Catéchèses Paul VI 29971

29 septembre 1971: LE SYNODE, SIGNE DE L’UNITE DE L’ÉGLISE

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Chers Fils et Filles,



A vous qui venez assister à cette audience générale pour y goûter les sentiments et la spiritualité de ce foyer de l’Eglise Catholique, nous voulons dire la légitimité que nous reconnaissons à votre aspiration. Nous voulons orienter vos âmes vers la recherche et la découverte des aspects positifs de l’Eglise ; aujourd’hui, la soi-disant « supériorité de la mentalité moderne » qui, hélas ! n’est autre qu’une déformation de l’esprit, conduit certains à n’en relever que les côtés négatifs ou du moins réputés comme tels. Elle accentue chez les observateurs de l’Eglise, une tendance à la critique et une intolérance à l’égard de la réalité ecclésiale. Sous prétexte de vouloir s’orienter vers une Eglise idéale, on mésestime l’Eglise telle qu’elle est, et, non seulement pour son caractère humain, juridique, historique, pour les personnes et les institutions concrètes que la représentent, mais bien plus pour sa sensibilité, son côté surnaturel, sacré, mystérieux, incompréhensible, mystique et ascétique. On veut une Eglise purement spirituelle, en tout conforme aux aspirations de chacun. Nous assistons tristement à la diffusion d’un état d’âme critique, contestataire, exigeant, mais à la fois décadent, dépourvu d’enthousiasme, d’amour et par conséquent privé de joie et de sacrifice. Que chacun d’entre vous, en s’approchant du tombeau de St. Pierre, puisse faire siennes les paroles du psaume 121 : O ma joie quand on m’a dit : Allons à la maison du Seigneur ! et éprouver dans son coeur le bonheur d’apercevoir presque en transparence, dans les manifestations authentiques de l’Eglise — si humbles ou triomphalistes qu’elles soient — un peu de la présence du Christ et de son Esprit, quelque chose de beau et d’ineffable.


Le mystère de l’Eglise, trésor de tout fidèle


Que le mystère de l’Eglise, trésor de tout fidèle, soit vôtre, afin que vous éprouviez le bonheur de vous sentir meilleurs.

Nous ne voulons pas faire ici de la spéculation théologique ; quelques observations élémentaires suffiront. Un catholique, cultivé et distingué, nous racontait, voici quelque temps, une anecdote de son voyage en Afrique, à l’occasion d’un Congrès de Laïcs Catholiques : « J’ai été bouleversé, a-t-il dit, par les paroles et les gestes d’une pauvre vieille femme, accroupie par terre et sérieusement absorbée par son humble travail ; tout reflétait sur son visage la joie et l’orgueil de se sentir, elle aussi, catholique et par là, associée au groupe de ces illustres hommes de foi, qui passaient devant elle : Ils sont catholiques, a-t-elle murmuré, ce sont mes amis, mes frères, les fidèles de mon Eglise ! » ; Dans cet esprit, si humble, resplendissait la lumière d’un fait extraordinaire : la communion catholique.

La semaine dernière, nous nous, réjouissions d’accueillir à Rome les participants à un événement des plus naturels, mais combien merveilleux : le Congrès International de la Catéchèse.


L’ouverture du Synode


Nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver aujourd’hui, un sentiment religieux d’admiration et de joie spirituelle pour un autre événement bien plus important encore, mais profondément ancré, lui aussi, dans la réalité ecclésiale ; nous voulons parler du Synode Episcopal qui s’ouvrira demain. Nous sommes habitués désormais aux Congrès internationaux, aux Institutions mondiales, aux dialogues avec les Nations ; le monde marche vers l’unité. C’est bien. Mais comment demeurer indifférents à un Congrès des Représentants des Conférences Episcopales de toute l’Eglise, dans lequel existe déjà cette profonde unité de foi et d’amour, si difficile à atteindre sur le plan naturel ! N’y entrevoyons-nous pas les notes caractéristiques qui nous font exclamer : Voilà, c’est là l’Eglise du Christ, Une, Catholique et Apostolique ! Et, en y prenant garde, ne voyons-nous pas dans ces caractéristiques extérieures le reflet d’une propriété intérieure, d’une exigence intrinsèque, d’un charisme surnaturel que l’Eglise, humanité rassemblée au nom du Christ par la vertu mystérieuse de l’Esprit-Saint, possède et donne à ses membres, même s’ils sont issus de la même glaise d’Adam ? N’est-ce pas là un événement canonique, c’est-à-dire juridique qui nous révèle que l’Eglise est un corps : corps visible et mystique du Christ, son chef, qui par l’action de l’Esprit-Saint, vivifie et renouvelle sans cesse la vitalité perpétuelle de l’Eglise ?


