Catéchèses Paul VI 22126

22 décembre 1976: NOËL ET LA RENAISSANCE DE L’HOMME

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Chers Fils et Filles,



Comme toutes les fêtes liturgiques Noël a deux aspects ; le premier, celui du culte dû au mystère qu’il commémore et célèbre, c’est-à-dire, en ce qui concerne Noël, l’Incarnation du Verbe de Dieu, la naissance du Christ dans le monde et dans le temps ; l’autre est le reflet typique et moral que le mystère célébré, fait luire sur l’humanité, sur l’Eglise célébrante, sur nous, les fidèles appelés à la célébration de la fête.

Ce deuxième aspect se prête à des applications spirituelles sans fin et confère à la célébration un caractère d’actualité qui nous concerne tous, qui se renouvelle chaque année et qui tente de modeler la vie des croyants sur les aspects religieux et historiques du mystère célébré. Noël fête la naissance du Sauveur ; aussi sert-il à promouvoir notre renaissance dans le dessein du Salut. Il est né, enseigne Saint Augustin, afin que nous renaissions : « natus est, ut renasceremur » (Serm P.L. 38, 1006).

Le thème de la renaissance de l’homme se retrouve dans toute l’économie du Salut. Rappelez-vous l’épisode évangélique de Nicodème, un bon pharisien qui, peut-être par timidité, va, la nuit, trouver Jésus, désormais renommé comme maître et auteur de prodiges et lui demande un entretien réservé pour recevoir des éclaircissements ; et rappelez-vous l’enseignement primordial et fondamental qu’avec des mots bouleversants le Seigneur lui donna ? « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’en-Haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu » (
Jn 3,3). Renaître, comment est-ce possible ? Ce sera là le fondement de la doctrine baptismale chrétienne qui ne comporte pas seulement l’absolution du péché originel que tout homme, héritier d’Adam, porte en lui-même du fait de sa naissance naturelle, mais également l’infusion d’un nouveau principe vital, la grâce qui associe la vie humaine à l’ineffable et infinie vie divine (cf. 1P 1,23 2P 1,4). Saint Paul est le docteur de cette page capitale de la révélation chrétienne (cf. Rm 5,12-16 et suiv.). L’homme peut renaître et même, il doit renaître. Et cette vérité nous explique également Noël qui non seulement devient la fête par excellence de l’enfance et de l’innocence, mais nous invite aussi à désirer cet heureux âge des petits qui ont la préséance, et même la préférence évangélique dans le royaume des cieux, c’est-à-dire dans la nouvelle existence inaugurée et instaurée par le Christ en dehors de laquelle le destin humain serait sans issue (cf. Mt 11,25 Mt 18,2). Il faut redevenir enfants ; c’est-à-dire innocents ; humbles et sans faute ; purs, nouveaux. La crèche de Noël est éloquente (cf. st augustin, Serm 188, 3 ; PL 38, 1004).

Elle enseigne une des vérités pédagogiques les plus admirables et les plus consolantes, c’est-à-dire la possibilité d’amender l’âme humaine, même si elle est comble de fautes et vices invétérés qui, d’eux-mêmes sont pratiquement incorrigibles. L’homme peut devenir bon même s’il est corrompu et méchant. A l’école de l’Evangile et avec l’aide de la grâce, il n’est aucun cas de méchanceté humaine qui soit désespéré. L’éducation et la médecine moderne on fait des progrès extrêmement consolants, mais souvent réduits en nombre et trompeurs en la durée. Mais à leurs admirables résultats ne sauraient manquer à l’humble école de Noël le concours, le soutien de l’efficacité incomparable de la renaissance spirituelle et morale chrétienne. Ce n’est pas que celle-ci soit toujours miraculeuse corne elle l’est au moment sacramentel de la Pénitence ; mais cherchée et soignée, selon les méthodes de l’ascèse évangélique, elle est valable de merveilleuse manière. Les maîtres de la sainteté chrétienne, ou, tout simplement, de la sagesse chrétienne, nous le démontrent. Et la renaissance psychologique et morale acquiert à leur école une vertu et une espérance qui doivent nous rendre courage dans la formation des nouvelles générations : nous voulons qu’elles soient bonnes, fortes, conscientes, non seulement pour elles-mêmes mais aussi pour ces contextes sociaux que nous nous résignons souvent à tenir pour incurables et que la jeunesse d’aujourd’hui et de demain peut prodigieusement assainir.

