Catéchèses Paul VI 7678

7 juin 1978: AIDER ET AIMER LA VIE NAISSANTE

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Chers Fils et Filles,



Nous avons aujourd’hui deux pensées dans l’esprit : la vision de la Basilique Saint-Pierre qui semble une ruche joyeuse pleine de bambins, d’enfants, de jeunes, innocents et gais ; puis, le souvenir oppressant de la loi sur l’avortement, en Italie, et qui, hier précisément, a eu sa première application.

Nous ne pouvons manquer au devoir de rappeler les réserves négatives exprimées contre cette loi en faveur de l’avortement qui, nous venons de le dire, est, en Italie, en vigueur depuis hier, offensant gravement la loi de Dieu sur ce thème d’extrême importance : le devoir de défendre la vie de l’enfant innocent, dès le sein maternel. Nous nous bornerons en ce moment à rappeler que l’Eglise, interprète de la loi naturelle sur ce point, et de la loi divine, a, depuis toujours (cf. Ep. ad Diognetum 8, 6), affirmé avec autorité que, « la vie innocente, quelle que soit la condition dans laquelle elle se trouve, est soustraite, dès le premier moment de son existence, à toute attaque volontaire directe. C’est là un droit fondamental de la personne humaine... » comme l’a affirmé notre vénéré Prédécesseur Pie XII (cf. Discours, XIII, p. 415), et comme vient de le rappeler publiquement, hier précisément, notre Vicaire Général pour le diocèse de Rome, le Cardinal Ugo Poletti. Ce sera le devoir de tous, et spécialement de ceux qui se professent catholiques, d’observer strictement cet enseignement capital.

Cet enseignement est grave, mais il est aussi, et plus que jamais, un enseignement d’amour. D’amour pour la vie humaine, considérée en elle-même. L’autorité que le Christ, et l’Eglise avec Lui, revendiquent sur l’existence humaine, est une profession d’estime pour la vie de l’homme, dans son exiguïté, dans son enfance, dans son innocence. Qui ne se rappelle l’épisode si beau, si aimable, si évangélique, que Saint Marc l’Evangéliste nous raconte avec son habituelle vigueur : « On lui présenta (à Jésus) des petits enfants pour qu’il les touchât, mais les disciples les rabrouèrent. Ce que voyant, Jésus se fâcha et leur dit : ‘Laissez venir à moi les petits enfants ; ne les empêchez pas, car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu. En vérité je vous le dis, quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n’y entrera pas. Puis il les embrassa et les bénit en leur imposant les mains » (
Mc 10,13-16). Saint Matthieu ne néglige pas plus de mettre en évidence la sympathie, l’affectueuse préférence du Seigneur pour les petits. Voici : « En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : ‘Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux tout petits. Oui, Père, tel a été ton bon plaisir... » (Mt 11,25-26). Et cette pensée qui renverse la primauté des grands en faveur des humbles est vigoureusement exprimée dans le chant du Magnificat de la Vierge Marie : « Il a déployé la force de son bras, il a dispersé les hommes au coeur superbe. Il a renversé les potentats de leur donc et élevé les humbles ; il a rassasié de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides » (Lc 1,51-53).

La véritable pitié pour les difficultés et les angoisses de la vie humaine ne consiste pas à supprimer celui qui est le fruit de la faute ou de la douleur humaine, mais à soulager, consoler, entourer de manière bienfaisante la souffrance, la misère, la honte de la faiblesse ou de la passion humaine : mais tuer, jamais ! Il nous faudra réfléchir devant le triste et ignoble recours à l’avortement. Rappeler aux jeunes, à tous, les dangers et les désastreuses conséquences de la passion qui se substitue à l’amour; la dignité intangible de la vie humaine, même à ses degrés les plus secrets et les plus humbles ; réserver toute assistance digne et possible à la maternité dans le besoin. Tout ce qui sera fait dans cet ordre d’amour, de pitié, de récupération de la vie d’un des plus petits et peut-être plus malheureux de nos frères et de nos soeurs « en humanité », Jésus — rappelons-le — le comptera comme fait à lui-même.

Avec notre bénédiction apostolique.





