Augustin, de la foi 3012

CHAPITRE VIII. PIERRE A PRÊCHÉ AVANT LE BAPTÊME LA FOI ET LA PÉNITENCE.


3012 12. Mais dans les Actes des Apôtres, ajoute-t-on, Pierre, en s'adressant à ceux qui, après avoir reçu sa parole, furent baptisés au nombre de trois mille en un seul jour, ne leur prêche que la foi en Jésus-Christ. Lorsqu'ils eurent dit. «Que ferons nous?» Pierre leur répondit: «Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom du Seigneur Jésus pour la rémission de vos péchés et vous recevrez le don du Saint-Esprit.» Pourquoi donc ne pas remarquer ce mot: «Faites pénitence?» Car la pénitence consiste à se dépouiller de la vie ancienne pour revêtir dans le baptême une vie nouvelle. Or, que gagnera-t-on à faire pénitence des oeuvres de mort, si on ne renonce pas à l'adultère et à toutes les voluptés criminelles où se renferme l'amour du monde?

3013 13. Il n'a voulu, ajoute-t-on encore, que les aire renoncer par la pénitence à l'incrédulité. C'est un étrange préjugé, pour ne pas employer d'expression plus sévère, que de vouloir appliquer seulement à l'incrédulité les paroles - Faites pénitence. Car il faut changer sa vie passée en une vie nouvelle, d'après la doctrine de l'Evangile, à laquelle vient se joindre le passage de l'Apôtre, conçu dans le même sens: «Que le voleur ne dérobe plus (1),» et une foule de textes où l'on. enseigne en détail à dépouiller le vieil homme pour revêtir l'homme nouveau. Les expressions même de saint Pierre auraient été suffisantes pour convaincre, si on avait voulu les peser avec attention. Après avoir cité ces paroles: «Faites pénitence et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit; car la promesse en a été faite à nous et à nos enfants ainsi qu'à tous ceux qui sont éloignés, et à tous les hommes que le Seigneur notre Dieu a appelés;» l'écrivain sacré ajoute immédiatement: «il les exhortait encore par plusieurs autres discours et s'écriait: Sauvez-vous de cette génération perverse.» Ils accueillirent ces paroles avec ardeur, crurent et furent baptisés; et il y eut en ce jour-là environ trois mille personne qui se joignirent aux Apôtres (2). Comment ne pas voir ici que Pierre faisait un long discours, abrégé par le narrateur, pour les tirer de cette génération perverse? Car le principe qu'il s'attachait par de longs discours à faire entrer dans les esprits, n'est indiqué qu'en raccourci. L'idée essentielle est formulée en ces fermes: «Sauvez-vous de cette génération perverse;» et pour les faire adopter Pierre se livrait à une longue exhortation. Là il condamnait les oeuvres de mort, auxquelles s'abandonnent les pécheurs attachés au présent, et faisait sentir la perfection de la vie pure, à laquelle s'attachent fidèlement ceux qui se sont séparés de cette génération impie. Qu'on essaie maintenant de prouver qu'il suffit de la foi en Jésus-Christ pour se sauver de ce monde pervers, lors-même qu'on resterait plongé dans toutes sortes de turpitudes et qu'on afficherait même l'adultère! Et comme unetelle opinion est impie, il faut reconnaître que les catéchumènes sont obligés d'apprendre non-seulement ce qu'il faut croire, mais encore ce qu'il faut pratiquer pour se sauver des erreurs du monde; car, pour y réussir, ils doivent apprendre à conformer leur, conduite à leur croyance.

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Ep 4,28 - 2 Ac 2,38-41

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CHAPITRE IX. EXEMPLE DE L'EUNUQUE BAPTISE APRÈS AVOIR PROFESSÉ LA FOI: ABUS QU'ON EN FAIT.