L’Eglise, un corps vivant


Nous avons là une « société dont la composition est aussi parfaite que celle d’un corps, un seul et même corps ». « Corps » ne signifie pas matière proprement dite, mais un « je ne sais quoi » qui la rend perceptible. Dans ce sens, l’Eglise est vraiment un corps, un corps vivant, dont le Christ est la tête, les croyants constituent les membres et l’esprit; c’est l’Esprit « qui procède de Dieu » (fornari, Vie de J. C., III, 15 ; cf.
Ep 1 Ep 5 ; 1Co 12, etc.).


Joie et espérance


Cette vision nous mènerait bien loin ; l’Encyclique du Pape Pie XII, Mystici Corporis et la Constitution conciliaire Lumen Gentium attendent peut-être de notre part, une méditation nouvelle, capable de nous révéler que l’Eglise est le signe du Christ, l’instrument par lequel nous devenons vraiment chrétiens (cf. Lumen Gentium, LG 1). Que cette méditation nous aide à comprendre que notre réforme spirituelle et morale n’est pas un changement arbitraire des fonctions et des structures de l’Eglise, mais la condition de notre authenticité chrétienne et de notre attitude à promouvoir l’union des Frères Séparés et l’annonce vivante et éternelle du Salut au monde (cf. Unitatis redintegratio, UR 7, etc.). Nous disions cela pour vous donner joie et espérance et vous inviter à regarder et à voir les aspects positifs de l’Eglise d’aujourd’hui et à ne pas vous abandonner aux critiques imprudentes et aux oppositions stériles. Vous favoriserez ainsi l’aggiornamento de l’Eglise. Rappelons les paroles de Jésus : Il y en a qui ont des yeux gui regardent et ne voient pas (Mt 13,13), et d’autres qui regardent et voient et ils sont bienheureux (cf. Mt 13,16).

Que cette béatitude soit aussi la vôtre avec notre Bénédiction Apostolique.





6 octobre 1971: LES EVEQUES, DANS LE PEUPLE DE DIEU

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Chers Fils et Filles,



Absentons-nous quelques instants de la réunion du Synode qui groupe plus de 200 évêques venus de toute part, pour nous consacrer, comme tous les mercredis à cette Audience générale. C’est avec une joie sans cesse renouvelée, que nous accueillons, aujourd’hui, cette foule nombreuse de fidèles, représentant le Peuple de Dieu et à laquelle nous voulons rendre hommage. Saluons les religieux, les religieuses, les groupes des jeunes mariés, des pèlerins et des touristes de toutes nations, les enfants et les étudiants, sans oublier toutes les personnalités qui nous honorent de leur présence. A vous tous, ici réunis, et à tous ceux présents à votre souvenir, notre salut et notre bénédiction.

Nous devinons la question assez simple et cependant assez difficile qui se pose à votre esprit : Qu’est ce synode ? Comment nous sépare-t-il de nos évêques ? Ne sont-ils pas et ne sommes-nous pas les membres d’une même Eglise ? Ne pourrions-nous pas être ensemble ? Que font et que disent ces évêques ?

Nous comprenons parfaitement votre pensée : évêques et fidèles sont le Peuple de Dieu. Nous appartenons tous à cette même famille religieuse qui est l’Eglise et formons tous un seul corps, le Corps Mystique du Christ. C’est un bien que d’avoir le sens communautaire, le « sens de l’Eglise », Une, solidaire, unie dans la foi en la Parole du Christ, dans la même grâce et vouée au même destin, le Salut. L’Eglise n’a d’autre but que celui de défendre et de diffuser l’Evangile. Nous ne sommes qu’une seule et même chose, une Communion, un corps, ainsi que le Christ l’a voulu.


Différentes fonctions dans l’unité organique


Rappelons les paroles de St. Paul : « De même que notre corps en son unité possède plus d’un membre et que ces membres n’ont pas tous la même fonction, aussi nous, à plusieurs, nous ne formons qu’un seul Corps dans le Christ ». L’Eglise est le fruit d’une communion organique. Parmi les différentes fonctions de cette unité complexe, il en est une qui la caractérise le mieux, c’est la fonction hiérarchique, celle que Jésus-Christ lui-même a confiée aux apôtres, en les choisissant parmi une multitude afin qu’ils la dirigent en son nom, l’instruisent, la sanctifient et la protègent. C’est pourquoi les évêques, successeurs des apôtres, composent seuls, aujourd’hui cette assemblée synodale : ils examinent des problèmes qui d’une part, concernent tout le Peuple de Dieu et de l’autre sont inhérents à la fonction pastorale des évêques, « constitués par l’Esprit-Saint pour être les pasteurs de l’Eglise et la gouverner » (
Ac 20,28). La société moderne devrait accorder la plus grande considération à cet aspect organique et hiérarchique de l’Eglise dans lequel se reflète, de manière claire et humaine, l’Economie du Salut et par lequel se manifeste le caractère communautaire du Peuple de Dieu.

