient, pour savoir si et dans quelle mesure ¦celui-ci peut supporter les épreuves physiques et psychiques de l'intervention, s'il subsiste le danger de complications plus graves pour tout l'organisme ou pour d'autres membres, et quel résultat on peut prévoir et espérer. Les mêmes principes le guideront dans les incisions, dans l'évaluation biologique des lambeaux, dans l'emploi des anesthési-ques, dans le choix du moment le plus opportun pour exécuter les diverses phases du greffage. Le chirurgien demandera conseil à sa propre science et à celle d'autrui dans les complications qui, parfois, ne manquent pas d'intervenir, même après avoir respecté toutes les bonnes règles. Il est facile de déduire de ces rapides allusions combien la chirurgie plastique d'aujourd'hui est loin des traitements et des réparations génériques adoptés autrefois par la chirurgie générale, et encore plus de l'opinion inconsidérée de ceux qui estimeraient encore que son oeuvre consiste, comme s'exprime l'ignorance, en une substitution quelconque de peau et en l'effacement de rides en la confondant ainsi avec le traitement cosmétique de l'épiderme.






II



La chirurgie plastique est aussi un art.

Mais la chirurgie plastique tout en cultivant un secteur limité du très vaste et admirable domaine de la chirurgie générale a la particularité d'être, pour ainsi dire, un art, non seulement dans le sens générique d'ceuvre entreprise selon des normes déterminées, mais en raison de ce « sens artistique » qui est exigé et qui se manifeste chez quiconque s'applique à résoudre ingénieusement des problèmes toujours différents, en visant à en donner une solution également esthétique. En raison du polymorphisme à peu près indéfini des affections, jamais ne se présentent deux cas parfaitement égaux, mais chacun exige un traitement approprié, toujours délicat et patient, parfois génial. Pour mentionner quelques exemples parmi les si nombreux écrits dans les monographies qui Nous ont été courtoisement envoyées, voici le cas connu d'une fillette au visage terriblement abîmé par une déformation cicatrisée, qui intéresse les lèvres et la joue, empêchant le libre mouvement de la mâchoire inférieure. Le chirurgien plastique affrontera le délicat problème en établissant un plan opératoire de démolition et de reconstruction. Ses doigts habiles, avec l'aide des instruments, modèleront l'auto-greffe de façon que la zone réparée acquière, autant que possible, la morphologie normale, tandis que les sutures seront disposées de manière que les cicatrices ne subissent pas de tiraillements, mais, dans les limites des possibilités, apparaissent esthétiques. Un bon résultat qui restitue l'ordre à un jeune visage est suffisant en lui-même pour récompenser le chirurgien de ses efforts et le sujet de ses propres souffrances ; mais il est également capable de susciter de l'admiration envers l'art qui a obtenu une si grande chose. D'autres fois, au regard soucieux du chirurgien s'offre le triste spectacle d'un petit corps ravagé par des brûlures de 3e degré, qui occupent les 35 pour cent de la superficie du corps. — « Tout est à refaire ! » — pense-t-il en lui-même ; mais il a déjà conçu son plan de traitement, qui consistera à transplanter, en bandes alternées, les auto et homo-greffes, habilement obtenues par le dermatome des régions saines du sujet ou d'autres. L'oeuvre est à peine commencée ; des soins patients et minutieux devront suivre pendant longtemps avant d'arriver à un résultat satisfaisant. Lorsque chez d'autres malheureux, le « lupus » a détruit le tiers inférieur de la pyramide nasale, il faudra y transférer un lambeau frontal taillé au bistouri ; si la cavité orbitaire est impropre à accueillir une prothèse, on imaginera le meilleur mode de la reconstruire avec des plaques osseuses les plus voisines.

