Augustin, Sermons 53

53

SERMON LIII. LES BÉATITUDES (1).

1. Mt 5,3-8

ANALYSE. - Ce discours comprend deux parties. Dans la première, saint Augustin explique d'abord brièvement en quoi consiste chacune des six premières béatitudes: il indique ensuite comment dans chacune la récompense est admirablement proportionnée au mérite; il rappelle enfin que tous les bienheureux verront Dieu, quoique la vision divine ne soit promise expressément qu'à ceux dont le coeur est pur. La seconde partie est consacrée à enseigner le moyen de parvenir à la vision de Dieu, c'est-à-dire à la pureté du coeur qui mérite de voir Dieu. Or 1. le grand moyen c'est la foi, non pas la foi sans les oeuvres, comme celle des démons, mais la foi qui agit par l'amour, et conséquemment la foi accompagnée d'espérance et de charité. 2. Cette foi doit avoir soin de ne pas se faire de Dieu des idées indignes et matérielles. 3. En s'attachant à comprendre qu'elles sont la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur représentées par la croix du Sauveur, c'est-à-dire en pratiquant le bien avec persévérance, avec des intentions toutes célestes et avec la grâce de Dieu, la foi sera, sûrement admise au bonheur de contempler Dieu.


1. La solennité de cette vierge sainte qui a rendu témoignage au Christ et qui a mérité que le Christ lui rendit témoignage, qui a été immolée en public et couronnée en secret, est pour nous un avertissement. Elle nous dit d'entretenir votre charité de ce discours évangélique où le Sauveur vient de nous faire connaître les voies diverses qui conduisent à la vie bienheureuse. Il n'est personne qui n'aspire à cette vie; on ne peut trouver personne qui ne veuille être heureux. Ah! si seulement on désirait mériter la récompense avec autant d'ardeur qu'on soupire après la récompense elle-même! Qui ne prend son essor quand on lui dit: Tu seras bienheureux? Il devrait donc entendre avec plaisir aussi à quelle condition il le sera. Doit-on refuser le combat lorsqu'on cherche la victoire? La vue de (254) la récompense ne devrait-elle pas enflammer le coeur pour le travail qui l'obtient? A plus tard ce que nous demandons; mais c'est maintenant qu'il nous est commandé de mériter ce que nous obtiendrons plus tard.

Commence à rappeler les divines paroles, les commandements et les récompenses évangéliques. - «Bienheureux les pauvres de gré, parce qu'à eux appartient le royaume des cieux. - Tu posséderas plus tard ce royaume des cieux; sois maintenant pauvre de gré. Veux-tu réellement posséder plus tard ce magnifique royaume? Vois quel esprit t'anime et sois pauvre de gré. Mais qu'est-ce qu'être pauvre de gré? Demandes-tu peut-être. Aucun orgueilleux n'est pauvre de gré; le pauvre de gré est donc l'homme humble. Le royaume des cieux est haut placé; mais «quiconque s'humilie s'élèvera» jusques là (Lc 14,2).

2. Considère ce qui suit: «Bienheureux ceux qui sont doux, car ils auront la terre pour héritage.» Tu veux posséder la terre? Prends garde d'être possédé par elle. Tu la posséderas si tu es doux; tu en seras possédé si tu ne l'es pas. Mais en entendant qu'on t'offre comme récompense la possession de la terre, n'ouvre pas des mains avares pour t'en emparer dès aujourd'hui, aux dépens même de ton voisin; ne sois pas le jouet de l'erreur. Posséder la terre, c'est s'attacher intimement à Celui qui a fait le ciel et la terre. La douceur en effet consiste à ne pas résister à son Dieu, à l'aimer et non pas soi dans le bien que l'on fait; et dans le mal que l'on souffre justement, à ne pas lui en vouloir mais à s'en vouloir à soi-même. Il n'y a pas un léger mérite de lui plaire en se déplaisant et de se déplaire en lui plaisant.

3. Troisième béatitude: «Bienheureux ceux qui pleurent; car ils seront consolés.» Les pleurs désignent le travail, et la consolation, la récompense. Quelles sont, hélas! les consolations de ceux qui pleurent d'une manière charnelle? Aussi importunes que redoutables; car en essuyant leurs larmes, ils craignent toujours d'en verser de nouvelles. Un père, par exemple, se désole d'avoir perdu son fils, la naissance d'un autre le réjouit; celui-ci remplace celui qui n'est plus, mais il est pour lui un sujet de crainte comme le premier a été un sujet de tristesse, et il ne trouve dans aucun d'eux consolation véritable. La vraie consolation sera de recevoir ce qu'on ne pourra perdre, et on mérite d'en jouir plus tard, lorsque maintenant on gémit d'être en exil.