En cette période de Synode, les observateurs portent leur attention sur l’exercice de l’un des plus grands pouvoirs de la hiérarchie ecclésiastique, le pouvoir de juridiction qui est aussi un pouvoir ministériel dont l’autorité remonte au Christ, mais qui s’exerce selon la volonté du ministre, aidé par la Providence divine. Donc, si la volonté du ministre est, en ce moment, déterminante, pourquoi, se demandent certains, ne pouvons-nous pas espérer du Synode (même s’il est doté de pouvoirs subordonnés) des nouveautés radicales, conformes à l’attente de tous ceux qui estiment qu’il n’y aura pas de vrai renouveau dans l’Eglise sans une transformation radicale ? Et ici, cette question mérite une réflexion profonde, en raison de son rapport à un autre pouvoir qui peut être inséré parmi ceux de la hiérarchie, le pouvoir d’enseignement.


Les vérités confiées aux Apôtres


Pouvons-nous supposer que la hiérarchie est libre d’enseigner ce qui lui plaît dans le domaine religieux, ou ce qui est susceptible de répondre aux exigences modernes de certains courants doctrinaux ou mieux encore anti-doctrinaux ? Non. Nous devons nous rappeler que l’Episcopat a un devoir primordial, celui de témoigner et de transmettre fidèlement le message du Christ, c’est-à-dire les vérités révélées et confiées aux Apôtres, en vue du Salut. Le christianisme ne peut modifier ses doctrines constitutionnelles. L’évêque doit, plus que tout autre « garder le dépôt », comme dit l’apôtre (1Tm 6,20 2Tm 1,14) et prendre pour lui les dernières paroles de Jésus : « Allez et enseignez à toutes les nations à observer ce que je vous ai prescrit » (Mt 28,20). Le Concile a repris ces paroles (cf. Dei Verbum, DV 4 DV 7) ainsi que l’avait explicitement demandé Vatican I (Sess. III, cha. IV). Nous ne devrions même pas penser à l’éventualité d’une transformation de l’Eglise dans le domaine de la foi (cf. tertullien, De Praescrip., c. 20 ; PL 2, 36-37). Le « Credo » demeure. Sous cet aspect l’Eglise est très conservatrice et ne vieillira donc jamais.


Fidélité doctrinale, compréhension pastorale


Nous nous demandons alors : cet enseignement primitif ne peut donc pas se développer ? Oui, mais à condition qu’il soit toujours cohérent avec la Parole que Dieu nous a révélée. Jésus lui-même avait prévu un tel développement (Jn 16,12-15). Et, la tradition qui s’en est suivie se propage ainsi de l’ordre théologique à l’ordre canonique (cf. 1Co 11,23 1Co 15,3 2Th 2,15 Dei Verbum, DV 8). Ceux qui, dans l’Eglise, ont reçu le charisme de la vérité, doivent s’efforcer de demeurer fidèles à cette tradition et par leur autorité, la faire respecter (cf. Lc 10,16). Ce fut, là, le grand problème de Newman (cf. J. guitton, La philosophie de Newman). L’étude de la vérité divine est toujours possible ; la théologie est en marche vers une meilleure « intellegentia fidei ». La foi doit être appliquée à notre vie, à notre expérience en perpétuelle mutation. Les exigences des temps se renouvellent sans trêve. Par conséquent, les responsables pastoraux de l’Eglise doivent veiller à garder intact le trésor des vérités divines et celui des traditions valables qui l’ont assimilé ou qui en découlent. Ces mêmes responsables doivent en même temps présenter ce trésor toujours vivant à toutes les générations dans un langage et sous des formes accessibles et fructueuses. Cet effort continu de fidélité doctrinale et de compréhension pastorale est le drame spirituel de ceux que l’Eglise a choisis pour guider les hommes vers le Salut. Priez pour eux.

Avec notre Bénédiction Apostolique.





