Augustin, Sermons 195

SERMON 195

195 1. Il y a deux Naissances du Christ; les deux impossibles à décrire.
2. Le Christ, Fils de la Vierge, Époux de la Vierge.
3. Pourquoi le Christ est venu dans la chair ?


19511. Notre Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu et Fils de l'homme, né du Père sans mère, a créé la totalité des jours; né sans père d'une mère, Il a rendue sacrée cette journée; invisible à sa Naissance divine, visible en sa Naissance humaine, étonnant dans l'une et l'autre Naissance. Ainsi dans ce qu'a prédit de Lui le prophète: "Qui pourra raconter sa Naissance ?", il est difficile de savoir de laquelle des deux il s'agit. S'agit-il de celle où, né depuis toujours, Il partage l'éternité avec son Père, ou de celle où, en un jour donné Il est né, ayant déjà formé la mère qui Lui donnait naissance? Car qui racontera comment est née la Lumière de la Lumière, et comment les deux Lumières n'en font qu'une? Comment Dieu est né de Dieu, sans qu'augmente le nombre de la Divinité? Comment on parle de sa Naissance comme d'une chose transitoire, alors que dans la première Naissance, le temps ne s'est ni enfui dans le passé, ni avancé dans le futur, pas plus qu'il n'y a eu de présent, comme si sa Naissance s'accomplissait encore sans être parvenue à son achèvement. Cette Naissance donc, qui en fera le récit? Puisque l'objet du récit demeure au-delà du temps, alors que la parole du narrateur s'écoule dans le temps? La second Naissance aussi, où Il naît d'une vierge, qui en fera le récit? Conçu dans la chair, sans oeuvre de chair, né de la chair en ayant donné la fécondité à celle qui L'a nourri, Il n'a pas détruit la virginité de celle qui L'a mis au monde. C'est pourquoi qui pourra raconter l'une et l'autre ou l'un et l'autre de ses générations?

1952 2. Tel est notre Seigneur, tel le Médiateur entre Dieu et les hommes, notre Sauveur fait Homme, qui, né du Père a aussi créé sa Mère; créature née d'une mère, Il a aussi glorifié son Père. Fils unique du Père sans être né d'une mère, Fils unique d'une mère qui n'a pas connu les embrassement d'un homme. Telle est sa Beauté qui surpasse celle des fils des hommes, Fils de sainte Marie, Époux de la sainte Église, qu'Il a rendue semblable à sa Mère. Car Il l'a faite notre mère, sans lui enlever sa virginité. C'est à elle que l'Apôtre dit: "Je vous ai fiancée à un seul Homme, vierge chaste, pour manifester le Christ." C'est d'elle encore qu'Il dit qu'elle est notre mère, non pas femme servile, mais femme libre, qui, dans son délaissement, a plus de fils que celle qui est en puissance d'homme. L'Église donc, comme Marie, est vierge à jamais, et sa fécondité est sans tache. Car la grâce que Mari a eue dans sa chair, l'Église a su la conserver dans son esprit, sauf que l'une n'a engendré qu'un Fils, tandis que l'autre beaucoup, pour les rassembler en un seul, par un seul.

1953 3. Voici donc le jour où est venu au monde Celui par qui le monde a été fait. Par cette chair Il S'est fait proche de nous, par sa Force Il n'en a jamais été éloigné; parce qu'il était dans notre monde tout en étant chez Lui. Il était dans le monde, mais caché du monde; parce que la Lumière brillait dans les ténèbres et les ténèbres ne la comprenaient pas. Il est donc venu dans la chair, pour guérir les vices de la chair. Il est venu sur cette terre qui est notre médecine, pour guérir notre regard intérieur rendu aveugle par la matière extérieur de la terre. Afin qu'une fois guéris, nous qui fûmes d'abord ténèbres, nous devenions lumière dans le Seigneur, et que désormais la Lumière présente dans les ténèbres ne brille pas pour des absents, mais qu'elle apparaisse avec clarté à ceux qui voient clair. C'est dans ce but que l'Époux est sorti de sa chambre et qu'Il a bondi de joie comme un héros en entrant dans la carrière. Beau comme un époux, courageux comme un héros, aimable et terrible, sévère et serein, beau pour les bons, terrible aux méchants. Demeurant dans le Sein du Père, Il a empli le sein de sa Mère. Dans cette chambre, c'est-à-dire dans le sein de la Vierge, la Nature divine s'est unie à la nature humaine: lorsque le Verbe S'est fait chair, afin qu'une fois sorti du sein maternel, Il habite parmi nous; afin que, nous précédant vers le Père, Il nous prépare le lieu où nous habiterons.

