Catéchèses Paul VI 40773

4 juillet 1973: LA VRAIE ET LA FAUSSE IDEE DU RENOUVELLEMENT RELIGIEUX

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Chers Fils et Filles



Nous avons parlé de l’Année Sainte comme d’une période de renouvellement. Nous devons, et nous devrons encore en reparler, parce que ce mot de « renouvellement » peut se comprendre de multiples façons et s’appliquer à de nombreuses choses. Tous, nous sommes convaincus que notre civilisation porte en soi de tels ferments, de telles impulsions, de telles inquiétudes et de telles aspirations que son renouvellement profond, et même peut-être révolutionnaire comme le pensent certains, s’accomplit spontanément ; il suffit de se laisser conduire, ajoutent les clients de l’opinion publique, il surfit de se fier à la loi universelle du progrès : elle transformera le vieil aspect du monde et lui en fera assumer un nouveau sans que nous ayons besoin de nous affairer, de prendre des airs de précurseurs de programmes novateurs ou de prophètes aux rêveries invraisemblables. C’est vrai ! Nous, toutefois, nous nous posons deux questions, devant cette perspective transformatrice : l’homme, que deviendra-t-il dans cette métamorphose générale ? Que de phénomènes, préconisés le siècle dernier comme idylliques, et qui ont eu par la suite des répercussions malheureuses dans les domaines social, moral, sanitaire au cours de notre siècle ! C’est une question que nous laisserons provisoirement de côté pour la reprendre, le cas échéant, en d’autres circonstances. Pour l’instant il nous surfit de l’énoncer. Mais la deuxième question nous touche de plus près: qu’en sera-t-il de la religion, de notre religion chrétienne, quand ce cataclysme novateur aura changé toute chose, idées, institutions, moeurs ?

A cette deuxième question, nombreux sont ceux qui ont une réponse toute prête, une réponse catastrophique : la religion, comme cela se passe déjà dans des pays privés de liberté, sera liquidée, un peu par oppression autoritaire, et ensuite par dépérissement endogène : la religion, soutient-on, est un phénomène marginal, non nécessaire, non scientifique ; elle s’éteindra, et le monde poursuivra sa route triomphale, délivré de ses entraves superstitieuses et antiprogressistes.

Et voici alors, confrontée avec une telle hypothèse négative, l’affirmation franche et positive de l’Année Sainte : notre religion, disons mieux; notre vie religieuse sera rénovée. L’importance d’une telle finalité ne saurait échapper à personne, que ce soit dans le diagnostic intérieur de notre manière habituelle de considérer et de pratiquer notre foi, ou bien en prévision d’un témoignage extérieur de conscience et de force avec le milieu nouveau, que l’humanité arrivera à formuler pour sa future existence. Voilà donc une prise de position, la nôtre, qui va bien au-delà des vicissitudes du calendrier. A l’heure actuelle, elle manifeste sa plénitude en faisant exploser — si l’on peut s’exprimer ainsi — la charge de doctrines et de préceptes qui nous a été laissée par le récent Concile ; et elle prévoit en toute lucidité l’heure du siècle nouveau, pour lequel nous augurons non pas une archaïque et laborieuse survivance de religion catholique, mais une vigoureuse et bienheureuse floraison de christianisme authentique, contenu, certes, dans son cadre spirituel propre, mais guide et animateur de l’homme modelé par palingénésie des temps nouveaux.

De grandes idées, comme vous le voyez ; elles devront être réétudiées avec une gravité d’analyse proportionnée à l’amplitude des thèmes qu’elles nous soumettent, et avec la sagesse de synthèse que suggèrent les conditions historiques.

Mettons en sécurité, en attendant, et pour notre propre compte, quelques prémisses qui doivent nous aider à préciser le concept de renouvellement, celui vers lequel dès maintenant nous tournons nos pensées et nos pas.

Avant tout, comme nous l’avons déjà précisé d’autres fois, ce n’est pas n’importe quelle transformation qui a pour nous une valeur de renouvellement. La mentalité moderne est encline, au contraire, à croire que changer, veut dire innover; innover, nous l’entendons dans le sens de rénover, de renouveler, et plus exactement, d’améliorer. Un grand nombre des intolérances de l’homme d’aujourd’hui s’exprime de cette manière, en ce sens ; changer signifie pour lui améliorer, libérer, progresser. Cet état d’âme, actuellement si diffusé, et qui, est à la base de tant de bouleversements culturels et sociaux, mériterait, lui aussi, une étude approfondie ; et elle serait d’une grande amplitude. Nous, nous nous limiterons au domaine ecclésial pour noter l’audace et la superficialité avec laquelle tant de personnes lancent des idées d’innovations périlleuses et souvent inadmissibles non seulement dans les structures secondaires de l’Eglise, mais tout autant dans ses structures constitutionnelles ; elles partent d’une conception arbitraire de l’Eglise de l’avenir, et font le plus souvent abstraction des exigences de son patrimoine doctrinal, avec le résultat facile d’engendrer, non pas un renouvellement, mais un discrédit de la norme traditionnelle de l’Eglise, et de justifier l’hypothèse d’un nouveau et arbitraire dessein de l’Eglise, qui ne serait plus celle qui, issue du Christ, est parvenue jusqu’à nous. L’Eglise ne pourra jamais trouver son renouvellement dans des formules particulières et illusoires de transformisme philosophique et structurel, mais dans la féconde et originale découverte intérieure et traditionnelle de ses principes et de ses expériences historiques de fidélité et de sainteté.