4. Quatrième devoir et quatrième récompense: «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.» Tu veux être rassasié? Comment le seras-tu? Si tu aspires au rassasiement du corps, une fois les aliments digérés, tu ressentiras de nouveau le tourment de la faim; car il est dit: «Quiconque boira de cette eau, aura soif encore (Jn 4,13).» Quand un topique étendu sur une plaie parvient à la guérir, toute douleur disparaît, mais la nourriture ne chasse la faim et ne restaure que pour un moment; car la faim succède au rassasiement; et en vain applique-t-on chaque jour le remède de la nourriture, il ne cicatrise point la faiblesse. Ayons donc faim et soif de la justice; c'est le moyen d'en être un jour rassasiés, car notre rassasiement viendra de ce qui maintenant provoque en nous et la faim et la soif. Que notre âme en ait faim et soif; pour elle aussi il y a une nourriture et il y a un breuvage. «Je suis, dit le Seigneur, le pain descendu du ciel (Jn 6,41).» Voilà le pain destiné à apaiser ta faim. Désire aussi le breuvage qui étanchera ta soif: «En vous,» Seigneur, «est la source de vie (Ps 35,10).»

5. Autre maxime: «Bienheureux les miséricordieux, car Dieu leur fera miséricorde.» Fais-la et on la fera; fais-la envers un autre et on la fera envers toi. Tu es à la fois riche et pauvre, riche des biens temporels, pauvre des biens éternels. Tu entends un homme mendier. Tu mendies toi-même auprès de Dieu. On te demande, et tu demandes. Ce que tu feras envers ton solliciteur, Dieu le fera envers le sien. Plein d'un côté et vide de l'autre, remplis de ta plénitude le vide des pauvres, et le tien sera rempli de la plénitude de Dieu.

6. Nous lisons encore: «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu.» Telle est la fin de notre amour; mais c'est une fin qui nous perfectionne et non une fin qui nous détruit. On finit un repas et on finit un vêtement; un repas, quand on a consumé la nourriture; un vêtement, quand on achève de le coudre. Ici et là on achève; ici de consumer, et là de perfectionner. Quels que soient maintenant nos actes et nos vertus, nos efforts et les louables et innocentes aspirations de notre coeur, une fois que nous verrons Dieu nous serons entièrement satisfaits. Que pourrait chercher encore celui qui possède Dieu, et de quoi se contenterait celui à qui Dieu ne suffit pas? Ce que nous voulons, ce que nous cherchons, ce que nous ambitionnons, c'est de voir Dieu. Et qui n'aurait ce désir?

Mais considère ces paroles: «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu.» Donc, afin de le voir, prépare ton coeur. Pour me servir d'une comparaison toute matérielle, à quoi bon désirer voir le soleil à son lever, si les yeux sont fermés par la maladie? Qu'on les guérisse et ils seront heureux de voir la lumière; s'ils restent malades, elle fera leur tourment. De même tu ne pourras voir sans la pureté du coeur, ce que ne sauraient contempler que les coeurs purs. Tu seras repoussé, éloigné, tu ne pourras jouir. «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu.»

Combien de fois déjà le Sauveur a-t-il répété ce mot Bienheureux? Quelles causes a-t-il assignées à la béatitude? Quelles oeuvres et quels salaires, quels mérites et quelles récompenses a-t-il énumérés? Jamais jusqu'alors il n'avait dit: «Ils verront Dieu. - Bienheureux les pauvres de gré, car le royaume des cieux est à eux. Bienheureux ceux qui sont doux, car ils auront la terre en héritage. Bienheureux ceux qui pleurent; ils seront consolés. Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice; «ils seront rassasiés. Bienheureux les miséricordieux; ils obtiendront miséricorde.» Il n'a pas encore été dit: «Ils verront Dieu.» Nous arrivons aux coeurs purs; c'est à eux qu'est promise la vue de Dieu, et ce n'est pas sans motif, car ils ont des yeux pour voir Dieu. C'est de ces yeux que parle l'Apôtre quand il dit: «Les yeux éclairés de votre coeur.» Ep 1,18 Maintenant donc ces yeux, parce qu'ils sont faibles, sont éclairés par la foi; devenus plus tard vigoureux, ils seront éclairés par la réalité même. «Tant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur; car nous marchons dans la foi et non dans la claire vue (2Co 5,6-7).» Et tant que nous marchons ainsi dans la foi, que dit de nous l'Ecriture? Que «maintenant nous voyons à travers un miroir, en énigme, et qu'alors ce sera face à face (1Co 13,12).»

