Catéchèses Paul VI 41170

4 novembre 1970 CARACTERE RELIGIEUX ET MISSIONNAIRE DU VOYAGE DE PAUL VI EN ASIE ET EN OCEANIE

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Chers fils et filles,

Avez-vous entendu parler de notre voyage en Extrême-Orient ? Peut-être avez-vous, vous aussi, le désir d'en connaître quelque chose. Le but de ce long périple correspond tellement à notre mission apostolique que nous croyons offrir à votre réflexion quelques bonnes pensées sur la vie de l'Eglise en notre temps et avoir ainsi, avec nous, votre compagnie spirituelle et votre prière pour le bon résultat de notre itinéraire apostolique.

Donc : quand sera-ce ? ce sera, s'il plaît à Dieu, à la fin de ce mois, le 26 novembre. Et nous espérons être de retour à Rome le 5 décembre. Et où nous conduira ce voyage ? Le programme géographique des arrêts a déjà été publié. Premier arrêt à Manille, dans les Iles Philippines, entre la mer de Chine et l'Océan Pacifique, mais nous devrons faire une escale de quelques heures à Téhéran, en Iran (l'ancienne Perse). Pourquoi à Manille ? parce qu'une réunion des évêques de l'Asie Orientale y est convoquée : la première intention de notre voyage est de rencontrer l'épiscopat des Philippines et celui des pays de cette immense partie du monde. Depuis quelques années nous avons été invité à visiter cette nation dont la population est en majorité catholique. Et nous devons à ce peuple une visite qu'il désire tant et qui est sollicitée par des pressions courtoises et persistantes, aussi bien des autorités ecclésiastiques que des autorités civiles, ainsi que de tant de pèlerins qui, en venant à Rome, nous disent toujours l'attente qui nous appelle là-bas. Nous y resterons trois jours, remplis de rencontres, de réunions, de cérémonies religieuses, spécialement celle d'une nombreuse ordination sacerdotale de Diacres venant des pays asiatiques. Ensuite, ce sera l'occasion d'inaugurer une station de radio catholique, appelé Radio-Veritas, d'où nous espérons envoyer un salut spécial à toute l'Asie orientale. Telle est l'étape pastorale.



De Manille à Sydney


De Manille nous ferons un rapide voyage dans une des îles lointaines de la Polynésie, au milieu du Pacifique, pour rendre un hommage symbolique aux populations disséminées dans cet immense océan et pour saluer une des missions catholiques les plus typiques, l'Etat indépendant de Samoa occidentale, dans l'archipel des Samoa : étape missionnaire.

De là à Sydney, en Australie, étape civile et apostolique. Nous y rencontrerons l'épiscopat de ce grand continent, celui de la Nouvelle-Zélande et des autres pays de l'Océanie, les autorités civiles, le peuple australien. Trois jours. Aux motifs proprement religieux de notre voyage s'en ajoute un spécial, qui est de nous associer aux célébrations du bicentenaire qui ont lieu cette année en Australie, où la civilisation occidentale a réalisé rapidement un magnifique développement. Là aussi il y a de florissantes communautés catholiques dont beaucoup sont formées en bonne partie d'immigrés européens.

De Sydney à Djakarta. Une journée remplie de rencontres avec les évêques, les autorités civiles, les communautés catholiques et avec le peuple indonésien. Comment renoncer à cette occasion unique et désirée ?

De Djakarta un vol à Hong-Kong, pour quelques heures, niais suffisantes, nous l'espérons, pour montrer indistinctement à tout le grand peuple chinois l'estime et l'amour de l'Eglise catholique et le nôtre personnel.



Djakarta, Hong-Kong, Colombo


Ensuite, toujours à la hâte, à Colombo, dans l'île de Ceylan. eu d'heures, mais, celles-là aussi, pleines de rencontres et e cérémonies. Et finalement à Rome, si Dieu nous assiste, portant dans le coeur une quantité de visions, d'expériences, de thèmes pour notre réflexion et pour notre ministère apostolique.