13 octobre 1971: NOS PRÊTRES

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Chers Fils et Filles,



Nous voulons, aujourd’hui, poser une question à laquelle vous-mêmes pourrez répondre dans votre for intérieur. Interrogez votre conscience, car vous savez qu’elle se situe sur un plan plus intime et plus réfléchi que celui de votre opinion. Interrogez-la scrupuleusement et n’émettez pas de jugement superficiel. Que pensez-vous du prêtre ?


Que pensez-vous du prêtre ?


Nous sommes anxieux de connaître votre réponse, car, ces jours-ci, le thème de la prêtrise, devenu dans l’esprit du public le thème du prêtre, c’est-à-dire l’examen de la personne ou des personnes revêtues du sacerdoce, est d’actualité. Vous savez que ce sujet est à l’ordre du jour du Synode des Evêques, réunis à Rome. Tous en parlent avec un vif intérêt comme s’il s’agissait d’une nouveauté et comme si ce Synode concernait — et cela est vrai — non seulement le ministère sacerdotal, mais toute la communauté ecclésiale et toute la mission de l’Eglise dans le monde.

Ne vous attendez pas à ce que Nous vous parlions des discussions synodales, ni des commentaires faits à ce propos. Ne parlons pas du Synode, mais de vous qui Nous écoutez. Nous vous demandons encore : Que pensez-vous du prêtre ? Qui est-il ? Que fait-il ? Que devrait-il faire ? Comment voudriez-vous qu’il fût ? Voyez-vous la nécessité de sa présence et de son activité dans la société moderne ou ne la voyez-vous pas ? Cette présence, vous ennuie-t-elle ? Est-ce que sa vue vous dérange ? Voudriez-vous un prêtre exclu et en marge de notre monde profane et sécularisé ? Comment le jugez-vous ? Comment pensez-vous qu’il soit ? Quels sont les aspects du prêtre qui vous irritent ou, au contraire ceux qui, d’après vous, méritent attention, estime et intérêt ? En un mot, comment le voulez-vous ?

Vous voyez que la question se ramifie en plusieurs autres interrogations et il se peut que celles-ci vous fassent penser à des problèmes plus grands, par exemple, que nous provenons d’une tradition catholique entièrement tissée d’activité pastorale ; que l’Eglise existe ; que la liberté religieuse est admise — du moins théoriquement — par le Droit moderne ; qu’une grande question se pose encore, en termes inéluctables : l’affirmation « Dieu existe » a-t-elle une raison d’être ? Quel rapport cette Existence Suprême et transcendante a-t-elle avec nous ? avec notre conscience, avec notre destin? Nous nous interrogeons encore : Que savons-nous et que pensons-nous du Christ ? Est-il vrai que le Christ vit et agit toujours dans l’Eglise par le sacerdoce ministériel, l’une de ses personnifications ?

Sur ce thème théologique et existentiel, les interrogations n’en finiraient plus ! Celles que nous avons posées suffisent à justifier notre première question : Que pensez-vous du prêtre ?


La littérature et l’expérience


Nous sommes presque certains que cette question vous surprendra et que, par conséquent, deux séries d’images de prêtres se présenteront à votre imagination ; tout d’abord celles des réminiscences littéraires. La littérature nous a offert toute une galerie de portraits qui, en quelque sorte, sont demeurés imprimés dans la mémoire ; des figures graves et ridicules; des Saints et des caricatures ; le prêtre est un personnage exploité par ces écrivains qui, dans leurs ouvrages, s’intéressent davantage aux personnages mis en scène qu’à la scène elle-même, c’est-à-dire à la narration des faits ; c’est un personnage dont la richesse de la vie intérieure implique une comparaison entre la réalité extérieure du prêtre et ce qu’il devrait être ; c’est un personnage à double aspect. « Il y a en moi, disait Léo Trese, un côté lion et un côté agneau ; charité et égoïsme ; pénitence et amour des aises ; prière et vie profane ; humilité et orgueil » (Vase d’Argile, p. 139). St. Paul disait de lui-même : « Mais ce trésor (l’Evangile) nous le portons en des vases d’argile, pour qu’on voie bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous » (
2Co 4,7). La littérature s’est plu à dépeindre avec tant de diversités ce dualisme paradoxal que le lecteur est bien embarrassé pour choisir le type de prêtre qu’il voudrait pouvoir condamner, bafouer, admirer ou comprendre dans sa vie secrète (citons ici quelques auteurs célèbres : Manzoni, Fogazzaro, Moretti, Barbey d’Aurevilly, Chesterton, Bernanos, Cronin, Greene, Marshall, etc.).

