Augustin, Sermons 1008

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HUITIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (DEUXIÈME SERMON)

ANALYSE. - 1. Naissance inénarrable de Jésus-Christ. - 2. Réfutation de l'impiété des Juifs. - 3. A la fin des temps le Fils de Dieu est venu comme législateur.

1. Frères bien-aimés, quand il s'agit de célébrer la grandeur du mystère de notre salut, le prodige de la naissance du Sauveur, l'humanité doit avouer l'impuissance de ses conceptions et de sa parole. A un tel bienfait, à cette grâce infinie, que peut répondre la faiblesse de notre dévotion? Comment concevoir que le Fils unique, consubstantiel au Père, éternel comme le Père, redoutable au ciel, à la terre et aux enfers, ait voulu se revêtir d'un corps humain pour opérer le salut de l'homme? Quelle langue pourra raconter ce que l'intelligence ne saurait comprendre? Quel homme tenterait de juger ce qui n'a pour auteur et pour témoin que Dieu luimême? «Car personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père (1)». Comment la fragilité

1. Mt 11,27

humaine, corrompue par le péché, pourraitelle sonder le secret de cette Nativité virginale? Jésus-Christ naît, non point par la nécessité de vivre, mais par sa volonté de nous sauver. Il naît parmi les morts, lui qui donne la vie aux morts. Nous ne devons pas douter de l'accomplissement de cette Prophétie formulée par le plus grand des prophètes sous l'inspiration du Saint-Esprit: «Voici qu'une Vierge concevra dans son sein, et enfantera un Fils (1)». Qu'une femme enfante, c'est l'objet de notre foi à l'incarnation; mais que cette femme ait toujours été vierge, c'est le principe d'une gloire éternelle pour celui qu'elle nomme son Fils. Jésus-Christ naît d'une vierge, car il notait pas convenable que la vertu prît naissance

1 Is 8,14

268

dans la volupté, la chasteté dans la luxure, ou la pureté dans la corruption. Celui qui venait détruire l'ancien empire de la mort, ne pouvait naître sous les lois de cet empire, et le Seigneur de l'univers ne pouvait prendre la forme d'esclave dans laquelle il devait nous sauver, qu'en prenant un corps dans le sein d'une servante. Comment le Fils de Dieu aurait-il subi pour nous les crachats, les soufflets et la croix, s'il ne s'était pas constitué le Fils de l'homme?

2. O malheureux Juifs qui, en recourant à la calomnie de l'adultère, éteignent pour euxmêmes cette grande lumière sous le souffle de ténébreux soupçons, en refusant de croire qu'une Vierge ait conçu! Ils ne voient plus qu'un crime humain dans l'acte par excellence de l'amour de Dieu pour nous; et ce qui n'est que vertu ils l'appellent une faute, tant ils sont aveuglés par leur jalousie. Malheureux que vous êtes, croyez donc à celui qui n'a voulu naître que pour opérer votre salut. Comprenez, mes frères, l'aveuglement de ces hommes perfides qui nient obstinément que le Christ ait pu naître d'une Vierge. Dans une naissance toute céleste ils invoquent ce qui se passe parmi les hommes et veulent soumettre le Créateur aux lois établies pour les simples créatures. Que l'impiété humaine n'essaie donc pas de porter atteinte à la glorieuse Nativité de Jésus-Christ, qui n'a voulu naître que par amour pour nous. Si le Fils de l'homme et de Dieu s'est humilié dans la chair, si une Vierge a enfanté et est demeurée vierge après son enfantement, tout cela s'est fait, non point selon l'ordre d'une nature mortelle, mais par l'effet immédiat de la puissance divine.

3. Comment peut-on douter que ce soit là le secret du Tout-Puissant, quand on entend dire que le Roi des cieux est né d'une vierge, et que le Fils de la Vierge commande aux puissances du ciel? Qui dira, mes frères, l'accroissement miraculeux des bienfaits de Dieu pour le salut des nations? Autrefois, après le passage de la mer Rouge, voulant donner au peuple hébreu des préceptes relatifs au culte divin, le Seigneur appela Moïse au sommet du Sinaï, et confia à ce serviteur l'expression authentique de sa volonté à l'égard de cette petite nation. Mais quand les temps prédits furent arrivés, voulant prodiguer à toutes les nations les sacrements de la vie éternelle, Dieu lui-même, descendant du ciel et du sein de son Père, se renferma dans le sein d'une Vierge, et y revêtit notre humanité et se fit homme sans cesser d'être Dieu, acquérant ainsi une gloire incomparable. C'est ainsi que le Tout-Puissant est sorti du sein de Marie, a subi les infirmités de la chair sans perdre la majesté du Fils de Dieu, et, tempérant cette majesté suprême, il a réalisé ce prodige d'un Dieu fait homme s'entretenant avecleshommes, et d'un homme triomphant du démon par la puissance infinie qu'il tenait de son union hypostatique avec Dieu.