Le pourquoi de ce voyage ? Nous avons déjà fait allusion aux deux importantes réunions d'évêques pour lesquelles principalement nous nous déplaçons : être avec nos frères dans l'épiscopat, au milieu d'eux et avec eux, en cette période post-conciliaire qui voit naître et s'organiser les Conférences épiscopales, réunies à leur tour dans des rencontres continentales, nous a semblé un motif convenable pour entreprendre ce chemin extraordinaire. D'autres motifs se sont joints à celui-là. Le désir de prendre un contact personnel avec de nouveaux pays et de nouvelles communautés, tant nationales qu'ecclésiales, nous attire aussi certainement. Mais nous devons dire tout de suite que ce voyage, comme les autres que nous avons faits, n'a en fait ni caractère touristique, ni but politique d'aucune sorte. Nous désirons, oui, admirer en courant et seulement en passant les panoramas ethniques et géographiques offerts à notre regard et rendre hommage aussi aux autorités civiles qui nous accueillent avec une hospitalière déférence. Mais le caractère de notre voyage veut être exclusivement apostolique et par conséquent religieux, ecclésial, spirituel et missionnaire, sans fêtes extérieures, sans réceptions profanes, sans honneurs officiels. Nous allons comme un modeste pèlerin pressé. Nous n'aurons pas d'autre logement, comme c'est désormais notre habitude, que les résidences des représentants pontificaux locaux. Nous tâcherons de nous réjouir d'une seule chose, de la rencontre humaine et spirituelle avec les groupes les plus nombreux possibles d'ecclésiastiques, de fidèles, de citoyens qualifiés, cherchant quelque rencontre intentionnelle avec des hommes d'Eglise, avec le simple peuple, avec des étudiants et des travailleurs, avec des pauvres et des malades, avec des familles humbles et des enfants, réservant pour chaque rencontre une parole et une bénédiction.



Précisions


Qui sera avec nous ? les noms de notre suite officielle ont déjà été publiés. En tout six personnages ; quelques autres personnes de confiance nous accompagneront pour les fonctions pratiques du voyage. Nous devons à ce sujet quelques éclaircissements pour dissiper des bruits injustifiés répandus ces jours-ci sur ce point. Nous n'aurons pas avec nous notre Cardinal Villot. Lui-même, pour ne pas laisser longtemps des devoirs aussi délicats que ceux de la Secrétairerie d'Etat et du Conseil des Affaires publiques de l'Eglise privés d'une direction responsable et déjà au courant de tout ce qui peut survenir, s'est offert spontanément à renoncer au voyage et à rester à son poste de travail. Nous devons le remercier pour cette permanence exemplaire a son poste et à ses lourds travaux. Par contre le Cardinal Agnelo Rossi, jusqu'à présent excellent et zélé archevêque de Sao Paulo au Brésil, nommé par nous, après la renonciation pour raison d'âge et de santé du Cardinal Agagianian, Préfet de la Sacrée Congrégation pour l'évangélisation des Peuples, nous accompagnera. Les hypothèses faites par certains, à l'usage de l'opinion publique, selon lesquelles le Cardinal Rossi aurait été déplacé de son siège archiépiscopal en raison des positions, les uns disent favorables, les autres au contraire opposées aux autorités brésiliennes, ou bien aurait été appelé à Rome pour ses attitudes particulières pour ou contre certaines tendances dans la vie de l'Eglise, ou en raison de certains faits de la situation politique brésilienne, tout cela est sans fondement aucun. Nous avons voulu le Cardinal Rossi avec nous, sur le conseil de personnes expertes et prudentes et sans aucune intention cachée, à la tête du grand Dicastère romain qui préside au travail énorme et complexe en faveur des missions catholiques, pour avoir près de nous un collaborateur, cardinal d'un continent qui est encore missionnaire dans une si grande mesure, cardinal qualifié par sa sagesse et par son zèle à diriger d'un oeil averti et impartial la célèbre sacrée Congrégation de la « Propagation de la foi », comme on l'appelait jadis. La conjoncture a voulu, peut-être dans une intention providentielle, que son appel à la Curie coïncide avec notre visite en Extrême-Orient où la même sacrée Congrégation a une compétence directe dans de nombreuses régions et où le nouveau Préfet « de la Propagande » pourra puiser des renseignements et des expériences très utiles pour son prochain service curial. Mais enfin nous ne pouvons pas taire une observation d'ensemble sur notre voyage qui nous porte au contact direct avec les pays les plus éloignés de notre siège romain, qui apparaît par cela même, mieux que jamais, le centre visible terrestre de l'Eglise catholique. Non seulement le centre géographique et juridique, mais aussi le centre symbolique et spirituel de ce qu'est l'Eglise catholique, soit dans ses profondes propriétés théologiques et mystérieuses, soit dans ses « notes » extérieures et prodigieuses qui en font pour elle-même et pour le monde l'éloquente apologie, celle qui la proclame « une, sainte, catholique et apostolique », la vraie Eglise du Christ.

