Augustin, Romains - 22. Le péché contre le Saint-Esprit est la persévérance dans le mal, accompagnée de désespoir.

23. Jésus veut qu'on espère toujours en lui.

Ainsi donc, lorsque le Seigneur chassait les démons par l'Esprit de Dieu, lorsqu'il guérissait les autres maladies ou infirmités corporelles des hommes, il n'avait qu'un seul but: il voulait qu'on reçut avec foi cette parole: «Faites pénitence; car le royaume des cieux est proche (2).» La rémission des péchés étant une oeuvre spirituelle, il préparait par des miracles la foi en cette rémission: nous en avons la preuve la plus frappante dans la personne du paralytique. Après avoir d'abord offert à celui-ci le bienfait corporel pour lequel il était venu lui-même, car le Fils de l'homme n'était point venu alors pour juger ce monde, mais pour le sauver (3); après avoir donc dit à ce paralytique: «Tes péchés te sont remis,»entendant les murmures des Juifs qui s'indignaient de ce qu'il leur paraissait s'arroger injustement une si grande puissance: «Laquelle de ces deux choses est la plus facile, ajouta-t-il, de dire: Tes péchés te sont remis; ou de dire: Lève-toi et marche? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés: Je te le commande, «dit-il au paralytique, lève-toi, emporte ton grabat et va dans ta maison (4).» Il montrait assez par ce fait même et par ces paroles, que s'il accomplissait ces oeuvres sur les corps,

1 Mt 12,31-33. - 2 Mt 3,2. - 3 Jn 3,17. - 4 Mc 2,31.

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c'était afin d'amener les hommes à croire qu'il délivrait les âmes par la rémission des péchés; en d'autres termes, il voulait par sa puissance visible inspirer la foi à sa puissance invisible. Il accomplissait donc par le Saint-Esprit toutes ces oeuvres, dans le but d'accorder aux hommes la grâce et la paix: la grâce par la rémission de leurs péchés; la paix par leur réconciliation avec Dieu (1), dont nos péchés seuls nous séparent. Mais les Juifs ayant dit alors qu'il chassait les démons par Béelzébuth, il voulut miséricordieusement les avertir de ne pas dire une parole, de ne pas prononcer un blasphème contre le Saint-Esprit (2), c'est-à-dire de ne pas résister à la grâce et à la paix de Dieu, que le Seigneur était venu donner par le Saint-Esprit. Non pas qu'ils eussent déjà commis des péchés qui ne pouvaient leur être pardonnés ni en ce monde ni en l'autre; mais le Seigneur ne voulait pas que, désespérant d'obtenir leur pardon, ou présumant trop peut être de leur propre justice, et par là même ne faisant point pénitence ou persévérant dans leurs péchés, ils ne se rendissent coupables de cette sorte de péché: car ils auraient dit une parole, c'est-à-dire un blasphèmes contre le Saint-Esprit; par lequel le Sauveur accomplissait ces prodiges destinés à préparer l'effusion de la grâce et de la paix, si par leur persévérance dans le péché ils avaient résisté à cette grâce même et à cette paix.
Aussi l'expression: dire une parole, ne semble pas devoir être ici entendue seulement de cette parole que produit notre langue, mais aussi de celle qui est d'abord conçue dans notre coeur, puis exprimée dans. nos oeuvres. En effet; de même que ceux-là ne confessent pas Dieu yù le confessent seulement par le mouvement de leurs lèvres, et non point par leurs bonnes oeuvres, car l'Apôtre dit de ces hommes. «Ils confessent qu'ils connaissent Dieu, mais ils le nient par leurs oeuvres (3);» d'où on doit conclure que fon peut évidemment dire une chose par des actions, comme il est ici manifesce qu'on peut la nier par ces mêmes actions: ainsi cette parole de l'Apôtre «Personne ne dit: Seigneur Jésus, si ce n'est par le Saint-Esprit (4),» ne peut être entendue dans son sens véritable, si on né l'entend du langage des actions. Car il ne faut pas croire qu'ils prononçaient ces paroles par le Saint-Esprit, ceux à qui Notre-Seigneur disait lui-même: «Pourquoi

II Rét. ch. 25. - 2 Mt 12,22 Mt 12,33. - 3 Tt 1,16. - 1Co 12,3.

me dites-vous, Seigneur, Seigneur, tandis que vous ne faites pas les choses que je vous commande (1)?» et ailleurs: «Ceux qui me disent Seigneur, Seigneur, n'entreront pas dans le royaume des cieux (2).» A l'exemple donc de ces confesseurs et de ces adorateurs hypocrites, ceux qui disent contre le Saint-Esprit cette parole que Notre-Seigneur veut nous montrer comme irrémissible, c'est-à-dire ceux qui désespérant de recevoir la grâce et la paix qu'il accorde gratuitement, se disent à eux-mêmes qu'ils doivent persévérer dans leurs péchés, doivent être regardés comme disant cette parole par leurs actions. Et si les premiers renient Notre-Seigneur par leurs oeuvres, ceux-ci disent également par leurs oeuvres qu'ils persévèrent dans leur vie mauvaise et dans leurs moeurs dépravées, et ils le font en effet, c'est-à-dire qu'ils y persévèrent. Et puisque telle est réellement leur conduite, qui pourra désormais apprendre avec surprise ou même sans le comprendre parfaitement, que d'une part Notre-Seigneur Jésus-Christ appelait les Juifs à la pénitence par cette menace, afin de pouvoir, lorsqu'ils croiraient en lui, leur accorder la grâce et la paix; et que d'autre part, les Juifs ayant résisté à cette grâce et à cette paix et par là-même ayant dit une parole et un blasphème contre le Saint-Esprit, c'est-à-dire ayant persévéré d 1s leurs péchés par une opiniâtreté d'esprit désespérée et impie, et s'étant élevés avec orgueil contre Dieu, au lieu de faire une confession et une pénitence pleine d'humilité, ils ne puissent obtenir leur pardon ni dans le siècle présent ni dans le siècle à venir?
Si donc il en est ainsi, nous avons, à propos de la grâce et de la paix que nous recevons de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, résolu avec le secours du ciel une question dont les difficultés égalent l'importance. Quant à ceux qui désirent encore avoir sur ce grave sujet des réflexions et un traité plus étendus, nous leur dirons que l'étude de l'Evangile et les paroles des Evangélistes peuvent les satisfaire, mais qu'ils se souviennent aussi que pour le moment nous avons entrepris une étude sur l'Épître de saint Paul aux Romains; Épître dont nous continuerons, s'il plait à Dieu, d'étudier la suite dans les livres suivants, après avoir enfin terminé ici le premier.

1 Lc 6,46. - 2 Mt 7,21.

Traduction de M. l'abbé BARDOT.




Augustin, Romains - 22. Le péché contre le Saint-Esprit est la persévérance dans le mal, accompagnée de désespoir.