Augustin et Maximin - CHAPITRE XVIII. PREUVE DE LA CONSUBSTANTIALITÉ DU VERBE, TIRÉE DU PSAUME CIXe, SUR CES MOTS MAL INTERPRÉTÉS PAR LES ARIENS: Ex utero ante luciferum genui te.

CHAPITRE XIX. DES GÉMISSEMENTS DU SAINT-ESPRIT.

Je pense vous avoir suffisamment répondu, quand je vous ai dit que le Saint-Esprit ne gémit pas lui-même, mais que c'est lui qui nous fait gémir, en inspirant à nos âmes de saints désirs, tant que nous sommes éloignés du Seigneur. Alléguant des passages analogues des saintes Ecritures, je vous ai démontré,

1. Jn 8,50 - 2. Za 12,10 - 3. Jn 16,32 - 4. Lc 4,1 - 5. He 2,8-9 - 6. Mt 25,34

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d'une manière qui me semblait péremptoire, que les gémissements attribués au Saint-Esprit signifiaient ceux qu'il fait naître en nous; de même que Dieu a dit: «Je connais maintenant (1)», quand il a fait connaître à l'homme ce qu'il savait. En effet, connaissant toutes choses avant qu'elles arrivent, il n'avait pas commencé de savoir au moment où il disait savoir. Qu'importe que vous sentiez votre impuissance à répondre sur ce sujet, puisque vous ne l'avouez pas?


CHAPITRE XX. UNITÉ DE SUBSTANCE ENTRE LE PÈRE ET LE FILS: PREUVES SCRIPTURALES.

1. J'ai démontré également que vous n'avez pu rien répondre sur ces paroles de Notre-Seigneur: «Mon Père et moi nous sommes une même chose (2)». Mais afin d'insister de nouveau sur cette démonstration, si vous voulez prouver, par les exemples dont j'ai usé, comme vous dites, comment le Sauveur déclare que «son Père et lui sont une même chose»; et si vous en appelez pour cela au témoignage de l'Apôtre, cité par moi, et qui est ainsi conçu: «Celui qui s'attache au Seigneur, est un même esprit avec lui (3)»; convenez, vous aussi, que le Fils, uni au Père, est un même Dieu avec lui. Car l'Apôtre ne dit pas: «Celui qui s'attache au Seigneur» est une même chose, comme il est dit: «Mon Père et moi, nous sommes une même chose»; mais: «est un même esprit». Or, comme vous ne convenez pas que le Fils, uni au Père, est un même Dieu avec lui; d'où vient que vous apportez en preuve ce passage de l'Apôtre: «Celui qui s'attache au Seigneur, est un même esprit avec lui», sinon, pour que-je vous confonde en produisant contre vous-même le témoignage dont vous vous êtes servi? Maintenant du moins distinguez ces deux choses, que vous n'avez pu distinguer, lorsque nous étions à discuter ensemble. Ecoutez-moi donc avec attention. Quand on dit de deux ou de plusieurs choses Elles sont un ou une, et qu'on détermine ce qu'est cet un ou cette une, que ces choses soient de substance différente ou d'une même substance, on peut les nommer ainsi indistinctement. En effet, l'esprit de l'homme et l'Esprit du Seigneur sont d'une substance différente; et cependant il est écrit: «Celui qui s'attache

1. Gn 22,12 - 2. Jn 10,30 - 3. 1Co 6,17

au Seigneur, est un même esprit avec lui». Les âmes des hommes et les coeurs des hommes sont d'une seule substance, et il est écrit: «Ils n'avaient qu'un coeur et qu'une âme (1)». Mais quand on dit de deux ou de plusieurs choses: Elles sont une même chose, et qu'on n'ajoute pas ce qu'est cette chose identiquement la même, on comprend par là qu'il n'y a pas en elle diversité, mais unité de substance; c'est ainsi qu'il est dit: «Celui qui plante et celui qui arrose sont une même chose (2)»; et encore: «Mon Père et moi nous sommes une même chose». Pour vous, qui voulez que le Père et le Fils soient des substances différentes, vous n'avez pu découvrir que l'on ait dit de substances différentes, qu'elles sont une même chose. Et après que vous vous refusez à faire l'aveu, qu'étant uni au Père, le Fils est un même Dieu avec lui, vous en venez vous-même à produire aussi le témoignage de l'Apôtre allégué par moi: mais c'est contre vous-même que vous citez ces mots de l'Apôtre: «Celui qui s'attache au Seigneur est un même esprit avec lui». Car s'il est permis de dire de choses, qui sont de nature différente, qu'elles sont «un même esprit», à combien plus forte raison est-on en droit de dire du Père et du Fils qui ont une seule substance, qu'ils sont un seul Dieu! Si vous comprenez cela, vous voyez dès lors que vous n'y avez rien répondu, et vous reconnaissez que vous vous êtes bien inutilement étendu sur la question de l'accord de leurs volontés. Nous aussi, il est vrai, nous faisons profession de croire à l'incomparable accord de la volonté et de la charité individuelle du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et c'est pourquoi nous disons: Cette Trinité est un seul Dieu. Mais aussi, nous déclarons en outre, ce que vous ne faites pas de votre côté, qu'en raison de l'identité et de l'unité de nature et de substance, ces trois ne font qu'un. Si vous faites ces distinctions et voulez cesser d'être opiniâtre, vous verrez que vous n'avez pas répondu sur ces questions, et désormais vous n'en reparlerez plus certainement.