Que le Christ Seigneur soit béni en ce nouvel épisode de l'histoire ecclésiastique séculaire et que soit en même temps honoré le génie humain qui, par ses très modernes moyens de transport, maîtres du temps et de l'espace, le rendent possible à l'humble apôtre pèlerin pour porter jusqu'aux extrémités de la terre l'annonce et la confirmation du message évangélique.

Vous, frères et fils très chers, accompagnez-nous de vos prières et nous, nous aurons aussi pour vous notre Bénédiction Apostolique.



11 novembre 1970 LE VOYAGE DU PAPE : UN TEMOIGNAGE APOSTOLIQUE

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Chers fils et filles,

Depuis qu'a été publiée la nouvelle de notre prochain voyage en Extrême-Orient, nous nous sentons environné, pour ne pas dire assailli, par une question qui se présente sous des formes multiples, mais toujours la même: pourquoi ce voyage ? Et, pour répondre à cette question, on fait beaucoup de suppositions dont certaines vont jusqu'à enlever au voyage toute réelle importance. Ce serait, dit-on, une excursion touristique, une exploration d'information, une concession au goût moderne de voyager et de bouger, une occasion de propagande, etc. D'autres suppositions, au contraire, attribuent au voyage des intentions occultes, polémiques ou politiques, ou bien des intérêts de tous genres, des influences diplomatiques, soit passives soit actives, ou encore des liens avec certains courants idéologiques et sociaux, et ainsi de suite.

Il est certain que le Pape ne se déplace pas sans avoir des buts spéciaux et importants ; ni le temps, ni les moyens, ni les forces ne lui suffiraient pour faire de semblables voyages par distraction ou pour se reposer. Il y a quelque raison. Et le fait d’avoir déjà entrepris d'autres voyages n'est pas un motif suffisant pour en faire un autre, et si long et si compliqué. Alors, pourquoi ? Avant de prendre cette résolution, nous avons nous aussi posé même question à notre conscience : pourquoi ce voyage, est-il nécessaire, ne suffit-il pas d'exercer le ministère apostolique du haut de la chaire romaine, n'est-ce pas une complication inutile que les Papes précédents ont su éviter ?



Une mission itinérante


Et la réponse, la première, celle que nous vous confions aujourd'hui est montée vraiment de notre conscience apostolique. Que signifie apôtre ? Ce mot signifie mandaté, envoyé, ambassadeur, chargé d'accomplir un ordre au loin ; cela signifie missionnaire, messager, nonce. C'est le sens originel du mot qui ensuite, dans la réalité concrète et historique, s'est enrichi d'un contenu beaucoup plus complet, arrivant dans l'Evangile au sens de disciple choisi (cf.
Lc 6,13), et prenant d'autres fonctions et significations, comme celle de témoin (Ac 1,8 Ac 2,32 Ac 5,32 Ac 10,39), de maître (cf. Mt 28,19-20), de ministre de la foi (1Co 3,5) et revêtu d'un pouvoir cultuel (1Co 4,1), d'un pouvoir de pasteur (Jn 21,15 1P 5,2) et d'évêque (Ac 20,28). Nous pouvons donc dire que la charge apostolique comporte celle d'une mission itinérante et destinée à l'expansion et à la consolidation de l'Eglise (cf. Ac 15,41 Ac 16,4). Cette mission n'épuise donc pas la charge apostolique dans son ampleur multiforme. C'est ainsi que le titre apostolique pourra se rapporter à trois termes distincts : à l'investiture d'un mandat spécifique du Christ à des personnes choisies par Lui et appelées « apôtres » par Lui-même ; à la diffusion de l'Evangile et de l'Eglise, et c'est l'apostolat ; et finalement à la conséquence authentique de l'action permanente de l'Esprit du Christ dans l'Eglise, et nous avons l'apostolicité. Mais il est évident que l'apôtre est en fait ou en droit un pèlerin sur les sentiers de la terre, quelque longs qu'ils soient « jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 13,47). Et il est aussi évident que l'économie de l'Evangile, c'est-à-dire son annonce aux hommes, d'homme à homme, son expansion dans le monde et dans le temps, est, oui, l'oeuvre du Saint Esprit, mais non sans la collaboration des hommes qui se consacrent à un ministère si grand et si ardu. « Nous, dit saint Paul, nous sommes les co-opérateurs de Dieu » (1Co 3,9). Saint Augustin le confirme en commentant le même concept exprimé dans la première lettre de l'apôtre saint Jean (1Jn 1,3), disant que « Dieu a voulu avoir des hommes pour ses témoins ; Deus testes habere voluit homines » (In Io., Ep. ad Parthos, 1, 2 ; PL 35, 1979).