3014 14. L'Eunuque que baptisa Philippe, dit-on en tore, ne prononça que ces paroles: «Je crois que «Jésus-Christ est le Fls de Dieu.» Sur cette déclaration, il reçut immédiatement le baptême. Faut-il donc conclure de là qu'il suffit de faire la même réponse pour être baptisé sur le champ? Faut-il que le catéchiste reste muet et n'exige aucune profession de foi sur le Saint-Esprit, la sainte Eglise, la rémission des péchés, la résurrection des morts; qu'il se borne à dire que Notre-Seigneur Jésus-Christ est le Fils de Dieu, sans parler de son incarnation dans le sein d'une vierge, de sa passion, de sa mort sur la croix, de son ascension au ciel, où il est assis à la droite du Père? Si la réponse de l'Eunuque: «Je crois «que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, n a été, aux yeux de Philippe, une raison suffisante pour l'admettre immédiatement au baptême; pourquoi ne pas imiter son exemple? pourquoi ne pas supprimer aussi, nous, les conditions que nous regardons comme indispensables pour baptiser même en cas de nécessité, je veux dire ces questions sur les mystères auxquelles le catéchumène doit répondre, n'eût-il pas le temps de les graver dans sa mémoire? Mais si l'Ecriture a passé sous silence et nous a laissé le soin de suppléer l'entretien de Philippe avec l'Eunuque pour le préparer au baptême, elle nous a fait clairement entendre par ces mots: «Philippe le baptisa (1),» que toutes les conditions furent remplies, conditions qui, pour n'être pas exprimées dans l'Ecriture où il fallait abréger, n'en sont pas moins obligatoires, comme nous le savons par une tradition constante? Il faut interpréter de la même manière le passage où il est dit que Philippe annonça à l'Eunuque le Seigneur Jésus nul ne doute qu'il ne lui révéla tous les principes du catéchisme qui ont trait à la conduite et aux moeurs de tout croyant en Jésus-Christ. Qu'est-ce qu'annoncer Jésus-Christ? Ce n'est pas seulement dire ce qu'il faut croire, mais ce qu'il faut pratiquer, quand on veut devenir un de ses membres; que dis-je? C'est enseigner tous les dogmes relatifs à Jésus-Christ, non-seulement sa filiation divine, sa naissance selon la chair, les douleurs et les causes de sa passion, les effets de sa résurrection, la promesse et le don qu'il a faits de l'Esprit-Saint aux fidèles, mais encore les vertus qu'il veut trouver dans les

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Ac 8,35-38

membres dont il est le chef, pour les chercher, les former, les aimer, les affranchir et les conduire à la gloire de la vie éternelle. Révèle-t-on ces vérités, soit avec précision et en -abrégé, soit avec abondance et en détail? on annonce Jésus-Christ: on n'omet rien en effet de ce qui concerne la foi et tout ensemble la conduite des fidèles.



CHAPITRE X. NE SAVOIR QUE JÉSUS-CHRIST. FAUSSE DISTINCTION SUR LES DEUX PRÉCEPTES DE L'AMOUR.


3015 15. On peut faire le même raisonnement sur le passage suivant de Saint Paul, cité également dans cette controverse: «J'ai estimé ne savoir parmi vous que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié (1).» A entendre nos frères, ce texte n'implique qu'une chose, baptiser d'abord et enseigner ensuite les règles de la vie chrétienne. Voilà, ajoutent-ils, ce qui suffisait amplement à cet Apôtre qui pourtant leur disait que: lors même qu'ils auraient dix mille maîtres en Jésus-Christ, ils n'ont pas néanmoins plusieurs pères en Jésus-Christ, puisque c'est lui seul qui les a engendrés en Jésus-Christ par l'Evangile (2). Prétendent-ils que celui qui les a engendrés en Jésus-Christ, quoiqu'il rende grâces à Dieu de ce qu'il n'a baptisé aucun d'eux si ce n'est Crispe, Caïus et Stéphanus (3), ne leur ait enseigné que le crucifiement de Jésus? Pourquoi ne pas ajouter qu'en les engendrant par l'Evangile, il ne leur a pas même appris que Jésus-Christ était ressuscité? Mais s'il ne leur a prêché que Jésus crucifié, d'où vient qu'il leur a dit: «Je vous ai enseigné avant tout que Jésus-Christ est mort selon les Ecritures (4),» et que selon les Écritures encore «il a été enseveli et qu'il est ressuscité le troisième jour?» S'ils n'entendent pas ainsi le texte et qu'ils prétendent que ces dogmes ne font qu'un avec celui de Jésus crucifié, à la bonne heure; mais qu'ils sachent alors que le mystère de Jésus crucifié renferme une foule d'enseignements, celui-ci surtout: «Notre vieil homme a été crucifié avec Jésus-Christ, afin que le corps de péché soit anéanti et que nous ne soyons plus les esclaves du péché (5).» De là vient encore qu'en parlant de lui-même l'Apôtre dit: «Quant à moi, à Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu'en la croix de Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour, moi comme je suis crucifié pour le monde (6).» Qu'ils réfléchissent et qu'ils

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1Co 2,2 - 2 1Co 4,15 - 3 1Co 1,14-16 - 4 1Co 15,3-4 - 5 Rm 6,6Ga 6,14

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comprennent comment s'enseigne et s'apprend le mystère de Jésus crucifié; qu'ils voient bien que, membres de son corps nous sommes nous-mêmes crucifiés au monde sur sa croix; en d'autres termes, que nous mettons un frein aux désordres de la concupiscence; par conséquent qu'on ne peut souffrir l'adultère ouvertement avoué chez ceux qui sont formés par la croix du Sauveur. L'Apôtre Pierre développe aussi ce mystère de la croix, c'est-à-dire, de la Passion de Jésus-Christ et recommande à ceux qui ont été consacrés par elle de ne plus pécher. Il s'exprime ainsi: «Puisque Jésus-Christ a souffert la mort selon la chair, armez-vous de cette pensée, que quiconque est mort selon la chair, a cessé de pécher, en sorte que durant tout le temps qui lui reste à vivre dans la chair, il ne vit plus selon les passions des hommes, mais d'après la volonté de Dieu (1),» et ta suite, où il montre, d'après ce principe, que pour appartenir à Jésus crucifié, c'est-à-dire, ayant souffert dans sa chair, il faut crucifier dans son corps les désirs de la chair et conformer sa conduite à l'Evangile.

