Augustin, De la Genèse 209

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CHAPITRE 9.

LES DÉLICES DU PARADIS.

12. Voyons maintenant le bonheur de l'homme, désigné sous le nom de paradis. Le repos que l'on goûte à l'ombre des bocages est ordinairement délicieux, c'est de l'Orient que part la lumière destinée à nos sens corporels, et là se montre d'abord le ciel, corps bien supérieur au nôtre et d'une nature plus excellente. C'est pourquoi ici encore il faut voir un sens figuré, les délices spirituelles de la vie bienheureuse; et pour le même motif il est dit que le paradis fut planté à l'Orient. Or comprenons que nos joies spirituelles sont marquées par tous ces arbres beaux à la vue de l'intelligence, et dont les fruits sont bons à manger comme une nourriture incorruptible, la nourriture des âmes bienheureuses; car le Seigneur a dit : " Travaillez pour une nourriture qui ne se corrompt point (1) ; " telles sont toutes les connaissances qui servent d'aliment à l'âme. L'Orient désigne la lumière de la sagesse, et Eden les délices immortelles de l'âme intelligente. Car les interprètes enseignent que ce mot traduit de l'hébreu en latin, signifie délices, jouissance ou banquet. S'il a été mis ici sans traduction, c'est pour paraître indiquer quelque lieu particulier, et plus encore, pour faire une locution figurée. Par tous ces arbres qui s'élèvent de la terre nous entendons cette joie spirituelle, qui consiste à dominer la terre, à n'être pas enveloppé ni accablé par le désordre des passions terrestres. L'arbre de vie planté au milieu du paradis représente cette sagesse qui fait comprendre que sa destination est de tenir comme le milieu des choses. Si elle est supérieure à toute la nature corporelle, elle a néanmoins au dessus d'elle la nature de Dieu; ainsi elle ne doit s'égarer ni à droite en affectant ce qu'elle n'est pas, ni à gauche en dédaignant négligemment ce qu'elle est. Voilà l'arbre de vie planté au milieu du paradis. L'arbre de la science du bien et du mal rappelle aussi cette situation naturelle de l'âme entre la nature divine et la nature corporelle; car cet arbre était encore planté au milieu du paradis. Il est appelé arbre de la science du bien et du mal, parce que si l'âme qui doit s étendre vers ce qui est devant elle, c'est-à-dire vers Dieu, et oublier ce qui est derrière elle (2), c'est-à-dire les plaisirs des sens, vient à se replier sur elle-même en abandonnant Dieu, et à vouloir jouir, comme si elle était sans Dieu, des facultés de son être, elle s'enfle d'orgueil, e qui est la source de tout péché. Et lorsque la peine de cet égarement vient la frapper, elle voit par expérience combien diffère le bien qu'elle a délaissé du mal où elle est tombée. C'est, pour elle, avoir mangé du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal. Quand donc il lui est commandé de manger du fruit de l'arbre qui est dans le paradis, mais de ne pas manger du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal, il lui est interdit d'en jouir de manière à dépraver, et à corrompre comme en mangeant, l'intégrité de sa nature.

1. Jn 5,27 - 2. Ph 3,13

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CHAPITRE 10.

LES QUATRE FLEUVES.

13.Un fleuve sortait de l'Éden; Éden délices, plaisirs, banquet; c'est ce fleuve dont veut parler le Psalmiste quand il dit : " Vous les abreuverez au torrent de vos voluptés (1), " car Éden en hébreu signifie voluptés. Ce fleuve se divise en quatre parties et représente les quatre vertus de prudence, de force, de tempérance et de justice. On dit que le Phison c'est le Gange, et le Géon le Nil, ce qu'on peut remarquer encore dans le prophète Jérémie. Ces fleuves portent donc aujourd'hui d'autres noms, ainsi en est-il du Tibre qui d'abord s'appelait Albula. Pour le Tigre et l'Euphrate ils ont jusqu'ici conservé leurs noms. Ces noms cependant, désignent aujourd'hui comme je l'ai dit, des vertus spirituelles, ce qu'on peut voir même à leur traduction dans les langues hébraïque ou syriaque. C'est ainsi que Jérusalem, encore que ce soit un lieu visible et terrestre, veut dire dans le sens spirituel Cité de paix; de même Sion quoiqu'une simple montagne de la terre, rappelle la Contemplation, et dans les allégories que présentent les Écritures ce nom est employé souvent pour élever l'âme à la méditation des choses spirituelles. C'est ainsi encore que cet homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho, comme s'exprime Notre-Seigneur, et qui frappé, blessé, fut laissé à demi mort parles voleurs (2), nous oblige certainement à prendre dans le sens spirituel ces lieux, que suivant l'histoire on trouve néanmoins sur la terre.

1. Ps 35,9 - 2. Lc 10,30

14. La prudence signifie la contemplation même de la vérité, contemplation que ne peut rendre aucun langage humain parce, qu'elle est ineffable; et vouloir la faire connaître, c'est se mettre plutôt dans le douloureux travail de l'enfantement que de la produire au jour. L'Apôtre nous dit lui-même qu'il a entendu là des paroles dont l'expression est impossible à l'homme (1). Cette prudence traverse donc la terre qui possède l'or, le rubis et la pierre d'onyx, c'est-à-dire : la bonne règle de vie, qui purifiée de toute souillure terrestre, brille comme l'or le plus pur; et la vérité que ne peut vaincre aucune erreur pas plus que la nuit ne peut vaincre l'éclat des rubis; enfin la vie éternelle désignée par la couleur verte de la pierre d'onyx à cause de sa vigueur toujours pleine de sève. Pour ce fleuve qui coule autour de la terre d'Éthiopie, échauffée et comme embrasée par les rayons du soleil; il signifie la force à laquelle la chaleur de l'action donne du mouvement et de la vivacité. Le troisième fleuve, le Tigre se dirige contre les Assyriens et rappelle la tempérance qui résiste à la sensualité, toujours ennemie des conseils de la prudence : aussi le terme d'Assyriens est souvent pris dans les Écritures pour synonyme d'ennemi. Il n'est pas dit de quel côté se dirige le quatrième fleuve, ou quelle terre il parcourt c'est que la justice tient à tous les côtés de l'âme, et n'est autre chose que l'ordre et l'équilibre d'où résultent l'union et l'harmonie des trois autres vertus. A la tête marche la prudence ; la force vient en second lieu; et en troisième la tempérance : dans cette union, dans cette harmonie consiste la justice.

1. 2Co 12,4

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CHAPITRE 11.

OCCUPATION DE L'HOMME DANS LE PARADIS; FORMATION DE LA FEMME.