14 juin 1978: NOTRE RELATION AVEC DIEU

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Chers Fils et Filles,



Nous nous trouvons encore aux prises avec cette simple mais fondamentale interrogation qui engage notre jugement pratique déjà enraciné dans de profondes questions spéculatives. De ce jugement, la mentalité moderne tire son orientation décisive en ce qui concerne la religion qui, dans notre monde vécu, signifie encore assez souvent l’Eglise. Eh bien, cette interrogation qui nous harcèle presque rageusement se présente ainsi : L’Eglise que fait-elle ? Ce qui, dans l’esprit excité de celui qui la pose, signifie de manière empirique : L’Eglise, à quoi sert-elle ? La question se fait dure et radicale, et, tout de suite, matérialiste : pour la religion, il n’y a plus de place dans l’esprit moderne, tout accaparé par la réalité sensible et scientifique, et toujours tendu vers l’utilité de ce qui mobilise l’attention et l’activité de l’homme. C’est une position qui se répète.

D’abord intimidée par la brutalité, par l’effronterie de la demande, l’Eglise semble parfois hésiter à répondre. Ensuite, trouvant appui dans sa propre conscience, dans sa propre foi, elle répond de nouveau, en toute simplicité : « l’Eglise prie! ». Mais aussitôt surgit une double interrogation à laquelle nous devons, nous les croyants, être en mesure de donner quelque réponse victorieuse : Que signifie « prier » ? Et à quoi cela sert-il de prier ? Ce sont des demandes élémentaires ; mais si agressives ! et, aujourd’hui, si dangereuses ! Pourtant nous ne devons pas craindre, même si nous ne pouvons ou ne voulons pas donner immédiatement de réponses rationnellement adéquates aux formidables objections que ces interrogations soulèvent dans l’âme humaine.

Nous pourrions, entre temps, éliminer le caractère négatif de ces interrogations en observant qu’elles ne touchent aucune cible mettant en péril le développement normal de l’activité civile. L’homme qui prie ne fait de mal à personne; il ne freine ni n’empêche le travail mental ou physique de l’homme. Au contraire, nous pourrions rappeler tout ce qu’a apporté de fécondité au labeur humain une formule toujours en vigueur dans l’Eglise et à côté de l’Eglise, une formule qui a associé et pour ainsi dire amalgamé les deux moments caractéristiques de l’activité humaine : prier et travailler « ora et labora » comme Saint Benoît l’a enseigné à ses disciples parmi lesquels nous pouvons également tous nous insérer, et insérer également toute l’Eglise.

Car c’est dans sa relation avec Dieu que l’Eglise cherche et trouve sa fondamentale raison d’être. Et c’est l’expression de cette relation qui, constitue cette encyclopédie de l’esprit humain que nous appelons prière. Nous la retrouvons dans le silence de l’âme, dans ce silence intérieur où la Parole de Dieu se fait écouter d’abord, et se formule en questions fondamentales qui mettent en doute les lieux communs de notre mentalité superficielle. Elles suscitent une « auto-critique » que nous pouvons appeler le réveil de la conscience et elles conduisent en même temps à une nouvelle certitude dominante au sujet de l’existence, de la présence, de l’action de Dieu dans notre esprit. C’est comme une aube solaire qui diffuse une lumière intérieure dans laquelle les choses, et notre vie la première, acquièrent un sens nouveau, une philosophie, une sagesse qui s’imposent et se justifient d’elles-mêmes, terribles et amicales en même temps ; une sagesse et une philosophie auxquelles l’esprit humain sent qu’il doit donner le nom de vérité. C’est finalement une expérience qui fait s’ouvrir nos lèvres muettes et trouver, sur elles les définitions classiques de la prière : une ascension vers Dieu, presque un élan audacieux, immédiatement pénétré d’humilité, qui implore et invoque du secours (cf. Dict. de Théologie XIII, I p. 169 et s.). La prière nous révèle un monde spirituel immense, splendide, mystérieux, comme le ciel qui nous domine, et décrit le ciel infini de la Réalité dans laquelle, trop souvent aveugles, myopes, insensibles, nous vivons.

