Augustin, Sermons 89

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SERMON LXXXIX. LE FIGUIER MAUDIT (1).

Mt 21,19-21

ANALYSE. - Ce figuier maudit par Notre-Seigneur désigne la partie stérile de la Synagogue réprouvée par lui, comme la montagne qu'il donne à ses Apôtres le pouvoir de jeter dans la mer, figure la foi chrétienne qui devait s'implanter au sein des vagues de la gentilité. La preuve que Jésus avait en vue autre chose que le figuier, c'est que la malédiction lancée sur cet arbre serait autrement inexplicable, car si Jésus n'y trouva pas de fruits, un Évangéliste, observe que la saison des fruits n'était pas arrivée. - Il ne faut donc pas prendre à la lettre ce qui est dit du Sauveur, qu'il alla vers cet arbre pour y cueillir du fruit. J'oserai affirmer qu'il feignit de vouloir cri cueillir, comme il feignit, devant les disciples d'Emmaüs, de vouloir aller plus loin. De même en effet qu'il y a des paroles que l'on doit prendre dans le sens littéral, d'autres qui ne s'expliquent que dans le sens figuré, d'autres enfin qui comportent l'on et l'autre sens; ainsi il y a des actions qui s'expliquent par elles-mêmes, il en est d'autres que fou doit regarder uniquement comme des symboles, et d'autres enfin qui sont à la fois historiques et figurées. Celles qui sont simplement symboliques peuvent être nommées des fictions. Telles sont la recherche des fruits sur le figuier et la volonté d'aller plus loin, à Emmaüs.

1. La dernière lecture qu'on vient de nous faire, du saint Evangile, est une invitation formidable à ne pas porter des feuilles sans fruits. Si le fait est rapporté en peu de mots, c'est sans doute afin qu'il n'y ait pas abondance de paroles et disette d'actions! Quel sujet de frayeur? Et qui ne craindrait en voyant des yeux du coeur, dans le récit sacré, un arbre desséché tout-à-coup, et desséché au point qu'on lui dit: «Que jamais; qu'éternellement fruit ne naisse de toi?» Que cette frayeur nous corrige et une fois corrigés portons des fruits: Sans aucun doute, effectivement, le Christ Notre Seigneur avait en vue une espèce d'arbre qui méritait d'être desséché pour avoir porté des feuilles sans fruits. Cet arbre est la Synagogue, non pas la Synagogue élue, mais la Synagogue réprouvée. Car c'est de la Synagogue que sortait le vrai peuple de Dieu, ce peuple qui attendait réellement et sincèrement le salut de Dieu, Jésus-Christ prédit dans les prophètes. Aussi pour l'avoir fidèlement attendu, mérita-t-il de jouir de sa présence. De là venaient les Apôtres et toute cette foule qui précédaient le Seigneur sur sa monture et qui s'écriaient: «Hosanna au Fils de David! Béni Celui qui vient au nom du Seigneur (Mt 21,9)!» Car il y avait un grand nombre de Juifs fidèles, oui un grand nombre de Juifs qui croyaient au Christ avant même que pour eux il eut versé son sang. Etait-ce en vain qu'il n'était venu en personne que vers les brebis perdues de la maison d'Israël (Mt 15,24)?

D'autres lui offrirent, quand il fut crucifié et monté au ciel, des fruits de pénitence. Il ne dessécha point ceux-là, au contraire il les cultiva avec soie dans son champ et les arrosa de l'eau de sa parole. De ce nombre étaient les quatre mille Juifs qui crurent en lui au moment où ils virent ses disciples et ceux qui les accompagnaient, remplis du Saint-Esprit et parlant les langues de tous les peuples; don des langues qui annonçait en quelque sorte la future propagation de l'Eglise dans tout l'univers. Ces Juifs crurent donc alors; aussi faisaient-ils encore partie des brebis perdues de la maison d'Israël que le Fils de l'homme retrouva également, parce qu'il était venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19,10). Au milieu de quels buissons n'avaient elles pas été entraînées et cachées par les loups ravissants? Aussi le Sauveur ne parvient à les découvrir qu'en se faisant déchirer parles épines de la passion. Il y parvint cependant, il les trouva et les racheta. Ces malheureux dans leur fureur s'étaient donné la mort autant qu'à lui: ils durent leur salut au sang répandu pour eux. Car ils furent contrits en entendant les Apôtres; ils avaient percé le Sauveur d'une lance, ils se sentirent blessés dans la conscience. Sous ce sentiment de componction ils demandèrent conseil, ce conseil leur fut donné, ils le reçurent, firent pénitence, trouvèrent grâce et burent avec foi le sang versé par eux avec fureur. (Ac 2)

C'est ce qui reste aujourd'hui de cette race, maudite et stérile jusqu'à la fin des siècles, qui a été figuré par cet arbre. Tu viens à eux et tu y trouves tous les écrits des prophètes. Mais ce ne sont que des feuilles. Le Christ a faim, le Christ cherche du fruit; mais il n'en trouve point là, parce qu'il ne s'y trouve pas. Car c'est être sans fruit que de n'être pas attaché au Christ; et c'est n'être pas attaché au Christ que de n'être pas attaché à l'unité du Christ, que de n'avoir - 399 - pas la charité; d'où il suit que de manquer de charité, c'est être sans fruit. Ecoute l'Apôtre: «Le fruit de l'Esprit, dit-il, c'est la charité.» Il la montre comme une belle grappe, comme un beau fruit. «Le fruit de la charité, dit-il donc, est la charité, la joie, la paix, la patience (Ga 5,22).» Après avoir vu la charité venir la première, ne t'étonne pas de ce qui la suit.

2. Aussi voyant ses disciples surpris en présence de cet arbre desséché tout-à-coup, il leur recommanda la foi et leur dit: «Si vous aviez une foi qui n'exceptât rien;» en d'autres termes: Si pour tout vous aviez foi en Dieu, sans dire: Il peut ceci, il peut cela; si vous aviez confiance en la toute-puissance du Tout-Puissant; non-seulement vous feriez cela, mais encore «vous diriez à cette montagne: Lève-toi et te jette dans la mer, et elle le ferait. De plus, tout ce que vous demanderiez dans la prière avec foi, vous l'obtiendriez.»

Nous lisons que les disciples du Sauveur ont lait des miracles, ou plutôt que le Sauveur en a faits par eux, puisqu'il leur a dit: «Vous ne pouvez rien faire sans moi (Jn 15,6).» Le Seigneur en effet pouvait beaucoup sans ses disciples, mais sans lui ses disciples ne pouvaient rien; et lorsqu'il travailla à les former, il ne fut pas certainement aide par eux. Or en parcourant les miracles des Apôtres, nous ne voyons nulle part ni qu'ils aient desséché un arbre, ni qu'ils aient transporté une montagne dans la mer. Cherchons donc comment cette promesse s'est accomplie, attendu que les paroles du Seigneur ne sauraient être vaines.

