Augustin, du libre arbitre 215

CHAPITRE VII. LES SENS SONT PARTICULIERS A CHACUN DE NOUS ET PERÇOIVENT DIFFÉREMMENT LES DIVERS OBJETS.

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15. A. Je le ferai. Mais auparavant je me demande si mes sens corporels sont les mêmes que les tiens; ou si plutôt les miens sont à moi seul, et les tiens à toi seul; s'il n'en était ainsi, je ne pourrais voir de mes yeux une chose, sans que tu la visses toi-même. - E. J'accorde absolument que les sens, quoique de même genre, sont personnels à chacun de nous et que nous avons chacun la vue, l'ouïe et les autres sens. Car un homme peut non-seulement voir, mais encore entendre ce qu'un autre n'entendrait pas et percevoir par ses autres sens ce qu'un autre ne perçoit pas. Ainsi il est évident que tes sens sont à toi seul, comme les miens sont à moi seul. - A. En diras-tu autant du sens intime ou bien est-il différent? - E. Il n'est pas autre. En effet, mon sens intime perçoit mes sensations et le tien perçoit les tiennes, et c'est pour cette raison que souvent quelqu'un me demandera si je vois un objet qu'il voit lui-même, car c'est moi qui sens si je vois ou non, et non pas celui qui m'interroge. - A. Et la raison? chacun de nous n'a-t-il pas aussi la sienne? puisqu'il peut arriver que je comprenne une chose sans que tu la comprennes et que tu ne puisses savoir si je comprends, tandis que moi, je le sais. - E. Il est évident aussi que chacun de nous a son esprit raisonnable.

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16. A. Pourrais-tu bien dire aussi que nous avons chacun notre soleil, notre lune, nos étoiles et les autres objets semblables, puisque chacun de nous les voit avec son propre sens? - E. Quant à cela, il n'est pas possible de le dire. - A. Nous pouvons donc voir à plusieurs une seule chose, bien que nos sens soient particuliers à chacun de nous, et tous les yeux de chacun de nous perçoivent cet objet unique que nous voyons en même temps; en sorte que, si mon sens est autre que le tien, et réciproquement, l'objet que nous voyons n'est pas pour toi autre que pour moi, c'est le même qui est perçu par nous deux et vu en même temps par chacun de nous. - E. C'est de toute évidence. - A. Nous pouvons aussi entendre ensemble un seul son de voix, en sorte que, quoique mon ouïe soit autre que la tienne, et réciproquement, la voix que nous entendons ensemble n'est pas autre pour moi que pour toi, ce n'est pas non plus une partie différente du son émis que saisit l'ouïe de chacun de nous, mais le son unique, tel qu'il a été émis, nous est donné à entendre tout entier à tous deux. - E. Cela est encore évident.

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17. A. En faisant aux autres sens corporels l'application de ce que nous venons de dire, tu peux maintenant remarquer que ces sens, quant au point qui nous occupe, ne sont pas absolument dans les mêmes conditions que la vue et l'ouïe, ni non plus dans des conditions absolument différentes. En effet, nous pouvons toi et moi, remplir d'un seul et même air l'organe de notre respiration et sentir par l'odorat, l'odeur de cet air; nous pouvons également, toi et moi, goûter le même miel ou toute autre nourriture, ou breuvage, et en sentir la saveur, quoique ce miel soit unique, tandis que nos sens sont particuliers à chacun de nous, que le tien est à toi et le mien à moi. Bien que nous percevions alors tous deux la même odeur ou la même saveur, cependant nous ne l'apercevons pas, toi avec mon sens, ni moi avec le tien, ni non plus avec quelque autre sens qui nous serait commun à tous deux, mais mon sens est bien à moi et le tien est bien à toi, quoique une odeur ou une saveur unique soit perçue par nous deux. Et c'est en cela que ces deux sens du goût et de l'odorat ressemblent à ceux de la vue et de l'ouïe. Mais, quant au point qui nous occupe, ils en diffèrent. Il est bien vrai, en effet, que nous aspirons le même air par nos narines et que nous goûtons la même nourriture avec notre palais, mais je n'aspire pas la même partie d'air et je ne prends pas la même partie de nourriture que toi; j'en prends une et toi une autre. De plus, en aspirant, j'attire à moi, de la totalité de l'air, la partie qui m'est suffisante, et toi de même une autre partie qui te suffit aussi. Et lorsque nous absorbons tous deux un même mets tout entier, il n'est [345]absorbé en totalité ni par moi, ni par toi. Au contraire, une parole que nous entendons est entendue en même temps tout entière par toi comme par moi: une image que nous voyons est vue en même temps aussi grande par l'un et par l'autre de nous, tandis que pour la nourriture et le breuvage, c'est une partie qui passe nécessairement en toi et une autre en moi. Ne comprends-tu qu'imparfaitement ceci? - E. Parfaitement au contraire, et je le trouve très-certain.