15. L'homme fut placé dans le paradis pour y travailler et pour le garder; ce travail était une occupation honorable et sans fatigue. Autre chose est le travail dans le paradis, autre chose le travail sur la terre, auquel l'homme a été condamné après sa faute. Quant à la garde dont parle l'écrivain sacré, elle marque la nature de cette occupation primitive de l'homme. En effet dans le repos de la vie bienheureuse où la mort n'a point d'empire, tout le soin se borne à conserver ce que l'on a. L'homme reçut aussi le précepte dont nous avons déjà traité plus haut (1) ; et la conclusion de ce précepte, exprimée de telle sorte qu'elle ne s'adresse pas à un seul, puisqu'il est dit avec le nombre pluriel : " Le jour où vous en mangerez, vous mourrez, " commence déjà à faire entendre comment la femme fut formée.
Elle fut faite, dit le texte, pour servir d'aide à l'homme afin de produire, dans une union spirituelle, des fruits tout spirituels; c'est-à-dire des oeuvres saintes à la louange de Dieu, l'homme commandant et elle obéissant, l'homme étant gouverné par la sagesse, et elle par l'homme. Car le chef de l'homme est le Christ, et l'homme est le chef de la femme (2). Voilà pourquoi Dieu dit : " Il n'est pas bon que l'homme soit seul.
Aussi bien, une chose encore était à réaliser: il fallait non-seulement que l'âme fût maîtresse du corps, parce que le corps n'a que le rang de serviteur et d'esclave, mais de plus que la raison qui fait proprement l'homme, assujettit la partie animale de l'âme et s'en fit un aide pour commander au corps. Pour représenter ce devoir, a été formée la femme, que l'ordre naturel soumet à l'homme; et ce qui paraît avec une évidence frappante dans les rapports de deux personnes, c'est-à-dire de l'homme et de la femme, peut être aussi observé dans une seule. Car le sens intérieur, ou la puissance virile de la raison, doit soumettre au frein et à la règle d'une juste loi cette partie animale qui nous sert à'agir sur nos membres, de même que l'homme doit gouverner la femme, sans lui permettre de dominer sur loi, ce qui plongerait la famille dans le désordre et la misère.

1. Ci-dessus, ch. 9 - 2. 1Co 11,3

16. Ainsi donc, Dieu fit d'abord voir à l'homme combien il l'emportait sur les brutes, sur les animaux dépourvus de raison: c'est ce que marque le passage où il est dit que tous les êtres animés furent réunis devant Adam, pour qu'il vit comment ils les appellerait et quels noms il leur donnerait. Ce qui montre en effet que l'homme est au dessus des animaux par la raison elle-même, c'est que la raison seule qui apprécie chacun d'eux, peut les distinguer et les désigner chacun sous une dénomination particulière. Mais c'est là une raison qui se révèle facilement: car l'homme comprend vite qu'il est au dessus des brutes; ce qu'il comprend difficilement, c'est qu'il y a en lui une partie raisonnable qui gouverne et une partie animale qui est gouvernée.

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CHAPITRE 12.

LE SOMMEIL D'ADAM.

Et parce que l'homme pour voir cela a besoin d'une sagesse plus profonde; je crois que cette vue intérieure est désignée sous le nom du sommeil envoyé par Dieu au premier homme, quand la femme fut formée pour lui être unie. Si l'on veut en effet reconnaître cette vérité, il n'est pas besoin des yeux du corps, et on la comprendra d'autant mieux et d'autant plus clairement, qu'on s'isolera davantage des choses sensibles pour se renfermer au dedans de l'intelligence, ce qui est comme s'endormir. Car la réflexion même qui nous fait comprendre qu'en nous il y a une partie qui doit commander par la raison et une autre (113) qui doit obéir à la raison, est comme la formation de la femme, tirée d'une côte de l'homme pour mieux marquer leur union. Ensuite pour dominer convenablement la partie inférieure de son être et former en soi une sorte d'hymen, où la chair ne convoite pas contre l'esprit, mais lui soit soumise, en d'autres termes, où la concupiscence de la chair ne lutte point contre la raison, mais plutôt cesse d'être charnelle en obéissant à la raison, on a besoin d'une sagesse parfaite. Or le regard de cette sagesse, parce qu'il est intérieur, secret, complètement étranger à tout sens corporel, peut convenablement être entendu sous l'image du sommeil d'Adam; car l'homme mérite d'être le chef de la femme, quand le Christ c'est-à-dire la Sagesse même de Dieu, est le chef de l'homme.

17. Si à la place de cette côte du premier homme, Dieu remet de la chair, c'est pour rappeler le sentiment d'amour dont chacun est pénétré pour son âme; on ne la traite pas avec dureté et mépris, car on aime naturellement ceux que l'on dirige. Il faut donc remarquer que la chair ici ne désigne pas la concupiscence charnelle; mais bien plutôt ce qu'entendait le Prophète quand il parlait du coeur de chair substitué, chez le peuple de Dieu, au coeur de pierre (1). Aussi bien l'Apôtre dit encore dans le même sens : " Non sur des tables de pierre, mais sur les tables de chair du coeur (2). " Autre chose est en effet une locution propre, autre chose une locution figurée telle que celle dont nous traitons maintenant. Si donc la femme proprement dite a d'abord été réellement formée par Dieu du corps de l'homme, elle ne l'a été de cette manière assurément que pour insinuer quelque mystère. Dieu manquait-il de limon pour en faire aussi la femme? Ou bien ne pouvait-il, s'il le voulait, ôter sans douleur une côte à Adam éveillé? Soit donc que ce langage soit figuré, soit que l'action elle-même le soit, ce n'est pas sans raison que Dieu a parlé ou agi de cette manière. C'est assurément pour exprimer des mystères et des secrets; soit ceux que notre faiblesse essaie d'exposer, soit ceux que mettrait en lumière une interprétation meilleure, pourvu cependant qu'elle fût conforme à la saine doctrine.

1. Ez 11,19 - 2. 2Co 3,3

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CHAPITRE 13.

UNION SPIRITUELLE.

18. L'homme donna donc un nom à sa femme comme un supérieur à son inférieur, et il dit " Voici maintenant l'os de mes os et la chair de ma chair. " L'os de mes os, peut être pour marquer la force; La chair de ma chair, peut être pour marquer la tempérance. Car on enseigne que ces deux vertus appartiennent à la partie inférieure de l'âme, régie par la prudence de la raison. Quant aux paroles suivantes : " Elle sera appelée femme, parce qu'elle a été prise de son mari, " cette étymologie n'a point passé dans notre langue. Car on ne trouve pas comment le nom de mulier peut dériver du nom de vir. Mais on dit que dans la langue hébraïque les mots sont semblables : Vocabitur virago, quoniam de viro suo sumpta est. Aussi bien le terme virago ou plutôt virgo vierge, a quelque ressemblance avec le nom de vir, homme. Quant au nom mulier, il n'en a point : mais, comme je l'ai dit, cela vient de la différence des langues.