Que de maux — et malheureusement toujours plus étendus — rongent aujourd’hui le tissu social de nombreux secteurs de peuples maladroitement emportés par l’évolution moderne et auxquels ont manqué la leçon, l’exemple, le soutien, l’ambiance d’une vie intègre et humaine ! Nous devons tous, de manière vraiment consciente et responsable, faire tous nos efforts pour élever ces populations à la conscience et à la pratique d’une nouvelle honnêteté humaine et civile. Il n’y a pas de maladie de l’éthique sociale qui soit réfractaire aux soins amoureux et sages de l’Evangile. La naissance de Jésus sur la terre nous encourage à espérer et à travailler à la renaissance de l’homme dans le monde.

Avec les souhaits de bonne fête de Noël, notre Bénédiction Apostolique.






29 décembre 1976: NOËL LEÇON D’HUMILITÉ ET DESSEIN DE NOTRE VIE

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Chers Fils et Filles,



La fête de Noël est passée. Mais Noël demeure. Il demeure comme un fait historique autour duquel s’organise et se développe successivement le christianisme qui, loin d’être dépassé, loin d’être exténué, est arrivé jusqu’à nous. Noël demeure comme conception de l’histoire qui voit les siècles passés comme un moment du temps commencé avec le Noël du Christ, et les siècles futurs comme la continuation logique de cet humble et suprême événement que fut la venue du Verbe de Dieu sur la terre et dans le temps, et qui guide les destins de l’humanité jusqu’à la fin des siècles. Et Noël demeure comme philosophie de la vie, comme école qui nous enseigne le dessein de notre existence dans le temps, comme modèle exemplaire de ce que nous devons être et de ce que nous devons faire : nous devons être chrétiens et nous devons nous comporter comme tels. Ce dernier aspect de Noël l’aspect philosophico-moral, est maintenant le thème de notre brève réflexion dans laquelle pourraient confluer les contributs encyclopédiques de l’ascèse chrétienne sur Noël.

Limitons-nous à une question qui résume le problème: quel est l’enseignement fondamental et sommaire que la naissance du Christ recommande à l’humanité, à chacun de nous ? Nous nous en tiendrons à la parole de Saint Augustin ; mais il y a dans le répertoire de la littérature sacrée, un millier de maîtres qui peuvent nous répéter la même leçon. Du reste, le cadre de la crèche de Noël est assez éloquent : si tel est le moyen que le Verbe de Dieu a choisi pour se faire homme, que nous enseigne le Seigneur sinon d’être humbles : « Cum esset altus, humilis venit » (Enarr. in PS 31,18 PL 36,270). Et Saint Paul n’a-t-il pas inséré dans une admirable synthèse le dessein de l’Incarnation : « Ayez entre vous les mêmes sentiments que vous avez dans le Christ Jésus : lui qui, possédant la nature divine n’a pas considéré son égalité avec Dieu comme un butin jalousement gardé ; mais il s’est anéanti lui-même en prenant la nature de l’esclave et en devenant semblable aux autres hommes. Et quand il fut bien constaté qu’il avait tous les dehors d’un homme il s’humilia davantage en se faisant obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix (
Ep 2,5-8). Et ce sera cette pensée qui alimentera, à la racine, la christologie de Saint Augustin ; il raconte, dans ses Confessions, d’avoir compris la mission du Christ quand il comprit que le Christ avait choisi l’humilité comme voie de sa médiation pour conduire l’homme, de son humanité déchue, à la hauteur de la divinité (cf. ch. VII, 28, 24 ; PL 32, 745). Le florilège des citations n’aurait aucune limite si on voulait les cueillir toutes dans les oeuvres du saint Docteur (cf. E. portalié, D. Th. C. II, 2372).

L’humilité dont il s’agit n’est pas la vertu spécifique que Saint Thomas classe dans la sphère de la tempérance, tout en lui reconnaissant une place principale dans un classement plus étendu, celui d’un système général de la vie morale (cf. II-II 161,5) ; mais celle relative à la vérité fondamentale du rapport religieux, à la réalité essentielle des choses, qui met au premier et plus haut niveau l’existence de Dieu, personnelle, toute-puissante, omniprésente, au moment où il vient en contact avec l’homme : c’est l’humilité de la Vierge dans le Magnificat, qui donne à la créature le sentiment de soi-même dans une totale dépendance de Dieu, dans la disproportion inéluctable entre l’infinie grandeur de Lui et la dimension toujours infime, de celui qui doit tout à Dieu, qui se rend compte de la nécessité absolue de sa Providence qui veut être miséricorde pour nous, pécheurs. De ce point central de Noël, jaillissent l’humilité du Christ Dieu et Homme, la logique de l’Evangile dans lequel nous entendons résonner les paroles du Seigneur : « Apprenez à être doux et humbles de coeur » (Mt 11,29), et nous en écouterons l’enseignement se répercuter sur les disciples de l’Evangile : « Bienheureux les pauvres d’esprit (c’est-à-dire les humbles), car le royaume des deux leur appartient » (Mt 5,3).