L'art et l'ingéniosité du chirurgien plastique se manifestent de mille façons, soit qu'il s'agisse de construire entièrement un pavillon auriculaire et de le fournir à un sujet qui en manque par agénésie ou trauma, soit de reconstruire la fermeture des doigts de la main à celui qui en a perdu la faculté à cause de la mutilation du pouce, ou de rétablir la voie laryngo-tra-chéale, ou de remédier à l'enlèvement traumatique du cuir chevelu, ou simplement de corriger, pour de justes motifs, les lignes extérieures du nez et d'autres membres. Dans ces derniers cas, le chirurgien emploiera, outre les ressources de la science, celles qui sont plus particulièrement artistiques, en se conformant aux préceptes de l'esthétique du corps humain.

Si l'on réfléchit, devant l'abondance des brillants résultats déjà obtenus, que la chirurgie plastique a commencé en tant que science ces dernières décades seulement, il est permis d'en attendre de plus admirables dans l'avenir, grâce à l'étude assidue et à la technique de plus en plus perfectionnée de ses insignes spécialistes, dont l'intérêt est stimulé par un haut sens d'humanité et souvent d'esprit religieux. D'une part, l'analogie, voire pâle et lointaine, entre l'oeuvre du chirurgien plastique et celle divine du Créateur, qui modela avec le limon de la terre le premier corps humain en y infusant la vie ; et, d'autre part, le soulagement qui en résulte pour un si grand nombre de souffrants ; et enfin la variété infinie des traitements concourent à accroître le haut intérêt de cette partie de la chirurgie.






III



Les problèmes moraux et psychologiques que pose la chirurgie plastique.

Mais le chirurgien plastique, comme tout médecin, n'est pas seulement un savant et un technicien, prisonnier de sa profession de telle sorte que sa droiture se mesure uniquement à la fidélité aux préceptes de sa science et de son art. Aucun bien ni aucune valeur de l'homme et du monde ne sont tellement enfermés en eux-mêmes qu'ils n'aient point quelque relation avec tous les autres. Le chirurgien est lié par cet ensemble et a une réelle responsabilité : comme homme, envers Dieu et sa loi ; comme professionnel, envers la société et envers des membres auxquels il consacre son oeuvre. La conscience d'homme et de professionnel doit, par conséquent, l'inspirer dans ses décisions et dans ses actes, avant même que sa main bienfaisante ne se pose sur des corps pour y apporter les changements suggérés par la science et par la technique. Les multiples répercussions, dérivant d'une intervention chirurgicale, doivent donc être considérées à la lumière de la conscience chrétienne et professionnelle, afin que l'oeuvre du chirurgien plastique soit parfaite sous tous rapports. Parmi ceux-ci, certains sont, plus étroitement liés à sa profession, et intéressent le plan moral et psychologique, auxquels Nous ferons une brève allusion.

a) La recherche d'une plus grande beauté physique : conditions de licéité.

Le développement tout récent de la chirurgie plastique et plus particulièrement esthétique a pendant longtemps préoccupé la conscience chrétienne, au sujet de la licéité de ses interventions, principalement de celles qui visent non pas tant à la restauration fonctionnelle, mais plutôt à obtenir un embellissement positif de la personne, par exemple par la modification des traits de la physionomie ou, simplement, par l'ablation des rides survenues à cause de l'usure naturelle du temps.

La beauté physique de l'homme, manifestée principalement par le visage, est en elle-même un bien, quoique subordonné à d'autres très supérieurs, et par conséquent précieux et désirable. Elle est en effet une empreinte de la beauté du Créateur, une perfection du composé humain, un symptôme normal de la santé physique. Comme un langage muet de l'âme intelligible pour tous, la beauté est ordonnée à exprimer à l'extérieur les qualités intérieures de l'esprit, parce que, comme l'enseigne le Docteur angélique, la fin proche du corps est l'âme raisonnable ; par conséquent il peut être dit parfait dans la mesure où il possède toutes les conditions qui en font un instrument approprié de l'âme et de ses opérations2. En s'abstenant à présent d'étudier le processus psychologique du sujet, qui dévoile le beau en dehors de soi, par le témoignage de satisfaction donné par l'oeil, selon la fameuse définition pulchra enim dicuntur quae visa placent3, il n'est pas douteux qu'il existe dans la réalité des éléments éternels suscitant des sensations agréables à la vue bien loin de pouvoir être toutes et toujours réduites, comme le prétend une école psychanalytique spéciale, à la sphère de l'instinct qui préside à la conservation de l'espèce.