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18. A. Quant au toucher, n'es-tu pas d'avis qu'il peut être assimilé au sens de la vue et de l'ouïe sur le point que nous traitons? Car non-seulement nous pouvons sentir tous deux un seul corps par le tact, mais tu peux toucher la même partie que j'aurais touchée moi-même; et ce ne sera pas seulement le même corps, mais la même partie de ce corps que nous sentirons tous deux par le toucher. Car il n'en est pas du toucher comme de la bouche; nous ne pouvons, toi et moi, en mangeant, prendre chacun en entier le mets qui nous est servi, tandis qu'une chose que j'aurai touchée tout entière, tu peux la toucher de même, et nous la toucherons tous deux, non pas chacun par partie, mais chacun tout entière. - E. J'avoue que, en cela, le sens du toucher me paraît avoir une très-grande similitude avec les deux premiers dont nous avons parlé; mais je vois qu'il en diffère en un point. C'est que nous pouvons tous deux voir et entendre une même chose entièrement et ensemble, c'est-à-dire en même temps, tandis que nous pouvons bien toucher aussi tous deux un même objet dans son entier en même temps, mais dans des parties différentes; ou la même partie de cet objet, mais dans des temps différents. Car je ne puis approcher mon toucher d'aucune partie que tu touches, si tu n'en écartes d'abord le tien.

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19. A. Tu as répondu avec une perspicacité parfaite. Mais il te faut pénétrer plus avant. Après avoir constaté d'une part qu'il est des choses que nous sentons ensemble, et d'autres que nous sentons chacun en particulier; de l'autre, que chacun de nous a seul la perception de son propre sens, en, sorte que je n'ai pas la perception du tien, ni toi celle du mien, il faut remarquer ce qui a lieu pour les choses qui sont perçues par les sens du corps; je veux dire pour les choses corporelles que nous ne pouvons percevoir ensemble, mais chacun en particulier par nos sens. Or nous n'en pouvons percevoir que ce qui devient tellement nôtre, que nous puissions le changer et le transmuer en nous-mêmes, comme la nourriture et la boisson, dont tu ne peux prendre aucune partie que j'aurais prise moi-même. Vois en effet les nourrices qui mâchent les aliments pour les donner aux enfants: tout ce que leur palais dérobe pendant cette opération et transforme ensuite dans l'estomac, ne peut en revenir pour se mêler à la nourriture de l'enfant. Dès que la bouche trouve une saveur agréable à quelque chose, elle s'en approprie irrévocablement une partie, si petite qu'elle soit; et ce sont les aptitudes naturelles du corps qui amènent forcément ce fait. S'il en était autrement, il ne resterait aucune saveur dans la bouche après que les aliments mâchés en seraient sortis.

On peut en dire autant, et avec raison, des parties de l'air que nous aspirons par les narines. Car bien que tu puisses aspirer quelque chose de l'air que j'ai respiré, tu ne peux aspirer cette partie d'air qui a été changée en aliment pour moi, parce que je n'ai pu moi-même la rendre. Les médecins enseignent en effet que nous nous alimentons aussi par le nez; et cet aliment, que je puis seul prendre en aspirant, je ne puis le rendre en respirant, et ainsi tu ne peux l'aspirer à ton tour par tes narines. Restent maintenant les autres choses sensibles que nous ne corrompons pas et que nous ne changeons pas en notre substance corporelle, en les percevant par nos sens. Pour celles-là, nous pouvons les sentir tous deux, soit en même temps, soit tour à tour, de telle sorte que la totalité ou une même partie soit sentie et par moi et par toi: tels sont la lumière, le son, et les corps que notre toucher atteint sans les altérer. - E. Je comprends. - A. Evidemment donc, les choses que nous ne transformons pas, tout en les percevant par nos sens corporels, ne sont pas de la nature de nos sens, et pour cela elles nous sont plutôt communes, puisque nous ne les changeons ni ne les transformons en quelque chose qui nous soit propre et qui nous appartienne privément. - E. J'en suis parfaitement d'accord. - A. Il faut donc entendre par une chose qui nous est propre et nous appartient comme privément, une chose que chacun de nous possède seul, et par une chose que chacun de nous perçoit seul, une chose qui est de même [346] nature; et au contraire, il faut appeler choses communes et comme publiques, les choses que tous ceux qui les sentent perçoivent sans les corrompre et sans les transformer. - E. C'est cela.



CHAPITRE VIII. LE RAPPORT DES NOMBRES N'EST PERÇU PAR AUCUN DES SENS CORPORELS. - IL EST UN ET IMMUABLE POUR TOUTES LES INTELLIGENCES QUI LE PERÇOIVENT.