C’est pourquoi, il nous semble que nous devons dès à présent tendre les bras pour inviter et accueillir ces groupes d’esprits fervents qui s’imaginent inventer un renouvellement religieux tout personnel en s’isolant de la communauté ecclésiale et parfois aussi de sa communion, et en couvrant leur propre détachement aberrant de l’étiquette d’un pluralisme catholique gratuit, même si cette étiquette est malheureusement étrangère à sa souche naturelle : l’Eglise, l’Eglise véritable. Jeunes gens ! (parce que c’est ainsi que vous êtes) : jeûnes gens ! venez ! il y a de nombreuses places pour vous dans la maison du Père (cf.
Jn 14,2) ; et il y a place pour tous ceux qui veulent demeurer fidèles !

Et que devrions-nous dire de ceux qui pensent au renouvellement de l’Eglise moyennant un facile conformisme à l’égard des idéologies culturelles, sociales ou politiques du monde profane et parfois radicalement hostile à la pensée chrétienne !

Limitons-nous pour l’instant à indiquer les voies maîtresses du renouvellement spirituel et moral auquel aspire l’Année Sainte. Première voie ; le Seigneur dit : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » (Jn 14,6). Le contact réel, religieux, doctrinal et sacramentel avec le Christ tient la première place pour réanimer notre vie chrétienne, avec la grâce du Saint-Esprit (cf. Jn 3,5). Cela, on le sait : ne l’oublions donc pas ! La réforme liturgique réformatrice nous ouvre ce sentier central ; et la profondeur religieuse personnelle, à laquelle celui-ci nous conduit, nous assure que le renouvellement sera fécond, facile et authentique. Une autre piste ; c’est le sens, ou mieux, la passion de la vérité dans la composition intérieure et dans la profession extérieure de notre foi : sans orthodoxie, sans lumière de Parole de Dieu, sans l’appui du charisme du magistère de l’Eglise, ce n’est pas un renouvellement que nous aurions, mais un égarement dans les impasses des doutes renaissants, des hypothèses personnelles, des tortures intérieures.

Une troisième piste : la découverte du « toujours nouveau » dans la pratique de la religion, parce que vraie, parce qu’intarissable, parce que mystérieuse, parce qu’articulée sur les capacités de l’homme. Il serait, ici également, trop long d’expliquer, le comment et le pourquoi.

Et puis encore une autre voie ; l’actualité de l’Eglise et de sa conception unitaire et universelle des destinées humaines et de sa propre expérience constitutionnelle déjà en vigueur. Mais arrêtons-nous ici.

Nous nous sentirions plutôt heureux, si nous avons réussi à vous suggérer quelqu’idée, quelque désir, quelque ferveur pour le renouvellement vers lequel l’Eglise nous guide et nous entraîne.

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Nous sommes très heureux de recevoir aujourd’hui les membres du seizième Chapitre de la Congrégation des Prêtres du Sacré-Coeur de Jésus, conduits par leur Supérieur Général, le Révérend Père Albert Bourgeois.

Dans la fidélité à l’esprit du Père Dehon qui fonda votre Congrégation, voici bientôt un siècle, vous voulez procéder à une rénovation attentive de votre règle de vie et à la révision de vos diverses activités pastorales. Nous vous encourageons donc, quelques jours à peine après la célébration solennelle de la fête du Sacré-Cceur, à chercher dans la consécration de toute votre vie à l’amour miséricordieux du Christ, le fondement inébranlable de votre vie spirituelle et de votre activité apostolique. Efforcez-vous de mettre en lumière les insondables richesses de l’amour divin et d’en vivre. Dans le Coeur du Christ, en effet, la mission de l’Eglise trouve sa source; de lui, elle tire son efficacité; en lui, on trouve l’appel au don total et la force pour y répondre.

A vous tous ici prèsents, chers Fils, à tous les membres de votre Congrégation, nous donnons de grand coeur, en gage d’abondantes grâces pour votre apostolat, notre paternelle Bénédiction.




11 juillet 1973: ANNEE SAINTE : UN MOMENT TYPIQUE DE NOTRE REALISME RELIGIEUX

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Chers Fils et Filles,



Nous inviterons une fois de plus l’Eglise à réfléchir sur l’Année Sainte, vers laquelle notre marche a déjà commencé. Et une fois encore nous allons nous interroger sur la disposition fondamentale de notre esprit. Nous répétons : de notre esprit religieux. Parce que c’est de cela qu’il s’agit. Il s’agit de mettre notre religion à l’épreuve, de vérifier le caractère sérieux de notre foi, de préciser l’influence effective qu’a notre profession chrétienne sur notre vie. Il s’agit d’une marche sur notre vie. Il s’agit d’une marche de la foi. Il s’agit de mesurer la consistance de notre qualification catholique dans le contexte envahissant et accablant de la vie moderne. Il s’agit de vérifier, d’un esprit conscient et réfléchi, notre adhésion à la religion, au Christ, à l’Eglise, après l’infusion doctrinale et spirituelle reçue du Concile et après l’agression de sécularisme qui s’est abattue sur notre génération: sommes-nous encore chrétiens ? Notre vocation chrétienne a-t-elle toujours un rôle déterminant dans notre vie ? Sommes-nous des gens qui survivent dans une tradition ecclésiale fatiguée et fragmentaire ? Ou celle-ci reprend-elle, recommence-t-elle à verdoyer, précisément dans le climat contemporain, d’une nouvelle, d’une impétueuse, d’une incoercible vitalité ? Disons tout en quelques mots : l’Année Sainte doit être pour nous un moment typique de notre réalisme religieux.