2. Jésus-Christ parlait comme homme, en disant: «Que votre volonté soit faite et non pas la mienne!» et: «Mon âme est triste jusqu'à la mort». - Sur ces paroles du Fils à son Père . «Néanmoins que ma volonté ne s'accomplisse

1. Ac 4,32 - 2. 1Co 3,3

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pas, mais la vôtre», que vous revient-il d'ajouter vos propres paroles et de dire: Il montre par là que sa volonté est vraiment soumise à son Père: comme si nous niions que sa volonté humaine dût être soumise à la volonté de Dieu? Car celui qui lit ce passage du saint Evangile avec quelque peu d'attention, ne tarde pas à découvrir que Notre-Seigneur a parlé ici comme homme. Voici en effet ce qu'il dit en cet endroit: «Mon âme est triste jusqu'à la mort (1)». Est-ce que ce langage pouvait convenir à la nature du Verbe unique? Mais vous qui êtes homme à croire que le Saint-Esprit est capable de gémir, comment ne prétendez-vous pas aussi que la nature du Verbe unique de Dieu a été capable de tristesse? Toutefois dans la craince qu'on ne tint un pareil langage, Jésus-Christ n'a pas dit: Je suis triste, bien que, lors même qu'il l'aurait dit, on n'eût dû l'entendre que de sa nature humaine; mais il a dit: «Mon âme est triste», et il parlait sans aucun doute de l'âme humaine, qu'il avait, en tant qu'homme. Et en disant: «Que ma volonté ne s'accomplisse pas», il montre qu'il voulait autre chose que le Père: ce qui n'était possible qu'à son coeur d'homme, puisqu'il personnifiait notre infirmité, non en ses affections divines, mais en ses affections humaines. En effet, si le Verbe unique n'avait pas pris la nature de l'homme, jamais il n'aurait dit à son Père: «Que ma volonté ne s'accomplisse pas», cette nature immuable étant incapable d'avoir une volonté différente de celle du Père. Si vous discerniez cela, vous ne seriez pas des hérétiques ariens.

3. S'il y a deux natures en Jésus-Christ, il n'y a en lui qu'une seule personne, de laquelle on peut dire ce qui convient ci l'une ou à l'autre nature. - Il est vrai que ces autres paroles: «Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé (2)», peuvent encore s'entendre du Verbe unique; suivant cette interprétation, Jésus-Christ ne ferait pas sa volonté, puais celle du Père, parce que le Fils est tout ce qu'il est par le Père, tandis que le Père n'est pas tout ce qu'il est par le Fils; on pourrait entendre de même les paroles suivantes: «Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé (3)»; car la doctrine du Père est son Verbe, et celui-ci n'est pas de lui-même, mais du Père. Et d'un autre côté, quand il dit: «Tout ce