Célébrons donc dans la joie ce jour de fête; et, dans la fermeté de la foi, désirons la Lumière éternelle, par Celui qui, éternel, est né pour nous dans le temps. re de la Lumière, et comment les deux Lumières n'en font qu'une? Comment Dieu est né de Dieu, sans qu'augmente le nombre de la Divinité? Comment on parle de sa Naissance comme d'une chose transitoire, alors que dans la première Naissance, le temps ne s'est ni enfui dans le passé, ni avancé dans le futur, pas plus qu'il n'y a eu de présent, comme si sa Naissance s'accomplissait encore sans être parvenue à son achèvement. Cette Naissance donc, qui en fera le récit? Puisque l'objet du récit demeure au-delà du temps, alors que la parole du narrateur s'écoule dans le temps? La second Naissance aussi, où Il naît d'une vierge, qui en fera le récit? Conçu dans la chair, sans oeuvre de chair, né de la chair en ayant donné la fécondité à celle qui L'a nourri, Il n'a pas détruit la virginité de celle qui L'a mis au monde. C'est pourquoi qui pourra raconter l'une et l'autre ou l'un et l'autre de ses générations ?




SERMON 196


196 1. Il y a deux Naissances du Christ, Fils toujours engendré du Père, sans commencement.
2. La valeur des trois formes de vie: mariage, veuvage et virginité, est attestée par le Christ.
3. Dieu Enfant pour nous.
4. La fête des Calendes de janvier est une superstition.


1961 1. Le jour présent, où nous fêtons la Naissance de notre Seigneur Jésus Christ, a fait briller sur nous sa lumière. C'est Noël, jour de la Naissance du Christ. C'est aujourd'hui Noël car depuis hier les jours croissent.
Il y a deux Naissances de notre Seigneur Jésus Christ: l'une divine, l'autre humaine; les deux sont étonnantes; la première sans femme pour mère; la seconde sans homme pour être père. Ce que dit le saint prophète Isaïe: "Qui racontera sa Naissance ?" peut être rapporté aux deux Naissances. Qui pourrait rapporter dignement comment Dieu a engendré? Comment une vierge a accouché? La première s'est produite hors du temps. La seconde un jour donné. L'une et l'autre dépassent l'entendement humain et provoquent un grand étonnement.
Écoutez ce qui est dit de la première Naissance: "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu." Le Verbe de qui? De Dieu Lui-même. Quel Verbe? Le Fils Lui-même. Jamais le Père n'a été séparé du Fils. Et toutefois, Celui qui n'a jamais été séparé du Fils a engendré le Fils. Il L'a engendré sans qu'il y ait eu commencement. Sans un commencement provoqué, il n'y a pas de commencement. Et pourtant, Il est le Fils, et pourtant Il a été engendré. L'intelligence humaine dira: comment a-t-Il été engendré s'Il n'a pas commencé? S'Il a été engendré, Il a commencé; et s'Il n'a pas commencé, comment a-t-Il été engendré? Comment, je l'ignore. Tu demandes à un homme comment Dieu a été engendré? Ta question me met dans l'embarras. Mais j'ai recours au Prophète: "Qui racontera sa Naissance ?"
Suis-moi maintenant dans ce qui a trait à la seconde génération, dans laquelle Il S'est réduit à néant, en prenant la forme du serviteur: si du moins nous pouvons la comprendre, si du moins nous sommes capables d'en dire quelque chose. De fait, qui pourrait comprendre: "Lui qui, étant dans la forme de Dieu, n'a pas pensé user comme d'un privilège d'être l'égal de Dieu ?" Qui pourrait comprendre cela? Qui s'en ferait une juste idée? Quel esprit oserait scruter ces profondeurs? Quelle langue oserait en discourir? Quelle pensée aurait la force de comprendre? Laissons donc cette question pour l'instant. C'est trop pour nous. Toutefois, pour que nous n'ayons pas à faire à trop forte partie, Il S'est réduit à néant Lui-même, prenant la forme du serviteur, devenu semblable aux hommes." Où? Dans le sein de la Vierge Marie. Touchons-en donc quelques mots si tant est que nous le puissions. L'ange délivre son message, la Vierge entend, croit et conçoit. La foi dans son coeur, le Christ dans ses entrailles. La Vierge a conçu: soyez dans l'étonnement. La Vierge a enfanté, que votre étonnement croisse. Après l'accouchement, elle est restée vierge. Qui donc pourra raconter cette Naissance ?