2 Cf. S. Th., I 91,3.
3 Cf. S. Th., I 5,4 ad 1.
4 Cf. S. Th., I 39,8 in c.




En appliquant à notre sujet l'analyse classique des trois éléments constitutifs du beau4, la beauté physique du corps et du visage humain exige la perfection des membres ou parties distincts, l'harmonie entre eux et surtout la sincérité en exprimant les qualités intérieures de l'esprit ; ce qui est là le rôle plus particulier du visage. Au sujet des deux premiers éléments, il existe depuis la lointaine antiquité des règles bien connues des artistes et de vous-mêmes, spécialistes de la chirurgie plastique, comme celle, par exemple, qui répartit le profil du visage, de l'arcade sourcilière au menton, en six mesures égales ; ou bien l'autre qui établit la perfection de la ligne nasale dans son alignement. Toutefois des canons et autres semblables ne prétendent pas fixer un type unique de beauté et encore moins pour toutes les races humaines, mais les limites au-delà desquelles se trouvent l'imperfection et la difformité. Mais tandis que la perfection et l'harmonie des parties sont facilement reconnaissables et soumises à une mesure, la sincérité d'expression n'est saisie que par l'intuition de celui qui observe ; elle est cependant l'élément le plus décisif pour imprimer sur un visage le mérite de la beauté, en donnant lieu à une variété pour ainsi dire infinie de types.

Or, il n'est pas douteux que le christianisme et sa morale n'ont jamais condamné, comme illicites en eux-mêmes, l'estime et le soin ordonné de la beauté physique. Au contraire, les préceptes qui interdisent les auto-mutilations, qui assignent à Dieu seul la pleine souveraineté du corps, qui exigent le soin ordonné de la santé physique, comportent implicitement la considération même envers ce qui est une perfection du corps. Faut-il peut-être rappeler que le sens et le souci esthétiques sont une caractéristique des manifestations extérieures de l'Eglise et de son art ? Néanmoins, la morale chrétienne, qui vise à sa fin ultime et embrasse et règle la totalité des valeurs humaines, ne peut assigner à la beauté physique que la place qui lui revient et qui, certes, ne se trouve pas au sommet de l'échelle des valeurs, car elle n'est pas un bien spirituel, ni même essentiel. Le respect envers cette gradation explique telle ou telle méfiance, ou parfois mésestime, à l'égard de la beauté physique, que l'on peut trouver dans la littérature de morale et ascétique et dans les biographies des saints. Et lorsque le développement moderne de la chirurgie plastique demande sa pensée à la morale chrétienne, il ne fait que demander à quel degré des valeurs doit-on placer la beauté physique. La morale chrétienne répond qu'elle est un bien, mais corporel, ordonné à tout l'homme et, comme les autres biens du même genre, susceptible d'abus. Comme bien et don de Dieu, elle doit être estimée et soignée, mais sans exiger comme un devoir le recours à des moyens extraordinaires. Que l'on fasse l'hypothèse d'un individu qui demande à la chirurgie esthétique le perfectionnement de ses traits, déjà conformes aux canons de l'esthétique normale en excluant toute intention qui ne soit pas droite, tout risque pour la santé et toute autre répercussion contraire à la vertu, mais seulement — car il faut bien qu'il y ait une raison — à cause de l'estime de la perfection esthétique et de la satisfaction de posséder celle-ci. Quel sera le jugement de la morale chrétienne ? Ce désir ou acte, tel qu'il est présenté par l'hypothèse, n'est moralement en lui-même ni bon, ni mauvais, mais seules les circonstances, auxquelles en réalité aucun acte ne peut se soustraire, lui donneront la valeur morale de bien ou de mal, de licite ou d'illicite. Il en découle que la moralité des actes qui concernent la chirurgie esthétique dépend des circonstances concrètes des cas distincts. Dans l'évaluation morale de celles-ci, les principales conditions les plus pertinentes à la matière et décisives dans la vaste casuistique présentée par la chirurgie esthétique, sont les suivantes : que l'intention soit droite, que la santé générale du sujet soit à l'abri de risques notables, que les motifs soient raisonnables et proportionnés au « moyen extraordinaire » auquel on a recours. L'illicéité est évidente quand il s'agit par exemple d'une intervention risquée dans l'intention d'accroître son pouvoir de séduction et d'induire ainsi plus facilement les autres au péché ; ou exclusivement pour soustraire un coupable à la justice ; ou qui cause un dommage aux fonctions régulières des organes physiques ; ou qui soit voulue par pure vanité ou caprice de la mode. Au contraire, de nombreux motifs parfois légitiment ou même conseillent positivement l'intervention. Certaines difformités ou encore de simples imperfections sont des causes de troubles psychiques chez le sujet ou bien deviennent ou un obstacle aux relations sociales et familiales ou un empêchement — spécialement chez des personnes vouées à la vie publique ou à l'art — à l'exercice de leur activité. D'autre part, si la réparation n'était pas possible, les maximes chrétiennes sont, dans leur richesse inépuisable, en mesure de suggérer les motifs et d'inspirer la force qui font tolérer avec sérénité les défauts physiques, permis par de mystérieux desseins divins. La beauté physique considérée de la sorte dans la lumière chrétienne et les conditions morales indiquées étant respectées, la chirurgie esthétique, loin de contrarier la volonté de Dieu, quand elle restitue la perfection à la plus grande oeuvre de la création visible, l'homme, semble mieux la seconder et rendre à sa sagesse et à sa bonté le témoignage le plus évident.