1. Mt 26,38-39 - 2. Jn 6,38 - 3. Jn 7,16

qu'a mon Père est à moi (1)», il fait voir qu'il est égal au Père. Toutefois il n'est pas absurde d'admettre qu'il a parlé ainsi en tant qu'homme, lorsqu'il a dit: «Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé». Car c'est par là que le second Adam, qui efface le péché du monde, s'est montré différent du premier Adam, par qui le péché est entré dans le monde (2): il n'a pas fait sa volonté, mais celle de celui qui l'a envoyé, tandis que celui-ci a fait sa volonté, au lieu de faire la volonté de son créateur. Et qu'on ne s'étonne point que le Christ soit descendu du ciel, entant qu'homme, parce qu'il s'est fait homme en naissant d'une mère terrestre. Car cela se dit en raison de l'unité de personne qui est en lui, attendu que Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble, est une seule personne. C'est pourquoi il dit encore: «Nul n'est monté dans le ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme, lequel est dans le ciel (3)». Si donc vous avez égard à la distinction des natures, c'est le Fils de Dieu qui est descendu du ciel, et le Fils de l'homme qui a été crucifié; si vous considérez l'unité de personne, le Fils de l'homme est lui-même descendu du ciel, et le Fils de Dieu a été lui-même crucifié. Il est, en effet, ce Seigneur de la gloire, dont l'Apôtre parle en ces termes. «S'ils l'eussent connu, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de la gloire (4)». C'est donc par rapport à l'unité de personne, que le Christ ne s'est pas contenté de dire du Fils de l'homme, qu'il était descendu du ciel, mais encore qu'il était dans le ciel, lorsqu'il conversait sur la terre. Il n'a donc pas fait sa volonté, puisqu'il n'a pas commis de péché, mais il a fait la volonté de celui qui l'avait envoyé. L'homme fait en effet la volonté de Dieu, quand il accomplit la justice qui vient de Dieu.

4. Le Fils a reçu sa mission, non-seulement du Père, mais encore du Saint-Esprit et de lui-même. - Et n'allons pas croire que le Fils a reçu sa mission du Père, sans avoir été envoyé par le Saint-Esprit; car voici ce qu'il dit lui-même par le Prophète: «Et maintenant, «j'ai été envoyé par le Seigneur, et par son Esprit». Que ce langage soit tenu par le Fils, c'est ce que font voir les paroles qui précèdent dans le contexte. Voici en effet comment on y est amené: «Ecoutez-moi, dit-il, ô Jacob,

1. Jn 16,15 - 2. Rm 5,12 - 3 Jn 3,13 - 4. 1Co 2,8

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et vous, Israël, que j'appellerai à moi. Je suis le premier, et je suis pour l'éternité; et c'est ma main qui a fondé la terre, c'est a ma main droite qui a mesuré les cieux. Je les appellerai, et ils se présenteront ensemble: ils se rassembleront, et ils écouteront. Qui leur a annoncé ces choses? Je t'ai aimé, et j'ai fait ta volonté dans Babylone, afin d'en enlever la race des Chaldéens. C'est moi qui ai parlé, moi qui ai appelé; je l'ai amené, et je l'ai fait réussir. Approchez-vous a de moi, et écoutez ceci. Car dès le commencement je n'ai point parlé en secret; j'étais là quand les choses arrivaient; et maintenant j'ai été envoyé par le Seigneur, et par son Esprit (1)» . Y a-t-il quelque chose de plus clair? Et s'il a été envoyé par le Père et par le Saint-Esprit, ce n'est pas sans avoir été envoyé par lui-même: car, de même qu'il nous apparaît livré par son Père, dans le passage suivant: «Il n'a pas épargné son propre Fils, mais il l'a livré pour nous tous (2)», ainsi, dans un autre endroit, il est dit du Fils personnellement: «Il m'a aimé, et il s'est livré lui-même pour moi (3)». Maintenant, comment ne ferait-il pas sa volonté propre, celui qui a dit: «Comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît (4)», et à celui qui lui disait: «Si vous voulez, vous pouvez me guérir», fit cette réponse: «Je le veux, sois guéri», et aussitôt la parole qui marquait sa volonté eut son accomplissement (5)? Or, de même que-le Fils fait la volonté du Père, ainsi le Père fait la volonté du Fils. Car le Fils a dit: «Mon Père, je veux que là où je suis, ceux-ci y soient aussi avec moi (6)». Il n'a pas dit: je demande, ou, je désire, mais: Je veux: afin que celui-ci fît la volonté de celui-là, comme celui-là faisait la volonté de celui-ci; non pas que l'un et l'autre fissent des choses différentes; mais l'un et l'autre, les mêmes choses. «Tout ce que fait le Père, le Fils le fait en effet pareillement (7)». Ce sont ses propres paroles, les paroles de la vérité, et elles ne peuvent enseigner l'erreur.

1 Is 48,12-16 - 2. Rm 8,32 - 3. Ga 2,20 - 4. Jn 5,21 - 5. Mt 8,2-3 - 6. Jn 17,24 - 7. Jn 5,19


CHAPITRE XXI. ARGUMENTS SUR LES PREUVES SCRIPTURALES DE LA DIVINITÉ DU SAINT-ESPRIT.