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20. A. Avance maintenant, prête attention, et dis-moi s'il se trouve une chose que tous ceux qui raisonnent voient en commun, chacun avec son intelligence et sa pensée; une chose qui soit à la disposition de tous ceux qui la voient, sans que ceux qui l'ont à leur disposition puissent la changer en en faisant usage, comme il arrive pour le manger et le boire; une chose qui demeure inaltérée et entière, soit qu'ils la voient, soit qu'ils ne la voient pas, ou penses-tu qu'il n'y ait rien qui présente ces caractères?- E. J'en vois beaucoup, au contraire. Il suffit d'en mentionner une seule: le rapport, la vérité des nombres. Elle est à la disposition de tous ceux qui raisonnent; chaque calculateur s'efforce de la saisir par sa raison et son intelligence; les uns le peuvent plus facilement, les autres plus difficilement, d'autres ne le peuvent pas du tout; cependant elle se montre également à tous ceux qui peuvent la comprendre; lorsque quelqu'un la perçoit, elle n'est ni changée ni transformée en lui, comme il en arrive pour les aliments; si quelqu'un se trompe à son sujet, elle ne subit elle-même aucune défaillance, mais tandis qu'elle demeure dans sa vérité et son intégrité, celui qui s'y trompe est d'autant plus dans l'erreur qu'il la voit moins bien.

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21. A. C'est parfaitement dit, en vérité; et je vois que tu as trouvé promptement de quoi répondre, comme un homme qui n'est pas étranger à ces matières. Alors si quelqu'un venait te dire que l'impression de ces nombres dans notre esprit ne résulte pas de leur nature, mais des choses que nous saisissons par les sens corporels, et qu'ils sont en nous comme des images des choses visibles, que répondrais-tu, ou serais-tu toi-même de cet avis. - E. Jamais je ne serai de ce sentiment. Car si j'avais eu la perception des nombres par bues sens corporels, c'est par ces mêmes sens que j'aurais pu arriver aussi à la perception de la division et de l'addition des nombres. Mais c'est par la lumière de mon esprit que je redresse celui qui, en calculant une addition ou une soustraction, me dénonce un résultat faux. De plus, tout ce que saisissent mes sens corporels, ce ciel, cette terre et tous les corps qu'ils renferment et que perçoivent mes sens, combien de temps dureront-ils? je n'en sais rien. Mais sept et trois font dix, et non-seulement maintenant, mais toujours; il n'y a eu aucune époque où sept et trois n'aient pas fait dix; il ne viendra aucun temps où sept et trois cesseront de faire dix. J'ai donc bien dit que cette inaltérable vérité du nombre est commune à moi et à tous ceux qui raisonnent.

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22. A. Je ne conteste pas ta réponse; elle énonce des choses parfaitement vraies et certaines. Mais en réfléchissant à la formation des nombres eux-mêmes, tu verras facilement que nous n'en avons pas acquis la connaissance au moyen des sens corporels. En effet, tout nombre tire son nom du nombre de fois qu'il contient l'unité. S'il la contient deux fois, il s'appelle deux; trois fois, il s'appelle trois; s'il la renferme dix fois, il s'appelle dix; tous les nombres sans exception tirent leur nom de là, et chacun d'eux se nomme tant de fois l'unité. Mais quiconque fixe sa pensée sur la vraie notion de l'unité, trouve sans difficulté qu'elle ne peut être perçue par les sens corporels. En effet, quelque objet gaie saisissent les sens, toujours il accuse non l'unité, mais la pluralité; car cet objet est un corps, et par conséquent il a d'innombrables parties. Pour éviter de passer en revue les corps les plus petits et les moins articulés, je dis qu'un corps,, si petit qu'il soit, a toujours une partie à droite et une à gauche; haut et bas, devant et derrière, extrémités et milieu; nous sommes forcés d'avouer que tout cela se trouve dans le corps le plus exigu dans ses proportions; c'est pour cela que nous n'accordons pas qu'aucun corps soit vraiment et purement un, tout en remarquant qu'on n'y pourrait compter cette pluralité sans la discerner au moyen de la connaissance de l'unité même. Et vraiment lorsque je cherche l'unité dans un corps, et que je suis sûr de ne l'y pas trouver, je connais certainement ce que je cherche, ce que je n'y trouve pas, ce qu'on ne peut y trouver; disons mieux, ce qui n'y est absolument pas. Donc, dès que je sais qu'il n'existe pas de corps un, je sais ce que c'est [347] que l'unité; car, si je ne connaissais pas l'unité, je ne pourrais compter les nombreuses parties de ce corps. Mais partout où je connais l'unité, ce n'est certainement pas au moyen des sens corporels, puisque par ces sens je ne connais que le corps qui, nous l'avons vu, n'est pas vraiment et purement un. Or, si nous n'avons pas acquis la perception de l'unité au moyen des sens corporels, nous n'avons pas pu, par ces mêmes sens, acquérir celle d'aucun nombre, je veux dire de ces nombres que nous voyons par l'intelligence. Car il n'en est pas un seul qui ne tire son nom du nombre de fois qu'il contient l'unité, et la perception de ce fait n'a pas lieu au moyen des sens corporels. La moitié d'un corps a elle-même une moitié égale aux deux, dont se compose la totalité de la première. Et ainsi, les deux moitiés d'un corps y sont de telle sorte, qu'elles ne sont pas elles-mêmes deux unités indivisibles. Au contraire, ce nombre qu'on appelle Deux parce qu'il contient deux fois l'unité, sa moitié, c'est-à-dire ce qui est un absolument, ne peut être une seconde fois divisé en demi, tiers, quart, etc., parce qu'il est vraiment et simplement un (1).