Ici, nous nous souvenons de la Parole du Christ qui nous exhorte, comme pour nous assurer que nous ne sommes pas en train de rêver : « Il faut prier sans cesse, sans jamais se lasser » (
Lc 18,1), après nous avoir enseigné la prière qui supprime la distance infinie entre les deux termes disproportionnés et incomparables : Dieu l’infini et l’homme, le microbe ; et qui se présente ainsi comme nous le savons par bonheur : « vous prierez ainsi : Notre Père qui êtes aux cieux... » (Mt 6,9 et suiv.).

Quel panorama s’ouvre autour de nous ! Quel réalisme acquiert notre prière ! Quelle trépidante confiance acquiert notre langage !

Oui, l’Eglise que fait-elle ? Ne l’oublions jamais ! L’Eglise — et c’est nous l’Eglise — prie !, et elle prie ainsi !

Avec notre bénédiction apostolique.

***

Nous sommes heureux de vous saluer, Dignitaires de l’ordre Equestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, Lieutenants et Délégués Magistraux des divers pays, réunis autour de votre Grand- Maître, le cher Cardinal Maximilien de Furstenberg - qui Nous a déjà exprimé vos sentiments - et de votre Grand-Prieur, Sa Béatitude Giacomo Beltritti, Patriarche latin de Jérusalem, qui coordonne sur place l’entraide que permettent vos initiatives généreuses.

Nous vous remercions vivement, chers Frères et chers Fils, de tout ce que vous faites pour la Terre Sainte, pour aider les maisons religieuses qui assurent là-bas une présence d’Eglise bien précieuse; pour y soutenir les institutions catholiques, oeuvres d’assistance et écoles, au bénéfice des pauvres de la région, sans préjudice pour les autres pauvres du Moyen-Orient et du monde; pour favoriser les pèlerinages de plus en plus nombreux, tout en stimulant la ferveur spirituelle des membres de l’ordre, selon les orientations des nouveaux Statuts.

En somme - Nous le soulignons à l’adresse de tous les pèlerins ici présents - l’ordre du Saint-Sépulcre, actuellement, a comme mission de réaliser, pour sa part, ce qui tenait déjà à coeur à l’Apôtre Paul, lorsqu’il organisait sa collecte, parmi les Eglises d’Asie Mineure ou de Grèce, pour les fidèles de Jérusalem: la solidarité de toutes les Eglises locales avec l’Eglise d’origine, avec les communautés chrétiennes implantées dans le pays même de Jésus. Aujourd’hui, des circonstances particulières font converger plus encore notre esprit, notre affection, notre prière, notre générosité, vers cette Terre bénie, qui connaît encore bien des épreuves. Aussi, de grand coeur, Nous bénissons tous les membres de l’ordre du Saint-Sépulcre, leurs familles et ceux qui collaborent avec eux.




21 juin 1978: ÊTRE AU SERVICE DU MONDE PAR L’ÉGLISE

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Chers Fils et Filles,



Ce bref discours que nous nous sentons tenu et heureux d’adresser aux fidèles et aux visiteurs présents à notre audience hebdomadaire du mercredi ne peut pas ne pas avoir notre propre personne pour thème ! Habituellement par discrétion naturelle nous nous abstenons d’en faire l’objet de notre allocution, persuadé, comme nous le sommes, de sa faiblesse, d’autant plus manifeste que plus vive est en nous la conscience de la responsabilité de l’office apostolique auquel nous avons été appelé. Mais aujourd’hui l’anniversaire, le quinzième désormais, de notre élection à la chaire de Pierre, nous oblige à rendre grâce au Seigneur qui choisit habituellement les petits pour l’exercice de son ministère. Lui rendre grâces parce qu’il a bien voulu confier la direction suprême de son Eglise à notre humble personne. Et nous croyons pouvoir faire nôtre l’affirmation d’un de nos prédécesseurs, d’une toute autre élévation que la nôtre, Saint Léon le Grand qui, honorant en lui-même l’oeuvre de Dieu, nous a laissé ces paroles mémorables : « dabit virtutem, qui contulit dignitatem » — « donnera la vigueur, Celui qui confère la dignité » (Serm. II, PL 54, 143).