Quand notre pensée arrive à cette conclusion, dans notre mémoire surgissent, nous ne savons par quelle association d’idées, les Paroles, tellement simples et tellement irrésistibles, de Jésus dans l’Evangile, quand il appelle les disciples à sa suite : « Venez, suivez-moi » (
Mt 4,19) et Pierre en particulier : « Toi, suis-moi » (Jn 21,19 Jn 21,22) ; et quand il appelle tous les malheureux de cette terre : « Venez à moi, vous tous qui peinez et portez un fardeau accablant » (Mt 11,28). La vocation du Christ résonne au fond de l’esprit avec sa douceur et avec sa véhémence, justement au moment de la confrontation entre notre position de fait, peut-être statique et paresseuse, et l’océan mystérieux et séduisant du monde contemporain; elle résonne comme une alternative, en même temps libre et impérieuse, entre l’Evangile et la culture « babélienne » mise à notre portée, c’est-à-dire entre le Christ et le monde ; choisis, viens ! Et à la première oscillation de l’esprit imposée par l’option vitale, voilà que jaillit dans la conscience une étrange formule résolutive et paradoxale ; il ne s’agit pas, à vrai dire, d’une option exclusive mais d’un choix coordonné ; viens à moi, invite le Christ, non pour abandonner et disqualifier le monde, mais pour donner au monde sa vraie valeur en reconnaissant sa splendeur, certes, mais en considérant aussi ce qu’il a en soi d’équivoque et de subordonné et, en fin de compte, de décevant ; viens à moi, nous dit le Christ, pour servir et pour sauver le monde, pour l’aimer comme moi, le Christ, je l’ai aimé, donnant ma vie pour son salut.

Cela signifie que si nous faisons de l’Année Sainte une expérience de la plénitude de la vie chrétienne mise en confrontation avec la vie moderne, le dilemme devient formidable et enthousiasmant, comme une compétition superlativement sportive : « ... c’est ainsi que vous devez courir tous, conseille Saint Paul, de manière à remporter la victoire (1Co 9,24). Il s’agit de prendre la chose au sérieux, d’être réalistes dans notre profession de foi catholique. Nous sommes donc entraînés vers des positions qui, à notre avis, peuvent intéresser deux catégories de personnes de notre époque. La première de ces catégories, on le comprend, est celle de ces personnes qui, pour tel ou tel motif, ont déjà choisi le Christ comme Maître de vie, qu’il s’agisse des simples fidèles ou de ceux qui, d’une manière plus étroite, se sont engagés à son école et à sa suite ; ces fidèles se rendent compte que désormais le lien avec le Christ ne peut plus être purement formel et lâche, mais qu’il doit être réel et bien tendu ; c’est-à-dire que l’on ne peut pas être seulement chrétien de nom, ou religieux, ou prêtre : il faut l’être de fait, dans la réalité intérieure de l’âme, dans le style extérieur de la vie. Une nécessité de cohérence nous oblige de sortir de la médiocrité, de la tiédeur, de la superficialité, du double jeu de l’adhérence positive à l’Evangile, à laquelle nous nous sommes engagés, et l’abandon permissif à l’hédonisme interne et externe, aujourd’hui si facile et qui nous fait trahir la Croix. Une vie religieuse molle, privée d’énergie ascétique et de ferveur spirituelle n’a plus aucun sens aujourd’hui et n’offre plus aucun moyen pour se soutenir et pour persévérer dans la fécondité de la richesse spirituelle et du témoignage apostolique; une triste expérience le démontre. Cohérence : voilà le renouvellement que l’Année Sainte doit susciter chez les baptisés et chez les consacrés.

L’autre catégorie de personnes pour lesquelles le réalisme catholique de l’Année Sainte peut avoir de l’intérêt, est celle des jeunes. Ce sont eux surtout, les jeunes, eux les premiers, qui nous ont parlé d’authenticité. L’exigence d’authenticité idéale et morale qu’ils démontrent, a eu, au cours de ces dernières années, une explosion tellement négative de contestations et de rébellions contre une société envahie de tant d’hypocrisie et d’un scepticisme logique et éthique tellement aberrant qu’il ne pouvait pas manquer que s’accroissent la souffrance et la confusion dans le coeur des jeunes d’où elle est partie et dans lequel aujourd’hui semble germer une nouvelle spiritualité ; positive, celle-ci, au moins dans ses aspirations instinctives. Où est l’amitié ? Où est le silence ? Où se trouve l’expression libre et lyrique d’une poésie qui est prière ? Où, le lieu pour le service à autrui ? Où, la récupération de la maîtrise de soi et du sacrifice à un idéal plus grand que soi ? Vraiment, n’est-il pas en train de se reformer, dans la nouvelle génération des jeunes, une attitude positive à l’égard de la vérité, de la justice, de l’amour ; à l’égard de la prière et de la foi ; à l’égard de la recherche innocente d’une Eglise humble et bonne, capable de rendre sens et valeur à la vie et de planifier une paix virile et laborieuse, depuis les confins de l’univers ?