S’imposent ici, deux rapides mais importantes observations, la première nous rappelle que cette leçon fondamentale d’humilité n’annule pas la grandeur du Christ et ne fait pas sombrer notre petitesse dans le néant. L’humilité est une attitude morale qui ne détruit pas les valeurs auxquelles elle s’applique ; elle est une voie qui permet de les reconnaître et de les récupérer (cf. Ph 22,9 et ss. ; Ep 3,2 Mt 23,12).

La seconde observation offre une comparaison entre la mentalité chrétienne tout imprégnée d’humilité, et la mentalité profane qui n’apprécie pas l’humilité et la tient pour une offense à la dignité de l’homme, qui la considère comme un obstacle a la volonté créatrice de l’homme et tout au plus (comme autrefois les stoïciens) comme de la sagesse résignée à la médiocrité humaine. Nous ne nous attarderons pas à discuter la faiblesse de ces positions ; nous pourrions plutôt en rappeler les dangers (comme ceux du surhomme, de l’exaltation de la puissance, de l’aveuglement de la prétention orgueilleuses, de l’indécision théologique lorsqu’on n’est plus guidé par la vérité de l’Evangile). Mais ici nous nous contenterons de rappeler la récompense qui accompagne une sage humilité : la grâce, comme nous le disent les Apôtres Pierre (1P 5,5) et Jacques (Jc 4,6).

Avec notre Bénédiction Apostolique.









5 janvier 1977: NOËL, ÉCOLE DE PAUVRETÉ - DIEU S’EST FAIT HOMME !

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Chers Fils et Filles,



La pensée du Noël récemment célébré occupe encore nos esprits, constituant un double stimulant social. Le premier est relatif au fait de la naissance de Jésus à Bethléem et donc au cadre de la crèche qui ne cesse d’absorber notre esprit avec le charme de sa pastorale simplicité et de son angélique poésie ; le second est relatif à l’efficacité pédagogique de la révélation du Christ par la manière miséreuse dont il s’est présenté à l’humanité, incontestablement dans une intention de modèle, d’exemple.

En d’autres termes, si nous voulons comprendre la signification essentielle du grand événement qu’est la venue du Christ dans le monde, la venue du Fils même de Dieu qui, restant tel, assume en même temps une nature humaine, pour se faire dans le même temps Fils de l’homme, nous ne pouvons manquer de rester stupéfaits devant cette pauvreté que le Christ a assumée en venant dans le monde.

Noël est une incomparable leçon de pauvreté. C’est ainsi que Dieu s’est fait homme. La perception de cet aspect du mystère de l’Incarnation nous pénètre non seulement par les circonstances dans lesquelles un tel mystère s’est historiquement et pratiquement célébré à Bethléem, mais aussi parce qu’il ne s’agit pas d’un simple épisode aussitôt fondu dans un cadre historique correspondant mieux à l’exceptionnelle dignité du Dieu-Homme entré dans la scène de l’humanité. C’est le style, la forme voulue et cohérente, choisis par le Christ pour vivre parmi nous, mieux, pour accomplir sa mission de salut : l’Enfant-Jésus de la crèche allait mourir sur le Calvaire, dans la douleur et l’humiliation de la Croix. La pauvreté de l’Incarnation sera consumée dans la Rédemption et tout le message évangélique, qui s’étend de la naissance à la mort du Christ est une annonce, une apologie de la pauvreté, choix proverbial que le Christ a fait pour se manifester au monde.

Pauvreté du Seigneur ! Le grand obstacle à son acceptation par une humanité qui s’attendait à bien autre chose de la venue spectaculaire et victorieuse du Messie ; et, en même temps, voilà le grand secret de l’attrait du Christ apparu dans l’humanité.