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NEUVIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (TROISIÈME SERMON)

ANALYSE. - 1. Accord des Prophètes et des Apôtres sur la naissance de Jésus-Christ. - 2. Virginité sans tache de Marie dans son enfantement.

1. Frères bien-aimés, nous avons longuement parlé de la divinité du Fils de Dieu et réfuté, selon notre pouvoir, toutes les attaques de nos adversaires. Je veux aujourd'hui vous parler de l'Incarnation, parce que ces mêmes adversaires refusent au Fils de Dieu (269) la qualité de Fils de l'homme. «Cieux, laissez tomber votre rosée, et que les nuées pleuvent le Juste; que la terre s'ouvre et germe le Sauveur, et que la justice s'élève en même temps; c'est moi, le Seigneur, qui l'ai créé (1)». Nous lisons également: «Voici qu'un petit enfant nous est né, la principauté a été déposée sur ses épaules, et il sera appelé l'Admirable, l'Ange du grand conseil, le Dieu fort, le Père du siècle futur, le prince de la paix (2)»; et encore: «Voici qu'une Vierge concevra dans son sein, elle enfantera un Fils et il sera appelé Emmanuel (3)». L'ordre des choses exige qu'en parlant sur l'Evangile je ne passe pas sous silence les Prophètes. Saint Paul lui-même nous en donne l'exemple dans ce début de l'Epître aux Romains: «Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l'apostolat, séparé pour prêcher l'Evangile de Dieu, Evangile qu'il avait promis auparavant par ses Prophètes dans les saintes Ecritures, touchant son Fils qui est sorti de la race de David selon la chair (4)». Saint Paul vient de vous apprendre que, avant d'être publié, l'Evangile avait dû être promis par les Prophètes. L'Apôtre vient de vous dire que le Fils de Dieu, selon la divinité, est devenu le Fils de l'homme «de la race de David, selon la chair». Quelles contradictions peuvent donc exister entre les prophéties et l'Evangile? Le Prophète s'écrie: «Cieux, laissez tomber votre rosée, et que les nuées pleuvent le Juste». Quel'Ange vienne, qu'il annonce le Verbe; que la terre s'ouvre, que Marie entende, qu'elle conçoive le Sauveur, qu'elle enfante Jésus. Le Prophète avait dit: «Voici qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils, et il sera appelé Emmanuel». L'Evangéliste rapporte textuellement ces paroles et ajoute: «C'est-à-dire Dieu avec nous (5)». De son côté l'Apôtre écrit: «Touchant son Fils qui est sorti de la race de David selon la chair». Ce que les Prophètes ont prévu et prédit, les Apôtres l'ont vu et prêché. Celui qui était a été fait; celui qui a été fait était déjà le Verbe, et il s'est fait chair; il était le Fils de Dieu, et il s'est fait le Fils de l'homme.

1 Is 45,8 - 2. Is 9,6 - 3. Is 8,13 - 4. Rm 1,1 - 5. Mt 1,23

2. Il était Dieu, il s'est fait homme; il a pris notre humanité sans perdre la divinité; il s'est fait humble, il est demeuré sublime. Il est né homme, il n'a pas cessé d'être Dieu. Il est né petit, tout en restant l'Infini sous les voiles de l'enfance. Que celui qui embrasse avec plaisir le Dieu né, se garde bien d'avoir horreur de l'enfantement de la Vierge. Dieu lui-même, le Créateur de l'homme, le Fils de l'homme, vous dit: Qu'y a-t-il pour vous étonner dans ma naissance? La concupiscence n'a eu aucune part dans mon enfantement. Moi-même j'ai créé la mère dont je devais naître; moi-même j'ai préparé et purifié la voie que je devais suivre en entrant dans le monde. Celle que vous méprisez, c'est ma mère, laquelle a été créée de ma propre main. Si j'ai pu me souiller en la créant, j'ai pu me souiller en prenant d'elle ma naissance. De même que sa virginité n'a reçu aucune atteinte par ma présence dans son sein, de même ma majesté n'a pu subir aucune souillure. Si les rayons du soleil savent dessécher les lieux les plus infects et rester toujours purs, combien plus la splendeur de la lumière éternelle, dans laquelle aucune tache ne saurait se produire, pourra-t-elle, sans se souiller, purifier tout ce qu'elle touchera de ses rayons? Insensé, dans une Vierge restant toujours Vierge, puisqu'elle enfante en dehors de tout concours de l'homme, comment prétendez-vous trouver en elle des souillures? Elle a conçu sans éprouver aucune concupiscence; elle a enfanté sans ressentir aucune douleur où donc trouver des taches en elle? Aucun étranger n'a eu accès dans cette demeure; elle n'a été visitée que par son Créateur et son maître, dans le but de se couvrir d'un vêtement qu'il n'avait pas; en la quittant, il l'a fermée sans que personne pût l'ouvrir, et vous soutenez qu'elle a été profanée? Comme ce Fils de Marie est le seul libre entre les morts, de même la pudeur de sa mère est la seule qui ait conservé toute son intégrité. Eve, par sa désobéissance, a mérité le châtiment; Marie, par son obéissance, a obtenu la gloire. Eve, en goûtant du fruit défendu, a été maudite; Marie, en croyant à la parole de l'ange, a été bénie.