Or, si l'on ne considère que les arbres ordinaires et les montagnes connues, la promesse ne s'est point exécutée. Mais si l'on considère l'arbre mystérieux dont j'ai parlé, et cette montagne du Seigneur dont un prophète a dit: «On verra dans les derniers jours la montagne du Seigneur à découvert (Is 2,4);» si dis-je, l'on considère et l'on comprend ce sens, la promesse s'est accomplie et accomplie par les Apôtres. L'arbre donc désigne la nation juive, mais je le répète, la partie de cette nation réprouvée et non élue; cet arbre ainsi rappelle la nation juive; et la montagne, d'après l'autorité du prophète, figure le Seigneur même. L'arbre desséché, c'est le peuple Juif sans la gloire du Christ; et la mer est le monde de la gentilité tout entière. Écoute maintenant les Apôtres s'adressant à cet arbre pour le dessécher et lançant la montagne en pleine mer. On les voit, au livre des Actes, parler aux Juifs contradicteurs et rebelles à la parole de vérité; en d'autres termes à l'arbre chargé de feuilles mais dépouillé des fruits. «Il fallait, leur disent-ils, vous annoncer la divine parole; mais puisque vous la repoussez;» puisque vous répétez les paroles des prophètes sans reconnaître Celui qui fut annoncé par eux, c'est-à-dire puisque vous n'avez que des feuilles: «Voici que nous nous tournons du côté des gentils (Ac 13,46).» Le prophète d'ailleurs l'avait prédit ainsi: «Voici que je t'ai établi pour être la lumière des gentils et leur salut jusqu'aux extrémités de la terre (Is 49,6).» Ainsi l'arbre est desséché, et le Christ annoncé aux nations est la montagne transportée dans la mer. Comment d'ailleurs l'arbre ne sècherait-il point, attendu qu'il est placé, dans une vigne dont il a été dit: «Je défendrai à mes nuées de répandre la pluie sur elle (Is 5,6)?»

3. Le Seigneur a voulu nous montrer avec évidence qu'il agissait ainsi d'une manière prophétique, qu'il n'entendait pas simplement l'aire un miracle sur cet arbre, mais faire un miracle qui présageât l'avenir. Plusieurs circonstances nous disent, nous prouvent, nous forceraient même à avouer malgré nous que telle fut son intention.

Et d'abord, cet arbre avait-il péché pour n'être pas alors couvert de fruits? Fût-on au temps des fruits, il n'était point répréhensible de n'en point porter. Quelle faute peut-on reprocher à un arbre insensible? Ajoutez, comme le rapporte expressément un autre Évangéliste, que «ce n'était pas le temps des figues (Mc 11,13).» C'était le moment où le figuier pousse ces feuilles délicates qui précèdent toujours les fruits, nous le savons et ce qui le démontre, c'est d'une part que l'on était proche de la passion, et nous savons d'autre part à quelle époque le Seigneur l'endura; mais ne fissions-nous pas attention à cette circonstance, nous devons croire à l'Évangile; or l'Évangile dit: «On n'était pas au temps des figues.» Ah! si le Seigneur n'avait voulu faire qu'un miracle, s'il n'avait pas eu dessein de nous donner une figure prophétique de quelque évènement futur, il eût agi d'une manière beaucoup plus douce et plus digne de sa miséricorde, et s'il avait rencontré un arbre mort, il lui eût rend a la vie, comme il se plaisait à guérir les malades, à purifier les lépreux, à ressusciter les morts.

400 Comment expliquer ici une conduite en apparente aussi contraire aux règles ordinaires de sa bonté? Il rencontre un arbre bien vert; cet arbre ne porte pas encore de fruits; mais ce n'en est pas la saison, mais il n'en refuse pas à celui qui le cultive, et le Seigneur le dessèche! N'était-ce pas dire à chacun de nous: Je n'ai pas pris plaisir à faire mourir cet arbre, mais j'ai voulu t'avertir que je n'ai pas agi sans motif et te porter à réfléchir avec plus de soin à ce que je viens de faire? Je n'ai pas maudit cet arbre, je n'ai pas entendu infliger de châtiment à un être insensible; mais j'ai voulu t'inspirer une frayeur salutaire et te porter, si tues attentif, à ne mépriser pas le Christ quand il a faim et à chercher plutôt à être couvert de fruits que chargé d'un sombre feuillage.

4. Voilà une première circonstance destinée à nous montrer que le Seigneur avait en vue quelque signification mystérieuse. En est-il une autre? - Il a faim, il s'approche de l'arbre et il y cherche du fruit. Ignorait-il que ce n'en était pas encore la saison? Le Créateur de cet arbre ne savait-il pas ce que savait le jardinier? Le voilà donc qui cherche sur cet arbre un fruit qui n'y est pas encore. Cherche-t-il réellement, ou plutôt ne feint-il pas de chercher? Car s'il cherche réellement, il se trompe, et loin de nous une idée semblable! Alors il feint? Mais tu crains de l'avouer. Tu confesses donc qu'il se trompe? Tu ne peux l'admettre encore et tu. te rejettes sur la feinte. Nous voici tourmentés, agités, nous nous desséchons. Dans cette fièvre d'anxiété, demandons la pluie du ciel pour nous rendre la vie, et gardons-nous de rien dire qui soit indigne du Seigneur, ce serait nous vouer à la mort.

Le texte de l'Évangile porte: «Le Seigneur alla vers cet arbre et n'y trouva pas de fruit.» Nous ne lirions pas cette expression: «Il n'y trouva point,» s'il n'y avait cherché ou feint de chercher les fruits qu'il savait n'y être pas. Point de doute à cet égard, le Christ assurément ne s'est point trompé. Il a donc feint? Mais le dirons-nous et comment sortir de cet embarras? Voyons si quelque Évangéliste n'a pas dit ailleurs ce que de nous-mêmes nous n'oserions affirmer. Reproduisons d'abord ce qu'a dit cet Évangéliste, et travaillons à le comprendre après l'avoir reproduit. Mais pour le comprendre croyons-le d'abord. «Si vous ne croyez, vous ne comprendrez pas,» dit en effet un prophète (Is 7,9 sel. LXX).

Le Seigneur Jésus, après sa résurrection, voyageait avec deux de ses disciples, et sans en être encore reconnu, il cheminait avec eux comme un troisième voyageur. On arriva à l'endroit où allaient les deux premiers; mais Jésus dit l'Evangéliste, «feignit d'aller plus loin.» (Lc 24,28) Eux le retenaient par politesse, lui disaient qu'il était déjà tard et le priaient de rester avec eux. Il accepte l'hospitalité, prend du pain, le bénit, le rompt; et on le reconnaît. Pourquoi donc craindre de dire qu'il feignit de chercher du fruit, puisqu'il est écrit qu'il feignit d'aller plus loin?

Mais voici surgir une autre question. Nous avons hier soutenu pendant longtemps la véracité des Apôtres; et dans le Seigneur lui-même nous rencontrerions aujourd'hui quelque feinte? Ici donc, mes frères, nous devons vous exposer, vous expliquer, dans la faible mesure des forces que Dieu nous donne pour vous servir; nous devons enfin vous faire comprendre la règle qui doit vous diriger dans l'interprétation de toutes les Écritures.