1. Vous dites que vous acceptez le texte suivant que j'ai allégué: «Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous (1)?» Mais vous avez objecté que le sens de ces paroles était celui-ci: que Dieu n'habite pas un temple en personne, que le Saint-Esprit ne l'ait auparavant sanctifié et purifié; comme si, Dieu devant habiter un temple, l'Esprit-Saint ne le sanctifiait et ne le purifiait pas pour lui-même, tandis que l'Apôtre a prouvé qu'il est Dieu, par ce motif que nous sommes son temple: car il ne dit pas: L'Esprit de Dieu vous sanctifie et vous purifie, afin que Dieu habite en vous; mais: «L'Esprit de Dieu habite en vous». Assurément Dieu habite en son temple: qu'est-ce en effet que le temple de Dieu, sinon sa demeure? Vous avez vu vous-même que celui dont nous sommes le temple est nécessairement notre Dieu: et cependant, vous n'avez pas voulu rappeler cet autre texte que j'ai mis en avant: «Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit, que vous avez reçu de Dieu?» Confessez donc maintenant la divinité du Saint-Esprit. Car s'il n'était pas Dieu, il n'aurait pas de temple, et de temple, je ne dis pas bâti de main d'homme, mais formé des membres de Dieu. «Le Christ», dont nos corps sont les membres, est en effet «Dieu au-dessus de tout, béni dans tous les siècles (2)». Et celui qui a dit: «Ne savez-vous pas que votre corps est le temple de l'Esprit Saint?» est le même qui a dit: «Ne savez«-vous pas que vos corps sont les membres du Christ (3)?» Celui à qui Salomon éleva un temple de bois et de pierres, est Dieu, et celui à qui est élevé un temple formé des membres du Christ, c'est-à-dire de membres divins, ne serait pas un Dieu, et cela quand le bienheureux martyr Etienne, parlant de Dieu, s'est exprimé en ces termes: «Salomon lui bâtit une demeure; mais le Très-Haut n'habite point dans des temples faits de la main des hommes,». Et cependant les membres du Christ, ces membres dont il est le chef au plus haut des cieux, sont les temples du Saint-Esprit, qui est venu certainement du ciel. Nier

1. 1Co 3,16 - 2. Rm 9,5 - 3. 1Co 6,15-19 - 4. Ac 7,43-47

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sa divinité, qu'est-ce à dire, sinon qu'on n'est pas et qu'on ne veut pas être son temple? Voici ce que dit l'Apôtre: «Je vous conjure, mes frères, par la miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte et agréable à ses yeux (1)». Les corps des fidèles sont donc une hostie offerte à Dieu, les membres de Jésus-Christ et le temple du Saint-Esprit, et le Saint-Esprit ne serait pas Dieu? Qui dit cela, sinon celui en qui il n'habite point? Car celui en qui il habite, est certainement son temple. Enfin, après avoir dit: «Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit, que vous avez reçu de Dieu, et que vous n'êtes point à vous-mêmes? car vous avez été achetés à un grand prix», l'Apôtre ajoute immédiatement: «Glorifiez donc Dieu dans votre corps (2)». Démonstration évidente de la divinité du Saint-Esprit, puisqu'il faut le glorifier dans notre corps, comme dans son temple. De même, l'Apôtre dit à Ananie: «Comment avez-vous osé mentir au Saint-Esprit?» et pour montrer que l'Esprit-Saint est Dieu: «Ce n'est pas aux hommes, dit-il, mais à Dieu que vous avez menti (3)».

2. Saint Augustin s'étonne que les Ariens refusent la divinité au Saint-Esprit, après qu'ils lui en attribuent les perfections. - Je suis surpris (et je n'ai point de paroles pour exprimer mon étonnement), que vous exaltiez le Saint-Esprit, au point d'affirmer qu'il est présent partout pour la sanctification des fidèles, et que néanmoins vous osiez lui refuser la divinité. N'est-il donc pas Dieu, celui qui remplit l'univers tout entier? Car l'Ecriture s'exprime ainsi: «L'Esprit du Seigneur a rempli tout l'univers (4)». Mais que dis-je: il remplit l'univers? Il a rempli le Rédempteur même de l'univers! Le Seigneur «Jésus est» en effet «sorti du Jourdain, rempli du Saint-Esprit (5)»; et vous osez dire que le Seigneur Jésus était Dieu, et que l'Esprit-Saint, dont il était rempli, n'était pas Dieu? en agissant de la sorte, vous affectez au sujet du Saint-Esprit des sentiments si misérables, que vous lui refusez même ce qui fut attribué à Moïse: ce serviteur de Dieu n'apportait pas aux Egyptiens des munificentes et des grâces, mais des châtiments miraculeux, guidé qu'il était dans sa mission par ce divin Esprit, qui est en effet

