Augustin sur Jean 73

73

SOIXANTE-TREIZIÈME TRAITÉ.

ENCORE SUR LA MÊME LEÇON.

Jn 14,12

CONDITIONS ET EFFETS DE LA PRIÈRE.


Si l'on a la foi, on obtient tôt ou tard ce qu'on demande, parce qu'on le demande pour une bonne fin et au nom de Jésus-Christ.


1. Le Seigneur promit de grandes choses à ceux des siens qui espèrent en lui, lorsqu'il dit: "Parce que je vais vers le Père, tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai". Il est donc allé vers le Père, de manière cependant à ne pas les laisser dans le besoin, mais à exaucer leurs prières. Mais que veut dire, "tout ce que vous demanderez", puisque nous voyons très-souvent les fidèles demander et ne pas obtenir? Ne serait-ce point parce qu'ils demandent mal? C'est en effet le reproche que fait l'apôtre Jacques. a Vous demandez et vous ne recevez pas, "parce que vous demandez mal, ne cherchant qu'à satisfaire vos passions (1)". C'est par un effet de la miséricorde de Dieu qu'on n'obtient pas, si l'on doit mal user de ce qu'on demande. C'est pourquoi, si nous lui demandons



1. Jc 4,3.


des choses qui nous seraient nuisibles, nous devons bien plutôt craindre de voir un effet de sa colère dans l'obtention de ce qu'il nous refuserait dans sa miséricorde. Ne savons-nous pas que les Israélites obtinrent pour leur malheur ce qu'ils demandaient sous l'influence d'une passion coupable? ils désirèrent manger de la chair (1). Et pourtant la manne tombait du ciel pour eux, ils étaient dégoûtés de ce qu'ils avaient, et ils demandaient impudemment ce qu'ils n'avaient pas: comme s'il n'eût pas mieux valu peureux demander, non pas que la nourriture qui leur manquait fût accordée à leur désir coupable; mais que, guéris de leur dégoût ils pussent prendre celle qu'ils avaient. En effet, quand le mal nous réjouit et que le bien ne nous plaît pas, nous devons plutôt demander à Dieu qu'il



1. Nb 11,32.


15



nous donne le goût des choses bonnes que de nous en accorder de mauvaises. Sans doute, il n'est pas mauvais de se nourrir de chair, ainsi que l'Apôtre le dit à cette occasion: "Toute créature de Dieu est bonne, et il ne faut rien rejeter de ce qui se mange avec action de grâces (1). Mais, comme dit le même Apôtre: "Il est mal à un homme de manger avec scandale (2)"; et s'il en est ainsi quand il y a scandale pour l'homme, combien plus en est-il ainsi lorsque Dieu lui-même en est offensé? Et ce n'était pas, de la part des Israélites, une légère offense à l'égard de Dieu, que de repousser ce que leur donnait la sagesse, et de demander ce que désirait leur appétit déréglé! Cependant ils ne demandaient pas, mais ils murmuraient au sujet de ce qui leur manquait: par là nous devons apprendre que les créatures de Dieu ne sont pas coupables, mais seulement notre désobéissance et nos désirs déréglés; ce n'est pas à cause de la viande de porc, mais à cause d'un fruit, que le premier homme ai trouvé la mort (3). Et Esaü a perdu son droit d'aînesse, non pas pour une poule, mais pour des lentilles (4).

2. Comment donc faut-il entendre ces mots "Tout ce que vous demanderez, je le ferai", si Dieu refuse aux fidèles, même pour leur bien, les choses qu'ils lui demandent? Devons-nous Croire que cette parole n'a été adressée qu'aux Apôtres? Loin de nous cette pensée. Ce qui, en effet, a amené le Christ à prononcer cette parole, c'est qu'il avait dit plus haut: "Celui qui croit en moi, fera les oeuvres que je fais, et il en fera de plus grandes". Ç'a été le sujet du précédent discours. Pour nous empêcher de nous attribuer ces oeuvres plus grandes, et montrer que c'est encore lui qui les faisait, il ajoute: "Parce que je vais à mon Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai". Est-ce que les Apôtres sont les seuls qui aient cru en lui? En disant: "Celui qui croit en moi", il s'adressait à tous ceux au nombre desquels, grâce à lui, nous nous trouvons nous-mêmes, et pourtant, nous ne recevons pas tout ce que nous demandons. Mais, à ne considérer que les bienheureux Apôtres, nous voyons que celui; qui a travaillé plus que tous les autres, ou du moins avec qui la



1. 1Tm 4,4. - 2. Rm 14,20. - 3. Gn 3,6. - 4. Gn 25,34.


grâce de Dieu a le plus travaillé (1), a trois fois demandé au Seigneur que l'ange de Satan s'éloignât de lui; néanmoins il n'a pas obtenu ce qu'il demandait (2). Que dire, mes très-chers frères? Penserons-nous que cette promesse ainsi exprimée: "Tout ce que vous demanderez, je le ferai", n'a pas été accomplie même pour les Apôtres? A l'égard de qui tiendra-t-il donc ses promesses, s'il a ainsi trompé ses Apôtres?