1962 2. Voici maintenant, pour vous réjouir, très chers frères. Il y a trois formes de vie dans l'Église des membres du Christ: celle du mariage, celle du veuvage, celle de la virginité. Puisque ces formes de vie respectable devaient se trouver dans le corps sacré du Christ, chacune de ces trois formes de vie témoigne du Christ. La première, c'est le mariage: lorsque Vierge Marie a conçu, l'épouse de Zacharie, Élisabeth, avait conçu, elle aussi; elle portait dans son sein celui qui devait annoncer son propre Juge. Sainte Marie vint à elle, pour saluer sa parente. L'enfant tressaillit de joie dans le sein d'Élisabeth. Lui tressaillit, elle prophétisa. Voici pour témoigner du respect dû au mariage. Où est-il question de veuvage? A propos d'Anne. Vous venez d'entendre à la lecture de l'évangile qu'il y avait une sainte prophétesse, veuve de 84 ans, qui avait vécu 7 ans avec son mari. Elle vivait dans le temple du Seigneur, le servant dans la prière jour et nuit. Et c'est cette veuve qui reconnut le Christ. Il était tout petit quand elle le vit, mais elle reconnut sa grandeur. Elle aussi en a témoigné. Voilà pour le veuvage. En Marie, c'est la virginité.
Que chacun choisisse de ces trois vies celle qu'il veut. Celui qui voudra sortir de ce cadre, ne se dispose pas à être dans le Corps du Christ. Que les épouses ne disent pas: nous n'appartenons pas au Christ. De saintes femmes ont été mariées. Que les vierges ne s'enorgueillissent pas. Plus grand est leur état, plus elles doivent s'humilier devant tous. Voilà tous les modèles de salut qui ont été proposés à notre regard. Que personne ne s'en écarte. Que personne ne s'écarte de sa femme: mais il est mieux d'être sans femme. Si tu cherches un exemple de grandeur dans la vie conjugale, voici Suzanne; dans le veuvage, Anne; dans virginité, Marie.

1963 3. Le Seigneur Jésus a voulu être homme à cause de nous. Que cette Miséricorde ne soit pas dépréciée à nos yeux: ce qui gît à même notre terre, c'est la Sagesse. "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu." O nourriture et Pain des anges: Tu combles la faim des anges, Tu les rassasie sans les lasser; ils vivent de Toi, de Toi ils tiennent leur sagesse, de toi leur bonheur. Où es-Tu, à cause de moi? Dans une étroite auberge, dans les langes, dans une crèche. Et à cause de qui? Celui qui mène les astres, suce le sein; Il comble les anges, parle dans le Sein du Père, se tait dans celui de sa Mère. Mais Il doit parler quand viendra le temps, et accomplir pour nous l'Évangile. A cause de nous, Il souffrira, à cause de nous Il mourra; pour nous montrer ce que sera notre récompense, Il ressuscitera, Il montera au ciel à la vue de ses disciples, Il reviendra du ciel pour le jugement. Voici que Celui qui était couché dans la crèche, S'est abaissé, mais sans Se détruire. Il est devenu ce qu'Il n'était pas, mais est resté ce qu'Il était. Voici pour nous le Christ devenu Enfant, grandissons avec Lui.

