Bernard, Lettres 67

LETTRE LXVII. AUX RELIGIEUX DE FLAY (a).

a Et non pas de Flavigny. Flay est une abbaye fondée par saint Germer dans le diocèse de Beauvais. A l'époque de cette lettre, Hildegaire, qui mourut vers 1125 ou 1126, eu était abbé. - Voir aux notes.

Vers l'an 1126.

Saint Bernard maintient qu'il a eu raison d'accueillir le religieux B..., attendu que le monastère auquel il appartenait lui était jusqu'alors inconnu et qu'il a eu d'excellents motifs pour en sortir.

b Dans les exemplaires imprimés, on trouve l'initiale G, et dans plusieurs manuscrits on voit un B. Celui de Corbie, qui est justement estimé, a le nom entier de Benoît; c'est d'après ce manuscrit que nous avons rétabli l'inscription de cette lettre de même que de plusieurs autres.


A dom H..., supérieur du couvent de Flay et à ses religieux, les frères de Clairvaux, salut.



1. Nous apprenons par votre lettre que Votre Révérence est fort affligée que nous ayons reçu un de vos religieux parmi nous. J'ai bien peur que votre tristesse ne soit pas comme, celle dont l'Apôtre disait: «Elle est selon Dieu (2Co 7,9).» Vous n'auriez pas été si émus en nous écrivant, et vous n'auriez pas montré tant d'aigreur et de vivacité dans les reproches que vous nous faites, la première fois que vous nous 'écrivez, car nous ne sommes pas moins vos frères et vos amis même, si vous me permettez ce terme, quoique vous ne nous connaissiez pas et que vous ne nous ayez fait jusqu'à présent aucune observation de vive voix ou par écrit.

Vous êtes étonnés, dites-vous, que nous ayons reçu le frère Benoit b parmi nous, et vous nous faites entendre des menaces si nous ne nous hâtons do vous le renvoyer; vous nous rappelez que la règle défend de recevoir un religieux d'un monastère connu. Vous êtes sans doute persuadés que le vôtre est dans ce cas; peut-être s'y trouve-t-il pour le reste du monde; mais il est bien sûr qu'il n'y est pas pour nous. Vous 'nous dites que la réputation de votre communauté est répandue, que vous êtes connus à Rome même; il n'en est pourtant pas moins vrai, je ne sais comment cela se fait, que nous qui ne sommes pas à la même distance de vous que Rome, nous n'avons jamais entendu parler de vous, le moins du monde, ni de votre abbé et de ses religieux, ni même de votre maison, pas plus que de la sainteté de votre vie; nous ne nous rappelons pas qu'on ait jamais prononcé votre nom en notre présence. Nous ne nous en étonnons pas, car nous sommes séparés de vous par la différence des idiomes, par la diversité des provinces et par la distance des lieux. Non-seulement nous ne sommes pas du même diocèse, mais nous n'appartenons même pas au même archevêché.

Or nous pensons que la règle nous interdit seulement de recevoir les religieux des monastères que nous connaissons et non pas de ceux que d'autres que nous connaissent. Autrement il n'y aurait pas moyen, comme le bienheureux Benoit le permet et l'ordonne même, non-seulement de recevoir un religieux étranger et d'exercer envers lui l'hospitalité tant qu'il lui plaira de demeurer parmi nous, mais encore de l'engager à se fixer chez nous s'il nous paraît capable d'être utile à notre maison.

2. D'ailleurs nous avons tenu une autre conduite à l'égard du frère en question. Quand il s'est présenté en nous priant humblement de le recevoir, nous avons commencé par refuser de le faire, puis nous lui avons donné le conseil de retourner à son couvent. Au lieu de le suivre, il s'est retiré dans un lieu désert, non loin d'ici, et y a passé environ sept mois dans la retraite sans avoir jamais fait parler de lui en mal. Mais ne se croyant pas en sûreté dans cette solitude, il ne se tint pas pour battu par un premier échec, et nous réitéra la prière qu'il nous avait faite; nous lui avons cette fois encore donné le conseil de retourner à son monastère; et comme nous lui demandions pour quel motif il l'avait quitté, il nous répondit que son abbé ne le regardait pas comme un religieux, mais comme un médecin (a). «Il faisait de moi, dit-il, et il était lui-même, dans ma personne, l'esclave non de Dieu, mais du monde; et pour ne point s'exposer à perdre les bonnes grâces des grands de la terre, il me forçait de donner mes soins à des tyrans, à des hommes violents et excommuniés. Je lui exposai tantôt en particulier, tantôt en public le danger que courait mon salut; mais l'ayant toujours fait en vain, je pris conseil de personnes sages et prudentes, et je quittai ma communauté, non pas pour fuir le couvent, mais pour échapper à ma perte. Je ne voulais qu'éviter la damnation éternelle et nullement me soustraire aux devoirs de ma profession. Ne rebutez pas une âme qui veut se sauver, ouvrez-lui, quand elle frappe à votre porte.»

a Autrefois les moines et les clercs exerçaient la médecine. Pour ce qui concerne les clercs, cela ressort des notes que Chrétien Loup a placées au bas de plusieurs lettres des conciles d'Ephèse et de Chalcédoine, pages 100 et suivantes. Quant aux moines, on en cite plusieurs preuves, dont la plus remarquable se lit dans Loup Ferrier, soixante-douzième lettre sur Didon, abbé de Sens. Le droit moderne interdit l'exercice de la médecine aux religieux aussi bien qu'aux ecclésiastiques.