3. Eveille-toi, ô homme fidèle, et remarque attentivement la condition exigée ici: "En mon nom"; il n'est pas dit: "Tout ce que vous demanderez", de quelque manière que ce soit; mais il est dit: "en mon nom". Et Celui qui nous a promis un si grand bienfait, comment s'appelle-t-il? Il s'appelle Jésus-Christ: Christ signifie roi, Jésus signifie Sauveur. Il est sûr que celui qui nous sauvera, ce n'est pas un roi quelconque, ce sera le roi Sauveur. Par conséquent, tout ce que nous demandons contre le bien de notre salut, nous ne le demandons pas au nom du Sauveur. Et cependant il est toujours Sauveur, non-seulement quand il fait ce que nous demandons, mais même quand il ne le fait pas. Car dès lors qu'il nous voit demander des choses opposées à notre salut, il se montre vraiment notre Sauveur en ne nous les accordant pas. Dans les demandes des malades, le médecin distingue ce qui est favorable à leur santé, et ce qui peut lui être contraire; c'est pourquoi, lorsque l'infirme demande ce qui peut lui faire du mal, le médecin le lui refuse dans l'intérêt de sa santé. Ainsi en est-il pour nous: si nous voulons que Notre-Seigneur fasse tout ce que nous demanderons, ne demandons pas d'une manière quelconque, mais demandons en son nom, c'est-à-dire au nom du Sauveur, ne demandons rien qui soit contraire à notre salut: car s'il le faisait, il n'agirait plus comme Sauveur; et pourtant, voilà ce qu'il est pour ses fidèles. Car, pour les pécheurs, il est leur juge, tandis que pour les fidèles il est assez bon pour être leur Sauveur. Quand donc on croit en lui, tout ce qu'on demandera en ce nom qu'il porte comme Sauveur de ceux qui croient en lui, il le fera parce qu'il le fait comme Sauveur. Mais si celui qui croit en lui demande par ignorance quelque chose qui soit contraire à son salut, il ne demande pas au nom du Sauveur. Car Jésus



1. 1Co 15,10. - 2. 2Co 12,8.


ne serait pas son Sauveur, s'il faisait ce qui empêcherait le salut de son serviteur. C'est pourquoi il vaut bien mieux qu'il ne fasse pas la chose pour laquelle on l'invoque, et qu'il fasse celle à cause de laquelle il mérite son nom. Aussi Jésus, qui est non-seulement un Sauveur, mais encore un bon maître, veut pouvoir faire tout ce que nous demanderons, et, pour cela, dans la prière qu'il nous a enseignée, il nous a appris ce que nous devons demander, afin de nous faire comprendre que nous ne demandons pas au nom du maître, quand ce que nous demandons est au-delà de la règle qu'il nous a laissée.

4. Sans doute, il ne fait pas toujours sur l'heure tout ce que nous demandons en son nom, c'est-à-dire en tant qu'il est notre Sauveur et notre maître, mais cependant il le fait. En effet, même quand nous lui demandons que le règne de Dieu arrive, on ne peut pas dire qu'il ne fait pas ce que nous demandons, parce que tout aussitôt nous ne régnons pas avec lui dans l'éternité. Ce que nous demandons est différé, mais n'est pas refusé. Toutefois, quand nous prions, ne nous lassons pas plus que ceux qui sèment: au temps convenable nous moissonnerons (1). Et en même temps que nous demandons comme il faut, demandons-lui qu'il ne fasse pas ce que nous ne demandons pas comme il faut; c'est à cela que se rapporte ce que nous lui disons dans l'oraison dominicale: "Ne nous induisez point en tentation (2)". Car ce n'est point une petite tentation, que de demander ce qui est contre toi. Mais il ne faut pas manquer de faire attention à ce que Notre-Seigneur ajoute, pour nous empêcher de penser que ce qu'il promet de faire à ceux qui le prieront, il doit le faire sans le Père. Après avoir dit: "Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai", il ajoute aussitôt: "Afin que le Père soit glorifié dans le Fils, si vous demandez quelque chose en mon nom, je le fais". Ce que fait le Fils, il ne le fait donc pas sans le Père, puisqu'il le fait, afin que le Père soit glorifié en lui. Le Père fait donc ces choses dans le Fils, afin que le Fils soit glorifié dans le Père, et le Fils les fait dans le Père, afin que le Père soit glorifié dans le Fils: car le Père et le Fils sont un.