Lisons, un peu au hasard, des pages du Nouveau Testament, quelques textes qui imposent le thème de la pauvreté évangélique comme sujet essentiel du fait chrétien. Qui ne se souvient de la voix vibrante de la première béatitude « bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux leur appartient » (
Mt 5,3) ? Alors, ce Jésus de Bethléem et de Nazareth, il est le prophète des pauvres ? Il est celui qui a révélé leur dignité, leur priorité, leur bonheur ? Ce n’est pas démagogie ; c’est la réhabilitation dans l’excellence terrestre et dans l’espérance ultra-terrestre des déshérités des biens de la terre.

Puis, vous souvenez-vous de cette page célèbre de Saint Paul sur la pauvreté totale et volontaire « Epître aux Philippiens » (Ph 2,5-8). Il écrit : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus : Lui, de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! ». Et, Saint Paul encore, écrivant aux Corinthiens pour les inciter à assister leurs frères de Jérusalem : « Vous connaissez la libéralité de Notre Seigneur Jésus-Christ, comment de riche il s’est fait pauvre pour vous, afin de vous enrichir par sa pauvreté » (2Co 8,9).

Impossible de tout dire sur cet immense aspect du christianisme. Qu’il nous suffise de le soumettre à l’admiration de ceux qui, célébrant Noël, se sont rendus compte de l’exaltation de la pauvreté humaine qui découle de cette fête.

Mais il est tout aussi impossible de passer sous silence l’importance et l’intérêt des enseignements qui, surtout après le Concile, nous sont, non pas seulement proposés, mais même imposés, au sujet de la pauvreté, l’aspect que le Christ a assumé pour habiter parmi nous (cf. L’Eglise de Vatican II, II° volume, pp. 339-372; J. Dupont, L’Eglise et la pauvreté).

Nous pouvons tenter de faire un classement de la doctrine du Christ sur quelque chose que tout le monde sait.

Voici le premier point, celui qui se réfère au critère théologique de l’Evangile sur la pauvreté. Pourquoi la pauvreté ? Pour donner à Dieu, au royaume de Dieu, la première place dans l’ordre des valeurs qui sont l’objet des aspirations humaines. Jésus a dit : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice » (Mt 6,33) ; et il l’a dit en comparaison avec tous les autres biens temporels, même nécessaires et légitimes, qui généralement attirent les désirs de l’homme. La pauvreté du Christ rend possible ce détachement concernant les choses terrestres pour hisser le rapport avec Dieu au faîte des aspirations humaines.

Second point : le critère ascétique : la pauvreté comme dégagement des liens des intérêts temporels pour dédier nos facultés à la soumission à l’Evangile, à l’accomplissement des devoirs de la vie chrétienne. Que Saint François nous enseigne !

Et troisième point, le critère bénéfique : « Donnez et il vous sera donné » (Lc 6,38 Lc 11,41). Ceci est également bien connu : « la pauvreté, la privation de quelque fraction de notre avoir doit se transformer en pain pour nos frères. C’est la source sociale, qui jaillit de la pauvreté et qui sait valoriser le travail, l’épargne, la richesse et le généreux renoncement au relatif afin de maintenir la charité, de soutenir l’amour entre les hommes, l’assistance fraternelle. Cette leçon de pauvreté est aujourd’hui d’actualité ! Que chacun l’écoute donc d’un coeur capable d’aimer, en méditant une parole dont Saint Paul nous dit qu’elle nous vient des lèvres mêmes du Christ : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Ac 20,25).

Avec notre Bénédiction Apostolique.

***

Nous sommes heureux de saluer ce matin les Frères de Saint-Gabriel, réunis en chapitre autour de leur nouveau Supérieur général, le Révérend Frère Jean Bulteau, auquel Nous offrons tous nos voeux et nos encouragements. Chers frères, dans l’esprit de votre Fondateur, vous assumez une tâche éducative importante, en beaucoup de pays, et parfois là où l’Eglise est implantée de fraîche date. Nous apprécions ce zèle missionnaire. Et Nous pensons, avec espérance, à tous ces jeunes qui vous sont confiés pour recevoir l’initiation à la culture, l’instruction, la formation technique, et aussi l’éducation morale et spirituelle, en découvrant le sens de leur vie, à la lumière de l’Evangile qui est la raison d’être de votre vie religieuse à vous. On ne peut embrasser en même temps, de façon valable, toutes les formes d’apostolat: croyez bien que celle-ci mérite tous vos soins.