A la vue de sa persévérance, comme nous ne trouvions rien à reprendre en lui, et que nulle charge ne s'élevait contre sa personne, nous lui avons ouvert nos portes, nous l'avons soumis à un temps d'épreuve; puis nous l'avons admis à faire profession parmi nous, et maintenant il est des nôtres. Nous ne l'avons pas contraint d'entrer chez nous, nous ne le forcerons pas à en sortir. D'ailleurs, si nous en venions là, il est bien décidé, lui-même nous l'affirme, non-seulement à ne jamais retourner chez vous, mais à s'enfuir plus loin encore.

Cessez donc, mes frères, cessez de nous accabler de reproches immérités et de nous fatiguer de vos inutiles missives, car tous vos outrages ne sauraient nous amener à vous répondre autrement que les convenances l'exigent; et vos menaces ne nous empêcheront pas de garder chez nous un religieux que nous croyons avoir régulièrement reçu.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON LETTRE LXVII.

46. Aux religieux de Flay, d'après les meilleurs manuscrits, et non pas, de Flavigny, comme le veulent à tort Horstius et plusieurs autres avec lui. Le contexte en fournit trois preuves irrécusables. En effet, saint Bernard dit dans cette lettre aux religieux auxquels il écrit: «Nous n'avons jamais entendu parler de votre maison, pas plus que de la sainteté de votre vie jusqu'à présent;» puis il ajoute. un peu plus loin: «Nous sommes séparés de vous par la différence des idiomes, par la diversité des provinces et par la distance des lieux;» et il termine en disant

«Non-seulement nous ne sommes pas du même diocèse, mais nous n'appartenons pas au même archevêché.» Or il est trop évident, pour entreprendre de le prouver, que ces ex

pressions ne peuvent point se rapporter à l'abbaye de Flavigny. .En effet, Flavigny est une ville de Bourgogne peu éloignée de Fontaines, où naquit saint Bernard, et peu distante de Clairvaux; on y voyait une abbaye de Bénédictins qui se trouvait dans le diocèse d'Autun, de l'archevêché de Lyon, aussi bien que Clairvaux, et qui possédait les reliques d'une sainte reine; d'où je conclus qu'il faut lire de Flay, Petit village du diocèse de Beauvais, sur l'Epte, où saint Germer fonda en 650 un monastère fameux de Bénédictins, qu'on appelle quelquefois abbaye de Flay, ou de Germer de Flay, ou simplement de Saint-Germer.

Quant au nom de l'abbé que saint Bernard indique seulement par la première lettre, à Dom H., abbé de Flay, je pense qu'il n'est autre que Hildegaire I, qui fut abbé de Flay depuis,1106 jusqu'en 1123, comme on le voit dans le catalogue d'Acher faisant suite à Guibert. Pour moi, je pense qu'il était encore abbé en 1126. D'après la suite des lettres de notre Saint. Plusieurs pensent qu'il s'agit;de l'abbé Hugues; mais c'est à tort, car on ne cite que deux abbés de Flay qui aient porté ce nom, l'un qui mourut en 1100, et l'autre qui succéda à Hildegaire 2, et mourut en 1172; ils ne se trouvent par conséquent ni l'un,ni J'autre contemporains de saint Bernard en qualité d'abbés.

On cite parmi les religieux de cette abbaye plusieurs hommes qui se sont fait remarquer par leur piété et leur savoir, entre autres Raoul, qui fit un Commentaire sur le Lévitique en 912, et plusieurs autres encore qui brillèrent à l'époque des deux Hildegaire. L'un d'eux, nommé Guibert, devint abbé de Nogent près de Coucy-le-Château, jeta un très-vif éclat, ce qui permettait aux religieux de Flay de dire dans leur lettre à saint Bernard, comme celui-ci remarque qu'ils l'ont fait, que la réputation de leur maison était allée jusqu'à Rome (Note de Mabillon).



LETTRE LXVIII. AUX MÊMES RELIGIEUX, SUR LE MÊME SUJET.


A mes révérends frères de Flay, l'abbé H... et ses religieux, le frère Bernard, salut.