Cette doctrine très connue est devenue pressante dans notre esprit sous l'influence de deux autres motifs (pour ne pas dire maintenant ceux qui sont occasionnels et déterminants) ; et c'est, d'un côté, la possibilité technique d'accomplir des voyages très longs et très rapides sans aucune fatigue physique (Saint François Xavier et les missionnaires des temps passés n'avaient certes pas une commodité si séduisante) ; et, de l'autre côté, l'apparition et la nouvelle conscience dans l'Eglise de sa vocation missionnaire réveillée par le Concile avec une ample vision théologique et avec l'ordre donné à tout fidèle chrétien de concourir personnellement à l'activité missionnaire de l'Eglise elle-même. Le pouvoir et le devoir ont allumé le vouloir.



La sollicitude de toutes les églises


Nous ne voulons donner aucune importance symbolique ou prophétique à notre initiative qui devient une habitude facile pour l'homme moderne. Mais nous n'avons pas voulu renoncer à recourir aux moyens actuellement disponibles pour les communications sociales et pour les déplacements personnels, dans le but au moins de donner l'exemple de fidélité à l'anxiété apostolique qui est propre à notre ministère, la sollicitudo omnium ecclesiarum, le soin, le devoir, l'amour pour toutes les Eglises (2Co 11,28). Notre voyage voudrait, pour ce qu'il peut valoir, être un témoignage apostolique, une exhortation missionnaire, un document de l'intérêt suprême du successeur des deux apôtres et martyrs romains, Pierre et Paul, pour le témoignage et pour la diffusion de l'Evangile du Christ dans le monde.

Voilà le « pourquoi ».

Tandis que tant de contestations, à l'intérieur et au-dehors, affligent l'Eglise, tandis que des voix étranges osent discuter sur la nécessité de dépenser tant de fatigues pour convertir à la foi catholique des populations et des personnes privées de la lumière et de la vie du Christ, et tandis que d'autres présument d'ouvrir par leurs propres charismes arbitraires les voies du salut en se coupant de la hiérarchie et du signe ecclésial émanant de la volonté du Christ, nous, avec une humble confiance, nous voulons attester la nécessité, aujourd'hui, de l'Eglise apostolique et demander à tous ses fidèles, à vous, très chers fils, de vous associer spirituellement à nous dans cette simple et active invocation au céleste : que Ton règne vienne.


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Il Nous est particulièrement agréable d’accueillir en cette demeure, à l’occasion de la 7ème rencontre de leur Union, à Rome, les représentants des jeunes des Capitales de la Communauté européenne, ainsi que ceux des Capitales des pays qui ont demandé à en faire partie. Avec eux, Nous Nous réjuissons d’accueillir et de saluer, groupés autour du Maire de Rome, les Maires des Capitales de la Communauté et les responsables qui les accompagnent. Chers jeunes, par l’intérêt que vous manifestez à l’égard des problèmes municipaux, par le souci dont vous témoignez de partager cet intérêt entre vous et, d’une manière toujours plus large, avec les jeunes d’autres pays, votre rencontre retient Notre attention et Notre sympathie, toujours intéressées aux activités qui tendent à unir les jeunes entre eux au plan international. Aussi est-ce de grand coeur que Nous vous encourageons dans cette voie de paix et d’union, de coopération et de promotion.