1. Formule de ce raisonnement en arithmétique: 1 divisé par 1 donne 1

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23. De plus, en suivant l'ordre des nombres, après 1 nous voyons 2,nombre qui, comparé au premier, se trouve en être le double. Mais le double de 2 ne vient pas immédiatement; 3 est interposé avant 4, qui est le double de 2. Et ce rapport se poursuit à travers toute la série des nombres, en vertu d'une loi aussi parfaitement claire qu'immuable. Ainsi après 1, c'est-à-dire après le premier de tous les nombres, le premier qui vient en ne comptant pas le précédent, en est le double; car c'est 2 qui suit 1. Après le second nombre, c'est-à-dire après 2,toujours sans compter celui-ci, le second qui vient en est le double. En effet, après 2,le premier est 3,et le second 4, double du second nombre. Après le troisième nombre, c'est-à-dire 3, toujours sans le compter, le troisième en est encore le double. En effet, après le troisième nombre, c'est-à-dire 3,le premier qui vient est 4, le second 5 et le troisième 6, qui est le double du troisième nombre, Puis, après le quatrième nombre, toujours sans compter celui-ci, le quatrième qui vient en est le double. En effet, après le quatrième nombre, soit 4, le premier qui vient est 5,le second 6, le troisième 7 et le quatrième 8,qui est le double du quatrième, et ainsi de suite. Tu trouveras dans toute la série des nombres ce que tu as trouvé dans la première addition des nombres, c'est-à-dire dans un et deux, à savoir que dans toute la série, à partir du commencement, après un nombre donné, le nombre cardinal correspondant amène le double du premier nombre. Cette loi immuable, fixe et inaltérable qui préside à tous les nombres, comment la saisissons-nous? Personne ne peut assurément, au moyen des sens corporels, saisir tous les nombres, puisqu'ils sont innombrables. Comment donc connaissons-nous cette loi qui les embrasse tous? En vertu de quelle imagination ou de quelle image une vérité mathématique aussi certaine nous apparaît-elle si constiinté à travers l'innombrable série des nombres? N'est-ce pas au contraire en vertu de la lumiérc intérieure, que les sens corporels ne connaissent pas?

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24. Ces preuves et beaucoup d'autres semblables forcent les hommes à qui Dieu a départi le génie de la discussion et qui ne l'ont point obscurci par leur entêtement, à reconnaître que le rapport ou la vérité des nombres ne ressortit pas des sens corporels, qu'elle subsiste invariable et sans altération, qu'elle appartient en commun et qu'elle est visible à tous ceux qui raisonnent. Bien d'autres choses peuvent se présenter à l'esprit qui appartiennent aussi en commun à tous ceux qui font usage du raisonnement, sont comme publiquement à leur disposition, et visibles à l'oeil de l'intelligence et de la raison de chacun de ceux qui les considèrent, tout en demeurant inaltérées et immuables. Toutefois, j'ai vu sans regret que ce rapport ou vérité des nombres s'est présentée tout d'abord à ta pensée, lorsque tu as entrepris de répondre à la question que je t'avais posée. Car ce n'est pas en vain qu'on voit dans les saints Livres le nombre joint à la sagesse, à l'endroit où il est dit: «J'ai exploré mon coeur lui-même, pour connaître, examiner et scruter la sagesse et le nombre. (1)»

1. Ecclés. 7,26,

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CHAPITRE IX. EN QUOI CONSISTE LA SAGESSE, SANS LAQUELLE PERSONNE N'EST HEUREUX.- EST-ELLE LA MÊME DANS TOUS LES SAGES?