Toute parole ou toute action y doit être entendue soit dans un sens propre, soit dans un sens figuré, soit en même temps dans l'un et l'autre sens. Voilà une triple distinction; appuyons-la sur des exemples, et des exemples tirés des Lettres divines. Expressions prises dans le sens propre: Le Seigneur a souffert, il est ressuscité et monté au ciel; nous ressusciterons aussi à la fin des siècles, et si nous ne le dédaignons pas, nous règnerons éternellement avec lui voilà un langage qu'il faut prendre à la lettre; prends-le dans le sens propre sans y chercher de figures; les choses sont réellement telles qu'elles sont exprimées. Voici des faits: l'Apôtre monta à Jérusalem pour y voir Pierre; il y monta réellement, cet acte doit être aussi entendu dans le sens propre (Ga 1,18); c'est le récit d'un fait, d'un fait où il n'y a rien de figuré.

Voici maintenant du figuré: «La pierre rejetée par les constructeurs est devenue la tête de l'angle (Ps 117,22 Mt 21,42).» Si nous prenons à la lettre ce terme de pierre, de quelle pierre est-il dit que rejetée par les constructeurs elle est devenue la pierre de l'angle? Et si à la lettre encore nous entendons le terme d'angle, de quel angle cette pierre est-elle devenue la tête? En supposant au contraire qu'il y a un sens figuré et en s'y attachant, on voit le Christ dans cette pierre angulaire et dans cette tête d'angle le Chef de l'Église.
- 401 - Mais comment l'Église est-elle comparée à un angle? Parce qu'elle attire à elle, d'un côté les Juifs et d'un autre côté les Gentils; ils sont comme deux murs qui viennent de directions différentes, qui se réunissent en elle et dont elle maintient l'union par la grâce qui produit la paix dans son sein. «Car le Christ est notre paix, et de deux choses il en a fait une seule (Ep 2,14).»

5. Voilà donc des actes et des expressions dans le sens propre, ainsi que des paroles dans le sens figuré. Vous demandez maintenant des exemples d'actions figuratives. Il en est beaucoup. Citons provisoirement le trait que nous rappelle ce que nous venons de dire de la pierre angulaire. C'est l'onction que fit Jacob à la pierre qu'il avait placée sous sa tête durant ce sommeil mystérieux où il vit des échelles qui allaient de la terre au ciel, des hommes qui montaient et descendaient, et le Seigneur debout au sommet de ces échelles. Cette dernière circonstance lui fit comprendre ce que devait signifier cette pierre, et pour nous démontrer qu'il n'était point étranger au sens de cette vision (Gn 28,11-18), de cette révélation sublime, il répandit sur cette pierre l'onction destinée à rappeler qu'elle figurait le Christ (Jn 1,47-52). Pourquoi t'étonner de cette onction? N'est-ce pas d'onction que vient en grec le nom de Christ?

Ce même Jacob est donc appelé dans l'Écriture un homme sans artifice; il y porte aussi le nom d'Israël, vous le savez. N'est-ce pas pour cela qu'il est écrit dans l'Évangile qu'en voyant Nathanaël le Seigneur s'écria: «Voici vraiment un Israélite en qui il n'y a point d'artifice?» Mais ne sachant encore qui lui adressait la parole, cet Israélite répliqua: «D'où me connaissez-vous? «- Lorsque tu étais sous le figuier, répondit le Seigneur, je t'ai vu;» c'est-à-dire, lorsque tu étais encore dans les ombres du péché, je t'ai prédestiné. Mais lui, se rappelant avoir été sous un figuier quand le Seigneur n'était point présent, reconnut sa divinité et s'écria: «C'est vous le Fils de Dieu, c'est vous le Roi d'Israël.» C'est ainsi, c'est ainsi qu'en reconnaissant le Christ, il n'était point devenu une figue sèche tombée sous le figuier. Le Seigneur ajouta: «Parce que j'ai dit t'avoir vu lorsque tu étais sous le figuier, tu crois: tu verras de plus grandes choses.» Quelles sont-elles? Rappelle-toi d'un côté qu'il s'agit ici d'un Israélite sans artifice; souviens-toi aussi qu'il est dit de Jacob qu'il était également sans artifice, et que le Seigneur fait allusion à la pierre qu'il avait sous la tête, à ce qu'il vit dans son sommeil, aux échelles qui allaient de la terre au ciel, et aux anges qui montaient et qui descendaient. Tu comprendras alors le sens de la réponse que fait le Sauveur à cet Israélite sans artifice. «En vérité je vous le déclare, dit donc Jésus; vous verrez le ciel ouvert:» Nathanaël, sans artifice, écoute bien ce que rit Jacob, sans artifice également: «vous verrez le ciel ouvert, et les anges montant et descendant:» vers qui? «Vers le Fils de l'homme (1).» Le Fils de l'homme était donc la pierre mystérieuse, qui soutenait le chef de Jacob; et de fait si l'homme est le chef de la femme, le Christ à son tour est le chef de l'homme (1Co 11,3). Si le Sauveur ne dit pas que les Anges montaient au dessus du Fils de l'homme et descendaient vers lui, c'est pour ne pas laisser croire qu'il fût seulement au ciel et seulement sur la terre. «Ils monteront et descendront vers le Fils de l'homme.» Car il est au ciel et c'est lui qui crie: «Saul, Saul.» Il est aussi sur la terre, et c'est pourquoi il ajoute: «Pourquoi me persécutes-tu (Ac 9,4)?»

6. J'ai cité des expressions à prendre dans le sens propre: nous ressusciterons; des actes pris également à la lettre: Paul monta à Jérusalem pour y voir Pierre; des expressions figurées: la pierre réprouvée par les constructeurs; un acte figuratif aussi: l'onction de la pierre placée sous la tête de Jacob. Je dois maintenant, pour vous satisfaire, produire un trait qui soit en même temps littéral et figuré.

Nous savons tous qu'Abraham eut deux fils, l'un de la servante, et l'autre de la femme libre voilà tout à la fois un évènement et un récit à entendre dans le sens propre. Mais qu'y a-t-il de figuré? «Ce sont là les deux alliances (Ga 4,22-24).»

Des expressions figurées sont donc des espèces de fictions. Mais comme elles finissent par avoir une signification, et une signification conforme à la vérité, on ne saurait les accuser de mensonge. Un semeur s'en alla semer, et pendant qu'il semait, la semence tomba une partie dans le chemin, une partie dans des endroits pierreux, une autre au milieu des épines, une autre enfin sur une bonne terre. Quel est ce semeur? Quand s'en alla-t-il? Quelles sont les épines? Quelles sont les pierres? Quel est le chemin? Quel est le champ où il jeta sa semence? Si tu vois ici une fiction, comprends assurément qu'elle signifie quelque chose. Or, c'est bien une fiction. Si d'ailleurs il - 402 - s'agissait ici d'un semeur véritable qui eût répandu sa semence dans les différents endroits dont il vient d'être parlé, ce ne serait pas à la vérité une fiction, mais ce ne serait pas non plus un mensonge. Il y a ici fiction, mais il n'y a pas non plus de mensonge. Pourquoi? Parce que c'est une fiction qui désigne quelque chose et qui ne trompe pas. Elle demande à être comprise, mais n'induit pas en erreur.