19. Adam ajoute : " L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse, et ils seront deux dans une même chair. " Je ne vois d'autre moyen d'admettre ici le sens historique, si ce n'est en disant qu'ordinairement les choses arrivent ainsi dans le genre humain. Mais tout cela est une prophétie dont l'Apôtre rappelle le souvenir quand il dit : " C'est pourquoi l'homme abandonnera son père et sa mère pour s'attacher à son épouse; et ils seront deux dans une seule chair. C'est un grand sacrement; je dis dans le Christ et dans l'Église (1). " Si les Manichéens lisaient ce passage autrement qu'en aveugles, eux qui se servent des Epîtres des Apôtres pour tromper tant de monde, ils comprendraient comment l'on doit entendre les Écritures de l'ancien Testament, et n'oseraient point attaquer, par des discours sacrilèges, ce qu'ils ignorent. Adam et sa femme étaient nus sans en rougir : ceci désigne la simplicité et la chasteté de l'âme. Car voici encore ce que dit l'Apôtre: " Je vous ai préparés, fiancés comme une vierge toute pure pour un époux unique, pour Jésus-Christ. Mais je crains que comme le serpent séduisit Eve par ses artifices, vos esprits ne dégénèrent de la simplicité et de la chasteté qui est dans le Christ (2). "

1. Ep 5,31-32 - 2. 2Co 6,2-3

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CHAPITRE 14.

EVE ET LE SERPENT.

20. Or le serpent signifie le diable, qui certainement n'était pas simple; car s'il est dit que le serpent était le plus avisé de tous les animaux, c'est pour nous faire entendre sous des termes figurés sa ruse et sa malice. Il n'est pas dit que le serpent était dans le Paradis, mais il était parmi les bêtes sorties des mains de Dieu. Car le Paradis, ainsi que je l'ai dit plus haut (1), signifie la vie heureuse où n'était plus le serpent, puisqu'il était déjà le diable et qu'il était déchu de sa béatitude pour n'avoir pas voulu rester dans la vérité. Il ne faut pas s'étonner qu'il ait pu parler à la femme quand celle-ci était dans le Paradis et que lui n'y était pas. Car, ou bien la femme n'était pas dans le Paradis d'une manière locale mais plutôt par la jouissance du bonheur, ou bien en supposant qu'il y ait eu un lieu digne du nom de Paradis et dans lequel Adam et la femme habitaient corporellement, devons-nous comprendre que le diable, lui aussi, y soit entré d'une manière corporelle.? Non, sans aucun doute, mais il n'y est entré que spirituellement, selon ce que dit l'Apôtre: " Le prince des puissances de l'air, de l'esprit qui agit maintenant sur les fils de la défiance (2). " Apparaît-il donc à ces fils, sous des traits visibles, ou est-ce d'une façon locale et sensible qu'il approche de ceux sur qui il exerce son action? Nullement, mais au moyen de merveilleux procédés il leur suggère par des pensées tout ce qu'il peut. A de telles suggestions résistent ceux qui disent vraiment ce que dit encore l'Apôtre : " Nous n'ignorons pas ses ruses (3). " Comment eut-il accès près de Judas, quand il lui persuada de livrer le Seigneur? Est-ce qu'il parut réellement à ses yeux dans un lieu déterminé? Point du tout, mais, comme le déclare l'Évangile, il entra dans son coeur (4). Or l'homme le repousse s'il garde le Paradis. Car Dieu plaça l'homme dans le Paradis pour travailler et le garder. Aussi bien il est dit de l'Église dans le Cantique des Cantiques : " C'est un jardin fermé, une fontaine scellée (5), " où certainement n'est pas admis ce méchant qui persuade le mal. Et cependant il trompe par la femme, c'est-à-dire par la partie inférieure de l'âme. Car notre raison elle-même ne peut être amenée à consentir au péché, si la délectation n'a été excitée dans cette partie de l'âme qui doit obéir à la raison, comme la femme à l'homme qui la gouverne.

1. Ci-dessus, ch 9 - 2. Ep 2,2 - 3. 2Co 11 - 4. Lc 22,3 - 5. Ct 4,12

21. Maintenant encore, dans chacun de nous, lorsque nous succombons au péché, il ne se fait rien autre chose que ce qui a eu lieu dans les rapports de ces trois êtres, le serpent, la femme et l'homme. Car il y a d'abord la suggestion du mal, soit par la pensée, soit par les sens, la vue, le toucher, l'ouïe, le goût ou l'odorat. Si après cette suggestion, nous n'inclinons pas vers le péché, le rusé serpent est repoussé; dans le cas contraire, il y a déjà comme la défaite de la femme. Quelquefois cependant la raison agissant avec vigueur impose silence et met un frein à la passion déjà excitée; alors nous ne tombons point dans le péché, mais en luttant plus ou moins nous gagnons une couronne. Si au contraire la raison consent, si elle conclut à l'action que la passion conseille, l'homme est comme chassé du paradis, il perd la vie heureuse. Car le mal est imputé sans même que le fait ait lieu, puisque le seul consentement rend la conscience coupable.

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CHAPITRE 15.:MARCHE DE LA TENTATION.

22. Il faut considérer avec soin de quelle manière ce serpent persuada le péché. Aussi bien ceci intéresse éminemment notre salut. Car ces malheurs ont été écrits pour nous porter à en éviter de semblables. La femme interrogée répondit en rappelant ce qui leur avait été prescrit, et le serpent lui dit : " Vous ne mourrez point; car Dieu savait que le jour où vous aurez mangé de ce fruit, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des Dieux, sachant le bien et le mal. " Ces paroles nous montrent que l'orgueil a été le moyen employé pour persuader le péché; c'est ce que prouvent en effet les mots : " Vous serez comme des Dieux. " Quant aux précédents : " Dieu savait que le jour où vous aurez mangé de ce fruit vos yeux seront ouverts, " quel en est le sens, sinon qu'il leur fut persuadé de refuser la soumission à Dieu; de demeurer plutôt indépendants, sans rapport avec le Seigneur; de ne plus observer sa loi, parce qu'il voyait avec peine qu'ils se gouvernassent eux-mêmes en dehors de la lumière (115) intérieure et en faisant usage de leur propre sagesse, comme de leurs yeux, pour connaître le bien et le mal, quand il le leur avait défendu? Il leur fut donc persuadé de trop aimer leur puissance, de vouloir être égaux à Dieu, d'user mal, c'est-à-dire contre la loi divine, de cette condition mitoyenne qui les soumettait eux-mêmes, tout en soumettant leurs corps à eux-mêmes. Cette situation mitoyenne était comme le fruit de l'arbre, planté au milieu du paradis; il leur fut donc persuadé de laisser perdre ce qu'ils avaient reçu, pour vouloir usurper ce qui ne leur avait pas été donné. Car Dieu ne donna pas à la nature de l'homme de pouvoir être heureuse par sa propre puissance, en dehors de l'action divine, parce qu'à Dieu seul il appartient d'être heureux, dans une indépendance absolue et par sa puissance naturelle.