Eh bien, Fils et Frères, quel est notre message ? Il n’a rien, nous le savons bien, ni de grand, ni d’original. Il veut rester dans le ton de celui de nos prédécesseurs. Ils ont dépouillé le visage royal de l’Eglise des voiles caduques pour faire apparaître sa face pauvre et négligée. Ainsi nous la voyons dans sa réalité première, dépouillée de tous ornements artificiels. En même temps, elle est rayonnante d’une souveraine beauté, reflet d’une lumière ineffable. C’est la beauté jamais satisfaite de la forme concrète et idéale qui lui revient et à laquelle, historiquement, elle essaye d’arriver, mais telle qu’elle est déjà, dès maintenant, à même de révéler, dans une attirante apologie, la présence incarnée du Verbe de Dieu. Oh ! il n’est pas nôtre, le prodige ; mais comme une aube éternelle qui prélude à une splendeur parfaite, l’Eglise tire profit d’un charisme, qui n’est pas le sien mais qui, au moment même, est divinement répandu en elle et à elle destiné, celui de la Vérité divine exprimée en traits humains. En ce siècle, l’Eglise, en cohérence avec des principes qui étaient d’ailleurs les siens et qui, à présent, la définissent, plus simplement et plus authentique-ment, humaine et divine, est en train de se distinguer par l’évidence des principes qu’elle annonce, afin de donner au visage de l’humanité une physionomie surhumaine. C’est celle de l’unité, de la paix, d’un bonheur commençant qui a l’air, pour qui ne saisit pas l’extension océanique de la Vie consacrée par le Christ, de n’être que rêve ou folle espérance.

Mais oui ! l’histoire, c’est-à-dire l’évolution de l’homme dans le temps, demeure un drame qui, en se développant, se sépare en tendances opposées, de manière toujours plus accentuée. Voyez comme, d’une part, la puissance de la matière se perfectionne, devient gigantesque et finit par provoquer le traumatisme de la peur d’elle-même (... qui peut aujourd’hui mesurer le caractère tragique des dangers que la science et la technique, tournées contre la vie humaine, peuvent déchaîner sur la surface de la terre ?). Voyez combien d’autre part, la sincérité et la simplicité de la nature semblent consoler l’homme moderne et lui rendre la confiance en l’existence. Il y a, dans le monde moderne, tant de bien possible et aussi tant de mal possible que les destinées de l’humanité semblent inexorablement compromises. Nous continuons à être optimiste. Nous continuons à croire que des dons que la nature nous offre peuvent découler de merveilleuses conditions pour notre existence temporelle. Mais notre tableau doit être interprété dans le cadre plus ample et plus vrai que notre religion nous présente avec son ineffable providence : la Croix le domine, avec son projet de douleur et de salut. Et, à ce point, il nous faut révéler la pensée dominante de notre mission, c’est-à-dire d’être au service du monde, par l’Eglise. Cette pensée, c’est-à-dire ce programme, est pour nous le Concile Vatican II que nous avons célébré en ces années écoulées et que nous tâchons à présent de traduire en coutumes, en Esprit vivant.

Frères et Fils, soyons fidèles à ce grand événement, faisons-en la lumière de notre histoire. Que l’amour pour l’Eglise nous assiste et nous guide pour en faire vraiment un phare en vue de notre histoire et de notre espérance pour Poutre-tombe. Avec notre bénédiction apostolique.





28 juin 1978: MÉDITER SUR LA TOMBE DE PIERRE

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Chers Fils et Filles,



Impossible, aujourd’hui veille de la fête de Saint Pierre, de ne pas tourner notre pensée, dévote et passionnée, vers l’Apôtre Pierre, au souvenir et à la gloire duquel est dédiée la monumentale Basilique à l’ombre de laquelle nous nous trouvons. Le caractère solennel d’un tel monument, la convergence vers la tombe de Saint Pierre des édifices du Vatican et de la demeure désormais habituelle du Pape, ainsi que des offices centraux du Saint-Siège, les richesses de l’art et des souvenirs qui rendent célèbres et sacrés ces édifices et les reliques de Saint Pierre lui-même, désormais retrouvées et restituées à l’histoire : tout cela entoure ce lieu d’une telle atmosphère d’intérêt, de religiosité, d’un tel climat sacré, que l’attention superficielle et pressée du visiteur curieux et, à plus forte raison, celle du pèlerin conscient et dévot est forcée de se fixer au moins un instant afin de contempler le mieux possible le mystérieux secret de ce lieu d’où rayonne, non seulement sur la Cité Eternelle, mais sur tout le monde historique et civil — et spécialement celui marqué du charisme chrétien — un charme incomparable.