Mes bons frères,

Vous auriez dû vous montrer satisfaits de la manière dont nous avons répondu à vos plaintes, et ne pas continuer de vous attaquer à des gens qui ne vous ont rien fait: c'eût été de votre part une preuve de modération. Mais, comme à vos premiers torts vous en ajoutez de plus grands, comme vous essayez de jeter parmi nous de nouveaux germes de discorde qui, je l'espère, ne profiteront pas plus que les premiers, je veux répondre, de peur que mon silence ne vous paraisse l'aveu d'une faute dont je ne me sens pas coupable; je ne dirai rien qui ne soit l'exacte vérité.

Notre crime, autant que j'en puis juger, et l'injustice énorme dont nous nous sommes rendus coupables à votre égard, c'est d'avoir reçu parmi nous un religieux qui nous est arrivé seul, de loin, dans un état à faire pitié, fuyant d'un endroit où son salut était en péril, cherchant à sauver son âme, frappant à notre porte et nous suppliant de la lui ouvrir; peut-être même le sommes-nous doublement maintenant de ne pas le renvoyer quand il ne nous a donné aucun motif de le faire; après l'avoir accueilli dans les conditions que je vous ai dites, nous devrions sans doute détruire de nos propres mains ce que nous avons édifié et nous rendre prévaricateurs pour vous complaire. Voilà ce qui nous Valu les noms injurieux de violateurs de la règle, des saints canons et de la loi naturelle! Vous demandez avec indignation pourquoi nous nous sommes permis de recevoir parmi nous un religieux de votre maison et que vous avez même frappé d'excommunication, puisque nous ne souffririons certainement pas cela de personne.

Quant à l'excommunication, je ne puis vous répondre que ce que vous vous dites à vous-mêmes, car vous n'ignorez certainement pas qu'il était des nôtres avant que vous l'eussiez excommunié. S'il a été reçu selon les règles, c'est un religieux soumis à notre juridiction et non pas à la vôtre, que vous avez frappé de vos anathèmes; je vous demande si vous avez agi selon les canons.

2. Il reste maintenant à savoir, et c'est le seul point à éclaircir entre nous, si nous avons eu de bonnes raisons pour le recevoir.

Or, comme vous n'ignorez pas que la règle nous permet de recevoir un religieux qui nous arrive d'un monastère inconnu, vous soutenez que nous connaissions parfaitement le vôtre; nous protestons du contraire. Mais parce que vous ne nous croyez pas sur parole, faut-il que nous l'affirmions par serment? Eh bien, je prends Dieu à témoin que nous ne vous connaissions et ne vous connaissons pas. Pour nous, vous étiez tout à fait inconnus quand vous nous avez écrit, et vous l'êtes encore maintenant que nous répondons à votre lettre. Votre violence, il est vrai, et vos attaques ne sont pas pour nous un mystère; mais vous n'avez pas cessé pour, cela d'être à nos yeux des inconnus. Mais pour nous convaincre d'une ignorance feinte et artificieuse, vous prétendez prouver invinciblement que nous vous connaissons puisque nous avons mis en tête de notre réponse le nom de votre abbé et de son monastère, comme s'il suffisait de connaître le nom d'une chose pour connaître cette chose elle-même. Que j'ai donc de bonheur en ce cas de connaître les noms des archanges Michel, Gabriel et Raphaël, puisque c'est connaître en même temps ces esprits bienheureux eux-mêmes que de savoir seulement comment ils s'appellent.

Je n'ai vraiment pas moins de chance d'avoir entendu l'Apôtre prononcer le nom du troisième ciel, puisque sans y avoir été ravi, et rien que parce que j'en connais le nom, j'en possède en même temps les divins secrets, et j'en entends les choses ineffables que la bouche de l'homme ne saurait répéter. Je suis vraiment bien simple, moi qui connais le nom de mon Dieu, de gémir tous les jours et de soupirer avec le Prophète, en m'écriant: «Je rechercherai votre face, ô mon Dieu (Ps 26,8);» et: «Quand sera-ce que je paraîtrai devant vous, Seigneur (Ps 41,3)?» «Découvrez-vous à nous; et nous serons sauvés (Ps 79,4).»

3. Mais que voulez-vous dire quand vous nous accusez d'avoir agi à votre égard comme nous ne voudrions pas que vous le fissiez envers nous'? Auriez-vous la pensée que nous ne voudrions pas qu'on reçût dans un autre monastère un religieux sorti de chez nous? Ah! plaise à Dieu que vous puissiez sauver sans notre concours toutes les âmes qui nous ont été confiées! Si jamais quelqu'un d'entre nous va vous trouver dans le désir de mener une vie plus parfaite et de suivre une observance plus sévère, non-seulement nous ne nous plaindrons pas que vous le receviez, mais nous vous prions instamment de le faire; au lieu de nous blesser, si vous le faites, vous nous rendrez un très grand service, je vous assure. Nous avons été induits en erreur, dites-vous, sur votre compte quand on nous a dit que pendant tout le temps que le frère B... est resté chez vous, il n'a donné les soins de son art aux séculiers et exercé la médecine que de votre consentement et même par votre ordre, et vous traitez de menteur celui qui nous l'a dit. Nous ignorons s'il a trahi la vérité; d'ailleurs c'est son affaire; mais ce que nous savons parfaitement, c'est qu'il n'a pu exercer la médecine comme il le faisait, de son propre mouvement, comme vous le dites, ou pour vous obéir, ainsi qu'il le prétend, sans exposer son âme aux plus grands dangers. Or, je vous le demande, n'y aurait-il pas de la cruauté à ne pas le tirer du péril quand on le peut et à ne pas le sauver quand on en connaît les moyens?