C'est ce qu'avait en vue le Christ lorsqu'il chercha des fruits sur le figuier; c'était une fiction, mais une fiction figurative et non pas trompeuse, et conséquemment une fiction honnête et irrépréhensible; une fiction qui ne jette point dans l'erreur si on l'examine, mais qui découvre la vérité lorsqu'on en approfondit le sens.

7. Je sais ce qu'on demandera encore: Explique-nous, dira quelqu'un, ce que voulait faire entendre le Sauveur, lorsqu'il feignit d'aller plus loin (Lc 24,28); car s'il n'avait pas prétendu faire connaître quelque chose, c'eût été tromper et mentir. - Les principes et les règles qui nous guident avec tant d'exactitude serviront à vous faire comprendre ce que signifiait cette feinte, de vouloir aller plus loin.

Le Sauveur feint donc de vouloir aller plus loin et on le retient, on l'en empêche. N'est-il pas vrai qu'on le croyait absent de corps? Or cette absence présumée était comme l'éloignement du Seigneur Jésus. Pour toi, retiens-le fidèlement, retiens-le au moment de la fraction du pain. Que dirai-je encore? La connaissez-vous? Si vous la connaissez, vous savez que le Christ est là. Mais il ne faut pas en dire davantage du sacrement redoutable. Ceux qui diffèrent de s'en instruire, laissent le Seigneur bien éloigné d'eux. Ah! qu'ils l'apprennent au plus tôt et ne perdent pas le trésor; qu'ils offrent l'hospitalité, et on les invite au ciel.




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SERMON XC. Prononcé à Carthage dans la Basilique Restitute (1). LA ROBE NUPTIALE OU LA CHARITÉ (2).

1. Voir ci-dessus, Serm. XIX. - 2. Mt 21,1-14

ANALYSE. Ce discours comprend deux parties distinctes: I. nécessité indispensable de la charité; 2. conditions dont la charité doit être revêtue. - I. Il y a dans chacun des fidèles et du bien et du mal; chacun est donc en même temps bon et mauvais. Est-ce dans ce sens qu'il est dit que les mauvais entrèrent avec les bons dans la salle du banquet? Evidemment non; et le convive qui fut chassé du festin et précipité dans les ténèbres extérieures, représente le grand nombre des chrétiens qui méritent d'être exclus du royaume des cieux pour n'être pas revêtus de la robe nuptiale. Or la robe nuptiale est sans aucun doute la charité chrétienne, dont l'Apôtre a proclamé en termes si énergiques l'incomparable nécessité. La charité est donc réellement indispensable pour qui veut être sauvé. - II. Or 1. cette charité doit s'étendre à tous les hommes, puisque tous viennent d'un même père, soit dans l'ordre de la nature soit dans l'ordre de la grâce, et que la foi qui nous rend chrétiens n'est pas une telle foi telle quelle, mais la foi agissant par la charité. La charité doit 2. embrasser les ennemis et prier pour eux. Est-il d'ailleurs rien de plus convenable, puisque prier pour eux c'est demander qu'ils soient délivrés des vices qui les rendent nos ennemis? 3. Enfin cette charité doit entraîner tout; rapporter tout à Dieu: c'est le tribut légitime et nécessaire dont nous sommes redevables au Souverain de l'univers.

1. Tous les fidèles connaissent les noces et le festin du fils du Roi; on sait aussi que cette table divine est dressée pour quiconque est de bonne volonté. Mais si rien n'empêche d'en approcher, il faut faire grande attention aux dispositions qu'on y apporte. Les saintes Écritures nous enseignent effectivement que le Seigneur a deux banquets l'un où se rendent les méchants avec les bons, et l'autre d'où sont exclus les méchants. Voilà pourquoi il y a des méchants comme des bons au festin sacré dont il vient d'être question dans l'Évangile. Tous ceux qui se sont excusés d'y venir, sont méchants; mais il ne faut pas considérer comme bons tous ceux qui s'y sont rendus. C'est à vous donc que j'adresse la parole, vous, bons convives, qui prenez au sérieux ce grave enseignement: «Celui qui mange et qui boit indignement, mange et boit sa propre condamnation (1);» à vous tous qui êtes bons j'adresse donc la parole et je vous dis: Ne cherchez pas les bons en dehors, et en dedans souffrez les méchants.

2. Votre charité voudrait savoir sans doute quels sont ceux à qui je m'adresse et à qui je

1. 1Co 11,29

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recommande de ne pas chercher les bons en dehors et de tolérer en dedans les méchants; car à qui me serais je adressé s'il n'y avait pas de bons, et si tous l'étaient, comment aurais-je pu inviter à souffrir les méchants? Commençons doué avec l'aide du Seigneur, à résoudre cette question.

A prendre la bonté dans toute sa perfection, il n'y a réellement que Dieu pour être bon. Le Seigneur le dit de la manière la plus expresse «Pourquoi m'interroger sur ce qui est bon? Dieu seul est bon (1).» Mais s'il n'y a que Dieu pour être bon, comment se trouve-t-il à ces noces divines des bons avec les méchants?

Sachez d'abord que sous certain rapport nous sommes tous mauvais. Oui, sous un rapport nous sommes tous mauvais; et sous un autre rapport nous ne sommes pas tous bons. Pouvons-nous en effet nous comparer aux Apôtres? Et pourtant le Seigneur leur disait: «Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants.» Il y avait sans doute, au témoignage des Écritures, un Apôtre mauvais parmi les douze; c'est à lui que le Sauveur faisait allusion dans ces mots: «Vous êtes purs, mais non pas tous (2).» Quand néanmoins il s'adresse à tous en général, il leur dit: «Si vous qui êtes mauvais.» Alors étaient présents et Pierre, et Jean, et André, et tous les autres qui faisaient partie des onze Apôtres fidèles; c'est à eux qu'il fut dit: «Si, tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent (3)?» Ils devaient se décourager, en s'entendant dire qu'ils étaient mauvais; mais aussi devaient-ils respirer, en entendant que dans les cieux ils avaient Dieu pour père. «Tout mauvais que vous êtes,» dit le Sauveur. Mais quand on est mauvais, que peut-on attendre autre chose que des châtiments? «Combien plus, poursuit-il, votre Père qui est dans les cieux!» Mais un enfant ne doit-il pas espérer des encouragements de son père? Ainsi la qualification de mauvais inspire la crainte des supplices, et le titre d'enfants ranime l'espérance d'un héritage.