1. Ga 6,9. - 2. Mt 6,9-13.



74

SOIXANTE-QUATORZIÈME TRAITÉ

Jn 14,15-17

LE DON DE L'ESPRIT-SAINT

DEPUIS CES PAROLES: "SI NOUS M'AIMEZ GARDEZ MES COMMANDEMENTS", JUSQU'À CES AUTRES "IL DEMEURERA CHEZ VOUS ET IL SERA EN VOUS".



Pour accomplir le moindre devoir, il faut l'assistance du Saint-Esprit; mais pour le posséder parfaitement, d'une manière permanente et intime, pour le bien connaître, il est indispensable d'observer les commandements de Jésus-Christ. Nous recevons donc le Saint-Esprit dans une mesure proportionnée à notre fidélité à ses ordres.



1. Nous l'avons entendu, mes frères, dans cette leçon de l'Evangile. Notre-Seigneur nous a dit: "Si vous m'aimez, gardez mes commandements, et je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu'il a demeure éternellement avec vous, l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point. Mais vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera avec vous et qu'il sera en vous". Il y a beaucoup de questions à faire sur ce peu de paroles de Notre-Seigneur; mais c'est pour nous une grande entreprise de chercher à découvrir tout ce qui s'y trouve renfermé, et encore plus de trouver tout ce que nous y chercherons. Cependant, autant que le Seigneur voudra bien nous en faire la grâce, selon notre capacité et aussi selon la vôtre, (18) nous serons attentifs, nous à ce que nous devons dire, et vous à ce que vous devez entendre. Recevez donc par nous, très-chers frères, ce que nous pouvons vous donner; et ce qu'il nous est impossible de vous expliquer, demandez-le au Seigneur. Jésus-Christ promet à ses Apôtres l'Esprit consolateur; mais voyons de quelle manière il le leur promet: "Si vous m'aimez", leur dit-il, "gardez mes commandements, et je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, l'Esprit de vérité, afin qu'il demeure éternellement avec vous". Cet Esprit est évidemment le Saint-Esprit de la Trinité, que la foi catholique reconnaît comme étant consubstantiel et coéternel au Père et au Fils. C'est de lui que l'Apôtre nous dit . "L'amour de Dieu a été "répandu dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (1)". Comment donc Notre-Seigneur dit-il: "Si vous m'aimez, gardez. mes commandements, et moi je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur"; puisque cet Esprit-Saint dont il parle est celui-là même sans lequel nous ne pouvons ni aimer Dieu, ni garder ses commandements? Comment aimerons-nous pour recevoir Celui sans lequel nous ne pouvons rien aimer? Ou bien, comment garderons-nous les commandements, pour recevoir celui sans lequel nous ne pouvons les garder? Ou bien, y aurait-il préalablement en nous un amour qui nous ferait aimer Jésus-Christ, de telle sorte qu'en aimant Jésus-Christ et en observant ses commandements, nous mériterions de recevoir le Saint-Esprit, et que l'amour, non pas de Jésus-Christ, puisque cet amour nous l'aurions d'avance, mais l'amour de Dieu le Père serait répandu dans nos coeurs par l'EspritSaint, qui nous a été donné? Cette pensée est mauvaise, car celui qui croit aimer le Fils, et n'aime pas le Père, celui-là n'aime pas même le Fils; il n'aime que le fantôme qu'il s'est forgé à lui-même. D'ailleurs, c'est une parole expresse de l'Apôtre que "personne ne "peut dire: Seigneur Jésus, si ce n'est par le Saint-Esprit (2)". Et qui peut dire: Seigneur Jésus, de la manière que l'entendait l'Apôtre, sinon celui qui l'aime? Plusieurs, en effet, le disent de bouche, mais le nient dans leur coeur et par leurs actes. C'est de ceux-là qu'il a dit: "Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le nient par leurs oeuvres (3)". Si c'est



1. Rm 5,5. - 2. 1Co 12,3. - 3. Tt 1,16.


par les oeuvres qu'on le renonce, assurément c'est aussi par les oeuvres qu'il faut le confesser. "Personne donc ne dit: Seigneur Jésus" d'esprit, de parole, de fait, de coeur, de bouche et d'action, personne ne dit: Seigneur Jésus, sinon par le Saint-Esprit"; et personne ne le dit ainsi, à moins de l'aimer. Les Apôtres disaient déjà de la sorte: "Seigneur Jésus", et ils le disaient ainsi sans fiction aucune; s'ils le confessaient de bouche sans le nier dans leur coeur et par leurs actes; s'ils le disaient en toute vérité, c'est qu'évidemment ils l'aimaient. Mais comment pouvaient-ils l'aimer, sinon par l'Esprit-Saint? Pourtant ils doivent d'abord aimer Jésus et garder ses commandements, afin de recevoir le Saint-Esprit, sans lequel ils ne peuvent ni aimer ni garder les commandements.