A vous aussi, comme a tous ceux que vous aimez, Notre paternelle Benediction Apostolique.



18 novembre 19070 LE PROCHAIN VOYAGE DE PAUL VI UNE RENCONTRE HUMAINE ET SPIRITUELLE

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Chers fils et filles,

Nous voulons, encore une fois, attirer votre attention sur notre prochain voyage en Extrême-Orient ou, pour mieux dire, sur le caractère ecclésial qu'il veut prendre et qui constitue son but dans notre intention.

Nous ne vous répétons ni l'itinéraire, ni le programme de notre long pèlerinage. Nous vous proposons plutôt la question du pourquoi de ce voyage. Nous avons dit un mot, la semaine dernière, sur la raison de ce départ, c'est-à-dire sur le motif personnel de ce long périple. Disons maintenant un mot sur le pourquoi de l'arrivée, c'est-à-dire sur le but objectif : qu'allons-nous faire là-bas ?



Découvrir l'Eglise


Si nous voulions vous décrire le programme de nos journées de voyage, nous aurions beaucoup à dire. On en a déjà parlé, et puis les journaux et la radio en parleront en temps voulu. A nous il importe plutôt maintenant de noter qu'il s'agit d'un événement qui devrait stimuler la pensée de tous pour découvrir l'Eglise. Découvrir l'Eglise ? Mais n'est-elle pas déjà découverte, connue, archiconnue de tous, qu'ifs soient fidèles ou profanes ? Le Concile n'en a-t-il pas parlé avec une surabondance qui épuise le sujet ? Oui, oui, mais avant tout l'Eglise est une chose telle qu'elle n'est jamais assez connue. Rappelons-nous qu'elle est un « mystère », c'est-à-dire une réalité qui, même dans ses aspects visibles et institutionnels, se présente comme un « sacrement », c'est-à-dire comme un signe et comme un instrument du plan divin dans le monde. Elle ne sera jamais assez explorée ni assez connue. Elle est comparée à tant de choses: à une semence qui se développe et grandit, ce qui veut dire par conséquent une histoire, un devenir plein d'apparences et d'aventures diverses ; à un édifice en construction d'après un plan qui est encore pour nous en voie d'exécution d'après une intention de l'architecte divin qui est le Christ ; à un bercail dans lequel le bon Pasteur guide et rassemble son troupeau dispersé (cf.
Jn 11,52) ; et ainsi de suite : l'Eglise est corps mystique, elle est Peuple de Dieu, Royaume, Temple, Famille, Epouse... (cf. Lumen gentium, LG 6).

La conception vraie, complète de l'Eglise est tellement profonde, complexe, pénétrée par les destins des hommes particuliers et de l'humanité tout entière, que nous ne réussirons jamais à en posséder les termes adéquats; nous devrons toujours la découvrir.

Et en effet nous assistons aujourd'hui, après que le Concile nous a tant parlé de l'Eglise, à un certain sentiment de venge conceptuel qui, si nous ne prenons pas soin de rester attachés à ce que l'Eglise elle-même nous a enseigné sur elle à l'heure de la plénitude de l'Esprit et de sa propre autorité (cf. Ac 15,28), peut nous exposer à des égarements conceptuels, dus en grande partie à la vision partielle, isolée et subjective, de quelque aspect de l'Eglise. Nous percevons quelques phénomènes qui peuvent engendrer un concept unilatéral et personnel capable d'obscurcir le vrai visage de l'Eglise, rayonnant d'authenticité, de beauté et de mystère. C'est ce qui nous ramène à l'expression qui a été employée d'une juste découverte ou redécouverte de l'Eglise.

Par exemple. Il est à la mode d'observer l'Eglise sous son aspect sociologique, c'est-à-dire dans les formes et les phénomènes que sa vie exprime sur le plan humain, institutionnel, statistique, économique et historique, avec une certaine rigueur scientifique et avec la conviction finale d'avoir défini le cadre de la réalité ecclésiale, sans toujours se rappeler les causes, certainement pas toutes humaines et pondérables, dont ce cadre est le résultat. Celui qui s'arrête à ce cadre comme à un point d'arrivée adéquat de l'étude de l'Eglise devra, à un moment donné, sentir le devoir et le besoin de redécouvrir l'Eglise.