1. Rm 3,1 - 2. 1Co 6,19-20 - 3. Ac 5,3-4 - 4. Sg 1,7 - 5. Lc 4,1

«le doigt de Dieu (1)»; et cependant il était considéré par Pharaon comme un dieu. Il était en un lieu spécial pour punir les Egyptiens, et il était le dieu de Pharaon (2): le Saint-Esprit est présent partout, pour la régénération des hommes à leur salut éternel, et il ne serait pas leur Dieu! Mais il l'est certainement, et il est un Dieu véritable, car il a pour temple les membres du vrai Dieu. Le temple est sans doute inférieur à celui pour qui il est fait: comment donc ne serait-il pas Dieu, celui à qui sont assujettis les membres d'un Dieu? Par conséquent il est aussi le Maître de son temple: qui nierait en effet, qui serait assez fou pour nier que quelqu'un fût le maître de sa maison? Comment donc le Saint-Esprit ne serait-il pas le Seigneur, lui qui est le seigneur (ou le maître) des membres du Seigneur? Il est en effet cet Esprit du Seigneur, dont il est dit en un seul et même endroit: «Quand Israël se tournera vers le Seigneur, alors le voile sera ôté. Or, le Seigneur est Esprit; et où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté (3)».

3. Afin d'échapper au reproche de blasphème, les Ariens accordent au Saint-Esprit ce que ne possède aucune créature, et lui refusent ce qui est accordé à la créature elle-même. - J'ai déjà fait voir précédemment que le Saint-Esprit est créateur: mais comment ne serait-il pas roi, celui qui a pour temple les membres du roi? Comment ne trônerait-il pas avec le Père et le Fils, celui dont le Fils a été rempli, celui qui a pour demeure les membres du Fils? A moins peut. être que, lorsqu'il est sorti du Jourdain, le Fils n'ait été rempli de l'Esprit-Saint; mais que, quand il est allé s'asseoir à la droite du Père, il se soit séparé de lui? Ensuite, comment l'Esprit-Saint ne trônerait-il pas avec le Père, puisqu'il procède de lui? Il est évident que ceci ne doit pas s'entendre dans un sens charnel: sans quoi nous devrions nous représenter le Fils assis plus honorablement que le Père; attendu que la place la plus honorable est la droite, et qu'alors le Père serait assis à la gauche. Enfin, quel esprit vous aura inspiré de refuser à l'Esprit-Saint ce que la sainte Ecriture attribue aux saints: voyez-le vous-mêmes. En effet, l'Apôtre dit expressément: «Lorsque nous étions morts par nos péchés, Dieu nous a rendu la vie en la rendant au Christ, par la grâce duquel nous

1. Ex 8,19 - 2. Ex 7,1 - 3. 2Co 3,16-17

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avons été sauvés; et non-seulement il nous a ressuscités avec lui, mais il nous a même fait asseoir avec lui dans le ciel en la personne de Jésus-Christ (1)». Les saints, sanctifiés par le Saint-Esprit, rendus à la vie avec Jésus-Christ, sont donc tellement prédestinés à partager son trône, que l'Apôtre donne déjà comme accompli cet événement à venir qui est d'une parfaite certitude: et voilà que vous refusez à l'Esprit-Saint ce privilège, quel qu'il soit, comme si celui qui a rendu des hommes dignes de s'asseoir avec le Père et le Fils, n'en était pas digne lui-même. Vous lui refusez également le droit d'être adoré, et cela par une erreur analogue, quoique vous lisiez, comme je l'ai déjà fait voir, que des hommes mêmes ont été adorés par des saints. Et pour éviter le reproche odieux de blasphémateur, vous louez te Saint-Esprit, de manière à lui attribuer des perfections qu'il ne partage avec aucune créature, et à lui refuser en même temps des privilèges accordés même à l'homme.


CHAPITRE XXII. ON NE DIT DE PLUSIEURS CHOSES, QU'ELLES FONT UN OU UNE MÊME CHOSE QUE LORSQU'ELLES SONT D'UNE SEULE ET MÊME SUBSTANCE.