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DIXIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (QUATRIÈME SERMON)

ANALYSE. - 9. Naissance du Sauveur; virginité de Marie. - 2. Annonciation de l'Ange. - 3. L'étoile brillant du baut du ciel. - 4. Offrandes symboliques des Mages.

1. Si nous pouvions exposer parfaitement l'événement de ce jour, nous aurions la connaissance complète des mystères de notre salut. Or, chacun de ces mystères défie, par sa profondeur, toute l'habileté du langage humain. Comment donc pourrait-on se flatter de les exposer tous à la fois sur un seul et même sujet? Nous célébrons aujourd'hui la naissance du Sauveur; mais ne devons-nous pas voir dans cette naissance du Christ la naissance même du monde? C'est aujourd'hui la naissance du Sauveur, c'est-à-dire le mystère d'où le monde a reçu la vie et d'où la lumière, qui avait péri, a été rendue aux mortels. Il naît, celui que les Prophètes ont proclamé le Roi des nations. «Il naît d'une Vierge, comme le Prophète l'atteste en ces termes: Voici qu'une Vierge concevra et enfantera un fils, et ils l'appelleront Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous». Le mode de sa naissance prouve donc qu'il est le Seigneur des vertus; une vierge a conçu sans avoir jamais connu la concupiscence; le SaintEsprit a tout fait en elle; tout a été pur, et le sein qui a conçu leVerbe, et les membres qui l'ont conservé, et les entrailles qui l'ont porté. La mère du Sauveur est elle-même le plus grand miracle; une vierge a conçu, une vierge a enfanté; elle était vierge avant, elle est restée vierge après l'enfantement. Virginité glorieuse et fécondité éclatante; le ToutPuissant prend naissance, et sa mère n'exhale aucun gémissement. Elle enfante, son fils paraît à la lumière et sa virginité ne souffre aucune atteinte. Du moment que c'est un Dieu qui naît, il fallait que la chasteté de la mère reçût un nouvel éclat, et celui qui était venu pour guérir toutes les souillures ne pouvait porter atteinte à la parfaite intégrité de sa mère. L'enfant, à sa naissance, est déposé dans une crèche; ce sont là les premières bandelettes d'un Dieu, le Roi du ciel ne dédaigne pas ces entraves, après avoir trouvé bon d'habiter dans un sein virginal. Marie, dépouillée de son précieux fardeau, se tient là debout et se reconnaît mère, avant de s'être connue épouse. Elle adore la divinité de son fils et tressaille de joie d'avoir enfanté par le Saint-Esprit; elle ne frémit pas d'avoir enfanté en dehors du mariage, mais elle se réjouit d'avoir donné naissance à un Dieu.

2. Quand fut arrivé le moment où le Sauveur devait descendre sur la terre et régénérer le monde; à cette époque où les prophéties planaient sur les nations attentives, le Saint-Esprit survint dans la Vierge Marie, selon cette parole de l'Ange: «Le Saint-Esprit viendra sur vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. Voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils du Très-Haut (1)». Grand est donc le mérite de notre foi, parce que grand est le prodige de cette génération, et c'est en toute justice que nous adorons la puissance divine dans la naissance de Celui que nous savons nous être venu du ciel et engendré de Dieu le Père par la vertu du Saint-Esprit, afin de proclamer plus solennellement la Trinité et de sceller la sainteté de Marie. Le Sauveur naît, et le soleil s'élance plus loin dans sa carrière. N'est-il pas nécessaire quë la splendeur qui apparaît aujourd'hui avec tant d'éclat prenne de jour en jour une nouvelle extension?

3. Mais voici un nouveau messager qui

1. Lc 1,35

271

vient nous attester la naissance du Sauveur. C'est une étoile qui apparaît du ciel; ne fallait-il pas que celui qui descendait du ciel fût également attesté par un envoyé du ciel? La course de l'étoile annonce la naissance du Dieu fait homme; les éléments attestent le même prodige et, mêlée aux rayons du soleil, l'étoile n'en jette que plus d'éclat.