Passons maintenant à la deuxième série, celle très variée, des prêtres qui ont réellement existé : St. Vincent de Paul, Don Bosco, le Curé d’Ars et ajoutons Maximilien Kolbe qui sera béatifié dimanche ; n’oublions pas les autres images chères et modestes de bons et saints prêtres que chacun de nous a certainement rencontrés sur son chemin : Curés, religieux, professeurs et aumôniers... qui ont ajouté au don charismatique, ministériel de la Parole de Dieu et de la grâce sacramentelle, leur manière humble et humaine d’inviter, d’accueillir, d’écouter, d’avertir, de compatir, de consoler, de comprendre, de faire le bien... et aussi leur propre mode de vie, pauvre et courageuse, qui nous a fait incliner la tête et murmurer, pensifs : Oui, celui-ci est un vrai prêtre.

Mais revenons à notre question : quelle conception vous faites-vous du prêtre ? Peut-être y avez-vous rencontré des défauts ? Mais pourquoi les défauts des prêtres provoquent-ils tant de réactions, tant de critiques ? Pourquoi êtes-vous portés à les généraliser si facilement et à les condamner ? Nous l’avons déjà dit : parce que nous voudrions toujours trouver chez le prêtre, la perfection. Le prêtre n’est-il pas l’homme de Dieu, son représentant, son ministre ?


Un préféré de la miséricorde du Seigneur


Certes. Mais nous voudrions que cette considération évidente puisse être approfondie de notre part : si le prêtre est l’homme de Dieu, un « autre Christ », c’est le signe qu’un courant de grâce est passé dans l’histoire de sa vie : il a été un appelé, un élu, un préféré de la miséricorde du Seigneur. Celui-ci l’a aimé d’une façon particulière. Il l’a marqué d’un caractère spécial et l’a ainsi habilité à l’exercice des pouvoirs divins (cf. st. thomas, III 53,2) ; Il l’a rendu amoureux de Lui jusqu’à faire mûrir en lui l’acte d’amour le plus plein et le plus grand dont le coeur de l’homme soit capable: l’oblation totale, perpétuelle, bienheureuse... Comme Jésus, il a eu le courage d’offrir sa vie pour les autres, pour tous, pour nous.

Ecoutons parmi tant d’autres, une citation du Concile sur les prêtres : « Par l’Ordination et la mission reçue des Evêques, les prêtres sont mis au service du Christ Docteur, Prêtre et Roi ; ils participent à son ministère qui de jour en jour, construit ici-bas l’Eglise pour qu’elle soit Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple du Saint-Esprit ». C’est pourquoi, « dans une situation pastorale et humaine souvent en pleine mutation, il fallait les aider plus efficacement dans leur ministère et mieux prendre en charge leur vie ». Le Concile nous a invités à méditer sur la nature du sacerdoce qui est une surnature et sur sa mission humaine qui est surhumaine.


Serviteurs et intendants


Qui ne sait ces choses qui offrent les éléments de la définition du prêtre ? Nous le savons tous un peu ; et en réfléchissant, combien d’autres choses pourrions-nous ajouter, non seulement pour idéaliser la figure du prêtre, l’essence de sa mission et pour en faire le mythe de notre fantaisie, ou de notre dévotion, mais pour mieux comprendre ce frère que le Christ a voulu pour Lui. Rappelons comment St. Paul a répondu à la question que nous nous sommes posée aujourd’hui : « Qu’on nous regarde donc comme des serviteurs du Christ et des intendants des mystères de Dieu » (1Co 4,1). Le Prêtre ne mérite-t-il donc pas que nous nous fassions une juste conception de sa personne, de sa transfiguration en ministre du Christ, en héraut du Royaume de Dieu, non pour en faire la louange hyperbolique et conventionnelle, mais pour mieux reconnaître sa dignité et sa fonction ? pour compatir à ses déficiences, pour l’aimer davantage, pour le savoir et l’avoir nôtre ?

Réfléchissez un peu à cela au moins pendant le Synode.

Avec notre Bénédiction Apostolique.





20 octobre 1971: EGLISE SAINTE

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Chers Fils et Filles,



Nous voulons vous inviter aujourd’hui à réfléchir quelques instants sur la Sainteté de l’Eglise. La récente béatification du Père Maximilien Kolbe, qui a eu lieu dimanche dernier, ici-même, dans cette Basilique, nous fait, méditer sur cet aspect et sur cette propriété de l’Eglise. Nous disons que l’Eglise est Sainte : pourquoi et comment l’est-elle ?