3. En quoi donc étaient mauvais ces Apôtres qui sûrement étaient bons à quelque point de vue? Car s'il leur fut dit: «Tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants;» il fut ajouté immédiatement: «Combien plus votre Père qui est dans les cieux;»

1. Mt 19,17 - 2. Jn 13,10 - 3. Mt 7,11

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et si Dieu a des enfants mauvais, il ne faut pas désespérer de leur sort, car il est aussi médecin pour les guérir. Oui donc ils étaient mauvais sous certain rapport; j'estime toutefois que si ces convives, admis par le Père de famille aux noces du Roi son fils, comptaient parmi ceux dont il est écrit. «On invita les bons et les méchants;» toutefois on ne doit pas les confondre avec ces mauvais que nous avons vu chasser du festin dans la personne de ce malheureux qui n'avait point la robe nuptiale. En quoi, dis-je, étaient mauvais ces bons? et en quoi bons ces mauvais?

Écoute Jean, il t'apprendra en quoi ils étaient mauvais: «Si nous prétendons être sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous.» Voilà ce qui les rendait mauvais, c'est qu'ils n'étaient pas sans péché. En quoi maintenant étaient-ils- bons? «Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité (1).»

Mais pouvons-nous appliquer ici cette interprétation qui s'appuie, vous le voyez sans doute, sur l'autorité de l'Ecriture, et dire que les mêmes hommes étaient à la fois bons et mauvais, bons sous un rapport et mauvais sous un autre? Pouvons-nous expliquer dans ce sens ces paroles: «On invita les bons et les méchants,» c'est-à-dire des hommes qui étaient à la fois bons et méchants? Non, ce sens n'est pas admissible; car il y a ici un convive qui fut découvert sans la robe nuptiale et non-seulement éloigné du festin, mais encore condamné, dans les ténèbres, à l'éternel supplice.

4. Quoi! dira-t-on; mais il ne s'agit ici que d'un homme; et qu'y a-t-il d'étrange, qu'y a-t-il de surprenant que les serviteurs du Père de famille aient par mégarde laissé entrer dans la foule un homme qui n'avait point l'ornement nuptial? La présence de cet homme suffirait-elle pour justifier ces expressions: «On invita les bons et les méchants?» - Appliquez-vous, mes frères, et saisissez bien ma pensée.

Cet homme représentait toute une catégorie; car il y en avait beaucoup comme lui (2). - Je me soucie peu de tes conjectures, m'objectera ici un auditeur attentif: prouve-moi qu'un faisait plusieurs. - Le Seigneur m'aidera et je le prouverai clairement, sans même chercher loin mes preuves; car avec la grâce de Dieu je porterai la lumière dans sa parole et lui-même vous fera connaître par moi la vérité avec évidence. Voyons.

1 Jean, 1, 8,9. - Ci-dessous, serm. XCV.

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«Le Père de famille étant entré pour examiner ceux qui étaient à table.» Ainsi, mes frères, le rôle des serviteurs n'était que d'inviter et d'amener les bons et les méchants; il n'est pas dit: Les serviteurs considérèrent les convives, ils trouvèrent parmi eux un homme qui n'avait pas le vêtement nuptial et ils lui dirent. Cela donc n'est pas écrit. C'est le Père de famille en personne qui regarde, gui découvre, qui distingue et qui chasse le coupable. Voilà ce qui est écrit. Mais ce que nous avons entrepris de prouver, c'est qu'un seul en faisait plusieurs.

«Le Père de famille entra pour examiner les convives; il rencontra parmi eux un homme qui n'avait pas le vêtement nuptial et lui dit: «Comment es-tu entré ici sans la robe nuptiale?» Et lui resta muet.» Ah! c'est qu'il ne pouvait en imposer à Celui qui le questionnait. L'ornement nuptial devait être dans le coeur et non pas recouvrir le corps; car s'il se fût agi d'un vêtement extérieur, les serviteurs eux-mêmes ne s'y seraient pas mépris. Apprenez en effet où doit se porter ce vêtement mystérieux: «Que vos prêtres, est-il écrit; soient revêtus de la justice (1);» et l'Apôtre dit aussi en parlant du même vêtement: «Si toutefois nous sommes trouvés vêtus et non pas nus (2).» Aussi bien c'est le Seigneur lui-même qui découvre ce qu'ignoraient ses serviteurs; et le coupable interrogé gardant le silence, c'est lui encore qui le fait lier, jeter et condamner par tous les autres.

Mais j'ai avancé, Seigneur, que c'est un avertissement adressé par vous à tous les hommes. Donc, mes frères, rappelez-vous avec moi les paroles que vous venez d'entendre et bientôt vous découvrirez; vous comprendrez que dans ce convive il y en a beaucoup d'autres. Le Seigneur, sans aucun doute, n'en avait interrogé qu'un, c'est à un seul qu'il avait dit: «Mon ami, comment es-tu entré ici?» Il n'y en eut qu'un non plus pour rester muet et c'est de lui seul qu'il l'ut dit: «Liez-lui les pieds et les mains et jetez-le dans les ténèbres extérieures: là il y aura pleur et grincement de dents.» Et pourquoi? «Parce qu'il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus.» Qui pourrait résister à cet éclat de la vérité? «Jetez-le, dit le Seigneur, dans les ténèbres extérieures.» Qui, lui? Ce seul convive à propos duquel il est déclaré qu' «il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus.» Il s'ensuit donc que c'est le petit nombre qui n'est pas jeté dehors.

1. Ps 140,9 - 2. 2Co 5,3

Oui, encore une fois, il n'y en avait qu'un pour ne porter pas la robe nuptiale. «Celui-là jetez-le.» Pourquoi le jeter? «Parce qu'il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus.» Laissez ici le petit nombre, jetez le grand. Non, il n'yen avait qu'un; mais ce seul convive en représentait un grand nombre, un nombre qui l'emportait sur le nombre des bons. Les bons aussi sont en grand nombre; ce nombre toutefois est petit, comparé à celui des méchants. Si multipliés que soient les grains de froment, que sont-ils en quantité comparés à la paille? Ainsi en est-il des justes: nombreux en eux-mêmes, ils ne le sont point en face des méchants.

Comment prouver qu'en eux-mêmes, ils sont nombreux? «Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident,» Où viendront-ils? Est-ce au banquet où sont confondus les méchants avec les bons? C'est d'un autre banquet qu'il est question, car le Seigneur ajoute: «Et ils seront à table avec Abraham et Isaac et Jacob dans le royaume des cieux (1).» A ce dernier banquet les méchants ne sont pas admis, et il faut pour y parvenir, s'asseoir dignement au festin actuel.

Ainsi donc les élus sont à la fois en grand et en petit nombre; en grand nombre, si, on les considère en eux-mêmes, et en petit nombre, si on les compare aux méchants. Quel est alors l'enseignement que nous donne le Seigneur? En rencontrant le seul convive gui n'ait pas la robe nuptiale: Qu'on jette dehors la multitude, dit-il, et qu'on conserve le petit nombre seulement. Déclarer en effet qu' «il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus,» n'est-ce pas évidemment faire connaître quels sont les convives digues d'être admis à cet autre banquet où ne s'asseoiront point les méchants?