7. Loin d'ici la pensée de toute face corporelle. Si dans le désir enflammé de voir Dieu tu prépares ton visage à jouir de cette vue, tu désireras voir aussi la face divine. Si au contraire vous avez de Lui des idées au moins spirituelles, si vous croyez que Dieu n'est pas un corps, ainsi que nous l'avons enseigné longuement hier, si toutefois nous l'avons enseigné; si dans vos coeurs, comme dans les temples de Dieu, nous avons brisé tout simulacre de forme humaine, si vous vous souvenez exactement, si vous êtes bien pénétrés de ce passage où l'Apôtre réprouve ceux qui «se disant sages sont devenus insensés, et ont changé la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant un homme corruptible (Rm 1,22-23);» si vous détestez cet égarement, si vous l'évitez, si vous purifiez le temple de votre Créateur, si vous voulez qu'il vienne en vous et y établisse sa demeure: «Ayez du Seigneur des sentiments dignes de lui et cherchez-le dans la simplicité du coeur (Sg 1,1);» voyez à qui vous vous adressez, si toutefois vous parlez sincèrement, quand vous vous écriez: «Mon coeur vous a dit: Je chercherai votre face.» Que ton coeur dise donc aussi: «Je chercherai votre visage, Seigneur,» car le chercher avec le coeur, c'est le chercher comme il convient.

On dit le visage de Dieu, le bras de Dieu, la main de Dieu, ses pieds, son trône et l'escabeau de ses pieds; mais ne te figure pas des membres humains; brise ces idoles de mensonge, si tu veux être le temple de la vérité. La main de Dieu désigne sa puissance; sa face, sa connaissance; ses pieds, sa présence; et si tu le veux, tu peux devenir son trône. Nieras-tu que le Christ soit Dieu? Non, réponds-tu. Tu admets aussi que le Christ est la vertu et la sagesse de Dieu? - Je l'admets aussi. - Ecoute: «L'âme du juste est le trône de la sagesse (Sg 1,2).» Or où Dieu a-t-il son trône, sinon où il habite; et où habite-t-il, si ce n'est dans son temple? Mais «le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple (1Co 3,17).» Songe donc de quelle manière tu dois considérer le Seigneur. «Dieu est esprit et il faut l'adorer en esprit et en vérité (Jn 4,24).» Qu'aujourd'hui donc, si tu le promets, l'arche d'alliance entre dans ton coeur, et que Dagon tombe à la renverse (1S 5,3). Ainsi prête l'oreille, apprends à désirer Dieu, apprends à désirer ce qui te rend capable de le voir. «Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu.» Pourquoi penser aux yeux du corps? S'ils servaient à voir Dieu, Dieu occuperait quelque espace. Mais quel espace occupe Celui qui est tout entier partout? Purifie ce qui doit le voir.

8. Ecoute encore et comprends, si toutefois je puis avec son secours expliquer ma pensée; (256) qu'il nous aide à entendre ces devoirs et ces récompenses, à saisir comment les uns répondent aux autres. Quelle est en effet la récompense qui ne convienne, qui ne soit proportionnée au mérite? Les humbles semblent exclus du royaume, et il est dit: «Bienheureux les pauvres de gré, le royaume des cieux est à eux.» On exproprie facilement ceux qui sont doux; et il est dit: «Bienheureux ceux qui sont doux, car ils auront la terre en héritage.» Le reste est clair, évident, il se révèle de lui-même et il faut, non pas l'expliquer, mais le rappeler. «Bienheureux ceux qui pleurent.» Qui ne désire la consolation quand il pleure? «Ils seront consolés. - Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice.» Qui ne désire être rassasié quand il a faim et soif? Aussi «seront-ils rassasiés. - «Bienheureux les miséricordieux.» Qui fait miséricorde, sinon celui qui même en l'exerçant demande que Dieu le paie de retour et fasse pour lui ce que lui-même fait pour le pauvre? «Bienheureux» donc «les miséricordieux, car Dieu leur fera miséricorde.» Voyez comment tout se correspond, comment la nature de la récompense est appropriée à la nature du précepte. Il est prescrit d'être pauvre de gré; la récompense est de posséder le royaume des cieux. Il est prescrit d'être doux; la récompense est de posséder la terre. Il est prescrit de pleurer; la récompense est d'être consolé. Il est prescrit d'avoir faim et soif de la justice; la récompense est d'en être rassasié. Il est prescrit d'être miséricordieux; la récompense est d'obtenir miséricorde. De même il est prescrit d'avoir le coeur pur; et la récompense est de voir Dieu.