3016 16. Dois-je ajouter qu'ils voient une preuve à l'appui de leur opinion dans les deux préceptes qui contiennent, selon le Seigneur, la Loi et les Prophètes? Comme il est dit: «Voici le premier. commandement: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. Et voici le second qui est tout semblable au premier: Tu aimeras ton prochain comme toi-même (2),» ils croient que le premier, où l'on prescrit d'aimer Dieu, s'applique aux catéchumènes, tandis que le second, qui semble avoir trait aux rapports de la société humaine, comment à ceux qui ont reçu le baptême. Ils ne songent plus qu'il a été écrit: «Si tu n'aimes pas ton frère que tu vois, comment peux-tu aimer Dieu que tu ne vois pas (2)?» et dans la même Epître de Jean: «Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui (3).» Or toutes les turpitudes d'une conduite infâme ne se rattachent-elles pas À l'amour du monde? Par conséquent le premier commandement, qui ne concerne selon eux que les catéchumènes, ne peut s'observer indépendamment des bonnes moeurs. Je ne veux pas insister davantage; à les bien examiner, ces deux préceptes sont unis par un lien si étroit, que l'amour de Dieu ne peut se rencontrer chez celui qui n'aime pas son prochain, ni l'amour du prochain, chez celui qui n'aime pas Dieu. Mais

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1P 4,1-2 - 2 Mt 23,37-40 – 3 1Jn 4,20 - 4 1Jn 2,15

ce serait sortir de la question que d'insister plus longtemps sur ces deux commandements.



CHAPITRE 11. LES ISRAÉLITES ONT PASSÉ LA MER ROUGE AVANT DE RECEVOIR LA LOI.

3017 17. Mais, objectent-ils, le peuple d'Israël a d'abord traversé la mer Rouge, qui est la figure du Baptême: ce n'est que plus tard qu'il a reçu la loi destinée à lui tracer ses devoirs. Pourquoi donc enseignons-nous le symbole aux catéchumènes et exigeons-nous qu'ils le récitent? Car on n'a rien demandé de pareil à ceux que Dieu a tirés des mains des Egyptiens à travers les flots de la mer Rouge. Mais s'ils ont assez de bon sens pour voir que la préparation au baptême était représentée par les mystères qui précédèrent le passage de la mer Rouge, le sang de l'agneau empreint sur les portes, les azymes de vérité et de sincérité (Ex 3,14); pourquoi ne voient-ils pas du même coup que la sortie de l'Égypte figurait ce renoncement au péché, auquel s'engagent les catéchumènes? Voilà ce que Pierre a en vue dans le passage déjà cité: «Faites pénitence et que chacun de vous soit baptisé au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ;» car il semble dire: Quittez l'Égypte et traversez la mer Rouge. Aussi l'Apôtre dans l'Épître aux Hébreux cite-t-il, parmi les principes élémentaires que doit suivre un catéchumène, la pénitence pour les oeuvres de mort. Car il s'exprime ainsi: «Laissant donc de côté les premiers éléments de la doctrine chrétienne, élevons-nous aux principes qui la couronnent sans nous arrêter à jeter de nouveau les fondements de la pénitence pour les oeuvres de mort, de la foi en Dieu, de la doctrine du baptême, de l'imposition des mains, de la résurrection des morts et du jugement éternel (He 6,1-2).» Tous ces principes élémentaires rentrent donc, d'après le témoignage clair et précis de l'Écriture, dans l'initiation des catéchumènes. Or, qu'est-ce que faire pénitence pour les oeuvres de mort, sinon mourir à tous les péchés pour vivre? Et que faudra-t-il compter parmi les oeuvres de mort, si l'on en retranche l'adultère et la fornication? Il ne suffit pas de s'engager à renoncer à tous ces désordres: il faut que tous les péchés passés, qui semblent s'attacher à nos pas, soient effacés dans le bain de la régénération, de même qu'il eût été inutile aux Israëlites de sortir de (561) l'Egypte, si la multitude d'ennemis attachés à les poursuivre n'eût trouvé la mort dans les flots même qui s'ouvrirent devant le peuple de Dieu et assurèrent sa liberté. En déclarant qu'on ne veut pas renoncer à l'adultère, peut-on entrer dans la mer Rouge, puisqu'on se refuse à quitter l'Egypte? D'ailleurs ils ne remarquent point par quel commandement s'ouvre la loi qui fut donnée aux Hébreux après le passage de la mer Rouge: «Tu n'auras point d'autre Dieu que moi: Tu ne te feras d'idoles ni d'images d'aucun des êtres qui sont dans l'air, sur la terre, dans l'eau et sous la terre; tu ne les adoreras ni ne les serviras (Ex 20,4-5),» et la suite, où ce commandement est développé. Que nos adversaires aillent donc contre leur propre assertion et reconnaissent qu'il faut enseigner tout ensemble l'adoration d'un seul Dieu et le mépris de l'idolâtrie, non aux catéchumènes, mais seulement aux chrétiens déjà baptisés qu'ils ne viennent plus soutenir qu'il faut se contenter d'initier à la foi en Dieu, avant le baptême, et renvoyer après le baptême les instructions sur la morale comme sur le second commandement relatif à l'amour du prochain. La loi que le peuple reçut après le passage de la mer Rouge, symbole du baptême, comprend ces deux points à la fois; les préceptes n'y sont pas divisés en deux parties dont l'une aurait été destinée à enseigner au peuple le mépris de l'idolâtrie, avant le passage de la mer Rouge, l'autre, consacrée à lui apprendre plus tard l'obligation d'honorer son père et sa mère, d'éviter l'adultère, le meurtre, enfin tous les principes qui établissent l'honnêteté et la sécurité dans les rapports des hommes entre eux.