D'ailleurs si, comme vous le dites, ce n'est pas l'obéissance, mais l'amour du gain, le besoin de se répandre au dehors qui le poussaient à aller offrir partout, pour de l'argent, les ressources de son art, je me demande pourquoi il vous a quittés. Est-ce parce que ses supérieurs ne croyaient plus pouvoir lui permettre ce qu'on l'avait autorisé à faire jusqu'alors? Mais en ce cas je vous demande comment il se fait que, lorsqu'il était déjà ici, vous lui promettiez, pour le déterminer à retourner parmi vous, que désormais il ne sortirait plus du couvent; n'est-ce pas parce que vous vous rappeliez fort bien que tels étaient son désir et ses voeux? A présent qu'il a trouvé ailleurs ce qu'il avait longtemps cherché en vain chez vous, il ne veut pas quitter le certain pour l'incertain; il s'en tient à ce qu'il a maintenant et ne veut plus d'un bien qu'on a trop tardé à lui offrir.

4. Cessez donc, mes frères, cessez de vouloir ramener parmi vous un religieux dont il est superflu que vous preniez soin; à moins, ce que je ne puis croire, que vous ne soyez plus préoccupés de vos intérêts que de ceux du Christ et que vous ne préfériez l'avantage que vous trouviez dans ce religieux au salut de son âme. Car s'il est vrai, comme vous le dites dans votre lettre, que, lorsqu'il était chez vous, il ne cessait d'être en camp volant, employant à son avantage, au mépris des obligations de son état et de la volonté de ses supérieurs, tous les profits qu'il tirait de l'exercice de son art, vous pouvez vous réjouir maintenant, si vous l'aimez véritablement, car par la grâce de Dieu, depuis qu'il est chez nous, il est devenu un tout autre homme. Nous vous certifions en effet qu'il n'a jamais profité des occasions de sortir qui ont pu se présenter; il reste tranquillement avec nous; il partage avec nous, sans faire entendre la moindre plainte, la vie pauvre que nous menons. Bien loin de regarder comme nuls, ainsi que vous le dites, les premiers engagements qu'il avait pris, mais qu'il n'a point observés chez vous, il les tient pour valides et il les accomplit tous sans exception avec une régularité et une obéissance parfaites, sans lesquelles on se ferait une grande illusion de fonder quelque espérance de salut dans la plus constante stabilité.

Cessez donc, mes frères, je vous en prie, cessez de nous en vouloir et de nous inquiéter; mais si vous nous refusez cette grâce, je vous déclare que dorénavant vous pourrez faire tout ce qu'il vous plaira, écrire et nous persécuter à votre aise, la charité supporte tout et nous sommes bien résolus à ne nous jamais départir à votre égard de la plus pure affection, du respect le plus profond et d'une tendresse toute fraternelle.




LETTRE LXIX. A GUY, ABBÉ DE TROIS-FONTAINES.

a Ce fut le troisième abbé de l'abbaye de Trois-Fontaines, située dans le diocèse de Châlons-sur-Marne, et l'une des filles de Clairvaux. Il a été fait mention de lui dans la soixante-troisième lettre et il en est parlé plus longuement dans les notes. Il succéda en 1129 au premier abbé de cette maison nommé Roger, de la mort duquel il est question dans la soixante-onzième lettre.Il existe une autre abbaye du même nom, sous l'invocation des saints Vincent et Anastase, à Trois-Fontaines; près de Rome, dont Turold fut abbé. Il en est parlé dans la trois cent sixième lettre.

Guy (a) avait consacré par mégarde un calice où ceux qui servaient à l'autel avaient négligé de verser du vin. Saint Bernard l'instruit de ce qu'il aurait dû faire en cette circonstance.