9. Garde-toi donc de raisonner sur ces préceptes et sur ces récompenses de la manière suivante. Quand on le dit: «Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu,» ne t'imagine point que la vue de Dieu ne sera octroyée ni aux pauvres de gré, ni à ceux qui sont doux, ni à ceux qui pleurent, ni à ceux qui ont faim et soif de la justice, ni à ceux qui sont miséricordieux. Ne te figure point qu'il n'y aura pour le voir que les coeurs purs et que les autres en seront privés. En effet, ceux qui ont le coeur pur ont aussi tous les autres mérites; mais s'ils voient Dieu, ce n'est ni pour être pauvres de gré, ni pour être doux, ni pour pleurer, ni pour avoir faim et soif de la justice, ni pour être miséricordieux; c'est pour avoir le coeur pur. C'est comme, si l'on rapprochait des membres du corps les actions auxquelles ils sont propres, comme si l'on disait, par exemple: Heureux ceux qui ont des pieds, car ils marcheront; heureux ceux qui ont des mains, car ils travailleront; heureux ceux qui ont de la voix, car ils crieront; Heureux ceux qui ont une bouche et une langue, car ils parleront; heureux ceux qui ont des yeux, car ils verront. En nous donnant en quelque sorte des membres spirituels, le Sauveur a indiqué à quoi chacun est propre. L'humilité est propre a posséder le royaume des cieux; la douceur, à posséder la terre; les larmes, à recevoir la consolation; la faim et la soif de la justice, à être rassasiés; la miséricorde, à obtenir miséricorde; le coeur pur enfin, à voir Dieu.

10. Si donc nous aspirons à voir Dieu, comment purifier cet oeil intérieur? Qui ne s'appliquerait, qui ne chercherait à purifier son coeur pour voir Celui qu'il aime de toute son âme? Une autorité divine nous dit par quel moyen: «C'est par la foi, déclare-t-elle, qu'il purifie leurs coeurs (Ac 15,9).» La foi en Dieu purifie donc le coeur, et le coeur purifié voit Dieu.

Il est vrai, des malheureux qui se trompent eux-mêmes se font de la foi une étrange idée: ils se figurent qu'il suffit de croire; car il en est qui tout en vivant mal se promettent, parce qu'ils croient, d'arriver à la vision de Dieu et au royaume des cieux. Mais l'Apôtre saint Jacques s'enflamme contre eux dans son Epître, et rempli d'une charité toute céleste: «Tu crois qu'il y a un Dieu,» leur dit-il avec une sainte indignation. Tu t'applaudis de ta foi; tu considères qu'un grand nombre d'impies croient à la pluralité des dieux et tu es heureux de croire qu'il n'y en a qu'un. «C'est bien. Mais les démons croient aussi, et ils tremblent (Jc 2,19).» Ces démons verront-ils Dieu? Les coeurs purs le verront. Mais qui oserait appeler des coeurs purs ces esprits immondes? «Ils croient» néanmoins, «et ils tremblent.»

11. Il faut mettre de la différence entre notre foi et la foi des démons. La nôtre purifie le coeur, la leur les rend coupables, car ils font le mal et c'est pourquoi ils disent au Seigneur: «Qu'y a-t-il entre vous et nous?» Tu crois peut-être, en les entendant parler ainsi, qu'ils ne le connaissaient pas?» Nous savons, disent-ils, qui «vous êtes; vous êtes le Fils de Dieu (Lc 4,34).» Pierre est comblé d'éloges, quand il lui donne ce titre; le démon le donne aussi, et il est condamné. D'où (257) vient cette différence? Ne vient-elle pas de ce que les paroles étant les mêmes les dispositions du coeur Font loin de se ressembler? Que notre foi diffère donc de la leur, ne nous contentons pas de croire. Leur foi ne saurait purifier le coeur; et «c'est par la foi, est-il dit, que Dieu a purifié leurs coeurs.»

Or quelle est cette foi, sinon celle que définit l'Apôtre Paul quand il dit: «La foi qui agit par l'amour (Ga 5,6)?» Cette foi distingue des démons, elle distingue des hommes perclus de crimes et de moeurs. «La foi.» Quelle foi? «La foi qui agit par l'amour.» Elle espère donc ce que Dieu promet. Rien de plus exact, rien de mieux que cette définition. Aussi y voit-on trois choses essentielles. En effet, quand on a «la foi qui agit par l'amour,» on espère nécessairement aux promesses divines et la foi est accompagnée par l'espérance. Comment nous passer de l'espérance? Comment nous passer de l'espérance tant que nous croyons ce que nous ne voyons point encore? Sans voir et sans espérer, ne viendrions-nous pas à défaillir? Nous nous affligeons de ne pas voir, mais nous nous consolons dans l'espérance de voir un jour. Ainsi nous avons l'espérance et cette espérance accompagne la foi. Nous avons aussi la charité; c'est elle gui nous porte à désirer, à faire effort pour atteindre à quoi nous aspirons, à avoir faim et soif. Ainsi ajoutons cette vertu aux deux autres et nous avons la foi, l'espérance et la charité. Comment d'ailleurs n'aurions-nous pas la charité avec la foi telle que la définit l'Apôtre, puisqu'elle n'est autre chose que l'amour dont il parle quand il dit: «La foi qui agit par l'amour?» Supprime la foi, tu ne crois plus rien; supprime la charité, tu n'agis plus. Car à la foi il appartient de croire, et à la charité, d'agir. Crois sans aimer, tu ne te portes à aucune bonne oeuvre, et si tu t'y portes, c'est en esclave et non en fils, c'est par crainte de la peine et non par amour de la justice. La foi qui purifie le coeur est donc bien celle qui agit par la charité.