Essayons de dégager quelques-uns des motifs de cette attraction. Le premier motif est d’ordre historique et nul ne saurait se soustraire à son action si, visiteur intelligent, il se rend finalement aux preuves apportées par les études les plus scrupuleuses et les plus récentes et aux conclusions de l’examen des découvertes archéologiques relatives à la tombe de l’Apôtre Pierre. Oui, un motif historique : la preuve historique a été acquise, non seulement qu’il s’agit bien de sa tombe, mais aussi de ses très vénérables restes mortels. Pierre est ici, où l’analyse documentaire, archéologique, indiciaire et logique nous l’a finalement indiqué.

Nous avons ainsi la consolation d’avoir un contact direct avec la source de la tradition apostolique romaine la plus digne de foi, celle qui nous donne l’assurance de la présence physique à Rome du Chef du Collège des premiers disciples de Jésus-Christ. Il a ainsi transplanté dans la principale cité de l’empire romain, l’Eglise naissante de Jérusalem et Antioche comme pour en faire son héritier et substituer à l’idée d’unité civile et politique celle propre à la religion chrétienne, universelle, celle-ci, et éternelle, capitale spirituelle du monde (cf. Dante, Enf. 2, 22-24). Ici le contact devient, peut-on dire, physique et il force notre attention à un intérêt tout particulier, celui que l’on réserve aux lieux et aux choses qui déterminent des événements de générale et suprême importance. L’histoire se fait actuelle et se rattache facilement au réseau des faits et des places des rapports avec ce foyer central qui reflète sur eux son importance. Nous ne nous trouvons pas seulement sur une tombe d’exceptionnelle importance mais sur un « trophée », comme disaient les anciens, un monument qui rappelle le passé et défie l’avenir et qui entraîne l’esprit, du cycle de l’expérience sensible vers la sphère du monde surnaturel.

Fils et Frères, faisons en sorte que notre piété religieuse ait, si Dieu le permet, quelqu’expérience spirituelle de ce royaume des cieux, dont le Christ a donné les clés mystiques à l’Apôtre dont nous avons l’heureuse fortune de pouvoir vénérer les reliques humaines dans le saint mausolée que la foi des siècles a érigé pour leur gloire et pour notre dévotion religieuse. Et ici, sur sa tombe, sur ses reliques encore existantes, demandons avec pieuse humilité au Père céleste, qu’il nous fasse demeurer solidement fondés dans la foi de Pierre, lui, la pierre de notre foi.

Avec notre bénédiction apostolique.





5 juillet 1978: LES VACANCES, TEMPS PROPICE D’ÉDIFICATION SPIRITUELLE

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Chers Fils et Filles



Nous parlerons encore des vacances. Même si elles n’ont qu’un espace limité dans le déroulement normal de la vie, elles revêtent une grande importance, spécialement pour la vie en voie de croissance, c’est-à-dire pour l’enfance et l’adolescence. Elles sont importantes surtout pour le développement physique et spirituel de la personne à ses débuts qui usant spontanément de ses facultés, profite de ses propres énergies, physiques et mentales, probablement tout autant que lorsqu’elles sont guidées par une discipline pressante. Tout le monde le sait ; et c’est pourquoi nous souhaitons encore une fois « bonnes vacances ! » à tous ceux qui ont la chance de pouvoir en jouir sainement.