1. J'ai su d'où vient votre tristesse et je la trouve louable si elle n'est pas excessive; j'aime à croire qu'elle est selon Dieu, comme dit l'Apôtre, et qu'un jour elle se changera en joie. Soyez donc fâché, mon ami, mais fâchez-vous sans pécher. Or vous ne pécherez pas moins en vous fâchant trop qu'en ne vous fâchant pas du tout; car c'est une faute de ne pas se fâcher quand il y a lieu de le faire, parce que c'est ne pas vouloir corriger ce qui est mal. Mais se mettre en colère plus qu'il ne faut, c'est commettre deux fautes. Or, s'il y a du mal à ne pas corriger ce qui est mal, comment n'y en aurait-il pas à l'augmenter? S'il fallait juger de la culpabilité d'après l'événement, il n'y aurait pas lieu de blâmer votre tristesse, fût-elle même très-grande, puisque votre faute aussi serait énorme; car la faute semble d'autant plus grave qu'elle a pour objet une chose plus sacrée. Mais, comme c'est le motif et non la matière, l'intention et non le résultat qui font la faute ou le mérite, selon cette parole du Seigneur: «Si votre oeil est pur et simple, tout votre corps sera éclairé; mais s'il est trouble et malade, votre corps tout entier sera dans les ténèbres (Mt 6,22-23),» on ne doit pas, je pense, dans l'examen de ce qui vient de nous arriver, ne considérer que la majesté des saints mystères, il faut rechercher dans quelle pensée vous avez agi. or notre prieur, et moi, en réfléchissant sérieusement l'un et l'autre à votre affaire et en la discutant entre nous, nous trouvons qu'il y a eu ignorance de votre part, négligence de la part de ceux qui vous servaient à l'autel, et absence complète de malice des deux côtés. Or vous n'ignorez pas qu'il n'y a de mérite que là où la volonté a concouru: comment pourrait-il donc y avoir une faute là où certainement elle a manqué! S'il s'en trouve une à laquelle la volonté n'ait eu aucune part, il faudrait dire en ce cas que, tandis que le bien ne mérite aucune récompense, le mal est digne d'être puni. Raisonner ainsi, c'est dire non-seulement que le bien ne l'emporte pas sur le mal, mais que le mal l'emporte sur le bien.

2. Toutefois, afin de calmer les inquiétudes de votre conscience et de peur qu'il ne faille voir dans le malheur qui vient de vous arriver une sorte de révélation qu'il y a dans le monastère quelque autre péché grave qu'on ne connaît pas encore, nous vous imposons comme pénitence de réciter (a) tous les jours jusqu'à Pâques, en, vous prosternant la face contre terre, les sept Psaumes de la pénitence, et de vous donner sept fois la discipline. Celui qui vous servait la messe en fera autant. Quant à celui qui s'en était aperçu (b) auparavant et qui a oublié de mettre le vin dans le calice, nous le trouvons bien plus coupable que les autres, et si vous partagez notre manière de voir, nous vous laissons maître de statuer comme il vous plaira pour ce qui le concerne. Si les antres religieux. ont eu connaissance de ce qui s'est passé, nous sommes d'avis que tous se donnent aussi la discipline pour accomplir ce mot de l'Écriture: «Chargez-vous des fardeaux les uns des autres (Ga 6,2).» Au reste, nous vous approuvons beaucoup d'avoir versé du vin sur la parcelle de l'hostie consacrée, dès que vous vous êtes aperçu de l'omission, quoique vous vous en soyez aperçu trop tard. Il ne nous semble pas qu'il y ait eu autre chose à faire; car, à notre avis, si le vin n'a pas été changé au sang du Christ en vertu de sa consécration propre et sacramentelle, il s'est consacré au contact du précieux corps (c). Cependant on cite un écrivain, je ne sais lequel, qui ne partage pas cette manière de voir, et qui pense que le sacrifice n'a pas lieu sans le pain, l'eau et le vin; de sorte que si l'un des trois vient à manquer, les deux autres ne sont pas consacrés. Mais sur ce point chacun est libre de suivre son opinion.

a Le texte porte de chanter: autrefois on disait indifféremment chanter ou réciter. Saint Ambroise, selon ce que rapporte le Vénérable Bède dans sa lettre à Egbert, citée dans Warée, «appelle aux fidèles, à propos de la foi, qu'ils doivent chanter, c'est-à-dire réciter tous les matins les paroles du Symbole.b Quelques manuscrits portent «qui l'avait préparé, «mais je crois qu'il faut préférer cette version, «qui s'en était aperçu.»c C'est également l'opinion de Jacques de Vitry, sans excepter les scolastiques, comme on le voit dans son Histoire d'Occident, page 427. Il parle de ce cas à la page 444. Voyez notre Commentaire sur la liturgie romaine et notre Edmond Martine, livre 2, des Coutumes des Moines, chapitre VII.