5. Qu'en conclure? Vous tous qui prenez part au festin sacré dans la vie présente, ah! Gardez-vous de la multitude qui doit être rejetée, soyez plutôt du petit nombre qui doit être conservé. Quel moyen employerez-vous! Revêtez-vous de la robe nuptiale. - Mais qu'est-ce, dira-t-on, que la robe nuptiale? - La robe nuptiale est, sans aucun doute, une robe qui n'appartient qu'aux bons, qu'à ceux qui doivent rester au festin et qui sont destinés à cet autre banquet où nul méchant ne doit être admis: ceux donc qui par la grâce de Dieu doivent être conduits à ce banquet possèdent la robe nuptiale. Maintenant, mes frères, examinons quels sont, parmi les fidèles,

1. Mt 8,11

405

ceux qui possèdent ce que n'ont pas les méchants ce sera là la robe nuptiale.

Dirons-nous que les sacrements sont cette robe nuptiale? Mais vous voyez que les méchants y sont admis aussi bien que les bons. Dirons-nous que c'est le baptême? Sans le baptême, à la vérité, nul n'arrive à la jouissance de Dieu; mais cette jouissance est loin d'être assurée à quiconque a reçu le baptême; et la robe du baptême se trouvant portée par des méchants comme par les bons, le sacrement de baptême n'est pas assurément la robe nuptiale. Serait-ce l'autel ou plutôt ce qu'on y reçoit? Mais nous savons que beaucoup y mangent et y boivent leur condamnation. Qu'est-ce donc? Le jeûne? Mais les méchants jeûnent aussi. La fréquentation de l'Eglise? Les méchants y viennent également. Serait-ce enfin le don des miracles? Non-seulement les méchants en font comme les bons; il arrive quelquefois aux bons de n'en pas faire. Voyez l'histoire de l'ancien peuple: les Mages de Pharaon nous y sont représentés faisant des miracles (1), tandis que les Israélites n'en faisaient pas; car parmi eux il n'y avait pour en faire que Moïse et Aaron; le reste du peuple se contentait de les regarder, de trembler et de croire. S'imaginera-t-on que les Mages de Pharaon, en faisant des miracles, valaient mieux que le peuple d'Israël qui ne pouvait en faire et qui ne laissait pas d'être le peuple de Dieu? Au sein de l'Eglise même, que dit l'Apôtre? «Tous, sont-ils prophètes? Tous ont-ils la grâce de guérir? Tous parlent-ils les langues (2)?»

6. Qu'est-ce donc que la robe nuptiale? Le voici: «La fin des préceptes est la charité qui vient d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère (3).» Voilà la robe nuptiale. Ce n'est pas une charité telle quelle; car il est beaucoup d'hommes qui paraissent s'aimer, quoique leur conscience soit en mauvais état. Ainsi ceux qui commettent ensemble des brigandages, qui exercent ensemble des maléfices, qui courent ensemble les histrions et; qui ensemble applaudissent des cochers et des gladiateurs, s'affectionnent souvent: mais ils n'ont pas «la charité qui vient d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère,» et cette charité est la robe nuptiale.

«Quand je parlerais les langues des hommes et des Anges, si je n'ai pas la charité, est-il dit, je suis comme un airain sonnant ou une cymbale retentissante.» On a reçu le don des

1. Ex 7,8 - 2. 1Co 12,29-30 - 3. 1Tm 1,5

langues; ce don seul n'empêche donc pas de dire Pourquoi êtes-vous entrés ici, sans la robe nuptiale? «Et quand j'aurais le don de prophétie, que je connaîtrais tous les mystères et toute la science; quand j'aurais toute la foi, au point de transporter les montagnes, si je n'ai point la charité, je ne suis rien.» Ne voit-on pas ici les miracles de ces hommes qui souvent n'ont pas la charité? En vain, dit l'Apôtre, je pourrais les opérer tous, je ne suis rien si je lie suis pas uni au Christ. «Je ne suis rien.» S'ensuit-il que la prophétie ne soit rien? que la science des mystères ne soit rien? Non assurément; mais c'est moi qui ne suis rien, si je possède ces dons sans posséder la charité. Que de biens inutiles s'il en manque un, un seul? Je puis, sans la charité, distribuer mes biens aux pauvres, confesser le nom du Christ jusqu'à verser mon sang et me faire consumer par la flamme, car on peut faire tout cela par amour de la gloire; mais alors tout cela est vain. Et comme l'amour de la gloire peut rendre vaines toutes ces actions, que la divine charité aurait rendues si riches, l'Apôtre en parle aussi; voici ses paroles: «Quand je distribuerais tous mes biens pour être la nourriture des pauvres, et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la charité, cela ne me sert de rien (1).» Voilà bien la robe nuptiale.

Examinez-vous: si vous l'avez, soyez en paix au festin du Seigneur. Il y a deux choses dans l'homme: la charité et l'amour de soi. Si tu n'as pas encore la charité, fais-la naître; et si tu l'as, nourris-la, développe-la, fais-la croître. Quant à l'amour-propre, on ne peut sans doute l'anéantir complètement en cette vie; «car si nous prétendons être sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n'est point en nous.» Mais si la mesure de notre amour-propre est la mesure de nos péchés, faisons croître la charité et décroître l'amour-propre, menons l'une à sa perfection et l'autre à son anéantissement. Revêtez-vous donc de la robe nuptiale, vous, dis-je, qui ne l'avez pas encore. Vous êtes déjà dans la salle du festin, vous vous approchez de la table sainte, et vous ne portez point le vêtement que réclame l'honneur de l'époux! vous cherchez encore vos intérêts et non ceux de Jésus-Christ! La robe nuptiale est destinée à honorer l'union conjugale, à honorer l'époux et l'épouse. Vous connaissez l'époux, c'est le Christ; l'épouse, c'est l'Eglise. Soyez pleins d'égard pour l'un et

1. 1Co 13,1-3

406

pour l'autre, et vous deviendrez leurs enfants. Voici donc en quoi vous devez faire des progrès: Aimez le Seigneur, et apprenez par là à vous aimer vous-mêmes; et lorsqu'en aimant le Seigneur vous serez parvenus à vous aimer, vous pourrez en toute sécurité aimer votre prochain comme vous-mêmes. Quand en effet je rencontre un homme qui ne s'aime pas, comment lui permettrai-je d'aimer son prochain comme lui-même? - Mais qui ne s'aime soi-même, dira-t-on? Voici: «Aimer l'iniquité, c'est haïr, son âme 1.» Est-ce en effet s'aimer que d'idolâtrer sa chair et de haïr son âme, et cela à son détriment, au détriment de l'âme et de la chair même? Mais quand on amie Dieu de tout son coeur et de tout son esprit, je permets alors d'aimer le prochain. - Aimez ainsi votre prochain comme vous-mêmes.