23. " Et la femme, vit que le fruit était bon à manger, qu'il était beau à voir et à connaître. " Comment voyait-elle, si ses yeux étaient fermés? Mais cela a été dit pour nous faire comprendre que leurs yeux, qui furent ouverts après qu'ils eurent mangé de ce fruit, sont les yeux par lesquels ils se voyaient nus et se déplaisaient, c'est-à-dire les yeux de la fourberie auxquels déplaît la simplicité. Car dès qu'on est déchu de cette intime et très secrète lumière de la vérité, l'orgueil ne veut plaire que par de trompeuses apparences; et c'est de là que naît encore l'hypocrisie, avec laquelle on se croit bien sage quand on a pu abuser et tromper celui qu'on a voulu. Ainsi la femme donna du fruit à son mari, ils en mangèrent l'un et l'autre et alors furent ouverts leurs yeux, comme nous l'avons dit plus haut; alors aussi ils virent qu'ils étaient nus; c'est que leurs yeux mêmes étaient troublés et ils jugeaient honteuse cette simplicité que marque le terme de nudité. Afin donc de n'être plus simples ils se firent des ceintures avec des feuilles de figuier; ils voulaient cacher leur honte c'est-à-dire la simplicité dont rougissait alors leur orgueil mal avisé. Or les feuilles de figuier signifient une certaine démangeaison, s'il est permis toutefois d'employer ce mot en parlant de choses incorporelles, que produisent dans l'esprit, d'une façon étonnante, le désir et le plaisir du mensonge. Aussi dit-on le sel de la plaisanterie; et l'on sait que dans les plaisanteries domine une espèce de mensonge.

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CHAPITRE 16.

PRÉLUDES DU JUGEMENT D'ADAM ET D'ÈVE.

24. C'est pourquoi, comme Dieu se promenait dans le Paradis sur le soir, c'est-à-dire se disposait à juger l'homme et fa femme; avant donc que leur fût infligée la peine qu'ils avaient méritée, Dieu se promenait dans le Paradis cela signifie que la présence de Dieu se détachait pour ainsi dire de leurs âmes, eux-mêmes n'étant plus stables dans son précepte. Sur le soir; quand déjà le soleil se couchait pour eux, en d'autres termes, quand cette lumière intérieure de la vérité commentait à les quitter; ils entendirent la voix du Seigneur et se cachèrent pour éviter sa présence. Qui fuit la présence de Dieu et se cache devant lui, sinon le malheureux qui l'ayant abandonné veut dès lors aimer ses propres intérêts? Adam et Eve en effet avaient déjà le masque du mensonge. Or quiconque est menteur parle de son fond (1). Ils se cachent donc près de l'arbre qui était au milieu du Paradis, c'est-à-dire en eux-mêmes; car ils ont été créés pour tenir le milieu des choses, être au dessous de Dieu et au dessus des corps. Ils se cachent en eux-mêmes, pour se laisser aller au trouble et à la misère qu'engendra l'erreur, après avoir abandonné la vérité, qui n'était point l'essence de leur nature. L'âme humaine peut bien effectivement participer à la vérité; mais cette vérité est Dieu lui-même, immuable et bien au dessus de nous. Celui donc qui se détourne de cette vérité pour se tourner vers lui-même, et qui se glorifie et se réjouit, non d'avoir Dieu pour guide et pour lumière, mais d'être libre dans ses mouvements, ales ténèbres du mensonge en partage. Car tout menteur parle de son propre fond; ainsi ce déserteur de la vérité est troublé et réalise cette parole du prophète : " Mon âme a été troublée en moi-même (2). "Dieu alors interroge Adam, non qu'il ignore où il en est, mais pour l'obliger à confesser sa faute. Car Jésus-Christ Notre-Seigneur n'ignorait pas, tout ce qu'il demandait. Or Adam répondit, après avoir entendu la voix divine, qu'il s'était caché parce qu'il était nu. Quelle pitoyable erreur! pouvait-il déplaire à Dieu dans l'état de nudité où Dieu l'avait créé? Mais le propre de l'erreur est de faire croire à l'homme que ce qui lui déplaît, déplaît aussi à Dieu. Cependant il faut comprendre dans un sens très-relevé ce que dit le Seigneur : " Qui t'a fait connaître que tu étais nu, si ce n'est que tu as mangé du fruit duquel seul je t'avais défendu de manger? " Adam en effet était nu d'abord, c'est-à-dire exempt de dissimulation, mais il était revêtu de la lumière divine. S'en étant détourné pour se tourner vers lui-même, ce que signifie avoir mangé du fruit de l'arbre, il vit sa nudité et se déplut parce qu'il n'avait en propre aucun bien.

1. Jn 8,44 - 2. Ps 41,7

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CHAPITRE 17.

EXCUSES D'ADAM ET D'ÈVE - CHATIMENT DU SERPENT.

25. Ensuite, selon la coutume de l'orgueil, il ne s'accuse pas d'avoir éci foulées aux pieds par le Sauveur. Ils ouvrent l'Evangile, ils lisent les Ecritures,et ils y trouvent l'annonce de tout cela, et ce livre divin les avertit d'avance que telle est la manière d'agir du Sauveur. Il rabaisse jusque dans la poussière l'orgueil des mondains, afin que les humbles le glorifient. Touchant cet orgueil des mondains, voici ce qui a été prédit: "Vous détruirez leurs villes les mieux fortifiées"; et encore: "La puissance de votre ennemi a été anéantie pour toujours, et vous avez détruit ses villes (2)". Chrétiens! que craignez-vous donc? Le Christ vous dit: "C'est moi, ne craignez pas s. Pourquoi avoir peur en me voyant agir? Pourquoi

1. Gn 1. - 2. Ps 9,7.

trembler? Ce que je fais, je vous l'ai annoncé d'avance, et je dois nécessairement le faire. "C'est moi, ne craignez pas". Ils le reconnurent, et, tranquilles désormais, transportés de joie, "ils voulurent le recevoir dans la nacelle; et, aussitôt elle aborda la terre où ils allaient". En abordant ils en finirent avec leurs épreuves: à l'élément liquide se substitua pour eux l'élément solide; aux vagues agitées, la terre ferme; au voyage, le repos,

8. "Le lendemain, la multitude qui se tenait de l'autre côté de la mer", d'où Jésus et ses disciples étaient venus, "voyant qu'il n'y avait qu'une nacelle, et que Jésus n'y était point entré avec ses disciples, mais que les disciples s'en allaient seuls; d'autres barques était venues de Tibériade, près du lieu où ils avaient mangé le pain après que le Seigneur eût rendu grâces; la multitude, voyant que Jésus n'était point là, ni ses disciples non plus, monta dans des barques et vint à Capharnaüm, cherchant Jésus". Ces hommes devaient bien s'apercevoir un peu du merveilleux prodige que le Sauveur venait d'opérer, car ils voyaient que les disciples seuls étaient montés dans la barque, et qu'il n'y en avait pas d'autre en cet endroit. Des barques vinrent donc du côté opposé jusqu'à l'endroit où ils avaient mangé le pain: la foule monta sur ces barques et vint trouver Jésus, Il n'était pas monté avec ses disciples; il n'y avait là aucune autre nacelle: comment le Sauveur avait-il pu se trouver tout à coup transporté de l'autre côté de la mer, sinon parce qu'il avait marché sur les eaux et avait voulu les rendre témoins d'un nouveau prodige?