On peut faire une observation analogue à propos de la conception spiritualiste et charismatique qui est professée au sujet de l'Eglise par certains, élèves d'écoles protestantes dépassées, comme si cette valeur purement « pneumatique », c'est-à-dire spirituelle était la seule vraiment intéressante, appuyée sur la sainte Ecriture et constitutive de l'Eglise (cf. allo, Première Epître aux Corinthiens, p. 87 et suiv.). Ici encore il faudra recommander une redécouverte de la vraie réalité de l'Eglise.

Dans ce but, suffira-t-il de recourir aux livres de la doctrine sûre ou aux enseignements orthodoxes purement oraux ?

Certainement cela peut suffire pour rectifier, s'il en était besoin, le concept de l'Eglise, et aussi pour en approfondir la connaissance toujours incomplète.

Mais nous croyons qu'il ne sera pas superflu pour notre besoin moderne d'une connaissance expérimentale, existentielle, de l'Eglise d'avoir le témoignage que notre voyage voudrait lui apporter.



Collégialité effective et active


Quel témoignage ? Le témoignage, nous l'avons déjà dit, a ses intimes et mystérieuses propriétés et a ses prodigieuses notes extérieures : l'Eglise est une, sainte, catholique et apostolique. Pensez à la manière dont ces aspects caractéristiques de l'Eglise peuvent arriver à une meilleure évidence dans ce simple mais particulier épisode de son histoire.

Pensez aux formes concrètes dans lesquelles ce voyage entend se réaliser. Notre voyage veut être principalement une rencontre. Une rencontre humaine et spirituelle, comme entre personnes qui se connaissent déjà, qui s'entendent déjà profondément, qui déjà s'aiment. Disons, une rencontre de Frères. L'Eglise n'est-elle pas une fraternité ? (cf. Rm 12,10 1Th 4,9 1P 2,17 1P 5,9, etc.). Ce sera pour nous une joie authentiquement ecclésiale, de découvrir tant et de tels Frères que nous avons dans des terres inconnues et lointaines. Une rencontre, en priorité, avec les évêques. Nous découvrirons, une fois de plus, comment la Collégialité est effective et active. Une rencontre avec des Peuples exubérants, tels que sont ceux des pays que nous visiterons : cette magnifique expérience ne sera-t-elle pas, elle aussi, une confirmation, une redécouverte de l'Eglise qui réalise, seule, pourrons-nous dire, dans les événements du monde, le prodige historique et spirituel de la victoire sur le temps ? Non pas une victoire par l'effet du temps qui passe, c'est-à-dire la caducité, ni par voie de révolution ou de mort, mais grâce à la vitalité secrète propre à l'Eglise qui fait de son passé une source de sa perpétuelle renaissance et de son avenir, par l'intermédiaire de la fidélité vivante et agissante de sa tradition ? Nous découvrirons les traces des pas des héroïques missionnaires qui ont été les premiers à annoncer là-bas l'Evangile et à y planter l'Eglise. Nous découvrirons la vocation originale de ces chrétientés qui ont maintenant la possibilité de s'affirmer avec les énergies et les valeurs de leurs civilisations séculaires et de donner à l'Eglise, arbre ancien, de nouvelles frondaisons, de nouvelles fleurs et de nouveaux fruits que nous désirons justement découvrir...

Notre découverte n'a rien d'extraordinaire ni d'héroïque comme celles que l'on fait dans le monde de la nature. Mais nous pensons qu'elle aura, spécialement si elle est partagée par les fils fidèles de toute l'Eglise, une valeur d'émerveillement, de certitude et d'espérance telle qu'elle apportera au monde un moment de lumière, de réconfort et de joie.

Dieu veuille qu'il en soit ainsi pour vous aussi.

Avec notre Bénédiction Apostolique.