4. Voyons donc ce que signifiaient ces présents mystérieux offerts par les Mages, malgré l'abjection de la crèche, et comprenons qu'ils proclament en Jésus-Christ l'union person. nelle de la divinité et de l'humanité. Le Sau. veur est vu comme homme, et il est adoré comme Dieu; il est gisant dans ses langes et il brille parmi les étoiles. Ses langes annoncent l'enfant qui vient de naître, les étoiles proclament qu'il est le souverain Maître de toutes choses. C'est son humanité qui est enveloppée de langes, c'est sa divinité qui est adorée; les bergers tressaillent sur la terre, les Anges sont remplis de joie dans les cieux. Mais enfin, quels sont donc ces présents que les Mages, divinement instruits, offrent à l'Enfant-Dieu? Ils présentent de l'or et confessent ainsi que cet enfant est le souverain Maître de toutes choses. lis présentent de l'encens, et ce sacrifice s'adresse à un Dieu. Ils présentent de la myrrhe, symbole de sa mortalité. L'or nous le montre comme Roi, l'encens nous le fait connaître comme Dieu, la myrrhe nous an. nonce sa sépulture. Les Prophètes annoncent un seul Dieu, et les Apôtres le prêchent; les Mages ont cru, et à Jésus-Christ dans les langes ils ont offert de l'encens, de l'or et de la myrrhe. Pour nous, mes frères, craignons le Dieu unique, afin qu'il daigne nous accorder tous les biens par Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui est béni dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.




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ONZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (CINQUIÈME SERMON)

ANALYSE. - 1. La naissance du Sauveur, cause de joie pour le monde. - 2. Salutation de l'Ange à Marie. - 3. Eloge de la bienheureuse Vierge.

1. Frères bien-aimés, la naissance de Jésus-Christ est la rédemption du pécheur. En effet, le pécheur n'aurait pu être délivré si le Sauveur n'était pas venu sous la forme d'esclave. C'est aujourd'hui la naissance du Seigneur, que les esclaves se réjouissent; c'est la naissance du Rédempteur, que les captifs rachetés se réjouissent; c'est la naissance du médecin, que les malades se réjouissent; c'est la naissance de la miséricorde, que les pécheurs se réjouissent; c'est la naissance de Jésus-Christ, que tous les chrétiens applaudissent. Dieu a voulu naître dans le temps, lui qui a fixé la mesure des temps. Ecoutons l'Apôtre: «Il s'est anéanti lui-même, en prenant la forme d'esclave, il a pris la ressemblance de l'homme et il a paru comme homme (1)». Vous entendez qu'il s'est anéanti, mais il n'a jamais perdu la nature divine et ne s'est jamais séparé d'elle. Il s'est fait homme, mais sans cesser d'être Dieu. Il a revêtu l'humanité, mais il n'a pas dépouillé la divinité. Il s'est fait homme en prenant la forme humaine, sans perdre la forme divine. Il a pris le vêtement de la chair, mais intérieurement il est toujours resté Dieu. Comme Dieu et comme Créateur, «par qui tout a été fait, et sans lequel rien n'a été fait, il s'est construit à lui-même le temple dans lequel il devait

1. Ph 2,7

272

naître. Il a créé sa Mère; or, il demeure éternellement avec son Père. Il a revêtu notre humanité, il est né d'une mère qu'il avait formée lui-même en régnant avec son Père». Tel est le sens de ces paroles du Prophète: «Sion est ma mère, dira un homme, un homme a été fait en elle, et le Très-Haut lui-même l'a établie (1)». Que les cieux tressaillent, et que la terre se réjouisse; que les cieux tressaillent, parce qu'ils n'ont personne pour les accuser; que la terre se réjouisse, parce qu'elle a germé son Sauveur. Qui donc pourra trouver le secret d'un don si précieux? L'Apôtre, parlant de ce secret, n'a pas craint de dire «qu'il était caché depuis les siècles (2)».

2. La Mère du Sauveur, irrévocablement attachée à sa virginité, demanda à l'Ange comment elle pourrait concevoir sans porter aucune atteinte à sa pudeur: «Comment», dit-elle, «cette promesse pourra-t-elle s'accomplie, puisque je ne connais pas d'homme (3)?» Les Prophètes m'ont appris qu'une vierge devait enfanter, mais je n'ai jamais su comment ce prodige devait s'accomplir. Je vous en prie, bienheureux Gabriel, ange de Dieu, expliquez à une chaste vierge le secret d'un aussi grand mystère. Vous m'avez adressé une salutation inouïe jusque-là, ajoutez-y une consolation pour ma virginité, car je l'ai vouée à Dieu, je me suis engagée à le servir dans son temple. Dites-moi donc: «comment cela se fera, puisque je ne connais pas d'homme». L'Ange lui répondit: Vous ne connaîtrez pas d'homme, mais vous connaîtrez le mystère: «Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu». Marie avait dit: Expliquez-vous, ô envoyé de Dieu, car ce que vous m'annoncez est extrêmement sérieux: «Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme», et il en sera ainsi tant que je vivrai. Contemplez cet Ange instruit du mystère, et Marie en demandant l'explication. O Marie, écoutez «comment cela se fera» votre virginité n'aura pas à souffrir, votre pudeur ne subira aucune atteinte; pour vous, croyez la vérité, du moment que votre virginité est sauve, soyez en toute sécurité; parce que votre foi est parfaite, votre virginité restera intacte. Ecoutez comment cela se