CHAPITRE XII. CONSÉQUENCE FACHEUSE A LAQUELLE ABOUTIT LE SYSTEME CONTRAIRE.


3018 18. Je suppose qu'un homme demande le baptême, en déclarant qu'il ne renoncera au culte des idoles qu'autant qu'il le jugera à propos dans la suite, et que dans ces dispositions, il réclame la faveur immédiate du baptême et aspire à devenir le temple du Dieu vivant, malgré son idolâtrie et sa résolution à persévérer dans cet abominable sacrilège. Je demande à mes adversaires s'ils consentiraient à reconnaître même pour un catéchumène un pareil homme. Ils vont s'écrier, je n'en doute pas, qu'il est impossible de l'admettre; leur coeur ne peut leur inspirer d'autre pensée. Qu'ils expliquent donc, d'après des témoignages de l'Ecriture capables d'autoriser leur opinion, à quel titre ils osent combattre et repousser la demande d'un homme qui proteste contre eux en s'écriant: je connais et j'adore Jésus crucifié, je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu; ne me faites pas attendre davantage, ne me demandez rien de plus. L'Apôtre n'imposait qu'une condition à ceux qu'il engendrait par l'Evangile: c'était de reconnaître Jésus crucifié. L'Eunuque sur la simple réponse qu'il croyait que Jésus-Christ était le Fils de Dieu, reçut sans délai le baptême des mains de Philippe. Pourquoi donc m'interdire le culte des idoles; au lieu de me marquer du signe de Jésus-Christ, avant que je ne quitte ce monde? Quant au paganisme, je l'ai sucé avec le lait, j'y suis retenu par la force de l'habitude. Je vous obéirai quand je le pourrai, à mon heure; et quand même je ne le ferais pas: je pourrai du moins finir mes jours, marqué du signe de Jésus-Christ, et Dieu n'aura pas à vous demander compte de mon âme. Que répondre à ce langage? Consentiront-ils à admettre ce païen? A Dieu ne plaise! je ne saurais croire qu'ils en viennent à cette extrémité. Que pourraient-ils donc lui répondre, surtout s'il ajouce qu'on aurait dû ne pas l'avertir de renoncer à l'idolâtrie, au même titre qu'on n'enseigna rien au peuple primitif avant le passage de la mer Rouge, parce que toutes ces vérités étaient renfermées dans la loi, qu'il reçut hors de l'Egypte, après sa délivrance. Sans doute ils vont répondre à cet homme: Tu deviendras le temple de Dieu, après avoir reçu le baptême: Or l'Apôtre dit: «Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles (1Co 6,16)?» - Pourquoi ne songent-ils pas qu'on peut encore dire: Tu deviendras membre de Jésus-Christ après avoir reçu le baptême or: les membres de Jésus-Christ ne peuvent être ceux d'une prostituée, c'est encore là le langage de l'Apôtre; et il dit ailleurs: «N'allez pas vous tromper: - Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, «(pour abréger la citation) n'hériteront du royaume de Dieu.» Pourquoi donc refuser le baptême aux idolâtres et croire qu'on peut y admettre les fornicateurs, quand l'Apôtre déclare aux adultères et aux autres pécheurs: «Voilà ce que vous avez été autrefois; mais vous avez été purifiés, vous avez été sanctifiés, vous avez été purifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit (562) de notre Dieu (1Co 6,15 1Co 9,10-11).» Par quel motif, quand on peut repousser l'adultère et l'idolâtre, permettre au premier de se présenter au baptême sans qu'il renonce à son commerce criminel, et le défendre au second, puisqu'on dit à l'un comme à l'autre: «Voici ce que vous avez été, mais vous avez été purifiés?» Ce qui préoccupe nos adversaires, c'est la pensée qu'on se sauvera infailliblement, quoique en passant par le feu, si on a cru en Jésus-Christ, si on a été marqué de son signe, en d'autres termes, si on a été baptisé, eût-on poussé l'indifférence à réformer ses moeurs au point de vivre dans le péché. Mais je vais bientôt examiner, avec l'aide de Dieu, ce qu'il faut penser sur ce point d'après l'Ecriture.