Pour cela continuez à acquérir la compétence pédagogique nécessaire, jointe à la culture générale qui permet’ de situer votre action et celle de vos jeunes dans de larges perspectives ecclésiales et sociales. Veillez aussi à relier intimement toute votre vie au Seigneur qui vous appelle sans cesse à la disponibilité radicale, grâce à la prière, à la vie sacramentelle, à l’approfondissement de votre foi. Dans ces conditions, vous formerez de vrais chrétiens, heureux de leur adhésion à Jésus-Christ, solides par leur doctrine, familiers de la prière, prêts à prendre généreusement leur part de responsabilité au service de l’Eglise et de leurs frères humains. L’un des tests de cette éducation profonde et durable sera précisément l’éveil des vocations religieuses et sacerdotales. Et même pour les élèves ou leurs parents qui ne partagent pas notre foi, vous serez des témoins de l’Eglise, messagère de vérité et d’amour. Que la Vierge Marie, dont vous méditez spécialement le mystère de l’Annonciation, vous aide à répondre à l’Esprit Saint, à présenter son Fils au monde, à servir l’Eglise. Avec notre affectueuse Bénédiction Apostolique.




12 janvier 1977: BAPTÊME ET CATECHUMENAT

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Chers Fils et Filles,



La présence à cette audience d’un groupe de membres des « Communautés néo-catéchuménales », remarquable par le nombre et la dignité des participants, nous donne l’occasion d’attirer l’attention de nos visiteurs et de tous ceux qui ont l’occasion d’entendre ces paroles familières, sur deux événements de l’Eglise catholique ; c’est-à-dire sur le Synode de l’Episcopat de 1974 qui eut pour thème « l’évangélisation » de notre temps et qui fournit la matière à notre Exhortation Apostolique Evangelii nuntiandi du 8 décembre 1975 ; et, second événement, le prochain Synode de l’Episcopat qui, s’il plaît à Dieu, sera célébré au cours du prochain automne, à partir du 30 septembre et aura pour thème « la catéchèse » qui se relie évidemment au thème du Synode précédent. Ceci démontre combien reste vigilante et agissante dans l’Eglise la conscience de sa mission fondamentale qui est de diffuser le message évangélique conformément à l’ultime commandement du Christ au terme de sa présence visible sur la Terre : « Allez et enseignez à toutes les nations » (
Mt 28,19) ; et cela démontre également comme elle s’engage tout entière, ministres et fidèles, dans l’annonce de l’Evangile, aujourd’hui plus que jamais nécessaire tant à cause des difficultés que le monde moderne oppose à la diffusion de cette annonce qu’en vertu des possibilités que ce monde lui offre en même temps.

Nous nous trouvons donc dans une phase apostolique, missionnaire, didactique plus accentuée que jamais dans la vie de l’Eglise, nous devons tous y être engagés : l’édification du Corps mystique du Christ sur la terre, qui est notre Eglise présente, est le devoir de tout croyant (cf. Lumen Gentium, LG 33).

Dans cette perspective, il est évident qu’il faille souhaiter une recrudescence d’efforts pour réaliser cet immense et urgent programme : évangéliser, catéchiser ; et l’on assiste à la floraison d’oeuvres et de moyens destinés à permettre la meilleure diffusion possible du message évangélique. Nous observons comment ce phénomène multiforme dans la Sainte Eglise ne concerne pas seulement l’aspect scolaire, didactique, de son activité, mais plutôt celui, plus ample, pédagogique, vital, dans lequel l’enseignement des vérités religieuses est parallèle, ou mieux est uni à la profession de la vie, dont l’enseignement est norme et principe. Nous noterons en deuxième lieu comment ce devoir n’assume pas, chez celui qui l’accomplit et de même chez celui qui en est favorisé, le caractère d’un poids lourd et difficile, même s’il en est réellement ainsi, mais plutôt celui d’un honneur, d’une chance, d’une vocation qui ennoblit et exalte : son accomplissement possède en soi-même une compensation aux fatigues qu’il comporte ; il rend heureux ses témoins, leur donne la sécurité, les fait participer d’avance aux biens de ce royaume de Dieu qu’ils annoncent.

Puis nous dirons que ceux qui, d’un coeur simple et généreux se mettent au service de l’évangélisation sont l’objet, grâce certes à un secret mais immanquable charisme de l’Esprit, d’une métamorphose psychologique et morale caractéristique, celle qui transforme les difficultés en stimulants, les dangers en attraits, et même les défaites en titre de mérite et par conséquent de paix sereine.