1. Ps 86,5 - 2 Col 1,26 - 3. Lc 1,34

fera: «Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre»; parce que vous concevez par l'espérance en croyant, vous deviendrez mystérieusement féconde; «voilà pourquoi le Saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu». Et comme son arrivée en vous est insensible, sa sortie le sera également. Dieu peut-il être un fardeau? Marie répondit: S'il en est comme vous le dites, je m'incline avec joie devant votre voix angélique. En refusant de croire, je ferais injure à Celui qui vous a envoyé, et Dieu pourrait me frapper de mutisme, comme l'a été Zacharie. L'Ange répliqua: O Vierge, ne soyez point incrédule, mais fidèle; «le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre»; vous ne connaîtrez pas les ardeurs de la concupiscence, parce que tout ici défie les règles ordinaires de la mortalité et reflète les caractères de la sainteté la plus parfaite. Marie dit à son tour: Si Dieu, en me conférant la maternité, me laisse ma virginité, «voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole (1)». Oh! que Marie est heureuse d'avoir cru; Celui que le monde ne peut contenir, elle l'a porté dans son sein, l'a conçu par la foi et l'a formé de sa chair et de son sang; de la virginité a germé la rédemption pour ceux qui croient.

3. O bienheureuse Marie, à quel titre avez-vous donc mérité de devenir la Mère du Sauveur? Par quel privilége Celui qui vous a créée est-il venu à vous? D'où vous vient une si grande faveur? Vous êtes vierge, vous êtes sainte, vous avez fait un voeu; ce que vous avez voué, vous l'avez reçu de lui, et cependant qu'il est grand, Celui que vous avez enfanté! Réjouissez-vous, sainte virginité, réjouissez-vous d'être ainsi protégée par le message d'un Ange. Votre pudeur vous est conservée dans toute son intégrité, et pourtant vous êtes réellement la Mère du Sauveur. Votre enfantement sera célébré par toute l'armée angélique, par toute la milice céleste. Bientôt un ange va porter la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur aux pasteurs qui veillaient dans les champs: «Bienheureux les serviteurs que le Seigneur trouvera éveillés lorsqu'il viendra (2)». Jésus-Christ est venu pour nourrir ceux qui ont faim, pour rendre les captifs à la liberté, pour éclairer

1. Lc 1,38 - 2. Lc 12,37

273

les aveugles, pour ressusciter les morts; des enfants de colère, qu'il fasse des vases de miséricorde, afin que tous ceux qui croient en lui aient la vie éternelle et louent avec les Anges la naissance du Sauveur.




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DOUZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (SIXIÈME SERMON)

ANALYSE. - 1. Joseph et Marie prennent part au recensement. - 2. Naissance de Jésus-Christ.

1. Après avoir longuement étudié le mystère de l'enfantement virginal et de la naissance de Jésus-Christ, il nous est donné de suivre dans tous ses détails le récit du saint Evangile: «Voici ce qui arriva dans ces jours: «César-Auguste ordonna par un décret d'opérer le recensement de l'univers. Ce premier recensement se fit, etc.» Au moment de la naissance de Jésus-Christ, tout l'univers se fait enregistrer sur les rôles publics, parce que le tribut est dû à César, comme l'adoration est due à Dieu. La pièce de monnaie est marquée au coin de César, comme les hommes sont formés à l'image de Dieu. Le recensement du monde s'opère en ce moment, afin que l'image du roi soit empreinte sur la monnaie, et que l'image de Dieu soit réformée dans l'homme. C'est ainsi que le tribut était rendu à César et l'homme à Dieu, selon cette parole du Seigneur: «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu (1)». Alors, dit l'Evangile, s'accomplit le premier recensement; le premier quant au mystère, et non pas quant au temps; quant au mérite, et non pas quant à la classification; quant à la foi, et non pas quant à l'exécution matérielle. Depuis longtemps déjà l'univers payait le tribut aux Romains, ce qui suppose le cens établi; comment donc peut-on dire qu'il y eut, à la naissance du Sauveur, un premier recensement? n'y a-t-il pas là un enseignement mystérieux et prophétique?

1. Mt 22,21

«Joseph monta donc, afin d'inscrire son nom sur les registres, avec Marie son épouse». Cette parole: «Il monta», est parfaitement exacte, car c'est monter que de se diriger vers les choses divines. Il monta pour confesser qu'il était époux, et non mari; qu'il était chargé de prendre soin de l'enfant, et non pas de concourir à sa formation, et que cet enfant était tout à la fois et le Fils de Dieu et le Fils de l'homme. Marie monta également, afin de confesser qu'elle était plus encore la servante que la mère de son Fils; qu'elle avait reçu l'annonce de sa maternité, sans que sa chair en ressentît les atteintes; qu'elle portait le don de Dieu, et non pas un fardeau humain; car, du moment que la mère reste vierge, l'enfant qu'elle porte ne saurait être que l'oeuvre de Dieu.