CHAPITRE XIII. JEAN-BAPTISTE ET SES PRÉCEPTES DE MORALE. JÉSUS-CHRIST ET SES COMMANDEMENTS.


3019 19. Le point que j'examine encore en ce moment, c'est toujours de savoir s'il faut, comme le pensent nos adversaires, enseigner à ceux qui sont baptisés les règles de la vie chrétienne et se contenter d'inculquer la foi aux catéchumènes. S'il en était ainsi, Jean-Baptiste, sans parler des nombreux passages déjà cités, aurait-il tenu ce langage à ceux qui se présentaient à son baptême: «Race de vipères, qui vous a appris à fuir devant la colère qui vous menace! Faites donc de dignes fruits de pénitence (Mt 3,7-8);» et le reste du passage qui roule non sur la foi mais sur les bonnes oeuvres. Aussi quand les soldats vinrent lui demander: «Que ferons-nous?» il ne leur dit pas: en attendant croyez et faites-vous baptiser; plus tard vous apprendrez ce qu'il faut faire. Non: il commence par les avertir, en véritable précurseur, de préparer la voie au Seigneur qui allait descendre dans leur coeur, et il leur répond: «N'employez ni la violence ni la fraude contre personne, et contentez-vous de votre paie.» Même réponse aux publicains qui lui demandaient ce qu'ils devaient faire: «N'exigez rien au-delà de ce qui vous a été ordonné (Lc 3,12-14).» En ne rapportant que ces traits, l'Evangéliste, dont le dessein n'était pas de citer tous les articles du catéchisme, fait clairement entendre que le devoir du catéchiste est de faire des leçons et des exhortations morales à ceux qu'il dispose au baptême. Je suppose même qu'ils eussent répondu à Jean: Nous ne ferons pas de dignes fruits de pénitence, nous voulons persévérer dans nos violences, nos fraudes, notre usure, et qu'une pareille déclaration ne l'eût pas empêché de les baptiser; dans cette hypothèse, on ne saurait encore conclure, au point où la discussion est arrivée, que l'instruction qui doit apprendre au catéchumène à bien vivre, ne doit pas être subordonnée au temps où il doit recevoir le baptême. Jean-Baptiste en effet instruit les publicains et les soldats au moment de les baptiser.

3020 20. D'ailleurs, pour ne pas rappeler d'autres passages, quelle est la réponse du Seigneur à ce riche qui lui demandait quel bien il devait faire pour acquérir la vie éternelle? La voici, qu'ils la repassent dans leur esprit: «Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements. - Quels commandements? Lui dit-il.» Le Seigneur lui rappela alors les commandements de la Loi: «Tu ne tueras point, tu ne commettras point d'adultère,» et le reste. Le riche ayant répondu qu'il avait gardé ces commandements dès sa jeunesse, le Seigneur ajouta le précepte qui renferme la perfection évangélique, celui de vendre tous ses biens et de les convertir en aumônes aux pauvres, afin d'avoir un trésor dans le ciel et de s'attacher au Seigneur qui lui parlait (Mt 19,17-21). C'est à nos adversaires de prendre garde que ce personnage n'a pas été invité à croire et à se faire baptiser, seul moyen d'après eux d'acquérir la vie éternelle, mais qu'il a été instruit des règles de conduite que la foi seule apprend à suivre docilement. Nous ne voulons pas en effet conclure du silence que le Seigneur a gardé sur la nécessité d'inculquer la foi, qu'il faut se borner à instruire des règles de la morale ceux qui aspirent à se sauver. Le dogme et la morale sont liés par un rapport indissoluble, comme je l'ai déjà dit, car l'amour de Dieu ne peut exister chez celui qui n'aime pas le prochain, ni l'amour du prochain chez celui qui n'aime pas Dieu. Aussi l'Ecriture mentionne-t-elle tantôt un précepte moral, tantôt un dogme, au lieu de formuler la doctrine dans son ensemble, afin de faire comprendre que l'un ne va pas sans l'autre. En effet, croire en Dieu, c'est s'obliger à accomplir les commandements de Dieu, et pour accomplir les commandements de Dieu il faut nécessairement croire en lui.



CHAPITRE XIV. LA FOI SANS LES OEUVRES NE SUFFIT PAS POUR ÊTRE SAUVÉ.