La suppression de certains défauts physiques et son heureuse influence sur le comportement de l'individu.

Les répercussions psychologiques sont également importantes et, en un certain sens, reliées plus immédiatement à l'exercice de la chirurgie plastique.

La chirurgie plastique se trouve plus d'une fois en face de problèmes qui ne dépendent pas seulement d'une technique irréprochable et de la virtuosité de l'opérateur, qui sait corriger les défauts physiques de la personne, en rendant à celle-ci son état et son aspect normaux. Il semble déjà dans cette tâche que la main du chirurgien répète en quelque sorte l'acte de la main de Dieu qui modèle l'homme.

Mais il y a des circonstances dans lesquelles l'opérateur de chirurgie plastique effleure des conditions plus élevées d'ordre spirituel, dont il faut qu'il ait une pleine conscience, aussi doit-il avoir une préparation appropriée pour devenir également dans celles-ci presque un collaborateur de Dieu.

En effet, comme cela Nous a été signalé, des phénomènes, parfois très graves, sont « causés par la connaissance qu'ont les malades des défauts physiques, dont ils sont affectés ». Il n'est pas rare que le chirurgien plastique rencontre des conditions de ce genre, caractérisées par des répercussions psychologiques, et elles sont même plus fréquentes que dans d'autres branches de la chirurgie. Quand les anciens, avec la mentalité propre aux civilisations non chrétiennes, répétaient la sentence Cave a signatis, ils indiquaient sur une base empirique la réalité de certains phénomènes que la psychologie expérimentale moderne a pris en sérieux examen et dont elle recherche les causes en même temps que les possibilités d'une thérapeutique efficace. Ce sont des phénomènes pour la plupart inobservés à leur origine, mais non moins certains et nuisibles, qui naissent d'un sentiment d'infériorité physique ou esthétique par rapport à des compagnons d'âge ou d'autres égaux ; un sentiment qui non seulement rend triste la vie de celui qui n'a pas la force morale pour le surmonter, mais qui tend à s'enraciner, à se fixer dans des complexes qui peuvent également conduire à de profondes anomalies du caractère et de la conduite jusqu'à la psychose et parfois (à Dieu ne plaise), au crime et au suicide.