1. J'avoue avoir affirmé, comme vous le dites, et maintenant encore j'affirme, que notre Sauveur n'a pas dit: Afin qu'eux et nous, nous soyons un, mais: «Afin qu'ils soient un eux-mêmes» . Et en ce qui concerne ces paroles de l'Evangile, je me rappelle avoir suffisamment répondu, quand j'ai montré que vous étiez incapable de réfuter ma démonstration. Car je vous ai sommé de produire un texte, où il serait dit de plusieurs choses, qui ne sont pas d'une seule et même substance, «qu'elles sont une même chose», et vous ne l'avez pas produit. Q'importe, en effet, que vous donniez comme une marque de l'accord fondé sur la charité, cette parole relative à Paul, et à Apollo: «Celui qui plante et celui qui arrose sont une même chose (1)»; puisque vous ne faites pas voir qu'ils aient été de substance différente? Ils étaient hommes effectivement tous deux. S'ils ne s'aimaient pas réciproquement, ils étaient un par nature, et non par affection; et s'ils n'étaient pas un par nature, on ne pouvait pas dire qu'ils fussent une même chose par affection. Le Fils

1. 1Co 2,8

demande donc que ses disciples soient un, comme lui et son Père sont un; c'est-à-dire, qu'ils soient un non-seulement par nature, ce qu'ils étaient déjà, mais encore par la perfection de la charité et de la justice, suivant la capacité de leur nature, et autant que cela leur est possible dans le royaume de Dieu afin qu'ils soient eux aussi tout à fait un dans leur nature, comme le Père et le Fils sont parfaitement une même chose, quoique dans leur nature propre, qui est plus excellente et incomparablement meilleure. Le Fils dit donc à son Père: «Père saint, conservez en votre nom ceux que vous m'avez donnés: afin qu'ils soient un, comme nous». Il n'a pas dit: Afin qu'ils soient un avec nous; ou bien: Afin qu'eux et nous, nous soyons un. De même un peu plus loin: «Je ne prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous ensemble ils ne soient qu'un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous, afin qu'ils soient de même en nous». Ici encore il ne dit pas: Afin qu'eux et nous, nous ne soyons qu'un; mais: «Afin qu'ils soient un en nous». C'est que les hommes, qui sont un par nature, ne peuvent être un par la plénitude de la justice d'une manière parfaite et souveraine en rapport avec le mode qui leur est propre, s'ils ne sont consommés en Dieu, de manière à être un dans le Père et dans le Fils, c'est-à-dire, un en eux, et non, un avec eux. Il poursuit en ces termes: «Afin que le monde croie que vous m'avez envoyé; et je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, afin qu'ils soient un, comme nous ne sommes qu'une même chose: je suis en eux, et vous en moi, afin qu'ils soient consommés dans l'unité». Et ici encore, il ne dit pas: Afin qu'ils soient un avec nous; ou bien: Afin qu'eux et nous, nous soyons un. Enfin, quand il eut ajouté: «Afin que le monde connaisse que vous m'avez envoyé, et que vous les avez aimés comme vous m'avez aimé», il dit encore: «Mon Père, je veux que là où je serai, ceux-ci y soient aussi avec moi (1)». «Que là où je serai, ils soient», dit-il, «avec moi». Il ne dit pas: Qu'ils soient un avec moi. Il a donc voulu qu'ils fussent avec lui, et non pas, qu'eux et lui ne fissent qu'un. Qu'avez-vous voulu dire

1. Jn 17,11-24

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par ces mots: Il a fait mention de la charité et non de la substance; quoique vous n'ayez pas rapporté ces paroles du Seigneur à la circonstance où il les a prononcées? Mais que nous importe, puisqu'il n'a pas dit ou voulu que ses disciples et lui ne fissent qu'un, ou ses disciples avec son Père; mais qu'il a voulu que l'unité régnât entre ceux qu'il savait être d'une seule substance? «Comme nous, dit-il, ne faisons qu'un», car il savait qu'ils étaient pareillement d'une seule et même substance.