3021 21. Arrivons donc à cette erreur que doivent (563) rejeter toutes les âmes chrétiennes, si elles ne veulent perdre la félicité éternelle en se berçant de la fausse opinion que la foi suffit pour la conquérir, et qu'il ne faut s'inquiéter ni de bien vivre ni de marcher par le sentier des bonnes oeuvres dans la voie du Seigneur. A l'époque même des Apôtres, on se fonda sur quelques passages un peu Meurs et mal interprétés de saint Paul pour lui prêter cette pensée: «faisons le mal afin qu'il en arrive un bien (Rm 3,8),» parce qu'il avait dit ailleurs: «La loi qui a suivi le péché d'Adam, n'a fait qu'augmenter les transgressions: mais où le péché avait abondé la grâce a encore abondé davantage (Rm 5,20).» Ce texte s'applique à ceux qui, après avoir reçu la Loi avec une confiance orgueilleuse dans leurs forces, n'ont pas imploré avec une foi sincère la grâce divine, pour triompher des désordres de la concupiscence, et se sont chargés, en transgressant la Loi, d'iniquités plus graves et plus multipliées sous le poids de cette lourde responsabilité, ils ont eu recours à la foi pour attirer sur eux la miséricorde qui pardonne et le secours du Dieu qui a fait le ciel et la terre (Ps 140,2); ils ont voulu ainsi, sous l'inspiration de la charité répandue dans leurs coeurs par le Saint-Esprit, accomplir avec amour tous les préceptes qui combattent la concupiscence du inonde, selon la prédiction du Psalmiste: «Leurs faiblesses se sont multipliées; ils ont redoublé d'ardeur (Ps 15,4).» Lors donc que l'Apôtre avance qu'un homme peut-être justifié sans les pratiques extérieures de la loi (Rm 4), sa pensée n'est pas de condamner les actes de justice accomplis après qu'on a reçu et confessé la foi, mais d'apprendre aux chrétiens qu'on peut être sauvé par la foi, quand même on n'aurait pas auparavant pratiqué la loi. Les oeuvres sont la conséquence de la justification, elles n'en sont pas le principe. Tout développement sur ce point serait inutile dans cet ouvrage, surtout après que j'ai consacré à cette question même un traité assez long qui a pour titre: De la Lettre et de l'Esprit. En voyant naître cette opinion, les Apôtres Pierre, Jean Jacques et Jude, s'élèvent contre elle dans leurs lettres avec la plus grande énergie et déploient toutes leurs fores pour établir que la foi sans les oeuvres est inutile. Paul lui-même entend par la foi, non une croyance quelconque en Dieu, mais cette croyance solide et vraiment évangélique qui, par la charité, devient une source de bonnes oeuvres . «La foi, dit-il, opère par la charité (Ga 5,6).» Pour la foi qui, selon quelques-uns, suffit au salut, il affirme qu'elle ne sert de rien, avec tant de force qu'il s'écrie: «Quand j'aurais une foi assez parfaite pour transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien (1Co 13,1).» Pour bien vivre, il faut que la charité d'accord avec la foi opère. «Car toute la loi est renfermée dans la charité (Rm 13,10).»

3022 22. A cette polémique se rattache manifestement un passage de saint Pierre, dans cette seconde Epître où il recommande une pureté irréprochable de moeurs, et prédit que le monde est destiné à périr et qu'il faut attendre de nouveaux cieux et une nouvelle terre qui deviendront le séjour des justes, voulant par là avertir les fidèles ne se rendre dignes de cette demeure parla sainteté de leur vie. Sachant donc que certaines esprits faux profitaient de quelques endroits difficiles des lettres de l'Apôtre, saint Paul pour vivre dans l'indifférence de la morale, comme s'ils étaient assurés de leur salut par la seule vertu de la foi, saint Pierre dit qu'il y avait dans les lettres de son frère certains endroits difficiles à entendre, que des hommes ignorants détournaient de leur acception, aussi bien que les autres Ecritures, pour leur propre ruine: car saint Paul pensait, comme tous les apôtres, que le salit éternel ne pouvait être obtenu qu'à la condition de bien vivre. Voici comment s'exprime saint Pierre: «Puisque toutes ces choses doivent périr, quelle ne doit pas être la sainteté de votre vie et de vos actions, en attendant et même en hâtant par vos désirs l'avènement du jour du Seigneur, du jour où le ciel en feu sera dissous et où les éléments seront tondus par la violence des flammes? Car nous attendons;selon les promesses de nouveaux cieux et une nouvelle terre où le juste habitera. C'est pourquoi, mes bien-aimés, dans l'attente de ces choses, faites en sorte que le Seigneur vous trouve purs, irréprochables et dans la paix; et «croyez que la longue patience de Notre-Seigneur est pour votre bien. C'est dans le même sens que Paul notre bien-aimé frère vous a écrit, selon la sagesse qui lui a été donnée, ainsi qu'il le fait dans toutes les lettres où il parle du même sujet. Dans ces lettres il y a quelques endroits difficiles à entendre, et des gens ignorants et superficiels les détournent de leur véritable sens, aussi bien que les autres écritures, pour leur propre ruine. Vous donc, mes bien-aimés, qui êtes (564) avertis, soyez sur vos gardes, de peur qu'entraînés par l'erreur de ces malheureux vous ne veniez à déchoir de l'état solide et ferme où vous êtes. Croissez au contraire dans la grâce et dans la connaissance de Jésus-Christ Notre-Seigneur et notre Sauveur. A lui soit la gloire, maintenant et jusqu'au jour de l'éternité (1P 3,11-18).»