Nous ressentons ces nouvelles pulsations de l’âme des jeunes : nous les écoutons avec respect et avec satisfaction ; et nous avons confiance; la sincérité rénovatrice qui est la clé du grand concert spirituel de l’Année Sainte, saura exercer sur elle également son charme mystérieux et véritable.

Avec notre cordiale Bénédiction Apostolique.


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Nous nous tournons maintenant avec une affection toute particulière vers les jeunes du Centre de Bree, en Belgique, présents ici avec le frère Francois Stevens et leurs dévoués accompagnateurs. Non sans mérite, chers amis, vous venez en pèlerinage à Rome, où demeure vivant le souvenir des Apôtres. Mieux que beaucoup d’autres, nous en sommes sûr, vous saurez, tout en goûtant les merveilles réunies en ce lieu si riche d’histoire, dépasser les apparences et découvrir auprès du tombeau des Apôtres Pierre et Paul le fondement réel et mystérieux sur lequel repose l’Eglise du Christ: l’amour humble et fidèle du Seigneur, la recherche de sa volonté, l’offrande de sa souffrance personnelle jusqu’au don de sa vie. Ainsi comprendrez-vous mieux encore, de l’intérieur, ce que Nous vous redison aujourd’hui, que vous avez votre piace dans l’Eglise et qu’elle a besoin de vous. Aussi sommes-nous heureux de vous accueilir au début de ce séjour que Nous vous souhaitons riche de grâces divines, avec notre Bénédiction Apostolique.



18 juillet 1973: IDENTITE DU CHRETIEN

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Chers Fils et Filles,



L’ancien catéchisme commençait par une demande étrange, qui semblait superflue, comme une lampe allumée sous l’éclat du soleil : « Etes-vous chrétien ? », et la réponse paraissait très facile, absolument évidente : « Oui, je suis chrétien, par la grâce de Dieu ». Cette première réplique de la doctrine religieuse avait toutefois deux mérites dialectiques qui la rendent, encore pour nous, actuelle et pleine de sagesse ; le mérite d’être présentée sous forme de dialogue ; et le dialogue conserve aujourd’hui sa pleine valeur dans le discours religieux ; et le mérite également de rendre conscient ce que l’habitude prive facilement de son caractère originel et important, et fait sembler tout à fait évident ; et cette intention de mettre intérieurement en évidence le fait d’être chrétien prend aujourd’hui une signification nouvelle, sous une allure presque polémique, celle d’une confrontation avec le monde environnant qui n’est pas chrétien, ou qui, tout au moins, ne se présente pas comme tel. Nous nous trouvons devant la question si discutée de nos jours, de 1’« identité » du chrétien qui assaille sa conscience sur tous les plans ; en fin de compte, le chrétien, qu’est-il ? Et le catholique, qu’est-il en comparaison de celui qui ne l’est pas ? Et le prêtre, qu’est-il ? Et le Religieux ? Et le laïc ? Ces questions-là et d’autres semblables attendent une double réponse ; l’une puisée dans les profondeurs de notre propre conscience intime, que nous ne pouvons pas explorer si nous faisons abstraction d’une réalité que nous supposons, pour l’instant, indiscutable, la réalité religieuse, le fait d’appartenir à notre religion catholique ; l’autre réponse, au contraire, doit être une conséquence du fait extrinsèque, mais dominant, de l’appartenance à notre époque, à la coexistence sociale formée, imposée, transformée par les moeurs d’aujourd’hui, par la mentalité actuelle, par la mode du moment historique socio-culturel présent. Et la définition que chacun donne actuellement de soi-même oscille plus que jamais entre les deux réponses ; je suis fils de l’Eglise, c’est-à-dire fils adoptif de Dieu le Père, par le Christ, en l’Esprit-Saint ; mais je suis aussi, et je me sens également fils de mon époque. Certes, les deux réponses sont complémentaires et il ne sera pas difficile par conséquent, de les fondre en une unique conscience chrétienne moderne; mais tandis que la seconde réponse s’impose d’elle-même, la première doit être le terme d’une réflexion, d’une découverte, d’un premier acte de foi au sujet de notre sort, et cela, du fait que nous sommes chrétiens.

C’est la première réponse qui, en ce moment, nous intéresse sous de multiples aspects.

Que signifie exactement : être chrétien ?

Nous voudrions que chacun de nous en revienne avec son génie critique à cette obsédante question de notre syllabaire religieux.