12. Alors cette foi, que fait-elle? Que fait-elle avec de si imposants témoignages de l'Ecriture, avec de si nombreux enseignements, des exhortations si variées et si puissantes? Elle nous met en état de voir, maintenant à travers un miroir, en énigme, et plus tard face à face. Cette fois encore ne songe pas à ta face extérieure, mais à la face de ton coeur. Force ton coeur à s'appliquer aux choses divines, contrains-le, presse-le. Rejette toute image corporelle. Tu ne saurais dire en la voyant: Dieu est cela, dis au moins: Il n'est pas cela. Quand pourras-tu dire de Dieu: C'est cela? Pas même quand tu le verras, car Celui que tu verras est ineffable. L'Apôtre publie qu'il a été ravi au troisième ciel et qu'il y a entendu des paroles ineffables. Si des paroles sont ineffables, que penser de Celui de qui elles viennent?

Tu penses donc à Dieu, et à ton esprit se présente sous forme humaine, une merveilleuse et immense étende. La voilà devant ta pensée; c'est quelque chose de grand, de vaste, une immense étendue enfin. Mais, ou bien elle est limitée, et limitée elle n'est point Dieu; ou bien elle n'est pas limitée, et alors où en est la face? Tu te représentes cette stature immense, mais pour lui donner des membres il faut lui assigner des bornes; comment sans cela distinguer ces membres? Que fais-tu donc, pensée folle et charnelle? Tu construis une masse énorme, tu lui donnes d'autant plus d'étendue que tu crois par là honorer Dieu davantage. Mais tout autre ne peut-il y ajouter une coudée et la rendre plus grande encore?

13. J'ai lu néanmoins, dis-tu. - Qu'as-tu lu? Tu n'y as rien compris. Dis cependant, qu'as-tu lu? Ne repoussons pas cet enfant qui joue avec les imaginations de son coeur. Qu'as-tu donc lu? - «Le ciel est mon trône et la terre l'escabeau de mes pieds (Is 66,6).» C'est vrai; moi aussi j'ai lu cela. T'estimes-tu plus que moi parce qu'en lisant tu as cru? Mais je crois aussi ce que tu viens de rappeler. Croyons donc ensemble. Et puis? Cherchons ensemble. Retiens bien ce que tu as lu et ce que tu crois. «Le ciel est mon trône, c'est-à-dire mon siège, car tel est le sens de ce mot dérivé du grec; «et la terre, l'escabeau de mes pieds.» Or n'as-tu pas lu aussi: «Qui a mesuré le ciel avec la paume de sa main (Is 40,12)?» Tu l'as lu sans doute et tu confesses également que tu le crois. Ainsi nous avons lu tous deux et tous deux nous croyons ces passages. Réfléchis maintenant et enseigne-moi; sois mon maître, je me fais ton élève. Enseigne-moi, je t'en prie. Est-il un homme qui siège sur la paume de sa main?

14. Tu viens de donner à Dieu des traits et des membres copiés sur le corps humain, et, peut-être l'imaginais-tu que c'est notre corps qui est fait à l'image de Dieu. Provisoirement j'accepte ton idée; mais pour l'examiner, pour la discuter, (258) pour la sonder, et pour la réfuter en l'étudiant. Consens à m'entendre, puisque j'ai prêté l'oreille à ce qu'il t'a plu de me dire.

Dieu siège au ciel et en même temps il mesure le ciel avec la paume de sa main. Ainsi le ciel est à la fois large et étroit; large puisque Dieu y est assis, étroit puisqu'il le mesure comme-il vient d'être dit? Ou bien ne faut-il à Dieu pour s'asseoir que l'espace occupé par la paume de sa main? S'il en est ainsi, il ne nous a point faits à son image, car nous avons la paume de la main bien plus étroite que l'espace occupé quand nous sommes assis; et si en Dieu la paume de la main est aussi étendue que la place occupée par lui sur son siège, il nous a donné des membres bien différents des siens; il n'y a point là de ressemblance. Qu'un coeur chrétien rougisse de se faire une telle idole.