3023 23. Quant à Jacques il. a tant d'aversion pour ceux qui croient que la foi peut sauver sans les oeuvres, qu'il les compare aux démons: «Vous croyez, dit-il, qu'il n' y a qu'un seul Dieu et vous faites bien. Les démons le croient aussi et tremblent.» Pouvait-on dire rien de plus court, de plus juste, de plus énergique; car nous lisons dans l'Evangile que les démons rendirent à Jésus le même témoignage et qu'il reprit dans leur bouche ce qu'il approuva dans celle de Pierre (Mc 5,24-25 Mt 16,16-17). «Que servira à quelqu'un, dit saint Jacques, de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les oeuvres? La foi pourra-t-elle le sauver?» Et il ajoute: «La foi sans les oeuvres est morte (Jc 2,19 Jc 14,20).» Quelle n'est donc pas l'erreur de ceux qui font reposer sur une foi morte l'espérance de la vie éternelle?



CHAPITRE XV. PASSAGE DIFFICILE ET MAL COMPRIS DE L'APÔTRE. RÉFUTATION DE CEUX QUI CROIENT QUE LA FOI SANS LES OEUVRES SERT, AU SALUT.


3024 24. Il faut peser avec attention le sens qu'on doit attacher à ce passage de l'Apôtre fort difficile à comprendre: «Personne ne peut établir d'autre fondement que celui qui à été déjà posé et qui n'est autre que Jésus-Christ. Si quelqu'un bâtit sur ce fondement de l'or, de l'argent, des pierres précieuses ou du bois, du foin, de la paille, la qualité de son ouvrage sera révélée. Le jour du Seigneur la manifestera, le feu en fera le discernement et montrera ce que vaut l'ouvrage de chacun. Si l'ouvrage qui on aura surajouté au fondement résiste aux flammes, on recevra une récompense: mais si l'ouvrage est consumé, on sera privé de salaire; «on sera néanmoins sauvé, mais comme en passant par le feu (1Co 3,11-15).» D'après quelques-uns, ceux qui élèvent sur ce fondement un édifice d'or, d'argent, de pierres précieuses, représentent les chrétiens qui ajoutent les bonnes oeuvres à la foi, tandis que ceux qui n'élèvent qu'un édifice de paille, de foin et de bois, désignent les pécheurs qui, tout en ayant la foi, font le mal; ils infèrent de là qu'on peut expier ses fautes par les peines du purgatoire et obtenir le salut éternel par la vertu même du principe qui a servi de fondement aux actes.