Mais nous devons rappeler que, spécialement pour ceux qui arrivent à la maturité physique, ou en jouissent déjà, et se font une très nette idée de la richesse potentielle de leurs propres facultés spirituelles, les vacances ont une importance énorme, souvent décisive, pour le développement intellectuel et moral de l’homme. La lecture d’un livre, la présence à un spectacle, l’accomplissement intelligent d’un voyage, la naissance d’une amitié et aussi, dans certains cas, l’expérience d’une mésaventure ou d’une maladie, peuvent avoir une efficacité pédagogique qui vaut, et parfois dépasse celle de l’école régulière. Nous nous bornerons, ici, à observer que les vacances n’ont pas seulement, comme but utile et sage, la restauration et le développement des forces physiques, et qu’elles n’ont pas seulement une incomparable vertu formative grâce au contact sensible avec le monde physique qui se déploie devant le sujet humain. Il lui ouvre, comme nouvelles, les pages de la nature qui en révèlent la beauté, l’étendue, le caractère complexe et, parfois même, terrible. Les vacances ont également un but spirituel. Quand donc l’homme peut-il retourner en soi-même, se reconnaître comme personne, quand a-t-il l’occasion d’effleurer, pour en éprouver l’ivresse ou la crainte, la profondeur, la complexité de son être, si ce n’est dans les moments libres et solitaires de sa propre conscience ? Les vacances ne sont pas seulement une pause très belle qui, par une jouissance physique et extérieure, interrompt la monotonie professionnelle du propre labeur, mais elles sont aussi, et plus encore, une rencontre de l’homme avec lui-même, avec sa profession, avec le sens de sa propre existence.

De ce second aspect de la période de repos et réfection physique propre aux vacances, l’aspect personnel, l’aspect intérieur, l’aspect spirituel, nous désirons maintenant dire quelques mots. Non pas pour alourdir les vacances mêmes, mais pour leur ouvrir des fenêtres sur la brise de l’esprit. Par exemple et comme premier point : Cette bienheureuse période de dégagement des mille choses qui assaillent nos âmes n’est-elle pas le moment propice pour une réflexion fondamentale sur l’engagement de notre propre vie ? Se déroule-t-elle dans la ligne de cet impératif qui en classifie l’intelligence, le mérite, l’espérance ? C’est-à-dire la ligne du devoir ? de la loi de Dieu, celle de l’amour premier et total qui lui assure, ici, la sagesse et, au-delà du temps, le salut ? Qui résout cet intime et angoissant problème a déjà rendu bonnes ses propres vacances.

Deuxième point. Ne pourrait-on insérer dans le programme des vacances un moment, deux ou trois jours, de recueillement spirituel ? de méditation ? de retraite spirituelle ? d’excursion- pèlerinage à quelque sanctuaire, ou à quelque réunion de prière, et disons aussi de pénitence? un moment de renaissance ? Combien de souvenirs supérieurs, de promesses généreuses chacun ne porte-t-il pas en soi ? inertes, oubliés, niés ? ne pourraient-ils renaître et refleurir, ces quelques instants profondément personnels, pour la vie de demain et y transformer la prose étale et vulgaire en poésie de forte énergie et de bonté joyeusement vécue ?

Et troisièmement. Mais ceci demanderait un discours à part. Les vacances ne sont-elles pas faites également pour la lecture ? Les jours de pluie, quand les excursions ne sont pas possibles, ou les jours de pause, de repos après les grandes promenades, un livre, un bon livre ne pourrait-il pas remplir parfaitement ces marges de vacances ? Oui, un bon livre, de lecture facile, est un ami qui peut donner une valeur nouvelle aux vacances. Mais pour qu’il soit vraiment un ami, ce doit être un livre qui offre un agréable repos à l’esprit et la semence fertile de saines et fortifiantes pensées. Malheureusement le marché des livres ne répond pas toujours aux besoins de l’esprit, au contraire. Mais tâchons de bien choisir; aujourd’hui, le choix est possible.

C’est à ce choix, proportionné à l’âge et au caractère des lecteurs que tendent nos souhaits de bonnes vacances.

Avec notre bénédiction apostolique.