Prends donc ici le ciel pour tous les saints; car la terre s'entend aussi de tous ceux qui l'habitent: «Que toute la terre vous adore (Ps 65,4).» Or si en pensant aux habitants de la terre nous pouvons dire: «Que toute la terre vous adore;» pourquoi ne pourrions-nous dire également, en pensant aux habitants du ciel: Que tout le ciel vous porte? Tout en habitant sur la terre, tout en foulant la terre aux pieds, les saints eux-mêmes ont le coeur fixé au ciel. Ce n'est pas en vain qu'on les invite à y tenir leur coeur élevé, ni en vain qu'ils affirment être fidèles à ce conseil; ce n'est pas en vain non plus que le chef de l'homme est élevé; aussi est-il dit dans ce sens mystérieux

«Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en haut, où le Christ siège à la droite de Dieu; goûtez les choses d'en haut et non les choses de la terre (Col 3,1-2).» Considérés comme vivant au ciel, les saints portent Dieu, ils sont même le ciel puisqu'ils sont les trônes de Dieu; et considérés comme annonçant sa parole, ces «cieux racontent la gloire de Dieu (Ps 18,2).»

15. Reviens donc avec moi aux yeux du coeur et sache les préparer. C'est à l'homme intérieur que Dieu parle; car il y a en nous un homme intérieur dont les oreilles, les yeux et les autres organes visibles ne sont que la demeure ou l'instrument. C'est aussi dans cet homme intérieur que le Christ habite provisoirement par la foie et qu'il fera sentir la présence de sa divinité, lorsque nous connaîtrons en quoi consistent la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur; lorsque nous connaîtrons aussi la charité du Christ, bien supérieure à toute science, pour être remplis de toute la plénitude de Dieu (Ep 3,17-19). Ainsi donc si tu aimes à comprendre dans ce sens, applique-toi à saisir ce que l'on entend par largeur et longueur, hauteur et profondeur. Mais ne laisse point courir ton imagination à travers les espaces de l'univers, à travers l'étendue finie de ce monde immense. Saisis dans toi-même ce que je vais dire.

La largeur consiste dans les bonnes oeuvres; la longueur, dans la constance et la persévérance à les faire; la hauteur est l'attente des récompenses célestes, c'est dans ce sens qu'on t'invite à élever ton coeur. Fais donc le bien et persévère à le faire dans l'espoir des dons de Dieu. Regarde comme rien les biens de la terre; autrement, lorsqu'elle sera ébranlée sous les coups de l'éternelle Sagesse, tu serais exposé à dire qu'en vain tu as servi Dieu, fait le bien et persévère dans la pratique des bonnes oeuvres. Il y a donc en toi largeur, quand tu les pratiques, longueur, si tu y persévères; mais tu manques de hauteur en convoitant les récompenses terrestres. Et la profondeur? C'est la grâce de Dieu considérée dans le secret de sa volonté sainte. «Qui a connu la pensée du Seigneur? qui lui a servi de conseiller (Rm 11,34)? - Vos jugements sont comme un profond abîme (Ps 35,7).»

16. La vraie vie consiste donc à faire le bien et à y persévérer, à attendre les biens du ciel, à recevoir la grâce que Dieu donne secrètement, non pas à l'aventure mais avec sagesse, et à ne pas critiquer la manière différente dont il traite les hommes; car en lui il n'y a point d'injustice (2Ch 19,7 Rm 9,14). Veux-tu rapprocher ce genre de vie de la croix de ton Seigneur? Il dépendait de lui de mourir, ou de ne pas mourir, et ce n'est pas sans raison qu'il a choisi ce genre de mort. S'il pouvait mourir ou se préserver de la mort, ne pouvait-il pas aussi mourir d'une manière ou de l'autre? Non, ce n'est pas sans motif qu'il a préféré expirer sur la croix pour t'y crucifier à ce monde.

Sur la croix en effet la largeur est le bois transversal où sont attachées les mains; ce qui représente les bonnes oeuvres. La longueur est la partie qui part du bois transversal et s'étend jusques à terre. Là est appliqué et se tient comme debout le corps du crucifié; attitude qui désigne la persévérance. La hauteur est la partie qui s'élève au dessus des bras de la croix, et qui figure l'attente des biens célestes. Et la profondeur? N'est-ce (259) point le bas, fixé dans la terre? Ainsi est cachée et comme dérobée à la vue, la grâce divine. On ne la voit pas, mais c'est d'elle que part tout ce que l'on voit.

Maintenant donc, si tu fais entrer tout ceci non-seulement dans ton intelligence mais encore dans ta conduite, «et l'intelligence en est donnée à ceux qui s'y conforment (Ps 111,10);» travaille alors, si tu en es capable, à connaître cette charité du Christ, qui surpasse toute science; et lorsque tu la connaîtras, tu seras rempli de toute la plénitude de Dieu; et ce sera face à face. Oui tu seras rempli de toute la plénitude de Dieu, car Dieu même te remplira sans que tu le remplisses. Cherche donc maintenant, s'il est possible, quelque face corporelle? Loin d'ici les vains fantômes. Enfant, jette ces jouets et occupe-toi de choses sérieuses. Nous aussi nous sommes souvent des enfants, et lorsque nous l'étions davantage encore, nos aînés ont su nous supporter. «Recherchez avec tous la paix et la sainteté, sans laquelle personne ne verra Dieu (He 12,14).» Elle aussi purifie le coeur, parce qu'elle implique la foi qui agit par la charité. Ainsi donc «Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu.»