En vous proposant ce thème de réflexion, nous suivons avant tout une ligne méthodologique, celle de l’observation positive, même optimiste si vous voulez, et selon laquelle nous devons découvrir et considérer les valeurs positives, constructives, celles qui nous révèlent l’oeuvre de Dieu dans l’Eglise et l’effort des fidèles pour répondre à leur vocation chrétienne.


Observer l’Eglise avec amour


Nous voudrions, donc, inviter ces fidèles à ne pas tourner systématiquement et à priori leur regard sur les aspects négatifs de l’Eglise ou mieux encore sur la vie de ses membres ; qu’ils aient une perspective réconfortante et édifiante de la vie ecclésiastique ; qu’ils en abandonnent la critique corrosive pour l’observer avec amour (cf. Y. congar, Vraie et fausse réforme de l’Eglise, Intr.). Cette critique se flatte d’être soi-disant réaliste, peut-être, bien intentionnée au départ, elle se veut réformatrice et, par conséquent, dénonce, désormais outre mesure, les faiblesses et les déformations de l’Eglise actuelle dans son engagement évangélique. Elle aspire à l’édification d’une Eglise nouvelle, conçue selon ses propres exigences critiques, souvent utopiques et destructives. C’est là un jeu dangereux bien qu’il soit mené par des individus intelligents et dans des milieux animés d’un certain esprit de renouveau. Dangereux, puisqu’il semble ne pas tolérer la communion effective et cordiale des frères et des pasteurs de l’Eglise ; dangereux encore, puisqu’il part d’observations objectives pour aboutir, avec une extrême facilité, à des conclusions subjectives et arbitraires ou dépourvues de tout sens historique et de tout réalisme humain et social. Il refuse la doctrine de l’Eglise pour accepter des théories et des idéologies politiques nuisibles à la foi. Tout en adoptant une attitude des plus sévères et des plus exigeantes à l’égard de l’Eglise institutionnelle, soit dans le domaine culturel ou spirituel, il finit par se conformer de manière simpliste à ces nouveaux courants d’idées qui l’entraînent vers l’abolition des plus importantes règles morales. Ce jeu est dangereux, nous ne cesserons de le répéter, car il s’octroie cette autorité de jugement qu’il a lui-même contestée à l’Autorité légitime et responsable. Il épuise bien vite les ressources de charité qu’il possédait au départ, poussé par la velléité prophétique de s’en retourner aux origines chrétiennes ; pouf se transformer, hélas ! aussi vite, en accusateur polémique et intempérant ; cet amour humble et vrai fait alors place à une ambition revêche et solitaire.


Mais pas d’adulation


Cependant, nous ne voudrions pas que les fidèles aient de l’Eglise une vision conventionnelle, unilatérale et puérilement élogieuse; qu’ils se rendent compte des erreurs et des défauts de la vie ecclésiale ! Nous ne leur demandons pas d’être sans esprit critique ou partiaux, et encore moins passifs et adulateurs. Qu’ils aient de l’Eglise une vision objective, en reconnaissant ses fautes mais aussi ses vertus et ses mérites, en promouvant sans cesse son renouveau et en l’aimant toujours et même davantage selon ses besoins et ses déficiences. C’est dans cette voie que nous voudrions voir s’orienter les fidèles de l’Eglise. Nous-mêmes, nous essayons de trouver ce qu’il y a de bon, de vrai et d’utile dans ces attitudes négatives ; nous acceptons volontiers les reproches adressés à la vie ecclésiale telle qu’elle est, afin de mieux comprendre comment elle devrait être. Nous nous efforçons d’accueillir, dans des sollicitations inquiètes et confuses, le désir caché d’une vie chrétienne authentique, en l’empêchant d’arriver à un compromis avec la nouvelle mythologie d’un humanisme économique, érotique et révolutionnaire.


En communion ineffable avec le Dieu vivant


Notre réflexion est orientée, nous le répétons, vers la Sainteté de l’Eglise et dans l’Eglise. Quiconque a foi en la Parole du Seigneur, n’osera contester et oublier que l’Eglise est Sainte. Ici, le terme « Eglise » se réfère au mystère de la définition qu’en a donnée Dieu, c’est-à-dire au plan d’amour et de Salut pour lequel Dieu a conçu une humanité qui puisse l’appeler Père, parce que vivant du Christ, de sa Parole et de son Esprit; l’Eglise est donc Sainte puisqu’elle est élevée à une vie surnaturelle, à une communion ineffable avec le Dieu Vivant, Un et Trine ; elle est elle-même sacrement et instrument de l’effusion divine, la grâce ; par cela même, elle est la « Mère des Saints », c’est-à-dire dotée de pouvoirs de régénération et de sanctification ; Sainte, car dès leur existence terrestre et temporelle, les hommes qui lui appartiennent sont Saints ; dans une certaine mesure et dans ce régime actuel qui tend à la plénitude de la sainteté, ils sont « peuple élu, sacerdoce royal, nation sainte... peuple de Dieu » (
1P 2,9-10) ; ils sont consacrés à Dieu.