3. Pour moi, si je me trouvais dans un cas pareil, sauf meilleur avis, je réparerais le mal en procédant comme vous l'avez fait, ou plutôt en reprenant les paroles de la consécration à ces mots: Simili modo postquam coenatum est, puis je continuerais le sacrifice à partir du point of, j'en, serais resté. Je n'aurais en effet aucun doute sur la consécration du pain au corps de Jésus-Christ, car si je tiens de l'Église, comme elle tient du Seigneur, qu'il faut que le pain et le vin soient consacrés en même temps, elle n'enseigne pas, à ma connaissance, que les saints mystères se consomment simultanément sous les deux espèces; au contraire, on change le pain au corps de Jésus-Christ avant de changer le vin en son sang: si donc la matière qui doit être présentée la dernière l'est un peu trop tard par oubli, je ne vois pas en quoi ce retard peut nuire à la consécration qui précède. Je pense que si le Seigneur, après avoir changé le pain en son corps, avait retardé un peu, ou même tout à fait omis la consécration du vin, son corps n'en aurait pas moins été consacré, et ce qu'il aurait fallu faire n'aurait rien changé à ce qui eût été fait. Ce n'est pas que selon moi il ne faille pas offrir en même temps le pain et le vin additionné d'eau; mon avis, au contraire, est qu'il en doit être ainsi. Mais autre chose est de noter une négligence, autre chose de nier le résultat: dans le premier cas, nous disons que les choses ne se sont point passées comme il faut, et dans le second nous disons qu'elles ne se sont pas faites du tout. Voilà quelle est mon opinion et ma façon de penser, sauf avis meilleur de vous ou de tout autre plus habile que moi.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE LXIX.

46. A Guy, abbé de Trois-Fontaines. C'était le second abbé de cette maison, dont le premier fut Roger, comme on le voit au livre premier de la Vie de saint Bernard, chapitre xni. Guy lui succéda vers la fin de l'air née 1127, et l'année suivante il assista, avec l'abbé Hugues de Pontigny et saint Bernard, au concile de Troyes. Plus tard, il fonda avec des religieux de sa maison quatre autres monastères qui firent la gloire de la maison mère; c'étaient ceux de la Chalade et de Châtillon, au diocèse de Verdun, d'Orval dans le diocèse de Trèves, et de Haute-Fontaine dans celui de Châlons-sur-Marne. L'abbaye de Trois-Fontaines, première fille de Clairvaux, fut fondée, d'après l'abbé Guillaume de Saint-Thierri, dans la Vie de saint Bernard, chapitre 13, livre fer, en 1118, dans le diocèse de Châlons-sur-Marne, avec l'aide de Guillaume de Champeaux, alors évêque de cette ville. Les commencements de cette abbaye offrant encore quelques points obscurs, il nous a semblé bon d'en dire quelques mots ici.

On voit dans les Actes des évêques de Châlons-sur-Marne (a) une charte de Bozon, septième successeur de Guillaume de Champeaux, qui certifie de l'emploi, pour la construction de cette abbaye, d'une portion de la forêt de Luis, cédée par Alard et par plusieurs autres personnes aux chanoines réguliers de Saint-Sauveur. «Ce qu'il y a de mieux à faire pour assurer dans l'avenir les donations qui sont faites aux pieux et saints monastères, c'est de les consigner par écrit en bonne et due forme. En conséquence, moi, Bozon, par la grâce de Dieu évêque de Châlons-sur-Marne, fais savoir à tous présents et à venir, que Hugues, comte de Troyes, a remis entre les mains de Guillaume, évêque de Châlons-sur-Marne, la portion de la forêt de Luis, qu'il a fait séparer du reste, par Pierre Prévost de Vitry, et par les administrateurs de ladite forêt, nommés Milon de Sère, Gautier, Vierd et autres, pour le prêtre Alard et ses confrères de l'oratoire de Saint-Sauveur, situé dans cette partie de la forêt,afin qu'ils y vivent en chanoines réguliers, ordonnant à Alard de prier les religieux de Compiègne de lui céder ce qu'il lui demandait à lui-même, et de faire confirmer en sa faveur par l'évêque, les concessions qui lui seraient faites par eux. Or les habitants de cet endroit ont cédé tous leurs droits entre les mains de Guillaume évêque de Châlons-sur-Marne, à l'abbé Bernard de Clairvaux, du consentement du comte Hugues pour qu'il fit construire un monastère en cet endroit, ce qui fut fait.»

On voit par cette charte qu'on doit regarder non-seulement Guillaume, mais le comte Hugues lui-même, dont nous avons déjà parlé dans les notes de la trente et unième lettre, comme fondateurs de l'abbaye des Trois-Fontaines.

Au sujet de la concession des confrères de Compiègne, voici ce qui se laissa, comme nous l'apprennent les lettres suivantes primitivement; extraites des Archives du monastère de Compiègne.



a Rapine, sur Guillaume.