2. «Et pendant qu'elle était là, les jours de l'enfantement furent accomplis»; ces jours sont plutôt des temps et des siècles que des jours proprement dits. Ecoutez l'Apôtre

«Quand la plénitude des temps fut arrivée, Dieu envoya son Fils (1)» pour revêtir notre humanité. Le premier homme, accablé sous le poids du précepte, succomba. La postérité de Noé, en cherchant à s'élever dans le ciel, se sentit précipitée et confondue par la diversité des langues. Le peuple juif, impuissant à porter le fardeau de la loi, s'inclina de plus en plus vers la terre et préféra «être «comparé aux animaux sans raison (2)», quant

1. Ga 4,4 - 2. Ps 48,13

274

à ses oeuvres, plutôt que de devenir leur égal par l'ignorance de la loi. C'est donc par un juste dessein que l'Auteur du monde attend le temps du monde et veut donner à ce monde le moyen de s'instruire, afin de l'amener à recevoir, si tard que ce soit, son Rédempteur, lui qui avait rejeté son Créateur parce qu'il n'avait pas encore l'expérience de son malheur. «Les jours de l'enfantement furent accomplis, et elle enfanta un fils, l'enveloppa de langes et le déposa dans une crèche (1)». Celui qui contient l'univers est renfermé dans le sein d'une femme; l'Auteur de la nature prend lui-même naissance; le Créateur des hommes et des temps devient le premier-né des hommes; le Trésor du ciel est enveloppé sous la pauvreté des langes; le Maître de la foudre fait entendre le gémissement de l'enfance; Celui à qui toute créature est soumise est couché dans une étable.

1. Lc 2,7-8

Sentez-vous, ô homme, quel est celui qui vous poursuit, afin de vous rappeler Jésus-Christ. Il entre dans le sein d'une femme, afin de vous y reformer; il naît, afin de vous faire renaître à l'immortalité; il devient le premier-né des hommes, afin de vous rendre participant de la nature divine. Voilà pourquoi le Christ est couché dans une crèche et devant de vils animaux, c'est afin de leur faire sentir, en quelque sorte, leur Créateur. Enfin il est placé dans une crèche, afin de réaliser cette parole dût Prophète: «Le boeuf a reconnu son possesseur, et l'âne l'étable de son maître (1)». Le Psalmiste avait dit également: «Seigneur, vous sauverez les hommes et les animaux (2)». Les hommes ne sont-ils pas comparés aux animaux, dans ces paroles du Sauveur: «Prenez sur vous mon joug, car il est doux, et mon fardeau, car il est léger (2)»

1 Is 1,3 - 2. Ps 35,7 - 3. Mt 11,28-29




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TREIZIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (SEPTIÈME SERMON)

ANALYSE. - 1. Nous devons nattre avec Jésus-Christ par les bonnes oeuvres. - 2. Nombreuses manifestations de Jésus-Christ. - 3. Naissance virginale de Jésus-Christ. - 4. Humilité et gloire de Jésus-Christ naissant. - 5. Conclusion.

1. Jésus-Christ naît d'une Vierge; quel éclat ne jette pas sur le monde cette naissance du Sauveur! En la méditant avec piété, nous mettons un. terme à nos péchés, et, rejetant les habitudes criminelles de nos mauvaises actions, nous nous unissons à la vie nouvelle, nous renaissons avec Jésus-Christ naissant. De même qu'aujourd'hui, pour sauver le monde, Jésus-Christ est sorti du sein de Marie, de même le genre humain sort aujourd'hui du sein de Marie, c'est-à-dire des entrailles de l'Église, créé de nouveau par les sacrements mystiques et spirituels, et paraît à la lumière avec Jésus-Christ, et s'élance dans la voie qui mène au salut. Je vous parle ainsi, mes frères, parce que tous nous célébrons aujourd'hui en commun la naissance du Sauveur. Trop peu de chrétiens cherchent à se rendre compte du but et de l'auteur de cette naissance; car si ce mystère était toujours présent à notre esprit, nous ne pécherions jamais; et cependant tous disent: C'est aujourd'hui la naissance du Seigneur; applaudissons par des bonnes oeuvres, réjouissons-nous dans le Seigneur par des actions saintes, dépouillons notre malice à l'arrivée de Jésus-Christ et montrons-nous bons en toutes choses. Et pourtant, malgré ce (275) langage, ils n'ont d'autres préoccupations que de satisfaire aux besoins de la chair et du sang, ils mêlent leur joie à des actions criminelles, tandis que leur âme, pour laquelle aucun bien n'est à négliger, reste privée de toute nourriture spirituelle, et tous leurs soins sont pour le corps, auquel ils n'osent imposer aucune privation en faveur de leur âme. Ceux qui célèbrent aussi indignement la naissance de leur Sauveur, est-il étonnant qu'ils soient comparés à des animaux sans raison, qui n'ont d'autre joie qu'à repaître leur corps? Si donc nous sommes des fidèles et des chrétiens, rappelons-nous quel est Celui qui a daigné naître aujourd'hui, et à la vue de sa grandeur infinie, nous changerons promptement notre vie, parce que dans cette naissance nous reconnaîtrons Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est notre vie véritable et éternelle. Renonçons à nous-mêmes et commençons à vivre pour Celui qui a daigné pour nous non-seulement naître, mais encore mourir. Contemplez sa grandeur, pénétrezvous de sa mansuétude, afin que vous méritiez de concevoir son infinie majesté. Aujourd'hui paraît pour nous à la lumière le suprême arbitre de la liberté, l'auteur de toute équité, le promoteur de la justice, le destructeur de l'orgueil, le principe de l'humilité, celui qui dissipe la discorde, nous ramène la paix, triomphe de la mort et nous procure la rédemption et la vie.