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25. Maintenant je te demande ce qu'il faut, selon toi, penser de la sagesse elle-même. Es-tu d'avis que chaque homme a sa sagesse à lui? ou bien crois-tu qu'il n'y en a qu'une et qu'elle est en commun à la disposition de tous, telle enfin que plus on y participe, plus on est sage? - E. Je ne sais pas encore ce que tu appelleras sagesse. Je vois en effet les hommes apprécier diversement le nom et la chose. Les uns embrassent l'état militaire et croient agir sagement, les autres méprisant cet état pour consacrer tous leurs soins et leurs occupations à l'agriculture, louent de préférence ce parti qu'ils prennent et l'attribuent à la sagesse. Les hommes habiles à inventer des moyens de gagner de l'argent se croient sages, ceux qui négligent toutes ces choses ou qui les rejettent, aussi bien que toutes les affaires temporelles, pour reporter toute leur ardeur à la recherche de la vérité dans le but de connaître Dieu et de se connaître eux-mêmes, jugent que c'est en cela que consiste la grande fonction de la sagesse. D'autres ne veulent point se livrer à cette contemplation et recherche de la vérité, mais préfèrent les charges et les emplois les plus laborieux pour être utiles aux hommes, et s'occupent à diriger et gouverner les choses humaines; ceux-là aussi s'estiment sages. D'autres enfin prennent à la fois ces deux derniers, et partagent leur vie entre la contemplation de la vérité et les travaux qu'ils estiment profitables à la société humaine; ces derniers croient tenir dans leurs mains la palme de la sagesse. Je ne parle pas de ces innombrables sectes, dont pas une ne se fait faute de préférer ses partisans à tous les autres, et de prétendre qu'ils sont les seuls sages. Puis donc qu'il est convenu entre nous que nos réponses doivent rouler, non sur ce que nous croyons, mais sur ce que nous saisissons clairement par l'intelligence, je ne pourrai aucunement répondre à ta question avant de me rendre compte de ce que je crois, par l'examen et la lumière de la raison, avant de savoir en quoi consiste cette sagesse dont nous parlons.

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26. A. Penses-tu que la sagesse soit autre que la vérité, où se contemple et se possède le souverain bien? En effet, tous les hommes que tu viens d'énumérer, et qui sont à la poursuite de tant d'objets, désirent le bien et fuient le mal; mais ils recherchent des objets différents, parce qu'ils ont des idées différentes sur le bien. Ainsi, quiconque désire ce qui n'était pas à désirer, ne le désirerait pas s'il ne croyait y voir le bien; toutefois il est dans l'erreur. Ceux-là seuls ne peuvent errer qui ne désirent rien, ou qui désirent ce qu'ils doivent désirer. Les hommes n'errent donc pas en tant qu'ils désirent tous la vie bienheureuse; ils errent seulement en tant qu'ils ne suivent pas le chemin de la vie qui conduit au bonheur, tout en avouant et en proclamant qu'ils n'ont pas d'autre volonté que d'y parvenir. Car errer, c'est suivre un chemin qui ne nous conduit pas où nous voulons aller. En outre, plus on erre dans le champ de la vie, moins on est sage; puisqu'alors on est d'autant plus éloigné de la vérité, où l'on trouve la connaissance et la possession du souverain Bien. Or, l'acquisition et la possession du souverain Bien donnent le bonheur, que nous voulons tous sans conteste. Si donc il est certain que nous voulons être heureux, il est certain aussi que nous voulons être sages, parce que personne ne peut être heureux sans la sagesse. En effet, personne n'est heureux que par le souverain Bien dont la vue et la possession se trouvent dans cette vérité que nous appelons la sagesse. De même donc que, avant d'être heureux, la notion du bonheur est imprimée dans nos esprits, puisque c'est elle qui nous fait savoir et dire avec confiance et sans ombre de doute que nous voulons être heureux; de même aussi avant d'être sages, nous avons, imprimée dans nos esprits, la notion de la sagesse, et c'est à cause de cette notion que tout homme à qui l'on demande s'il veut être sage répond de même et sans ombre de doute, qu'il veut l'être.

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27. Ainsi nous sommes maintenant d'accord sur la nature de la sagesse; et ce sont les paroles seulement qui te manquaient pour l'expliquer toi-même; car ton esprit la comprenait en quelque manière, autrement tu n'aurais pas pu savoir et que tu as la volonté d'être sage, et que tu dois avoir cette volonté, deux choses que tu ne nieras certainement pas. Il est [349] donc temps que tu me dises si tu crois que cette sagesse, comme le rapport et la vérité des nombres, est commune à tous ceux qui raisonnent, et si elle se présente à eux avec ce caractère; ou bien, comme il y a autant d'esprits humains qu'il y a d'hommes, ce qui est cause que je ne perçois rien par ton esprit, ni toi par le mien, penserais-tu qu'il y ait autant de sagesses qu'il peut y avoir de sages? - E. Si le souverain Bien est unique, et le même pour tous, il faudra aussi que la vérité qui le montre et le donne, c'est-à-dire, la sagesse, soit une et commune à tous. - A. Douterais-tu que le souverain Bien, quel qu'il fût, soit le même pour tous les hommes? - E. J'en doute vraiment, parce que je vois les hommes mettre leur joie dans des choses très-diverses, dont chacun fait comme son souverain bien.