A de nombreuses reprises, nous sommes exhortés par la catéchèse apostolique à accomplir cet examen introspectif; nous découvrons aussitôt que notre personnalité est l’objet d’une antécédante et ineffable pensée divine ; Dieu « nous a élu en Lui (le Christ) dès avant la création du monde » (
Ep 1,4) ; une vocation intentionnelle au dessein divin du salut domine donc notre destin (cf. Rm 8,30 Col 3,12 2Th 2,12) ; il est de notre devoir de nous rendre compte que nous sommes appelés : « Regardez les élus que vous êtes, Frères » écrira Saint Paul aux Corinthiens (1Co 1,26) ; d’être, comme l’écrivait Saint Pierre « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est formé » (1P 1,9). Les premières lueurs de notre conscience chrétienne devraient être celles de posséder une immense fortune, d’être élevés à une dignité incomparable. Qui ne se souvient des solennelles et sculpturales paroles de Saint Léon le Grand : « Te rends-tu compte, chrétien, de ta dignité ? ». Nous, nous devons nous sentir, en même temps, chrétiens et heureux. Oui, chrétiens, et heureux d’être chrétiens (cf. 1P 4,16).

Combien de fois ne nous est-il pas répété et recommandé : « Soyez heureux dans le Seigneur; je le répète : soyez heureux», disait Saint Paul aux Philippiens (cf. Mt 5,12 2Co 13,11 1Th 5,16 1Jn 1,4 etc.). Une joie inaltérable est une composante nécessaire de la psychologie chrétienne, même dans l’adversité et les tribulations : « Je déborde de joie au milieu de toutes nos tribulations » (2Co 7,4). Et une joie semblable ne s’atténue pas, au contraire, elle se valorise dans l’expression même de l’humilité qui est parfaite dans la vérité reconnue de la disproportion entre la grandeur de Dieu et la petitesse de la créature humaine ; rappelez-vous le Magnificat de la Vierge Marie (Lc 1,46-55) ; et il est encore moins à craindre qu’elle s’éteigne ; au contraire, elle se ranime dans la douloureuse confession de ses propres fautes (cf. Ps 50,10).

Cette conscience de la béatitude existentielle explique comment la voix qui peut le plus fidèlement interpréter notre condition de chrétien, se trouve être celle qui rend grâce à Dieu, ainsi-que nous le faisons dans la « préface » de la Messe, et dans l’Eucharistie, qui veut précisément signifier : « Action de rendre grâce », lorsque nous traduisons en langage sacramentel, opérant dans le Christ lui-même, la plénitude de notre identité surnaturelle : « Ce n’est donc plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).

Se pourrait-il, alors, que la vie chrétienne devienne, même dans notre présente condition mortelle, facile et unanimement heureuse ? Oh, non ! L’étude de notre réalité chrétienne nous portera (pas maintenant) à trouver une autre composante de notre sort, et par conséquent de notre psychologie : c’est-à-dire la douleur, le sacrifice, la croix. Mais qu’il nous suffise en ce moment de réaffirmer cette première caractéristique de notre élévation chrétienne : celle des dimensions infinies du royaume de Dieu en nous, dès à présent (cf. Ep 3,18).

Et c’est pour cela que nous veillerons avec un soin attentif à ne pas céder aux idéologies arbitraires et insinuantes de ceux qui prétendent donner au christianisme une nouvelle interprétation qui se sépare de l’enseignement de la tradition et de la théologie de l’Eglise et qui, par la force des choses, tend à rendre vaine la réalité religieuse de notre foi. Nous saurons ainsi exercer une garde vigilante contre les courants qui, imprégnés d’un esprit critique abusif, préconçu et négatif, prétendent désacraliser ou démythiser la religion catholique ; et bientôt s’en trouveraient profanées, non pas seulement notre physionomie spirituelle et chrétienne, mais tout autant notre physionomie humaine. Un thème actuel, auquel il faut penser à nouveau.

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Nous ajoutons quelques mots à l’intention d’un groupe de trente pèlerins venus de l’ile de Tahiti. Parmi la foule de nos visiteurs d’aujourd’hui, ils représentent, si l’on peut dire, les populations de l’Océan Pacifique, et contribuent à donner à tette Audience un caractère vraiment universel.

Quand vous rentrerez chez vous, chers amis, après un voyage riche de découvertes, dites à vos parents et à vos compagnons de travail, à vos frères chrétiens et à ceux qui attendent de vous l’annonce de l’Evangile, dites-leur que, malgré la distante, ils ont leur place dans notre cceur et que nous les aimons paternellement. Et vous-memes, puissez dans ce pèlerinage des forces neuves pour la tkhe que le Seigneur vous confie. Avec notre Bénédiction Apostolique.




25 juillet 1973: DIFFICULTÉ DE LA VIE CHRETIENNE

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Chers Fils et Filles,



Ce discours, comme d’autres déjà depuis l’annonce de l’Année Sainte, exige une déclaration préliminaire : notre désir est de donner au Peuple de Dieu une plénitude religieuse consciente et vigoureuse, qui réalise ce renouveau spirituel et moral auquel a tendu le Concile ; et alors nous nous demandons ; est-il possible, par les temps qui courent, de mener une vie chrétienne authentique, forte, heureuse, capable de réaliser la synthèse entre la fidélité à l’Evangile et la participation au monde moderne ? Nous répondons : oui, c’est possible ; et même, nous dirons mieux ; cela doit être possible ; et dans l’affirmation de ce devoir, nous découvrons ce qu’il y a de dramatique dans le programme que chaque fils de l’Eglise et l’Eglise tout entière sont appelés à mener à bien en ce moment de l’histoire : nous devons être des catholiques au sens fort du terme, non par attachement à un intégrisme formel, extérieur, insensible au langage de notre époque, mais en vertu d’une tradition cohérente et vivante qui transmet sa mission et son esprit à la présente génération.