9. "La foule l'ayant trouvé au-delà de la mer". Le voilà qui se présente devant la foule: et, pourtant dans la crainte d'être enlevé par elle, il s'était enfui dans la montagne. Il nous laisse à supposer, et même il nous confirme dans l'idée que ces paroles renferment un mystère: et il a voulu nous faire trouver un sens caché en ce prodige, qu'il avait opéré dans le plus grand secret. Celui qui, pour s'écarter de la foule, s'était retiré sur la montagne, n'entre-t-il pas main. tenant en colloque avec cette même foule? Qu'elle en profite donc, pour s'emparer de sa personne. pour le faire roi. "L'ayant trouvé au-delà de la mer, tous lui dirent: Maître, "quand êtes-vous venu ici?" [519]

10. Après avoir opéré en secret ce miracle, il adresse la parole à cette multitude, afin de nourrir encore autant que possible ceux qu'il déjà nourris, afin de rassasier par ses discours les âmes de ceux dont il vient de calmer la faim corporelle. Mais encore faut-il qu'ils reçoivent cette nourriture nouvelle, et, s'ils ne la reçoivent pas, qu'on la recueille pour n'en pas laisser perdre les restes. A lui donc de parler, à nous d'écouter: "Jésus leur répondit en ces termes: En vérité, en vérité, je vous le dis: Vous me, cherchiez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains que je vous ai donnés". Vous me cherchez donc pour des motifs charnels, et non pour des motifs spirituels. Combien cherchent Jésus seulement en raison du bien qu'ils désirent recevoir de lui suivant les circonstances! Celui-ci se trouve dans une entreprise: il demande aux clercs l'appui de leur intercession: celui-là est poursuivi par un plus fort que lui; il se réfugie à l'Eglise: cet notre aimerait d'être protégé auprès d'un homme sur lequel il n'a aucune influence l'un éprouve tel besoin, l'autre tel autre, nos églises sont incessamment rem plies de pareilles gens. C'est à peine si quelqu'un cherche Jésus pour lui-même. "Vous me cherchez, non parce que vous voyez des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains que je vous ai donnés. Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle". Vous me cherchez pour autre chose: cherchez-moi pour moi-même: il nous laisse, en effet, à penser qu'il est lui-même cette nourriture cela ressort des paroles qui suivent: "Et que le Fils de l'homme vous donnera". A l'entendre, tu croyais, ce me semble, manger encore une fois du pain, te rasseoir sur l'herbe, être à nouveau rassasié. Mais il a dit: "Non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle". Il avait déjà tenu le même langage à la Samaritaine: "Si tu savais celui qui te dit: Donne-moi à boire, tu lui en aurais peut-être demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive". Comment cela? dit-elle: Vous n'avez aucun moyen de tirer de l'eau, le puits est profond. Jésus lui répondit: "Si tu savais celui qui te dit: Donne-moi à boire, tu lui en aurais peut-être demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive. Celui qui boira de cette eau, n'aura jamais soif; mais quiconque boira de l'eau de ce puits, aura encore soif". Cette femme, qui se fatiguait à puiser de l'eau, fut transportée de joie et demanda à recevoir de cette eau, dans l'espoir de ne plus souffrir de la soif du corps. Et ce fut en s'entretenant ainsi avec le Sauveur qu'elle en vint à recevoir un breuvage spirituel (1). Ici, il en est absolument de même.

11. "Cette nourriture, qui ne périt pas, mais qui demeure dans la vie éternelle, et que le Fils de l'homme vous donnera, car Dieu le Père l'a scellé de son sceau". Ce fils de l'homme, veuillez ne pas le comparer aux autres enfants des hommes, dont il est écrit: "Les enfants des hommes espèrent à l'ombre de vos ailes (2)". Séparé des autres par une grâce spéciale de l'Esprit-Saint, mais né d'une femme selon la chair, et compté au nombre des autres, il est fils de l'homme; mais ce fils de l'homme est aussi Fils de Dieu: il est homme et Dieu tout ensemble. En une autre circonstance, il interrogeait ses disciples . "Que dit-on du Fils de l'homme? Ils lui répondirent: Les uns disent: c'est Jean-Baptiste; les autres: Elie; d'autres: Jérémie ou un autre d'entre les Prophètes. Jésus leur dit: Et vous? Qui dites-vous que je suis? Pierre lui répondit: Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant (3)". Jésus dit de lui-même qu'il est le Fils de l'homme, et Pierre reconnaît hautement qu'il est le Fils de Dieu. Jésus rappelait par là, avec raison, ce qu'il avait bien voulu paraître par bonté pour nous: Pierre faisait allusion à l'éternelle lumière au sein de laquelle il demeurait. Le Verbe de Dieu nous parle de ses humiliations, Pierre reconnaît en lui la splendeur de son Dieu. De fait, mes frères, il me parait juste qu'il en soit ainsi. Jésus s'est humilié à cause de nous: glorifions-le donc ce n'est pas pour lui-même qu'il est devenu fils de l'homme: c'est pour nous. C'est ainsi qu'il est devenu le fils de l'homme, puisque "le Verbe s'est fait chair et qu'il a habité parmi nous (4)". Et voilà pourquoi "Dieu le Père l'a marqué de son sceau". Qu'est-ce qu'apposer notre marque, sinon appliquer sur un objet quelque chose qui nous soit personnel? Sceller de son sceau n'est donc

1. Jn 4,5-26. - 2. Ps 35,8. - 3. Mt 16,13-16. - 4. Jn 1,14.

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autre chose que placer un signe qui ne puisse être pris pour un autre: sceller de son sceau, c'est donc imprimer un signe sur un objet. Tu apposes une marque sur un objet quelconque donc, tu fais sur lui une empreinte afin de pouvoir le reconnaître et ne pas le confondre avec d'autres. "Le Père l'a" donc "marqué de son sceau". Il lui a donc imprimé un signe distinctif qui empêche de le comparer aux autres hommes. Aussi, en parlant de lui,le Prophète a-t-il dit: "Dieu,votre Dieu, vous a sacré d'une onction de joie qui vous élève au-dessus de tous ceux qui doivent la partager (1)". Qu'est-ce donc que marquer de son sceau? C'est mettre dans un rang à part: c'est, en d'autres termes, établir une préférence entre une personne et ses copartageants. Veuillez donc, nous dit-il, ne pas me mépriser parce que je suis fils de l'homme: demandez-moi, "non 1e pain qui périt, mais celui qui demeure pour la vie éternelle". Car je suis de telle manière le fils de l'homme, que vous ne devez point me considérer comme l'un d'entre vous, et que Dieu le Père m'a marqué de son sceau. Il m'a marqué de sou sceau, qu'est-ce à dire? Il a imprimé sur moi un signe particulier, en vertu duquel je dois délivrer tous les hommes au lieu de me confondre avec eux.