A. Je voudrais qu'on ne doutât pas plus de ce caractère du souverain Bien, qu'on ne doute que lui seul, quel qu'il soit, puisse rendre l'homme heureux. Mais comme c'est une grande question, et qui exigerait peut-être un long discours, supposons qu'il y a autant de souverains biens qu'il y a de choses diverses recherchées par les hommes à titre de souverains biens: la sagesse elle-même en sera-t-elle moins unique et commune à tous, quoique ces biens que les hommes voient et choisissent en elle, soient nombreux et divers? Autrement, tu pourrais douter aussi que la lumière du soleil soit une, puisque les objets que nous voyons en elle sont nombreux aussi et divers. Parmi cette multitude d'objets, chacun choisit ceux qui lui plaisent pour en jouir par le sens des yeux. L'un considère volontiers la hauteur d'une montagne, et jouit ale cette vue; l'un aime la plaine unie, l'autre les contours de la vallée, l'autre les vertes forêts, l'autre la surface mobile de la mer; l'autre enfin compare toutes ces beautés à la fois ou quelques-unes d'entre elles pour s'en réjouir la vue. Donc, bien que ces objets que les hommes voient dans la lumière du soleil et parmi lesquels ils choisissent pour jouir, soient nombreux et divers, la lumière elle-même n'en est pas moins unique, dans laquelle chaque regard voit et saisit celui dont il veut jouir. De même aussi, quoique chacun choisisse parmi les nombreux objets divers celui qui lui plaît, et que, en le voyant et le saisissant pour en jouir, il en fasse positivement et réellement son souverain bien; il peut néanmoins se faire que la lumière même de la sagesse, dans laquelle ces objets peuvent être vus et saisis, soit unique et commune à tous les sages.

E. J'avoue que cela peut se faire, et rien n'empêche que la sagesse soit une et commune à tous, lors même que les souverains biens seraient nombreux et divers; mais je voudrais savoir s'il en est ainsi en réalité. Car, accorder que cela peut être, ce n'est pas accorder que cela est. - A. En attendant, la sagesse existe: voilà ce que nous savons. Est-elle unique et commune à tous, ou chacun a-t-il sa sagesse à lui, comme il a son âme et son esprit à lui? voilà ce que nous ne savons pas encore.



CHAPITRE X. LA LUMIÈRE DE LA SAGESSE EST UNE ET COMMUNE A TOUS LES SAGES.

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28. Mais quoi? Ces maximes: il existe une sagesse, des sages; tous les hommes veulent être heureux, où les voyons-nous? Car tu les vois, et tu en vois la vérité; je ne me permettrai certainement pas d'en douter. Mais vois-tu ces vérités comme tu vois ta pensée, ta pensée que j'ignore absolument tant que tu ne me l'as pas énoncée? ou bien les vois-tu, ces vérités, de telle sorte que tu comprends que je puisse les voir aussi, lors même que tu ne me les dirais pas? - E. Assurément; et il y a plus; je sens que tu peux les voir même quand je ne le voudrais pas, sans aucun doute. - A. Eh bien! une vérité unique, que nous voyons tous deux chacun avec notre propre esprit, n'est-elle pas commune à nous deux? - E. Cela est de toute évidence.

A. Avançons. Il faut s'appliquer à la sagesse, tu ne le nieras pas non plus, je pense, et tu m'accorderas que c'est là aussi une vérité. - E. Assurément. - A. Et de plus, cette vérité est une, et en même temps commune et visible à tous ceux qui la savent; on la perçoit non avec mon esprit, ni avec le tien, ni avec celui d'un tiers, mais chacun avec le sien, puisque ce qui est ici l'objet de la perception est à la disposition de tous ceux qui le perçoivent. Pourras-tu nier cela? - E. En aucune façon.

A. Continuons. Il faut voir les choses selon la justice, préférer les meilleures aux moindres, [350] comparer entre elles les semblables, rendre à chacun ce qui lui est dû. Tout cela n'est-il pas de la plus haute vérité, et en même temps ces axiomes ne sont-ils pas communs à toi et à moi et à tous ceux qui les voient? ne sont-ils pas à la disposition de chacun? - E. Assurément.

A. Et encore: l'inaltérable vaut mieux que le corruptible, l'éternel que le temporel, la force que la faiblesse; pourrais-tu le nier? - E. Qui le pourrait? - A. Est-il quelqu'un qui puisse dire encore que cette vérité lui est propre, et au contraire n'apparaît-elle pas immuable à l'oeil contemplateur de tous les esprits qui peuvent la considérer? - E. Personne au monde ne pourrait dire avec, raison que cette vérité est sa propriété, puisqu'elle est aussi une et commune à tous qu'elle est vraie.