3025 25. Si cette interprétation est exacte, nous reconnaissons que nos adversaires sont guidés par une charité sublime, quand ils pressent d'admettre au baptême pêle-mêle les débauchés et les concubines qui, au mépris du commandement de Jésus-Christ, cachent leur commerce sous le voile du mariage, que dis-je? les prostituées, opiniâtrement attachées à leur infâme trafic, et que l'Église la plus relâchée n'a jamais admises dans son sein avant de les avoir tirées de leur honteux métier. Ce principe admis, je ne vois plus à quel titre on pourrait repousser ces créatures. Car, qui ne serait heureux devoir qu'après avoir entassé sur le fondement sacré le bois, le foin et la paille, elles pourraient se purifier par le supplice plus ou moins prolongé du feu, au lieu d'être condamnées à la mort éternelle?
Mais en même temps il faut taxer d'erreur ces principes si clairs et si peu équivoques: «Quand j'aurais une foi assez parfaite pour transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien;» ou bien: «A quoi servira, mes frères, de dire qu'on a la foi si on n'a pas les oeuvres? La foi peut-elle sauver un tel homme?» Il faudra encore réputer erroné ce passage: «Ne vous y trompez pas: Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les voleurs, ni les avares, ni les adultères, ni les efféminés, ni les sodomites, ni les ivrognes, ni les médisants, ni les ravisseurs du bien d'autrui, ne seront jamais héritiers du royaume de Dieu;»
1Co 6,9-10 et cet autre: «Les oeuvres de la chair frappent tous les yeux: on appelle ainsi la fornication, l'impureté, l'impudicité, l'adultère, l'idolâtrie, les maléfices, les inimitiés, les jalousies, les animosités, les querelles, les divisions, les hérésies; les envies, les meurtres, les ivrogneries, les débauches et autres crimes semblables, et je vous dis que tous ceux qui les commettent ne posséderont point le royaume de Dieu (Ga 5,19-21).» Toutes ces maximes deviennent fausses: car il suffira de croire et d'être baptisé, pour être sauvé par le feu, malgré son impénitence. Tous ces crimes n'empêcheront pas celui qui aura reçu le baptême en Jésus-Christ d'être héritier du royaume de Dieu. Ce passage: «Voilà ce que vous avez été, mais avez été purifiés (1Co 6,11),» n'aura plus aucune vérité, puisque ceux qui auront été purifiés (565) resteront souillés des mêmes vices. Tout sera creux dans cette parole de Pierre. «C'était une figure, (l'arche de Noé) à laquelle répond maintenant le baptême, lequel consiste non à purifier la chair de ses souillures, mais à garder une conscience pure (1P 3,21).» Car, ils auront beau avoir une conscience coupable, chargée de tous les crimes et de toutes les infamies dont la pénitence n'aura pas effacé les souillures, le baptême les sauvera: la foi, dont le baptême établit le fondement, assurera leur salut; ils suffira qu'ils traversent le feu. Je ne comprends plus pourquoi le Seigneur a dit: «Si tu veux obtenir la vie, garde les commandements» et a rappelé tous les principes de la morale; s'il est possible d'obtenir la vie, sans observer ces règles, par la seule vertu de la foi, qui pourtant est morte sans les oeuvres (Mt 19,9-17). Quelle vérité peut-il y avoir désormais dans cette parole qu'il doit adresser un jour aux méchants placés à sa gauche: «Allez au feu éternel, qui a été préparé à Satan et à ses anges?» Car, il ne leur reproche pas ici leur incrédulité, mais leur existence vide, de bonnes oeuvres. Pour que personne ne se flatte d'obtenir la vie éternelle par la foi qui est morte sans les oeuvres, il a soin de dire qu'il séparera les unes d'avec les autres les nations qui obéissaient aux mêmes pasteurs, preuve évidente que ceux qui lui répondront alors: «Seigneur quand est-ce que nous vous avons vu en butte à toutes ces souffrances sans vous assister?» seront ces chrétiens qui, tout en croyant en lui, ont négligé les bonnes oeuvres, dans l'idée qu'une foi morte suffisait pour conduire à la vie éternelle.
Quoi? le feu éternel sera le partage de ceux qui n'ont point été miséricordieux, et il ne s'ouvrira pas pour ceux qui ont ravi le bien d'autrui et se sont traités eux-mêmes sans miséricorde en détruisant dans leur coeur le temple du Saint-Esprit! A quoi servent donc les oeuvres de miséricorde, si l'amour n'en est pas le principe? car, dit l'Apôtre, «quand je distribuerais tous mes biens «aux pauvres, si je n'ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien (1Co 13,3).» Peut-on aimer son prochain comme soi-même, si on ne s'aime pas soi-même? «Celui qui aime l'iniquité, hait son âme (Ps 10,6).» L'on ne saurait ici prétendre, avec certaines personnes qui sont dupes de leur imagination, que le feu, non le supplice, durera éternellement. Elles flattent leurs adeptes de l'espérance qu'ils se sauveront à travers le feu éternel et qu'il leur suffira d'avoir eu la foi morte pour échapper à la flamme. Dans leur pensée, le feu sera éternel, mais il ne les dévorera pas éternellement. Mais le Seigneur a prévu cette erreur dans sa sagesse souveraine, en résumant sa doctrine par ces mots: «Et ceux-ci iront dans le supplice éternel, «les justes dans la vie éternelle (Mt 25,32-33 Mt 25,41-46).» Le supplice sera donc éternel comme le feu, et il est réservé, selon le témoignage de la Vérité elle-même, à ceux qui auront eu la foi sans y joindre les oeuvres.

3026 26. Tous ces passages et mille autres, que l'on rencontre dans toute la suite des Ecritures, sans la moindre équivoque, sont-ils faux? Alors on aura raison d'entendre que la combustion du bois, du foin, de la paille signifie le feu destiné à purifier ceux qui ont gardé la foi en Jésus-Christ sans y ajouter les bonnes oeuvres. Au contraire sont-ils aussi vrais que clairs et précis? Il faut alors chercher un nouveau sens dans les paroles de l'Apôtre et ranger ce passage parmi les vérités difficiles à entendre dans ses Epîtres, comme le reconnaît sa! nt Pierre, sans les faire servir à sa propre perte ni inspirer, malgré les témoignages les plus clairs de l'Ecriture, une aveugle sécurité sur leur salut à ces pécheurs qui, s'attachant opiniâtrement à leurs désordres, refusent de se purifier et de se convertir par la vertu de la pénitence.




Augustin, de la foi 3012