12. "Tous lui dirent donc: Que ferons-nous pour accomplir les oeuvres de Dieu?" Car il leur avait dit lui-même: "Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle".- "Que ferons-nous?" Par quelles oeuvres pourrons-nous accomplir ce commandement? "Jésus répondit: L'oeuvre de Dieu, c'est de croire en Celui qu'il a envoyé". Voilà donc ce qui s'appelle manger, "non le pain qui périt, mais celui qui demeure pour la vie éternelle". Pourquoi tenir prêts tes dents et ton estomac? Crois, et tu auras pris cette nourriture. En effet, la foi se distingue des oeuvres, selon ces paroles de l'Apôtre: "L'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi (2)". Et il y a des oeuvres

qui paraissent bonnes, sans la foi en Jésus-Christ; niais, en réalité, elles ne le sont point, arec qu'elles ne se rapportent pas à cette fin, qui donne du mérite à nos oeuvres. "Car Jésus-Christ est la fin de la loi, pour justifier

1. Ps 45,8. - 2. Rm 3,28.

ceux qui croiront (1)". Il n'a donc pas voulu séparer la foi des oeuvres, mais il a déclaré que la foi est une oeuvre; car c'est la foi qui agit par. la charité (2). Et il n'a pas dit: Votre oeuvre, mais "l'oeuvre de Dieu, c'est de croire en Celui qu'il a envoyé"; il s'est exprimé ainsi, afin que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur (3). Mais parce qu'il les excitait à croire en lui, ceux-ci lui demandaient aussi des prodiges qui les porteraient à croire. Vois si vraiment les Juifs ne réclament pas des miracles. Ils lui dirent donc: "Quel signe faites-vous, afin que nous le voyions et que nous croyions en vous? Quelles sont vos oeuvres?" Pour eux, était-ce peu de chose d'avoir été nourris avec cinq pains? Non, ils le savaient bien; mais à cette nourriture, ils préféraient encore la manne du ciel. Pour le Seigneur Jésus, il parlait de lui. même de telle façon qu'il se plaçait au-dessus de Moïse; car celui-ci n'a jamais osé dire de soi qu'il donnait, non un pain périssable, "mais un pain qui demeure pour la vie éternelle". Jésus promettait donc plus que Moïse. Les promesses de celui-ci avaient, en effet, pour objet un royaume, une terre où coulaient le lait et le miel, une paix temporelle, un grand nombre d'enfants, la santé du corps, et tous les autres avantages de cette vie. De pareils biens étaient, sans doute, matériels, mais, en définitive, ils étaient la figure des biens spirituels. Ces promesses s'adressaient au vieil homme et sous l'empire de l'ancienne alliance. Les hommes qui suivaient le Sauveur, établissaient donc un parallèle entre les promesses de Moïse et celtes du Christ. De la part du premier, ils avaient en perspective toutes les satisfactions terrestres; mais c'était un aliment périssable: de la part du Sauveur, ils devaient recevoir, "non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle". Ils remarquaient que ses promesses étaient plus grandes, mais aussi qu'il opérait de moindres prodiges. Ils se rappelaient ceux de Moïse, et ils étaient disposés à en demander de plus frappants encore à celui qui leur faisait de si belles promesses. Que faites-vous, lui dirent-ils, tour que nous croyions en vous? Veux-tu être certain qu'ils comparaient les miracles de Moïse à celui de la multiplication des pains, et qu'ils regardaient comme les moindres

1. Rm 10,4 - 2. Ga 5,6. - 3. 1Co 1,31.

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ceux qu'opérait Jésus? En voici la preuve ils ajoutèrent: "Nos pères ont mangé la manne au désert". Mais qu'est-ce que la manne? Vous en avez peut-être une petite idée: "Ainsi qu'il est écrit, il leur a donné du manne pour nourriture". Moïse a obtenu pour nos pères un pain venu du ciel, et, pourtant, Moïse ne leur a pas dit: "Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure dans la vie éternelle"; et, néanmoins, il a opéré des prodiges bien autres que les vôtres. Il ne nous a pas distribué du pain d'orge, il nous a donné une manne venue du ciel.

13. "Jésus donc leur dit: En vérité, en vérité je vous le dis: Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel; mais mon Père vous donne, le véritable pain du ciel; car le pain qui descend du ciel est le vrai pain, et il donne la vie éternelle". Le vrai pain, c'est donc celui qui descend du ciel (2) c'est celui-là même, dont je vous ai parlé tout à l'heure: "Travaillez, non pour le pain qui périt, mais pour celui qui demeure dans la vie éternelle". La manne elle-même en était la figure, et tous les prodiges de Moïse préfiguraient les miens. Vous admirez des miracles qui annonçaient tes miens, et à ceux dont ils étaient l'annonce et l'image, vous ne faites pas attention? Donc, Moïse n'a point donné un pain venu du ciel: pour Dieu, il donne du pain; mais quel pain? serait-ce de la manne? Non; c'est le pain dont elle était la figure: c'est,en d'autres termes, Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. "Mon Père vous donne le véritable pain, car le pain de Dieu, c'est celui qui est descendu du ciel et qui donne la vie au monde. Ils lui dirent donc: "Seigneur, donnez-nous toujours de ce pain". En une autre circonstance le Sauveur avait déjà dit, dans le même sens, à la Samaritaine: "Quiconque boira de cette eau n'aura jamais soif". Elle avait donné à ces paroles une signification toute matérielle, et cependant elle ne voulait point souffrir du manque d'eau; elle lui répondit donc aussitôt: "Seigneur, donnez-moi de cette eau". Ainsi firent les Juifs: "Seigneur, donnez-nous de ce pain", qui répare nos forces et ne nous fasse jamais défaut.

14. "Et Jésus leur dit: Je suis le pain de vie: celui qui vient à moi n'aura pas faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif". Ces paroles: "Celui qui vient à moi", sont les mêmes que ces autres: "Celui qui croit en moi"; et celles-ci: "n'aura pas faim", sont corrélatives à celles-là: "n'aura jamais soif". Car toutes deux indiquent une satiété sans fin, qui ne fera jamais place à aucun besoin. Vous désirez un pain venu du ciel: il est devant vous, et vous n'en profitez pas. "Mais je vous l'ai dit: Vous m'avez vu, et vous n'avez pas cru en moi". Néanmoins, je ne nie trouve pas pour cela sans peuple, car votre infidélité serait-elle capable d'anéantir toute croyance en Dieu (1)? Ecoute, en effet, ce qui suit: "Tout ce que mon Père me donne viendra à moi,et celui qui viendra à moi, je ne le repousserai point dehors". Quel est donc cet intérieur, au dehors duquel on n'est point jeté? C'est un sanctuaire inviolable, c'est une douce retraite. O retraite à l'abri de tout ennui, où l'on n'éprouve l'amertume d'aucune mauvaise pensée, où ne viennent nous tourmenter ni les tentations, ni la douleur! N'est-ce point dans cette retraite bénie que sera admis le bon serviteur, à qui le Seigneur dira: "Entre dans la joie de ton Maître (2)".