2. Il faut donc reconnaître que celui qui aime a déjà l'Esprit-Saint, et que l'ayant, il mérite de l'avoir encore à un degré plus éminent et qu'ainsi son amour augmente. Les disciples avaient donc déjà l'Esprit-Saint que le Seigneur leur promettait, et sans lequel ils n'auraient pu l'appeler Seigneur. Mais cependant ils ne l'avaient point encore, dans le sens que le Seigneur le leur promettait. Il est donc vrai de dire qu'ils l'avaient et qu'ils ne l'avaient pas, puisqu'ils ne l'avaient pas encore au degré où ils devaient l'avoir: ils l'avaient bien un peu, mais ils devaient l'avoir davantage. Ils l'avaient d'une manière cachée, ils devaient le recevoir ouvertement. Et ce qui était de nature à augmenter la grandeur du don qui leur était promis, c'est qu'ils devaient savoir pertinemment qu'ils possédaient le Saint-Esprit. C'est de ce don que parle l'Apôtre, lorsqu'il dit: "Pour nous, nous avons reçu, non pas l'esprit de ce monde, mais l'Esprit qui est de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits (1)". Car ce n'est pas une seule fois, mais deux fois, que Notre-Seigneur répandit l'Esprit-Saint sur ses Apôtres d'une manière visible. En effet, peu après sa résurrection, il leur dit en soufflant sur eux: "Recevez l'Esprit-Saint (2)". Parce qu'il le leur donna en ce moment, est-ce qu'il ne leur envoya point plus tard celui qu'il leur avait promis? Ou bien, n'était-ce pas le même qu'il répandit sur eux par son souffle et qu'ensuite il leur envoya du haut du ciel (3)? C'est donc une nouvelle question de savoir



1. 1Co 11,12. - 2. Jn 20,22. - 3. Ac 2,4.


pourquoi cette donation visible du Saint-Esprit a été renouvelée deux fois: ce fut peut-être à cause du double précepte de l'amour de Dieu et du prochain; comme il voulait nous montrer que ce double amour est l'effet du Saint-Esprit, l'infusion de cet Esprit a été renouvelée deux fois d'une manière apparente. Il peut y avoir de ce fait d'autres raisons, mais nous ne sommes pas au moment de chercher à les connaître; car nous prolongerions ce discours outre mesure. Tenons seulement pour constant que sans l'Esprit-Saint nous ne pouvons ni aimer Jésus-Christ, ni garder ses commandements, et que nous ferons ces deux choses plus ou moins parfaitement, selon que nous aurons reçu ce même Esprit avec plus ou moins d'abondance. C'est pourquoi ce n'est pas inutilement que l'Esprit-Saint est promis, non-seulement à celui qui ne l'a pas, mais même à celui qui le possède déjà: par là, celui qui ne l'a pas encore commencera à l'avoir, et celui qui l'a déjà, le possédera en de plus larges proportions. En effet, si l'Esprit-Saint ne pouvait s'obtenir à un degré moindre par les uns, et à un degré plus élevé par les autres, le saint prophète Elysée n'aurait pas dit au saint prophète Elie: "Que l'esprit qui est en vous soit doublé en moi (1)".

3. En prononçant ces mots: a Dieu ne donne "pas son Esprit par mesure (2)", Jean-Baptiste parlait du Fils même de Dieu, car l'Esprit-Saint ne lui a pas été donné par mesure, puisque la divinité habite en lui dans toute sa plénitude (3). En effet, le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme (4), n'a jamais été privé de la grâce du Saint-Esprit; lui-même l'a déclaré; c'est en lui que s'est accomplie cette prophétie: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, c'est pourquoi il m'a rempli de son onction; il m'a envoyé évangéliser les pauvres (5)". Qu'il soit le Fils unique de Dieu, égal au Père, c'est sa nature et non pas un effet de la grâce; mais qu'il se soit uni un homme pour ne faire avec lui qu'une seule personne qui est celle du Fils unique de Dieu, ce n'est plus sa nature, mais un don de la grâce; l'Evangile nous en avertit en ces termes: "Cependant l'enfant croissait et se fortifiait, il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui (6)". Pour les autres hommes, le don de l'Esprit-Saint leur est accordé



1. 2R 11,9. - 2. Jn 3,34. - 3 Col 2,9. - 4. 1Tm 2,5. - 5. Lc 4,18-21. - 6. Lc 2,40.


et augmenté par mesure jusqu'à ce que se comble pour chacun la mesure de la perfection qui lui est propre. C'est pourquoi l'Apôtre nous avertit "de ne pas être plus sages "qu'il ne faut, mais d'être sages avec sobriété selon la mesure de la foi que Dieu a répartie à chacun (1)". Ce n'est pas que l'Esprit-Saint soit partagé; mais il partage ses dons. Il y a diversité de dons spirituels; mais il n'y a qu'un même Esprit (2).