7. Qui est mon prochain, demandera-t-on? - Tout homme est ton prochain. Tous en effet ne sommes-nous pas descendus de deux premiers parents? On voit parmi les animaux les individus de chaque espèce se rapprocher; la colombe se rapproche de la colombe, le léopard du léopard, l'aspic de l'aspic, la brebis de la brebis, et l'homme ne serait pas le prochain de l'homme? Rappelez-vous la création du monde. Dieu dit, et les eaux produisirent; elles produisirent des animaux qui nagent, de grands cétacés, des poissons, des oiseaux mêmes et d'autres êtres semblables. Mais tous les oiseaux descendent-ils d'un oiseau? Tous les vautours d'un premier vautour? Toutes les colombes d'une même colombe? Tous les serpents d'un seul serpent? Toutes les dorades d'une même dorade? Enfin toute les brebis d'une première brebis? Non, la terre a produit en même temps toutes les espèces d'animaux. Mais quand il s'est agi de l'homme, la terre ne l'a point produit ainsi. Dieu nous a donné un même père remarquez, il ne nous a pas donné d'abord un père et une mère; non, il nous a donné un père seulement et non pas un père et une mère. La mère a été tirée du père, et le père n'a été tiré de personne; c'est Dieu qui l'a fait de rien, tandis que de lui il a formé la mère. (2).

Considérez donc notre race; nous sortons tous d'une même source, et parce que cette source primitive s'est aigrie, nous avons dégénéré et nous ne sommes que des oliviers sauvages. Mais la grâce est venue ensuite. Un premier père nous avait engendrés pour le péché et pour la mort, sans nous empêcher toutefois de former la même

1. Ps 10,6 - 2. Gn 1,2

famille, d'être proches les uns des autres; non-seulement de nous ressembler, mais encore d'être parents. Un autre vint réparer l'oeuvre du premier. L'un avait dispersé, l'autre vint recueillir l'un avait donné la mort, l'autre vint donner la vie. Car «de même que tous nous mourons en Adam, ainsi nous serons tous vivifiés en Jésus-Christ (1).» Quiconque naît d'Adam est destiné à la mort; quiconque aussi croit en Jésus-Christ recouvre la vie, mais à condition qu'il aura la robe nuptiale et qu'il sera invité au festin pour y rester et non pour en être chassé.

8. Ainsi donc, mes frères, ayez la charité. Je viens de vous faire connaître en quoi consiste la robe nuptiale, le vêtement proprement dit. On loue la foi, sans aucun doute, on la loue. Mais laquelle? C'est ce que précise l'Apôtre. Quelques-uns se glorifiaient de leur foi, sans avoir des moeurs qui y répondissent: l'Apôtre saint Jacques les réprimande en ces termes: «Tu crois qu'il n'y a qu'un Dieu, tu fais bien. Les démons croient aussi, et ils tremblent (2).» Pourquoi les félicitations données à Pierre? Pourquoi fut-il appelé bienheureux? Rappelons-le ensemble; c'est qu'il avait dit: «Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant (3).» Mais en déclarant cet Apôtre bienheureux, le Christ avait en vue, non les paroles elles-mêmes, mais l'affection du coeur qui les inspirait. Voulez-vous vous convaincre en effet que le bonheur de Pierre ne vint pas de les avoir prononcées? Considérez que les démons les prononcèrent également: «Nous savons qui vous êtes, disaient-ils, vous êtes le Fils de Dieu (4).» Pierre confessa que Jésus était le Fils de Dieu; les démons le confessèrent aussi. - Ah! Seigneur, ne confondez pas l'un avec les autres. - Je ne les confonds pas ensemble. Pierre parlait avec amour, et les démons par crainte. L'un disait: «Je vous suis jusqu'à la mort (5);» et les autres: «Qu'y a-t-il entre nous et vous (6)?»

Toi donc qui te présentes au festin, garde-toi de te glorifier de ta foi si elle est seule. Il y a une distinction à faire entre foi et foi, c'est le moyen de porter la robe nuptiale. Or apprenons de l'Apôtre cette distinction importante: «Ni la circoncision, dit-il, ni l'incirconcision ne servent de rien, mais la foi.» - Quelle foi? N'est-il pas vrai que les démons mêmes ont la foi et qu'ils tremblent? - Je vais préciser, reprend-il, écoutez; voici, voici la distinction: «Mais la

1. 1Co 15,22 - 2. Jc 2,19 - 3. Mt 16,16-17 - 4. Mc 1,24 - 5. Lc 22,38 - 6. Mt 8,29

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foi qui agit par la charité (1).» Quelle est donc cette foi, quelle est-elle? Celle «qui agit par la charité.» - Car, «lors même que j'aurais toute la science et toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien.» Ayez donc la foi avec l'amour; car sans la foi vous ne pouvez avoir l'amour. Je vous en préviens, je vous y exhorte, et au nom du Seigneur je vous répète de joindre l'amour à la foi. Vous pouvez en effet posséder la foi sans l'amour, et je ne vous exhorte pas précisément à avoir la foi, mais la charité; puisque sans la foi vous ne sauriez avoir la charité, la charité même envers Dieu et envers le prochain. Comment en effet concevoir cette charité sans la foi? Est-il possible d'aimer Dieu si l'on ne croit en lui? Est-il possible à un insensé de l'aimer quand il dit dans son coeur. «Il n'y a point de Dieu (2)?» Il peut se faire que tu croies à l'avènement du Christ sans aimer le Christ; mais il ne t'est pas possible d'aimer le Christ sans reconnaître qu'il est venu.

9. Ainsi donc à la foi joignez la charité; la charité est la robe nuptiale. Vous qui aimez le Christ, aimez-vous les uns les autres, aimez vos amis, aimez vos ennemis mêmes, et que ce dernier devoir ne vous semble pas trop rigoureux. Est-ce perdre en effet que d'acquérir beaucoup? Pourquoi tenir tant à demander à Dieu la mort de ton ennemi? Ce n'est point là le vêtement nuptial. Considère l'Epoux lui-même; il est pour toi suspendu à la croix et pour ses ennemis il prie son Père: «Mon Père, dit-il, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font (3).» C'est l'Epoux même qui tient ce langage. Ecoute maintenant un ami de l'Epoux, un convive revêtu de la robe nuptiale, le bienheureux Etienne.

Aux reproches qu'il adresse aux Juifs on croirait d'abord qu'il est indigné et irrité. «Durs de tête et incirconcis de coeur et d'oreilles, vous avez résisté à l'Esprit-Saint. Lequel des prophètes vos pères n'ont-ils pas persécuté?» Quelles paroles énergiques! Tu es disposé à les imiter contre le premier venu, et plaise à Dieu que tu les répètes contre quiconque a offensé le Seigneur et non pas contre celui qui t'a offensé! oui, on offense Dieu et tu ne dis rien; mais tu cries quand on t'offense: est-ce là la robe nuptiale? Mais après avoir entendu la sainte indignation d'Etienne, écoute son amour. Il a blessée ses ennemis en leur adressant de justes reproches,

1. Ga 5,6 - 2. Ps 13,1 - 3. Lc 23,34

et ils le lapident. Or pendant que de toutes parts ces furieux se jettent sur lui, le saisissent et le broient à coup de pierres: «Seigneur Jésus-Christ, s'écrie-t-il d'abord, recevez mon esprit.» Puis, après avoir ainsi prié debout pour lui-même, il s'agenouille et prie pour ceux qui le lapident: «Seigneur, ne leur imputez pas ce péché:» j'accepte la mort du corps, préservez-les de la mort de l'âme; et en parlant ainsi, il s'endormit (1); il n'ajouta rien à ces derniers mots, il les prononça et s'en alla; sa dernière prière fut pour ses ennemis. Apprenez à porter ainsi la robe nuptiale.