1964 4. En voilà assez pour votre charité. Mais parce que je vois ici une grande foule venue pour fêter Noël, il faut que j'ajoute: les calendes de janvier vont arriver. Vous êtes tous chrétiens. Par la bienveillance de Dieu, vous vivez dans une cité chrétienne. On y rencontre deux espèces d'hommes: les chrétiens et les juifs. Qu'on n'y voie pas se produire ce que Dieu hait: des jeux indignes, des divertissements malhonnêtes. Que les hommes ne se choisissent pas eux-mêmes des juges, de peur de tomber dans les Mains du vrai Juge. Écoutez-moi! Vous êtes chrétiens, vous êtes des membres du Christ. Songez à ce que vous êtes, à quel prix vous avez été rachetés. Pour tout dire, voulez-vous savoir ce que sont vos pratiques? Je m'adresse à ceux qui s'y adonnent. Que ceux à qui elles répugnent ne s'en offusquent pas: je m'adresse à ceux qui s'y adonnent de bon coeur. Voulez-vous savoir ce que sont ces pratiques, et quelle tristesse vous nous mettez au coeur? Les Juifs s'y adonnent-ils? Rougissez-en plutôt afin qu'elles n'aient pas lieu.
Pour l'anniversaire de la Naissance de Jean, c'est-à-dire 6 mois avant Noël (ces six mois voient, en effet, la naissance du héraut et du Juge), obéissant à une pratique superstitieuse, des chrétiens sont venus à la mer et s'y sont donné le baptême. J'étais absent, mais, comme on me l'a appris, des prêtres émus, car ils se sont instruits dans notre enseignement, ont averti un certain nombre entre vous de ce qu'apprend la saine doctrine de l'Église. Certains en ont protesté et ont dit: Y avait-il matière à nous mettre en garde? Si on avait pris la précaution de le faire, nous ne nous serions pas comporté ainsi. Si les prêtres eux-mêmes nous avaient avertis, nous ne nous serions pas comporté ainsi. Eh bien, c'est l'évêque qui prend la précaution de vous avertir: c'est un avertissement, une proclamation, une dénonciation. Écoutez-le, il vous le demande. Écoutez-le, il vous en supplie. Je vous en supplie, par Celui-là même qui est né aujourd'hui; je vous en supplie et vous en fais un devoir: que personne ne s'adonne à ces pratiques!
Je me dégage ainsi de toute responsabilité. Je préfère vous en avertir de vive voix que d'éprouver l'affliction de ne pas l'avoir fait.




Sermons sur les 10 cordes

2000 du vénerable Augustin, évêque d'Hippone

Au 4e siècle ap. J.-C., saint Augustin, évêque d'Hipone, prêcha un sermon qui s'intitule "SERMON SUR LES DIX CORDES". Partant du texte des Psaumes "Je chanterai sur le luth à dix cordes", l'évêque se lance dans un commentaire des dix paroles du Sinaï. En voici les termes.


20001 Touchez ces dix cordes, et vous mettez à mort les bêtes féroces. Ces deux choses, vous les faites en même temps.

Vous touchez la première corde, lorsque vous adorez un seul Dieu. Et vous voyez tomber la tête de la superstition.

20002 Vous touchez la seconde, en ne prenant pas en vain le nom du Seigneur votre Dieu, et vous terrassez des erreurs de ces hérésies sacrilèges qui ont pris en vain le nom sacré.

Vous touchez la troisième corde, en agissant sans cesse dans la perspective du repos éternel; et vous mettez à mort une bête plus cruelle que toutes les autres: l'amour de ce monde. Sous l'inspiration de cet amour, les hommes se donnent beaucoup de mal dans les affaires qu'ils entreprennent. Pour vous, appliquez-vous à bien agir; non pour l'amour de ce monde, mais pour le repos éternel promis par Dieu.

20003 Honorez votre père et votre mère, et vous touchez la quatrième corde, en rendant à vos parents l'honneur qui leurs est dû, et vous faites tomber la bête qui figure l'oubli de la piété familiale.

Vous ne tuerez point, vous touchez la sixième corde, et vous triomphez de la bête de la cruauté.

20004 Vous ne déroberez point, vous touchez la septième corde, et vous donnez le coup de mort à l'instinct de la rapacité.

Vous ne ferez point de faux témoignage, vous touchez la huitième corde, et soudain tombe la tête du mensonge.

20005 Vous ne convoiterez point l'épouse de votre prochain, vous touchez la neuvième corde, et vous étouffez la bête des pensées adultères.

Vous touchez la dixième corde, et vous voyez tomber la tête de la convoitise.

20006 Toutes ces bêtes féroces étant ainsi terrassées, votre vie s'écoulera en toute sécurité, dans l'amour de Dieu et la société des hommes.

Voyez que de monstres vous mettez à mort en touchant ces dix cordes ! Car, chacun d'eux en comprend beaucoup d'autres ! En touchant chaque corde, ce n'est pas un seul que vous terrassez; ce sont des multitudes entières !

20007 Ainsi, vous pourrez chanter le "cantique nouveau" non point avec crainte, mais avec amour !




Augustin, Sermons 195