Et maintenant nous pouvons comprendre également le témoignage que nous offrent nos visiteurs d’aujourd’hui : il tourne autour du pivot de la vie chrétienne qu’est le baptême, le sacrement de la régénération chrétienne qui doit redevenir ce qu’il était dans les consciences et dans les coutumes des premières générations du christianisme La praxis et la norme de l’Eglise ont introduit la sainte habitude de conférer le baptême au nouveau-né, laissant le rite baptismal concentrer la préparation qui, jadis, quand la société était encore profondément païenne, précédait le baptême et était dite « catéchuménat ». Mais dans le cadre social d’aujourd’hui, il est nécessaire, après le baptême d’intégrer dans cette méthode, une instruction, une initiation au style de vie propre du chrétien, c’est-à-dire une assistance religieuse, un entraînement pratique à la fidélité chrétienne, une insertion effective dans la communauté des croyants qu’est l’Eglise.

Et voilà que renaît le nom du « catéchuménat » qui certes ne tend pas à invalider ou diminuer l’importance de la discipline baptismale en vigueur, mais qui veut l’appliquer avec une méthode d’évangélisation graduelle et intensive qui rappelle et renouvelle d’une certaine façon le catéchuménat d’autres temps.

Celui qui a été baptisé a besoin de comprendre, de méditer, d’apprécier, de seconder l’inestimable bonheur d’avoir reçu ce sacrement. Et nous sommes heureux de voir qu’aujourd’hui ce besoin est compris par les structures ecclésiastiques institutionnelles et fondamentales des Paroisses. S’annonce ainsi une catéchèse qui remplace celle que le Baptême n’a pas eue ; la « pastorale des adultes », comme on dit aujourd’hui, se dessine, prépare de nouveaux programmes et de nouvelles méthodes ; puis de nouveaux ministères subsidiaires soutiennent l’assistance plus exigeante du Prêtre et du Diacre dans l’enseignement et dans la participation à la liturgie ; de nouvelles formes de charité, de culture et de solidarité sociale accroissent la vitalité de la communauté chrétienne et, face au monde, en assurent la défense, l’apologie, l’attirance.

Avec notre Bénédiction Apostolique.





19 janvier 1977: L’ESPÉRANCE EST L’AME DE LA CAUSE OECUMÉNIQUE

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Vénérables Frères et très chers Fils,



Notre rencontre aujourd’hui tombe opportunément dans la semaine vouée à la prière et à la méditation pour l’unité des chrétiens. Ces jours ci, c’est comme un choeur immense qui, de la part des fidèles d’à peu près toutes les confessions chrétiennes, s’élève vers l’unique Père de tous par le seul Seigneur Jésus dans le lien du même Esprit. C’est en effet dans la prière que l’unité trouve son inspiration la plus profonde et sa juste orientation, puis encore la force et la raison d’espérer. L’unité est une caractéristique de l’Eglise du Christ, elle fait partie de son mystère. Aussi, comme l’Eglise elle-même, l’unité est-elle également un don de Dieu et une marque de sa miséricorde. Elle implique en effet la purification du coeur, la conversion de l’esprit, le pardon des péchés, la sainteté de la vie : toutes choses que Dieu seul peut donner à ses fils s’ils recourent à Lui d’un coeur contrit et humble et avec l’intention sincère de reprendre la route sur Ses voies.

Aussi est-ce un motif de joie de voir que la prière pour l’unité prend une extension toujours plus grande parmi tous les chrétiens. En nombre sans cesse croissant, Catholiques, Orthodoxes et Protestants, tous baptisés au nom de la Sainte Trinité, s’unissent dans cette Semaine pour demander la réalisation de l’unité parmi eux. C’est déjà depuis une dizaine d’années en effet, qu’il a été convenu de prier sur un même thème, choisi d’un commun accord chaque année. Cela indique de toute évidence que l’on reprend conscience de l’importance que revêt l’unité pour la vie de l’Eglise et pour sa mission dans le monde. Ainsi, deviennent de plus en plus manifestes les liens profonds qui unissent encore entre eux tous les chrétiens. Et ceci exprime également la volonté commune d’obéir tous ensemble au Seigneur qui veut que son Eglise, une et unique soit pleinement et harmonieusement unie « dans la profession d’une seule foi, la célébration commune du culte divin, la concorde fraternelle de la famille de Dieu » (Conc. Oecum. Vatican II, Unitatis Redintegratio
UR 2). Mais nos supplications à Dieu ne peuvent et ne doivent pas se limiter à une seule et rapide Semaine annuelle. C’est pendant toute l’année, d’ailleurs, que dans les différentes Eglises, on prie incessamment pour l’unité des chrétiens. Il importe de le faire chaque jour, car le problème de la division est tellement grave qu’il porte atteinte à l’oeuvre même du Christ, « la division est pour le monde un objet de scandale et fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Evangile à toute créature » (ibid. UR 1). Cette Semaine reste cependant le point fort et le moment le plus dense de signification. Elle engendre en effet une communion des esprits qui donne un avant-goût du jour où tous les chrétiens, pleinement unis, glorifieront, d’une seule voix et d’un seul coeur, le nom de Dieu, lui rendront un témoignage concordant et fidèle face au monde (cf. Ph 2,15). A ce choeur d’invocations ne peut manquer de s’unir tout spécialement notre voix de Pasteur universel (cf. Jn 21,15-17), chargé, même s’il n’en est pas digne, de « confirmer les frères » (Lc 22,32). C’est pourquoi notre voix se fait présage et invitation à tous les fidèles de l’Eglise Catholique à s’unir unanimement et du fond du coeur, à faire corps tous ensemble devant le Seigneur afin qu’il écoute la voix pressante de ses fidèles qui, en pleine concorde, lui demandent lumière et force pour faire Sa volonté et marcher ensemble « épaule contre épaule » (Sg 3,9), sur Ses voies.