4 Mais quand Jésus dit: "Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet", il montre qu'il est lui-même tin Paraclet. Paraclet est un mot qui, en latin, signifie avocat; or, il est dit de Jésus-Christ: "Nous avons pour avocat auprès du Père Jésus-Christ le juste (3) Ainsi, quand Jésus-Christ a dit que le monde ne pouvait pas recevoir le Saint-Esprit, il a parlé dans le même sens que l'Apôtre en ce passage: "La prudence de la chair est ennemie de Dieu; car elle n'est pas soumise à la loi et ne peut l'être (4)". C'est comme si nous disions: L'injustice ne peut être juste. Par le monde, en cet endroit, Jésus entend ceux qui aiment le monde d'un amour qui ne vient pas du Père (5). C'est pourquoi à l'amour de ce monde, que nous avons tant de peine à diminuer et à détruire en nous, est opposé l'amour de Dieu qui est répandu dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné. "Le monde ne peut donc recevoir cet Esprit, parce qu'il ne le voit pas et ne le connaît point". Car l'amour du monde n'est pas doué de ces yeux invisibles par lesquels on voit le Saint-Esprit, parce qu'il ne peut être vu que d'une manière toute spirituelle.

5. "Mais vous", dit Notre-Seigneur, "vous le connaîtrez, parce qu'il restera avec vous et qu'il sera en vous". Il sera en eux pour y demeurer; il n'y demeurera pas pour y être; car il faut être en un lieu avant d'y demeurer. Mais afin que les disciples n'entendent pas ces paroles: "Il demeurera avec vous", en ce sens qu'il demeurerait visiblement auprès d'eux, à la façon dont un étranger demeure chez son hôte, il explique ces mêmes paroles en ajoutant: "Il sera en vous". Il se voit donc d'une manière invisible; s'il n'est pas en, noua, nous ne pouvons le connaître; car ainsi voyons-nous en nous,



1. Rm 12,3. - 2. 1Co 12,4. - 3. 1Jn 2,1. - 4. Rm 8,7. - 5. 1Jn 2,16.


19



mêmes notre propre conscience. Nous voyons le visage d'un autre, nous ne voyons pas le nôtre; nous voyons notre conscience, et nous ne voyons pas celle d'autrui. Mais notre conscience ne peut être ailleurs qu'en nous, tandis que l'Esprit-Saint peut très-bien être sans nous; c'est pourquoi il nous est donné, afin d'être aussi en nous. Mais nous ne pouvons le voir et le connaître comme il veut être vu et connu, que s'il est en nous.



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SOIXANTE-QUINZIÈME TRAITÉ

Jn 14,18-21

RÉCOMPENSE DE LA FIDÉLITÉ A JÉSUS-CHRIST

DEPUIS CES PAROLES DE JÉSUS-CHRIST: "JE NE VOUS LAISSERAI PAS ORPHELINS", JUSQU'À CES AUTRES: "ET MOI AUSSI JE L'AIMERAI ET JE ME DÉCOUVRIRAI A LUI".


Le Sauveur promet à ses Apôtres, s'ils sont fidèles à ses commandements, non-seulement de se manifester à eux après sa résurrection, mais aussi de leur communiquer la vie éternelle, et de se faire voir à eux pendant l'éternité.



1. Jésus-Christ avait promis à ses disciples de leur envoyer le Saint-Esprit; mais, pour les empêcher de croire qu'il voulait l'envoyer à sa place, et qu'il ne serait plus lui-même avec eux, Notre-Seigneur ajouta ces paroles: "Je ne vous laisserai pas orphelins; je viendrai a à vous". Les orphelins sont des pupilles. Le mot grec d'orphelin a la signification de pupille; car, dans le psaume où nous lisons: "Vous serez le protecteur du pupille (1)", la version grecque porte: protecteur de l'orphelin. Le Fils de Dieu nous a adoptés pour les enfants de son Père, et il a voulu que nous ayons pour Père selon la grâce, celui qui est son Père selon la nature; et néanmoins, il nous témoigne une tendresse toute paternelle lorsqu'il dit: "Je ne vous laisserai pas orphelins; je viendrai à vous". C'est encore pour cela qu'il nous appelle les enfants de l'Epoux, lorsqu'il dit: "L'heure viendra où l'Epoux a leur sera enlevé, et alors les enfants de l'Epoux jeûneront (2)". Quel est l'Epoux, sinon le Seigneur Jésus-Christ?