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C’est avec joie que Nous saluons un groupe de Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, qui se retrempent dans la prière et l’étude au tours d’une longue retraite a Rome. Vous savez, chers Fils, la place capitale que l’Eglise reconnaît aux missionnaires, et Nous sommes heureux d’aller Nous-même, dans quelques semaines, encourager sur place ceux qui consacrent leur vie à annoncer l’Evangile aux nations.

A tous et à toutes, Nous donnons de grand coeur Notre paternelle Bénédiction Apostolique.



25 novembre 1970 DIRE INLASSABLEMENT L'EVANGILE A UN MONDE QUI CHERCHE

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Chers fils et filles,


Il nous semble, à la veille de notre voyage en Extrême Orient, que nous ne pouvons encore une fois, ne pas vous parler d'autre chose, même si vous savez déjà tout à ce sujet et même si aujourd'hui un semblable voyage est une chose techniquement simple (prodige du progrès moderne !), une chose commune et ouverte à tous.

Le fait que le Pape se met en voyage n'est plus une nouveauté. La nouveauté est peut-être dans les circonstances pratiques concernant l'itinéraire, les étapes, la durée ; mais le fait matériel mérite-t-il tant d'intérêt ? Personnellement nous ne voulons pas que vous vous laissiez aller à la fantaisie et à l'émotion. Mais nous ne pouvons pas renoncer à méditer dès maintenant sur le sens des choses, sur la valeur religieuse et humaine de cette initiative, du fait que nous la prenons en vertu de notre mission apostolique. C'est comme Pape que nous nous rendons là-bas, non comme un touriste privé et non plus comme le principal personnage de fêtes et de cérémonies, mais comme évêque et chef du Collège épiscopal, comme pasteur et missionnaire, comme pêcheur d'hommes (cf.
Mt 4,19), c'est-à-dire comme chercheur de peuples et de gens de notre globe et de notre temps.

Nous allons là-bas pour une série de rencontres qui nous semblent refléter des scènes et des paroles des l'évangile, pour visiter des frères et des fils, pour approcher des hommes et des institutions, pour honorer des personnes qui le méritent : les responsables, les pauvres, les jeunes, les affamés de justice et de paix, les souffrants, les éloignés.

Nous vous confierons, très chers auditeurs, que nous nous rendons compte que notre initiative prend de grandes dimensions, beaucoup plus grandes que notre très humble personne et il nous semble reconnaître, comme dans une vision vivante et dans une mesure difficile à calculer, le cadre caractéristique de l'économie du royaume de Dieu, c'est-à-dire de l'Eglise qui accomplit, presque à son insu, le plan chrétien du salut. Nous pourrions peut-être l'appeler, ce cadre, le drame des disproportions : quand Dieu entre en scène, dans notre scène humaine, terrestre et historique, quel équilibre de proportions peut-il y avoir ? si l'homme lui-même est un noeud de disproportions (cf. pascal, Pensées, 72), quelle sera sa taille quand il se trouvera en comparaison et en combinaison avec Dieu, même si Dieu s'est fait homme pour être avec nous à notre niveau ? (cf. Ba 3,38).



Le drame de la disproportion


Et, par commodité conceptuelle, nous pourrons imaginer le tableau suivant : le décor est l'histoire, notre histoire, notre temps, dans lequel nous cherchons « les signes des temps » ; un décor inégal, plein de lumière et de ténèbres, dévasté par des rafales d'ouragan qui semblent irrésistibles, les idéologies modernes ; et par quelques fraîches brises de printemps, les souffles de l'Esprit qui « souffle où il veut » (Jn 3,8).

Dans ce décor, trois personnages ; un qui l'occupe tout entier, la multitude incalculable des hommes d'aujourd'hui, croissant, s'élevant, conscients comme ils ne l'avaient jamais été, chargés d'instruments formidables qui leur donnent une puissance qui tient du prodige, prodige angélique ou diabolique, salutaire ou meurtrier, et qui les rend maîtres du ciel et de la terre et souvent esclaves d'eux-mêmes. Ce sont des géants et ils chancellent, faibles et aveugles, agités et furieux, à la recherche de repos et d'ordre, savants sur chaque chose et sceptiques sur tout et sur leur propre destin, effrénés dans la chair et fous dans l'esprit... Un caractère commun : ils sont malheureux, il leur manque quelque chose d'essentiel. Qui peut les approcher ? qui peut les instruire sur les choses nécessaires à la vie, alors qu'ils en connaissent tant de superflues ? qui peut leur interpréter et leur résoudre en vérité les doutes qui les tourmentent ? qui pourra leur révéler la vocation qu'ils ont, implicite, dans leurs coeurs ? Ces foules sont un océan, elles sont l'humanité qui occupe toute la scène, et passe lentement et tumultueusement; c'est elle qui fait l'histoire...