A d’autres occasions, nous, avons parlé d’un christianisme heureux. Telle est en effet la réalité que le dessein divin de la vocation chrétienne, un dessein dans lequel se déploie l’Amour infini de Dieu pour l’homme, veut instaurer. Et nous demandons à présent : la réalisation de cet heureux dessein est-elle tout aussi facile ? Existe-t-il un christianisme facile ? Ceci est un point critique, parce que la question n’admet pas une réponse unique ; il faut reconnaître que la question est complexe. Nous pouvons y répondre en envisageant un de ses aspects, l’aspect absolu et dominant : oui, il est facile d’être chrétiens ; d’être des chrétiens fidèles et authentiques, à condition d’entrer sincèrement et généreusement dans le système total de la vie chrétienne, parce que celle-ci ne pourrait être vraiment heureuse si elle n’était en même temps facile, c’est-à-dire proportionnée aux profondes aspirations de notre être, de notre coeur, et à nos forces, encore que nous sachions que celles-ci sont faibles, inconstantes, vulnérables (à cause d’une infirmité originelle) et incapables par elles seules d’atteindre le but surnaturel que le plan du vrai christianisme nous fixe (cf.
Jn 15,5 2Co 3,5).

Mais, en anticipant quelque peu les conclusions de notre raisonnement, remarquons que ceux qui se proposent une fidélité totale à la vocation chrétienne, conforme aux modalités de leur situation, y parviennent et même prennent goût à l’effort qu’imposé une telle fidélité ; c’est là un prodige de la vie chrétienne ; les vrais disciples de l’Evangile en ont fait l’expérience ; tandis que ceux qui recherchent la facilité, amenuisant leur fidélité à la vie chrétienne, ceux-là, ils en ressentent le poids, l’ennui et trouvent que ce qu’elle exige est contre nature, ou presque. Pour avoir le sentiment que la parole du Seigneur « Mon joug est doux et mon poids est léger » (Mt 11,30) s’est accomplie en soi, le chrétien a besoin de grand courage et d’amoureux dévouement. Mais alors, cela se réalise non pas certes uniquement en vertu de cette loi psychologique qui nous enseigne que rien n’est difficile quand on aime ; mais aussi et principalement par un processus merveilleux et mystérieux de l’intervention de la grâce divine qui nous permet de jouir de la multiplication de nos énergies, et de ressentir vraiment la réelle facilité de l’imitation du Christ (cf. Jn 14,18 2Co 12,9 1Co 15,10 etc.). La doctrine de la grâce doit être méditée sans cesse si nous voulons avoir connaissance de ses possibilités inépuisables et toujours disponibles pour la grande expérience que nous voulons entreprendre, celle du renouvellement d’un véritable christianisme post-conciliaire de notre époque. Nous sommes invités à ne pas avoir peur (cf. Mt 10,28 Lc 12,52) ; nous pouvons oser, nous devons oser.

Cette vision confiante et optimiste n’est pas démentie par une autre vision, une vision différente de la vie chrétienne, celle qui nous montre comment, en même temps, la vie chrétienne est pleine de difficultés. Soyons réalistes ; si on veut la vivre authentiquement, la vie chrétienne est difficile. Celui qui cherche à nier cet aspect difficile, ou même qui veut le supprimer abusivement, ne ferait que déformer et peut-être aussi trahir l’authenticité de la vie chrétienne elle-même. Aujourd’hui cette tentative de la rendre facile, agréable, sans efforts, sans sacrifices est en plein développement, sur le plan pratique comme sur le plan doctrinal.

A ce point-là, il importe également de garder les idées claires. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour conserver à la vie chrétienne le sens de liberté et de joie qui lui est propre. Nous ne devons pas l’appesantir par des lois graves et superflues (cf. Mt 23,4). Nous devons infuser en nous et chez les autres le goût des choses vraies, pures, justes, saintes, aimables, honnêtes, droites, comme nous l’enseigne Saint Paul (cf. Ph 4,8) ; et si nous en avons le goût, il nous sera facile d’y adapter notre conduite. Mais c’est précisément pour cela que nous devons avoir le sens de l’absolu qui imprègne sans réticence la conception religieuse catholique : absolu pour la vérité, est-est : non-non dit l’Evangile (Mt 5,57 cf. Jc 5,12 2Co 1,17), sans se livrer volontairement aux flatteries du doute ou aux illusoires, commodités d’un pluralisme capricieux ; absolu pour la morale, qui ne peut faire abstraction des exigences des lois de la vie que Dieu a imprimées dans le coeur de l’homme (cf. Mt 5,17 et tout le discours de la montagne ; Rm 2,14) ; absolu pour l’oeuvre de rédemption, qui réclame de nous l’application de la loi souveraine de l’amour, avec ce qu’elle comporte de conséquences ; l’obéissance, le dévouement, l’expiation, le sacrifice (cf. Mt 22,36 Jn 12,24 Jn 13,34 etc.). Cette fidélité essentielle au Christ et à sa Croix donne le sceau de l’authenticité à la vie chrétienne qui assume parfois un style d’aventure imprévue et risquée (cf. 2Co 11,26), et même d’héroïsme, ce dont l’histoire de l’Eglise nous offre des exemples magnifiques, innombrables, avec les martyrs, les saints, les vrais fidèles.