15. "Et celui qui viendra à moi, je ne le mettrai pas dehors. Car je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de Celui qui m'a envoyé". Si vous ne chassez pas au dehors celui qui vient à vous, c'est donc parce que vous êtes descendu pour faire, non votre volonté, mais la volonté de celui qui vous a envoyé. Ineffable mystère! Je vous en conjure: frappons tous ensemble à la porte de ce sanctuaire, afin qu'il en sorte de quoi nous sustenter comme il en est sorti de quoi nous charmer. "Celui qui viendra à moi": quelle douce, quelle admirable retraite! Attention! Attention! Pèse bien ces paroles: "Celui qui viendra à moi, je ne le mettrai pas dehors". Il dit donc: "Celui qui viendra à moi, je ne le mettrai pas dehors". Pourquoi cela? "Parce que je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé". Vous êtes descendu du ciel pour faire, non votre volonté, mais la volonté de Celui qui vous a envoyé: est-ce bien là le motif pour lequel vous ne mettez pas dehors celui qui vient à vous? Oui, c'est lui. Pourquoi le lui

1. Rm 3,3. - Mt 25,23.

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demander, puisqu'il nous le dit lui-même? Il ne nous est pas permis d'en supposer un autre que celui qu'il nous indique. "Celui qui viendra à moi, je ne le mettrai pas dehors"; et comme si tu cherchais à en connaître la cause, il ajoute: "Parce que je suis venu faire, non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé". Je crains bien que certaines âmes ne se soient vues rejetées de Dieu pour avoir été orgueilleuses: le doute à cet égard ne m'est pas même permis. De fait, il est écrit: "Le principe de tout péché, c'est l'orgueil", et "le principe de l'orgueil dans l'homme, c'est l'éloignement de Dieu". Cela est écrit, cela est positif, cela est certain. Et à propos du mortel orgueilleux, au sujet de cet être qui n'est couvert que de lambeaux de chair, qui plie sous le poids d'un corps destiné à pourrir, et qui pourtant s'élève à ses propres yeux parce qu'il oublie de quelle nature est son vêtement de peau, l'Ecriture s'exprime ainsi: "De quoi la terre et la cendre peuvent-elles s'enorgueillir? De quoi sont-elles si fières?" Qu'elles disent: "Pourquoi l'homme s'élève. Parce qu'il a, durant sa vie; jeté toutes ses entrailles (1)". Que veut dire ce mot: "il a jeté", sinon il a jeté? C'est s'en aller au dehors. Entrer en soi-même, veut dire: rechercher ce qui est à l'intérieur; jeter ses entrailles, signifie: se jeter dehors. L'orgueilleux jette hors de lui ses entrailles, l'homme humble s'y attache; si l'orgueil nous fait sortir de nous-mêmes, l'humilité nous y fait rentrer.

16. La source de toutes les maladies de l'âme, c'est l'orgueil, parce qu'il est la source de toutes les iniquités. Lorsqu'un médecin entreprend une cure, s'il ne s'enquiert que des effets produits par une cause quelconque, sans chercher à découvrir cette cause elle-même, il peut bien pour un temps remédier au mal, mais tôt ou tard la maladie reparaît, parce que la cause en est toujours subsistante. Je me sers d'un exemple pour mieux expliquer ma pensée. Les humeurs produisent, dans le corps où elles se trouvent, la gale ou des ulcères; de là une fièvre violente, des douleurs insupportables: on s'empresse d'apporter des remèdes pour faire disparaître la gale et calmer les ardeurs occasionnées par la formation des ulcères; on les applique, ils

1. Si 10,15 Si 14,9-10.

produisent leur effet; on croirait guéri l'homme que l'on voyait jadis couvert de gale ou de plaies hideuses; mais parce qu'il n'a pas été purgé, les abcès ne tardent pas à reparaître. Le médecin s'en aperçoit; il débarrasse le malade de ses humeurs, et c'en est fini avec ses ulcères. D'où viennent les iniquités nombreuses? De l'orgueil: détruis-le en toi, et tu n'y verras plus le péché. Afin de détruire la cause de toutes les maladies de notre âme, c'est-à-dire notre orgueil, le Fils de Dieu est descendu sur la terre et s'est fait humble. O homme, pourquoi t'enorgueillir? C'est à cause de toi que Dieu s'est fait humble. Il te répugnerait sans doute de suivre un homme dans la voie de l'humilité, imite du moins t'humilité d'un Dieu. Le Fils de Dieu s'est incarné, il s'est fait humble: il te commande d'être humble, mais pour accomplir ses ordres, il n'est pas nécessaire pour toi de cesser d'être un homme et de t'abaisser au niveau de la brute. Tout Dieu qu'il était, le Verbe s'est fait homme; pour toi, ô homme, reconnais que tu es un homme: toute ton humilité consiste à savoir qui tu es. Parce qu'il te recommande l'humilité, le Sauveur a dit: "Je suis venu pour dire, non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé". Voilà bien une vraie leçon d'humilité. En effet, l'orgueilleux fait sa propre volonté: L'homme humble fait celle de Dieu. C'est pourquoi "celui qui viendra à moi, je ne le mettrai pas dehors". Pourquoi? Parce que "je suis venu faire, non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé". J'ai apparu humble, je suis venu enseigner à devenir humble, je suis le docteur de l'humilité. Celui qui vient à moi, s'incorpore à moi; celui qui vient à moi, devient humble; celui qui s'attache à moi, pratique l'humilité; car il fait, non point sa propre volonté, mais celle de Dieu; aussi ne le mettrai-je pas dehors, bien que je l'aie rejeté loin de moi, lorsqu'il était orgueilleux.

17. Le Psalmiste appelle notre attention sur ces choses intérieures: "Les enfants des hommes espéreront à l'ombre de vos ailes". Vois ce que c'est que pénétrer à l'intérieur de Dieu, se mettre sous sa protection, courir même au-devant des coups de ce bon Père. Car il châtie tous ceux qu'il reçoit au nombre de ses enfants. "Les enfants des hommes [523] espéreront à l'ombre de vos ailes". Et que trouveront-ils dans l'intérieur de Dieu? "Ils seront enivrés de l'abondance de votre maison". Dès que vous les aurez fait entrer, et qu'ils auront goûté la joie de leur Seigneur, "ils seront enivrés de l'abondance de votre maison, et vous les abreuverez au torrent de vos délices, parce qu'en vous se trouve la source de la vie". Ce n'est point à l'extérieur, en dehors de vous que se trouve la source de la vie, c'est au dedans de vous, à l'intérieur. "Et, dans votre lumière, nous verrons la lumière. Etendez votre miséricorde sur ceux qui vous connaissent, et votre justice sur ceux qui ont le coeur droit". Ceux qui suivent la volonté de leur Dieu, ceux qui recherchent, non leurs intérêts, mais les intérêts de Notre-Seigneur Jésus-Christ, voilà les hommes qui ont le coeur droit, voilà les hommes dont les pas ne chancellent point; car "le Dieu d'Israël est bon pour ceux qui ont le coeur droit". Mes pas, ajoute le Psalmiste, "ont presque chancelé". Pourquoi? "Parce que je me suis indigné contre l'insensé, en voyant la paix des impies (1)". Pour qui donc Dieu serait-il bon, sinon pour ceux qui ont le coeur droit? Pour moi, qui ai le coeur tordu, li conduite de Dieu m'a déplu. Pour quel motif? Parce qu'il a accordé le bonheur aux méchants: et mes pieds ont chancelé, comme si j'avais inutilement servi Dieu. Mes pieds se sont presque dérobés sous moi: c'était donc parce que je n'avais pas le coeur droit. Mais qu'est-ce qu'un coeur droit? C'est celui qui suit la volonté divine. Celui-ci est heureux, celui-là souffre; celui-ci mène une mauvaise conduite, et rien ne manque à son bonheur celui-là subit toutes sortes d'épreuves, et pourtant sa vie est exemplaire. Que l'homme dont la vie se passe dans la pratique du bien ne s'emporte point parce qu'il se voit en butte à l'infortune; il a une retraite intérieure que ne possède pas le pécheur heureux: qu'il ne se laisse donc aller ni à la tristesse, ni au découragement, ni à la défaillance. L'un possède de l'or dans ses coffres, l'autre possède Dieu en sa conscience: établis maintenant une comparaison entre l'or et Dieu, entre ces coffres et cette conscience. Le premier possède un or périssable, qu'il lui faudra quitter plus tard; le second