L’Eglise est le cône de lumière céleste projetée sur le monde ; elle est Sainte dans le dessein de Dieu et dans l’économie de grâce qui l’enveloppe ; c’est la « Sainte Eglise » ; cela devrait nous suffire pour en chercher l’idée génératrice, l’image idéale dans son lieu d’origine et de retour qui est justement le Dieu Créateur, le Dieu d’Amour.

Quoi de plus lumineux sur le visage des hommes que la beauté de la Sainte Eglise ! Sainteté de l’Eglise : cela ne suffit-il pas à nous rendre admiratifs, enthousiastes et heureux ? Qu’est la beauté sinon une révélation de l’Esprit ? Et où trouver révélation plus intuitive et plus béatifiante sinon dans l’humanité devenue Corps du Christ et Temple vivant du Saint-Esprit ? Savons-nous, pour l’Eglise, faire nôtre la joie du psalmiste : « Que tes demeures, Seigneur, sont désirables, ô Dieu puissant ! » (Ps 83,2) ?


Eglise en marche


Mais voici notre déception : la sainteté dans l’Eglise, vue dans la réalité humaine de ses membres, n’est pas toujours conforme à la sainteté de l’Eglise, vue dans son projet idéal et divin. Même s’ils sont déjà admis dans ce « Royaume de Dieu déjà parmi nous » (Lc 17,21), les membres de l’Eglise n’en demeurent pas moins des hommes faibles, fragiles et pécheurs ; car pour le posséder vraiment, dit le Seigneur, le Royaume de Dieu doit être conquis par la force et ce sont les violents qui s’en emparent (Mt 11,12). Il arrive donc que l’incohérence entre la vocation à la sainteté des chrétiens et leur déficience morale, provoque le scandale, un scandale malheureusement fréquent, auquel l’opinion publique est aujourd’hui très sensible ; cette incohérence provoque l’indignation de Celui qui nous a invités au banquet : « Mon ami, comment es-tu entré sans la robe nuptiale ? » (Mt 22,12). Mais nous qui aimons la Sainte Eglise, nous n’y trouvons pas motif de scandale mais nous éprouvons plutôt une douleur, un stimulant à l’examen de conscience, à une reprise de la volonté, une compréhension évangélique.

Aussi, cette exigence pressante de conformer notre conduite, notre perfection morale au caractère religieux et mystique de l’Evangile est l’un des principes fondamentaux de la vie chrétienne, tant personnelle que collective; tandis que cette exigence demande que la vie chrétienne soit continuellement soumise à une critique vigilante, une question inexorable se pose à chacun de nous d’abord : Suis-je vraiment fidèle ? Suis-je vraiment chrétien ? Avant de juger les autres, jugeons-nous nous-mêmes. Cette question fait jaillir des énergies morales fécondes qui engendrent sentiments et traditions caractéristiques de l’Eglise. Elles lui font prendre conscience de sa condition d’« Eglise en marche », d’humanité en route vers la perfection. Ces énergies morales créent chez quelques esprits courageux une tension intérieure qui, tout en développant leur sens profond d’humilité, les pousse au désir et à l’audace de la sainteté, sous l’impulsion de la grâce qui opère sans cesse dans l’Eglise de Dieu. Nous pouvons observer tout cela dans tant d’existences, peut-être proches de nous, qui, sans atteindre les hauteurs de la célébrité canonisée par l’Eglise, peuvent assurément s’appeler Saintes.

Réfléchissons à cela pour jouir de la vision édifiante de la Sainteté, en accepter l’élan et en utiliser la force réformatrice.

Avec notre Bénédiction Apostolique.


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C'est toujours pour Nous une grande joie de saluer à l’audience les petites Soeurs de Jésus. Chères Filles, soyez les bienvenues dans tette basilique Saint-Pierre où, hier, quarante d’entre vous ont émis leurs voeux perpétuels, entourées des Soeurs qui suivent un cours de formation spirituelle, accompagnées aussi des parents et des amis venus de vingt-huit nations à travers le monde pour cette circonstance.