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SERMON LIV. PURETÉ D'INTENTION (1).

ANALYSE. - Ce petit discours est simplement la conciliation de ces deux passages de l'Évangile: «Que votre lumière brille devant les hommes,» et: «Gardez-vous de faire votre justice devant les hommes, (2).» Ce que Jésus-Christ commande, c'est d'édifier le prochain parles bonnes oeuvres; ce qu'il défend, c'est de chercher la gloire en faisant le bien. Saint Augustin montre par l'examen du texte même que tel est le sens de ces deux passages.

1. Plusieurs s'étonnent, mes amis, qu'après avoir dit dans le grand discours de l'Evangile «Que votre lumière brille devant les hommes, de «façon qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux;» Jésus-Christ Notre-Seigneur ait dit en ensuite: «Gardez-vous de faire votre justice devant les hommes pour en être considérés.» Ici se trouble un esprit peu ouvert et désireux d'obéir aux préceptes divins; il flotte en sens divers et opposés. N'est-il pas aussi impossible d'obéir à un seul maître, donnant des ordres contraires, que de servir deux maîtres, comme le déclare le Sauveur dans ce même discours (3)? Que fera ici l'âme incertaine, partagée entre ce qu'elle croit l'impossibilité d'obéir et la crainte de n'obéir pas? Si elle fait ses oeuvres au grand jour, si elle les fait voir aux hommes pour accomplir ce commandement: «Que votre lumière brille devant les hommes, de façon qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux;» elle se croit coupable d'avoir violé le précepte suivant: «Gardez-vous de faire votre justice devant les hommes pour en être considérés.» Si d'autre part, pour échapper à cette faute elle cache ses vertus, elle croit ne pas obéir à cet ordre: «Que votre lumière brille devant les hommes, de façon qu'ils voient vos bonnes oeuvres.»

1. Mt 5,16 Mt 6,1 - 2. - 3. Mt 6,24


2. Celui néanmoins qui comprend le sens de ces deux préceptes, les accomplit tous deux; il sert ainsi le Seigneur de l'univers, lequel ne condamnerait point le serviteur paresseux, s'il commandait l'impossible. Ecoutez Paul, écoutez ce serviteur de Jésus-Christ, appelé à l'apostolat et séparé pour l'Evangile de Dieu, il accomplit et enseigne l'un et l'autre commandement.

Voyez d'abord comment sa lumière brille devant les hommes, comment il montre à ceux-ci ses bonnes oeuvres. «Nous nous recommandons nous-mêmes, dit-il, à toute conscience d'homme, devant Dieu (1).» Il dit encore. «Nous tâchons de faire le bien, non-seulement devant Dieu mais aussi devant les hommes (2).» Et ailleurs: «Plaisez à tous en toutes choses, comme en toutes choses je plais à tous (3).» Voyez d'un autre côté comment il se garde de pratiquer sa justice devant les hommes, pour en

1. 2Co 4,2 - 2. 2Co 8,21 - 3. 1Co 10,33

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être considéré. «Que chacun, dit-il, éprouve ses oeuvres; et alors il trouvera sa gloire en lui-même et non dans autrui (1).» Il dit encore: «Car voici en quoi consiste notre gloire, dans le témoignage de notre conscience (2).» Il ajoute ailleurs ces paroles on ne saurait plus claires: «Si je plaisais ainsi aux hommes, je ne serais pas le serviteur du Christ (3).»

Ceux néanmoins qui trouvent contradictoires les paroles du Seigneur même, ne vont-ils pas s'étonner encore plus du langage de l'Apôtre et lui demander: Comment dites-vous: «Plaisez à tous en toutes choses, comme en toutes choses «je plais à tous;» et d'autre part: «Si je plaisais ainsi aux hommes, je ne serais point le serviteur du Christ?» Daigne nous assister le Seigneur lui-même. C'est lui qui parlait dans son serviteur, dans son Apôtre: qu'il nous fasse connaître sa volonté et nous accorde la grâce de lui obéir.