A. Poursuivons. Il faut détourner son âme de la corruption, et la tourner vers la pureté, en d'autres termes, ce qu'il faut aimer, c'est la pureté, et non la corruption. Qui le niera? ou, en l'admettant, qui ne comprendra en même temps que cette vérité est immuable aussi, et ne verra qu'elle est commune à tous les esprits qui peuvent la saisir? - E. Personne, assurément.

A. Enfin; la conduite de l'homme qu'aucune adversité ne détourne de la voie droite et honnête, est préférable à celle de l'homme que les maux temporels brisent et renversent aisément. Est-ce encore une vérité incontestable? - E. Indubitable.

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29. A. Je ne poursuivrai pas davantage ce thème. Il suffit que tu voies avec moi et que tu admettes comme très-certain que ce sont là comme autant de règles, autant de flambeaux des vertus; que ces maximes sont à la fois vraies et immuables, et que toutes et chacune d'elles apparaissent communes à l'oeil intellectuel de tous et de chacun de ceux qui peuvent les saisir par leur raison et leur esprit. Mais c'est ici le lieu de te demander s'il te paraît que ces maximes font partie de la sagesse. Car pour ce qui est de savoir quel est l'homme sage, tu es d'avis, je pense, que c'est celui qui est en possession de la sagesse. - E. J'en suis parfaitement d'avis. - A. Eh bien! celui qui vit selon la justice, pourrait-il vivre de cette sorte, s'il ne voyait pas quelles sont les choses inférieures et les choses supérieures pour subordonner les unes aux autres, les choses égales pour les mettre sur le même rang, les choses propres à chacun pour rendre à chacun ce qui lui est dû? - E. Il ne le pourrait pas sans cette vue. - A. Celui qui voit ainsi les choses, nieras-tu qu'il les voie sagement? - E. Je ne le nie pas. - A. Et celui qui vit selon la prudence, ne choisit-il pas les choses incorruptibles, pour les préférer à la corruption? - E. Evidemment. - A. Lors donc qu'il choisit, pour diriger son âme, ce qu'il doit choisir de l'aveu de tout le monde, peut-on nier qu'il choisisse sagement? - E. Pour moi, je ne songe pas à le nier. - A. Et lorsqu'il dirige son âme vers l'objet qu'il a sagement choisi, il la dirige sagement: cela est clair aussi? - E. Très-clair. - A. Maintenant, celui que ni les menaces ni les tourments ne peuvent détourner de l'objet qu'il a sagement choisi et vers lequel il se dirige sagement, agit avec sagesse sans doute? - E. Sans aucun doute. - A. Il est donc parfaitement évident que ces maximes que nous avons appelées les règles et les flambeaux des vertus font partie de la sagesse. Car plus on les applique à la conduite de la vie et plus on s'y conforme, plus on vit et l'on agit sagement. Or on ne pourrait dire sans déraisonner que tout ce qui se fait sagement soit en dehors de la sagesse. - E. C'est très-juste. - A. Concluons. Autant les règles des nombres, dont la raison et la vérité, comme tu l'as dit, apparaissent immuables et communes à tous ceux qui les voient, sont vraies et inaltérables, autant sont vraies et inaltérables aussi les règles de la sagesse, puisque, interrogé tour à tour sur quelques-unes d'entre elles, tu as répondu qu'elles sont vraies et évidentes, et puisque tu admets qu'elles sont communes à tous ceux qui peuvent les saisir et à la disposition de ceux qui peuvent les considérer.



CHAPITRE 11. LA SAGESSE ET LE NOMBRE SONT-ILS UNE MÊME CHOSE, OU BIEN EXISTENT-ILS INDÉPENDAMMENT L'UN DE L'AUTRE, OU L'UN DES DEUX EST-IL RENFERMÉ DANS L'AUTRE?

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30. E. Je n'en puis douter. Mais je désirerais beaucoup savoir si ces deux choses, la sagesse et le nombre, sont contenues dans un seul et même genre, puisque, comme tu l'as rappelé, les saintes Ecritures elles-mêmes les réunissent [351] en les mentionnant; ou bien l'une des deux existe-t-elle par l'autre, ou subsiste-t-elle dans l'autre? je veux dire: le nombre existe-t-il par la sagesse, ou subsiste t-il dans la sagesse? Car que la sagesse existe par le nombre ou subsiste dans le nombre, c'est ce que je n'oserais pas dire. Je ne sais pourquoi; mais j'ai tant connu de calculateurs, d'arithméticiens, ou n'importe comme on les nomme, sachant parfaitement et admirablement compter,, et d'autre part j'ai rencontré si peu de sages, et peut-être point, que- la sagesse m'apparaît beaucoup plus digne de respect que le nombre.