Annoncer la Parole malgré tout


Mais voici un autre personnage. Petit comme une fourmi, faible, désarmé, petit comme une quantité négligeable. Il cherche à se faire un chemin au milieu de la marée des gens, il essaye de dire un mot, il s'obstine, il cherche à se faire écouter, il prend l'aspect d'un maître, d'un prophète ; il assure qu'il ne dit pas ses paroles, mais une parole mystérieuse et infaillible, une parole aux mille échos qui résonne dans les mille langages des hommes. Mais ce qui frappe le plus dans la comparaison qui s'est produite par cette présence le voici, c'est la disproportion : disproportion du nombre, disproportion de la qualité, de la puissance, des moyens, disproportion de l'actualité... Mais le petit homme, et vous avez compris qui c'est ; c'est l'apôtre, c'est le messager de l'évangile, c'est le témoin ; en ce cas, oui, c'est le Pape, qui ose se mesurer avec les hommes. David et Goliath ? d'autres diraient : Don Quichotte... Scène insignifiante. Scène dépassée. Scène embarrassante. Scène dangereuse. Scène ridicule. C'est ce qu'on entend dire ; et les apparences semblent justifier ces commentaires. Mais le petit homme, quand il réussit à obtenir un peu de silence et quelques auditeurs, parle avec un ton de certitude qui est tout à fait le sien. Il dit donc des choses inconcevables, mystères d'un monde invisible et pourtant proche, le monde divin, le monde chrétien, mais mystères... Et certains rient, d'autres lui disent : nous t'écouterons une autre fois, comme il arriva à saint Paul à l'aréopage d'Athènes (Ac 17,32-33).

Cependant quelqu'un l'a écouté et l'écoute toujours et s'aperçoit que dans cette parole faible et sûre on distingue deux accents particuliers et très doux qui résonnent merveilleusement dans le fond de leur esprit : l'accent de la vérité et l'accent de l'amour. Ils s'aperçoivent que la parole n'est celle de celui qui la prononce que d'une manière instrumentale : c'est une Parole à part, la Parole d'un Autre. Où était et où est cet Autre ? Qui était et qui est cet Autre ? Il ne pouvait être et ne peut être qu'un Etre vivant, une Personne essentiellement Parole, un Verbe fait homme, le Verbe de Dieu. D'où était et d'où est le Verbe de Dieu fait chair ? Puisque désormais Il était et il est clair qu'il était et qu'il est présent ! Et c'est Lui le troisième personnage de la scène du monde : le personnage qui la domine et l'occupe toute, là où on l'a accueilli par une voie distincte mais pas inhabituelle au savoir humain, par la voie de la foi.

O Christ, c'est Toi ? Toi, la Vérité ? Toi l'Amour ? Tu es ici ? Tu es avec nous ? en ce monde si évolué et si confus ? si corrompu et si cruel quand il veut être content de lui, et si innocent et si cher quand il se présente comme un enfant à la manière évangélique ? Ce monde si intelligent mais si profane et souvent intentionnellement aveugle et sourd à tes appels? Ce monde que Tu as aimé, Toi, ô source de la Vie, jusqu'à la mort; toi qui T'es révélé dans l'Amour ? Toi, salut, Toi, joie du genre humain ? Tu es ici, où est l'Eglise, ton sacrement et ton instrument (cf. Lumen gentium, LG 1,48 Gaudium et spes, GS 45). Elle T'annonce et elle Te porte ?

C'est celle-là la scène perpétuelle qui se déroule au cours des siècles et qui, dans notre voyage, veut avoir son moment d'ineffable réalité.

Participons-y tous ensemble spirituellement, Frères et Fils très chers.

Avec notre Bénédiction Apostolique.




Catéchèses Paul VI 41170