Au sujet de ces malades, le devoir de les assister peut revenir à beaucoup, du prêtre au médecin psychiatre jusqu'à l'ami. Aussi, quand la cause consiste en un défaut physique, que la chirurgie plastique est en mesure de supprimer, il n'est personne qui ne voie que l'intervention chirurgicale correspond non seulement à une indication médicale ou à une indication esthétique, mais aussi à un motif spirituel, suggéré par cette charité du Christ, qui s'étend à tous les éléments de la vie humaine, poussant, à l'exemple du divin Maître, à soulager toute douleur, même celles qui sont cachées, ignorées ou refoulées.

Ces aspects singuliers de la chirurgie plastique réclament évidemment une conscience approfondie de ses propres possibilités et responsabilités, comme aussi une habileté exercée, outre les compétences strictement techniques de votre art, pour adopter des motifs et des méthodes de conduite, qui concernent d'autres secteurs d'étude. Du reste, en ces temps où dans tout domaine la compétence spécialisée est de plus en plus demandée et conditionne les résultats scientifiques et techniques de la civilisation moderne, il est hautement opportun et méritoire de s'efforcer de puiser une culture plus vaste dans d'autres disciplines ou spécialités, qui concernent l'homme, comme la psychologie et la religion.

5 Voir par exemple : C. G. lung, Psychologie de l'inconscient, Genève, p. 220.




La psychologie moderne5 s'attarde souvent à étudier les rapports mutuels de l'âme et du corps, en faisant ressortir qu'une opération défectueuse de l'âme peut causer au corps des dommages considérables et, vice versa, une affection physique peut être la cause d'une perturbation de l'âme. On assure, d'autre part, que se présente souvent le cas d'une maladie somatique, qui même lorsqu'elle n'est pas déterminée par des causes psychologiques, produit des complications psychologiques de diverse nature, qui ont à leur tour une répercussion sur l'affection organique. Ces affirmations et d'autres semblables, d'auteurs contemporains, engagent l'action du médecin dans tout domaine où il est en mesure d'apporter la santé au corps et, indirectement, à l'âme également, et demandent à être confrontées comme il convient dans les cas distincts. Il faut par exemple savoir distinguer s'il s'agit de psychopathes constitutionnels, sujets aux complications graves du subconscient, ou bien de malades qui présentent des phénomènes de nature essentiellement réactive, c'est-à-dire surtout liés à une déficience physique, congénitale ou acquise, que la chirurgie plastique se propose de supprimer. Il se présente donc une série de cas différents, que le médecin doit approfondir par ses anamnésies, par ses recherches objectives, et dont il tient compte dans sa méthode de traitement, pour influer non seulement sur le corps, mais aussi sur l'état psychique conscient et inconscient du malade, en relation avec ses sentiments, avec ses conditions extérieures et avec son avenir.

Il est facile de déduire de ces réflexions combien votre profession est importante, délicate et méritoire. Comme expression de l'admirable progrès accompli ces derniers temps par les sciences médicales, la chirurgie plastique en couronne, pour ainsi dire, l'oeuvre bienfaisante, en restituant harmonie et dignité aux membres et parfois également à l'esprit. Combien d'esprits, humiliés par des complexes d'infériorité et presque empêchés dans leur activité, retrouvent sérénité et dynamisme de vie dans vos mains habiles et fraternelles. Combien de visages de fils de Dieu, auxquels l'infortune a refusé le don de refléter sa beauté, acquièrent de nouveau le sourire perdu, grâce à votre science et à votre art. Soyez toujours conscients que votre mission peut et doit s'étendre, au-delà des tissus et des formes, jusqu'à l'âme, dont vous enseignerez à apprécier la beauté intérieure.

Avec ces voeux et avec la confiance que vos études fassent marquer à cette chirurgie spéciale des progrès de plus en plus grands, Nous invoquons les faveurs célestes pour vous, pour vos familles et pour vos patients.


Pie XII 1958 - LETTRE POUR LA RÉOUVERTURE AU CULTE DE LA BASILIQUE DE REIMS (29 septembre 1958)