12 juillet: LES ÉTATS D’ÂME DE L’HOMME EN VACANCES

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Chers Fils et Filles,



En cette brève conversation qui caractérise notre Audience, nous pensons évoquer les états d’âme de l’homme en vacances. Ils revêtent deux aspects. C’est d’abord, la disposition à une détente générale qui naît spontanément du dégagement des devoirs habituels, qu’ils soient scolaires ou professionnels, et ceci semble conforme à la nature même des vacances, à la récupération, toutefois passagère, de sa propre liberté. Les vacances ne sont-elles pas, en effet, une période où l’on jouit de son propre temps, où se relâchent les liens qui normalement enchaînent notre action ? Les vacances ne sont-elles pas une période de vie spontanée guidée par la joie de vivre et de se reposer ?

Pour d’autres, par contre — et souvent chez les mêmes personnes — qui se proposent de passer leurs vacances selon un style de vie spontané, inspiré par leurs propres goûts, leurs propres caprices, un autre état d’âme a pris place au fond de leur conscience : le désir de profiter de la période des vacances pour consacrer leur propre liberté à une occupation utile, parfois plus intense que l’attitude liée au travail habituel, comme un empressement à profiter de la liberté relative obtenue pour faire quelque chose de leur goût, même si c’est absorbant — comme une lecture, une cure, un voyage, une méditation. Eh bien, nous souhaitons à tous que les vacances soient vraiment des vacances, pour le repos, pour les loisirs, pour une reprise de forces et de sérénité. Mais nous prenons soin du second état d’âme, celui qui est anxieux de profiter de la relative liberté qu’accordé ce moment de dégagement des devoirs habituels pour « une prise de conscience » au sujet de sa propre vie et pour une éventuelle remise en ordre des pensées, des devoirs qui lui sont propres.

Ce second état d’âme est celui auquel s’intéresse maintenant notre brève réflexion. Il nous rappelle combien peu nous sommes nos propres patrons : plus nous sommes absorbés par nos occupations habituelles et plus nous sommes contraints de vivre extérieurement à nous-mêmes ; dominés par la pression des devoirs que nous avons introduits au-dedans de nous et qui nous forcent à vivre d’une manière non personnelle, non consciente et quelque fois nullement bonne.

Les vacances devraient servir, outre au repos physique, à quelque travail spirituel également. Ceci d’autant plus qu’elles nous poussent à nous distraire, à nous absenter, à échapper à nous-mêmes. Elles devraient, plus encore, compter des moments de vie intérieure, de réflexion personnelle, de conscience active, de temps de silence, à l’écoute de tout le déroulement de notre vie. Nous pensons qu’il n’y a là rien qui soit en opposition avec la psychologie des personnes intelligentes qui se posent, certes — et principalement si elles sont jeunes — le problème de l’autodétermination de la manière de vivre. Et même nous les engageons à s’accorder quelque jour, ou au moins quelques heures de méditation, quelque moment de révision et de programmation de leur propre existence. Souvent ce besoin de se concentrer s’éveille précisément aux meilleurs moments du contact de l’âme avec la révélation que fait de soi le cadre de la nature. Elle oblige, impulsivement, le spectateur à voir au-delà de ce cadre et à s’élever, par les voies de la pensée devenue contemplative et presque extatique, jusqu’à la perception du mystère réfléchi dans les choses et qui semble y palpiter. (Souvenons-nous de la vision de Saint Augustin, une vision qui, dans une certaine mesure, est accordée à tout esprit capable de contemplation — cf. Confessions : « Quaere super nos » 10, 6, 9 ; 13, 32, 47).

Cet acte de concentration, pour celui qui a le bonheur de la foi, mène facilement à la prière intérieure, porte à écouter une voix, pastoralement ignorée par chacun de nous, les chrétiens, mais presque toujours réprimée, étouffée : pas une voix impérieuse, mais une voix qui invite : « viens et suis-moi » (
Lc 5,2-7). C’est-à-dire : « l’énoncé d’une exigence qui peut, à des degrés divers mais plus encore de manières différentes être satisfaite ; de toute façon une voix qui semble tracer dans le temps de notre vie un chemin direct et courageux, celui d’une authentique vie chrétienne.

Ainsi soit-il. Avec notre bénédiction apostolique.

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Sans pouvoir saluer chaque groupe, Nous félicitons les Sceurs de Saint-Charles de Lyon, qui ont voulu tenir leur chapitre général près de Rome, marquant leur attachement au Siège Apostolique, selon l’esprit de leur fondateur, l’Abbé Charles Démia. Nous les bénissons spécialement, ainsi que tous les religieux et religieuses ici présentes.