1. Ps 72,1-3.

est en possession de Dieu, qui vivra toujours, et dont rien ne pourra le séparer; mais pour cela faut-il qu'il ait le coeur droit; car alors il entre et ne sort pas. Voilà pourquoi le Prophète disait: "Parce qu'en vous, non pas en nous, se trouve la source de la vie". Cherchons donc à entrer, afin de trouver la vie, et ne cherchons, ni à nous suffire à nous-mêmes, car nous trouverions la mort; ni en quelque sorte à nous contenter de l'aliment de notre seule volonté, car nous dépéririons; mais appliquons nos lèvres à cette fontaine qui ne tarit jamais. Parce que Adam n'a voulu clans sa conduite écouter que ses propres inspirations, il est tombé sous les efforts de l'ange que l'orgueil avait déjà arraché du ciel, et qui l'a fait boire lui-même à la coupe de l'orgueil. Il est écrit: "En vous se trouve la source de la vie; et dans votre lumière nous verrons la lumière". Abreuvons-nous donc en Dieu, portons sur lui nos regards. Pourquoi sort-on de lui? écoute, le voici: "Que je n'aie point un pied orgueilleux". Il sort donc de Dieu, celui qui a un pied orgueilleux. Donnes-en la preuve. "Et que la main des impies ne m'ébranle pas", à cause de mon pied orgueilleux. Pourquoi t'exprimer ainsi: "Voilà l'écueil des ouvriers d'iniquité?" Quel est cet écueil? Nul autre que l'orgueil. "Ils y sont tombés et ne pourront s'en relever (1)". Si l'orgueil précipite au dehors des hommes qui ne pourront plus se tenir debout, l'humilité en fait entrer qui se tiendront éternellement debout. Voilà pourquoi avant de dire: "Mes os humiliés tressailliront", le Prophète s'était exprimé ainsi: "Vous ferez retentir à mon oreille la joie et l'allégresse (2)". Que veut dire: "à mon oreille?" En vous écoutant, je suis heureux: les accents de votre voix me comblent de bonheur. Je m'abreuve en vous, et j'y puise la félicité. C'est pourquoi je ne tombe pas; c'est pourquoi mes "os humiliés tressailliront"; c'est pourquoi encore "l'ami de l'époux se tient debout et "l'écoute (3)". Il se tient debout, parce qu'il écoute. Il s'abreuve à la source intérieure de Dieu: aussi se tient-il debout. Pour ceux qui n'ont pas voulu puiser à cette source d'eaux vives, "voilà leur écueil: ils y sont tombés et ne s'en relèveront pas".

18. Le Maître de l'humilité n'est donc parvenu pour faire sa volonté, mais pour faire

1. Ps 35,8-13. - 2. Ps 50,10. - 3. Jn 3,29.

524

la volonté de Celui qui l'a envoyé. Allons donc à lui, pénétrons en lui, incorporons-nous à lui, afin de faire, non pas notre volonté propre, mais celle de Dieu. De la sorte, il ne nous mettra pas dehors, parce que nous serons ses membres, et qu'en nous enseignant l'humilité, il a voulu être notre chef. Enfin, écoutez cette autre leçon du Sauveur: "Venez à moi, vous tous qui souffrez et qui êtes accablés: prenez mon joug sur vos épaules et apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur"; et quand vous l'aurez appris, "vous trouverez le repos de vos âmes (1)". Apprenez aussi que ce qui vous empêchera d'être rejetés loin de Dieu, c'est "que je suis descendu pour faire, non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m'a envoyé". Je vous enseigne l'humilité: personne, à moins d'être humble, ne peut venir à moi. Dieu ne repousse loin de lui que les orgueilleux; pourrait-il en éloigner de même celui qui conserve l'humilité et ne s'en écarte pas? Mes frères, j'ai dit tout ce qu'il m'était possible de dire sur le sens caché de ce passage; car il renferme un sens profondément mystérieux. Je ne sais, à vrai dire, si je me suis convenablement exprimé pour le bien exposer et faire ressortir, si j'ai expliqué suffisamment qu'il ne rejette pas l'homme qui vient à lui, par cette raison qu'il est venu faire, non pas sa propre volonté, mais la volonté de Celui qui l'a envoyé.

19. "Et telle est", dit-il, la volonté de "mon Père, qui m'a envoyé, c'est que je ne

1. Mt 11,28-29.

perde aucun de ceux qu'il m'a donnés". Celui qui garde l'humilité, lui a été donné: le Sauveur le reçoit; mais celui qui n'est pas humble, est bien loin du maître de l'humilité: "C'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés. La volonté de votre Père est qu'aucun de ces petits ne périsse". Parmi les orgueilleux, il en est qui peuvent périr; parmi les humbles, on n'en voit périr aucun. "Si vous ne devenez pareils à ce petit enfant, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (1). Je ne perdrai aucun de ceux que mon Père m'a donnés, mais je les ressusciterai au dernier jour". Voyez comme il distingue ici cette double résurrection. "Celui qui vient à moi", celui de mes membres qui devient humble, ressuscite déjà maintenant; de plus, "je le ressusciterai au dernier jour", selon la chair. "Car c'est la volonté de mon Père, qui m'a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour". Il avait dit plus haut: "Celui qui écoute ma parole, et croit à Celui qui m'a envoyé". Il dit ici: "Celui qui voit le Fils et croit en lui". Il ne dit pas: Celui qui voit le Fils et croit au Père; car, croire au Fils, c'est croire au Père, parce que "comme le Père a la vie en soi, ainsi a-t-il donné au Fils d'avoir en soi la vie (2). Afin que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle"; en croyant, et en passant à la vie, par une première résurrection. Mais, parce qu'elle n'est pas la seule, il ajoute: "Je le ressusciterai au dernier jour".

1. Mt 18,14. - 2. Jn 5,24-26.




Augustin, De la Genèse 209