Oui, la vie chrétienne est difficile, parce qu’elle est logique, parce qu’elle est fidèle, parce qu’elle est forte, parce qu’elle est militante, parce qu’elle est grande.

Que le Seigneur daigne nous concéder de la comprendre et de la vivre ainsi !

Avec notre Bénédiction Apostolique.





1er août 1973: L’ADHESION A LA PAROLE DE DIEU CONDITION ESSENTIELLE DU SALUT

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Chers Fils et Filles,



Nous voulons rénover notre vie religieuse et chrétienne ; nous voulons la renouveler et la rajeunir ; nous voulons l’adapter au climat de la mentalité et des moeurs modernes ; nous ne voulons pas seulement la faire survivre malgré les conditions dans lesquelles souvent aujourd’hui est placée la religion, ignorée, mise en marge, à peine tolérée dans les replis de la conscience personnelle, mais nous voulons lui rendre cette vigueur qui en dévoile la nécessité, la beauté, la fécondité, la capacité de fournir à l’homme cette illumination de sagesse, de sécurité, de réconfort qui seule confère à l’existence humaine son sens fondamental, sa valeur authentique, son destin immortel. C’est à tout cela que nous oblige — répétons-le — ce Concile Vatican II qui a fait en somme le bilan du catholicisme ; et c’est à tout cela également que nous invite la perspective de l’Année Sainte, événement de plénitude spirituelle, à laquelle nous nous préparons tous.

Aussi, pour nous, cela vaut-il la peine de fixer un moment l’attention sur l’antique axiome : la foi est « le fondement de la vie spirituelle » (St. TH.,
III 73,3 et II-II 16,1, 1). A la base de notre conception religieuse et morale, nous devons placer la nécessité de la foi : « l’homme juste, dit Saint Paul — et nous pouvons comprendre : le chrétien — vit de foi » (Rm 1,17) ; « sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu » (He 11,6). Nous ne faisons pas, en ce moment, une leçon sur ce chapitre premier de notre foi religieuse ; nous voulons simplement, pour clarifier les idées, rappeler le double aspect de la foi ; objectif, l’un, celui qui concerne les vérités auxquelles nous devons prêter foi, un champ immense comme chacun le sait, et dont notre « Credo » veut être une synthèse (cf. H. de lubac, La Foi chrétienne, Aubier 1969) ; et subjectif, l’autre, celui qui concerne notre acte d’adhésion aux vérités du « Credo » (cf. St. TH ., II-II 1,6 ad 2) ; c’est là, également, un champ extrêmement vaste si l’on considère la complexité des attitudes et de la démarche spirituelle de notre âme dans le domaine de la foi (cf. Card. garrone, La Foi, Le Centurion 1973).

Il sera bon que nous reprenions tous l’étude de ce thème fondamental, en commençant par confirmer avec clarté la définition de la foi, entendue comme adhésion consciente à la Parole de Dieu, déterminée par la volonté, animée par la grâce divine (cf. St. TH ., II-II 1,4 et II-II 4,5 II-II 2,9) ; une connaissance intime, certaine dans ses motifs, obscure dans son mystérieux contenu. « Présentement, nous ne voyons que dans un miroir et d’une manière obscure » dit Saint Paul (1Co 13,12) ; et aussi : « la foi est le fondement de ce qu’on espère et la preuve de ce qu’on ne voit pas » (He 11,1).

Et maintenant que se passe-t-il en ce qui nous concerne, nous, hommes pénétrés de cette mentalité qui fonde la sécurité de ses connaissances sur l’expérience sensible et expérimentale et sur le raisonnement scientifique ? Il se fait que les hommes d’aujourd’hui se montrent rétifs, méfiants lorsqu’il s’agit d’accepter une connaissance concernant le domaine des Réalités invisibles (cf. 2Co 5,7) et par surcroît fondée sur la foi, si cette foi n’est pas appuyée par une vérification directe de nos sens et surtout de la saine raison ; nous, au contraire, nous encourageons et nous admirons la culture naturelle de l’homme, sa richesse, son développement. Notre objection concerne la limite, la suffisance, l’exclusivité que tant d’hommes et tant de systèmes philosophiques imposent à leur propre culture empirique, rationaliste ou idéaliste, refusant d’admettre une connaissance sur le témoignage de la révélation, c’est-à-dire sur la parole de Dieu, alors que Dieu, réalisant son plan d’élévation et de salut de l’homme, son « économie » surnaturelle qui enveloppe les destinées de chaque homme et de toute l’humanité, a fait de l’adhésion à sa Parole, c’est-à-dire de la foi, la condition sine qua non de notre définitif destin de félicité : « Celui qui croira en moi et sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné » paroles solennelles et testamentaires du Christ (Mc 16,16).

Et voici maintenant, pour cette vision sommaire du christianisme, une conclusion bien amère : la foi, source première du salut, est devenue aujourd’hui la première des difficultés pour le conquérir.