2. Mais Jésus-Christ nous a manifesté sous différentes formes son apparition sur la terre. D'abord, sur la terre, les anges le montrent aux bergers; ensuite, dans le ciel, une étoile le désigne aux Mages; dans les eaux du Jourdain, le Saint-Esprit le fait connaître clairement; enfin il se manifeste lui-même dans le vin de Cana. Tous ces prodiges ont pour but de prouver aux hommes que Celui qui, en se faisant homme, leur est apparu dans un tel état d'abaissement, est véritablement Dieu; tourtes ces merveilles confondent les incrédules qui ne voulaient voir en lui qu'un homme, et confirment d'une manière éclatante la foi des fidèles. Autrefois les enfants d'Israël, sûrs d'échapper à la haine des Egyptiens par le miracle de la mer Rouge, virent marcher à leur tête la colonne de nuée qui s'obscurcissait pendant le jour pour leur servir de guide, et se transformait en une colonne de feu qui les inondait de lumière pendant la nuit. Autant cette colonne projetait de clarté pour les Juifs fidèles, autant elle projetait d'obscurité pour les Egyptiens incrédules. Figuré par cette colonne, le Sauveur s'est toujours rendu visible pour affermir la foi des croyants, et aujourd'hui, au moment même de sa naissance, il se manifeste de la manière la plus éclatante au genre humain tout entier, pour l'empêcher de périr éternellement. Il était apparu à Abel pendant ses sacrifices, à Noé dans la construction de l'arche, à Abraham, le père des croyants, à Isaac bénissant son fils, à Jacob fuyant la colère d'Esaü, à Moïse paissant les troupeaux; c'est lui qui fit entrer Josué dans la terre promise, où devaient couler pour lui des ruisseaux de lait et de miel; c'est lui qui affermit le trône de David, accorda la sagesse à Salomon, entoura d'honneurs le sacerdoce. Or c'est ce même Sauveur qui, aujourd'hui, a daigné prendre la forme d'esclave, afin de rendre participants de sa propre nature tous ses serviteurs dévoués, et d'en faire, par l'adoption, les enfants de son Père tout-puissant. Engendré du Père avant tous les temps, et sans le concours d'aucune mère, il a créé le monde; il est né dans le temps d'une mère vierge, sans le concours d'aucun homme, et a purifié le monde de toutes ses souillures. Né de la bouche du Père, il a créé tout ce qui existe; né d'une mère vierge, il a réparé toutes les brèches faites au monde par le péché.

3. Lecteur, redoublez de vigilance et d'attention lorsque vous entendez dire que le Verbe s'est incarné dans le sein d'une vierge pour la rédemption du monde. Vous avez été formé d'une terre vierge, parce que la vie a précipité le monde dans la mort. Voilà pourquoi il a été nécessaire que le Sauveur, sorti d'un enfantement virginal, arrachât le monde à l'abîme de la mort pour le rappeler à la vie, et que Celui qui est né d'une vierge, comme homme, triomphât du prince de la mort qui avait vaincu l'homme créé d'une terre vierge. Le premier homme a été vaincu, et il a perdu la vie pour sa postérité; l'Homme-Dieu a vaincu et il a rendu aux hommes la vie qu'ils avaient perdue. Le premier Adam est devenu le chef de tous les mourants; le second Adam est devenu le chef de tous ceux qui passent de la mort à la vie. Marie a enfanté un Fils qui devait faire de tous les hommes des enfants de Dieu, qui devait nous (276) soustraire à l'ignominie de la mort et obtenir la vie éternelle à ce monde condamné à mourir. Sur la terre une Vierge-Mère engendre son Fils en forme d'esclave, et dans le ciel ce même Fils est reçu comme souverain Maître par Dieu son Père. Une Mère engendre un Fils dont elle attend sa propre nourriture, et, simple créature, elle porte dans son sein Celui devant qui le ciel n'est rien. Dans cet enfantement glorieux, ses entrailles rayonnaient de gloire plutôt qu'elles ne souffraient, l'enfant divin croissait dans son sein et formait pour sa mère un fardeau céleste qu'elle portait sans en être surchargée. Son sein renfermait Celui que les cieux ne sauraient contenir, et elle enfanta Celui qui, loin de souiller sa mère, devait par sa naissance purifier le monde de toute souillure. Sainte, elle a cru; sainte, elle a conçu; mais elle a été rendue plus sainte encore par son enfantement. Le Verbe n'était que son Epoux, mais il devient son Fils par l'Incarnation; il était son Créateur, et c'est d'elle qu'il reçoit la vie.