3. Les paroles mêmes de l'Evangile portent en soi leur explication; si nous avons faim, elles ne nous ferment pas la bouche, car en cherchant nous y trouverons la nourriture de notre âme. Il faut donc examiner où se porte l'intention, ce qu'a en vue le coeur de l'homme. Si celui qui veut faire éclater ses bonnes oeuvres aux yeux des autres, fait dépendre d'eux sa gloire et ses avantages, s'il les cherche dans leur estime, il n'accomplit aucun des préceptes du Seigneur sur cette matière; car il veut pratique sa justice devant les hommes afin d'en être considéré, et il ne fait pas briller devant eux sa lumière dans le dessein qu'en remarquant ses bonnes oeuvres ils glorifient leur Père céleste. C'est soi-même que l'on veut glorifier alors et non pas Dieu; on cherche ses intérêts propres, ce n'est pas à la volonté du Seigneur que l'on s'attache: Tels étaient ceux dont l'Apôtre dit: «Ils cherchent, tous, leurs propres avantages et non ceux de Jésus-Christ (4).»

Aussi le Sauveur ne terminé pas sa phrase à ces mots: «Que votre lumière brille devant les hommes, de façon qu'il voient vos bonnes oeuvres;» il ajoute immédiatement pour quel motif on doit agir ainsi: «Et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.» Ainsi en faisant le bien devant les hommes, on doit garder pour sa conscience l'intention de bien faire et rapporter à la gloire de Dieu, à l'utilité du prochain, l'intention d'être connu. Il est bon en

1. Ga 6,4 - 2. 2Co 1,12 - 3. Ga 1,10 - 4. Ph 2,21

effet que le prochain aime Dieu comme l'auteur de nos vertus, et qu'ainsi il ne désespère pas de les obtenir de lui s'il les désire. Pour la même raison le précepte suivant: «Gardez-vous de faire votre justice devant les hommes,» ne se termine qu'à ces mots: «pour en être considérés.» Le Sauveur n'ajoute pas ici: «pour qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux;» il dit au contraire: «Autrement vous serez sans récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux.» Il montre ainsi que le défaut interdit par lui à ses fidèles, consiste à chercher sa récompense dans l'approbation des hommes, à mettre là son bonheur, à y nourrir sa vanité, à y trouver en même temps la ruine et l'orgueil, l'enflure et la consomption. Pourquoi ne s'est-il point contenté de dire: «Gardez-vous de faire votre justice devant les hommes?» Pourquoi a-t-il ajouté: «Afin d'en être considérés?» N'est-ce point parce qu'il est des âmes qui en accomplissant leur justice devant les hommes ne cherchent pas à s'en faire voir, mais à faire voir leurs bonnes oeuvres et à faire bénir le Père céleste, qui daigne accorder ses grâces à des impies justifiés?

4. Ces âmes ne s'attribuent pas la justice qu'elles pratiquent, elles la rapportent à Celui dont la foi est leur principe de vie. Aussi l'Apôtre dit-il: «Afin de gagner le Christ et d'être trouvé en lui, possédant non pas ma propre justice qui vient de la loi, mais celle qui vient par la foi, dans le Christ, celle qui vient de Dieu, la justice par la foi (1).» Et ailleurs: «Afin qu'en lui nous devenions la justice de Dieu (2).» C'est ce qui le porte à reprocher aux Juifs «d'ignorer la justice de Dieu, de vouloir établir la leur, et «de n'être pas soumis à la divine justice (3).» Chercher donc à faire voir aux hommes ses bonnes oeuvres, afin de les porter à bénir Celui à qui on les doit, afin de les excitera imiter avec une foi pieuse les vertus dont ils sont témoins, c'est réellement faire briller sa lumière devant eux; car c'est faire rayonner le feu de la charité, et non pas faire monter la fumée de l'orgueil, C'est aussi éviter de faire sa justice devant les hommes pour en être considéré; car on ne s'attribue point cette justice, et on ne l'accomplit point pour être remarqué, mais pour élever l'esprit vers Celui que fait bénir l'homme justifié, pour porter Dieu à produire dans celui qui le loue

1. Ph 3,8-9 - 2. 2Co 5,21 - 3. Rm 10,3

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ce qui fait le sujet de ses louanges, c'est-à-dire se rendre lui-même digne d'éloges. Remarquez aussi qu'après ces mots: «Plaisez à tous en toutes choses, comme en toutes choses je plais à tous,» l'Apôtre ne s'arrête pas. C'eût été indiquer en quelque sorte qu'il n'avait d'autre intention que de plaire aux hommes, et Il lui eût été impossible dédire sans mensonge «Si je plaisais ainsi aux hommes, je ne serais point le serviteur du Christ.» Il fait donc connaître aussitôt pourquoi il plaît aux hommes. «Ne cherchant pas, dit-il, ce qui m'est avantageux, mais ce qui l'est au grand nombre pour leur salut (1).» Ainsi donc il ne plaisait pas aux homme, pour son propre avantage, t'eût été n'être pas serviteur du Christ; et il leur plaisait pour leur salut, afin d'être ainsi pour le Christ un dispensateur fidèle. Sa conscience lui suffisait devant Dieu; et devant les hommes éclatait en lui ce que les hommes devaient imiter.

1. 1Co 10,33





Augustin, Sermons 53