Voici donc ce que nous recommandons d’urgence; nous devons tâcher de nous rendre compte de ce triste phénomène et de savoir pourquoi il existe de nos jours de si grandes difficultés pour accueillir « la doctrine de la foi que nous prêchons » (Rm 10,8). Nous le savons : c’est une étude très vaste, philosophique, psychologique, sociologique, pédagogique, mais très utile, et même nécessaire, à celui qui a la responsabilité d’éduquer et de guider ses frères sur la voie du Christ.

Poursuivons maintenant à grands traits, ne parlant pas actuellement du problème, fondamental lui aussi, de la liberté de Dieu quant à la distribution de ses dons : la foi est un don de Dieu : « ils n’obéissent pas tous à l’Evangile » (Rm 10,16 Rm 11,32) : cette attitude doit nous persuader qu’il faut considérer la foi comme une question d’importance suprême, qu’il faut la traiter avec le plus grand sérieux, la plus grande humilité, en faisant appel à la prière et en témoignant d’un grand amour pour la vérité (cf. Mc 9,23).

En ce moment nous ne parlerons pas non plus des épreuves spirituelles dues à des difficultés et à des obscurités intérieures qui peuvent surgir dans l’âme d’un croyant dévot à propos de certains exercices spirituels et que Dieu permet à un moment donné pour préparer ce fidèle à une plus forte et plus joyeuse expression de sa foi ; les vies des Saints nous renseignent sur ces moments de purification spirituelle et de difficile ascension sur la rude montée de la sainteté (cf. saint Jean de la croix, La Montée du Mont Carmel, et Nuit obscure).

Nous voudrions attirer votre attention et votre intérêt sur l’état d’esprit de tant de gens aujourd’hui hostiles ou réfractaires à la foi. Pourquoi le sont-ils ? On dirait qu’ils sont incapables de situer exactement le thème de la foi, le problème et la méthode de l’écoute de la Parole et, parmi d’autres causes, cela provient de ce qu’ils sont esclaves d’un réalisme préconçu, et réfractaires à la discipline de l’esprit orienté exclusivement et courageusement vers la Vérité. A beaucoup de fils de notre génération, il manque cette aptitude de la pensée logique et honnête qui les rend perméables aux critères supérieurs du savoir, sensibles aux voix profondes des choses et de l’esprit ; ils sont dépourvus de cet esprit pur et simple qui sait accueillir cordialement pour ce qu’elles sont les paroles de l’Evangile (cf. Mt 11,26).

Et nous devrons mentionner un autre obstacle polyvalent, qui s’est dressé ces derniers temps dans le domaine des études bibliques, s’arrogeant le droit, à l’aide d’une érudition subtile et aguerrie, de soumettre les Saintes Ecritures, et spécialement l’Evangile à une herméneutique, c’est-à-dire à une interprétation nouvelle et destructrice, au moyen de critères spécieux et contestables, pour dépouiller le livre sacré de son autorité naturelle, celle que l’Eglise lui reconnaît et dont elle fait un argument et un objet de la foi traditionnelle.

Mais nous ne craignons rien. Tout au long de l’histoire, la foi a été en butte à d’innombrables attaques et à des embûches sans fin. Mais défendue, enseignée, professée par l’Eglise catholique, enflammée par l’Esprit-Saint, elle restera et continuera à être la lumière du Peuple de Dieu, pèlerin infatigable dans l’histoire du monde.

Efforçons-nous tous d’être, comme nous y incite Saint Pierre fortes in fide (1P 5,9).

Avec notre Bénédiction Apostolique.

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Nous voulons adresser une parole particulière aux membres de la Fédération mondiale des Communautés de vie chrétienne ici présents. Votre Conseil général, chers Fils et chères Filles, va s’ouvrir dans quelques jours à Augsbourg. Vous avez voulu le préparer par un tours de formation, lui-même précédé par une semaine de retraite entièrement consacrée, dans le silente, aux exercices spirituels de Saint Ignace dont nous célébrions hier la fête.

Dans tette démarche, Nous voyons un signe encourageant qui Nous réjouit et dont Nous vous félicitons. Comment pourriez-vous mesurer, mieux que devant le Seigneur, les exigences qui vous sont présentées par les besoins de aotre temps? Le sens de l’humain ne suffit pas à découvrir et à résoudre les problèmes de l’homme dans toute leur profondeur, où plutot, il se rélève camme incomplet s’il ne se réfère pas à Dieu. Au plan personnel camme au plan collectif, le sens de Dieu, source à la fois de toute existence et du salut qui nous est donné en notre Seigneur Jésus Christ, est une exigence fondamentale. Soyez donc convaincus qu’il n’est pas possible de trouver en dehors de lui, quels que soient les efforts nécessaires par ailleurs, Ia lucidite et Ie Courage qui permettent d'affronter dans toute leur ampleur les situations de notre temps.

Nous vous renouvelons donc nos encouragements pour votre effort de formation et vos activites apostoliques. Au seuil de l’Annee Sainte, cherchez a accorder toujours davantage votre pensee et votre volonte a la vie profonde de l’Eglise: «Sentire cum Ecclesia!». Vous y trouverez le dynamisme spirituel et apostolique que nous demandons au Seigneur pour vos Communautes auxquelles nous accordons de grand cceur notre Benediction Apostolique.





Catéchèses Paul VI 40773