La foi de Marie a été pour elle le principe de sa maternité divine; l'Archange en a été le héraut. Elle devint mère et épouse vierge, et elle eut pour époux Jésus-Christ même qu'elle enfanta. Jésus-Christ n'est-il pas le Verbe sorti de la bouche du Père? Reçu par la Vierge immaculée, il revêtit dans son sein l'humanité à laquelle il devait rester éternellement uni, selon cette parole du Saint-Esprit s'exprimant par la sagesse de Salomon: «La Sagesse s'est choisi une demeure (1)». Quelle est cette Sagesse, sinon le Fils de Dieu engendré du Père avant tous les temps? Quelle est cette demeure qu'il a choisie, si ce n'est l'homme-Christ Jésus dont il s'est revêtu, que la glorieuse Vierge a engendré, que le Saint-Esprit a formé, que l'archange Gabriel a annoncé, que le choeur des anges a célébré, que l'étoile éclatante a manifesté? Marie n'a été rendue féconde que par Celui-là même qu'elle devait enfanter, et comme la lumière n'a aucun poids, la grossesse de Marie ne fut nullement pour elle un fardeau; elle tressaillait, au contraire, parce qu'elle n'ignorait pas ce qu'elle portait. Marie est devenue la Mère de Celui qui n'avait pas de père selon la chair. O heureuse Vierge, qui, devenant un nouveau ciel, a mérité de porter Dieu lui-même? Le Saint-Esprit parlait par l'ange

1. Pr 9,1.

et, en l'écoutant, Marie se sentit pénétrée de son ombre vivifiante.

4. Le Roi des rois, repoussé de partout, ne trouva d'asile que dans une grotte; il eut pour berceau une crèche, et la plume fut pour lui remplacée par le cilice. Le ciel verse sa rosée divine, et une Vierge enfante; les étoiles brillent dans le ciel, et les rois tremblent sur la terre. Les anges tressaillent d'allégresse, les bergers sont saisis d'étonnement, les mages consultent les habitants de Jérusalem, et les princes des Juifs sont confondus. Les Prophètes se réjouissent de trouver en Jésus-Christ l'accomplissement de toutes leurs prophéties. «Abraham a vu ce jour, et il s'en est réjoui (1)». Car aujourd'hui dans sa race toutes les nations ont accès à l'héritage de l'éternelle promesse. Vous avez accompli, Seigneur, ce que vous avez promis dans le passé et vous avez prouvé que vous réaliserez toujours l'objet de vos serments. Car, Seigneur, vous êtes fidèle dans vos promesses, et dans la naissance de Jésus-Christ tout est arrivé comme vous l'avez promis à Abraham. De même tout ce que vous promettez maintenant à votre Eglise, vous l'accomplirez au second avénement du Sauveur. Celui qui nous apparaît aujourd'hui sur la terre pour sauver le monde, vous apparaîtra un jour au milieu des élus pour rendre à chacun selon ses oeuvres. Aujourd'hui se manifeste le maître des archanges, la lumière des anges, l'arbitre des siècles, le libérateur de tous ceux qui cherchent en lui leur refuge, la gloire de l'intégrité, la couronne de la virginité, le secours de la chasteté, le port de la foi, l'aliment de l'innocence, le destructeur des vices, le roi des siècles, l'ami des fidèles, le rémunérateur de la vertu, l'attrait des conversions, la purification des souillures, la guérison des blessures, le guide de la vie, le secours des faibles, le modèle des saints, la voie des Prophètes, l'harmonie du Psalmigte, le charme de la pureté, l'intelligence des voyants, la force de ceux qui persévèrent, la direction du bon chemin, le repos de ceux qui sont agités, le rafraîchissement de ceux qui ont soif, le pardon des péchés, le maître des Apôtres, le précepteur du monde, le persécuteur du démon. C'est Lui qui proclame toute la sagesse des Prophètes; c'est Lui que prêchent toutes les voix des saints; la foule des Apôtres se

1. Jn 8,56.

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prosterne à ses pieds; les saints célèbrent ses louanges; il est la vraie foi de ceux qui croient; il est la solution de toutes les discussions; il est la porte du paradis et le principe de la vie éternelle.

5. Que tout âge et toute condition prêtent l'oreille: Marie a contracté alliance dans son enfantement; sa sainteté s'est accrue dans sa maternité; en devenant mère, elle a doublé son intégrité, elle a couronné sa virginité. Jésus-Christ naissant a prêté secours aux veuves, il est devenu l'appui des orphelins, l'assistance des pauvres, la vue des aveugles, le bâton des boiteux et la nourriture de ceux qui ont faim. Il est enfant parmi les hommes, jeune parmi les forts, beau parmi les anges, perle céleste, héraut de la paix, olivier de l'Eglise, vigne des martyrs, aliment de tous les siècles. Aujourd'hui nous est manifesté dans la chair Celui qui règne avec le Père et le Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.





Augustin, Sermons 1008