2. Il dit ensuite: "Encore un peu de temps, et le monde ne me voit plus". Eh quoi! est-ce qu'alors le monde le voyait? puisque par le nom de monde il veut désigner ceux dont il a parlé plus haut en ces termes: "Le monde ne peut recevoir le Saint-Esprit, parce qu'il ne le voit pas et ne le connaît



1. Ps 9,14. - 2. Mt 9,15.


pas". Le monde, assurément, voyait de lui ce qui pouvait se voir des yeux de la chair; mais il ne voyait pas le Verbe divin caché sous le voile de la chair: il voyait l'homme, mais ne voyait pas le Dieu; il voyait le vêtement, mais ne voyait pas celui qui le portait. Après sa résurrection, il laissa voir son corps à ses disciples, il leur permit même de le toucher, mais il ne voulait pas le montrer à ceux qui n'étaient pas du nombre des siens. Aussi est-ce peut-être ce qu'il faut entendre par ces paroles: "Encore un peu de temps, et le monde ne me voit pas; pour vous, vous me verrez, parce que je vis et que vous vivrez".

3. Que signifient ces mots: "Parce que je vis et que vous vivrez?" Pourquoi dit-il qu'il vit lui-même présentement, et que, pour eux, ils vivront plus tard, sinon parce qu'il promettait de leur donner plus tard la vie qui animerait d'abord son corps ressuscité? Et comme sa résurrection allait avoir bientôt lieu, il en parle au temps présent, pour en montrer la proximité. Mais comme la résurrection de ses disciples devait être différée jusqu'à la fin du monde, il ne dit pas: Vous vivez, mais: "Vous vivrez". Ces deux résurrections, la sienne qui devait avoir lieu peu après, et la nôtre qui arrivera à la fin du monde, Notre-Seigneur les a ainsi promises d'une façon élégante et brève, par ces deux mots dont l'un regarde le présent et l'autre (20) l'avenir: "Parce que je vis", dit-il, "et vous aussi vous vivrez". C'est parce qu'il vit que nous vivrons. "Par un homme est venue la a mort, et par un homme viendra la résurrection des morts; car, comme tous meurent en Adam, ainsi tous seront vivifiés en Jésus-Christ (1)". Et comme aucun n'est arrivé à la mort que par Adam, aucun n'arrive à la vie que par Jésus-Christ: parce que nous avons vécu, nous sommes morts; mais c'est parce qu'il a vécu lui-même, que nous vivrons. Nous sommes morts à Jésus-Christ, quand nous vivons pour nous-mêmes. Mais parce qu'il est mort pour nous, il vit et pour lui-même et pour nous. C'est en effet parce qu'il vit, que nous vivons. Nous avons bien pu nous donner la mort à nous-mêmes, mais nous ne pouvons, de même, nous rendre la vie.

4. "En ce jour", dit-il, "vous connaîtrez que je suis dans mon Père et que vous êtes en moi, et moi en vous". En quel jour, sinon en celui auquel il fait allusion en disant: "Et vous vivrez?" Alors nous pourrons voir ce que nous croyons. Maintenant, sans doute, il est en nous, et nous sommes en lui. Mais ce que nous ne faisons que croire maintenant, alors nous le connaîtrons. Et quoique dès à présent la foi nous l'apprenne, alors notre connaissance aura pour base la comtemplation même de la réalité, tant que nous sommes dans un corps pareil au nôtre, c'est-à-dire sujets à la corruption et de nature à appesantir l'âme, nous sommes éloignés du Seigneur, nous marchons à la lueur de la foi et non au flambeau de la claire vue (2). Mais alors nous marcherons à la claire vue; car nous le verrons tel qu'il est (3). Si Jésus-Christ n'était pas en nous, même dès cette vie, l'Apôtre ne dirait pas: "Mais si Jésus-Christ est en nous, le corps est mort à cause du péché, mais l'Esprit est vivant à cause de la justice (4)". Que nous soyons en lui, même



1. 1Co 15,21-22. - 2. 2Co 5,6. - 3. 1Jn 3,2. - 4. Rm 8,10.


dès cette vie, c'est ce que Notre-Seigneur nous montre quand il dit: "Je suis la vigne, vous êtes les branches (1)". En ce jour donc, quand nous vivrons de cette vie qui doit absorber la mort, nous connaîtrons qu'il est dans le Père, que nous sommes en lui, et qu'il est en nous: car alors sera achevé ce qu'il a déjà commencé, c'est-à-dire d'être en nous et de nous faire vivre en lui.