2. Développement de la même idée. - Pour vous, si vous essayez de répliquer, montrez-nous dans la sainte Ecriture un passage où il soit dit de plusieurs objets, qui sont d'une substance différente: Ils sont une même chose. Car Jésus-Christ n'a pas dit, ce que vous avez eu cependant le front d'affirmer, que les Apôtres ne font qu'un avec le Père et avec le Fils, parce qu'ils obéissent en tout à la volonté du Père, et que lui étant soumis à l'imitation du Fils, ils ne font également qu'un avec le Père (1). En disant cela, vous avez fait de Dieu et des saints une seule et même chose. Un saint serait donc en droit de dire Dieu et moi, nous ne faisons qu'un? C'est un blasphème indigne du coeur et des lèvres des saints. Je pense que vous auriez vous-même horreur d'entendre cela de la bouche de qui que ce fût, et que vous ne laisseriez dire à personne, quelle que fût l'excellence de sa sainteté: Dieu et moi, nous ne faisons qu'un. Mais peut-être vous paraîtrait-il coupable d'orgueil, celui qui oserait parler ainsi de lui-même. Mais quoique personne parmi vous n'ait la témérité de dire: Dieu et moi, nous ne faisons qu'un; y aurait-il quelqu'un de nous qui oserait s'exprimer ainsi: Paul et Dieu ne font qu'un, de même que nous disons sans hésitation aucune: Paul et Apollon ne font qu'un; Dieu le Père et Dieu le Fils ne font qu'un? Or, si vous n'osez dire: Un saint, un prophète, un apôtre quelconque, et Dieu, né font qu'un; qui vous pressait, qui vous tourmentait, qui vous poussait pour vous faire dire que les Apôtres ne font qu'un avec le Père et le Fils? Le Père et le Fils sont une même chose, dites-vous, cependant ils ne sont pas un seul; et vous ajoutez sur-le-champ: Une même chose marque l'accord qui est entre deux; un seul marque le singulier. Vous

1. Voir serm. 140,n. 4.

vouliez dire: Ils sont une même chose, voilà ce qui désigne l'accord; il est un, a rapport au nombre singulier; mais la chaleur de la discussion vous a empêché de peser vos paroles. Car une même chose et un seul appartiennent également au nombre singulier. Mais ce qui est vrai, c'est que: ils sont une même chose, en raison de l'addition de ce mot, ils sont, fait entendre le pluriel uni d'une certaine manière au singulier; tandis que, il est un, est évidemment au nombre singulier. Mais l'Apôtre aurait-il dit: Celui qui s'attache au Seigneur, sont une même chose? Qu'est-ce que cela eut signifié, sinon: Un saint et Dieu ne font qu'un? Mais un pareil langage était infiniment éloigné de sa sagesse; c'est lui cependant qui a dit: «Celui qui s'attache au Seigneur, est un seul esprit avec lui (1)», afin que vous sachiez que ces mots: Ils sont une même chose, ne se disent que des objets d'une seule et même substance: de même qu'il a été dit à certains hommes: «Vous êtes une même chose en Jésus-Christ (2)», et que Jésus. Christ lui-même a dit: «Mon Père et moi, nous ne faisons qu'un (3)». Quand on emplois le mot un et qu'on y ajoute un autre mot qui le détermine, on peut le dire, et de choses de substance différente, comme dans ce passage: «Celui qui s'attache au Seigneur, est un même esprit avec lui», et de choses de substance identique, comme dans cet autre passage: «Ils n'avaient qu'un coeur et qu'une âme (4)». Le texte latin porte le singulier au lieu du pluriel (il y avait, au lieu de, ils avaient), car il y est dit ce qui était parmi eux, c'est-à-dire, un coeur et une âme. C'est ainsi que nous disons du Père et du Fils: Ils sont une même chose, parce qu'ils sont tous deux d'une seule substance; et que nous disons aussi: Ils sont un seul, mais en déterminant le sens de ce mot, par exemple, un seul Dieu, un seul Seigneur, un seul tout-puissant, et autres qualifications semblables. Je pense vous avoir suffisamment fait toucher du doigt la différence qui existe entre ces deux manières de parler. Fouillez donc les Ecritures tant anciennes que nouvelles, et trouvez, si vous en êtes capable, un passage où il soit dit: Ils sont une même chose, en faisant allusion à des objets d'une nature ou d'une substance différente.