A. Tu dis une chose qui d'ordinaire m'étonne moi-même. En effet, si je réfléchis en moi-même à l'inaltérable vérité des nombres, si je considère ce que j'appellerai la retraite, le sanctuaire, la région sublime, je voudrais trouver un nom plus exact, pour désigner l'habitation et le siège des nombres; alors je me sens bien éloigné du monde corporel, et si je trouve des pensées, je n'ai pas des paroles pour suffire à les exprimer. Et je reviens, comme fatigué, dans notre sphère, pour pouvoir parler, et dire les choses visibles à nos yeux comme on a coutume de les dire.

Il m'en arrive autant lorsque je pense à la sagesse, selon mon pouvoir, avec toute l'attention et tout le soin dont je suis capable. C'est pour cela que je m'étonne beaucoup à la pensée de ces deux choses habitant ensemble dans le profond sanctuaire de l'indubitable vérité, comme le confirme le témoignage des Ecritures, qui les unissent en les citant, comme je l'ai rappelé; je m'étonne beaucoup, dis-je, de ce que le nombre est de si vil prix, et la sagesse de si haute valeur aux yeux de la multitude. Mais bien certainement, ce sont comme une seule et même chose. Toutefois, comme il est dit de la sagesse dans les Livres divins «qu'elle atteint d'une extrémité à l'autre avec force, et qu'elle dispose tout avec douceur (
Sg 8,1),» j'incline à penser que la puissance par laquelle elle atteint avec force d'une extrémité à l'autre, est le nombre, tandis que celle par laquelle elle dispose tout avec suavité serait proprement la sagesse, quoique les deux opérations appartiennent à une même et unique sagesse.

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31. Mais elle a donné les nombres à toutes choses, même aux plus infimes et à celles qui sont placées aux limites de l'existence; et tous les corps, bien que les plus bas dans l'échelle des êtres, ont leurs nombres; au contraire, elle n'a point donné d'être sages ni aux corps ni même à toutes les âmes, mais seulement aux âmes raisonnables, dans lesquelles elle semble avoir établi son trône, pour de là disposer toutes ces choses, même les plus infimes auxquelles elle a donné les nombres. Aussi, parce que nous jugeons facilement des corps, comme de choses ordonnées au-dessous de nous-mêmes, et parce que nous y voyons les nombres imprimés au-dessous de nous, nous estimons peu ces nombres. Mais si nous relevons nos yeux abaissés, pour regarder en haut, nous trouvons que les nombres surpassent même notre esprit, et que, inaltérables, ils font leur résidence dans la vérité elle-même.

D'un autre côté, comme peu d'hommes savent être sages., et que les sots eux-mêmes ont le don de calculer, les hommes admirent la sagesse, et méprisent les nombres. Mais il n'en est pas ainsi des doctes et des studieux: plus ils s'élèvent au-dessus de la boue terrestre, plus ils contemplent le nombre et la sagesse tout ensemble dans la vérité elle-même; et l'un et l'autre leur sont également chers; et en comparaison de cette vérité, ce n'est pas seulement l'or, l'argent et toutes ces autres choses que se disputent les hommes, c'est eux-mêmes qui deviennent vils à leurs propres yeux.

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32. Tu ne devrais pas t'étonner de voir les nombres méprisés des hommes, et la sagesse estimée d'eux, parce qu'on peut plus facilement calculer qu'être sage. Car tu les vois de même estimer plus l'or que la lumière d'une lampe, à laquelle on n'oserait comparer l'or sans rire, mais celle des deux choses qui est bien inférieure à l'autre est tenue en honneur, parce que le mendiant lui-même allume sa lampe, tandis que l'or est aux mains d'un petit nombre. Ce n'est pas que je veuille qu'on trouve la sagesse inférieure au nombre, puisque c'est la même chose; mais elle demande des yeux qui puissent la voir. Dans un feu unique, les sens perçoivent la lumière et la chaleur qui sont consubstantielles, pour ainsi parler; et cependant la chaleur n'arrive qu'aux objets qu'on en approche, tandis que la lumière s'étend au loin et au large. Il en est de même de la sagesse et du nombre. Par la puissance de l'intelligence inhérente à la sagesse, on voit entrer comme en ébullition les êtres les plus rapprochés d'elle, je veux dire les âmes raisonnables; tandis que les êtres plus éloignés, comme sont [352] les corps, ne sont pas atteints par sa chaleur, mais seulement inondés de la lumière des nombres. Peut-être cela te semble-t-il obscur. C'est qu'il n'y a point de comparaison prise des choses visibles qui puisse parfaitement s'adapter aux choses invisibles. Mais contente-toi du résultat suivant, qui suffit à la question posée, et qui est évident même pour des esprits inférieurs, tels que nous sommes; bien que nous ne puissions voir clairement si le nombre existe par la sagesse ou subsiste en elle, ou réciproquement si c'est la sagesse qui existe par le nombre ou qui subsiste en lui, il n'en demeure pas moins de toute évidence que l'une et l'autre sont vrais et d'une vérité inaltérable.




Augustin, du libre arbitre 215