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Nous sommes heureux d’adresser une parole de bienvenue aux représentants de la Société Radio-Canada, qui assistent à tette Audience et Nous permettent de transmettre aux téléspectateurs de leur grand pays, riche en traditions chrétiennes, notre particulière Bénédiction, destinée à tous les foyers réunis autour du petit écran.

Nous aimons savoir que la Télévision Canadienne se propose de leur présenter la vie du Serviteur de Dieu André Bassette. Nous formulons le voeu que l’exemple de ses vertus chrétiennes, de sa foi vécue et de son amour du Christ puisse être pour tous une inspiration et une invitation à vivre encore davantage selon l’Evangile.





19 juillet: CONSCIENCE MORALE ET RAPPORTS AVEC DIEU

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Chers Fils et Filles,



En vous adressant un cordial salut, nous ressentons avant tout le besoin de vous remercier pour le témoignage d’affectueuse vénération que nous apporte votre présence. Vous êtes ici pour donner témoignage de la dévotion et de la fidélité qui vous lient au Successeur de Pierre. Et vous êtes également ici pour lui demander une parole d’orientation spirituelle qui serve à vous guider et à vous stimuler dans le quotidien effort de cohérence chrétienne.

Eh bien, la parole que nous entendons vous confier ce matin nous est suggérée par cette période caractéristique, annuelle, des vacances. Nous devons consacrer ces journées au rétablissement des forces physiques et des énergies psychiques, mais aussi, comme nous l’avons déjà dit plusieurs fois, des énergies spirituelles. Ne font-elles pas, elles aussi, partie — une partie prééminente — de notre réalité humaine ?

Or, dans cet effort de récupération spirituelle, la première occupation qui nous semble digne d’attention est celle que nous définirons une réanimation de la conscience, c’est-à-dire de cet acte, réfléchi et personnel, par lequel nous sommes présents à nous-mêmes. Evidemment, ce n’est pas surtout la conscience psychologique qui nous intéresse en ce moment, c’est-à-dire cette conscience qui forme la richesse de la vie intérieure des hommes de pensée et dont les manifestations peuvent être diverses, en grande partie imaginaires. Ce qui nous presse, c’est de donner en ce moment à notre conscience, son expression la plus haute et la plus caractéristique, celle que nous appelons « conscience morale ».

Si elle est scrupuleusement vigilante et inconditionnellement docile face aux impératifs du bien moral, à commencer par celui, fondamental, selon lequel « il faut faire le bien et éviter le mal », la conscience morale ne peut que mener à un acte religieux, c’est-à-dire à la perception de notre rapport de dépendance vis-à-vis du Bien absolu et immuable qu’est Dieu.

Très chers Fils, c’est précisément ce jugement sur nous-mêmes à propos de notre plus haute et indispensable relation, notre relation avec Dieu, qui devrait occuper spirituellement les moments privilégiés de cette période de repos et d’activité spirituelle. Malheureusement, se sont déchaînées dans la psychologie moderne les objections les plus nombreuses et les plus graves contre la valeur de la conscience morale. On voudrait abolir, dans l’activité spirituelle de l’homme, cet acte réfléchi et décisif qui est constitué précisément par la conscience morale, c’est-à-dire par le jugement qu’un esprit intelligent et serein porte sur lui-même, se confrontant avec les exigences de la loi morale (cf. Saint Thomas, Summa Theol.
I-II 90,0-108), dont les impératifs expriment la volonté même de Dieu, notre principe transcendant et notre unique destination sanctifiante. Ce que nous souhaitons, c’est que la pause estivale qui nous libère des occupations habituelles, puisse servir à un sérieux effort de clarification intérieure, préludant à la joyeuse redécouverte de nous-mêmes et, surtout, de cet intime et merveilleux dialogue que chacun de nous peut, dans le sanctuaire de sa propre conscience morale, engager avec Dieu juste et miséricordieux.

Avec notre bénédiction apostolique.







Catéchèses Paul VI 7678