La thème proposé cette année à la réflexion et à la prière de tous et de chacun est extrait de Saint Paul : « l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5,5). Il est des plus importants pour éviter qu’on s’abandonne à la déception, qu’on ne s’appuie sur des habitudes acquises et qu’on ne s’arrête à mi-chemin. L’espérance est l’âme de la cause oecuménique. Elle est l’étoile qui guide nos pas vers le lieu où le Seigneur se trouve à coup sûr. A ceux qui, dès la première heure se sont engagés dans la recherche de l’unité et qui constatent, peut-être avec une certaine tristesse, que l’unité recherchée n’est pas encore réalisée. Saint Paul rappelle que « l’espérance ne déçoit jamais » et qu’il faut persévérer. A ceux qui désormais s’intéressent à cette oeuvre un peu par habitude, mais passivement, Saint Paul rappelle que « l’espérance ne déçoit jamais » et qu’il est nécessaire de continuer à se tendre vers le futur et à poursuivre sa démarche vers le but final (cf. Ph 3,13). A ceux qui éprouvent la tentation de se satisfaire des résultats déjà acquis dans les relations entre chrétiens, et qui courent donc le risque de s’arrêter à un stade de coexistence pacifique sans aller nécessairement jusqu’à la pleine unité, Saint Paul rappelle que l’oeuvre doit être réalisée à fond, jusqu’à ce que soit conquis finalement le but que le Seigneur lui-même a fixé et qui est celui « d’être consacrés dans la vérité » (Jn 17,19) et « parfaits dans l’unité » (ibid. Jn 17,23). A celui qui, au dernier moment, hésite et se demande si cela vaut la peine de s’insérer lui aussi dans le mouvement, Saint Paul fait remarquer de nouveau, avec une ardente conviction que « l’espérance ne déçoit jamais » et que, unis au Seigneur, nous pouvons vaincre toutes les résistances et surmonter toutes les difficultés.

En fait, notre espérance se fonde en Dieu et sur son plan de salut Dieu est tout-puissant et fidèle: il réalise toujours sa promesse. Sa Parole est certitude d’oeuvres merveilleuses. Comme le chante le Psalmiste : « le Seigneur est ma force, mon rocher, mon libérateur, ma forteresse, mon bouclier, ma corne de salut, ma citadelle » (Ps 17,2-3 cf. Ps 17,2 Ps 17,27-31 etc.). C’est pourquoi nous n’avons pas la prétention de nous baser sur notre action et sur nos aspirations mais « nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu » (Rm 5,2) comme nous l’enseigne également l’Apôtre. Cette parole est une certitude : Dieu fera finalement resplendir sa gloire et à tous il communiquera sa sainteté. Il sera « tout en tous » (1Co 15,28) et marquera de son sceau le triomphe définitif remporté sur toute expression du « mystère d’iniquité » (2Th 2,7), notamment les déchirements réciproques, les violences, les vexations, les divisions, les jalousies et toute forme de haine. C’est la suprême espérance du chrétien qui sait qu’elle ne le décevra pas, ayant en lui-même la présence agissante de l’Esprit Saint qui nous a été donné (cf. Rm 5,5). En effet l’effusion de l’Esprit Saint dans nos coeurs opère chez le chrétien une transformation certaine, même si elle est lente et contrariée, tendant à la formation de l’homme nouveau « jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à ne faire plus qu’un dans la foi et la connaissance du Christ, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge qui réalise l’unité du Christ » (Ep 4,13).