47. «Au nom de la sainte et indivisible Trinité, nous, Geoffroy et Jean, l'un doyen et l'autre chantre de la sainte église de Compiègne, ainsi que tous les frères du même lieu, voulons qu'il soit connu de tous présents et à venir, qu'à la demande de sa Seigneurie le roi Louis et de sa femme la reine Adélaïde, du comte Thibaut, de vénérables Goislen, évêque de Soissons, Geoffroy évêque de Chartes, Guérin, évêque d'Amiens, et du seigneur abbé de Clairvaux, nous avons cédé un certain lieu appelé Trois-Fontaines, dans la forêt de Luis qui appartient tout entière à notre Eglise, à l'abbé Guy et aux religieux qui servent Dieu avec lui en cet endroit, pour y habiter: Et de peur qu'avec le temps le souvenir de cette donation ne vînt à se perdre, nous avons voulu la consigner par écrit. Notre volonté est donc que les susdits religieux possèdent cette terre avec le bois et tout ce qui par la suite pourra y faire retour dés biens de notre Église, aussi loin que son droit s'étend dans cette forêt, sauf le droit des autres.... et jouissent en paix et à perpétuité de tous les droits que:nous pouvions avoir sur lesdits lieux. Ce que nous avons signé de notre main et scellé de notre sceau, ainsi que du sceau des personnes qui ont été présentes à cet acte, pour en assurer la force dans l'avenir, lesquelles sont Goislen évêque de Soissons, Geoffroy évêque de Chartres, Guérin évêque d'Amiens, Bernard abbé de Clairvaux, Geoffroy doyen, Jean le Chantre, Eudes et Hainod prévosts, Rainard abbé de saint Barthélemy, Théoder abbé de Saint-Eloi de Noyon. Fait à Compiègne, en chapitre public, l'an de Notre-Seigneur onze cent trente.»

On peut voir, par tout ce qui précède, quelle bonne foi régnait à cette époque, puisque la concession faite par le comte Hugues a eu son effét, bien qu'elle ne fût pas consignée par écrit, jusqu'en 1154, année où Bozon devint évêque de Chàlons-sur-Marne; et celle des religieux de Compiègne pendant les douze années qui suivirent la fondation du monastère en question.

C'est par l'abbaye de Trois-Fontaines que fut créée, comme nous l'avons dit, celle de Haute-Fontaine, dans le même diocèse de Châlons-sur-Marne. Nous avons reçu de l'illustre abbé de Noailles sur l'accroissement que prit cette maison, dont il est abbé, le document suivant

48. «Au nom de la sainte et indivisible Trinité, nous, B.... (Bozon), évêque de Châlons-sur-Marne, voulons que tous présents et à venir sachent que Thibaut, très-digne abbé de Monstier-en-Der, du consentement unanime de son chapitre et à l'instigation du très-religieux abbé Bernard de Clairvaux, a cédé pour l'amour de Dieu, au monastère de Haute-Fontaine, Guérin en étant abbé, tous les droits du monastère de Monstier-en-Der sur les dîmes de ce qu'ils cultiveront eux-mêmes de leurs propres mains dans la paroisse de Hautvillers. Fait en présence de l'abbé de Clairvaux, de l'abbé Thibaut de Monstier-en-Der, d'Arauld, abbé de Saint-Urbain de Guérin, abbé de Haute-Fontaine, du moine Amaluce et de Jean, frère convers dudit lieu. Et pour que cette donation soit sûre et inattaquable, nous avons fait apposer notre sceau au bas du présent papier par notre chancelier Manne.» (Note de Mabillon).




LETTRE LXX. AU MÊME.

Saint Bernard lui apprend quels sentiments de miséricorde doit avoir un pasteur, et l'engage à revenir sur la sentence qu'il a prononcée contre un de ses religieux qui avait violé la règle.

A l'abbé Guy (a), le frère Bernard, salut avec l'esprit de science et de piété.

a Cette inscription a été rétablie eu ces termes d'après un manuscrit de Corbie, portant le n. 543.