5. "Celui qui a mes commandements", dit Notre-Seigneur, "et les garde, c'est celui-là qui m'aime". Celui qui les a dans la mémoire et qui les garde dans sa manière de vivre, qui les a dans ses discours, et qui les garde en ses moeurs; qui les a en les écoutant et qui les garde en les pratiquant, ou qui les a en les pratiquant, et qui les garde en y persévérant,"c'est celui-là", dit-il, "qui m'aime". C'est par les oeuvres que l'amour doit se montrer, s'il veut être autre chose qu'un vain nom. "Et celui qui m'aime", continue-t-il, "sera aimé par mon Père; et moi aussi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui". Que veut dire: "J'aimerai?" Est-ce qu'il ne commencera qu'alors à nous aimer, tandis que maintenant il ne nous aime pas? Evidemment non. Comment, en effet, le Père pourrait-il nous aimer sans le Fils, ou comment le Fils pourrait-il nous aimer sans le Père? Leur opération étant inséparable, pourraient-ils aimer séparément? Quand Notre-Seigneur dit: "Je l'aimerai", cette parole se rapporte à ce qui suit: "Et je me manifesterai moi-même à lui". "J'aimerai et je me manifesterai", c'est-à-dire, j'aimerai jusqu'à me manifester. Maintenant l'amour de Jésus-Christ ne va qu'à nous faire croire et pratiquer ce que la foi nous ordonne; mais alors son amour ira jusqu'à nous faire voir et à nous donner la claire vision pour récompense de notre foi, et nous aussi nous aimons maintenant, parce que nous croyons ce que nous verrons; mais alors nous aimerons parce que nous verrons ce que nous croyons.



1. Jn 15,5.


21



76

SOIXANTE-SEIZIÈME TRAITÉ

Jn 14,22-24

MANIFESTATION DE DIEU

DEPUIS LES PAROLES SUIVANTES: "JUDE, NON PAS L'ISCARIOTE, LUI DIT",: JUSQU'À CELLES-CI: "LA PAROLE QUE VOUS AVEZ ENTENDUE, N'EST PAS MA PAROLE, MAIS CELLE DU PÈRE QUI M'A ENVOYÉ" .



Jésus-Christ se manifeste à ceux qui l'aiment, intérieurement en ce monde, et dans le ciel il se manifestera à eux pour toujours, tandis que les mondains ne verront qu'un instant son humanité au jour du jugement, et jamais ils ne le contempleront dans son essence divine, parce qu'ils ne l'aiment pas.





1. Si les disciples de Jésus l'interrogent et que ce divin Maître leur réponde, nous sommes avec eux pour profiter de ses réponses, puisque nous lisons ou entendons lire le saint Evangile. Notre-Seigneur ayant dit. "Encore "un peu de temps, et le monde ne me voit déjà plus, mais vous me verrez", Jude, non pas celui qui le trahit et qui était surnommé Iscariote, mais celui dont l'épître se lit au même titre que les Epîtres canoniques, l'interrogea à ce sujet: "Seigneur, d'où vient que vous vous manifesterez à nous et non pas au monde?" Soyons avec les Apôtres comme des disciples qui interrogent leur maître, et écoutons la réponse qu'il nous fait à tous. Jude le saint, et non pas l'impie, non pas le persécuteur du Seigneur, mais son suivant fidèle, lui demanda pourquoi il devait se manifester, non pas au monde, mais seulement à ses disciples; pourquoi encore un peu de temps et le monde ne le verrait plus, tandis que ses disciples le verraient.

2. "Jésus lui répondit et lui dit: Si quel"qu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon "Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et "nous ferons en lui notre demeure. Celui qui "ne m'aime point ne garde pas mes paroles D. Voilà bien exposée la raison pour. laquelle il doit se manifester aux siens, et non pas aux étrangers qu'il désigne sous le nom de monde; cette raison, c'est que les siens l'aiment et que les autres ne l'aiment pas. C'est la même raison qui fait chanter au saint Psalmiste: "Jugez-moi, mon Dieu, et séparez ma cause a de la nation qui n'est pas sainte (1)". En



1. Ps 42,1.


effet, ceux qui aiment sont choisis parce qu'ils aiment: pour ceux qui n'aiment pas, quand même ils parleraient toutes les langues des hommes et des anges, ils ne sont qu'un airain sonnant et une cymbale retentissante. Quand même ils auraient le don de prophétie, quand ils auraient pénétré tous les mystères et toute science, quand ils auraient toute la foi possible, jusqu'à transporter les montagnes, ils ne sont rien. Quand ils auraient distribué tous leurs biens, quand ils auraient livré leur corps pour être brûlé, cela ne leur servirait de rien (1). C'est l'amour qui distingue les saints d'avec le monde, qui les unit ensemble et fait qu'ils habitent la même maison (2). Dans cette maison le Père et le Fils font leur demeure, et ils donnent ce même amour à ceux devant qui ils se manifesteront à la fin du monde. C'est au sujet de cette manifestation que le disciple interrogeait le divin Maître; de cette manière, ceux qui ont entendu sa réponse de sa propre bouche, et nous qui la lisons dans l'Evangile, nous en sommes tous instruits. Le disciple n'avait fait de question qu'au sujet de la manifestation de Jésus-Christ, et le Christ lui a fait une réponse qui a trait à son amour et à sa demeure. Il y a donc une manifestation de Dieu tout intérieure, qu'ignorent absolument les impies, puisque Dieu, le Père et le Saint-Esprit ne se manifestent jamais à eux. Le Fils a pu se manifester à eux, mais dans sa chair, et cette manifestation est bien différente de la manifestation intérieure. Quelle qu'elle soit, elle ne durera pas toujours pour eux: elle ne durera qu'un peu de temps;



1. 1Co 13,1-3. - 2. Ps 67,7.