C’est précisément dans cette perspective que se place la recherche de l’unité des chrétiens : croissance de la foi, maturité dans le Christ, tension vers la pleine communion en Dieu. En tant que baptisés, tous les chrétiens individuellement « ayant reçu leur justification de la foi, sont en paix avec Dieu par le Seigneur Jésus-Christ » (Rm 5,1) ; mais ils sont également appelés à tirer les conséquences ecclésiales des exigences du baptême commun, pour que le Christ devienne aussi « notre paix » réciproque et oecuménique (Ep 2,14). Le Concile Vatican II l’a indiqué très clairement en ces termes vigoureux : « Le baptême est donc le lien sacramentel d’unité existant entre ceux qui ont été régénérés par lui. Cependant, le baptême, de soi, n’est que le commencement et le point de départ, car il tend intégralement à l’acquisition de la plénitude de la vie du Christ. Il est donc destiné à la totale profession de foi, à la totale intégration dans l’économie du salut, telle que le Christ l’a voulue et enfin, à la totale intégration dans la communion eucharistique » (Unitatis redintegratio, UR 22). Il y a donc encore un chemin de foi à parcourir pour finir par se retrouver à l’unité eucharistique, que nous ne pouvons pas réaliser aujourd’hui parce qu’il manque encore cette pleine unité dans la foi. Mais une fois de plus, notre stimulant est l’espérance Les difficultés objectives elles-mêmes ne doivent pas nous empêcher d’aller de l’avant. Au contraire, nous devons tirer un avantage spirituel de ces obstacles eux-mêmes car, comme Saint Paul l’explique encore, « la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l’espérance » (Rm 5,4).

Notre espérance est également fondée et soutenue par les résultats positifs que la recherche de l’unité entre les chrétiens a déjà réalisés. En effet un climat nouveau a été instauré et l’esprit d’authentique fraternité se fait toujours plus solide et fécond. Nous en faisons nous-même l’expérience dans nos rencontres personnelles toujours plus fréquentes avec un grand nombre de vénérés Frères qui nous honorent de leur visite ici à Rome, tout comme nous en avons eu des preuves au cours de nos pèlerinages à Jérusalem, à Istanbul et à Genève. Nous, nous remercions le Seigneur qui a permis que nous nous fassions l’instrument de ces rencontres entre chrétiens de diverses dénominations, pouvant ainsi contribuer à cette mystérieuse opération de l’Esprit Saint qui donne sa vitalité à l’Eglise de notre temps. Du reste nous ne considérons pas le Siège de Pierre autrement que comme une forme particulière de service pour l’unité de l’Eglise. Notons aussi que la recherche de l’unité conduit à une rencontre croissante sur le plan doctrinal et que des convergences positives prennent corps de plus en plus, même sur des questions qui ont jadis fortement opposé les chrétiens, telles par exemple la question fondamentale de l’Eucharistie et celle du Ministère et de l’autorité dans l’Eglise. Les dialogues entre l’Eglise catholique et les autres Eglises et Communautés ecclésiales, soutenus par la prière, poursuivent leur délicate mission, ce qui nous l’espérons, aboutira à la pleine clarification de toutes les questions de foi controversées et un accord complet dans la vérité tout entière. Pour ceci également, il nous faut prier intensément.

Nous voulons conclure en affirmant une fois de plus que la recherche de l’unité n’est pas la tâche réservée seulement à des groupes spéciaux, tels que notre Secrétariat pour l’unité des chrétiens : tous ceux qui ont reçu le baptême partagent cette responsabilité, et, en particulier tous les catholiques. « Le souci de réaliser l’union concerne l’Eglise tout entière, fidèles autant que pasteurs, et touche chacun selon ses possibilités, aussi bien dans la vie quotidienne que dans les recherches théologiques et historiques » (Unitatis redintegratio, UR 5). En effet, la concorde dans la recherche ne peut manquer de conduire également à une concorde dans le résultat final. Et c’est cela que nous souhaitons tous, au nom du Seigneur.

Nous entendons confirmer ces voeux avec notre plus cordiale Bénédiction Apostolique pour qu’elle ravive les intentions oecuméniques de tous et les rende toujours plus féconds avec la grâce de Dieu.






Catéchèses Paul VI 22126