1. 1Co 6,17 - 2. Ga 3,28 - 3. Jn 10,30 - 4. Ac 4,32

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3. Explication du passage de saint Jean: «Il y en a trois qui rendent témoignage «l'esprit, l'eau et le sang; et ces trois sont «une même chose». - Certes, je ne veux pas que vous vous mépreniez sur le sens de ces mots, dans l'épître de l'apôtre Jean: «Il y a trois témoins: l'esprit, le sang et l'eau; et ces trois sont une même chose (1)»; que vous alliez dire peut-être que l'esprit, le sang et l'eau sont des substances diverses, et qu'il est dit cependant à leur propos: «Ces trois sont une même chose»: c'est pour cela que je vous avertis, de peur que vous ne soyez induit en erreur. Car ces choses sont des types mystérieux, et dans les symboles on recherche toujours, non ce qu'ils sont en eux-mêmes, mais ce qu'ils signifient: autres sont les symboles, autre leur signification. Si donc on entend les choses symbolisées par ces types mystérieux, on trouvera qu'elles sont d'une même substance; c'est comme si nous disions: la pierre et l'eau sont une même chose, voulant désigner le Christ par la pierre, et le Saint-Esprit par l'eau: qui doute que la pierre et l'eau soient des natures différentes? Mais comme le Christ et le Saint-Esprit sont d'une seule et même nature, en disant que la pierre et l'eau sont une même chose, il est permis de le prendre dans un sens absolu, parce que ces choses, dont la nature est différente, sont en même temps des types d'autres choses, dont la nature est identique. Nous savons donc que trois substances sont sorties du corps de Notre-Seigneur, quand il était attaché à la croix: d'abord, son esprit, suivant ce passage: «Et ayant incliné la tête, il rendit l'esprit»; puis, le sang et l'eau, quand son côté fut percé d'une lance (2). A considérer ces trois choses en elles-mêmes, elles ont chacune des substances différentes; et en ce sens, elles ne sont point une même chose. Mais si nous voulons rechercher ce qu'elles signifient, il n'est pas absurde d'y voir la Trinité elle-même, qui est un seul Dieu, souverain et véritable, Père, Fils et Saint-Esprit, dont on peut dire en toute vérité: «Il y a trois témoins, et ces trois sont une même chose». Par l'esprit, nous pouvons entendre Dieu le Père, car en parlant de l'adoration qui lui est due, Notre-Seigneur disait: «Dieu est Esprit (3)»; par le sang, nous pouvons entendre le Fils, parce que «le Verbe s'est fait chair (4)»; et enfin par l'eau,

1. 1Jn 5,8 - 2. Jn 19,30-34 - 3. Jn 4,24 - 4. Jn 1,14

le Saint-Esprit, car, observe l'évangéliste, quand Jésus parlait de l'eau qu'il devait donner à ceux qui sont altérés, «il entendait cela de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui (1)». Maintenant que le Père et le Fils et le Saint-Esprit soient des témoins, quel est le fidèle croyant à l'Evangile pour en douter, quand le Fils s'exprime ainsi: «Je me rends témoignage à moi-même: et mon Père qui m'a envoyé, me rend aussi témoignage (2)?» S'il n'est pas fait mention du Saint-Esprit dans ce passage, il ne faut pas cependant s'imaginer qu'il soit séparé des autres personnes. Jésus-Christ n'a pas omis de parler de lui ailleurs, et il l'a suffisamment et clairement désigné comme témoin. Il dit de lui en effet, quand il promettait de l'envoyer: «Il rendra témoignage de moi (3)». Tels sont «les trois témoins» en question; «et ces trois sont une même chose», parce qu'ils sont d'une seule substance. Les symboles mystérieux qui les désignaient, sortant du corps de Notre-Seigneur, étaient la figure de l'Eglise annonçant la nature une, identique de la Trinité: car ces trois qui ont été figurés de trois manières, sont une même chose; et l'Eglise qui les annonce est le corps de Jésus-Christ. Si donc ces trois choses, qui les signifiaient, sont sorties du corps de Notre-Seigneur, de ce corps du Seigneur est sorti également l'ordre de baptiser les nations «au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (4)». Au nom, et non pas, aux noms: car ces trois sont une même chose, et ces choses ne sont qu'un seul Dieu. Si, tout en se conformant à la foi catholique, qui ne confond et ne séparé point la Trinité, né renie point l'existence des trois personnes et ne croit pas qu'il y ait entre elles différence de substance, on trouve quelqu'autre manière d'expliquer et d'entendre la profondeur de ce mystère qu'on lit dans l'épître de saint Jean il ne faut pas du tout la repousser. Il faut se réjouir en effet de voir expliquer de plusieurs manières, pourvu cependant qu'elles ne s'écartent pas de la sagesse, les endroits obscurs des Ecritures saintes, où l'âme des fidèles trouve à s'exercer.

1. Jn 7,39 - 2. Jn 8,18 - 3. Jn 15,26 - 4. Mt 28,19

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Augustin et Maximin - CHAPITRE XVIII. PREUVE DE LA CONSUBSTANTIALITÉ DU VERBE, TIRÉE DU PSAUME CIXe, SUR CES MOTS MAL INTERPRÉTÉS PAR LES ARIENS: Ex utero ante luciferum genui te.