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et ce sera pour leur jugement, et non pour leur joie; pour leur châtiment, et non pour leur récompense.

3. Voyons maintenant, autant que Dieu daignera nous le découvrir, comment il faut entendre ces paroles:"Encore un peu de temps "et le monde ne me voit déjà plus; mais "vous, vous me verrez". Peu après, sans doute, son corps, que les impies eux-mêmes pouvaient voir, devait être soustrait à leurs yeux, puisqu'après la résurrection aucun d'eux ne l'a vu. Mais comme les anges ont affirmé qu' "il viendra de la même manière que vous l'avez vu monter au ciel (1)"; comme, d'ailleurs, la foi nous apprend qu'il viendra dans le même corps juger les vivants et les morts; alors, sans aucun doute, le monde le verra, et sous ce nom de monde sont compris ceux qui sont étrangers à son royaume. Et ainsi ces paroles: "Encore un peu de temps et le monde ne me voit déjà plus", il semble bien plus naturel de les entendre de la fin du monde, c'est-à-dire du moment où il se soustraira à la vue des damnés, tandis qu'il se fera voir pour toujours à ceux en qui son Père et lui font leur demeure à cause de leur amour pour lui. Il dit: "Encore un peu de temps", car ce qui paraît très-long aux hommes est très-court aux yeux de Dieu. C'est en effet de ce temps si court que notre Evangéliste Jean a dit: "Mes petits enfants, voici la dernière heure (2)".

4. Mais pour ne pas croire que le Père et le Fils seuls doivent, sans le Saint-Esprit, établir leur demeure en ceux qui les aiment, qu'on se rappelle ce qui a été dit plus haut du Saint-Esprit: "Le monde ne peut le recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point. Mais pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il restera avec vous et qu'il sera en vous (3)". Le Saint-Esprit est donc avec le Père et le Fils, pour établir sa demeure dans les saints; il reste dans leur intérieur, comme Dieu dans son temple. Le Dieu Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, viennent à nous, quand nous allons à eux: ils viennent en nous en nous secourant, et nous allons à eux en leur obéissant; ils viennent en



1. Ac 1,11 - 2. 1Jn 11,18. - 3. Jn 45,17.


nous en nous éclairant, et nous allons à eux en profitant de leurs lumières; ils viennent en nous en nous remplissant, et nous allons à eux en les recevant; par là nous les voyons non pas extérieurement, mais d'une manière intérieure, et leur demeure en nous est, non point passagère, mais éternelle. C'est ainsi que le Fils ne se manifeste pas au monde, car il appelle monde ceux dont il ajoute aussitôt "Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles". Voilà quels sont ceux qui ne voient jamais le Père ni le Saint-Esprit: ils voient le Fils un peu de temps, non pour être béatifiés, mais pour être jugés. Et ils le verront, non pas dans sa forme de Dieu, sous laquelle il est invisible en même temps que le Père et le Saint-Esprit, mais dans sa forme d'homme, sous laquelle il a paru méprisable aux hommes pendant sa passion, mais sous laquelle, aussi, il se montrera terrible dans son jugement.

5. Si Jésus ajoute: "Et la parole que vous avez entendue n'est pas la mienne, mais celle du Père qui m'a envoyé", n'en soyons ni étonnés, ni effrayés. Il n'est pas moindre que le Père; mais il n'est que par le Père; il n'est pas au-dessous du Père, mais il n'est pas de lui-même; et il n'a pas menti quand il a dit: "Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles". Il dit que ces paroles sont les siennes; peut-il être opposé à lui-même quand il dit ensuite: "Et la parole que vous "avez entendue n'est pas mienne? "Peut-être a-t-il voulu établir ici une distinction, comme celle-ci: quand il parle de ses propres paroles", il en parle au pluriel; et quand il dit que "sa parole" n'est pas la sienne, mais bien celle de son Père, c'est lui-même qu'il veut désigner. "Au commencement, en effet, était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu (1)". Le Verbe n'est pas son Verbe à lui, mais celui du Père; comme il est non pas sa propre image, mais celle du Père: il n'est pas non plus son Fils à lui, mais celui du Père. C'est donc avec justesse qu'il attribue au Père ce qu'il fait, quoiqu'il lui soit égal, puisque c'est du Père qu'il tient de lui être égal en toutes choses.



1. Jn 1,1.


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Augustin sur Jean 73