Comme lui donc, ploie le genoux, jette-toi le front contre terre, et avant d'approcher de la table sainte, du banquet des Ecritures, garde-toi de dire: Ah! si mon ennemi mourait! mettez-le à mort, Seigneur, si je puis quelque chose près de vous. Ne craindrais-tu pas, en tenant ce langage; que le Seigneur ne vînt à te répondre: Si je voulais perdre ton ennemi, ne devrais-je pas te perdre d'abord? T'applaudis-tu de ce que tu viens d'être invité? Mais songe à ce que tu étais naguère avant devenir ici. Ne blasphémais-tu pas contre moi? Ne me tournais-tu pas en dérision? N'aurais-tu pas voulu effacer mon nom de dessus la terre? Et tu te glorifies d'être venu sur mon invitation? Ah! si je t'avais mis à mort quand tu étais mon ennemi, comment aurais-je pu faire de toi mon ami? Pourquoi donc, par tes prières exécrables, me porter à faire à autrui ce que je n'ai pas fait contre toi? Ecoute-moi plutôt, dit le Seigneur, je vais t'apprendre à m'imiter. Attaché à la croix, je disais: «Pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font.» Voilà ce que j'ai appris à mon soldat. Toi aussi apprends à lutter contre le démon: mais tu ne deviendras invincible dans cette guerre qu'en priant pour tes ennemis.

J'y consens toutefois, demande aussi, demande la mort de ton ennemi; mais demande la avec prudence, demande-la avec discernement. Ton ennemi est un homme; mais, dis-moi, par où est-il ton ennemi? La haine qu'il te porte vient-elle de ce qu'il est homme? Non. - D'où? - De ce qu'il est mauvais. - Ainsi sa nature d'homme, sa nature que j'ai formée n'est pas ton ennemie. Effectivement, poursuit le Seigneur, je n'ai pas fait l'homme mauvais, il l'est devenu par son insubordination, pour avoir obéi au, diable plutôt qu'à Dieu; et son inimitié contre toi vient de

1.

409

ce qu'il a fait; elle vient de sa méchanceté, non de sa nature. Dans lui en effet je vois deux choses: l'homme et l'homme mauvais; à sa nature il doit d'être homme, et à sa faute, d'être mauvais: or j'efface la faute et je conserve la nature. Le Seigneur ton Dieu ajoute encore: Je vais te venger, je vais mettre à mort ton ennemi; je le délivre de sa méchanceté et je conserve sa nature. Est-ce qu'en le rendant bon je n'anéantis pas ton ennemi pour en faire ton ami? Prie ainsi quand tu pries: demande, non pas la destruction de l'homme, mais l'extinction de toute inimitié. Si en effet tu sollicitais la mort de l'homme lui-même, que serait-ce, sinon la prière d'un méchant contre un méchant; et quand tu dirais: A mort ce méchant, ne répondrait-on, pas: Lequel de vous deux?

10. Ainsi donc, ne vous contentez pas d'embrasser dans votre affection vos épouses et vos enfants. Ne voit-on pas dans le bétail et dans les passereaux une affection semblable? Vous savez effectivement comment s'aiment les couples de passereaux et d'hirondelles, comment ils couvent ensemble leurs veufs et nourrissent ensemble leurs petits, combien leur tendresse est gratuite et naturelle, combien ils sont étrangers à toute idée de récompense. Le passereau ne dit pas, je vais élever mes petits, afin qu'à leur tour ils me nourrissent dans ma vieillesse. Il n'a aucune idée pareille; son amour et ses soins sont désintéressés; il déploie une affection vraiment paternelle sans avoir en vue aucun salaire. Vous aussi, je le sais, j'en suis sûr, vous avez pour vos enfants une affection semblable; «puisque les enfants ne doivent point thésauriser pour «les parents, mais les parents pour leurs enfants (1).» C'est même ce qui dans beaucoup excite l'avarice; car on se dit qu'on amasse pour ses enfants, qu'on garde pour eux. Etendez, étendez cet amour; l'affection entre époux et l'affection pour des enfants n'est pas encore la robe nuptiale.

Soyez fidèles à Dieu, aimez Dieu avant tout, élevez jusqu'à lui votre amour; puis entraînez vers lui tous ceux que vous pourrez. Voici ton ennemi? Entraîne-le jusqu'à Dieu. C'est ton fils, ton

1. 2Co 12,14

épouse, ton serviteur? Entraîne-les encore. C'est un étranger? Entraîne-le aussi. Mais entraîne, entraîne surtout ton ennemi; il ne sera plus ton ennemi si tu l'entraînes.

Voilà comment doit progresser, comment doit se nourrir et se perfectionner la charité; comment on doit se revêtir de la robe nuptiale, comment il faut tailler de nouveau et rendre de plus en plus ressemblante l'image de Dieu formée en nous par la création. Le péché avait terni et flétri cette image; et comment s'était-elle flétrie et ternie? En traînant contre terre. Qu'est-ce à dire en traînant contre terre? En se laissant froisser par les passions terrestres. Car, «bien que l'homme passe comme une image, il se laisse troubler par la vanité (1).» Or ce n'est pas la vanité, c'est la vérité qu'on recherche dans l'image de Dieu; puisque c'est en aimant la vérité que cette divine image, à laquelle nous sommes créés, reçoit une nouvelle empreinte, et que nous rendons à notre souverain la monnaie qui lui est due. N'est-ce pas ce que vous avez entendu le Seigneur répondre aux Juifs qui le tentaient? «Hypocrites, leur dit-il, pourquoi me tentez-vous? Montrez-moi la monnaie du tribut,» c'est-à-dire l'image et l'inscription qui y sont gravées. Montrez-moi ce que vous payez, ce que vous vous préparez à payer, ce qu'on vous demande, montrez-le moi. Ils lui montrèrent un denier; et il ajouta: «De qui en sont l'image et l'inscription? De César, répondirent-ils (2).»

César donc réclame aussi son image; César ne veut pas laisser périr ce qu'il a ordonné de frapper; et Dieu voudrait perdre ce qu'il a fait! Ce n'est pas César, mes frères, qui frappe lui-même sa monnaie; ce sont des monnayeurs, des artistes et des serviteurs à qui il intime ses ordres; et ceux-ci y impriment une image, ils y impriment l'image de César. César toutefois réclame ce que d'autres ont fait; César le met dans son trésor et il n'entend pas qu'on lui refuse ce tribut. L'homme aussi est la monnaie du Christ, et je vois sur cette monnaie l'image, le nom, les bienfaits du Christ et les devoirs qu'il impose.

1. Ps 38,7 - 2. Mt 22,18-21





Augustin, Sermons 89