Vous venez de vous engager pour toujours à suivre Jésus, à marcher avec lui dans l’espérance sur les chemins du monde où vous conduiront l’obéissance et le zèle apostolique, à témoigner généreusement chaque jour de votre foi brûlante pour le Seigneur, à vivre dans son amour de manière si transparente que «des hommes de toutes les langues des nations vous saisiront par le pan de votre vêtement en disant: “Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous”» (Za 8,23).

Oui, mes Soeurs, vous en êtes le vivant exemple: «Le témoignage évangélique de la vie religieuse manifeste aux yeux des hommes la primauté de l’amour de Dieu avec une force dont il faut rendre grâce à l’Esprit Saint» (Evangelica testificatio, 19). C’est l’Esprit toujours à l’oeuvre dans son Eglise qui suscite votre générosité spirituelle, qui vous rend capables de prendre un engagement solennel à la face de Dieu et des hommes, et la grâce du Seigneur aidant, d’y être fidèles. Nous le lui demandons de tout coeur en vous donnant, en gage de l’abondance des divines grâces pour vous-mêmes, toutes les Petites Soeurs de Jésus, comme pour les parents et amis qui vous entourent, Notre affectueuse Bénédiction Apostolique.

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Chers fils, qui participez au cinquième congrès des aumôniers d’aéroports internationaux, autour de Monseigneur Emanuele Clarizio, Pro-Président de la Commission pontificale pour les migrations et le tourisme, Nous Nous réjouissons beaucoup de cette réunion romaine. Elle vous permet de mettre en commun vos diverses éxperiences pastorales et de vous concerter pour un plus fécond apostolat.

Nous sommes heureux aussi de saluer les Abbés et les Prieurs de l’ordre des Chanoines réguliers prémontrés à l’occasion du 850ème anniversaire de leur fondation par Saint Norbert, et du 25ème anniversaire d’Abbatiat du cher Abbé général Norbert Calmels. Chers fils, de tout coe ur Nous Nous unissons à votre double action de grâces et Nous souhaitons que vous sachiez donner à l’Eglise en notre temps ce que vous avez reçu d’une longue et féconde tradition apostolique, dans les diverses formes à travers lesquelles vous exercez votre ministère a travers le monde.

Avec Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

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Chers fils qui participez à Rome au 3éme congrès international de l’union générale des oeuvres pastorales pour la jeunesse, soyez les bienvenus. Avec les encouragements de Notre Congrégation pour l’éducation catholique, vous réfléchissez à la jeunesse et aux loisirs, abordant ainsi l’un des problèmes fort complexes de la pastorale des jeunes dans le monde d’aujourd’hui. Alors que les liens familiaux souvent se distendent, l’importance des loisirs s’accroît et les jeunes y trouvent souvent l’occasion d’y expérimenter une communauté de sentiments, d’aspirations, une ferveur partagée, un élan festif qu’il faut savoir apprécier, si l’on veut aider ces jeunes à les vivre dans leur plénitude humaine et spirituelle. N’est-ce pas le rôle d’un éducateur digne de ce nom de savoir partager avec les jeunes, pour les aider, à partir de leur expérience de vie, à découvrir les valeurs humaines et évangéliques sans lesquelles l’existence ne saurait acquérir sa dimension plénière, celle que le Seigneur a voulue pour chacun de nous ? Nul doute que vos échanges n’y contribuent et que votre zèle apostolique ne s’en trouve singulièrement renforcé. Nous Nous réjouissons de savoir que plusieurs Instituts religieux et plusieurs pays participent à cette rencontre et à ces recherches, et Nous souhaitons que vous sachiez bénéficier de l’apport de tous ceux qui aident les jeunes, par la catéchèse et l’Action Catholique, à découvrir en apôtres, le Christ et l’Eglise. Les jeunes sont l’avenir de l’humanité et l’avenir de l’Eglise. C’est donc avec eux qu’il faut le construire, mieux, c’est eux qu’il faut préparer à le construire avec toute leur ardeur ‘et leur générosité. Pour ingrate, pénible et difficile que soit parfois cette oeuvre, qui ne voit son importance capitale, absolument décisive? Notre monde a besoin de véritables apôtres des jeunes, qui les aiment, qui les comprennent, qui les aident à discerner dans leurs aspirations ce qui vient de l’Esprit et ce qui n’est que tentation vulgaire, qui les poussent en avant et plus haut sur les chemins de la vie, en leur faisant aimer Celui qui est l’ami des jeunes et leur frère, en même temps que leur Sauveur, Jésus Christ, Notre Seigneur. En son nom, de grand coeur, Nous vous bénissons.




Catéchèses Paul VI 29971