En songeant à la triste condition où se trouve ce malheureux, je me sens ému de pitié, mais je crains que ce ne soit en vain. Et s'il me semble qu'il en est ainsi, c'est que tant qu'il restera dans le misérable état où il est, il ne me sert de rien d'être touché de compassion pour lui. Le sentiment de pitié que j'éprouve ne m'est pas inspiré par une pensée d'intérêt particulier, je vous assure; mais il est produit en moi par la vue de la misère et de l'affliction d'un frère. La pitié, en effet, n'est pas un sentiment que la volonté domine ou que la raison gouverne, on ne la ressent pas de propos délibéré; mais elle s'impose naturellement d'elle-même aux âmes sensibles et compatissantes, à la vue d'une souffrance ou d'un malheur, tellement que si c'était un péché d'être ému de compassion, je ne pourrais pas m'empêcher de l'être quand même je ferais appel à toutes les forces de ma volonté. La raison ou la volonté peuvent bien ne pas céder à une impression, mais elles ne peuvent empêcher qu'elle ne se produise. Loin de moi ceux qui veulent me consoler en disant que mes voeux charitables tourneront à mon profit tant que celui pour lequel j'intercède ne se convertit pas. Je ne veux pas écouter ceux qui, pour me calmer, répètent ces paroles: «La justice de l'homme juste ne profitera qu'à lui (Ez 18,20),» tant que l'impie demeurera dans son impiété. Non, dis-je, je ne veux point être consolé tant que je verrai un de mes frères dans la désolation. C'est pourquoi, mon bien cher fils, si vous avez, ou, pour mieux dire; puisque vous avez l'âme aussi sensible et aussi émue que moi, ayez pitié de ce pauvre malheureux, traitez-le avec patience; et quoiqu'il vous semble qu'après être sorti de son monastère, et y être rentré une fois, il ne lui reste plus, selon la règle, aucun moyen de retour, néanmoins, puisqu'il prétend en avoir, vous devez écouter avec patience et même avec joie son humble défense, dans l'espérance de trouver quelque prétexte raisonnable de sauver un homme dont le salut est désespéré. L'expérience vous l'apprend aussi bien qu'à moi, s'il a de la peine à se sauver dans le cloître, il est presque impossible qu'il y réussisse dans le monde. Veuillez donc, après avoir réuni tous vos religieux en chapitre, révoquer toutes les peines et censures que vous avez portées contre lui; peut-être cet acte de condescendance de votre part guérira-t-il celle âme ulcérée, si toutefois vous pouvez, par cet expédient, trouver le moyen de l'admettre, sans blesser la règle, à tenter encore une fois l'épreuve de la vie religieuse (a). Ne craignez pas, en revenant ainsi sur ce que vous avez décidé, et en donnant le pas à la miséricorde sur la justice, de déplaire au Dieu de toute justice et de toute miséricorde. Adieu.


a Ici, quelques manuscrits rapportent un fait si étranger au caractère de saint Bernard que nous avons cru devoir le reléguer dans les notes, puisque nous ne le rejetions pas tout à fait.



NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE LXX.

49. Des huit copies manuscrites que nous avons vues de cette lettre; il y en a trois de la Colbertine, qui la donnent telle que nous l'imprimons ici, et cinq qui la reproduisent avec le passage suivant en plus; ce sont deux de Cîteaux, une de Vauluisant, une de Corbie et la cinquième, de Foucarmont. Voici ce passage faisant suite à ces derniers mots de la lettre: «déplaire au Dieu de toute justice et de toute miséricorde.»

«Je me suis trouvé une fois dans un cas à peu près semblable, je veux vous le citer comme exemple. Un jour, un frère (nommé Barthélemi, d'après un autre manuscrit) m'avait vivement contrarié: dans tin mouvement de colère, je lai ordonnai d'un air et d'un ton menaçant de quitter la maison sur-le-champ. Il partit à l'instant même et s'en alla dans une de mes granges où il s'arrêta. Quand je voulus le faire revenir, il posa pour condition qu'il ne rentrerait pas au monastère pour y tenir la dernière place, comme s'il s'était enfui, mais qu'il reprendrait son rang, attendu qu'il avait été renvoyé sans jugement préalable; et dans un moment humeur irréfléchie; car, disait-il, je ne saurais, en revenant, être soumis au jugement que la règle prescrit, puisqu'on n'a pas attendu ce jugement pour, me renvoyer. Ne voulant pas décider cette affaire moi-même, parce que dans cette circonstance je craignais de céder à quelque mouvement de la nature, je remis le jugement de ma conduite et de la sienne entre les mains de la communauté, qui fut d'avis que le retour de ce religieux ne devait point dépendre du jugement que la règle prescrit en pareil cas, puisqu'il n'avait pas été tenu compte des prescriptions de, la règle quand on l'avait chassé. Si donc pour ce religieux qui n'était sorti qu'une fois de son monastère on montrer une telle modération, que ne devez-vous donc pas faire pour le vôtre dans le péril où il se trouve.»

Tout ce passage nous semble convenir aussi peu à l'esprit et aux habitudes de- saint Bernard qu'à toute sa conduite. Jamais un pareil homme ne se serait laissé aller à cet emportement et à cette précipitation dans le renvoi d'un de ses religieux. Il avait sans doute un zèle ardent, mais il était d'une grande douceur et d'une extrême indulgence, comme on peut en juger par cette lettre même où il montre tant de bonté pour un religieux qui s'était enfui. De plus, si notre Saint avait eu le malheur de tomber dans une pareille faute, il se serait appliqué à l'effacer par la pénitence, et l'aurait ensevelie dans le silence le plus absolu, au lieu d'en rappeler le souvenir pour donner à Guy un exemple si contraire au but qu'il poursuivait et une pareille occasion de se scandaliser. Je pense donc que toute cette histoire fut citée peut-être d'abord par quelque abbé, en marge d'un manuscrit de Cîtaux, passa ensuite dans le texte et fut après cela reproduite par plusieurs manuscrits; mais on ne la lit dans aucun de ceux der Clairvaux, qui sont d'une extrême importance en ce cas.



Bernard, Lettres 67